Vivre, c'est ma seule espérance
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Re: Vivre, c'est ma seule espérance
Trois semaines plus tard, nous avons accosté près d’une énorme étendue de glace. Le Northrend. Perché comme toujours, j’observais les icebergs flotter, les arches de pierre grever la surface de l’eau et au loin un énorme squelette d’os blanchis, une carcasse de dragon probablement. Les ruines comme toujours attiraient mon attention, j’ai vraiment un truc avec les vieilles pierres. Pas troll, ni kaldorei, je me suis promis de les explorer et à ma surprise, Saig s’est proposé pour me suivre cette fois-ci !
Le port en lui-même n’avait pas grand-chose d’accueillant à première vue. Des huttes faites de peaux tendues et d’ossements ou d’ivoires, je ne savais pas trop. Les quais ressemblaient aux luges qu’on utilisait gamin pour dévaler les pentes derrières l’abbaye à la moindre couche de neige. J’ai ressenti le même sentiment d’impatience que lors de ces moments-là. L’air a gagné un parfum de voile d’hiver et j’aurais presque pu m’imaginer en train de courir sous le grand arbre pour déballer mon cadeau. Toujours le même du Capitaine, des vêtements chauds. Je crois que j’espérais toujours voir un jouet ou une peluche. En même temps, il faut le comprendre, le seul cadeau autre que des vêtements, je l’avais démonté pour voir comment il marchait.
Toujours est-il que pour une fois, j’ai sauté le premier à terre. Sous mes pieds, les peaux tendues faisaient office de tambours et je sautillais presque comme pour créer une musique. Au rythme le plus crétin que j’ai pu inventer, j’ai accroché les cordages sur la bite d’amarrage, une sorte de queue de poisson. Nous n’avions rien à débarquer cette fois-ci, j’ai pu détaler dans le village pour le découvrir.
Je pensais alors être impatient et pressé, mais il y avait plus impatient que moi. Notre imperturbable capitaine se précipitait littéralement vers le village. Je me rappelle avoir ressenti son inquiétude lorsqu’il m’a dépassé pour s’enfoncer dans les quelques arbres enneigés. Pendant deux semaines, il n’a pas donné signe de vie. Bien évidemment, on se faisait un peu de soucis : voir le gars le plus tranquille paniquer avait quelques choses de perturbant. Son second nous assurait qu’il reviendrait, mais je me rappelle avoir douté.
Une fois la surprise passée, j’ai repris ma découverte. Le village que je prenais pour le lieu de résidence d’une tribu humaine primitive logeait en fait des espèces de morses croisés avec des nains. C’est sans doute pour cela que je n’ai jamais vu de femelles dans leur campement. Cette race se nomme les Kalu’aks. Ils vivent de chasses et de pêches. Ils chevauchent des sortes de tortues et d’ailleurs leurs navires sont en fait des immenses tortues marines harnachées. Je ne pense plus avoir le temps pour une analyse anthropologique détaillée mais la découverte de leurs us et coutumes fut un véritable plaisir. Ce qui a particulièrement retenu mon attention fût le tannage des peaux et la fabrication de leur alcool local.
L’intérêt pour le tannage découlait du simple fait que nous avons énormément chassé pendant notre escale. Pas par plaisir, mais nécessité. Nous devions préparer la traversée qui nous mènerait ensuite vers Tanaris. Presque trois mois de pleine mer. Par conséquent, nous avons fait des réserves de vivres. Cette tâche occupait presque toutes nos journées passées là-bas. La chasse, le dépeçage, la conservation de la viande, traiter les peaux, on nous a réparti en plusieurs groupes pour être plus efficace. J’ai écopé du traitement des peaux avec quelques autres. Un Kalu’ak nous a appris à le faire avec les moyens dont on disposait alors. Encore une fois, dans la simplicité des gestes, j’ai trouvé une certaine quiétude.
L’intérêt pour l’alcool venait plutôt de ma curiosité. Contrairement aux nôtres qui viennent généralement de fruits macérés, le leur était fait grâce aux sangs de nos prises. Tout s’utilise. Pas de gâchis. Ils le faisaient bouillir dans de grandes marmites à l’aide de plusieurs types de plantes et d’épices. Laissez-moi vous dire que ça arrache la gueule même aux habitués à nos alcools les plus forts. Certains sangs d’animaux avec les bonnes plantes donnaient même des remèdes efficaces contre des maux bénins.
Bien évidemment, on a eu le temps d’explorer les alentours directs du village. Saig m’a accompagné dans ma chasse aux ruines et aux plantes. Entre deux découvertes, on s’est découvert un attrait commun pour la neige et les batailles. Des vrais mioches. Chaque soir, le sommeil nous serrait dans ses bras rapidement. De la saine fatigue.
J’ai aimé ce séjour simple parmi les hommes-morses. C’est à regret que nous les avons quittés le lendemain du retour du capitaine.
Lanniey
Re: Vivre, c'est ma seule espérance
J’arrive à la fin de mon récit. L’histoire décevante qui m’a amené ici. Seul. Coincé au milieu de rien ou de tout selon certains. Je commence à regarder mes doigts comme si c’était des saucisses, j’ai vraiment la dalle. La fièvre réchauffe encore plus ma peau. Comme si j’avais besoin de ça. Mon esprit divague et mes moments de conscience sont de plus en plus espacés et courts. Cela fait combien ? Une voire deux semaines ? Coincé sur un îlot avec une caisse de rhum. Peut-être que je devrais me mettre la murge du siècle et me laisser glisser. J’en ai bu que deux bouteilles, juste pour étancher ma soif, pour mouiller mes lèvres. Je pêche vraiment comme une merde, je suis certain que Saig aurait réussi à se procurer assez de bouffe pour nourrir trois personnes. Je me dessèche. Pas de métaphore ce coup-ci. Les coups de soleil ont rendus ma peau dure à certains endroits, j’en perds des lambeaux. J’ai une insolation, les yeux à moitié cramés et, s’il n’avait pas ce connard de palmier sorti du cul d’Azeroth, je serais probablement déjà crevé.
Vous imaginez ça ? Un putain d’îlot avec un palmier comme sur les peintures pour vous vendre des séjours sur les plages de Tanaris. Je ne vois pas comment les gens peuvent considérer comme paradisiaque le fait de lutter pour garder la tête sous trois feuilles pour avoir de l’ombre, de crever de faim parce que les poissons sont des cons et de délirer avec une caisse de rhum ? Tsah. Y a bien un crétin qui va me trouver la fabuleuse idée comme ce pirate célèbre de faire une corde avec mes poils de dos pour grimper sur une tortue et grâce à elle atteindre la civilisation. Soyons logique ! Faudrait des sacrés poils de dos pour y arriver… et de toute façon, je suis imberbe, donc à moins de me raser le crâne, je ne vois pas comment je pourrais faire une corde. Et il n’y a pas de tortue qui passe par là en cette saison.
Toujours cette idée à la con, raconter mon histoire pour quelqu’un sache. Peut-être un sursaut de conscience, mais j’en doute. Plutôt comme les peuples du nord, je ne sais pas, savoir que mon histoire sera lu, que je serais détesté ou simplement qu’on parlera de ça, continuera de me faire exister. J’ai peur de crever. Je ne suis pas un chevalier. Les beaux discours sur la mort qui ne serait qu’un passage, je m’en branle sévère. Je veux vivre.
Lanniey
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