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Rédemption kurenaï

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Message  Zinriin Jeu 11 Sep 2008, 21:39

Le guerrier magar rampait dans l’herbe grasse de la plaine, muscles tendus, noués par l’influx nerveux, bandés sous la volonté destructrice d’un seul but : tuer. L’Anachorète paré du sinople violacé de l’Aldor avait démonté de son Ellek, observant les curieux vestiges de l’armurerie antique. Un témoignage de la désolation de jadis, ce temps impie ou son peuple avait été, le temps d’un souffle vomis de la gueule du titan déchu, éradiqué dans un déferlement de magie gangrenée. La felarcane embrasant la fureur dévastatrice des orques abreuvés de cette manne maudite. Cette guerre n’en était pas une, c’était un génocide. Le prêtre releva les yeux juste à temps pour voir l’ombre envahir son champ de vision, un éclat métallique accrocha son regard tandis qu’une violente douleur au ventre le terrassait. Mourrant, ses viscères retenues par ses deux mains en un grotesque refus d’abdiquer devant la mort qui déjà levait sa faucheuse, il contempla la puissante masse au teint hâlé qui le dominait, l’orc honni…sa fin
Déjà, son bourreau réarmait afin d’achever sa moisson…
Une détonation troubla le silence d’avant la mort, l’orc écarquilla les yeux devant la hache qui choyait au le sol lestée de sa main toujours crispée sur le manche, son moignon inondant le draeneï terrassé d’un ichor chaud. Ses hanches pivotèrent vers le point d’origine du claquement, mais le mouvement fut brisé net dans sa rotation : un deuxième impact, presque fondu dans la premier venait pulveriser le genou droit, explosant la rotule, il s’affaissa sur son genou valide. Le fier guerrier de la horde était un orc, les orcs ne cédaient pas, ils mourraient au combat, hurlant leur chant de guerre. Une crispation de la mâchoire pour retenir les flots de douleurs qui envahissaient sa carcasse, sa hargne tendue vers sa dignité, le bras gauche parvint à saisir la hache ancestrale. Là ou la douleur aurait cloué au sol un peau rose, le défenseur de Garadar arqua toute sa volonté, du gouffre de ses entrailles, il expurgea sa rage et parvint à se retourner vers son assaillant, fer sanglant serré de sa senestre. Une troisième détonation. Un éclair blanc occultant son chant de vision. La sordide impression d’une rage désormais prisonnière d’un corps inerte, il s’effondra côte à côte avec sa victime. Le prêtre récitait une litanie dans sa langue. Il ne la comprenait pas, il s’en moquait…que pouvait réciter un porteur de robe dans sa langue ? Si ce n’est des suppliques pour vivre une vie meilleure au milieu des esprits ! Pauvre fou, les esprits récompensaient la vaillance, pas la faiblesse!
Sa main gauche lâcha un instant sa lochabre pour s’enquérir de l’état de sa blessure. Sa paume rencontrant une substance molle coulant de son crâne ouvert le laissa pessimiste : une partie de son cerveau manquait, la fin venait. Dans un sursaut de fierté, il descendit son bras et ramena sa hache sur sa poitrine…une ombre couvrit son visage, masquant le soleil.
La draeneï le contemplait, vivante statue d’onyx poli, le visage ascétique figé dans la sévérité du marbre. Ses prunelles d’argent liquide le décortiquait, comme une pièce de viande à l’étal. La femelle arborait la noirceur en vêture. Outre son derme d’ébène, la maille qui moulait son corps ne renvoyait aucun reflet, passée au noir d’épée. Sur l’un de ses avant bras dénudé, il distingua d’étrange entrelacs tatoués, des rosaces et des escarboucles torturées semblant onduler sous les jeux de la lumière. A nouveau ce visage!, pas d’émotion! pas la trace de la moindre vie derrière ces lèvres! Le tromblon fumant calé sur sa clavicule confirma ses doutes : cette catin là n’avait rien à voir avec la lumière…
La chasseresse se coula à croupetons avec la fluidité d’une panthère, derrière elle, une grande louve rousse, siégeait sur son arrière train, silencieux témoin de ce qui allait suivre.
Il serra les dents, attendant son trépas. La draeneï introduisit un doigt à l’ongle effilé dans la blessure béante, raclant la paroi crânienne…
Il retint le cri de souffrance qui crispait ses mâchoires de toutes ses forces, et parvint à garder le silence : cette truie n’aurait pas le plaisir de recevoir son dernier râle, seuls ses ancêtres recevraient l' ultime chant de bataille. Elle ramena la substance devant son nez, puis inclina légèrement la tête, comme devant une découverte intrigante : ces bêtes démoniaques avaient une cervelle…elle essuya nonchalamment son index sur sa cuisse.
Sans un mot, elle tira sa longue dague taillé dans la griffe d’un démon colossal, d’un geste précis, trop vif pour le regard ralenti de l’orc, elle trancha l’oreille gauche d’un geste quasi mécanique. Se relevant, il la vit retirer un étrange anneau de métal de sa ceinture. Enfilés, comme de macabres perles, des bouts de cuir ratatinés s’alignaient. Le magar reconnut là les oreilles des siens, collectés au cours d’innombrables tueries…certaines, si petites, témoignaient silencieusement que les enfants n’avait pas échappé à la collecte. Son oreille retrouva ses pairs sur le trophée morbide…
Comme si elle revenait à la réalité, elle laissa mollement tomber la gueule du tromblon, il cracha l’enfer sur sa chair. Trois détonations plus tard, dans le hurlement d’une souffrance qui lui arracha sa dignité, il demeura agonisant, sans bras ni jambes, elle se désintéressa alors de sa proie, la louve approcha. Dans le regard émeraude de lsœur louve, il lut de la pitié, et du respect. D’un coup de ses crocs, elle ouvrit sa gorge, abrégeant ses souffrances, léchant son visage tandis qu’il partait vers la terre des esprits…

Accroupie devant le prêtre aux yeux écarquillés, elle laissa glisser son regard sur la blessure…pas le moindre mouvement sur ce visage sombre, le néant dans ses prunelles, il la regarda avec douceur.

-Mon enfant, ne cède pas aux ténèbres, ce qu’ils nous ont fait ne justifie pas ce carnage ! Des enfants…tu prends la vie d’enfants innocents ! Par les Naarus…comment peux tu…

Elle inclina la tête, alors il entendit sa voix, basse, murmurante, presque susurrante…

-Tu gis dans le sang, ici et maintenant, et, à l’heure de ton trépas, tu invoques la lumière ? Des enfants parce que les louveteaux deviennent des loups ! bien que ces chiens d’orcs n’aient rien de la noblesse du loup. Tu meures vieillard, et tes naarus n’interrompront pas leur méditative contemplation de la lumière pour toi. Renie les, accueille sur ton âme le Linceul de la vengeance, et je te sauve la vie…ouvre toi à la grande chasse…et à la rédemption !

-A quelle séide de la légion as-tu vendu ton âme !

Il observa les tatouages, rien dans les grimoires de l’éminence ne mentionnait ces motifs, elle croisa son regard.

-C’est le legs du Loup Ténébreux. La légion est faible, menée au combat par un fou trépassé, titan déchu …qui s'égare dans les mondes, au-delà du néant distordu, au-delà de la sphère de pouvoir de tes naarus vénérés, vieillard…prie donc la lumière…mais sache qu’il n’y a rien après, hormis le néant, son néant, car telle est sa croisade aux confins des mondes. Veux tu que j’abrége tes souffrances ? Ou désire tu prier ?

Il la fixa, ébahi, tandis qu’elle se relevait…ses mains retenaient toujours ses viscères, sans répondre…

-la prière donc ! à ta guise anachorète…

Se détournant, elle huma l’air comme un fauve en chasse, la louve saisit empathiquement que le moment du départ était venu, elle délaissa le magar mort. Le prêtre regarda cette ombre fluide s’éloigner d’un pas vif, courant dans le vent au côté du grand animal, la chasse était loin d’être terminée, il récita une prière pour elle, pour le salut de son âme. Etendu là, au côté de son tourmenteur, il attendit la mort, sereinement, dans la prière à la lumière. Au loin, la traque obscure entama sa danse spectrale…


Legs à la chasse

Fille des nuées ternes,
Tribut à la race païenne,
Souvenir des enfants trépassés,
Viol sanglant du peuple terrassé.

Froide mort hurlante,
Reine aux plaisirs inassouvis,
Du grand titan servante,
J’abjure ton legs impie,

Les égarés frissonnent au carnage,
Sans voir notre héritage,
Étreints vengeance avec ferveur!
Louve soignera la douleur.

De la nuit éteinte à l'astre impérial,
S’est embrasé la terre rouge brisée,
Chasseresse et louve ensemble ont tissés,
Le rêve d’une chasse kurenaï.

Je chante un ciel de cendres entrevu,
Maudissant la lumière,
Au delà d’une foi délétère,
Laissant ma vie libérée des Naarus.

J’ai vu l’orc félon terrassé,
Dans un sursaut m’implorer,
De lui donner le coup de grâce,
Chantent les lois de la chasse.

Vous jugerez, pétris de vos principes
Mon insolente sincérité,
Piétinant vos lois iniques,
J’ai la sombre Danse à honorer.

Du haut d’un ciel gangréné,
J’ai vu mourir leur engeance,
Âmes des orcs au nimbe accrochées,
De leurs râles suintait Vengeance!
Zinriin
Zinriin


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