Transes Emeraude
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Transes Emeraude
Hautes-Terres, an 31, mois 6, jour 7.
--- Je suis le gouffre au bord duquel le monde oscille.
Le vent, instable compagnon, me guide jusqu'à la corniche. Mes ailes battent, cherchent l'air malmené par les incantations du Crépuscule - si proche - frémissent une dernière fois avant de se rabattre contre mes flancs. Je change. L'ancienne blessure tiraille, à peine. Relevé, je prends le temps d'écouter le silence. Si l'on peut appeler silence le tumulte lointain des combats, les grondements qui émanent du Bastion, et la rumeur moite perçue depuis la Forêt Obsidienne en contrebas.
Mon coeur bat, mais il ne s'agit pas de peur. Ou presque pas. C'est avec exaltation que je cherche mon chemin, foulant aux pieds nus l'herbe rase et me glissant d'un pas sûr entre deux troncs tordus. J'en frôle l'écorce, parfois, grinçant des dents lorsque je sens la sève gémir. En d'autres temps, je me serais arrêté et j'aurais écouté d'avantage, jusqu'à m'atteler à soigner ce qui pouvait encore l'être ; mais pas ce soir. Ce soir, je suis ici pour châtier. Pour punir. Pour détruire.
Il est là. Il est encore là à m'attendre, comme si le temps s'était de force figé depuis le jour où je l'ai laissé. Enfermé dans sa gangue d'écorce et d'épines, il me fixe. Ses yeux brillent. Se moquent. Je réprime un frisson, puis ma main droite se lève.
J'entre dans le Rêve.
Mon coeur bat, mais il ne s'agit pas de peur. Ou presque pas. C'est avec exaltation que je cherche mon chemin, foulant aux pieds nus l'herbe rase et me glissant d'un pas sûr entre deux troncs tordus. J'en frôle l'écorce, parfois, grinçant des dents lorsque je sens la sève gémir. En d'autres temps, je me serais arrêté et j'aurais écouté d'avantage, jusqu'à m'atteler à soigner ce qui pouvait encore l'être ; mais pas ce soir. Ce soir, je suis ici pour châtier. Pour punir. Pour détruire.
Il est là. Il est encore là à m'attendre, comme si le temps s'était de force figé depuis le jour où je l'ai laissé. Enfermé dans sa gangue d'écorce et d'épines, il me fixe. Ses yeux brillent. Se moquent. Je réprime un frisson, puis ma main droite se lève.
J'entre dans le Rêve.
Nathan Eonath Hodgkin
Re: Transes Emeraude
Darnassus, an 31, mois 1.
J'entre dans le Rêve.
Le chemin sur lequel je marche n'a ni début ni fin. Il serpente dans la végétation, fraie avec la mousse et les fougères, se pare de couleurs et de parfums dont j'ignorais jusqu'alors l'existence. J'étends les bras de part et d'autre comme un enfant en équilibre sur une poutre d'exercice, et je souris. Je suis bien, ici. Je suis heureux.
La terre ondule.
L'herbe s'est raidie, hérissée. Elle respire et ondoie. De bas en haut, de haut en bas, plusieurs fois. J'ai dépassé les frontières de la sylve, et il me semble que c'est sur le dos d'un gigantesque animal que je progresse désormais, marchant pieds nus dans sa fourrure. Je cille, troublé. La bête - immense, quelle qu'elle soit - pousse alors un puissant grondement qui résonne jusqu'à mon âme et qui me fait trembler ; mes bras tanguent ; je perds l'équilibre. Un bref instant mes mains battent l'air, désespérées, agrippent la fourrure rêche. Le vide m'aspire.
Je tombe.
Longtemps.
L'air hurle et crie, ma chute n'a pas de fin. Je passe de multiples portes, il me semble en dénombrer sept. Ou neuf. Je traverse le noeud d'un arbre gigantesque, foudroyé. Il me semble même passer au centre d'une toile d'araignée avant de choir, enfin, par l'ouverture d'une vaste caverne. Je sens le sol s'approcher à une vitesse qui m'effraie. D'instinct, mes bras s'étendent à nouveau.
Spasme.
La chute a cessé. Je plane maintenant, rémiges étendues, vibrantes de l'effort qu'il me faut déployer pour garder une assiette stable. Mon bec fend l'air froid, je jubile. Loin en dessous, le monde roule à grands rubans de couleurs, de plaines en montagnes, de forêts en mangroves. Je n'aperçois pas la moindre ville, pas le moindre être humain. Il n'y a que moi, moi et l'oiseau qui me sert de corps.
Je bats des ailes avec vigueur. Il y a, là-bas, une montagne plus massive que les autres. Elle est courbe comme un dôme et me paraît si ancienne que même les pierres ne pourraient percevoir ses murmures. Pourtant, elle bouge, oui : très lentement, elle avance de quatre lourdes pattes qui ébranlent le sol à chaque avancée, et sa tête plate, un instant tournée en ma direction, me lance un regard vieux comme le temps.
Je m'éloigne, effrayé.
Quelque chose d'étranger au vent m'enveloppe, souffle et rit. Je sens sa présence effleurer mon ventre comme la caresse d'une mère aimante. Je cherche, sans voir, je tourbillonne. Sinueuse, l'entité joue encore avec moi quelques instants avant de se désintéresser et de s'éloigner - c'est, du moins, ce que je suppose à ne plus la sentir ; et j'ai beau la pourchasser, comment la rattraper si je ne la vois pas ? J'en ai le coeur serré. Je veux gémir et l'appeler, la ramener à moi. Un nom monte à mes lèvres.
Olivia.
La caverne est de retour. Moi, je ne suis plus un oiseau. Il fait noir, très noir et, tout au fond, quelque chose qui n'est pas moi respire par à-coups. Ses yeux brillent dans les ténèbres, brûlent et défient. J'avance une main prudente. Puis deux. Puis je m'approche en entier et je la prends, la Bête, entre mes bras.
Elle se débat. Elle hurle, me griffe, me mord, me dévore. Mais je ne lâche pas prise. Cela ne me fait plus autant peur qu'avant, désormais. J'ai bien réussi une fois, je peux recommencer.
Les ongles de la Bête lacèrent mon visage, plongent dans ma chair et l'éparpillent, broient mes os, sucent mon sang. Je ne bouge pas. Quand bien même la douleur me traverse comme une lame, mon étreinte ne se desserre pas. Là, là ; tout va bien. Je murmure, je rassure, même si je n'ai plus ni langue ni lèvres pour ce faire. Et enfin la Bête s'apaise. Aux ongles se substitue une langue amie, râpeuse, qui patiemment lèche mes plaies.
Je souris.
J'ai réussi.
La lumière, pour faible qu'elle soit, me brûle les yeux.
Je referme les paupières. J'attends de revenir tout à fait à moi et, pendant ce temps, mes sens reprennent pied dans l'éveil. L'ouïe me revient avec un peu de retard. Tout à fait détendu, j'essaie d'écouter ce que l'on dit autour de moi.
Il y a de grandes silhouettes penchées tout autour. Leurs voix sont vieilles comme des voix de chênes et de saules, elles grincent, elles chuintent, elles rampent. Leurs parures sont de bois et de feuillage, leurs yeux brillent comme de petits soleils. Tous ne sont pas amicaux.
- Et pour celui-là...?
- ... en ai bientôt terminé. Nous devrions pouvoir assurer la formation d'une bonne douzaine de...
- ... n'avons plus le temps. (Un froissement à mon côté me fait penser que quelqu'un vient de se lever juste près de moi) J'ai fini, avec lui. Il y a du potentiel.
- Qui as-tu vu ?
- (Léger rire) Goldrinn - comme chez la plupart des autres, il était là, bien entendu. Mais ce...
- ... temps presse. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de mobiliser autant de combattants pour...
- ... Aessina ? Hors de question de l'envoyer au Bosquet. (On m'attrape par l'épaule pour me relever, doucement mais fermement. Mes yeux ont encore peine à distinguer ce qui m'entoure)
- Et le Dieu-Tortue. (Léger rire, tout près de moi. Féminin, me semble-t-il) Mais il n'en est pas question non plus. Je pense qu'il sera plus sage de se fier à la forme qu'il a prise.
- La Serre, alors ?
- La Serre, oui.
- ... de pertes en quelques jours. Je sais que ce sont des réfugiés mais ils...
- Jeune homme ? (La voix, proche, à nouveau. Définitivement féminine. J'ouvre les yeux pour apercevoir un visage anguleux dont l'éclat m'aveugle, inhumain) Nous allons te former. Prends tes affaires, et rejoins Elaria, là-bas.
- Elaria a accepté de...? (Les deux longues créatures aux oreilles animales échangent un regard que je ne saurais décrire. La femme hoche la tête)
- Allez, maintenant. Il y a encore beaucoup à faire. (Elle me sourit, enfin) Nathan, c'est cela ? Bienvenue au Cercle Cénarien. "
Le chemin sur lequel je marche n'a ni début ni fin. Il serpente dans la végétation, fraie avec la mousse et les fougères, se pare de couleurs et de parfums dont j'ignorais jusqu'alors l'existence. J'étends les bras de part et d'autre comme un enfant en équilibre sur une poutre d'exercice, et je souris. Je suis bien, ici. Je suis heureux.
La terre ondule.
L'herbe s'est raidie, hérissée. Elle respire et ondoie. De bas en haut, de haut en bas, plusieurs fois. J'ai dépassé les frontières de la sylve, et il me semble que c'est sur le dos d'un gigantesque animal que je progresse désormais, marchant pieds nus dans sa fourrure. Je cille, troublé. La bête - immense, quelle qu'elle soit - pousse alors un puissant grondement qui résonne jusqu'à mon âme et qui me fait trembler ; mes bras tanguent ; je perds l'équilibre. Un bref instant mes mains battent l'air, désespérées, agrippent la fourrure rêche. Le vide m'aspire.
Je tombe.
Longtemps.
L'air hurle et crie, ma chute n'a pas de fin. Je passe de multiples portes, il me semble en dénombrer sept. Ou neuf. Je traverse le noeud d'un arbre gigantesque, foudroyé. Il me semble même passer au centre d'une toile d'araignée avant de choir, enfin, par l'ouverture d'une vaste caverne. Je sens le sol s'approcher à une vitesse qui m'effraie. D'instinct, mes bras s'étendent à nouveau.
Spasme.
La chute a cessé. Je plane maintenant, rémiges étendues, vibrantes de l'effort qu'il me faut déployer pour garder une assiette stable. Mon bec fend l'air froid, je jubile. Loin en dessous, le monde roule à grands rubans de couleurs, de plaines en montagnes, de forêts en mangroves. Je n'aperçois pas la moindre ville, pas le moindre être humain. Il n'y a que moi, moi et l'oiseau qui me sert de corps.
Je bats des ailes avec vigueur. Il y a, là-bas, une montagne plus massive que les autres. Elle est courbe comme un dôme et me paraît si ancienne que même les pierres ne pourraient percevoir ses murmures. Pourtant, elle bouge, oui : très lentement, elle avance de quatre lourdes pattes qui ébranlent le sol à chaque avancée, et sa tête plate, un instant tournée en ma direction, me lance un regard vieux comme le temps.
Je m'éloigne, effrayé.
Quelque chose d'étranger au vent m'enveloppe, souffle et rit. Je sens sa présence effleurer mon ventre comme la caresse d'une mère aimante. Je cherche, sans voir, je tourbillonne. Sinueuse, l'entité joue encore avec moi quelques instants avant de se désintéresser et de s'éloigner - c'est, du moins, ce que je suppose à ne plus la sentir ; et j'ai beau la pourchasser, comment la rattraper si je ne la vois pas ? J'en ai le coeur serré. Je veux gémir et l'appeler, la ramener à moi. Un nom monte à mes lèvres.
Olivia.
La caverne est de retour. Moi, je ne suis plus un oiseau. Il fait noir, très noir et, tout au fond, quelque chose qui n'est pas moi respire par à-coups. Ses yeux brillent dans les ténèbres, brûlent et défient. J'avance une main prudente. Puis deux. Puis je m'approche en entier et je la prends, la Bête, entre mes bras.
Elle se débat. Elle hurle, me griffe, me mord, me dévore. Mais je ne lâche pas prise. Cela ne me fait plus autant peur qu'avant, désormais. J'ai bien réussi une fois, je peux recommencer.
Les ongles de la Bête lacèrent mon visage, plongent dans ma chair et l'éparpillent, broient mes os, sucent mon sang. Je ne bouge pas. Quand bien même la douleur me traverse comme une lame, mon étreinte ne se desserre pas. Là, là ; tout va bien. Je murmure, je rassure, même si je n'ai plus ni langue ni lèvres pour ce faire. Et enfin la Bête s'apaise. Aux ongles se substitue une langue amie, râpeuse, qui patiemment lèche mes plaies.
Je souris.
J'ai réussi.
~*~
La lumière, pour faible qu'elle soit, me brûle les yeux.
Je referme les paupières. J'attends de revenir tout à fait à moi et, pendant ce temps, mes sens reprennent pied dans l'éveil. L'ouïe me revient avec un peu de retard. Tout à fait détendu, j'essaie d'écouter ce que l'on dit autour de moi.
Il y a de grandes silhouettes penchées tout autour. Leurs voix sont vieilles comme des voix de chênes et de saules, elles grincent, elles chuintent, elles rampent. Leurs parures sont de bois et de feuillage, leurs yeux brillent comme de petits soleils. Tous ne sont pas amicaux.
- Et pour celui-là...?
- ... en ai bientôt terminé. Nous devrions pouvoir assurer la formation d'une bonne douzaine de...
- ... n'avons plus le temps. (Un froissement à mon côté me fait penser que quelqu'un vient de se lever juste près de moi) J'ai fini, avec lui. Il y a du potentiel.
- Qui as-tu vu ?
- (Léger rire) Goldrinn - comme chez la plupart des autres, il était là, bien entendu. Mais ce...
- ... temps presse. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de mobiliser autant de combattants pour...
- ... Aessina ? Hors de question de l'envoyer au Bosquet. (On m'attrape par l'épaule pour me relever, doucement mais fermement. Mes yeux ont encore peine à distinguer ce qui m'entoure)
- Et le Dieu-Tortue. (Léger rire, tout près de moi. Féminin, me semble-t-il) Mais il n'en est pas question non plus. Je pense qu'il sera plus sage de se fier à la forme qu'il a prise.
- La Serre, alors ?
- La Serre, oui.
- ... de pertes en quelques jours. Je sais que ce sont des réfugiés mais ils...
- Jeune homme ? (La voix, proche, à nouveau. Définitivement féminine. J'ouvre les yeux pour apercevoir un visage anguleux dont l'éclat m'aveugle, inhumain) Nous allons te former. Prends tes affaires, et rejoins Elaria, là-bas.
- Elaria a accepté de...? (Les deux longues créatures aux oreilles animales échangent un regard que je ne saurais décrire. La femme hoche la tête)
- Allez, maintenant. Il y a encore beaucoup à faire. (Elle me sourit, enfin) Nathan, c'est cela ? Bienvenue au Cercle Cénarien. "
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