Eloge des nécéssiteux.

Bélizaire Valmorguency sermona ce soir là sur la nécéssité et la grandeur des petites gens. La Chapelle de la vieille ville acceuillait de plus en plus de monde.

Ce soir, frères, je vous propose une belle idée pour connaître les avantages de la pauvreté sur les richesses: imaginez deux villes, dont l'une ne soit composée que de riches, l'autre n'ait que des pauvres en son enceinte, examinons ensuite laquelle des deux est la plus puissante. Si nous consultions la pluprt des hommes sur cette proposition, je ne doute pas, fidèles, que les riches ne l'emportassent; mais je vais conclure pour les pauvres en me fondant sur cette raison que cette ville de riches aurait beaucoup d'éclat et de pompe, mais qu'elle serait sans force et sans fondement assuré. L'abondance, ennemie du travail, incapable de se contraindre, et par conséquent toujours emportée dans la recherche des voluptés, corromprait tous les esprits et amollirait tous les courages par le luxe, par l'orgueil, par l'oisiveté. Ainsi les arts seraient négligés, la terre peu cultivée, les ouvrages laborieux, par lesquels le genre humain se conserve, entièrement délaissés; et cette ville pompeuse, sans avoir besoin d'autres ennemis, tomberait enfin par elle-même, ruinée par son opulence.
Au contraire, dans l'autre ville, où il n'y aurait que des pauvres, la nécéssité industrieuse, féconde en inventions et mère des arts profitables, appliquerait les esprits par le besoin, les aiguiserait par l'étude, leur inspirerait une vigueur male par l'exercice de la patience; et n'épargnant pas les sueurs, elle achèverait les grands ouvrages qui exigent nécessairement un grand travail.

Mais, à parler des choses véritablement, nous savons que la distinction de ces deux villes n'est qu'une fiction agréable. Les villes, qui sont des corps politiques, demandent, aussi bien que les naturels, le tempérament et le mélange: tellement que, selon la police humaine, cette villee de pauvres ne peut subsister qu'en idée. Il n'appartenait qu'a la Lumière et à la politique du ciel de nous bâtir une ville qui fût véritablement la ville des pauvres: cette ville, c'est la Sainte Eglise de la Lumière; et si vous me demandez, fidèles croyants, pourquoi je l'appelle la ville des pauvres, e vous en dirai la raison par cette proposition que 'avance, que l'Eglise de la Lumière, dans son premier plan, n'a été bâtie que pour les pauvres, et qu'ils sont les véritables citoyens de cette bienheureuse cité que e nomme devant vous Cité de la Lumière.

Aussi, les pauvres sont les premiers dans l'Eglise; ilne suffit pas de les assiter, vous Princes et hauts dignitaires, vous brillants bourgeois ou nobles victorieux,mais il faut encore concevoir pour eux de grands sentiments de respect.

La Lumière vous dicte de les considérer comme des pairs car dans la mort, devant la Sainte Lumière, Rois et mendiants ne seront plus que poussière. Aussi dans la vie c'est un devoir de vertu que de les aider a porter leur fardeau, et en toute bienveillance de les ammener plus pres de vous, comme le grand frère aide son cadet.

" Heureux qui comprend l'indigent et le pauvre ! "

Il ne suffit pas, croyants, d'ouvrir sur les pauvres les yeux de la chair, mais il faut les considérer par les yeux de l'intelligence. Ceux qui les regardent des yeux corporels, ils n'y voient goute. Ceux qui ouvrent sur eux l'oeil interieur, je veux dire l'intelligence guidée par la foi, il remarqent en eux la Lumière en haillons.

Mais encore n'est-ce pas assez de les secourir dans leurs besoins ?
Tel assiste le pauvre qui n'est pas intelligent sur le pauvre. Celui qui leur distribue quelque aumône, ou contraint par leurs pressantes importunités, ou touché par quelque compassion naturelle, il soulage la misère du pauvre; mais néanmoins il est véritable qu'il n'est pas intelligent sur le pauvre car bien qu'il soigne son corps, il altére son âme en ce qu'il détruit son estime en soi et l'humilie devant sa conscience. Celui qui regardera ce fils de la Lumière avec l'oeil de l'interieur, verra bien qu'il gâtera son âme, et pour préserver ce calice de pureté, en plus de préserver son calice de chair, il donnera au pauvre son aumône de bon coeur, mais il le fera de telle facon que le nécéssiteux ne s'en sente pas redevable, que cela soit un service rendu à un ami, à un frère, à un homme.
Vous serez alors bénis par la Sainte-Lumière pour avoir participé à l'amélioration des moeurs et à la subsistance des Princes de notre Eglise par le moyen de la charité et de la communication fraternelle.

Je vous invite donc, seigneurs et grands de ce monde, a suivre mon sermon, je vous invite à être verteux, je vous invite à aider votre prochain, à être humains. Et vous Premiers de l'Eglise, malheureux, nécéssiteux, pauvres, à ne pas perdre votre estime propre et a accepter ces cadeaux et dons de bienveillances.
En plus des portes de la Chapelle, celles de l'hotel Rubempré, propriété des Valmorguency, vous sont ouvertes.

Louée soit la Sainte-Lumière.

" Et la Lumière baigna le saint homme; le saint-homme ferma les yeux. Et la Lumière le baigna une seconde fois. "

Frères croyants, voyez cette toile, regardez cette scène si essentielle dans la conception de notre culte. Venez et voyez vous-même ce qu'a représenté le peintre. La Chapelle est par la Cape que le Chevalier-saint partagea avec le fils de la lumière.
Ce soir je vous parlerai donc du mystère de la Cape car c'est de cette facon qu'on le nomme.
Dans l'ancienne Lordaeron, le bon Hagenau, chevalier de Sa Majesté très Lumineuse, fils cadet du comte Herguer, lors d'une chevauchée, aux portes de la ville, en pleine saison d'hiver, vit un pauvre sans mantel ni toque. Le chevalier n'ayant que sa cape à partager, car etant bardé de plates et devant encore voyager par devoir pour son monarque, s'arreta et trancha de son épée en deux parts egales ce morceau de tissu et le donna au pauvre. Pas un mot ne fut dit, pas une parole prononcée tant la chose fut noble et vertueuse, mais encore plus, elle etait naturelle.
Le soir, lors qu'approchait Darrowshire, Hagenau s'arreta à cause de la fatigue dans une humble masure. L'on vit alors, accroché au mur le plus lointain de la porte, le morceau de la cape qu'il avait donné aux portes de la ville. Et alors il fut dit que le chevalier tomba a genou. " Et la Lumière baigna le saint homme; le saint-homme ferma les yeux. Et la Lumière le baigna une seconde fois. " Je ne vous ferai pas l'affront d'expliciter plus la situation, car mon humble sermon en est la dissertation.

C'est de la que vient le nom du lieu ou nous nous trouvons, la chapelle, "Kapell" ou "Chape" dans les anciens langages. C'est le lieu où le saint-Hagenau trouva la divine cape ( ou chape) du fils de la Lumière.
Voila l'esprit de notre confrerie, nous, Ordonés de la Chapelle.

Mes frères, allez à vos occupations, retournez au monde, et pensez à tout ceci.
Ayez ma bénédiction.

Que trois fois soit loué son nom.


Bélizaire referma son codex, salua les fidèles, esperant les revoir bientot.