Il était Garde... et c'était cool - Démissions

Un départ. Chose courante bien sûr. On partait volontairement, comme ceux-ci, ou involontairement, comme ceux là. La Garde était touchée dans son corps mais aussi dans son âme. Deux morts, précédés de peu par un premier un peu plus tôt dans le mois. Pour ceux-ci, comme le disait si bien la Commandant, il n'y avait plus que le souvenir. Leurs noms avaient été ajoutés la veille à la plaque commémorative, sous le regard droit et la moustache fière du vieux commandeur.

Le paladin préférait ne plus y penser. Il n'arrivait pas à admettre que la veille on déclare que tout va bien avec un grand sourire et que le lendemain on mette les voiles sous des prétextes fallacieux. La garde "inhumaine"... lui qui avait pris le temps de recevoir l'un ou l'autre dans son bureau et qui était encore allé à leur rencontre à la suite de l'homélie de la Commandant, inquiet de savoir comment les recrues ou fraîchement promues avaient pu le prendre. Leur réponse avait été claire : "tout va bien". On voyait l'estime dans laquelle ces éléments tenaient leurs propres collègues auxquels elles ne rendaient même pas un minimum de sincérité et d'honnêteté.

Si les recrues n'étaient pas capables de voir que la journée avait été difficile pour tout le monde et que même trouver un instant pour honorer leurs morts avait été une gageure... alors oui, il valait sans doute mieux qu'elles soient parties. Aller pleurer sur l'oreiller d'un blessé faisait partie des luxes qu'ils ne pouvaient pas toujours se permettre, et, de la part du blessé, se sentir outragé pour ça relevait purement et simplement de la bêtise révélatrice d'une incompatibilité profonde et d'une totale inconscience de l'exigence du service. S'en apercevoir aussi tard était au delà de l'aveuglement. C'était de la stupidité.

Il repensait à la façon dont l'une l'avait presque supplié à genoux d'insister auprès de l'Etat-Major pour que le dossier de son ami soit étudié au recrutement malgré les clôtures d'inscription... et ça le dégoutait plus encore car il avait pris sur lui de faire valoir cette demande qui lui avait semblé particulièrement motivée. Il s'était fait avoir, tout simplement, et ça le rendait amer qu'on ait pu ainsi se moquer de lui, et à travers lui de l'institution dont on demandait un traitement de faveur. Mais bon : l'institution en souriait déjà depuis longtemps quand lui s'en remettait à peine, la colère apaisée.

Heureusement malgré cette fermeture les dossiers continuaient d'affluer. Ça lui remontait le moral. Ceux qui partaient auraient tôt fait de répandre toutes sortes de rumeurs sournoises pour justifier a posteriori leur départ auprès des oreilles complaisantes. Et d'une certaine façon il leur était reconnaissant - si tel était le cas - de permettre ainsi un premier filtrage entre ceux qui ne réfléchissent pas plus loin que le bout de leur nez et les autres. La Garde n'avait pas besoin de cervelles de moineau soufflés à la première rafale. Les collègues se serraient les coudes.

Il était Garde... et c'était cool.