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Rivière d'Argent

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Message  Angron Manus Mer 12 Oct 2011, 15:09

Rivière d'Argent




I



Les lames s’entrechoquèrent dans un crissement aigue, glissant l’une sur l’autre jusqu’au choc des gardes se rencontrant ; comme deux amants trop longtemps séparé par le temps et l’espace.
D’un mouvement de rotation du poignet, le Chevalier désarma son adversaire avec aisance, ouvrant le passage vers le torse du bandit, que sa lame vint combler l’instant suivant. Le fer déchira tout d’abord la tunique de lin sans même s’en trouver freinée, puis s’enfonça dans la chair dans un concert d’os brisés et de râles d’agonie ; mêlant l’étoffe et le sang. Les yeux du brigand s’écarquillèrent d’une surprise non feinte, avant que la douleur et la peur de la mort submergent son regard émeraude.


Un second homme cagoulé se jeta sur Angron, frappant de sa pique vers la gorge du Chevalier qui n’eut la vie sauve que par un geste de la providence divine ; son épaulière de plaque lamellé venant s’interposer un battement de cœur avant que la pointe mortelle ne le taillade. L’arme de fortune, par un revers du destin, ne se brisa pas sur l’armure, l’épieu glissa entre deux jointures et emporta son porteur vers l’avant. Par un réflexe acquis après des années de guerres et de batailles sauvages, le jeune frère d’Eidolon se saisit de la hampe clair et tira d’un coup puissant… le pauvre vide-gousset, s’il eut été militaire de carrière, aurait lâché l’arme pour garder son équilibre… ce qu’il n’était pas et ne fit pas, se tenant à sa pique comme un noyé à un débris d’épave, avec l’espoir vain qu’elle fut son unique rempart face à la faucheuse et aux enfers.

Aussi rapidement qu’elle avait perforé la cage thoracique de son premier adversaire, la lame ressorti dans un bruit de chairs a vif ; le sang épais coulant à gros bouillon, venant souiller les herbes hautes d’Elwynn. A peine la lune se refléta sur le tranchant effilé, couvert du fluide épais, qu’elle siffla vers le second assaillant, déséquilibré, et mordit la peau là où nait la nuque. Si la force du coup ne fut pas suffisante à séparer la tête de ses épaules, elle taillada en profondeur cette gorge offerte… pittoresque sacrifié sur un autel de fortune.


Les deux corps sans vie s’effondrèrent en même temps dans un bruit sourd ; la mort les accueillant à bras ouvert, son éternel sourire malsain ancré à son visage émacié, drapée de son grand manteau de nuit. Il se remit en garde, accompagnant le pas d’escrime d’un moulinet du poignet qui fit gicler une trainée écarlate sous la pâle lueur de l’astre nocturne. Le Chevalier ne perdit pas une seule seconde cet air attristé qui lui sied une fois les hautes portes de Stormwind derrière lui.


Du haut de son mètre soixante-dix-sept, Angron se tenait en garde avec une aisance presque naturelle, de celle qui ne s’obtiennent que par des années et des années d’entrainement, les pieds légèrement arqués, sur ses appuis. Malgré sa lourde armure impériale aux reflets d’acier et d’Azur, il n’avait rien de ces guerriers pesant faisant tremblé le sol sous leurs pas. Ses couleurs de Chevalier, brodées avec talent sur un tabard d’un bleu profond, taché à cet instant du sang de ses assaillants ; accompagnait les tons sobres de sa cape qu’il portait sur l’épaule droite. Les cheveux mi- long, retenus par un bandeau noir au niveau du front, il gardait sur le visage un air pensif, presque inquiet ; de ces regards forgés par les remords et le passé à vif. N’adressant à ses adversaires ni haine, ni rancœur, ni colère… uniquement de la pitié silencieuse, une compassion presque douloureuse tant elle semblait empreinte des angoisses qui nous lient aux cauchemars de nos enfances.



A ses pieds, les deux pauvres hères sans vie gisaient désarticulés… se vidant lentement de leur sang chaud, chargeant l’air ambiant de fragrances corsées, de cuivre et de peur. Il avait la respiration courte et silencieuse, ne trahissait aucune fatigue, et seule les quelques gouttes de sueur a la frontière de sa tempe droite prouvait l’effort fournis. Derrière lui, près d’un puissant chêne dont les branchages cachaient presque le ciel, la forme de Phénicien, un destrier du plus pur lignage gisait avec la noblesse propre aux défunts. Il semblait reposer avec tranquillité, ses yeux clos, sa robe d’ébène souillée au niveau du garrot par son sang épais. Comme profané par cette blessure mortel ; un sanctuaire de droiture brisé par une flèche traitresse. Sans doute sa mort fut lente, douloureuse, ses pattes se dérobant sous lui alors que l’affolement laissait lentement place au harassement langoureux qui précède la fin de toute chose ; comme une ultime prière avant de sombrer dans les abysses.
Face au Chevalier ne restait que deux hommes en tenue de cuir sombre, dans la main de l’un une lame barbelée ; comme excitée par l’odeur et la vue du sang, semblant se tordre comme un serpent. L’autre tenait une targe en bois clouté, renforcé par des lanières de peau tannée, agitant un marteau comme l’aurait fait un enfant en bas âge d’un hochet. Si aucun n’avaient visiblement la carrure de vrai hommes d’armes, ils restaient toutefois dangereux, à deux contre un ; face à un combattant déjà essoufflé.


Le trio se toisa du regard de longues minutes, les deux brigands tournant lentement autour d’Angron ; comme l’aurait fait deux hyènes affamées face à Lion blessé. Jetant parfois un regard anxieux aux corps de leurs anciens compères, avant de reporter rapidement leur attention sur le chevalier, craignant que le quitter trop longtemps des yeux lui auraient offert l’occasion de les pourfendre d’une frappe rapide.


Ce qui n’était qu’à moitié faux.
Mais l’idée d’une bourse pleine, et des gains probables qui suivraient la vente de tout cet attirail aguichait en eux de bien sombres pensés. Et c’était sans compter la fille.


Ce fut l’homme au marteau, « crâne-chauve » comme il se faisait appeler, qui les avait repéré en premier. Il était tapi depuis plus de deux heures dans un fourré, à la lisière de la route qui longeait l’Elwynn vers les carmines, quand le bruit des sabots l’avait tiré de sa torpeur, l’arrachant in extremis aux bras de morphé. Et si « crâne-chauve » avait de bonnes oreilles, il avait surtout le regard perçant. Et malgré cette nuit sans lune, il avait discerné la forme du cavalier et de sa monture, et derrière l’homme, la silhouette plus menue de la femme. En deux temps trois mouvements, il avait fait signe à ses compères, préparant l’embuscade maintes fois répétés, qui avait jusque-là, toujours portés ses fruits…. Sauf bien sûr pour le pauvre George, mort le mois dernier, quand ils avaient bêtement confondus une caravane de marchand et l’escorte d’un percepteur royal... et de sa garde rapproché.


Et si « crâne-chauve » avait remarqué l’armure de l’homme, ce n’était pas chose à l’effrayer. Bien souvent, ils tombaient sur de petits nobliaux de provinces ou de pseudo-chevalier en culotte courtes, dont le port de l’armure avait comme fonction première d’attirer à eux les regards des jeunes filles. Ainsi, quand la petite bande de brigand passaient à l’action, c’était bien souvent les gens en armure qui se mettaient à fondre en larme, pleurnichant et suppliant qu’on épargne leurs vies contre leurs possessions… ce que « crâne-chauve » et ses collaborateurs faisaient sans rechigner. Après tout, comme il aimait à le dire : « un bon client est un client vivant », et il préférait leur subtiliser leurs biens et les laisser repartir nus comme des vers… avec l’espoir souvent à raison de les revoir quelques semaines plus tard.

A dire vrai, il était très rare que les vide-gousset eussent à se battre, soit leurs victimes se laissaient docilement dépouillée de la moindre piécette, soit elles sortaient les armes ; et la fuite devenait alors pour la petite bande l’option la plus sûre. Et de raison, puis ce qu’aucun d’entre eux ne savait vraiment se battre. Bradley avait bien fait son service à la milice de la marche de l’ouest, et Stan savait à peu près tenir une fourche dans le bon sens – quand il était sobre- c’est donc naturellement qu’ils avaient adoptés pour leur groupe la maxime bien connue « courageux mais pas téméraires »



A la vue de cette jeune femme dans le dos du cavalier, les plus bas instincts des détrousseurs avaient semés dans leurs esprits des images obscène et sans pudeur… les catins de comté de l’or étaient bien trop chères pour eux, et il était si rare que des jeunes filles se risquent à se déplacer seules en forêts… Quand ils avaient pu enfin discerner ces cheveux de jais coulant comme une cascade sur cette peau de miel, ces yeux opalescents, légèrement bridés, accompagnant un sourire serein alors qu’elle gardait sa tête posée contre le dos du cavalier.
S’offrait alors à eux une des rares opportunités qui aurait pu faire de cette journée une « bonne prise », chose rare en ces temps de vache maigre. Ils auraient bien sûr eu à tuer l’homme, mais l’espoir de se faire un beau tas d’or sur ces prises de guerre, et surtout, surtout de capturer cette jeune femme afin de les divertir pendant quelques semaines voir plus… voilà qui enhardissait le petit groupe.


Le piège en place, « œil-vif » avait fait mouche comme à chaque fois, sa flèche barbelée abattant sur le coup la monture qui en se cabrant fit chuter ses cavaliers. L’homme s’était effondré dans un bruit de tonnerre, son armure de métal hurlant, tandis que la femme se réceptionna sur les pieds dans un réflexe surprenant. Stan, le plus lubrique, se serait bien occupé d’elle en priorité, mais ce fut avec étonnement qu’ils virent le Chevalier se redresser, lentement mais surement, tout en dégainant sa lame. Face à ce danger sous-estimé, les quatre hommes avaient délaissé la fille de leurs attentions malsaines, pour se tourner vers le guerrier en armure. Ils savaient qu’un assaut groupé aurait tôt fait de l’épuiser de par sa lourde protection en plaque, et qu’ils n’auraient qu’a l’achever, sans grand honneur certes, mais la fin justifie les moyens.


Deux d’entre eux tombèrent dans les dix premières secondes du combat.



Après un regard grimaçant jeté à ses deux compères morts, « Crâne-chauve » leva sa lame barbelée, se préparant à se jeter sur le Chevalier de concert avec son dernier camarade en vie, priant que le porteur des couleurs d’Hurlevent s’en prenne plutôt à Bradley qu’à lui. Quelques instants avant de passer à l’assaut, un grondement sourd sur sa gauche attira son attention. Par reflexe, il jeta un regard vers le fourré, les branchages s’agitant dans les ténèbres, alors que deux prunelles couleur citrine le fixait avec colère, deux brasier orangés dans la nuit, qui s’avancèrent vers lui, suivit du corps d’un gigantesque fauve à la fourrure de jais. Il parvint à distinguer les muscles puissants roulant sous le pelage, la gueule entrouverte d’où deux crocs effilés sortaient, deux poignards mortels au cœur de la nuit. La créature se tassa lentement sur elle-même, prête à bondir ; alors qu’une peur irraisonnée s’insinua dans chaque parcelle de l’esprit de « crâne-chauve », qui voulut crier. Seul un gargouillement de frayeur s’échappa de sa gorge, tandis qu’il se faisait dessus, levant par reflexe sa lame cruelle pour accueillir le fauve d’une frappe fourbe. Le bras tendus, légèrement en l’air, sa peur se mua en colère alors qu’il prenait de l’ardeur…

Un bruit sourd le fit sursauter, son bras tranché au niveau du coude tomba lourdement au sol, comme au ralentit. Le pauvre gredin cligna plusieurs fois des yeux, sans comprendre, relevant le regard vers son moignon d’où son sang giclait par saccade. Il n’eut pas le temps de ressentir pleinement la douleur, alors qu’Angron, qui avait chargé sans un cri, terminait sa frappe de bas en haut par une rotation du coude, faisant remonter le fil de sa lame avec force ; ouvrant le brigand du bassin jusqu’à l’épaule.


Le corps sans vie s’effondra à son tour, rejoignant ses deux semblables a même le sol humide de la forêt. Couvert de sang, le Chevalier manqua de trébucher, emporté par la force de son coup, posant sa main libre au sol pour se réceptionner tant bien que mal.


Le dernier gredin, le visage décomposé par la terreur, se jeta sans réfléchir sur le Chevalier effondré, son marteau de piètre qualité venant frapper les côtes de l’homme en armure une première fois… le bruit du métal tordu couvrit le cri de douleur d’Angron, qui s’écroula sur le côté.
Levant une seconde fois le bras, pour le frapper cette fois à la tête, un sourire malsain naquit sur son visage, qui ne le quitta pas quand le félin lui bondit à la gorge, ses cross acérés lui ouvrant la gorge avec une aisance déconcertante. La jugulaire fut la première à céder, déversant un flot carmin dont la bête se reput en grondant, déchirant la chair, étouffant les gargouillis du pauvre homme. Il n’eut même pas le temps de porter une main à la gueule de la créature, que déjà la vie l’avait quitté ; la bête s’acharnant sur cette proie aisée, jouant presque avec cette gorge réduite en charpie.


- Peste… et sang...


Le Chevalier se releva lentement, une main à son flanc… l’armure avait heureusement encaissé la majeure partie du choc, et si le Serpent avait eu un effet bénéfique sur lui, c’était bien de le rendre capable de faire fit de ce genre de blessure légères. Il se douta qu’une côte avait été ébréchée quand il se mit debout, grinçant des dents sous la douleur sourde.
Angron inspira plusieurs fois, renouant son bandeau, frémissant à la sensation des sueurs froides coulant le long de son échine ; juste prix à payer de l’escarmouche… aux relents de dégout.


Il fit plusieurs pas vers la forme de la bête dévorant l’homme, sans un mot, laissant sa respiration et son odeur rappeler la créature à lui. Celle-ci tourna la gueule maculée de sang vers le Chevalier, ses prunelles opalescentes le fixant intensément, hésitant à s’occuper de cette nouvelle proie, avec une lueur de défis. Quand les fragrances de cuivre et de cendres emplirent ses narines, elle gronda, se cabrant, avant de se tasser sur elle-même tout en offrant sa gorge. Puisant dans les maigres forces qui étaient encore les siennes, Angron hocha presque imperceptiblement la tête, laissant la créature se tasser un peu plus, son pelage se fondant presque dans les ténèbres environnantes, alors que ses contours se flouaient, se dissipaient comme un mirage.


Se tenait à présent à genoux la jeune femme, la cavalière qui avait provoqué l’appétit des pauvres gredins. Ses fesses reposant sur ses pieds nus, elle portait un pantalon de toile fin, sobre au possible, de la couleur de la nuit. Une chemise d’un blanc éclatant, dépareillée, les manches légèrement déchirées et un décolleté à la fois discret et immensément profond ; marquait un haut en adéquation avec sa tenue. Ses vêtements portaient les marques sombre du sang des hommes, sa chemise autrefois immaculée était souillée de l’épais nectar carmin, qui ruisselait sur les globes charnus de ses seins, outrageante et encore à demi-féline, en appui sur ses bras et légèrement penchée en avant. Elle fixait Angron d’un air presque sauvage, un sourire carnassier et mutin au coin des lèvres, comme un chat rapportant un oiseau chez elle. Son visage fin était barbouillé du sang aux fragrances de cuivre, presque révulsant. Sa langue pourléchant ses babines, suçotant ses doigts avec une gourmandise sacrilège, sans quitter le Chevalier du regard.


Elle se releva d’un bon léger, trottina doucement vers lui, qui restait silencieux et immobile, tout de fer vêtu. D’un pas vif, elle lui tourna autour, venant de temps à autre frotter son nez contre l’armure, le tabard, ou le visage ; se hissant pour ce faire sur la pointe des pieds. Lui restait de marbre, les épaules se soulevant au rythme lent de sa respiration, ses yeux azur la fixant, deux étangs bleus clair au sein d’une clairière. Il leva lentement la main, avec la paresse silencieuse qui le caractérisait lorsqu’il prenait des vies, venant frotter sa paume gantée contre la peau de miel; récoltant un ronronnement appréciateur. Heliven caressa du bout du nez la gorge du Chevalier, son grondement de gorge devenant réconfortant, cherchant à soulager Angron de ce pli qui barrait son front pensif ; comme si cette note sourde et monocorde aurait pu faire disparaitre cette angoisse née du mélange des fantômes d’hier et d’aujourd’hui.


Ils se tournèrent ensuite vers le destrier, gisant au pied du grand arbre, dans un spectacle à la fois magnifique et terrifiant. S’avançant lentement, ils se mirent à genoux devant celui qui fut Phénicien.


Le poitrail de la bête avait cessé de se soulever et de s’abaisser au rythme lent de sa respiration agonisante. Il était déjà parti, et lorsque Heliven posa le front contre le flanc de l’étalon, elle senti la froide emprise de la mort le nimber comme un voile de soie. La chaleur du corps s’évaporant dans la quiétude de cette nuit silencieuse. Angron, lui, ne versa aucune larme, malgré sa profonde tristesse, laissant les pleurs résider dans les ruines de Deepweek, n’accordant à sa noble monture qu’une prière silencieuse. La jeune femme se contenta de garder le front contre le poitrail au pelage sanguinolent, la bouche entrouverte laissant échapper une note sourde ; une litanie animale échappant à la compréhension des hommes.


Le Chevalier leva lentement les yeux vers les branches qui ballotaient dans la brise nocturne, laissant porter son regard par-delà le feuillage émeraude. L’absence de lune semblait faire briller les étoiles avec encore plus d’intensité, formant de longues trainées pâles sur cette toile de ténèbres. Toute la Lumière de l’univers semblait s’écouler le long de ses ruisseaux lointains, suivant les flux et les reflux invisibles du temps.


Une rivière d’argent, millénaire et irréelle. Une perfection si véritable qu’Angron sentit ses yeux lui bruler, marquant ces rétines de cette image sacrée.



Et virent les larmes.





** *** *** ***


II




Angron manqua de déraper sur une pierre couverte de mousse, se rattrapant de justesse au bras tendu de la jeune femme. Elle lui sourit, et s’élança à nouveau parmi les pierres ; agile et leste. Le Chevalier tentait vainement de suivre le rythme, mesurant chacun de ses pas. Si son armure était sur le champ de bataille bien souvent l’unique chose le séparant de la mort, elle pouvait ici précipiter sa chute vers une mort certaine en contrebas des rochers.



Ils suivaient un ancien sentier aujourd’hui oublié, à l’extrême sud-est des carmines, serpentant entre les buissons épais qui avaient depuis longtemps reprit leurs droits sur les œuvres des hommes. Après avoir quitté les dernières routes fréquentées au sud de Lakeshire, ils avaient continué à faire route de nuit, malgré la fatigue et les pillards. Au fur et à mesure qu’ils s’avançaient vers leur destination, Angron était devenu plus nerveux, plus froid ; crispant de temps à autre sa main sur la garde de son arme, sans raison en apparente, tout en jetant un regard vers le ciel.
Toujours regarder le ciel.


Heliven laissait parfois la bête prendre le pas, ses contours se floutant pour prendre l’aspect d’un fauve au pelage ébène, s’enlaçant en avant et disparaissant du champs de vision du chevalier… pour revenir quelques minutes plus tard, penchant la tête sur le côté, comme pour lui indiquer qu’il faisait bien moins le malin à crapahuter dans ses vêtements d’acier.
Le sentier disparu rapidement dans la chaine de montagne qui séparait les carmines des Morasses ; dévoilant un paysage vierge, encore indompté par la civilisation, ou la lutte entre l’homme et les éléments restait en suspens, comme figé dans le temps… épargné des guerres et du cataclysme, une enclave intemporel et silencieuse.
Un paradis.


Ils connaissaient ce sentier, ils l’avaient déjà emprunté. Mais en ces lieux du passé, les vivants n’étaient pas les bienvenus, car ils tremblaient le sommeil des fantômes du passé ; ils troublaient ce qui était resté figé dans une époque révolue, ils troublaient leurs propres démons.
Alors qu’Angron et Heliven s’enfonçait d’avantage sur ce petit sentier qui serpentait entre les collines, les bois se firent plus épars, et la terre perdit de sa teinte rougeâtre, la terre brune se fronçât, prenant le gris du nord devenant chaque mètre plus sombre. Ce qui était herbe sèche et fleurs sauvages devint gravier et roches noirâtres, puis cendre. Sur les côtés des vestiges du sentier, les troncs d’arbre morts étaient couchés dans le même sens, soufflés par le plus silencieux des murmures. Le vent charriait une odeur de soufre, malgré l’absence de terre volcanique, et rien ne semblait pousser dans ces collines désolées. Seul, à perte de vue, des troncs morts et des roches sombres.
L’Enfer.



La femme-bête fronça le nez, sensible aux fragrances sévères, grondant tout bas avant de lancer au Chevalier un regard plus ferme, tendant une main ouverte vers lui, comme pour l’inciter à continuer. Ils marchèrent encore quelques heures, sans jamais ralentir l’allure plus que de raison, luttant contre l’air épais, trop, et les variations de température ; chaleur insoutenable et froid mordant, comme si les éléments eux-mêmes luttaient pour repousser les vivants hors de ces lieux.


Au détour d’une colline, ils portèrent leur regard sur la vallée autrefois pleine de vie, Heliven serrant la main gantée dans la sienne en soufflant doucement. Angron porta un regard à la fois chargé de colère et d’incompréhension, le même qu’il avait à chaque fois qu’il venait par ici. Il toussa plusieurs fois, les bronches chargées de cendres, avant de se remettre lentement en marche.
En contrebas s’étendait ce qui avait dut être un village bordant le lit d’une rivière. De chaque côté, des collines aux pentes abruptes formaient une enclave naturelle à cette vallée étroite. Venant du nord, on devinait à l’horizon les plus hautes montagnes séparant ces terres désolées du marais des chagrins. Au centre de ce paysage, que le sentier traversait de part en part pour disparaitre au détour d’une colline, les ruines d’un village dont on pouvait aisément distinguer les contours. Au fur et à mesure qu’ils s’approchèrent, leurs jambes furent couvertes d’une épaisse couche de cendre, et ils durent se masquer le visage à l’aide de la cape déchirée d’Angron pour pouvoir respirer.


Ils pénétrèrent dans ce lieu perdu en passant à côté d’un bâtiment autrefois pourvu d’une grande cheminé ; le désignant comme une forge. Son portique avait disparu, et le mur ouest s’était effondré sur lui-même. Le toit et la grande cheminée semblaient tenir en équilibre sur les murs restant, menaçant de s’écouler au moindre bruit, à la moindre parole prononcée. Le fronton de l’enseigne gisait au sol, couvert de suie, rendant les caractères illisible... et derrière, la porte à demi-calcinée laissait dépasser de l’entre bâillement une main décharnée ; la peau noircie tiré sur les os, crochue. Elle semblait tenter d’agripper le sol, pour s’extraire en vain de la ruine.


Heliven sentit un frisson courir sur sa nuque, la respiration courte, hypnotisée par la symphonie d’odeur agressives et d’images de perdition. La main du Chevalier la tirant en arrière la ramena brusquement à la réalité, trop, et elle ne put retenir un tremblement ; venant enfouir son visage dans le creux du cou d’Angron.
Ils traversèrent le village de Deepweek d’un pas rapide, tachant de ne pas regarder les maisons en ruine, les résultats d’un incendie qui aurait duré trop longtemps, brulé avec trop d’ardeur. Chaque masure semblait hurler sa terreur et sa colère, sa rancune et ses remords... Et par-dessus sous, son incompréhension, ce sentiment d’injustice, qui prenait à la gorge avec la force d’une tempête, pour vous abandonner sur le rivage, exsangue et pauvre de tout sentiment.


Ils sortirent finalement du village par l’entrée sud, après quelques minutes ou quelques heures, aucun ne pouvant en être certain. Ils se pressèrent, courant presque vers les collines, comme pour échapper aux fantômes de Deepweek, à leurs mains crochues et leurs doigts glacés.


Ils ne cessèrent de courir qu’après plus de deux heure de fuite éperdu, sans un mot, sans un regard même l’un pour l’autre, et tombèrent finalement à genoux ; faisant s’élever des volutes de cendre noires, nocives, leur arrachant des quintes de toux.


D’instinct, la main ganté trouva celle de la femme-bête, alors que tout deux levèrent de concert les yeux vers la forme sombre s’élevant face à eux, semblable à une lame d’acier noir pointant vers le ciel, une tour sombre dévorant toute Lumière.


Il n’y avait ici que le désespoir et le remord, que la Haine et la Colère.


L’Antre.
Angron Manus
Angron Manus


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Message  Heliven Dim 16 Oct 2011, 14:44

Souffrance. Sang. Angron.
La Bête se déploie, emplit mon cœur et mon cerveau.
Angron.

Mes pattes se détendent, la proie ploie. Les mécanismes sont bien rodés, les canines entament la peau tendre au niveau de la gorge. Le goût du sang chaud, promesse de carnage, un assouvissement simple et bestial. Je peux le soulever, tester comme ce corps peut retomber, deviner quel est le premier membre qui touchera le sol.
Parfum de cuivre et hêtre brûlé. Sang et douleur. Persistant comme un rappel.
Angron.

Je reprends la forme qui convient à celle de mon compagnon, j’approche, je sens. Est-ce son sang qui s’écoule… est-ce sa vie qui le quitte ? J’examine, je détaille, c’est lui. L’angoisse, les tourments. Angron.

Le passé le ronge, comme un venin, un poison qui envenime son présent, condamne son avenir.

La tour se dresse comme une grande dame, impressionnante et irascible. L'entrée est la gueule béante du cerbère qui dort à ses pieds. Mâchoire ouverte, minérale et implacable, la herse d'acier noir reste ouverte à mi position, prête à se refermer comme un piège à loup. La dentelure est rongée par la rouille et la calcine, semble prête à racler ce sol déjà marqué par de profonds sillons... pierrailles où flottent encore quelques lambeaux émaciés vert de gris, peut être un ancien étendard, ou les restes d'une cape ou pire encore.

Nous passons prudemment sous la herse, la main gantée d'Angron s'assurant que le portail de fer reste stable. Non qu'il pu retenir d'une seule main l'ouvrage imposant qui menaçait de s'effondrer, je suppose plutôt qu'il s'apprêtait à me pousser sur le côté tout en jetant son épaule dessous. Protester contre Angron à un tel moment aurait été aussi efficace que de protester contre la barrière elle même aussi me contentais-je de passer l'obstacle au plus vite.

Je marque l'arrêt dans le vestibule vide. La poussière se mêle aux cendres, rendent nos respirations sifflantes, essoufflées. Plus que ce malaise, la Bête se hérisse en avertissement à un danger que je peine à identifier. Ma main se crispe et aussitôt, l'armure du chevalier m'entoure, ses bras passés par dessus les miens. Son visage reste impassible, masque de marbre enchâssé de saphirs à l'éclat hanté.

Si Angron me tient dans ses bras, ce dernier fixe un point au loin, vers l'arche qui mène à une salle plus grande encore. Il n'est qu'à moitié là, son esprit est ailleurs, la Bête hurle en moi en s’arquant de panique.
Cauchemar.

Il œuvre, se nourrissant des doutes, des remords, le Cauchemar festoie et nous formons la pitance de cette orgie damnée.

Je suis prisonnière des murs, témoin impuissant. La salle est si propre que les dalles miroitent presque.
Magie noire.
Angron porte son armure d'apparat, livrée grise or et azur. Le Chevalier fait face à une jeune femme en robe écarlate, les cheveux noirs maintenus par une résille d'or jaune et d'or blanc, ses talons claquant sur le pavage alors qu'elle s'avance pour l'accueillir.

- Angron Manus, vous êtes en retard très cher, quel noble cœur avez vous dérobé cette fois ?

Une lueur prédatrice étincelle dans le regard de l'hôtesse, me faisant hérisser les poils de la nuque. Je griffe et feule, prisonnière de la pierre, alors que le bras fin, laiteux, s'enroule délicatement autour de celui du chevalier pour le guider.
- Lisa attend depuis des heures la pauvre, vous devriez avec honte... badine t-elle, sans obtenir la moindre réponse.

Angron avance en automate, sans doute est-il lui aussi prisonnier de son propre corps. Je les précède, découvre une grande salle de bal où nombre de convives sont présents, sans doute rassemble t-elle tous les habitants du village dans leur tenue du dimanche.
Ils sont dépareillés, semblent maladroits, extraits de souvenirs si différents qu’ils forment une foule hétéroclite, irréelle.
Les regards curieux deviennent méfiants, parfois clairement accusateurs, ils se tournent vers le couple qui avance vers le centre de la salle. Les chandelles s'allument alors, offrant une nouvelle distraction aux convives.

Dans une grande cage à oiseaux, de celles suspendues entre le plafond et le sol, peintes en blanc, de celles qui ornent les jardins des belles dames ou des nobles damoiseaux, est installée une balançoire. Et sur cette balançoire, dans une robe virginale, celle que je reconnais pour être Lisa.

Sitôt l'oiselle eut-elle reconnu Angron qu'elle saute de la petite nacelle, la laissant se balancer dans le vide. Mon cœur se serre alors qu'elle tend la main vers lui entre les barreaux, une image qui me rappelle une tout autre scène.

- Je t'ai attendu si longtemps mon chéri, mon ange, pourquoi m'as tu abandonné ? M'aurais tu oublié, toi qui disais m'aimer ?
Chaque mot décoché comme une flèche destinée à le meurtrir.
Non... non... non ! Le cauchemar va le détruire, se nourrir de sa souffrance. Je martèle ma prison, je perds pieds, je m'effondre.

Je reprends conscience dans une cage blanche identique à celle qui enfermait Lisa. Je me trouve dans la salle de réception avec tous ces fantômes du passé, à quelques mètres de la cellule jumelle. La nacelle oscille encore mais une forme calcinée, roulée en boule sur le plancher, me laisse deviner ce que j'ai du manquer.

Chaque invité porte un regard chargé de mépris et de haine sur le chevalier, hormis celle qui l'a mené jusqu'à cette salle. Elle sourit, exquise, déroutante, maléfique. Je sais ce qu'elle va dire au moment même où elle l'énonce.

- Vois-tu mon cher Ange, tous ceux que tu aimes disparaissent, tu es destiné à les perdre... tu es l’instrument de leur funeste destin.

Je détourne le regard, le cœur battant à tout rompre, me répétant sans cesse que tout est faux, que nous sommes plongés dans le Cauchemar, dans la Haine du Dragon de Deepweek. Je... ne veux pas croiser le regard d'Angron, je ne veux pas qu'il se sente coupable de ma mort.

- Vois-tu comme elle te déteste ? Elle refuse même de t'adresser la parole ou te regarder... Vois comme elle te rejette car, comme pour tout le reste, tu es responsable. Un si piètre Protecteur...
Annonce-t-elle en gloussant, amusée qu'il eut pu croire à une telle supercherie.

J'agrippe les barreaux, hurlant de toute la force que me permet l'air enfermé dans mes poumons.

- C'EST LE CAUCHEMAR, ne l'écoute pas ! Il y a sûrement une graine dans le donjon, si tu la détruits, tout sera terminé !

- T-ttt-tt Si tu n'écoutes pas gentil Angron, je la tuerai. Cauchemar ou pas, si l'esprit est convaincu d'avoir été détruit, il ne reviendra pas. Le marché va être très simple, tu vas vite comprendre : mon cœur, contre le siens. Une vie... en échange d'une autre vie, équitable non ?


La main de porcelaine glisse sur la joue du Chevalier, caresse ensorcelante qui le libère de sa paralysie.

Heliven
Heliven


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Message  Angron Manus Mar 18 Oct 2011, 15:13

Angron s’écroula lourdement au sol. Le bruit de l’armure rentrant en collision violente avec le sol de pierre résonna, le sonnant quelques instants, alors que ses muscles endoloris lançaient à son cerveaux des messages de détresse. Le gout cuivré du sang contre son palais, l’odeur de moisissure à ses narines, et la sensation de tomber ; une multitude de sons et de couleurs chamarrés. Il lui fallut plusieurs minutes pour reprendre ses esprits, retrouver l’usage de ses mains et de ses pieds.

Le Chevalier se releva lentement, se tenant à un mur de pierre, la vision encore embrumé par le lourd nuage de poussière. Non loin de là, la forme recroquevillée d’Heliven, couvert d’un voile grisâtre de cendre et de suie. Tout autour d’eux, les riches tentures qui avaient autrefois brillées de milles feu, aujourd’hui reliquat d’un passé glorieux, pendaient aux murs avec lassitude, sans la moindre brise pour les faire vibrer ; immobiles.

« Heliven… »

Il se traina lentement, chaque pas manquant de le faire chuter, les articulations de son armure grinçant d’une agonie impossible. Ses cheveux de jais collant à son visage maculé de poussière et de sang, les traits émaciés sur cet air autrefois noble, vestige d’un Chevalier d’Azeroth... fantôme parmis les autres.

Le sifflement vint de l’ombre, un feulement bestial, chimérique ; alors que les ombres s’agglutinaient, tournant sur elles même dans un ballet envoutant. Les ténèbres prenant forme, d’une créature rampant aux contours flous, un trio de pattes griffues et déformées trainant un corps boursouflé vers Angron et Heliven.
Sa gueule bardée de crocs acérés laissait couler au sol un filet de bave jaunâtre ; ses yeux globuleux s’agitant frénétiquement, peinant à se fixer sur leurs proies. Une crinière éparse garnie de dards effilée couvrait un dos bossu d’où suintaient des humeurs puantes. Ses écailles pâles qui flanquait son ventre couvert de pustule avait la teinte maladive des êtres vivants dans l’ombre ; d’une blancheur trop frappante, irréelle.

Vif malgré sa masse, la créature se jeta vers la forme assoupie de la jeune femme, levant une patte griffue vers sa proie inerte, que le chevalier bloqua de sa lame ; toute hésitation avait disparue, sa lenteur amorphe balayée par la vision cauchemardesque. Le tranchant de l’arme glissant contre la peau visqueuse, tailladant de taille et d’estoc les écailles blafardes. L’imposante monstruosité, claquant ses larges mâchoires dans le vide, incapable de saisir le combattant aguerris, qui glissait autour d’elle en délivrant des volés de coups meurtriers.

A chaque fois que le tranchant de la lame mordait le cuir de la créature, celle-ci laissait échapper un hululement de douleur. Couvert de chitine et des fluides poisseux de l’abomination onirique, Angron usait de tout son talent, toutes ses forces, de la moindre parcelle de courage et de vaillance résonnant en lui ; ne cessant de délivrer ses assauts qu’après le dernier râle d’agonie de la bête.
Elle s’effondra lourdement, son ventre boursouflé se perça au choc, déversant au sol des humeurs noirâtres, dont les émanations révulsèrent le Chevalier, les vertiges revirent avec force.
Il tomba à genoux contre son adversaire vaincu, ses mains tremblantes agrippant le corps serpentin pour le serrer contre lui, tremblant.

Depuis les plus sombres coursives de la haute tour, cette victoire au gout amer fut accueillie par un rire cristallin, semblable à milles vitraux se brisant de concert ; perçant les tympans d’Angron qui se mit à vomir bile et sang.

Et dans ses bras tremblants, la monstruosité se mit à fondre lentement, alors que sous ce corps grossier et nauséabond, la forme d’Heliven prenait place, tailladée et éventrée par la lame du Chevalier, sa peau autrefois hâlé n’exprimant plus rien sous ce pâle masque mortuaire, rien d’autre que de la rancœur et du dégout.

Sous un tonnerre d’applaudissement.
Angron Manus
Angron Manus


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Message  Angron Manus Dim 30 Oct 2011, 15:35

La hampe du bâton était forgée dans le plus sombre des aciers, la partie centrale bandée de cuir tanné. La base garnie d’un pique reflétait les rayons de la lune qui filtraient entre les poutres du bâtiment.
La partie supérieure était composée de deux croissants d’acier, enveloppant en son centre une gemme écarlate, dont la surface brillait d’un éclat de braise. La pierre tournait sur elle-même, la rotation se faisait avec paresse, sur un axe droit, alors que de temps à autre s’élevait un léger crépitement, les croissants d’acier s’illuminant brièvement d’une aura émeraude.

L’artefact trônait sur le plancher nu, semblant se tordre et s’agiter de colère, chargeant la pièce de relents de souffre et de scories ardents. Depuis les ombres de la chambrée, la bête s’avança lentement ; les muscles roulant sous ce pelage ébène. Rivant à l’objet un regard de citrine, grondant tout bas comme le ferait un animal d’un danger potentiel. Tournant autour sans quitter l’artefact des yeux, les griffes raclant le plancher ; s’arrêtant de temps à autre pour feuler vers la pierre carmine.

De tous côtés, les ombres s’agitaient, dérangées dans leur sommeil par l’intrus et la flamme ; accordant à l’une et l’autre leur tout le mépris funeste qu’elles pouvaient leur offrir.

Les contours de la bête se dissipèrent lentement, comme s’évapore un mirage, laissant la place à la jeune femme ; sans jamais que ce regard orangeâtes ne s’éteigne… fixé sur l’éclat cramoisie de la roche sertie.

D’un mouvement leste elle se releva, approchant à pas de loup le centre de la pièce, aux aguets, les sens à vif. Plantant son regard inhumain, chargé de haine sanglante et de dégout sur l’artefact, elle tendit la main, jusqu’à ce que sa paume frôle le cuir de la hampe et que les doigts se referment dans une poigne ferme.
Elle releva le bras, tenant le bâton comme une bannière, jouant à faire varier l’éclat lunaire sur sa surface polie. Elle finit par soupirer, détournant le regard vers le corps derrière elle, hésitante.

Ecrasé par les bras d’un sommeil trop lourd, ni le vent ni la pluie n’auraient réussi à le tirer des limbes oniriques ou il siégeait, attendant patiemment l’heure d’un jugement qui ne viendrai jamais. Marquant le thorax, la brulure s’entendait jusqu’à l’angle de la mâchoire, et à la limite du bassin… semblable à une plante rampante sur un mur de pierre, contrastant avec la pâleur cadavérique d’un visage émacié aux traits tirés.

De la barriere mi-close de ses lèvres s’échappait une respiration sifflante, saccadée ; chaque muscle luttant afin d’aspirer cet air trop rare, se démenant comme un radeau au cœur d’une tempête.
Le grondement de gorge de la bête se mêla aux râles, s’unissant dans une mélodie d’octaves et de bourdonnements, marquant le temps avec plus de certitude que l’astre diurne ; unique témoin a jamais silencieux.
Angron Manus
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Message  Angron Manus Jeu 22 Déc 2011, 15:08

L’immaculé manteau de l’hiver couvrait l’horizon, n’épargnant ni les plus hautes cimes des arbres, ni les flancs abrupt des montagnes, ni les berges sablonneuses qui louvoyaient le long des côtes de Lordaeron. C’était de ces nuits sans nuages, ou les astres se disputaient la voute céleste sous le regard conciliant des lunes jumelles d’Azeroth. Le vent du nord soufflait par bourrasques violentes, faisant virer le griffon en embardés acrobatiques. De ses ailes puissantes, s’élevait sur les courants chauds, se laissant planer de longues minutes ; répit éphémère au vol turbulent.
Sur le dos de la monture, l’homme et la femme s’accrochaient au plumage de la créature hybride, ballotés par le vol quelque peu chaotique. Filant vers le sud à la plus vive allure, ils traversèrent les anciennes terres d’Arathi, passant au-dessus de l’antique citadelle de Stormgrade d’où s’élevait encore quelques tourelles solitaires, maigre vestige de leur gloire passé. Guidant des talons le griffon, ils prirent la route des marécages des Paluns, laissant derrière eux les royaumes du nord, alors que se dessinaient à l’horizon les silhouettes gargantuesques des montagnes du Kazh Modan.

Les cheveux ébène de l’homme, parsemé de taches grisâtres, comme autant de cicatrices de l’âme, voletaient au rythme des rafales traitresses, manquant de les faire chuter mortellement, les forçant à serrer les jambes à l’animal. Sur son visage fatigué, marqué par le froid et le manque, pâle reflet de ce qu’il fut, les gerçures du froid hivernal, comme un triste souvenir du temps loin de chez lui.
Elle, abritée derrière l’armure, emmitouflé dans la lourde cape de laine, grognant lorsque la pluie battante les surprend. L’air devenant plus doux mais plus humide alors qu’ils survolaient les marais, relents de souffre nauséeux, ceux de la mort et de la putréfaction.

Et enfin, les montagnes blanches, les toits du monde de Dun Morogh, l’hiver au cœur de l’hiver, survolant les étendus de neiges éternelles, les membres groggys de la caresse glaciale, leur souffle chaud formant des volutes de buées, arabesques complexes se dissipant dans l’instant. Le griffon volant entre les pics élancés des plus hauts sommets, dans les gorge étroites, passant parfois si près du sol qu’on devinait les traces de renards et de lapins dans la poudreuse épaisse.

Le pelage de du griffon, aux humeurs fauves et corsés, se mêlait aux fragrances cuivrés, d’acier et de bronze, bercent la bête qui somnole, se tenant malgré tout à la cape comme un nouveau née à sa mère, sans qu’aucun virement ou brusque mouvement d’aile ne la trouble.

Le temps se fait enfin plus doux, lorsque la lisère d’Elwynn se profile à l’horizon, ces chênes, hêtres, bouleaux, majestueux et pittoresques, comme autant de sentinelles silencieuses, accueillant les deux voyageurs sans un bruit, leurs rameaux tendus vers eux comme les bras amicaux.
Se dressant alors, les hautes portes, les tours d’ivoire, les remparts de marbre de la citée du Lion, posant les deux voyageurs extenués aux abords du chemin de ronde, a l’heure du petit matin.

Prophétisant un réveil tardif, pâteux, le soleil déjà haut les regardant avec désapprobation, alors que s’offrait à eux la symphonie d’odeurs si particulière, cuirs et chevaux, bois et paille, d’une petite chambrée à l’étage d’une écurie ; Heliven en ronronnant, de nostalgie et de contentement

Au dehors, résonnait les cloches de fête, sonnant les jours du voile d’hiver.
Angron Manus
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