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Comment Therod Aoun'dore défit le Démon du marais...

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Message  Therod Aoun'dore Dim 16 Fév 2014, 01:03

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La grande forêt d'Orneval. Vue d'artiste.


C'est d'Astranaar que me vient cette histoire. J'y fis une halte, à la fin de l'automne, pour mander le gîte à ces créatures étranges que sont les elfes. Tout conteur que je suis, le combat me répugne, pourtant j'avais du occire sur mon chemin deux orcs en embuscade. De cette rixe j'avais gagné une luxation de l'épaule, deux fractures, et la reconnaissance toute en mesure de ce peuple souverain et fragile. Je n'étais pas le seul non-elfe d'Astranaar ; puisqu'il était devenu le théâtre du conflit entre les orcs et les elfes, de nombreux renforts des quatre coins du monde étaient venus prêter main forte. Nous étions une quarantaine à habiter la ville, plus ou moins tolérés par les forces en présence – je ne comptais pas m'éterniser. Enfin, je rencontrai ce nain, un artilleur qui prétendait faire le meilleur mortier de Kalimdor, et bien heureux de me voir partager mon outre de vin félâtré, il me gratifia d'une histoire qu'il avait entendue.
Peu avant, d'après lui, étaient passés des nains dans les parages, loin d'être des émissaires de l'Alliance. Ils étaient des pillards, souillant les terres elfiques en profitant de la pagaille mais les Sentinelles ne pouvaient guère déployer une grande énergie à les combattre, toutes occupées qu'elles étaient à survivre. Ainsi ils purent s'emparer d'une relique druidique d'assez grande valeur et, fort de cette acquisition, reprendre la route des Royaumes de l'Est. C'était sans compter la soif déraisonnée de leur chef : il les mena à travers un marais méridional en se fiant aux contes fantasques d'un trésor millénaire.
Bien mal leur en prit : de la joyeuse troupe on ne revit qu'un hère, qui rampa fou d'angoisse jusqu'aux abords de la ville. Avant d'être exécuté par les elfes, il eut le temps de crier à qui veut l'entendre qu'un Démon redoutable qui dormait en Orneval depuis sa corruption s'était emparé de la relique et que, fort de cette nouvelle magie, il était devenu encore plus monstrueux et encore plus dangereux.
Si les Sentinelles avaient d'autres chats à fouetter, le récit tomba dans l'oreille d'un druide, Therod Aoun'dore, qui s'était donné pour mission de laisser les conflits majeurs à ses semblables et de régler pour sa part ce que les grands officiers ne pouvaient entreprendre : la purification et la défense de plusieurs sanctuaires millénaires. Ainsi, il se mit en route pour le marais, contre tout bon sens, avec la volonté ferme de tuer ce Démon et les potentiels survivants qui l'avaient réveillé. Il ne lui fut pas difficile de trouver l'endroit, qu'il trouva une nuit sur les indications d'une dryade mourante.
Le sanctuaire était un haut édifice blanc dans le pur style Azshari et s'était enfoncé de travers dans les eaux épaisses et grouillantes du marais.
L'endroit bavait la corruption. Le long des larges pierres elfiques rampait un lierre impie et épineux qui se glissait dans les fissures comme un serpent noir ; il s'accrocha aux pans des atours de Therod lorsqu'il referma les portes presque dégondées sur lui. Dire qu'il n'avait pas peur serait mentir : il était seul. Sa solitude venait de remplir les lieux comme un ressac dans l'écho des battants de chêne.
Le sanctuaire était ovale, creusé d'alcôves malsaines dont les fins ouvrages s'étaient émoussés. L'éboulis antique de la clé de voûte, par le trou duquel éclatait un rayon de lune roux, grouillait de scolopendres et de blattes grosses comme le pouce ; alertés par le bruit, ils avaient émergé de cette cachette en une marée liquide de chitine noire et cliquetante. Si c'est ainsi que le démon pensait impressionner le druide, il se méprenait sur son adversaire.
Piétinant sans ciller cette rampante défense, Therod s'avança jusqu'au rayon de Lune et y présenta le joyau opaque à l'extrémité de son bâton. Avec un grincement cristallin, ce-dernier se chargea d'une lueur bleuté et toute l'arme vibra dans la paume du druide.
Aussitôt, les vermines qui glissaient entre les bottes de Therod s'écartèrent à bonne distance, se bousculant pour former un cercle parfait de trois bons pas autour de lui ; seuls restaient leurs congénères piétinés, taches orangées  de pattes et de carapaces.
« Je n'ai  pas peur de toi, démon. Montre-toi ! », osa-t-il.
Sa voix avait tonné avec plus de force que lui-même l'imaginait. Son écho rauque lui redonna du courage. Soudain, sous ses pieds, la pierre céda et dans un éboulis humide de boue et de racines, il chuta de plusieurs mètres.
La pointe de cristal éclairait le boyau qui s'offrait à lui d'un halo à la lueur douce. Quelque chose avait gratté les parois avec une force colossale : des traces de griffes énormes strillaient encore les murs de terre noire. Therod avança prudemment. La galerie était assez large pour qu'il se tienne debout et il essayait d'imaginer quel type de créature pouvait avoir creusé un tel gouffre.
Sous ses pieds, il sentait respirer la terre de la vermine impie qui y rampait, c'était un sol vivant et gluant qui arrachait à ses bottes un bruit de succion écoeurant. Son pied heurta quelque chose de plus solide : c'était un crâne de cerf adulte, des lambeaux de chair étaient encore accrochés à l'os brisé. Il avait été manifestement mâché puis recraché à plusieurs reprises, jusqu'à en faire cette chose difforme et gluante de salive. Du noble animal, il ne restait rien d'autre.
L'odeur, jusqu'alors âcre et douceâtre de la terre corrompue, laissa place à un fumet infect de déjections et de décomposition, l'air était devenu si épais que Therod se sentit oppressé par la présence démoniaque de son ennemi. Il approchait du cœur de la corruption, de l'antre ultime du Démon qui faisait éclater, à la surface du marais, ces mystérieuses effluves de magie sombre.
Il faut, en fait, connaître l'horreur subtile d'une corruption de la nature pour saisir toute l'angoisse qu'elle procure. Pour un cœur sans science, qu'aucune grâce n'a jamais touché, pour ainsi dire vous et moi, c'est un sentiment singulier qui appelle un réflexe paranoiaque. Toute bizarrerie, toute pièce latente de ce dégoûtant tableau devient la manifestation éclatante du démon qui se tapit ; comment dire que tout est différent, alors que chaque racine, chaque insecte occupe la place qui a toujours été la sienne ? Comment expliquer avec des mots simples la ruse horrible que  cela représente ? Certaines femmes soumises ont subi l'étrangeté de leur mari corrompu pendant des années. Elles voyaient bien qu'il n'avait en rien changé ses manies, ses vêtements n'étaient nullement affectés, il avait le même rire, les mêmes rides, le même éclat dans le regard, les mêmes tendresses et les mêmes violences. Comment, alors, du jour au lendemain, avait-il pu lui inspirer un tel dégoût et, pire, un tel danger ?
Therod pensait qu'il existait un sens commun à tous les êtres, un sens comparable à celui de l'équilibre, indépendant d'un axe du Bien et du Mal : il s'agissait de la perception de ce qui est l'oeuvre des Titans ou l'oeuvre de ses ennemis. La Création a cette forme ronde et belle de la chose finie ; la corruption, l'intrusion se définit en creux, par son étrangeté, son incapacité à trouver sa place, en clair son inconfort. Voyons une âme qui possède un corps qui n'est pas le sien : même en déployant des forces magiques considérables et une volonté sans faille, elle ne rentre pas dans le cadre parfait et complet de la Création ; elle est monstrueuse, le sait, et en souffre à chaque instant.
Ainsi était l'antre du Démon. Chaque parcelle de vie, car la vie y subsistait, souffrait d'une allergie terrible, une cacophonie d'inconfort et de maladie; à la fois se complaisait dans sa corruption, et à la fois geignait du plus profond de ses tripes toute la puissance de son malaise.
Le Druide retrouva du courage à cette pensée : il était la créature finie de ces lieux, il rétablirait l'équilibre.
Il renverrait ce Démon dans les abysses.

Comment Therod Aoun'dore défit le Démon du marais... Gooey_monster_by_nJoo
Le nain pillard libérant par mégarde le Démon du marais !
Therod Aoun'dore
Therod Aoun'dore


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