Bribes.

Détente.





Teryana reposa sa chope en laissant échapper un petit hoquet de satisfaction. Attablées avec elle, Gahil, qui se massait doucement les tempes, et Errialde, qui fixait la table avec désapprobation. La jeune guerrière joua avec son verre puis poussa Tery du pied lorsque celle-ci fît signe à la serveuse pour qu'on les resserve.


- Faut fêter les bonnes nouvelles non? Tu n'as pas appris ça dans tes forêts perdues?
- Chut, moins fort. Gahil reposa les mains sur la table, la mine fatiguée. On ne peut pas vraiment parler de "bonnes nouvelles" quand la personne en question garde des marques pareilles.
- C'est pas ta faute si elle a déguerpit aussi vite juste après.
- Au moins elle n'est plus en danger, mais je n'ai pas eu le temps de finir, il aurait fallu la garder plus longtemps et du repos.
- 'Te tracasse pas. On l'aura d'nouveau dans les pattes.
- C'est toi qui l'avait retrouvée, murmura Errialde.

Ses cheveux sombres cachèrent son visage comme elle baissait la tête pour examiner le contenu de sa boisson.

- Bois, ça te changera les idées, proposa Tery en esquissant un geste vers la bière.
- Je te laisse volontiers finir.

La mage haussa les épaules puis attira le verre à elle.

- Valshéa est toujours à l'étage? demanda Gahil.
- Ouiiii...et les autres aussi, tu parles d'une assemblée discrète.
- J'avais trouvé curieux que tu restes sagement avec nous...
- Ben toi, c'est pas d'la mauvaise compagnie. Dommage qu'Erri n'boive pas, conclut Tery avec un regard chagriné vers la jeune Elfe, assise bien droite sur sa chaise.

- Tery, la dernière fois qu'on a bu toutes les deux, je t'ai persuadée que Forgefer n'était qu'un grand château de sable, et ils ont dûs nous renvoyer de la taverne parce que tu essayais de creuser dans les murs avec un chandelier.
- Haha, j'avais oublié le coup du chandelier, tiens. Pis avec toi c'est toujours drôle, tu deviens morphlo...mor...morphologiquement instable quand t'es ivre.

Le silence vexé qui suivit permit à la serveuse de venir changer les chopes.


***


- Petite sœur?
- Cchhh...oui?
- Je peux faire tomber cette Gnome de sa chaise? Elle parle trop, c'est insupportable.
- Cchhht...plus vite Saphyosa aura fini de parler de ce sort, plus vite nous pourrons nous éclipser.


***


Quelque part sur la côte Nord-Est du Fjord Hurlant.

Carquois et flèches à portée de main, Kalingdora dort, recroquevillée sur le sol d'une petite grotte, une fourrure pliée sous son coude. Non loin, quelques pièces de son armure gisent en tas comme si elles avaient été transportées sans précaution.

De la buée s'échappe de ses lèvres, et dans son sommeil, son visage semble se crisper comme sous l'emprise de mauvais rêves. De profondes plaies courent de son cou jusqu'à son épaule droite.


***


Tranquillement assise, Amancia secoua la poignée de cailloux qu'elle tenait dans la main droite, puis la lança par-dessus son bras gauche, main posée au sol.
Les fragments roulèrent dans l'herbe tandis qu'elle penchait la tête vers eux, souriante. Les joues barbouillées de poussière, des mèches couvrant son front mauve, la chamane fredonna tout en poussant doucement l'une des pierres du doigt.

- Trrois. Trois par le Sud. Dans la boucle.

Derrière elle, les deux jeunes garçons se regardèrent, perplexes.

Amancia se releva, et marcha en direction du petit ruisseau non loin de là. Son public la suivit.

- Allez. Trois. Suivez le cours d'eau. Petite boucle au Sud.

Elle les suivit des yeux tandis qu'ils se mirent à trottiner le long du ruisselet. Cinq minutes plus tard, les enfants revinrent, tenant entre eux une longue branche sur laquelle étaient fixés trois magnifiques saumons.

- C'est vrai! Z'étaient dans une p'tite boucle avec de l'eau pas profonde et...
- Pa' va etre content! Il sera fier, il pensait qu'on trouverait rien!
- Merci!

La Draeneï inclina la tête avec gentillesse, un sourire approbateur aux lèvres.

- Certaines petites choses, on peut les voir. Mais maintenant il faut rentrer. Rentrez tous les deux, et ne quittez pas le sentier. Il faut suivre les merles.

- Oui on va y aller.
- Y'a des merles ici? Demanda le plus jeune à voix basse, tout en suivant son frère.
- Chut, faut pas la vexer...

Agitant la main derrière eux, ils rentrèrent au camp.
Amancia se frotta le nez, inspecta le ciel azur, puis se remit en route. En chemin, elle recommença à récolter, presque distraitement, toute sortes de petites choses sur son passage, feuilles, brindilles, voire un peu de cette laine très douce qu'ont certains animaux en sous-poil.
Au sommet d'un grand arbre s'élevèrent les trilles d'un oiseau.

Donjon de la Garde de l'Ouest, auberge, quelque temps auparavant.


L'ombre du passé.


- Réveille-toi.
- Quoi?
- Réveille-toi.

Valshéa ouvrit les yeux. Autour d'elle, la pièce demeurait plongée dans la pénombre, laissant tout juste deviner les contours des meubles et les lourds rideaux du lit.

Quelqu'un rit presque imperceptiblement.

La jeune fille s'assit, couvertures repoussées à ses pieds.

- Aucun démon ne viendrait rôder ici, invisible. Je le saurais.

Elle examina les recoins de la chambre, cherchant quelque indice sur la provenance de la voix.

- Tu sais que tu es en sûreté. Tu sais que ce n'est pas dangereux. Tu as juste chassé quelques vieux souvenirs inutiles.
- Qui es-tu?
- Izrëa.

Valshéa se mordilla la lèvre. Une seule personne de sa connaissance portait ce prénom. Izrëa Itiandys. Elle avait fort peu connu sa sœur aînée. Restait juste le souvenir d'une jeune femme aux traits délicats, chevelure noisette et grands yeux bleus. Elle avait très tôt été éloignée de la famille, passant d'une enfance sous la garde de religieuses à la maison d'un époux choisi par leurs parents, en vu des avantages financiers qu'apportait l'union des deux familles. Izrëa avait été tuée comme le reste des Itiandys lors de la chute de Lordearon. Tout cela étant su...que diable venait faire le fantôme de sa soeur auprès d'elle?

- Si tu es venue dans le but de faire bouger les objets ou de terroriser les gens à grands renforts de courants d'air, je pense que c'est raté.

- Je sais que je ne risque rien à rester avec toi.

Irritée, la petite démoniste envoya un livre proche à travers la pièce. Puis elle resta quelques temps immobile à réfléchir.

- Ça doit avoir quelque chose à faire avec l'un de ces petits souvenirs...le retour des petites nécropoles avait laissé traîner des objets parfois bizarres sur les cadavres des monstres. Lequel était à toi? Car je suppose que l'un d'eux a dû déclencher ton retour.

- Tu réagis bien calmement...mais vu ce que tu étudies, c'est normal...
- Lequel alors?
- Le bracelet avec les pierres bleues.
- Je n'aurais pas droit à un spectre pâle et vaporeux?
- Non.
- Dommage, ça aurait rajouté un petit quelque chose de plus dramatique.

Valshéa remonta les couvertures juqu'à son menton.

- Si tu permets, j'ai du sommeil à rattraper. On verra ce qu'il en est quand le soleil sera levé.
- Bonne nuit.
- Bonne nuit.

Elle reposa la tête sur l'oreiller en marmonnant.

- Me voilà à parler toute seule. Bien. Il ne me manquait plus que ça. Comme ça les gens auront peur de mes démons et d'être devant une folle. Merveilleux. Mais elle me sera peut-être utile...

Immatériel.



Elle rapprocha les mains près des fleurs, doigts écartés. Le papillon s'envola. Izrëa le suivit des yeux, fragment de couleur semblable à quelque bout de papier peint, porté dans la lumière doré.
A quelques pas de là, sa sœur Valshéa tournait lentement les pages d'un livre à la couverture brune et usée. Izrêa ramena son regard sur la flore opulente du minuscule jardin. La profusion de plantes, la couleur de ce clair après-midi lui apportait un sentiment profond de bonheur. Levant une main, elle rabattit une mèche derrière son oreille.
Les cloches se mirent à carillonner.

Sursautant, Izrëa plaqua les mains sur ses oreilles et se mit à sangloter.
Valshéa ferma le livre, agacée.

- Qu'est-ce qu'il y a encore?
- Rien...rien...juste les cloches...

Elles avaient sonnés autrefois, lorsque le Prince était revenu à Lordaeron.

- D'habitude les fantômes n'ont pas d'état d'âme.
- Je n'ai rien dit.

La jeune femme sécha les larmes qu'elle était la seule à voir. D'ailleurs personne d'autre ne pouvait la voir. Seuls sa sœur, à l'aube et au crépuscule. Personne pour voir son visage doux aux yeux clairs, personne pour lui sourire simplement parce qu'elle était belle et pour lui signifier que sa beauté était appréciée.

Je n'ai jamais rien été d'autre qu'un objet décoratif que l'on s'est passé de main en main...

A nouveau, elle regarda sa sœur, notant la façon dont elle respirait, la couleur à ses joues, percevant le battement tranquille de son cœur.

Si seulement elle avait de nouveau un corps pour ressentir à nouveau toutes ces petites choses; pour qu'on la remarque enfin pour elle-même maintenant que ses devoirs familiaux avaient tous disparus.

S'éloignant de Valshéa, elle revint vers le puissant rayon de soleil qui tombait sur l'arbre du jardin.

Il y a de petits grains de poussière...je peux parfois bouger des objets, un peu de sable aussi?

Un peu plus tard, un observateur attentif aurait remarqué, l'espace d'un instant, l'esquisse d'une main étendant les doigts sous le soleil.

Je vous en prie
Regardez-moi
Écoutez-moi
Être remarquée à présent, c'est vivre...

Paroles aux enfants.


Les lourds nuages noirs amoncelés au-dessus de la plaine restaient immobiles. A leurs pieds, brillait l'éclat métallique des armes, les combattants pataugeant dans la terre se transformant en boue glissante et teintée de rouge. Tous, le visage fermé, restaient uniquement préoccupés par le combat qu'ils menaient, tuant le frère, séparant le père, arrachant aux visages en face d'eux cette étincelle unique que d'aucuns nomment vie. L'Elfe de la Nuit contre l'Orc, l'Humain contre son ancien frère Réprouvé, Taurens et Elfes de Sang contre Draeneïs et Nains, Gnomes visant Trolls et ainsi de suite, meurtres et cris s'élevant sous le ciel.
Sur une petite butte, deux jeunes Elfes de la Nuit ramassèrent l'un un bâton, l'autre une lame. La grande sœur rejoignit son frère et tous deux regardèrent vers le bas, vers les autres.

- Sois prudente Rowann...

La jeune fille acquiesça, ses courts cheveux verts caressant l'ovale doux de ses joues. Elle se tourna puis plongea dans la mêlée, son cri de bataille l'accompagnant comme celui d'un aigle. Son frère la rejoint, et tous deux combattirent dos à dos.

- Nomin !

Il sursauta sous son appel, et lui faisant rapidement face, la vît sous le point d'être submergée par les lames. Une vague de flammes jaillit et vint s'enrouler autour de Rowann, protectrice, la sauvant de justesse, leurs adversaires retombant en cendres épaisses sous la violence de la magie.

- Traître! Hurla une Elfe plus loin, ayant observé ce déchaînement arcanique. Les alliés d'un instant se retournèrent vers le jeune Elfe et sa sœur, soulevant leurs masses vers eux, figures déformés par la haine et l'ignorance...




NON !

Gahil rouvrit les yeux, le cœur battant. Autour d'elle, la pièce était calme et silencieuse, comme elle l'était d'ordinaire en matinée. Le cauchemar et ses impressions restaient vives, elle sentait encore l'odeur de brûlé et de sang, revoyait les images de la guerre. Le chaos restait si proche des frontières préservées...

La guerre. Toutes les raisons étaient bonnes. L'appel du combat restait trop fort pour la majorité des gens, ancré dans leur cœur et leurs coutumes. N'importe quel imbécile de quelque influence trouvait attrayant d'aller attaquer l'autre camp en douce tandis que le vrai danger planait au-dessus de leurs têtes à tous. Et pourtant Elune savait ce que chaque race comportait comme personnes bonnes et dignes de respect de par le monde. Un jour les enfants devront faire leurs propres choix, et parfois fuir leur propre milieu pour trouver ce que l'existence avait de plus doux et sage à offrir.


***

Dans une prairie de Nagrand, deux heures plus tard.
Rowann taillait une branche morte pour ce qui devait sans doute devenir une épée de bois pour son frère. Ce dernier restait sagement assis à côté d'elle, l'air fasciné par l'adolescente.

A quelques pas de là, vigilante, leur mère réfléchissait en les observant.

Un peu auparavant, ils avaient parlés des morts-vivants. Gahil estimant qu'il était plus sage de tenir ses enfants au courant, leur en avait longuement parlé, tout en différenciant les Réprouvés et dans une moindre mesure, les Chevaliers de la Mort.
La curieuse situation qui était la leur avait vivement frappé sa fille, qui avait jusque là dû entendre bien des propos plus agressifs, ne serait-ce que lors de visites aux grands-parents maternels.

Prisonniers de corps altérés mais encore capables pour la plupart de se souvenir d'avant.
Beaucoup doivent changer pour survivre et ne pas devenir fous.

Méfie-toi de la haine, de la peur et de l'ignorance.
Aime tout ce qui vit et pousse, profite du vent sur ton visage.
Quand tu le pourra, n'hésite pas à faire preuve de gentillesse et de bonté, mais toujours, toujours reste sur tes gardes.
Car les innocents souffrent en premier.

-Conseils d'une mère à ses enfants-.

La blessée.



Il y a des jours comme ça où tout va de travers.

Ca avait commencé par le temps. Gris. Elle survolait les plaines désolées depuis deux bonnes heures, et seule une petite poignée de plantes garnissait le fond de sa besace. Autant pour les potions que devraient attendre. Puis elle avait essuyé une forte tempête de neige qui l'avait ballotée en tous sens comme un jouet de paille. Elle avait laissé tomber une belle branche pleine de bourgons intéressants à replanter. Dommage. Puis enfin était venu l'appel plutôt faible de son compagnon. Edaintaur semblait avoir quelques soucis.

- Euh...Diiis?
- Oui mon coeur?
- J'ai une paladine à moitié crevée ici, tu voudrais bien venir voiiir?
- Qu'est-ce que tu fais avec elle?

Parce que bon, autant on peut avoir confiance en son cher et tendre, autant cela n'empêchait pas d'être un peu méfiante. Surtout avec des dragonnes du Vol Rouge à droite à gauche. Par le biais de quelques images de repère qu'il lui transmis aussitôt, elle finit par trouver la petite grotte où il avait amené la blessée, et traversa l'illusion de roche dont il avait masqué l'entrée. A l'intérieur brûlait déjà un bon feu de camp, réchauffant sensiblement l'atmosphère. Edain avait transporté la femme près des flammes et l'avait littéralement ensevelie sous les couvertures. Son compagnon cachait un caractère plus sensible qu'on pouvait le penser au premier abord.

- Je crois qu'elle a assez chaud comme ça. Merci. Je vois que tu as déjà..oui, donné quelques soins en attendant.

Quelques minutes plus tard, elle pouvait s'assurer que la Draeneï était hors de danger malgré son aspect piteux. Une fois les hautes cornes nettoyées, elle pût examiner les dégâts. La corne droite était fendue sur toute sa longueur et fendillée de noir, comme sous l'impact d'un choc violent, plus probablement une lame. La meurtrissure sombre ne lui plaisait pas beaucoup, cela ressemblait trop à ces runes dont les chevaliers réanimés imprégnaient leurs armes. Fixant solidement un cataplasme autour de la tête pour couvrir la plaie, elle soigna ensuite facilement le bras et l'épaule meurtrie à l'aide de magie druidique. Pendant ce temps, la femme n'avait pas reprit connaissance, bredouillant seulement quelques paroles tantôt en sa langue, tantôt en Commun.

- Elle va mieux? Edaintaur se pencha par-dessus son épaule pour voir.
- Oui enfin je ne sais pas encore ce que ça va donner au réveil. Je vais rester ici en attendant, toi par contre tu peux mettre à sécher le contenu de ce sac. L'Elfe sourit.

Certains ramènent des lapins blessés, d'autres des paladines, marmonna-t-elle en regardant de plus près l'arme et l'armure de leur protégée.
Tant que ça ne devient pas une habitude...

- Elten m'avait parlé d'une paladine Draeneï avec qui il avait papoté y'a peu d'temps, vers le Nord de la Désolation. Wydjaya Fe..hmm..Feryyn je crois. Peut-être celle-là. L'Humain montra le corps étendu d'un geste du menton.
- En même temps ce n'est pas comme si les fiers combattants occupés à courir partout dans la région manquaient, humph...





(Cf. Récits en parallèle "Griseprière".)

Du clair à l'obscur : la prémonition d'Izrëa.


Lors de la chute de Lordaeron, nombre de personnes perdirent la vie. Ma famille et celle de mon mari essayèrent de fuir, mais dans la panique qui s'était déversée à travers la cité ravagée par les flammes, eux-aussi, durent périr.

J'aurais dû finir ainsi, oubliée dans la mort comme bien d'autres, au tout début de ce conflit. Durant les années qui suivirent, il en fût ainsi.

Jusqu'au jour où une simple babiole ramena à la vie un souvenir de moi, et par la magie de ma sœur Valshéa qui avait depuis longtemps voué sa vie aux ombres, je revins en esprit, fantôme dérisoire que seuls les initiés devinent et que seuls ceux de mon sang voient.

Valshéa, elle, est toujours bel et bien vivante, mais ce don précieux semble sur elle presque gâché. Savoure-t-elle seulement ce qui l'entoure?

Moi qui ne puis rien toucher, je dois voir vivre ma distante sœur auquel rien ne me relie.

A moins qu'un jour peut-être, son corps ne soit devenu mien?


Dans une chambre d'auberge, une jeune fille blonde continuait de dormir, son souffle léger soulevant tout juste le drap à son cou.
Assise à l'autre extrémité du lit, révélée par l'aurore, Izrëa, les boucles en désordre et les yeux attentifs, continuait d'observer la dormeuse...

Nouvelles, l'œil de la chamane.


Les Grisonnes, par une belle journée ensoleillée. A demi-assoupie sur la selle de sa panthère de monte, Amancia Pleure-Loup souffla sur la mèche de cheveux qui lui glissait sur le nez. Sans voir réellement les arbres qui l'entourait, elle continua à observer comme d'autres chamans l'avaient fait avant elle par le biais des esprits, les curieuses images glanées ça et là. L'œil de la chamane était grand ouvert...


***





- Tu sais qu'il y a des méthodes plus simples?
- Un coup de hache?
- Hey c'est moi qui devrait dire ça!
- Le problème c'est que seul l'un d'eux l'a dévoré.
- Si tu n'emmenais pas ce truc partout, il ne serait pas dans le ventre d'un raptor. Ah, et nous ne serions pas là avec ce filet à la noix dans les mains, parce que bien-sûr, je suppose qu'il faut les attraper vivants? Oh ce serait méchant, une druidesse qui tue de pooov' petits raptors sans défense parce que son poulet mécanique a été avalé...?

Gahil jeta un regard noir vers son compagnon puis vers la "meute" piaillarde.

- Après tout ce ne sont que de beaux petits carnivores élevés avec amour par une tribu troll pas très amicale. Tu crois qu'ils vont nous mordre? Ajouta Edaintaur en haussant les sourcils avec exagération.
- Je l'ai toujours emmené avec moi. Toujours.

***

Au cœur d'une des forêts pétrifiées de la Forêt du chant de Cristal, Nillec Liata'Nod continue d'errer, sans être un danger pour autrui, liée par le rituel du Vent de la chamane, effectué quelques jours plus tôt. A présent, elle n'entend plus la voix de la folie mais nul ne sait si cela durera...



Consciente de l'ingratitude de sa tâche, Wydjaya Feryyn s'est remise à veiller malgré tout sur sa nièce, de peur que la souillure ne gagne, puisant force dans sa foi.



***

Plus insouciante, Teryana continue à papoter et à faire les yeux doux aux Nains et à leurs bières...



...tandis que Merrigane profite du beau temps à Baie-du-Butin.




Kalingdora de son côté finit par retomber sur les siens. L'enfant gâtée doit rendre quelques comptes.



A Dalaran, Izrëa marche sur les pas de sa sœur Valshéa, invisible, à la fois protection et menace.




Mais les jours s'assombrissent, et ceux qui ont connus la guerre la connaîtront à nouveau...

La vie se poursuit, Outreterre Azeroth Norfendre.



Frontière Nord de Nagrand, sur les hauteurs. Dans l'une des fissures se nichent plusieurs petits bâtiments à l'architecture simple et discrète, faisant face au grand lac du Trône des Éléments. A l'intérieur d'une des chambres...

Un tas de couvertures et de draps en désordre recouvrant plus ou moins un grand lit.

Du tas émerge un bras, plus loin la tête d'un dormeur. L'homme, un grand gaillard aux cheveux noirs a l'air exténué de celui qui a eu une nuit mouvementé. Ce dernier ronflotte avec, lové dans le cou, un jeune croscilisque dont les marques clairs révèlent qu'il est bien loin de l'âge adulte. Sur l'épaule gauche, un chat bien gras, tandis que sur le ventre trône un bébé trotteur des prairies enroulé sur lui-même. Le reste de la pièce montre également des signes de présence d'animaux domestiques, tel petit coussin posé dans un coin, tel jouet coloré mâchouillé, devenu une loque.
Entrouvrant légèrement la porte, une elfe se glisse à l'intérieur sans faire de bruit, tasse fumante à la main, et la dépose sur la table de chevet. Un sourire marque le coin de ses lèvres en découvrant le tableau que forment les dormeurs, mais elle repart sans les réveiller. Du moins jusqu'au moment de refermer derrière elle, car son pied se prend dans le corps d'un serpent brun qui n'était pas là un instant auparavant. Le vacarme de sa chute laisse deviner une collision avec des plantes en pots.


Clopinant et bougonnant, Gahil revint vers le rez-de-chaussée, poussant du pied diverses affaires qui traînaient ça et là, visiblement du matériel de combat qu'on aurait oublié de ranger. Une heure plus tard, une affiche écrite en gros caractères ornait le tronc de l'arbre énorme autour duquel s'était développée la demeure. Visiblement, la maîtresse des lieux, fraîchement de retour de campagne, avait quelques petites remontrances à faire aux occupants et invités, comme en témoignait la répétition du mot RANGEMENT, souligné avec rage.


***


Chère Draenu..Dreneï..Dru..Draïnaï..chère Biquette.

Mes lames t'attendent toujours, et cette fois, les élémentaires ne seront pas de la partie!
Tu sais où me trouver. Ha.
Hahaha.

Signé, une Tournefil qui n'oublie pas les affronts!


*Une toute petite empreinte de main a été appuyée contre le bas de la page*


***


Teryana, occupée à tuer l'ennui en fouillant dans un grenier, souffla sur une poignée de gnomographies anciennes, manquant de s'étouffer sous la densité du nuage ainsi soulevé. Agitant la main devant le visage, elle baissa les yeux vers sa trouvaille, et eu un sourire goguenard.

Ce serait bête de laisser ça ici. Allez hop, on emmène ça à Theramore aussi.


***

Un vieil Orc, sa tunique chamarrée claquant dans le vent, agita la main vers les deux silhouettes occupées à se disputer dans une barque, laquelle oscillait fortement. Ozghul soupira, et retourna chercher une corde dans la tente toute proche, tandis que conformément à ses prévisions, ses deux jeunes nièces atterrissaient dans le fleuve.

- Moeghan? Mahalka! La coorde ohé attrapez la cooorde!


***

Amancia souleva péniblement la dalle. Rien. La Gnome traînait régulièrement au quartier des Nains de Stormwind, et elle avait pris l'habitude de cacher partout de petits messages à son intention, comme ravie de la voir chercher des heures entières le soir. L'intuition d'Amancia ne lui disait rien, il allait falloir chercher encore. Et derrière les lourdes tentures à l'effigie d'Ironforge? Rien non plus. Elle laissa retomber le tissu rouge avec résignation. Bâillant, elle se mit en route vers les quais quand tout à coup, le reflet de l'eau sembla l'hypnotiser. Elle se rapprocha et là, vît flotter une petite bouteille avec en son cœur une note de parchemin.

Merrigane, Merrigane...

La Draeneï secoua la tête.


***

Appuyant à fond sur les pédales du mécanotrotteur pour le faire accélérer, puis se cramponnant comme ce dernier partait à toute allure par grands bonds, Gahil se demanda un instant ce qu'elle faisait là. Tout avait commencé par une remarque innocente sur la mécanique. Et deux semaines plus tard, faiblissant sous les plaintes répétées de "J'veux un trotteur de métal m'man!", elle se retrouvait à tester la sécurité d'un pareil engin, afin de laisser sa fille l'utiliser sans risques.
Conclusion, c'était abominable.
Le cœur soulevé par les bouffées de fumée s'en échappant, l'estomac balloté de tous les côtés, sa pauvre passagère nullement accoutumée à de tels embardées pria pour qu'aucune vis importante ne se détache en cours de route...

***

Fort-du-Givre aux Pics Foudroyés, à la tombée de la nuit.

L'une des nombreuses tempêtes de neige commençait à se lever, le vent soufflant autour des guetteurs Givre-Nés. Apparemment indifférente au froid, une jeune femme regardait deux Nains occupés à discuter entre eux à voix basse, resserrant leurs capes et tirant sur leurs capuches.

Bon sang l'un de vous va bien finir par faire attention à moi, parole d'Ogg!

Depuis qu'elle avait fait connaissance des fiers Nains Givre-Nés, Teryana était comme fascinée. Hélas pour elle ils ne réagissaient qu'avec politesse, malgré ses fréquents coups d'œil et tentatives de charme, ce qui la vexait profondément. Alors qu'à l'ouest d'autres menaient de rudes combats contre l'influence maléfique qui se faisait sentir, la mage continuait son "défi" personnel...

Le poison d'esprit.


Une à une tombaient les feuilles sur la place, brièvement touchées par la lumière vacillante du crépuscule. L'ombre s'étendait déjà, portée par la façade de la cathédrale silencieuse à cette heure. Au loin, le murmure des voix s'adoucissait comme les marchands fermaient leurs échoppes et remerciaient leurs derniers clients. On entendait tout près le bruit de pas des enfants menés jusque chez eux.

Au pied de l'un des arbres attendait une jeune femme, visage disparaissant sous un chapeau à large bord, visiblement en attente.

- Je t'ai amenée ici à ta demande. Mais ne compte pas sur moi pour aller écouter un prêche ou deux à l'intérieur de l'église.

Quelques marques apparurent sur le tronc le plus proche, semblables à des griffures, comme si quelque chose était en colère.

Va!

- Non.

Tournant les talons, la petite silhouette sembla brusquement stoppée dans son élan. Suffocante, Valshéa ne put que contenir sa rage alors que de nouvelles meurtrissures venaient marquer son cou déjà bleui. Où était passée le fantôme obéissant qui ne l'aurait jamais touchée? Depuis plusieurs jours, elle se réveillait en proie aux cauchemars, elle et sa sœur se faisant face sur la corde raide qu'elle devinait être sa propre volonté.

Toutefois, la volonté était cruciale pour ceux qui avaient emprunté la voie de la magie de l'ombre. Un bête exorcisme pour se débarrasser de l'esprit servant de sa sœur Izrëa la priverait d'un outil précieux, aussi cherchait-elle prudemment le moyen de reprendre le contrôle.

Le pas d'un prieur derrière elle fît battre son pouls tandis qu'elle avançait docilement dans la cathédrale pour contenter le fantôme. Avec prudence, elle finit par se retrouver à errer du côté de la bibliothèque des médecins dans la partie est du bâtiment.

Elle referma son ouvrage avec un léger agacement. Ce n'était pas là qu'elle trouverait ce qu'il lui fallait. Oh non...


***

Tourne et tourne et tourne la roue.

Amancia traça lentement la spirale dans le sable. Dans son esprit, des images de feu et de flammes, de rocs brisés. Dans l'heure qui suivrait, elle aura déjà oublié le message, mais pour les prochaines semaines les mois à venir, son doigt dessinera encore et encore le signe de ce qui arrivera.

***

Sur les hauteurs de Nagrand, au Manoir.

L'endroit était curieusement calme et tranquille. Survolant les jardins, on pouvait apercevoir quelques talbuks, un cheval, ainsi qu'un drake occupé à examiner un massif de fleurs avec intérêt. Tout ce petit monde était légèrement somnolent, et pour cause, la chaleur de ce début d'après-midi étant particulièrement prononcée.

Les croscilisques du bassin n'étaient pas en train de se battre, seul l'un d'entre eux mordillait mollement un comparse, tandis que ses yeux se fermaient tout doucement.

Malgré la mise en garde qui lui a été adressée, Saphyosa était visible sur une terrasse, ses mèches roses cachant son visage, occupée à examiner un assemblage visiblement fait de sa main. La Gnome finit par se faufiler par une fenêtre, non sans récupérer bon nombre de branchettes et lianes qui s'accrochèrent à sa robe.

Dans la cour du jardin d'hiver, une Elfe rempotait en baillant quelques pots, ses cheveux cachés dans le large chapeau de paille quelque peu défraîchi posé sur sa tête. Derrière elle, un garçonnet jouait apparemment avec délice avec un imposant tas de terreau.

A la troisième poignée de terre reçue sur les épaules, Gahil se retourna pour fixer sévèrement Nomin, lequel était bien trop occupé à remuer la terre avec enthousiasme pour la remarquer. Lasse, sa mère récupéra un pot, puis se levant avec quelque raideur d'être restée accroupie si longtemps, quitta l'endroit.

Après un séjour en Norfendre, être de retour à la maison était plus que bienvenu, ne serait-ce que pour se rappeler qu'il ne faisait pas toujours un froid mordant lorsqu'on mettait un pied dehors.

Retournant s'installer avec plaisir sur un banc au soleil, la druidesse se laissa aller à fermer les yeux, un coussin sous la nuque.

Tery vers Zul'Drak. Kalingdora...quelque part...mais hors de danger. Valshéa avec son fantôme dans les Grisonnes. La petite furtive en Strangleronce, toujours à attendre le retour d'Amancia, sur qui elle semble faire une fixation.
Edaintaur quelque part dans la Couronne de Glace...

Lui savait sans doute ce que tramait le groupe gravitant autour de lui. Elten, ami toujours fidèle. Saphyosa qui était sans doute ébranlée par le changement d'orientation belliqueux de son Vol. Daphyosa qui traînait près d'elle. Tüliana en prise avec de vieux souvenirs. Gherysera, continuant son apprentissage, accompagnée peut-être de Nawydän et son fauve. Ythysera, qui s'était lancée avec courage en Norfendre aussi. Vereetha la curieuse prêtresse de l'Exodar convertie au culte d'Elune...et la froide Ereï nouvelle venue.

Par Elune, quelle chaleur...

Juste au moment où elle commençait à s'assoupir, deux petites mains poussiéreuses s'abattirent sur son front, la faisant sursauter. Nomin gazouilla quelque chose à son intention, puis finit par passer les bras autour de son cou, désireux de se faire porter. Au même moment, un bruit épouvantable se fît entendre à l'étage.
L'Elfe roula par-dessus le banc, l'enfant serré contre elle, aux aguets.

Le foyer était normalement considéré comme sûr. Il s'agissait en l'occurrence du deuxième manoir, reconstruit bien plus solidement que le premier, qui avait été détruit par des explosions, un an auparavant. La prudence aidant, l'actuelle demeure était cette fois protégée par de puissants sortilèges qui avaient nécessités l'aide de bien des contacts à l'époque.
L'idée d'un danger à cet endroit mît la paisible druidesse dans une rage folle, ne supportant pas que son foyer, son refuge, devenu le lieu le plus précieux pour elle, puisse être la cible d'intrusions.

Gahil rampa en direction de la sortie, Nomin toujours avec elle. Celui-ci sentant également que quelque chose clochait, écoutait, bouche close, les yeux fixés sur le visage de sa mère. Arrivés au pallier, rien d'inhabituel. Elle observa longuement à droite et à gauche, écoutant avec attention. Et si finalement elle se faisait des idées? Nomin gigota pour essayer de regagner le sol. Sa mère hésita, puis décida de céder. Ridicule de bondir ainsi...

Gahil se releva, défroissant d'une main sa tunique. Tournant le visage plus bas, la vue du chantier terreux la rappela à la réalité. Un coup de balai s'imposait, et il y a avait un tout près. Ouvrant une petite pièce faisant office de réserve, elle se figea comme une masse noire se déploya soudain et engloutit toute lumière.


***

Silhouette tout juste discernable dans la semi-pénombre de la chambre, Keshem ouvrit le vieil ouvrage qui reposait sur la table lui faisant face. Son interlocutrice, rapprochant la bougie, resta silencieuse.

- L'une des plus grandes forces est celles de l'esprit. L'esprit nous aide à surmonter des épreuves. Il est le refuge qui nous donne le courage de résister. Si l'esprit vacille, tout est possible...

Étrange trio au clair de lune.


- Peeeeerrrr-duuuuu-huuuuus daaannnnnnnsss leeeeesss connngèèèèèè-èèèrrreeeess, 'noouus faaauuut d'la bièèèèèèè-èèèèèreuuuuuuhhh dans leeeeeee gosieeeeeerrrr!

Un groupe d'oiseaux s'envola en trombe du bosquet d'arbres d'où provenait la chanson, faisant tomber la neige par poignées épaisses. Teryana, ivre-morte mais réchauffée par la boisson et le pas presque sûr grâce à l'entraînement, sortit en se dandinant du fourré. Sur sa tête, un reste de couronne en papier rose et quelques confettis épars et humides.

- Que ceux qui ne tiennent pas l'alcool me suivent paaas. Lâcha-t-elle avec un reste de fierté narquoise.

Derrière elle, le bruit étouffé d'une armure de métal dont le porteur s'effondrait dans la neige, ainsi qu'un rire moqueur s'élevèrent. Amancia la chamane profita d'un instant de répit dans sa propre hilarité pour aider leur compagne à se relever, ses longs bracelets d'ivoire cliquetant. L'Humaine et la Draeneï finirent par remettre l'Elfe sur ses pieds, plutôt chancelants.

- Ça pourrait presque être une d'ces pièces de théââtre, t'sais, avec un Gnome, un Humain, et un autre qui leur dit..
- Je ne vveeux pas savoir.
- Rhoo allez quoi, j'crois que j'me souviens même de la fin, c'tait l'histoire de trois bonhommes paumés qui...
- Burps...
- Elle parle encore!
- Nan c'pas vraiment parler ça tu sais.
- Elle a bougé les lèvres...
- C'est sa 'spiration t'sais...hic!

Le trio se mit à avancer tant bien que mal vers ce qui semblait être en ce instant un havre de paix attirant, en l'occurrence un gros rocher un peu en surplomb de la vallée. Dans un fracas peu harmonieux, les trois femmes se laissèrent tomber dessus, se tenant encore les bras l'une l'autre. Entre Teryana et Amancia, la jeune Errialde, qui semblait très loin de tout ce qui les entouraient, observait confusément le ciel étoilé, cheveux hirsutes et armure pleine de neige. Amancia soupira, la tête posée sur son épaule.

-'Ery 'e cwois que he huis collée au hétal.
- Hein?
- Egarde
- Ah ouais
- Hu peux haider?

Levant un doigt dans la direction approximative du cou de la chamane, Tery essayant d'ôter les deux tentacules qui restaient fixés au métal gelé de l'armure.

- Ha joue aussi.
- Voui voui, je vais voir c'que j'peux faire. Quelle idée de piquer un roupillon sur l'armure d'une autre hein? Ha. Si j'me plante, tu seras un peu raccourcie, et si je fais fondre l'armure de l'autre-là, elle va me découper en deux au réveil, en fait ça me tente pas trop d'essayer tu vois.
- Ery!
- Ouais ouais...

Une minuscule lueur orangée naquît au bout de l'index de l'Humaine, libérant instantanément la chamane de sa camarade. Cette dernière sourit.

- Tu as fait des progrès dans la magie du Feu.
- Héhé
- Mieux vaut tard que jamais.
- T'es réveillée toi?
- Ben non elle dort, j'sais reconnaître quelqu'un qui a pris une cuite moi...
- Alors qui a parlé?

Regards suspicieux d'ivrognes balayant les alentours.

- Moi je sais... C'est le Terrifiant...le Monstrueux...L'implacable... Teryana retint sa respiration pour ménager un effet. Le Grinche !

- Qui ça?
- Hooo... Elle appuya le visage sur ses mains. J'avais oublié qu'avec toi ça n'allait pas le faire. Tu sais, cet espèce de monstre à cornes, qui apparaît parfois dans les montagnes d'Altérac. Moche. Une odeur à faire s'évanouir un mort. Y s'balade et surgit vers les gens, 'vec des hurlements et tout.
- Aahh...je comprends mieux. Une curiosité locale alors.
- Ouep.

Toutes deux firent une petite pause, uniquement ponctuée par un ou deux marmonnements de l'Elfe entre elles. Farfouillant dans sa manche, Teryana finit par en sortir un petit manche de torche, qu'elle embrasa puis planta dans la neige près d'elles.

- Tery?
- Mhh?
- Pourquoi tu nous a traînées ici au fait?

La mage se tortilla sur son siège glacial, perdant d'autres confettis.

- On fêtait quelque chose j'crois. Elle se gratta la jambe.
- En tout cas la soirée était...sympathique.
- Honteuse, oui!

Elles se retournèrent. Se débarrassant de sa capuche d'un geste vigoureux à défaut d'être gracieux, une Gnome les fixaient, visiblement furieuse, ses mèches rousses luisant à la lueur de la flamme.

- Quels comportements honteux! Ivresse sur la voie publique, ivresse en randonnée, chansons paillardes, gestes suggestifs, vols, vous rejetez la honte sur nous!

Les soi-disant coupables se regardèrent.

- J'ai plus trop suivi après "chansons", j'avoue...
- Vols? Elle lui a juste emprunté sa chope avant de l'assommer, c'était un ivrogne qui traînait devant le bar. Joli coup cela dit.
- "Gestes suggestifs"? Moi? Quoi, quand j'ai dit que la nature nous avait donné des appâts qui devaient être utilisés?!...Protesta Tery en pressant des mains indignées sur les soi-disant appâts.
- Tu es dévergondée.
- Si peu...
- En même temps elle n'a pas été si gâtée que ça niveau intell...
- J'te permets pas spèce de biquette!

Redressant une tête vacilllante au milieu du vacarme, Errialde tenta d'accommoder son regard vers la personne la plus proche.

- Quicestquimafaitboirecetruc...
- Ouais et puis depuis quand une messagère va venir nous faire des leçons de moral? Tu vois cette épée? Eh ben j'peux je te la faire éclater avec du givre Madââme, oui, et même la deuxième là! Celle qui est aussi grande que toi.

-Euh, Tery, t'avais pas parlé de mariage?
-Ah...?

Le Rituel du Vent d'Amancia.


Quelques temps auparavant.

Teryana, toujours là où on ne veut pas d’elle et comme attirée par ce qu’elle ne devrait pas savoir, trainaille du côté du coté de la Désolation des Dragons. Après seulement deux démarrages ratés, son tapis volant comme d’habitude rétif à porter quelqu’un finit par s’élancer presque majestueusement dans les airs, pour aussitôt sombrer vers la côte à la vitesse d’un avion en papier.

S’arrachant à regret d’une longue discussion avec un malheureux druide elfe qui avait eu le malheur de croiser sa route en allant soigner un arbrisseau rachitique, la jeune femme se laissa mollement porter par les vents faibles de ce début d’après-midi ( le tapis ayant finit par planer au raz des flots). Deux heures plus tard, Tery parcourait le rivage à pied et plutôt en rogne (foutu tas de tissu).

- Ce n'est pas possible tu es un vrai radar gobelin! Mains croisées sur les hanches, Gahil, emmitouflée dans un large manteau verdâtre et l'air contrarié, l'observait à quelques mètres de là. Derrière elle, six autres membres du clan, à cheval ou déjà pied à terre, tous visiblement assez sérieux.

- C'passe quoi là, un pique-nique? Une célébration? Une fête druidique où on danse tout nus autour d'un feu?

Bref silence glacial.

- Pas vraiment.
- Hé c'est pas la folle qui m'a poursuivie autour d'Ymirheim l'autre jour là-bas? Teryana pointa le doigt vers une Draeneï aux longues cornes blanches, un peu à l'écart du groupe.

- Disons que si tu pouvais éviter ces provocations, cela nous simplifierait le travail. L'Elfe fît un geste discret de la main vers l'une des personnes. Maintenant, si tu es sur place aussi, essaye de rester tranquille, d'accord?
- Euh...oui.

Se faufilant rapidement vers un jeune homme blond en armure, qui tentait vainement d'échapper à ses yeux, Tery le suivit en se faisant discrète. Le groupe se déplaça pour s'enfoncer un peu plus dans le sous-bois. A voix basse, elle interrogea Elten, toujours auprès d'elle. Il s'avéra qu'il était là plus par précaution que par réelle nécessité. Depuis qu'ils avaient adoptés la paladine errante Wydjaya Feryyn, le soucis posé par la nièce de cette dernière se posait toujours. Le Clan veillait sur les siens, or la jeune fille était passée par les rangs "de Celui qui demeurait sur son Trône", le Prince Déchu.

- Pourquoi elle n'est pas avec les autres, ceux de la Lame d'Ebène?

A vrai-dire, ça aurait été plus facile pour tous. Une partie de ces Chevaliers libérés avait formé la Lame, les autres étaient morts ou s'étaient cachés pour continuer à préparer des plans néfastes. Mais ici, c'était encore différent, la jeune fille était devenue folle, donc un danger pour elle-même et tous ceux qu'elle croisait.

- Pauvre Wydjaya...
- Oui, il aurait presque mieux valu que Nillec meurt.

Depuis leur combat, au cours duquel Wydjaya avait été blessée, la chamane Amancia avait commencé à ruminer, enfin plus que d'habitude, et ce des jours durant. Et là, la veille, elle avait réuni certains d'entre eux pour tenter une cérémonie magique. Ou chamanique, Elten ne savait pas vraiment.

- Tu lui fais confiance? Elle est un peu...dérangée elle aussi.

Elten savait juste qu'il devait être là si jamais les choses tournaient mal. Peut-être que la simplette savait ce qu'elle faisait, à sa manière. Une fois qu'il arrêta de parler, Teryana se tût quelques instants, puis gloussa.

- En tout cas ça nous a permit de nous retrouver un peu ensembles.

Le paladin rougit.

Ils s'arrêtèrent sur un signal d'Errialde, la grande guerrière discutant avec Amancia et examinant une clairière vide avec attention.

- Apparemment ils vont faire ça là. Commenta Tery sans que personne ne fasse attention à sa remarque.
- Chuut.
- Rho ça va, j'ai rien dit.

Amancia à présent en compagnie des deux parentes, se dirigea vers le milieu de la clairière, leurs sabots faisant craquer l'herbe gelée, unique bruit dans la forêt pétrifiée. Les autres s'étaient réunis en arc de cercle, Gahil parlant doucement avec leur prêtresse, toutes deux visiblement sur leurs gardes.
Seule la chamane continuait de se déplacer à présent, fouillant dans ses poches, sacoches, et ôtant la fourrure qui lui couvrait les épaules, la laissant tomber à terre. Dans le silence qui s'était installé, la scène paraissait curieusement insolite. Elle amena la jeune folle contre l'unique tronc grisâtre au centre, plaça Wydjaya derrière l'arbre, et émietta ce qui ressemblait à de la vieille laine décolorée en un vaste cercle autour d'elles.

Teryana s'attarda un instant à dévorer le blond Elten du regard, puis examina à nouveau ce qui passait. Amancia semblait en avoir terminé avec ses préparatifs, et agitait une petite fiole opaque à l'aspect peu engageant, ayant comme bouchon un bout de racine rouge. Elle la déboucha, renifla, puis fermant les yeux, poussa soudain un cri strident qui retentit avec force dans la clairière.

Amancia avala une gorgée puis se rapprochant de l'arbre central, la souffla sur Nillec, la faisant sursauter. Le liquide se cristallisa aussitôt. Marmonnant de façon incompréhensible, la chamane fît mine de saisir les éclats, puis de les avaler, ses bracelets d'ivoire dansant contre son corps.


- Je recolle les morceaux de celle qui fût toi.

La folie je l’endors, les voix je les fais taire.

Par le Vent je te lie. Des bruissements d'air, comme des murmures se firent entendre, frémissant dans la clairière. Sans se laisser distraire, la chamane continua.

Deux personnes formeront le sceau. Deux gardiennes de ton esprit. Le Vent te gardera, pour la paix de l’esprit.

J’appelle Amancia pour le sceau d’ancrage. Elle pirouetta sur elle-même, puis se retournant vers Nillec.

Moi Amancia je te lie.

J’appelle Wydjaya pour le sceau de garde. Elle la regarda avec intensité. S'éclaircissant la gorge, cette dernière parla d'une voix rendue rauque par la tension.

- Moi Wydjaya je te lie. Amancia lui sourit, puis reprit. Son corps semblait curieusement ralentit comme la danse se terminait, l'air lui-même devenu lourd et dense malgré le froid.

Par ce rituel du Vent, la folie est close. Deux gardiennes sont garantes de toi. Pour la paix du clan tu es digne de confiance.

Moi, chamane Amancia Pleure-Loup je te lie, elle referma les mains en deux poings. Ce rituel te garde, Irmio des Souffles honore ce contrat. Elle inclina la tête. Que cet Esprit veille, que tes gardiennes vivent, et tant que cela sera, tu penseras par toi-même sans haine ni folie.

Les derniers mots brisèrent la tension et l'air redevint plus léger. Haletante, les trois participantes restèrent sur place à se regarder.

- Déjà fini? Tery fît la moue. Et alors, ça a marché?

"Ton esprit je dévore, ton calme je détruis..."



Dans les profondeurs, le moindre murmure résonne...

Kalingdora se gratta le nez, puis remonta son arc près de son visage, flèche déjà encochée. Elle ferma un oeil, puis laissa partir le trait. Quelques mètres plus loin, un gobelet en bois tomba d'une grosse souche dans un clac sonore. Souriante, elle ramena l'arme dans son carquois, se faisant, des cicatrices brillèrent brièvement sur son bras droit.
Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis sa mésaventure dans les royaumes souterrains de la Désolation et aujourd'hui encore elle haïssait tout confinement dans des lieux obscurs. La vue des Nérubiens la faisait détaler, elle écrasait rageusement les insectes en tout genre, bref, l'histoire n'était pas encore oubliée.
Récupérant son gobelet, elle siffla Piquedent qui grignotait des trèfles à quelques pas de là, la sangle de sa selle élargie au maximum afin de maintenir son ventre dodu. L'animal hennit puis trotta vers elle paresseusement. Une scène des plus paisibles...

***

A plusieurs centaines de lieues de là, dans la demi-pénombre scintillante d'une caverne, deux voix murmuraient. Discrètes, de minuscules particules de magie se détachaient du plafond et tombaient dans un silence presque oppressant. Un globe bleuté s'alluma comme parvenait dans la salle le bruit de pas de nouveaux arrivants.

Le prisonnier fût amené par ses gardes insectoïdes, bafouillant et traînant les talons dans le sol pour tenter de ralentir leur progression. Les propriétaires des deux premières voix se tûrent, un mouvement dans leurs ombres trahissant leur soudain intérêt pour leur invité. L'Humain, un homme d'un quarantaine d'années au visage hagard, semblait s'être ratatiné sur lui-même sous l'attention des deux êtres. Un sifflement qui pouvait passer pour un rire retentit, et la créature la plus proche du prisonnier découvrit ses yeux multiples en faisant glisser ses voiles légèrement scintillants.

Inclinant la tête sur le côté et repliant son vaste corps délié, elle commenca à susurrer d'un ton assourdi et curieusement exotique à l'oreille de celui qui la fixait avec terreur. Les voluptes de magie pourpre qui un instant caressèrent le corps crispé disparûrent aussitôt, laissant leur victime l'oeil exorbité. Sans un mot, les gardes récupérèrent leur fardeau et l'entraînèrent hors de la salle, celle-ci retombant lentement dans l'obscurité.

Quelques heures plus tard, au sein d'une minuscule pièce fermée faisant vraisemblablement office de cellule. Le même prisonnier était enroulé sur lui-même, les bras serrant avec force ses chevilles. Les chuintements qui lui échappaient trahissaient les pleurs. Sur les murs, des traces semblaient évoquer de nombreux jours déjà passés sous terre.

***

Edaintaur observait d'un air songeur la foule qui défilait sous le balcon de l'auberge à Dalaran. Près de lui Elten finissait de manger, visiblement affamé.

- Bien sûr, Il avala sa bouchée. C'est peut-être juste un hasard, il ne s'est rien passé de grave aux dernières nouvelles.

- Elle a mauvaise mine en ce moment, pis elle grogne...

Remarquant le regard d'Elten qui traduisait clairement 'Tu vis avec une druidesse, alors question bizzareries, tu n'en est plus au stade "Par la Lumière, d'où vient ce félin dans la maison en pleine nuit?!"', Edaintaur reporta son attention sur son assiette vide.

- Valshéa aussi. J'ai parlé avec les autres et bhho...comme d'habitude. Enfin pas plus bizzares que normalement. Ils sont mêmes assez sages je trouve.

Regardant à nouveau son interlocuteur, Edaintaur regretta un instant de ne pas avoir quelqu'un de légèrement plus...moins..naïf sous la main. Juste au cas où. Elten n'était pas vraiment le plus rassurant pour une enquête délicate, gentillesse oblige. Surtout si cela touchait une personne chère et que l'on était alors soi-même dévoré d'inquiétude.

- Je me demandais...Elten engloutit sa dernière bouchée. Pourquoi Kalingdora avait refusé de parler de ce qu'elle avait vu quand elle avait été emprisonnée. Je sais qu'elle avait fuit juste après qu'on l'ait soignée, et...je veux dire qu'on était plusieurs à être sur place quand on l'a retrouvée.

- Cette vieille histoire? Elle devait être vexée de s'être fait piéger.
- Non non je voulais discuter avec elle, gentillement, mais on aurait dit qu'il y avait une sorte de trou dans ses souvenirs.
- Pourquoi est-ce que tu racontes ça maintenant?
- Je me disais, euh, d'accord ça fait quelques mois déjà, mais j'avais trouvé ça curieux à l'époque, en général il ne faut pas la prier pour qu'elle parle de quelque chose.
- Ah ça, non il faut presque un baîllon. Heureusement qu'elle n'est pas avec Saphyosa, à elles deux elles rendraient n'importe quel homme fou.
- Voilà...Elle nous revient toute peureuse et muette et là, hop, on a deux personnes du clan qui commencent à voir des choses qui n'existent pas.
- Je ne suis pas sûr du rapport. Déjà à cause du temps passé, c'est sacrément long, ensuite il aurait fallu qu'elle... qu'elle contamine du monde sans être affectée. Ca fait beaucoup de coïncidences.
- Il suffit d'une toute petite chance...
- Malchance plutôt.
- Oui. Mais ça peut être une piste.
- D'accord, vois ce que tu peux trouver, mais regarde aussi les autres possibilités, hein? Tu seras gentil.
- Sinon il ne nous reste qu'à vérifier nourriture, boissons, relations, eeuuh amicales hein! Edaintaur plissa les yeux. Ou ennemis croisés dernièrement.
- Je sens que la semaine va être chargée.

***

Kalingdora sifflotait, perchée sur son cheval gris. Tout autour d'elle, les aigles des Grisonnes planaient dans l'air doux de l'après-midi.

***

Assise et se balançant lentement d'avant en arrière sur sa chaise, Valshéa regardait par la fenêtre de l'auberge. Dans la pièce, ses affaires gisaient pêle-mêle. La jeune femme chantonne en lissant ses cheveux blonds.

***

Ajustant une petite vis, Gahil frappa du plat de la main contre le boîtier posé sur ses genoux. Avec un Ghzzzwiiiippp sonore la gnomographie en jaillit, mais ratée.

Zut.

Deux autres tapes répétées sur l'appareil pourtant flambant neuf, puis un essai plus tard, les réglages semblaient avoir retrouvés leur netteté. L'Elfe remit le tout en bandoulière, se releva, et après un rapide coup d'oeil aux alentours, trottina en direction de la cathédrale de la Lumière d'Hurlevent, comme n'importe quel autre touriste de passage.


***

- Ouaich, tu vishes le chentre, là, le chentre de la chible. Pish tu tires. Tu voish? Comme les prosh...

Le carabinier nain éclata de rire tandis que Teryana montrait l'exemple à un autre tireur. Les trois compères passablement éméchés récupérèrent d'un main un peu hésitante leur chope de punche de la jungle, laissant les fusils près de leurs cibles abîmées. La chaleur ambiante commençait à se faire sentir, et ils n'allaient sûrement pas se désaltérer avec de l'eau.

- Vhoush shavez, faut pash juger shur l'apparence, faut pas croire que jushte parche qu'on a appris la magie que ches choses-là she perdent!

Des lettres aux quatre coins.



Dilia Flambefeu, Boutique de fournitures magiques, Forgefer.


Chère maman,

Je sais, j'aurai dû écrire plus souvent, mais bon, tu sais comment c'est quand on a des idées qui vont et qui viennent tout le temps. J'espère que papa et toi n'avez pas encore fait exploser le laboratoire. Si c'était le cas, ce sera la preuve que j'avais raison, et que la magie, faut bien la garder en main. Moi, je continue ma route. Heureusement que j'ai suivi des cours de défense, le monde est sacrément dangereux on dirait, mais j'ai toujours mes épées sur moi, si ça continue je vais avoir des bras trois fois plus long avec le poids!

Je suis actuellement une espèce de messagère, mais c'est très tranquille en réalité. On me donne quelques trucs à transmettre à droite à gauche, faut essayer de ne pas perdre des pages en route. Bon d'accord, j'en ai déjà égaré certaines, mais ça arrive pas du tout souvent, pis je vais vite m'excuser auprès du chef, un p'tit sourire de Gnome et hop, c'est dans la poche, c'est fou ce que les autres races sont crédules avec nous parfois.

Papa dirait que c'est culturellement exotique comme métier. Humains, Elfes de la Nuit, Drae-bidules. Autres Gnomes. J'crois que je suis une des plus jeune du lot. Ils parlent d'un espèce de clan, même si ils sont pas tous de la même famille, c'est bizzare. Pis y sont pas difficiles, tant que les personnes savent se tenir et respectent les règles, je crois qu'on pourrait même venir avec cinq zieux que ça ferait peur à personne. Le chef, lui, garde un oeil sur tout le monde, enfin il essaye, même si certains jours, je crois qu'il est à deux doigts de pleurer d'énervement, hihi.

Tu as déjà vendus quelques tournefils? Je suis sûre que ce mécanisme épaterait quelques pêcheurs. Du moment qu'ils gardent bien les bras et les jambes loin des câbles et des poulies, y'a pas de problèmes. J'essayerai de régler le truc de l'électricité un de ces jours, mais bon là ça n'arrive pas souvent, alors si une ou deux personnes se font friser les moustaches, c'est pas très grave.

Je t'envoie ces gnomographies du Norfendre, c'est pas mal comme endroit, mais un peu froid quand même. Celle qui est toute floue, c'est lorsque j'ai failli avoir une belle vue d'une grosse bestiole dans l'eau, seulement ça n'a pas marché comme je voulais. Je l'ai quand même gardée car elle était belle avec les petites bulles bleues. La dernière, celle avec les rubans, c'est pour te montrer les drôles de tenues des gens à Dalaran, parfois. Pas étonnant avec tous ces Elfes. Je n'aime pas trop les Hauts-Elfes, y'en a un qui m'a traitée de sale rouquine. J'espère qu'ils ne sont pas tous aussi bêtes...
En tout cas je me suis vengée et il a perdu sa sacoche de gemmes lui.

Le bateau va bientôt partir, alors je vais me dépêcher de donner ça avec le courrier qu'ils emmènent. J'écrirais plus la prochaine fois. Embrasse papa de ma part.


Merrigane.


*De la poudre d'explosion macule le coin de l'enveloppe*


***


Sehindel Luisambre, Astranaar.


Un petit cadeau de ta fille, pour ne pas se faire oublier. C'est une ancienne amulette draeneï donnée par une amie sage. Elle porte chance.Tu devrais vraiment quitter le village pour te rapprocher d'Exodar, comme je t'en avais parlé. Ces gens sont adorables.

Je t'aime.

Errialde, ta vagabonde.

P.s. : Tu aurais honte de moi, Tery a enfin réussi à me rendre ivre, mais je n'ai pas fait de bêtises.


*Le petit colis cabossé est ficelé avec soin par quatre ficelles rouges.*


***

A Elten, de la part de Kalingdora.

Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Retrouve-moi au Fort-du-Givre des pics Foudroyés, j'y serai dans deux jours. Pourquoi ce serait de ma faute?

P.s.: Amène des croquettes de poisson pour le gros, il mange comme un ogre.


***

Artisan Borto de Telaar à G. Ombresoleil.


Madame, voici la commande passée le mois dernier. Les meubles sont aussi solides que vous l'avez demandé. J'espère qu'ils tiendront un peu plus longtemps cette fois-ci. Les chaises sont également traitées contre le feu.

Bien à vous, Borto.

Le temps, la guerre, les amours et l'reste.



Les jours filent, à la fois tous semblables et tous différents. Les Kaldoreis changent peu au cours du temps si la bonne fortune les préserve. C'est sur l'attitude et le visage de certains proches qu'on mesure le plus le changement. J'observais avec curiosité ce que les années avaient entraînées sur des membres du clan.



Les Humains tout d'abord. On ne pouvait pas prendre en compte l'apparence humanoïde d'Edaintaur. Elle lui était plus familière que toute autre, ses limitations depuis bien longtemps effacées de son esprit, tout habitué qu'il était à vivre sous cette forme. Mais chez Elten, Teryana et Valshéa, les changements étaient bien là.

Teryana parvenait de temps à autre à conserver une certaine tenue, elle gesticulait un peu moins, et cela faisait un an ou deux qu'elle ne s'était plus fourrée dans une de ces situations loufoques et invraisemblables qu'elle-seule parvenait à créer. Niveau vestimentaire elle avait fait des efforts de décence et l'on pouvait considérer qu'elle se calmait avec les amourettes vu que celles-ci ne concernaient plus qu'une quinzaine d'individus par an.
Cela épargnait à ses amis de douloureuses heures de torture sur la manière de se comporter envers ses soupirants. Visiblement ce n'était que matelots ignorants rencontrés dans des bars ou des hommes de main à l'impressionnante carrure, happés dans la rue par le verbiage et les œillades de la jeune femme.

La plupart étaient choisis pour leur physique musclé mais aussi parfois pour un "je ne sais quoi" qui les rendaient irrésistibles une semaine ou deux auprès de Teryana. Curieusement, ils n'étaient pas assomés par le bavardage de leur amie mais le hasard finissait toujours par les rappeler au loin vers diverses tâches, ou tout simplement parce que la mage s'en était lassée.

Elle doit aller dans ses vingt-six ans, information récupérée sans trop de difficultés en échange d'une bonne bière de Kharanos. La magie qui l'avait tournée de brunette à cheveux blancs ne s'est pas altérée. Toutefois selon sa nouvelle tactique de séduction, adieu le chignon échevelé. Pour la repérer dans la foule, il n'y a qu'à chercher, selon les termes acides de Valshéa "la serpière blanche".

Teryana désespère de retrouver un jour l'unique témoin de son mariage d'un jour, celui qui a pu conserver des informations après l'immense soirée de beuverie qui avait suivi la journée fatidique. Il va sans dire qu'oublier jusqu'au nom de son époux sous prétexte de l'avoir rencontré deux jours avant qu'il ne meurt restait une situation embarrassante.

Valshéa, blonde et menue, ne semble pas plus âgée qu'au jour de notre rencontre. Deux années de moins que sa rivale ne se remarquent guère, étant le genre de personne qui ne semble jamais vieillir. Toutefois depuis que son cher fantôme familier s'est lié à ses pas, elle sombre de temps à autre dans une étrange somnolence, certains jurant avoir vu dans ces moments-là l'image d'une autre femme superposée à la sienne, comme un voile frissonnant.

Elten. Ah ce cher Elten. Eh bien même lui a fini par prendre un peu plus de plomb dans la cervelle depuis le temps et il semble bien moins effarouché avec les dames. Il s'est presque habitué aux extravagantes manières de Tery et les supporte avec courage. L'assurance souvent feinte des débuts est devenue réelle, et la calme lueur d'amusement dans les yeux bleus prouvent l'assurance et la confiance en soi.
N'étant sa légère méfiance envers les gens de son ordre pour cause de mauvais souvenirs passés, il devient de plus en plus fidèle à cette image que se font les gens sur la vertu et la noblesse des paladins.



Les alliés Draeneïs nous ressemblent le plus.
Keshem, la prieuse du groupe et la plus ancienne d'entre nous est une dame tranquille et sans âge, visage hiératique et pensées difficiles à percer à jour. Ayant souffert et perdu sa famille au cours des siècles comme beaucoup de gens de sa race, elle s'emporte rarement mais préfère entre toutes la compagnie des jeunes et des enfants, trouvant la paix dans l'apprentissage. Sa curieuse relation avec Errialde ressemble à celle d'une marraine veillant sur sa protégée.

Amancia, chamane simplette et rustique sera sans doute la même dans mille ans, si elle survit. Petite pour les siens, et musclée, l'habillement douteux et les manières plus encore, elle ressemble curieusement à ces sorciers-docteurs de tribus barbares, amis des colifichets et des herbes aux multiples usages.

Wydjaya, tout comme Nawydän ou encore V'eree restent fidèles à elles-mêmes, même si la première plonge souvent dans le mutisme avec tout l'entrain d'une vieillarde.



Les Gnomes sont toujours aussi agitées et occupées à leurs mille et unes occupations.
Je ne sais pas si l'âge adulte va finir par ôter à Merrigane cette agaçante habitude à vouloir tout régenter, ni même si cela passera. Nous avons l'impression d'avoir une enfant tyrannique de plus à bord, comme si cela manquait. Entre les adultes insouciants et la vraie marmaille, j'ai parfois la sensation qu'il ne reste que peu de personnes sensées dans le lot.

Ajoutons à ça d'autres proches et amis, les amis des amis, plus ou moins de passage, quoiqu'ils finissent rarement par disparaître, on peut dire que les cinq dernières années ont été à bien des points de vues fertiles en rencontres et rebondissements en tout genre.




Depuis que la guerre du Norfendre s'est un peu calmée, laissant malgré tout fort à faire pour nettoyer les traces, et parfois plus que ça, des armées de l'ancien Roi Sombre, chacun vadrouille avec un peu moins de crainte.
Quiconque croiserait l'un d'entre nous revenant du continent en question grimacerait devant le laisser aller concernant l'armure et les manières, mais entre eux, les aventuriers et combattants plus ou moins chevronnés s'accordent quelques grimaces ou sourires avec le sentiment de camaraderie du travail bien fait, ou plus simplement de la galère vécue ensembles.

Il est sacrément vrai que rien de tel qu'une petite guerre et des émotions fortes, pour goûter avec plus de ferveur les plaisirs simples de la vie. Comme en témoigne mon ventre dodu, une fois de plus. Voir des morts et des blessés partout durant des mois, la pulsion de vie est la plus forte. Encore trois mois où mon agilité va se réduire comme peau de chagrin, me laissant à pester contre le côté handicapant de la situation et renoncer à regrets au poste de soigneuse de bataille. Pas question toutefois de jouer la pauvre petite chose fragile, à d'autres, humph. Le bon côté reste l'humeur assez belliqueuse ces temps-ci, idéal pour défendre sa peau, et celle d'Etyarhys.

- Je suis enceinte et alors? Tu crois que ça va me retenir de te donner un coup de botte ?!

Il est loin le souvenir de la druidesse gentille et bavarde. De manière plus générale, quand on a enterré son lot d'amis et d'amours, que l'on s'est fait marcher dessus par plus fort que soi, entourloupé, trompé, trahir, qu'on ne compte plus les fois où son propre sang a coulé, chacun fini par savoir ce qu'il veut et ce qu'il doit craindre.
Puisse l'espoir demeurer.


Gahil Weyr'na Ombresoleil, compagne d'Edainstrasz du Vol Rouge, guérisseuse du Clan Ythysera, en cette année de la chute du Roi-Liche, bientôt cinq années après le début du Voyage.