L'effroi de Ralek.

La saison venait de se refroidir. Les aventuriers venaient de déserter les rues de la cité. Sauf peut être les quais du nouveau port.
Le lointain Nord, froid et dangereux. C’était là bas que tous se rendait. Mais Ralek ne se sentait pas d’humeur de rejoindre les terres gelées.

Ses dernières nuits devenaient de plus en plus agitées. Les souvenirs revenaient sans cesse plus nombreux, plus précis.

Le froid des nouveaux arrivants envahissait aussi les rues. Leur présence inconfortable, et leur air peut enclin à s’en faire des amis. On pouvait comprendre leur façon de vivre maintenant qu’il n’avait plus de but. L’emprise du tyran de Nord avait cessée. Peut être pouvait on leur faire confiance.

Ce froid… il ne quittait plus son corps aussi. Même le souvenir des mers du sud ne le réchauffait plus assez. Ralek sentait ses forces diminuer. La fatigue constante due aux songes et aux derniers évènements, ce devait être ce cocktail qui le rendait si peu combatif.

Il s’allongea encore une fois, puis laissa le sommeil gagner cette bataille.

Les flots de pensées ne tardèrent pas. Il sentit le sable chaud sous ses doigts et en prit une poignée, qui se déversa lentement sur la plage. Chaque grain aussi libre que le vent qui traversait la mer azur face à lui. L’eau calme venait manger les abords de la plage, mais elle restait à distance de la jungle verdoyante derrière lui.

Elle devenait plus intense lorsque les rochers décidaient de la stopper et encore plus calme lorsqu’elle ouvrit ses bras limpide à une tortue qui la rejoignit.
Lentement la carapace avança sur le sable, mais il n’y avait aucune hésitation dans sa course.

Une silhouette approcha de la tortue, la contourna et se dirigea vers le voyageur. Au loin elle semblait grande, féroce, différente d’un humanoïde. Mais plus elle approcha et plus on ressentait sa petitesse. Le flou laissa place à un enfant. Il ne semblait pas vouloir qu’on le voit ainsi.

Le masque qu’il portait faisait deux fois sa taille, il aurait effrayé n’importe qui, pas un homme rompu aux combats. Sa posture non plus n’effrayait pas Ralek. De nombreux trolls des îles voisines s’affublaient de la sorte, et de façon identique, la poignée d’humains qui avait évolué dans ces mers, avaient des coutumes similaires.

Ces tribus d’humains, Ralek comprenait maintenant comment ils étaient arrivés là. Après tout, certains humains avait été découvert dans le sud de Kalimdor.

Ralek reposa sa tête sur le sable et ferma les yeux. La chaleur disparue et laissa place au froid.

L’écharpe remontée sur son nez, une capuche tombante sur ses yeux, Ralek monta sur le navire avec un peu de mal. Sa santé s’était améliorée, au moins un peu.
Mais parfois les forces lui manquaient pour pouvoir se lever ne serait ce qu’une minute.

Le hamac tanguait au rythme du voyage sur les flots. Le sommeil tomba facilement malgré son état.

Vert, partout, lumineux et verdoyant, la jungle sans fin s’étala devant lui. Tantôt familière, tantôt repoussante, l’étendue luxuriante recelait de nombreux danger et de nombreux trésors.
Ralek leva les yeux sur une silhouette, un homme adulte. Adulte, un problème se dessina dans les songes du voyageur. Il était petit face à l’homme. Celui-ci pourtant courbé dégageait un gigantisme effrayant.
Un instant Ralek observa son reflet dans la mare qui scintillait sous les rayons du soleil. Ce reflet il le connaissait, il l’avait vu il y a longtemps. Il l’avait eu il y a longtemps.

Le géant courbé l’invita à le suivre. Au passage ils saisirent tout deux une lance posé sur un arbre. Ils marchèrent une bonne heure avant que la sortie ne se dévoile. Entre deux cocotiers, cachés par une fougère géante, la vue se dégagea révélant une plage somptueuse.
Les sons de la jungle se turent, laissant place aux échos de la mer.
C’était aussi des sons familiers, réconfortant. L’enfant Ralek sourit et ferma les yeux pour écouter la mélodie.

Le grand guerrier et l’enfant longèrent l’eau un long moment, traversant dunes et rochers. Enfin un village apparut sur la plage.
Une grande hutte centrale dominant d’autres huttes plus petites. Des barques tribales étaient laissées sur la plage. D’autres guerriers préparaient des filets et des lances non loin de la forge.
Ils se préparaient à partir à la pêche, Ralek le savait. Le grand guerrier s’arreta. Il se tourna vers l’enfant et lui murmura quelques paroles. Ralek savait ce qu’ils se disaient, mais étrangement il n’entendait pas. Puis l’homme rejoignit les autres hommes et tous embarquèrent. Ils quittèrent les rivages et disparurent derrière la jungle au loin. Derrière le grand volcan.
Ralek observa la montagne endormie, puis en tout hâte il rejoignit la grande hutte.

Ralek se leva lorsque la cloche retentit, le bateau venait d’arriver à quai.
Il posa les pieds sur le quai, observant l’effervescence qui prenait le bastion.
De nombreux civils prirent une même direction.
Le voyageur quant à lui décida de prendre un remontant dans la taverne proche.
Devant sa chope il replongea son esprit dans ses songes, cherchant à démêler les nœuds.

« Dit moi où il est ! Dit-le ! » Cracha le flibustier au visage de l’enfant.

La lame serrée contre la gorge, son autre main agrippant le pagne de sa victime, le pirate s’engouffra dans la caverne. L’eau se déversa sur son bicorne manquant de lui enlever de la tête.
Le son lourd de la chute d’eau résonna contre les parois. Ce fut le tour de la voix de l’enfant de la parcourir.

« J’te dirais rien, sale vieux con. »

La réponse fut cinglante, le gamin fut projeté contre le mur de roche où il s’écrasa de tout son poids.
Le nez explosé et une pommette saignante, l’enfant se releva et grimaça. D’un revers de main il essuya le sang qui coulait le long de sa joue.

« Tu joues au dur petit, mais tu vas te frotter à plus dur que dur. Dis moi où se trouve le coffre. »

Calmement le pirate repris son souffle, barrant la seule issue à l’enfant. Il agita son coutelas en signe de défi. Attendant que le petit se jette vers la sortie, il joua avec la lame.

Seul le jour éclairait la caverne, laissant aux ombres le loisir de s’y terrer. Un instant l’enfant pensa jouer de sa vision plus précise et adaptée que celle du pirate. Son unique œil ne cessait de le suivre.

Une voix retentit derrière le pirate.

« Saisit le ! Qu’est ce t’attends ?! »
« Capitaine !?, vous êtes pas au village ? »
« Et toi, tu fais quoi ici ? »

La visite de ce nouvel arrivant avait surpris le pirate. Il serra un peu plus le manche de son arme et recula de quelques pas vers l’enfant.

« J’vu des villageois s’engouffrer dans la jungle, j’pensais … »
« T’pensais quoi ? t’pensais pas qu’t’aurais b’soin d’nous ? »
« C’est qu’des villageois, pas très dangereux… »
« Tu voulais pas n’doubler dis ?! »

Le pirate bafouilla et puis se tut, il jeta successivement un regard a sa lame puis au capitaine.
Il s’apprêtait à bondir sur lui aussi rapidement qu’il le pouvait. Il n’eut même pas le temps de lever un pied de terre.
Derrière lui l’enfant frappa son genou d’un bout de bois, il s’effondra et mit celui-ci à terre.
Il tourna sa tête et vit l’enfant abattre une pierre qu’il aurait crue trop lourde pour lui.
Son crane se fendit et ses yeux s’écarquillèrent. Son corps finalement tomba.

La pierre roula quelques pas plus loin. La peur s’empara du gamin.

Devant l’eau qui tombait, le capitaine applaudit. De plus en plus fort, puis il éclata de rire.

« Tu l’as bien eu ce bâtard. »

Le capitaine s’accroupit au dessus du corps sans vie. Il récupéra une bourse, ainsi que le couteau.

« Tu me facilites la tache petit. »

Immobile et tremblant, l’enfant continuait de fixer le mort. Il en avait vu des morts, mais il n’avait jamais tué quelqu’un. Le pirate le vit aisément, il profita de la situation.

« Bien, dit moi maintenant, dit moi où se trouve ce qu’il cherchait. Et ne joue pas au plus malin. »

Sans dire un mot, l’enfant se rendit au fond de la caverne. Il désigna une série de rochers et un tas de feuille et de branchage. Les pierres furent déplacées et le tas soulevé. Tout les deux descendirent une succession de marches. Le lac souterrain scintilla sous l’effet de la torche lorsque le pirate l’alluma.

L’enfant plongea dans les eaux sombres. Quelques minutes plus tard il remonta, trainant sur le bord le petit coffre.

« Où est la clé !? »
« Elle… elle n’est pas ici… »

Le pirate lui décocha une gifle monumentale. Le sang se mit à couler sur son autre joue.

« Je sais, je voulais juste vérifier… »

Le coffre sous le coude, le pirate engagea l’enfant à se relever et tout les deux quittèrent la caverne. Ils traversèrent la jungle et arrivèrent enfin sur la plage. Lorsque l’enfant vit le village en flamme, il ne put retenir ses larmes.
Le capitaine s’adressa à un autre pirate.

« Met le dans la cage avec les autres, ces foutus gobelins nous en donneront un bon prix. »

Les menottes de métal se refermèrent sur ses bras et la chaine se balança dans le vide.
L’enfant rejoignit d’autres de sa tribu derrière les barreaux. Il s’assit dans un coin et chercha sa mère du regard mais ne la trouva pas. Il pensa fort à son père, partit plus tôt avec les autres hommes.
Sa tête entre les jambes il ferma les yeux et vécu sa tristesse seul.

Le liquide vacilla dans la chope sous la secousse. Ralek n’entendit pas l’homme s’excuser. Il leva les yeux, sécha ses larmes d’un geste discret, puis d’une traite il vida la chope. Il quitta ce soir la taverne avec le cœur remplit. La nuit imprégnait l’atmosphère, comme le froid, qui s’infiltra dans ses vêtements.
Le pas lourd et trainant, Ralek rejoignit la caserne pour y recevoir des directives.

Finalement un garde l'aiguilla vers la table de recrutement, à l'extérieur du donjon, de l'autre côté du bateau. Le flot incessant de voyageurs continua toute la journée. Quelques heures déjà qu'il était arrivé et aucun mal ne l'avait pris. Son état devait surement s'améliorer.
Mais sa patience commenca à s'effriter lorsqu'il vit le nombre incroyable de gens qui s'alignaient pour obtenir une affectation au combat. La Longue queue se remplissait et se vidait à intervalle régulier, mais il faudrait au moins une bonne heure avant qu'il ne puisse être en tête.

Pas question d'attendre dans le froid et sans rien faire. Ralek remonta son écharpe sur son visage et enroula sa cape par dessus ses épaules. On lui indiqua les deux sorties possibles de la ville vers le Norfendre. On lui expliqua aussi que son aide pourrait avoir une quelconque utilité pour les paysans au nord. C'est sans tarder qu'il se dirigea vers la campagne avoisinante.
Ici il n'y avait pas besoin de chercher l'ennemi, on pouvait le trouver n'importe où. Ralek s'en rendit vite compte, les hordes de goules infestaient la région.

Les premiers coups frappèrent de plein fouet les monstruosités non vivantes. Cela lui permit de dégourdir ses bras et ses mains. Plusieurs coups de pieds firent reculer les goules. Ralek s'échauffait à peine. Puis il repéra une plus grosse bête dans le tas. Sans tarder il se jeta dessus les deux lames en avant. L'acier traversa la tête de part en part. Le combattant découpa un bras puis fendit un genou.

Ce regain d'énergie lui apporta un bien être conséquent. Le froid ne mordit plus, ses soucis s'évanouirent. Il sécha ses deux lames puis rejoignit un groupe gens occupés eux aussi à en découdre avec les abominations.
Son aide apporta un grand soutien aux fermiers du coin. Il ne cessa de leur proposer plus d'aide mais finalement il se résigna quant plusieurs autres aventuriers prirent part aux réjouissances. Il avait fait son maximum dans le coin, d'autres monstres du Fléau attendaient plus loin.
Le soir tomba sur la Toundra, et un spectacle extraordinaire éclaira le ciel sombre durant toute la nuit. Les voiles de lumières qui ballotaient accrochés au ciel, remplirent son cœur de plus de ferveur et de courage que jamais. La nuit fut plus douce aussi.

Les vagues, la chaleur humide et les maladies errantes. L'odeur des déchets, celle des agonisants et celle des morts. Le bruit effroyable des souffrants et celui des plaintifs.
Cela faisait plusieurs jours que l'ancre s'était décrochée du fond, remontant le long de la coque, s'encastrant dans son maintient.

Les chaînes tintèrent lorsque l'enfant se releva, luttant contre lui même, luttant contre la fièvre qui l'affaiblissait.

Ses pas hésitant, il se traîna presque sur la fin. Le tonneau de l'autre côté des barreaux était si tentant. Il passa ses mains entre les deux barres métallique, les plongea dans le liquide brouillé et bût avec envie. L'eau coula dans ses mains et sur son corps, libérant pendant un instant sa souffrance. Rassasiant son envie, elle lui conféra aussi un répit. Il reprit ses esprits et jaugea à nouveau la cage.

Des femmes, des enfants et des vieillards. Quelques morts aussi. Des cadavres pourrissants parmi les vivants. Une source de maladie supplémentaire. Mais ce qui dérangea le plus l'enfant, ce fût l'odeur de décomposition. Cela empestait, même jusque dans la cabine du capitaine pirate.

Il ne fallut pas longtemps avant que celui-ci ne se décide à descendre. On entendit le marin gueuler tout son dictionnaire d'insultes et haranguer ses troupes au passage.
Les pirates surarmés pénétrèrent en toute hâte dans la cellule, repoussant les indigènes à coup de pieds et de sabres. Les grimaces se dessinèrent sur leurs visages exprimant bien la situation éprouvante pour tous.
Certains sortir les flasques d'alcool et s'en jetèrent un petit avant d'entamer leur travail macabre. Un par un les corps furent transportés au dehors puis balancés sans ménagement par dessus le bord.

Et tout le reste de la journée ce ne fût que cris et pleurs, larmes et gémissements.

L'enfant se recroquevilla près du tonneau, s'adossant contre les barreaux froids et durs. Lui ne pleura pas, il resta en silence, la tête entre les jambes. De nouveau il se mit à ne plus penser, se laissant divaguer.

<Les Terres du Nord lointain. Froides, dévastées. Mais il y rôde aussi d'innommables créatures, inimaginables monstres enfouis sous la terre glacée.
Plus d'un ont succombé à la folie dévastatrice de ces bêtes immondes.
Ils y ont perdu leur vie ou simplement leur raison. D'ailleurs aucun voyageur n'est à l'abri une fois le pied posé sur les côtes nordiques.

Parmi ces créatures, une plus effrayante que les autres, hideuses d'après la plupart, invisible d'après d'autres, vit recluse.
Elle attend son heure. Elle prépare son attaque avec soin. Elle a tout son temps.

Méfier vous voyageur, méfier vous de vous même. Méfier vous de votre peur et de vos angoisses. Elle saura en tirer parti. >

La marchandise avait fait un voyage catastrophique, le bateau de piètre facture et vieux de plusieurs années, l'équipage de bras cassés et de bandits en tout genre, voilà tout ce qui caractérisait un quotidien de contrebandier. Parfois l'attaque d'un navire traversant la mer pour rejoindre les îles du royaume de Kul Tiras, transformait la monotonie des vagabonds de l'eau.

Encore fallait il que l'on puisse échanger cette marchandise. Les Gobelins étaient parfois réticents, selon l'endroit où ils allaient. Pour le moment elle serait facilement refourguée. Mais ce marché là ne durerait pas. Sur les mers il fallait juste éviter les points de conflit entre Horde et Alliance. Cela ne durerait pas non plus. On pouvait sentir la Seconde guerre toucher à sa fin. C'était le moment idéal pour faire des affaires avec les gobelins. Même pour des humains.

Le navire s'amarra au ponton sans encombre. Les petits êtres verts couraient dans tout les sens, l'effervescence prenait ce port d'assaut. Rien de mieux que cet endroit, perdu dans les îles du sud, un croisement entre l'île capitale des gobelins et toutes les autres. Même des trolls plutôt étranges y venaient, différent des Amanis de la Horde. Le capitaine n'en fut pas plus choqué que d'habitude. Les gobelins ne furent pas plus choqués de voir la marchandise descendre du bateau. Enchaînés comme des prisonniers, des hommes et des femmes ainsi que des enfants suivirent la file jusqu'a l'étal. Une masse verte s'agglutina devant le présentoir, hurlante et avide. Un à un les individus en vente partirent.

Le voyage avait causé des pertes, de tout les prisonniers, à peine un quart avait survécu. En tout et pour tout, 5 adultes et trois enfants. Trois hommes, deux femmes, une jeune fille et deux jeunes garçons. Un butin qui rapporta son pesant d'or au capitaine et à son équipage, celui-ci quittant le port, heureux de son affaire florissante.

Sur d'autres pontons, les esclaves embarquèrent dans divers navettes, la plupart à destination de la grande île de Kezan.

L'un des deux jeunes garçons embarqua avec la jeune fille et trois gobelins sur un petit navire. Le voyage fut rapide et plus agréable, comparé au calvaire sur le navire des pirates. La nourriture servie fut plus appréciable et le vin aussi. Des apparences pour cacher ce qui les attendait.

< Que fais-tu ici ? >

Le voyageur resserre l'écharpe autour de son visage. Il frissonne lorsque la vague de froid l'assaille à nouveau.

< Il fait froid ? Te rappelles-tu cette chaleur ? >
< Ceci, n'est pas ta réalité. >

Le cheval tressaille lorsque la bride se tend. Le cavalier se prend la tête entre les mains.

" J'ai mal au crâne... "

< Oublie ta mission ici, retournes là bas, tu iras mieux. >

" Laisse moi... "

Le voyageur saisit une gourde qui se balance sur le flanc de la monture, alors qu'il reprend sa chevauchée.

< Tu dois leur rappeler ce qui t'a été fait. Je te laisserais si tu repars. >
< Ceci n'est pas ta civilisation. Tu ne leur dois rien. >

L'homme se recroqueville sur lui même et relève sa capuche, l'abattant sur son front et ses yeux.

< Tu y vas ? >
" Où était ce déjà ? "
< Le vieux Hammot >
" Sombre Comté je crois. "
< Tu y es déjà allé. >
" Sur la route de la grand jungle du sud. "
< Celle qui mène dans ce repaire de flibustier. >
" ... par là ... "

Le voyageur ouvre sa besace et en sort une large flasque serré dans un morceau de cuir blanc. Il débouche cette flasque et s'en verse quelques gorgée.

" Par tous les bordels, ça ne cessera pas... "
< Ce mal au crâne ? Non. >
" Et toi cesseras tu ? "
< Non >

Ralek fut pris d'un fou rire, alors qu'il essaya de le retenir. Indépendant de sa volonté, il trouva la fin dans un coup bien placé entre ses côtes.
Alors que cessait cette manifestation physique du rire, l'écho de cette ironie continua au plus profond de ses pensées.

Le trajet se fit sans surprise pour le voyageur, avachi sur sa monture, son feutre rabattu sur ses yeux. Il gagna Sombre comté malgré tout, pour assister à la cérémonie qui s'y déroulait. Déjà de nombreuses personnes étaient présentes, et d'autres continuaient d'arriver. L'atmosphère devint pesante lorsque Ralek traversa la foule, il ressentit tous ces gens se presser autour de lui, l'enfermant, prenant son air.

Le voyageur chercha un coin plus tranquille, et il le trouva alors que la pluie se mit à tomber en averse. Devant le feu il se réchauffa les os, envahit par le froid persistant des terres gelées. Il sortit de nouveau sa flasque et s'en versa une nouvelle gorgée.

Dans l'hôtel de ville, l'afflue se fit important, il se laissa mener. Dans la salle, suivant l'ordre, il se mit à l’ écart préparant sa besace.
Le discours fut long, interminable, et le voyageur ne put s'empêcher de fermer les yeux. Se concentrant sur les pulsations qui lui explosaient les tempes, il se vit trancher de nouveau quelques gorges et finalement faire régner le silence en ces murs.

Son salut arriva comme la fin de l'orage, et sans tarder ralek sortit de l'immeuble afin de profiter de l'accalmie dans ces terres maudites.
Finalement il se décida à prendre sa monture et à vagabonder vers le nord, vers des forêts plus verdoyantes.

"Vers le Nord Sire, la frontière des terres Drakkari. La petite chapelle s'y trouve, mais vous devriez vous y arrêter, au delà je vous conseille une escorte. " Lança le soldat vers Ralek.

Sa voix résonna comme mille cloches à l'unisson et à la fois désaccordées. Grimaçant sous l'effort de concentration qu'il lui fallut opérer, Ralek cacha sa gêne sous son écharpe rouge. Puis il quitta le fort et la civilisation restante dans le coin.
Il longea une large montagne durant quelques heures et finalement arriva à destination.

Creuser dans le sol et construite de pierres et d'échafauds branlant, la chapelle ne payait pas de mine, tout comme ses habitants. Une tempête de froid commençait à gronder et ne tarderait pas à arriver par ce coin. Ralek s'engouffra sous les charpentes à ciel ouvert et s'installa sur un banc afin de débuter une méditation. Il tourna ses pensées vers la Lumière et ses préceptes, se jura d'être vigilant et courageux, puis se tourna vers sa besace. En l'espace de quelques minutes ses promesses s'évanouirent, alors que coula le liquide chaud et enivrant dans sa gorge.
Sous sa capuche et son écharpe, le vent et la neige cachant son ombre et sa vision, Ralek se mis à réfléchir aux derniers moments passés à des milles de cet endroit, en un temps reculé.
Sous l'effet de l'alcool, il se livra corps et âmes à ses divagations.

La tempête cessa au bout d'un certain temps, et une flopée de soldats arrivèrent afin de remplacer d'autres comme eux. Un chariot de vivre arriva aussi chargé de vivres et de matériaux. Dans la chapelle s'activèrent les travailleurs et les pieux.
Ralek fut réveiller par une voix d'outre tombe.

" Pardonner moi seigneur, je ne voulais pas vous effrayer. "

Une silhouette sous capuchon et armure de plaques se dessina au dessus de lui. Deux yeux luisant tournèrent leur regard vers le sud avant de revenir sur lui. Ralek se sentit oppressé et vulnérable, affaiblit par ce réveil brutal et malheureux.

" Non, non, vous m'avez juste un peu surpris " répondit Ralek comme pour se rassurer lui même.

Il se releva péniblement. Son attention resta portée sur ce vagabond durant quelques secondes, alors qu'il s'essaya à distinguer l'humeur de son interlocuteur.

" Je suis un malheureux défunt." exprima l'homme dont le teint relevait plus de la neige qu'autre chose.
" Pardon je ne vous comprends pas. "
" Un ancien serviteur du fléau jeune homme, un repenti désormais. J'espérais un peu d'aide. "
" De l'aide. Je crois qu'on en a tous besoin ici. "

L'homme exprima un sourire qui bizarrement n'inspira pas de réconfort. Ralek se contenta de s'adosser contre un pilier de bois.

" Vous semblez en avoir bien plus de besoin que moi semble t'il. Vous sentez vous bien jeune homme ? "

Ralek grimaça puis se saisit de sa flasque. Alors qu'il amena le conteneur à ses lèvres, il perdit soudain la force de continuer. Puis ses jambes se plièrent sans effort. Il tomba vers l'avant et s'écrasa de tout son long dans la neige. Le chevalier l'observa dans sa chute et un court instant, dans le trouble de ses yeux, Ralek crut y déceler un plaisir.

La neige venait de cesser sa lente descente, le temps se réchauffa un peu et les éclaircies percèrent les nuages sans efforts. A nouveau Ralek crut naître à nouveau. Ouvrant les yeux et remuant la tête, il hurla de douleur. Il fixa son regard vers la silhouette qui le tenait au dessus du sol et d'un sourire bienveillant l'accueillait.

" Vous nous quittiez jeune homme ? "
" Que s'est il passé ? "
" Le froid semble vous avoir étreint sans ménagement. Vous auriez finis comme un glaçon, une belle sculpture à mon avis. "
" Je vous connais ? "
" Je ne crois pas, en tout cas pas jusqu'à présent. Venez, je vous porte près de ces clercs, ils vous revigoreront. "

La silhouette le porta sur quelques pas et le déposa sur un banc. Autour de lui quelques hommes en robes et toges l'observèrent et le touchèrent. Rapidement agacé, Ralek rejeta ces pauvres âmes, puis se mis en quête de son bienveillant sauveteur.
Il le trouva finalement attablé face à une caisse et des vivres. L'homme l'invita et se présenta à lui. Son sourire avait un goût d'amertume. Il lui servit du vin et du cochon grillé, mais ne mangea rien. Ralek compris le pourquoi de cela lorsque le chevalier lui révéla son état.
Un moment Ralek resta suspicieux, puis l'homme ôta sa large cape qui lui couvrait les épaules, le dos et le torse. Son tabard rassura Ralek.
Le repas s'écoula durant quelques heures, le chevalier conta son épopée et exposa ses motivations. Le vin coula à flots.
La compagnie de ce mort se révéla plaisante pour le croyant, qui se surprit à rire en écoutant les péripéties de ce chevalier.

Le repas prit fin et le chevalier dût partir, il s'excusa auprès de son invité et ayant emballé ses maigres affaires, il se mit en selle.
Il laissa le soin à Ralek de ranger les vivres qu'il lui donna de bon cœur. Il n'en fallut pas moins pour le voyageur qui avait apprécié cette rencontre.
C'était surtout inespéré, lui le voyageur qui avait oublié de prendre un nécessaire pour son voyage. Il rangea l'outre de vin dans sa besace tout en vérifiant la place de sa flasque. Ayant emballé ses vivres et ses affaires, il les déposa près de sa monture et s'engouffra dans la chapelle pour y méditer jusqu'au lendemain.