De l'insouciance à la déchéance

-Oh, un garçon ?

Il fixe le jeune homme qui soutient son regard d'un air mauvais.

-Oui, il s'appelle Dyriel.

Il jouera le rôle de la Jalousie. Il esquisse un sourire en scrutant le visage du garçonnet.

-Et toi, Leideneye, tu as un prénom ?

Il détourne le regard. Craintif. Il a peur.

-Tu n'as aucune raison de me redouter. Sauf si tu t'opposes à mon projet. Mais étant donné que tu as toi aussi beaucoup à gagner, ça serait bête de ta part de ne pas m'aider, n'est-il pas ?

-Si... Bien sûr, mais...

Il plisse les yeux. Cet homme ne lui plaît décidément pas. Trop peureux. Il soupire et relève son regard vers le père du jeune elfe, les sourcils froncés.

-Je sais ce que je fais. J'ai tout planifié depuis le début.

-J-je sais mais...

C'est au tour de l'homme face à Ellos de relever les yeux et de soupirer.

-Je m'appelle Aulendur...

-Très bien. Aulendur. J'ai une tâche à te confier. Dans quelques années, je t'enverrais une lettre pour te dire de te rendre au nord-ouest de Kalimdor. L'extrême nord-ouest. Tu devrais y trouver une ville, et dans cette ville, quelques ponts. Sous le pont le plus au sud, tu trouveras un enfant. Je veux que tu l'élèves.

-Qu... Quoi ?

-Je te laisse une semaine de réflexion, passé ce délai, je ne te considérerai pas comme un allié. Mais n'oublie pas... Si tu n'es pas mon allié, tu ne peux être que mon ennemi. Et les Sept n'apprécient pas les ennemis.

Il se lève, ses bottes de cuir rouge salissant le carrelage impeccable de la grande maison taillée dans un arbre, puis se retourne, sa cape noire claquant dans son sillage. Sans un mot, il tourne à droite et disparaît dans les ténèbres de la nuit.

Assis en tailleur au bout de la salle, un poing sous la joue, un sourire fin et amusé aux lèvres. Il fixe les deux femmes qui se tiennent en garde, toutes deux avec les lames dégainées ; l'une aux cheveux bleus foncés, l'autre aux cheveux argentés. Enfin, il dit un seul mot, tranchant le silence pesant depuis quelques minutes dans la pièce.

-Allez.

Ils les regarde se charger mutuellement, les lames brandies. Elles parent toutes les deux les coups, puis l'une tente de riposter d'un coup net dans les jambes. L'autre saute et écrase ses pieds joints sur le plat de la lame, la brisant, aussi simplement que si c'était du bois pourri. Et tout d'un coup, tout se termine : dans un tourbillon bleuté et blanchâtre, une tâche rouge se répand au sol. Les volutes d'argent se figent et tombent au sol, entraînés par l'elfe la plus jeune, une dague plantée au milieu du front.

L'autre plisse les yeux et éclate d'un rire sonore. Elle s'approche d'un pas assuré vers l'homme assis, puis, parvenue face à lui, elle s'agenouille, mettant leurs deux visages à hauteur égale.

-On dirait que j'ai gagné cette partie, Ellos. Combien d'autres de tes prétendantes devrais-je affronter avant que tu n'avoues enfin que je suis la femme qu'il te faut ?

Il ne répond pas, décroise les jambes. Il se lève péniblement, regarde un instant le visage d'Ishia, puis relève les yeux vers le corps inanimé d'Harmonie.

-Oh, il ne me fallait qu'elle.

Il s'approche du cadavre et glisse une main dans son armure de cuir. Quelques instants plus tard, un silence total s'est installé, brisé seulement par les bruissements d'étoffe, et enfin, il ressort un objet étincelant – une fiole. Il se met sur les genoux, près de la femme aux cheveux d'argent, puis trempe le bout de l'instrument de verre dans le liquide rouge, puis enferme quelques gouttes dans les parois étincelantes du tube transparent, puis le bouche. Enfin, il le range.

Il se retourne en souriant vers Ishia.

-Viens contre moi... Ma femme.

J'arrache l'une de mes lames du corps inerte d'un qiraji. Plissant les yeux, essayant de le trouver dans cette masse de corps d'elfes et d'insectes, à travers la tempête de sable. Je ne vois que des silhouettes indistinctes. Je me baisse, esquivant le bond d'un de ces énormes insectes. Je cours un peu pour le semer. Je reprends mon observation du champ de bataille. Rien. Soudainement, on me pousse violemment et je tombe à terre.

Mes cheveux ondulent dans le sable, et je regarde le visage que je connais si bien. Jalousie. Enfin, il est là ! Il me hurle des choses. Je n'entends rien. Peut-être que Rancoeur s'est déjà occupée d'Ambition ? Non, elle connaît les ordres. Il lève le poing. Je bascule sur le côté, roulant sur un cadavre, et il rate son coup. Je plisse les yeux. Un soupçon d'amusement me traverse. Serait-ce si facile ? Tout allait-il se dérouler comme je le voulais jusqu'à la toute fin ? Oui, ça m'amuse. Il dégaine ses lames. Moi aussi. Je sais ce qu'il veut faire, et je sais ce que j'ai à faire. Je vérifie un dernier paramètre en jetant un oeil derrière moi. Oui, elle est bien là. La fille d'Harmonie. C'est vraiment trop facile. D'un pas de côté, j'esquive l'épée de Dyriel, qu'il manie décidément maladroitement. Un couple de combattants nous sépare tous les deux, et pendant un instant, l'adrénaline monte. Il ne faut pas qu'ils nous dérangent maintenant. La fille court vers nous.

C'est le moment.

Il porte un dernier coup. Profitant de l'ouverture dans sa garde, je lui tranche la tête.

C'est si simple.

La fille tombe dans le sable, inconsciente, avalant la vie que je lui offre.

Je souris.