Traque.
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Traque.
Dans quelques heures, l'aube allait pointer. Fidèle à sa parole, Teovan remontait lentement la rue qui menait à l'auberge où il logeait encore. Ce soir était un soir différent, car sa chambre ne serait pas vide à son arrivée. Il ralentit encore sa démarche, et respira l'air du soir, pour prolonger encore ce sentiment d'attente, exacerber cet instant unique où il se sentait vivre sans ombre autour de lui. Une nuit calme... Une belle nuit.
La porte grinça légèrement à son entrée, il prit soin de la refermer derrière lui. Accoudé au comptoir, l'aubergiste veillait les clients couche-tard tels que lui. Teovan lui fit un signe de tête, chuchotant un vague bonsoir auquel l'homme répondit par un grognement. Il posa son menton double dans sa main et renseigna un registre, à la lueur d'une chandelle presque entièrement fondue. Teovan s'étira au bas de l'escalier, puis entama l'ascension d'un pas mesuré, évitant les zones désormais connues comme étant grinçantes à en réveiller les morts... Une fois devant la porte de sa chambre, il soupira, retenant difficilement un sourire. Pour ne pas risquer de la réveiller, il enclencha doucement la poignée, et ne fit aucun bruit en se glissant dans la pièce. C'est à ce moment que son cœur sembla manquer un battement...
Une seconde lui livra la vérité de la scène qui s'était déroulée. Il maudit presque son expérience et son regard auquel rien n'échappait pour ne pas imaginer. Une douche glacée s'abattit sur lui, chassant sourire, légèreté et insouciance... Une erreur. Une seule.
« Ne fait pas de projets. Ne t'attache pas. Tu es seul et tu le seras toujours, on ne te comprendra pas, tel est ton lot, le prix de ton pouvoir. Ainsi tu échapperas aux entraves que les autres subissent, tu seras libre de chacun de tes mouvements, maître de chacun de tes pensées, personne n'aura de prise sur toi. Mais rappelle-toi surtout de ne jamais aimer... Aimer, s'attacher, mène à la ruine. Et tu finiras par être utilisé. Autant enrouler toi-même la corde autour de ton cou. Néanmoins, au prix de cette mort, tu révèleras peut-être pendant une seconde ton meilleur potentiel... Alors, petit, une seconde d'éclat et de gloire vaut-elle une éternité d'excellence ? »
La voix grave et posée de son défunt maître résonna comme une sinistre vérité. La main de Teovan se posa mécaniquement sur la poignée de la porte, il tourna le dos à la pièce. Partir, et laisser son erreur lui coûter une part de son âme, que le temps finirait par raccommoder. Rester, et laisser son erreur lui coûter la vie, et peut-être bien plus. Après la vague glacée, une chaleur bien connue monta de ses entrailles. La colère, la haine pure, dévastatrice.
« Souviens-toi que la peur, la haine, la colère, tous ces sentiments violents sont semblables. Même la joie est à deux pas de la peur. Incontrôlés, ces sentiments sont comme un brasier qui te dévore et t'empêche de réagir. Maîtrise-les, et ce sera un foyer qui réchauffera ton être et te redonnera tes forces. »
Une respiration lente, une autre plus rapide, et encore une autre lente. Chaque muscle qui se détend, les paupières closes. La boule qui montait de son estomac sembla s'estomper, se dissoudre dans son corps et le plonger dans un état de calme étrange, dans une sorte d'attente, d'attention désintéressée. Il pivota de nouveau, et embrassa la pièce du regard. Chaque détail atténuait le flou de la scène, la réalité prenant le pas sur son imagination. Il se replaça devant la porte, fit un geste pour l'ouvrir sans toucher celle-ci, puis recula. Il atteignit l'endroit où était renversée la chaise... Ainsi, pendant plusieurs minutes, il reconstitua la scène, enrichissant son esprit de tous les détails possibles sur l'intrus qui était entré ici. La moindre éraflure, la moindre trace était révélatrice d'informations telles que la taille, la force, et même le nombre d'agresseurs... Une fibre de bois arrachée, un bibelot brisé... Un morceau de cette pièce pouvait très bien se retrouver à l'extérieur. Étant donnée l'attitude de l'aubergiste, il ne s'était rendu compte de rien qui puisse l'alerter.
Alors que ce dernier allait moucher la chandelle, et frottait ses yeux fatigués, une main s'abattit sur son épaule. Sursautant, il se tourna pour faire face à son client le plus fatiguant du point de vue des horaires...
« - Je ne vous ai pas entendu arrivé, monsieur, fit-il pour sa défense...
- Ce n'est rien, dites-moi... commença Teovan. »
Et il discuta pendant plusieurs minutes avec l'aubergiste fatigué, qui lui livra laborieusement tout ce dont il se souvenait de la soirée, de l'arrivée de Cymbelîne jusqu'à sa propre arrivée à lui. Enfin, irrité par l'interrogatoire et par le manque de sommeil, il se détourna de son client pour ranger le dernier registre qu'il avait remplit sous le comptoir.
« - Si vous voulez bien m'excuser, fit-il d'un ton sec, j'ai très peu de temps avant de me reposer...
- En effet, et je vous accorde le repos éternel, lui répondit une voix froide. »
Deux bras puissants lui entourèrent le cou, une main gantée se plaqua contre sa bouche, même si aucun cri ne sortit de sa gorge. Teovan releva brusquement la tête de l'homme, puis la fit pivoter d'un geste sec et précis sur le côté. Le craquement noya pendant une seconde le silence de l'établissement. Il accompagna le corps dans sa chute et s'accroupit derrière le comptoir.
« Pour le prix de ton inattention, vieil homme, murmura l'assassin en fermant les yeux de sa victime. »
Mais il n'avait pas tué l'aubergiste pour cette seule raison. Il souleva ce dernier, toutefois avec difficulté, et le déposa près de l'âtre encore chaud. Ainsi, ce meurtre éveillerait l'attention de la garde, qui ne manquerait pas de constater le désordre de sa chambre et sa disparition. Il espéra qu'ils feraient le lien, poussant quelques investigations, afin de traquer le même homme que lui. Ce qui ne manquerait pas de harceler ce dernier au point qu'il fasse attention à ses moindres gestes... Et trop d'attention poussait à l'erreur... Il disposa le corps sans vie de manière à ce qu'on remarque qu'il avait été attaqué dans le dos. Près de l'âtre, la chaleur ferait en sorte qu'on ne puisse déterminer avec exactitude du moment de sa mort. Teovan vérifia ensuite que les registres n'ait point été falsifiés, et que sa chambre soit bien à son nom d'emprunt, à savoir Astrandìr. Il balaya la poussière sur le sol, là où il avait exécuté l'aubergiste. La scène était parfaite.
Murmure quitta ensuite l'auberge comme s'il n'y était jamais venu... Il était temps que le chasseur devienne une proie de choix.
La porte grinça légèrement à son entrée, il prit soin de la refermer derrière lui. Accoudé au comptoir, l'aubergiste veillait les clients couche-tard tels que lui. Teovan lui fit un signe de tête, chuchotant un vague bonsoir auquel l'homme répondit par un grognement. Il posa son menton double dans sa main et renseigna un registre, à la lueur d'une chandelle presque entièrement fondue. Teovan s'étira au bas de l'escalier, puis entama l'ascension d'un pas mesuré, évitant les zones désormais connues comme étant grinçantes à en réveiller les morts... Une fois devant la porte de sa chambre, il soupira, retenant difficilement un sourire. Pour ne pas risquer de la réveiller, il enclencha doucement la poignée, et ne fit aucun bruit en se glissant dans la pièce. C'est à ce moment que son cœur sembla manquer un battement...
Une seconde lui livra la vérité de la scène qui s'était déroulée. Il maudit presque son expérience et son regard auquel rien n'échappait pour ne pas imaginer. Une douche glacée s'abattit sur lui, chassant sourire, légèreté et insouciance... Une erreur. Une seule.
« Ne fait pas de projets. Ne t'attache pas. Tu es seul et tu le seras toujours, on ne te comprendra pas, tel est ton lot, le prix de ton pouvoir. Ainsi tu échapperas aux entraves que les autres subissent, tu seras libre de chacun de tes mouvements, maître de chacun de tes pensées, personne n'aura de prise sur toi. Mais rappelle-toi surtout de ne jamais aimer... Aimer, s'attacher, mène à la ruine. Et tu finiras par être utilisé. Autant enrouler toi-même la corde autour de ton cou. Néanmoins, au prix de cette mort, tu révèleras peut-être pendant une seconde ton meilleur potentiel... Alors, petit, une seconde d'éclat et de gloire vaut-elle une éternité d'excellence ? »
La voix grave et posée de son défunt maître résonna comme une sinistre vérité. La main de Teovan se posa mécaniquement sur la poignée de la porte, il tourna le dos à la pièce. Partir, et laisser son erreur lui coûter une part de son âme, que le temps finirait par raccommoder. Rester, et laisser son erreur lui coûter la vie, et peut-être bien plus. Après la vague glacée, une chaleur bien connue monta de ses entrailles. La colère, la haine pure, dévastatrice.
« Souviens-toi que la peur, la haine, la colère, tous ces sentiments violents sont semblables. Même la joie est à deux pas de la peur. Incontrôlés, ces sentiments sont comme un brasier qui te dévore et t'empêche de réagir. Maîtrise-les, et ce sera un foyer qui réchauffera ton être et te redonnera tes forces. »
Une respiration lente, une autre plus rapide, et encore une autre lente. Chaque muscle qui se détend, les paupières closes. La boule qui montait de son estomac sembla s'estomper, se dissoudre dans son corps et le plonger dans un état de calme étrange, dans une sorte d'attente, d'attention désintéressée. Il pivota de nouveau, et embrassa la pièce du regard. Chaque détail atténuait le flou de la scène, la réalité prenant le pas sur son imagination. Il se replaça devant la porte, fit un geste pour l'ouvrir sans toucher celle-ci, puis recula. Il atteignit l'endroit où était renversée la chaise... Ainsi, pendant plusieurs minutes, il reconstitua la scène, enrichissant son esprit de tous les détails possibles sur l'intrus qui était entré ici. La moindre éraflure, la moindre trace était révélatrice d'informations telles que la taille, la force, et même le nombre d'agresseurs... Une fibre de bois arrachée, un bibelot brisé... Un morceau de cette pièce pouvait très bien se retrouver à l'extérieur. Étant donnée l'attitude de l'aubergiste, il ne s'était rendu compte de rien qui puisse l'alerter.
Alors que ce dernier allait moucher la chandelle, et frottait ses yeux fatigués, une main s'abattit sur son épaule. Sursautant, il se tourna pour faire face à son client le plus fatiguant du point de vue des horaires...
« - Je ne vous ai pas entendu arrivé, monsieur, fit-il pour sa défense...
- Ce n'est rien, dites-moi... commença Teovan. »
Et il discuta pendant plusieurs minutes avec l'aubergiste fatigué, qui lui livra laborieusement tout ce dont il se souvenait de la soirée, de l'arrivée de Cymbelîne jusqu'à sa propre arrivée à lui. Enfin, irrité par l'interrogatoire et par le manque de sommeil, il se détourna de son client pour ranger le dernier registre qu'il avait remplit sous le comptoir.
« - Si vous voulez bien m'excuser, fit-il d'un ton sec, j'ai très peu de temps avant de me reposer...
- En effet, et je vous accorde le repos éternel, lui répondit une voix froide. »
Deux bras puissants lui entourèrent le cou, une main gantée se plaqua contre sa bouche, même si aucun cri ne sortit de sa gorge. Teovan releva brusquement la tête de l'homme, puis la fit pivoter d'un geste sec et précis sur le côté. Le craquement noya pendant une seconde le silence de l'établissement. Il accompagna le corps dans sa chute et s'accroupit derrière le comptoir.
« Pour le prix de ton inattention, vieil homme, murmura l'assassin en fermant les yeux de sa victime. »
Mais il n'avait pas tué l'aubergiste pour cette seule raison. Il souleva ce dernier, toutefois avec difficulté, et le déposa près de l'âtre encore chaud. Ainsi, ce meurtre éveillerait l'attention de la garde, qui ne manquerait pas de constater le désordre de sa chambre et sa disparition. Il espéra qu'ils feraient le lien, poussant quelques investigations, afin de traquer le même homme que lui. Ce qui ne manquerait pas de harceler ce dernier au point qu'il fasse attention à ses moindres gestes... Et trop d'attention poussait à l'erreur... Il disposa le corps sans vie de manière à ce qu'on remarque qu'il avait été attaqué dans le dos. Près de l'âtre, la chaleur ferait en sorte qu'on ne puisse déterminer avec exactitude du moment de sa mort. Teovan vérifia ensuite que les registres n'ait point été falsifiés, et que sa chambre soit bien à son nom d'emprunt, à savoir Astrandìr. Il balaya la poussière sur le sol, là où il avait exécuté l'aubergiste. La scène était parfaite.
Murmure quitta ensuite l'auberge comme s'il n'y était jamais venu... Il était temps que le chasseur devienne une proie de choix.
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