[Récit, Starcraft] Histoires d'une Ghost
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[Récit, Starcraft] Histoires d'une Ghost
[ Salutations ! Voici, pour vous changer un peu et être dans l'air du temps, une petite série de nouvelles sur Starcraft que j'ai dû écrire il y à quelques années. C'était à l'époque où on regrettait encore Starcraft : Ghost et où le second opus était en plein développement. La première se passe en 2502, soit deux ans avant le retour des Zerg. Elles ont quand même été légèrement mises à jour depuis pour en améliorer un peu la grammaire et respecter les nouvelles révélations historiques.
Nos héros font partie des Delta Avengers, un groupe de résistants à l'origine créé par Syldur, et ont été utilisés pour quelques parties de jeu de rôles. Si vous vous attendez à des personnages originaux, surtout maintenant que Starcraft II et les bouquins ont développés les Raynor's Raiders, UNN et le passé de Sarah Kerrigan, entrez prudemment. ]
Le Marine observait les étoiles d'un air absent. Le spectacle qu'offrait ce soir-là la voûte céleste aurait coupé le souffle à n'importe quel astronome du XXIème siècle, et pour cause : aucune des constellations qui scintillaient telle une myriade de perles dans l'écrin d'ébène de la nuit n'avait jamais été répertoriées sur leurs cartes, invisibles depuis notre système solaire. Car l'avant-poste désertique, perdu sur une petite planète aux limites des territoires du Dominion, n'était pas peuplé de terriens. Il était habité par des Terrans, et la distinction était très importante. Des milliers d'années-lumières d'importance.
L'homme inspira profondément, avant de relâcher une longue bouffée de fumée de cigare. La nuit était assez calme et silencieuse pour qu'il se contente d'observer le ciel, non pas par une quelconque recherche artistique de la beauté stellaire, mais parce que depuis le temps qu'il patrouillait ici, il finissait par combler le vide spatial avec ce à quoi il pensait sur le moment. Des femmes. De l'argent. De l'alcool. Sanglé dans son imposante armure de combat CMC-300 agrémentée de nombreux dessins personnels, l'homme avait vu défiler les années dans cet avant-poste moisi, servant loyalement la Confédération, jusqu'à ce qu'on l'informe que c'était maintenant au tour du Dominion. Et pour être tout à fait honnête, la seule différence que cela avait fait pour lui était le temps qu'ils avaient passés à repeindre le matériel de l'avant-poste en rouge.
Le Marine cracha son mégot et prit à la main son fusil gauss, faisant quelques pas en longeant le mur d'enceinte, éclairé par les lampes disposées à intervalles réguliers. De la musique country se faisait entendre au loin, probablement émise depuis la Caserne. Les autres soldats de l'escouade devaient jouer au poker en se sifflant des bières, comme tout les soirs depuis le départ des Zerg. C'était la routine. L'ennuyeuse routine ... L'homme commença à bailler, les yeux fermés.
Il ne termina pas. Il ne pouvait plus bouger. Il ne bougerait plus jamais. La force invisible qui lui avait saisie brusquement le cou pour y imprimer une vive torsion s'en était assurée : le soldat était mort proprement et silencieusement. L'air vibra en face de l'armure qui s'effondrait, et peu à peu quelque chose s'y matérialisa dans une aura bleutée. D'abord de façon imprécise, comme si elle était éthérée, puis près quelques secondes de manière plus distincte, faisant apparaître une silhouette aux traits distinctement féminins. Plusieurs pièces d'armures protégeaient son corps fin et vêtu d'une combinaison intégrale. Une paire de lunettes de vision nocturne éclairait de manière diffuse la pénombre, et un masque à gaz achevait de lui ôter tout traits distinctifs. Un imposant fusil de précision lui était accroché dans le dos, et elle se faisait craquer les articulations des doigts, d'une manière qui prouvait qu'elle avait eu l'agilité nécessaire pour tordre le cou du soldat.
La Ghost porta ensuite ses mains jusqu'aux sangles de sa tête afin de défaire les masques, révélant un visage parsemé de taches de rousseur et qui ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années. Ses cheveux étaient coiffés en une courte queue de cheval, mais son expression, elle, ne reflétait pas la moindre émotion : ni la joie de la victoire ni le remord d'avoir ôté une vie ne s'y faisaient voir. Seuls, ses yeux luisaient et prouvaient qu'elle était plus vivante que l'homme qu'elle venait de tuer. Sa respiration était lente, son rythme cardiaque faible. Le programme Ghost de la Confédération lui avait apprit à se maitriser.
La jeune femme baissa le regard sur son chronomètre. Elle avait nettoyée l'avant-poste dans les temps, la mission était donc terminée. Elle avait neutralisée de manière définitive la garnison, même si cela ne lui aurait pas forcement été nécessaire. Les ordres du capitaine Johnston avaient été de s'occuper des hommes chargés de la surveillance radar, et elle avait donc prise sur elle de s'occuper de tout les autres. Elle avait été entrainée à prendre des initiatives.
Les défenses antiaériennes maintenant coupées, la voie était libre pour les escadrons de raiders du Merrimack II, le vaisseau-amiral des Delta Avengers, une bande de pirates luttant contre le Dominion et essentiellement formée d'anciens soldats confédérés de l'escadron du même nom. Ils allaient fondre sur le dépôt de ravitaillement par ce vecteur aérien désormais sans surveillance, et ils bénéficieraient de l'effet de surprise. Argent facile.
Sans se poser plus de questions, la Ghost contacta l'Adjudant du navire. D'ici une dizaine de minute, un transport viendrait la chercher. On la féliciterait sans doute pour son action, mais elle s'en fichait. Elle n'avait pas été formée à être félicitée.
La jeune femme était maintenant assise en tailleur sur un rocher, son fusil Canister à ses côtés. Elle fixait le ciel, et en particulier une étoile un peu plus brillante et un peu plus mobile que les autres. La Ghost éteignit son baladeur, stoppant le flot de musique qui se déversait en boucle dans les écouteurs de son casque. Elle avait été forcée de faire bidouiller ce système, car elle n'avait rien d'autre. Les fantômes n'ont pas d'effets personnels.
Elle se releva, alors que le point lumineux grossissait et se faisait déjà lourdement entendre. Les transports de la flotte Terran n'étaient pas spécialement connus pour leur furtivité, et celui-ci se contentait de faire un bordel monstrueux, comme tout les autres. Le commando dégaina une balise et l'alluma pour se faire voir, le bâton crépitant et fumant avant d'émettre une vive lumière rouge. Le pilote la repéra et entama sa phase d'approche. D'ici quelques secondes, il serait posé.
Subitement, la jeune femme sentit l'air changer, se charger d'agressivité. En jurant, elle sauta à terre et activa ses lunettes de vision nocturne, sentant l'intention de tuer, quelque part dans la base. Le pilote du transport n'avait hélas pas de talents psychiques pour l'avertir, et un claquement retentit tandis qu'une fusée filait à toute vitesse vers son vaisseau. Une explosion électromagnétique, puis le transport chuta lourdement à terre, complètement privé d'énergie, ses moteurs désormais éteints. Par chance il n'explosa pas, ayant été sur le point de se poser avant de prendre le Verrou de plein fouet, mais tout son matériel électronique était désormais hors d'usage.
Bon sang, comment avait-elle pût le rater ? Le Ghost ennemi devait l'avoir repérée dès son arrivée, et depuis il s'était contenté de jouer avec elle, caché dans les ombres, tissant sa toile afin d'y attirer les gens qui devaient la récupérer. Et maintenant, il allait venir pour elle.
Pas si sûr. Elle n'avait qu'une seconde, mais elle pensait pouvoir le faire. Maintenant que le sniper ennemi avait tiré sa roquette EMP, il allait lui falloir une infime pause pour se préparer à un tir de précision. En ouvrant le feu en premier, il lui avait donné l'avantage – sa signature psychique serait plus visible, plus brillante, reflétant la concentration qu'il avait investi dans l'action. La jeune femme mit l'œil à la mire et le repéra. Une mince silhouette, semblable à elle, qui commençait déjà à disparaître tel un vrai fantôme. Elle porta le doigt à la gâchette, et tira.
La jeune femme était agenouillée près du corps. Celui-ci respirait encore, mais avec difficulté, et le sifflement qu'il émettait sous son casque aurait crevé le cœur à n'importe quel médecin. La balle destinée à traverser des armures énergétiques avait fait son œuvre, et il n'en avait plus pour longtemps. Allongé contre le mur, il la regardait du même visage anonyme, son humanité masquée aussi sûrement que sa face, mais elle s'en fichait. Elle le reconnaissait à son esprit, elle l'avait déjà sentie, car il était semblable au sien. Le jeune homme avait approximativement le même âge qu'elle, et il avait subi les mêmes terribles épreuves, les mêmes horreurs. Elle ne connaissait pas son nom, mais elle savait qu'il était lui aussi passé par l'Académie Ghost de la Confédération. Son âme en portait les cicatrices. Il était comme un frère, pour elle. Il était elle, car ils n'avaient pas d'identité.
La Ghost finit par se relever, une fois que ce fut fini. Il était temps d'aller chercher le pilote du transport dans sa carcasse et de trouver quelque chose pour rejoindre les autres. Un Vautour, par exemple, ça serait chouette. Elle aimait bien les Vautours.
[Suite à venir dès que je l'aurais relue / fluidifiée / améliorée / corrigée / françisée / mise à jour / dé-kikoo-isée ]
Nos héros font partie des Delta Avengers, un groupe de résistants à l'origine créé par Syldur, et ont été utilisés pour quelques parties de jeu de rôles. Si vous vous attendez à des personnages originaux, surtout maintenant que Starcraft II et les bouquins ont développés les Raynor's Raiders, UNN et le passé de Sarah Kerrigan, entrez prudemment. ]
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Le Marine observait les étoiles d'un air absent. Le spectacle qu'offrait ce soir-là la voûte céleste aurait coupé le souffle à n'importe quel astronome du XXIème siècle, et pour cause : aucune des constellations qui scintillaient telle une myriade de perles dans l'écrin d'ébène de la nuit n'avait jamais été répertoriées sur leurs cartes, invisibles depuis notre système solaire. Car l'avant-poste désertique, perdu sur une petite planète aux limites des territoires du Dominion, n'était pas peuplé de terriens. Il était habité par des Terrans, et la distinction était très importante. Des milliers d'années-lumières d'importance.
L'homme inspira profondément, avant de relâcher une longue bouffée de fumée de cigare. La nuit était assez calme et silencieuse pour qu'il se contente d'observer le ciel, non pas par une quelconque recherche artistique de la beauté stellaire, mais parce que depuis le temps qu'il patrouillait ici, il finissait par combler le vide spatial avec ce à quoi il pensait sur le moment. Des femmes. De l'argent. De l'alcool. Sanglé dans son imposante armure de combat CMC-300 agrémentée de nombreux dessins personnels, l'homme avait vu défiler les années dans cet avant-poste moisi, servant loyalement la Confédération, jusqu'à ce qu'on l'informe que c'était maintenant au tour du Dominion. Et pour être tout à fait honnête, la seule différence que cela avait fait pour lui était le temps qu'ils avaient passés à repeindre le matériel de l'avant-poste en rouge.
Le Marine cracha son mégot et prit à la main son fusil gauss, faisant quelques pas en longeant le mur d'enceinte, éclairé par les lampes disposées à intervalles réguliers. De la musique country se faisait entendre au loin, probablement émise depuis la Caserne. Les autres soldats de l'escouade devaient jouer au poker en se sifflant des bières, comme tout les soirs depuis le départ des Zerg. C'était la routine. L'ennuyeuse routine ... L'homme commença à bailler, les yeux fermés.
Il ne termina pas. Il ne pouvait plus bouger. Il ne bougerait plus jamais. La force invisible qui lui avait saisie brusquement le cou pour y imprimer une vive torsion s'en était assurée : le soldat était mort proprement et silencieusement. L'air vibra en face de l'armure qui s'effondrait, et peu à peu quelque chose s'y matérialisa dans une aura bleutée. D'abord de façon imprécise, comme si elle était éthérée, puis près quelques secondes de manière plus distincte, faisant apparaître une silhouette aux traits distinctement féminins. Plusieurs pièces d'armures protégeaient son corps fin et vêtu d'une combinaison intégrale. Une paire de lunettes de vision nocturne éclairait de manière diffuse la pénombre, et un masque à gaz achevait de lui ôter tout traits distinctifs. Un imposant fusil de précision lui était accroché dans le dos, et elle se faisait craquer les articulations des doigts, d'une manière qui prouvait qu'elle avait eu l'agilité nécessaire pour tordre le cou du soldat.
La Ghost porta ensuite ses mains jusqu'aux sangles de sa tête afin de défaire les masques, révélant un visage parsemé de taches de rousseur et qui ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années. Ses cheveux étaient coiffés en une courte queue de cheval, mais son expression, elle, ne reflétait pas la moindre émotion : ni la joie de la victoire ni le remord d'avoir ôté une vie ne s'y faisaient voir. Seuls, ses yeux luisaient et prouvaient qu'elle était plus vivante que l'homme qu'elle venait de tuer. Sa respiration était lente, son rythme cardiaque faible. Le programme Ghost de la Confédération lui avait apprit à se maitriser.
La jeune femme baissa le regard sur son chronomètre. Elle avait nettoyée l'avant-poste dans les temps, la mission était donc terminée. Elle avait neutralisée de manière définitive la garnison, même si cela ne lui aurait pas forcement été nécessaire. Les ordres du capitaine Johnston avaient été de s'occuper des hommes chargés de la surveillance radar, et elle avait donc prise sur elle de s'occuper de tout les autres. Elle avait été entrainée à prendre des initiatives.
Les défenses antiaériennes maintenant coupées, la voie était libre pour les escadrons de raiders du Merrimack II, le vaisseau-amiral des Delta Avengers, une bande de pirates luttant contre le Dominion et essentiellement formée d'anciens soldats confédérés de l'escadron du même nom. Ils allaient fondre sur le dépôt de ravitaillement par ce vecteur aérien désormais sans surveillance, et ils bénéficieraient de l'effet de surprise. Argent facile.
Sans se poser plus de questions, la Ghost contacta l'Adjudant du navire. D'ici une dizaine de minute, un transport viendrait la chercher. On la féliciterait sans doute pour son action, mais elle s'en fichait. Elle n'avait pas été formée à être félicitée.
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La jeune femme était maintenant assise en tailleur sur un rocher, son fusil Canister à ses côtés. Elle fixait le ciel, et en particulier une étoile un peu plus brillante et un peu plus mobile que les autres. La Ghost éteignit son baladeur, stoppant le flot de musique qui se déversait en boucle dans les écouteurs de son casque. Elle avait été forcée de faire bidouiller ce système, car elle n'avait rien d'autre. Les fantômes n'ont pas d'effets personnels.
Elle se releva, alors que le point lumineux grossissait et se faisait déjà lourdement entendre. Les transports de la flotte Terran n'étaient pas spécialement connus pour leur furtivité, et celui-ci se contentait de faire un bordel monstrueux, comme tout les autres. Le commando dégaina une balise et l'alluma pour se faire voir, le bâton crépitant et fumant avant d'émettre une vive lumière rouge. Le pilote la repéra et entama sa phase d'approche. D'ici quelques secondes, il serait posé.
Subitement, la jeune femme sentit l'air changer, se charger d'agressivité. En jurant, elle sauta à terre et activa ses lunettes de vision nocturne, sentant l'intention de tuer, quelque part dans la base. Le pilote du transport n'avait hélas pas de talents psychiques pour l'avertir, et un claquement retentit tandis qu'une fusée filait à toute vitesse vers son vaisseau. Une explosion électromagnétique, puis le transport chuta lourdement à terre, complètement privé d'énergie, ses moteurs désormais éteints. Par chance il n'explosa pas, ayant été sur le point de se poser avant de prendre le Verrou de plein fouet, mais tout son matériel électronique était désormais hors d'usage.
Bon sang, comment avait-elle pût le rater ? Le Ghost ennemi devait l'avoir repérée dès son arrivée, et depuis il s'était contenté de jouer avec elle, caché dans les ombres, tissant sa toile afin d'y attirer les gens qui devaient la récupérer. Et maintenant, il allait venir pour elle.
Pas si sûr. Elle n'avait qu'une seconde, mais elle pensait pouvoir le faire. Maintenant que le sniper ennemi avait tiré sa roquette EMP, il allait lui falloir une infime pause pour se préparer à un tir de précision. En ouvrant le feu en premier, il lui avait donné l'avantage – sa signature psychique serait plus visible, plus brillante, reflétant la concentration qu'il avait investi dans l'action. La jeune femme mit l'œil à la mire et le repéra. Une mince silhouette, semblable à elle, qui commençait déjà à disparaître tel un vrai fantôme. Elle porta le doigt à la gâchette, et tira.
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La jeune femme était agenouillée près du corps. Celui-ci respirait encore, mais avec difficulté, et le sifflement qu'il émettait sous son casque aurait crevé le cœur à n'importe quel médecin. La balle destinée à traverser des armures énergétiques avait fait son œuvre, et il n'en avait plus pour longtemps. Allongé contre le mur, il la regardait du même visage anonyme, son humanité masquée aussi sûrement que sa face, mais elle s'en fichait. Elle le reconnaissait à son esprit, elle l'avait déjà sentie, car il était semblable au sien. Le jeune homme avait approximativement le même âge qu'elle, et il avait subi les mêmes terribles épreuves, les mêmes horreurs. Elle ne connaissait pas son nom, mais elle savait qu'il était lui aussi passé par l'Académie Ghost de la Confédération. Son âme en portait les cicatrices. Il était comme un frère, pour elle. Il était elle, car ils n'avaient pas d'identité.
La Ghost finit par se relever, une fois que ce fut fini. Il était temps d'aller chercher le pilote du transport dans sa carcasse et de trouver quelque chose pour rejoindre les autres. Un Vautour, par exemple, ça serait chouette. Elle aimait bien les Vautours.
[Suite à venir dès que je l'aurais relue / fluidifiée / améliorée / corrigée / françisée / mise à jour / dé-kikoo-isée ]
Dernière édition par Severnaya le Mar 14 Sep 2010, 17:59, édité 1 fois
Severnaya
Re: [Récit, Starcraft] Histoires d'une Ghost
J'aime beaucoup !
Le récit est sympathique à lire et je trouve que tu décris bien la scène !
La suite, donc !
( j'vais p'tet m'y mettre aussi, moi, vu que je commence à mieux connaitre l'univers de starcraft )
Le récit est sympathique à lire et je trouve que tu décris bien la scène !
La suite, donc !
( j'vais p'tet m'y mettre aussi, moi, vu que je commence à mieux connaitre l'univers de starcraft )
Cleyam
Re: [Récit, Starcraft] Histoires d'une Ghost
[ Merci Cleyam ! Voilà enfin la suite de nos aventures, désolé du retard ! Ici, quelques petites séances interconnectées sur le passé de notre mystérieuse Ghost. Encore une fois, le texte original a ici beaucoup été mis à jour, notamment pour en rendre moins gratuite la seconde partie. Pour ceux qui se posent des questions sur la première partie de l'histoire, je leur conseille de s'intéresser aux « Wranglers » de la Confédération puis du Dominion.
Ne ratez pas les petits liens cachés dans le texte qui mènent à des bonus multimédias. Ça vaut aussi pour le premier texte !]
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La jeune fille était assise à même le sol carrelé de la cuisine, le dos contre un placard. Habillée de son pyjama vert pomme, elle avait la tête posée sur ses genoux et s'était recroquevillée sur elle-même pour tenter de se réchauffer comme elle le pouvait. Même si Maman lui avait toujours dit de mettre ses chaussons quand elle avait froid aux pieds, elle n'avait pas envie d'aller les chercher, car cela l'aurait fait passer devant le salon. De toute façon, Maman n'était plus là.
Elle restait donc immobile, comblant le silence de l'appartement avec le vieux baladeur de son grand frère. Il avait toujours été gentil avec elle, mais il était maintenant parti pour un très long voyage, d'après ses parents. C'était d'ailleurs une métaphore idiote, parce que malgré son jeune âge, Charlène dévorait les films de propagande militaire de la Confédération. Elle savait donc qu'il était mort, mais se demandait par contre s'il avait réussi à sauver sa section entière avant, comme dans Destins de Guerre.
Le baladeur ne contenait qu'une poignée de musiques, et elle les avait déjà réécoutées plusieurs fois chacune quand quelqu'un frappa finalement à la porte. La jeune fille soupira, relevant la tête. Son visage juvénile était constellé de tâches de rousseurs et ses cheveux roux cascadaient contre son dos de manière désordonnée. A douze ans, elle savait depuis longtemps se coiffer toute seule, mais cela n'avait servi à rien car de toute façon Papa l'avait frappée ce matin. Plusieurs fois.
Elle était polie et serait normalement allée leur ouvrir, mais n'en avait ici pas envie, car à peine les premiers coups portés, elle avait sentie son estomac se nouer. Un frisson lui était remonté dans le dos, comme si elle se savait l'attention d'une chose froide et reptilienne qui pouvait la voir malgré les murs du bloc résidentiel. C'était ridicule d'avoir une telle pensée, elle avait passée l'âge pour avoir peur des monstres, mais malgré tout, elle la savait vraie.
La patience des nouveaux venus fut de courte durée, et après de multiples coups sourds, la porte de l'appartement fut proprement défoncée. Malgré les lourds bruits de bottes blindées qui envahissaient l'appartement, elle était sûre de sentir parmi eux ceux d'une marche calme, comme si s'y trouvait quelqu'un qui savait parfaitement où il allait et qu'au bout de sa destination l'attendait sa cible.
« Le père est ici ! C'est lui qui nous a été indiqué par la police ! ». La voix forte qui avait criée venait du salon. Quelques secondes plus tard, Charlène leva les yeux pour voir un colosse en armure énergétique pénétrer brusquement dans la pièce, enfonçant la porte d'un coup d'épaule. Alors qu'elle observait avec des yeux ronds ses insignes oranges de l'Escadron Delta, les défenseurs de Tarsonis, le Marine lui braquait déjà son Empaleur C-14 au visage. Un tel déploiement de force, une telle disproportion entre la fillette désarmée et l'homme, tout ceci paraissait parfaitement ridicule, mais c'était comme ça qu'opérait la Confédération. Qu'elle avait toujours opérée.
L'observation mutuelle dura quelques secondes, et la visière polarisée de l'armure CMC-300 finit par se relever. L'homme semblait rétrécir par sa simple présence la taille de la cuisine et présentait le regard vitreux du soldat resocialisé, shooté aux stimpacks afin de ne pas poser de questions et d'obéir sans broncher à la moindre figure d'autorité. Malgré tout, la petite rousse ne se replia sur elle-même, apeurée, que quand le Marine s'écarta pour laisser passer une bien plus mince figure, le croque-mitaine qu'elle redoutait, vêtu d'une gabardine noire et dorée, avançant les bras croisés dans le dos.
Le visage de l'inconnu n'était pas en lui-même effrayant, engoncé entre les épaulettes et la casquette d'officier, il était juste totalement neutre, ne reflétant aucune émotion. Mais alors que l'homme la détaillait des pieds à la tête, la jeune fille se sentit comme remuée, son cœur battant la chamade. Elle avait l'impression que quelqu'un était en elle, la fouillant de fond en comble pour s'emparer de son esprit et de son âme.
« C'est elle. Elle est bien psychique. Emmenez-la. » La voix de l'homme était exactement comme son visage : neutre. Malgré ça, les propos ne la rassuraient pas du tout. Charlène ne voulait pas être emmenée, même si elle était très triste et très fatiguée. Pendant une seconde, elle envisagea de se concentrer sur lui, comme elle l'avait fait sur son père après ce qu'il avait fait à Maman il y à de cela une semaine.
Elle entendit de manière diffuse le Marine acquiescer et le vit dégainer un pistolet étrange qu'il pointa vers elle. La seringue hypodermique fut tirée dans sa jambe avant qu'elle ne puisse réagir, et la jeune fille sentit une inconscience irrémédiable l'attirer vers elle. La dernière vision qu'elle eut avant d'y sombrer définitivement, tandis qu'elle était ramassée et portée à travers l'appartement, fut l'image de Papa assis sur son fauteuil au milieu du salon. L'odeur de l'alcool dépassait en intensité celle du sang. Dans ses mains, il tenait encore le téléphone familial et le pistolet qu'il avait appliqué à sa propre tempe pour y faire un trou, afin de laisser échapper les visions. Les cauchemars.
L'adolescente était nue, son corps mince couvert d'une simple feuille de papier stérile. Une lumière aveuglante devait être braquée sur son visage car tout lui était confusément blanc, même en ayant les paupières fermées. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était allongée ici, mais c'était une sensation qu'elle avait appris à connaître ces dernières années. Dans ces cas-là, la meilleur solution était de laisser les images éparses de ses souvenirs revenir et de tenter de se concentrer sur elles afin de ranimer corps et esprit.
Usant déjà trop de ses maigres forces, une tentative de bouger la tête lui indiqua qu'un harnais lui était passé autour du cou et du crâne. Lorsqu'elle essayait avec ses bras et ses jambes, elle ne pouvait sentir qu'un léger tiraillement avant de devoir abandonner. Des images de tuyaux et d'aiguilles lui revinrent, et Charlène sût qu'elle était déjà passée sur cette table d'opération. Des bruits de pas discrets et le tapotement légers de doigts sur un clavier lui parvinrent pendant qu'elle réfléchissait, mais elle ne réussit pas à se concentrer en plus sur ces signaux et ils disparurent sans même qu'elle ne puisse s'en rappeler dans la somnolence que les médicaments lui faisaient subir.
L'air ici était froid et sans odeur, recyclé par le système de climatisation de la pièce. L'adolescente réussit à se remémorer la sensation de vide au ventre que lui faisaient toujours les ascenseurs, indiquant qu'elle était donc probablement dans une zone souterraine. Malgré la brume dans lequel elle se sentait errer, d'autres réminiscences lui revenaient, de plus en plus vite. Le tissu inconfortable des draps au baraquement. Le contact froid et impersonnel des armes à feux avec lequel on l'exerçait sans cesse. Ses cheveux roux qu'on lui avait rasés de force. Les douleurs infernales qu'elle subissait après chaque journée d'entraînement. Finalement, mises bout à bout, ces tableaux et les tortures associées finirent par enfin la sortir de sa torpeur et faire ressurgir la réalité.
L'Académie. C'était le nom que la Confédération donnait à ce lieu funeste. Cela faisait longtemps qu'elle était enfermée ici, maintenue presque perpétuellement sous drogues, et si elle se trouvait en ce moment dans cette salle, c'était que ses tortionnaires devaient se préparer à lui injecter quelque chose ou à lui ajouter encore une autre modification cybernétique, à lui ôter encore une partie du peu d'humanité qu'elle gardait en elle. Alors qu'elle s'efforçait de chasser les dernières traces du sommeil artificiel, la lumière sur ses paupières disparût, et l'adolescente ouvrit brusquement des yeux éberlués sur la silhouette d'un homme penché sur elle. L'expression caché par un masque médical, vêtu d'une blouse et de gants d'opération, il pointait vers elle une seringue, terriblement près de son œil gauche.
Dans sa faiblesse l'apparition lui fit peur, trop peur, et malgré son incapacité physique, Charlène désira que la chose soit frappée de toutes ses forces, qu'elle soit chassée, éloignée de son visage. Et sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, son souhait se réalisa dans l'instant, faisant subitement reculer et grogner de douleur l'homme, tandis qu'il lâchait et brisait son instrument pour se prendre le visage à deux mains, comme prit par de violents maux de tête.
Hélas, avant que les espoirs de l'adolescente ne purent aller plus loin, le scientifique tituba et frappa du poing un gros bouton rouge sur une console proche. Directement, la coiffe psychique qui lui encerclait le visage fut activée, et ce fut alors au tour de la jeune fille de se sentir torturée, comme si des aiguilles chaudes lui étaient enfoncées dans l'esprit par rafales. Incapable de plus se défendre, se tortillant et lâchant des gémissements misérables, elle ne put que regarder le scientifique se relever et attraper un scalpel sur le plan de travail.
« Espèce de sale … Puisque tu y tiens tant, cette anesthésie supplémentaire me semble inutile ! »
La jeune femme cria alors qu'elle se réveillait en sursaut, le corps trempé de sueur. La chose ne lui était pas étrangère, le même schéma se répétant à chaque fois qu'elle manquait de prendre assez de médicaments : les cauchemars, le réveil terrible, puis enfin la sensation graduelle pour son esprit meurtri de glisser peu à peu dans une brume de bienheureuse ignorance, laissant l'entraînement reprendre le contrôle.
Il ne fallut qu'une minute aux inhibiteurs neuraux qui lui avaient été implémentés à la fin de ses classes pour effacer les souvenirs parasites, et bientôt les images se dissipèrent, ne laissant derrière elles qu'un rythme cardiaque et respiratoire encore élevé. Sous son regard, l'obscurité de la pièce prenait des teintes artificielles de gris, révélant une cabine étroite, à la propreté chirurgicale, sans la moindre décoration. Elle se frotta les yeux, sentant confusément que quelques larmes instinctives aurait dû les humidifier, mais elle savait qu'à un point donné avant la censure de ses souvenirs ont lui avait mis des implants oculaires. Elle doutait même d'en être encore physiquement capable.
La respiration enfin normale, la jeune femme recoiffa vulgairement ses cheveux roux et se rallongea avec un soupire sur sa couchette. Même ici, dans les quartiers d'habitations situés au cœur du Cuirassé, les ronronnements entêtants des moteurs se faisaient entendre en permanence. Cette vibration permanente et régulière la réconfortait quelque peu, tout comme la présence des esprits de membres d'équipage du Merrimack II. Elle les suivait mentalement depuis son lit, surveillant le changement de quart qui avait lieu dans tout le navire. Ils étaient des centaines ici, réunis dans une promiscuité effarante, que cela soit la faible présence endormie des Marines ou la lueur attentive des navigateurs du vaisseau. Sans qu'elle ne connaisse leurs noms ni leurs visages, toutes ces consciences lui étaient maintenant familières, et elle s'y était habituée comme on pouvait l'être à la présence d'un aquarium.
Après plusieurs minutes ainsi sous la couette, la jeune femme finit par se lever et resta un peu plus longtemps que d'habitude sous le jet d'eau de la minuscule douche. Elle était adulte maintenant, fine, le corps sculpté par son entraînement militaire. Après plusieurs séances de cuves nutritives, sa peau ne présentait plus les traces des opérations chirurgicales qu'elle avait subie, le seul indice restant de son conditionnement étant ses yeux à la lueur anormale et à l'expression vide. Une fois propre, elle entreprit de coiffer ses cheveux en une simple queue de cheval et de revêtir sa combinaison sensitive grise et blanche. Merveille de la technologie Terran, il s'agissait d'une tenue moulante capable de lui assurer agilité, discrétion, protection et était lacée de fibres spéciales pour lui permettre d'augmenter ses capacités physiques. Une fois les pièces de l'armure de camouflage thermo-optique Moebius passées par dessus, la jeune femme projetait même désarmée une image de confiance et de maitrise mortelle, à l'instar d'un prédateur fouillant son environnement.
Elle s'étira, faisant quelques moulinets des bras dans le vide afin d'être sûre que sa combinaison ne la gêne pas et que son armure soit bien sanglée. Elle faisait toujours ses vérifications de manière professionnelle, et resta encore quelques minutes à faire des mouvements de gymnastique pour se réveiller le corps et l'assouplir, puis pris son casque radio et se le posa sur les oreilles. Elle n'aurait pas besoin de ses lunettes de vision augmentée ni de son masque à gaz aujourd'hui.
Une nouvelle journée venait de commencer pour l'agent Ghost numéro 24983.
Ne ratez pas les petits liens cachés dans le texte qui mènent à des bonus multimédias. Ça vaut aussi pour le premier texte !]
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La jeune fille était assise à même le sol carrelé de la cuisine, le dos contre un placard. Habillée de son pyjama vert pomme, elle avait la tête posée sur ses genoux et s'était recroquevillée sur elle-même pour tenter de se réchauffer comme elle le pouvait. Même si Maman lui avait toujours dit de mettre ses chaussons quand elle avait froid aux pieds, elle n'avait pas envie d'aller les chercher, car cela l'aurait fait passer devant le salon. De toute façon, Maman n'était plus là.
Elle restait donc immobile, comblant le silence de l'appartement avec le vieux baladeur de son grand frère. Il avait toujours été gentil avec elle, mais il était maintenant parti pour un très long voyage, d'après ses parents. C'était d'ailleurs une métaphore idiote, parce que malgré son jeune âge, Charlène dévorait les films de propagande militaire de la Confédération. Elle savait donc qu'il était mort, mais se demandait par contre s'il avait réussi à sauver sa section entière avant, comme dans Destins de Guerre.
Le baladeur ne contenait qu'une poignée de musiques, et elle les avait déjà réécoutées plusieurs fois chacune quand quelqu'un frappa finalement à la porte. La jeune fille soupira, relevant la tête. Son visage juvénile était constellé de tâches de rousseurs et ses cheveux roux cascadaient contre son dos de manière désordonnée. A douze ans, elle savait depuis longtemps se coiffer toute seule, mais cela n'avait servi à rien car de toute façon Papa l'avait frappée ce matin. Plusieurs fois.
Elle était polie et serait normalement allée leur ouvrir, mais n'en avait ici pas envie, car à peine les premiers coups portés, elle avait sentie son estomac se nouer. Un frisson lui était remonté dans le dos, comme si elle se savait l'attention d'une chose froide et reptilienne qui pouvait la voir malgré les murs du bloc résidentiel. C'était ridicule d'avoir une telle pensée, elle avait passée l'âge pour avoir peur des monstres, mais malgré tout, elle la savait vraie.
La patience des nouveaux venus fut de courte durée, et après de multiples coups sourds, la porte de l'appartement fut proprement défoncée. Malgré les lourds bruits de bottes blindées qui envahissaient l'appartement, elle était sûre de sentir parmi eux ceux d'une marche calme, comme si s'y trouvait quelqu'un qui savait parfaitement où il allait et qu'au bout de sa destination l'attendait sa cible.
« Le père est ici ! C'est lui qui nous a été indiqué par la police ! ». La voix forte qui avait criée venait du salon. Quelques secondes plus tard, Charlène leva les yeux pour voir un colosse en armure énergétique pénétrer brusquement dans la pièce, enfonçant la porte d'un coup d'épaule. Alors qu'elle observait avec des yeux ronds ses insignes oranges de l'Escadron Delta, les défenseurs de Tarsonis, le Marine lui braquait déjà son Empaleur C-14 au visage. Un tel déploiement de force, une telle disproportion entre la fillette désarmée et l'homme, tout ceci paraissait parfaitement ridicule, mais c'était comme ça qu'opérait la Confédération. Qu'elle avait toujours opérée.
L'observation mutuelle dura quelques secondes, et la visière polarisée de l'armure CMC-300 finit par se relever. L'homme semblait rétrécir par sa simple présence la taille de la cuisine et présentait le regard vitreux du soldat resocialisé, shooté aux stimpacks afin de ne pas poser de questions et d'obéir sans broncher à la moindre figure d'autorité. Malgré tout, la petite rousse ne se replia sur elle-même, apeurée, que quand le Marine s'écarta pour laisser passer une bien plus mince figure, le croque-mitaine qu'elle redoutait, vêtu d'une gabardine noire et dorée, avançant les bras croisés dans le dos.
Le visage de l'inconnu n'était pas en lui-même effrayant, engoncé entre les épaulettes et la casquette d'officier, il était juste totalement neutre, ne reflétant aucune émotion. Mais alors que l'homme la détaillait des pieds à la tête, la jeune fille se sentit comme remuée, son cœur battant la chamade. Elle avait l'impression que quelqu'un était en elle, la fouillant de fond en comble pour s'emparer de son esprit et de son âme.
« C'est elle. Elle est bien psychique. Emmenez-la. » La voix de l'homme était exactement comme son visage : neutre. Malgré ça, les propos ne la rassuraient pas du tout. Charlène ne voulait pas être emmenée, même si elle était très triste et très fatiguée. Pendant une seconde, elle envisagea de se concentrer sur lui, comme elle l'avait fait sur son père après ce qu'il avait fait à Maman il y à de cela une semaine.
Elle entendit de manière diffuse le Marine acquiescer et le vit dégainer un pistolet étrange qu'il pointa vers elle. La seringue hypodermique fut tirée dans sa jambe avant qu'elle ne puisse réagir, et la jeune fille sentit une inconscience irrémédiable l'attirer vers elle. La dernière vision qu'elle eut avant d'y sombrer définitivement, tandis qu'elle était ramassée et portée à travers l'appartement, fut l'image de Papa assis sur son fauteuil au milieu du salon. L'odeur de l'alcool dépassait en intensité celle du sang. Dans ses mains, il tenait encore le téléphone familial et le pistolet qu'il avait appliqué à sa propre tempe pour y faire un trou, afin de laisser échapper les visions. Les cauchemars.
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L'adolescente était nue, son corps mince couvert d'une simple feuille de papier stérile. Une lumière aveuglante devait être braquée sur son visage car tout lui était confusément blanc, même en ayant les paupières fermées. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était allongée ici, mais c'était une sensation qu'elle avait appris à connaître ces dernières années. Dans ces cas-là, la meilleur solution était de laisser les images éparses de ses souvenirs revenir et de tenter de se concentrer sur elles afin de ranimer corps et esprit.
Usant déjà trop de ses maigres forces, une tentative de bouger la tête lui indiqua qu'un harnais lui était passé autour du cou et du crâne. Lorsqu'elle essayait avec ses bras et ses jambes, elle ne pouvait sentir qu'un léger tiraillement avant de devoir abandonner. Des images de tuyaux et d'aiguilles lui revinrent, et Charlène sût qu'elle était déjà passée sur cette table d'opération. Des bruits de pas discrets et le tapotement légers de doigts sur un clavier lui parvinrent pendant qu'elle réfléchissait, mais elle ne réussit pas à se concentrer en plus sur ces signaux et ils disparurent sans même qu'elle ne puisse s'en rappeler dans la somnolence que les médicaments lui faisaient subir.
L'air ici était froid et sans odeur, recyclé par le système de climatisation de la pièce. L'adolescente réussit à se remémorer la sensation de vide au ventre que lui faisaient toujours les ascenseurs, indiquant qu'elle était donc probablement dans une zone souterraine. Malgré la brume dans lequel elle se sentait errer, d'autres réminiscences lui revenaient, de plus en plus vite. Le tissu inconfortable des draps au baraquement. Le contact froid et impersonnel des armes à feux avec lequel on l'exerçait sans cesse. Ses cheveux roux qu'on lui avait rasés de force. Les douleurs infernales qu'elle subissait après chaque journée d'entraînement. Finalement, mises bout à bout, ces tableaux et les tortures associées finirent par enfin la sortir de sa torpeur et faire ressurgir la réalité.
L'Académie. C'était le nom que la Confédération donnait à ce lieu funeste. Cela faisait longtemps qu'elle était enfermée ici, maintenue presque perpétuellement sous drogues, et si elle se trouvait en ce moment dans cette salle, c'était que ses tortionnaires devaient se préparer à lui injecter quelque chose ou à lui ajouter encore une autre modification cybernétique, à lui ôter encore une partie du peu d'humanité qu'elle gardait en elle. Alors qu'elle s'efforçait de chasser les dernières traces du sommeil artificiel, la lumière sur ses paupières disparût, et l'adolescente ouvrit brusquement des yeux éberlués sur la silhouette d'un homme penché sur elle. L'expression caché par un masque médical, vêtu d'une blouse et de gants d'opération, il pointait vers elle une seringue, terriblement près de son œil gauche.
Dans sa faiblesse l'apparition lui fit peur, trop peur, et malgré son incapacité physique, Charlène désira que la chose soit frappée de toutes ses forces, qu'elle soit chassée, éloignée de son visage. Et sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, son souhait se réalisa dans l'instant, faisant subitement reculer et grogner de douleur l'homme, tandis qu'il lâchait et brisait son instrument pour se prendre le visage à deux mains, comme prit par de violents maux de tête.
Hélas, avant que les espoirs de l'adolescente ne purent aller plus loin, le scientifique tituba et frappa du poing un gros bouton rouge sur une console proche. Directement, la coiffe psychique qui lui encerclait le visage fut activée, et ce fut alors au tour de la jeune fille de se sentir torturée, comme si des aiguilles chaudes lui étaient enfoncées dans l'esprit par rafales. Incapable de plus se défendre, se tortillant et lâchant des gémissements misérables, elle ne put que regarder le scientifique se relever et attraper un scalpel sur le plan de travail.
« Espèce de sale … Puisque tu y tiens tant, cette anesthésie supplémentaire me semble inutile ! »
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La jeune femme cria alors qu'elle se réveillait en sursaut, le corps trempé de sueur. La chose ne lui était pas étrangère, le même schéma se répétant à chaque fois qu'elle manquait de prendre assez de médicaments : les cauchemars, le réveil terrible, puis enfin la sensation graduelle pour son esprit meurtri de glisser peu à peu dans une brume de bienheureuse ignorance, laissant l'entraînement reprendre le contrôle.
Il ne fallut qu'une minute aux inhibiteurs neuraux qui lui avaient été implémentés à la fin de ses classes pour effacer les souvenirs parasites, et bientôt les images se dissipèrent, ne laissant derrière elles qu'un rythme cardiaque et respiratoire encore élevé. Sous son regard, l'obscurité de la pièce prenait des teintes artificielles de gris, révélant une cabine étroite, à la propreté chirurgicale, sans la moindre décoration. Elle se frotta les yeux, sentant confusément que quelques larmes instinctives aurait dû les humidifier, mais elle savait qu'à un point donné avant la censure de ses souvenirs ont lui avait mis des implants oculaires. Elle doutait même d'en être encore physiquement capable.
La respiration enfin normale, la jeune femme recoiffa vulgairement ses cheveux roux et se rallongea avec un soupire sur sa couchette. Même ici, dans les quartiers d'habitations situés au cœur du Cuirassé, les ronronnements entêtants des moteurs se faisaient entendre en permanence. Cette vibration permanente et régulière la réconfortait quelque peu, tout comme la présence des esprits de membres d'équipage du Merrimack II. Elle les suivait mentalement depuis son lit, surveillant le changement de quart qui avait lieu dans tout le navire. Ils étaient des centaines ici, réunis dans une promiscuité effarante, que cela soit la faible présence endormie des Marines ou la lueur attentive des navigateurs du vaisseau. Sans qu'elle ne connaisse leurs noms ni leurs visages, toutes ces consciences lui étaient maintenant familières, et elle s'y était habituée comme on pouvait l'être à la présence d'un aquarium.
Après plusieurs minutes ainsi sous la couette, la jeune femme finit par se lever et resta un peu plus longtemps que d'habitude sous le jet d'eau de la minuscule douche. Elle était adulte maintenant, fine, le corps sculpté par son entraînement militaire. Après plusieurs séances de cuves nutritives, sa peau ne présentait plus les traces des opérations chirurgicales qu'elle avait subie, le seul indice restant de son conditionnement étant ses yeux à la lueur anormale et à l'expression vide. Une fois propre, elle entreprit de coiffer ses cheveux en une simple queue de cheval et de revêtir sa combinaison sensitive grise et blanche. Merveille de la technologie Terran, il s'agissait d'une tenue moulante capable de lui assurer agilité, discrétion, protection et était lacée de fibres spéciales pour lui permettre d'augmenter ses capacités physiques. Une fois les pièces de l'armure de camouflage thermo-optique Moebius passées par dessus, la jeune femme projetait même désarmée une image de confiance et de maitrise mortelle, à l'instar d'un prédateur fouillant son environnement.
Elle s'étira, faisant quelques moulinets des bras dans le vide afin d'être sûre que sa combinaison ne la gêne pas et que son armure soit bien sanglée. Elle faisait toujours ses vérifications de manière professionnelle, et resta encore quelques minutes à faire des mouvements de gymnastique pour se réveiller le corps et l'assouplir, puis pris son casque radio et se le posa sur les oreilles. Elle n'aurait pas besoin de ses lunettes de vision augmentée ni de son masque à gaz aujourd'hui.
Une nouvelle journée venait de commencer pour l'agent Ghost numéro 24983.
Severnaya
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