Du Lazare
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Du Lazare
C'était il y a quelques mois, il faisait déjà chaud, et le printemps se reflétait sur les collines orangées. Partout des champs secs et arides, l'irrigation ne se faisait plus ici, pourtant il devait y avoir des cultures de maïs orge, avoine ou de blé jadis. Aujourd'hui les fermes étaient abandonnées, les charpentes tombaient en ruine, et les hyènes étaient aussi maigres qu'un clou. La rouille était la couleur prédominante de la région. Bien que la mer ne soit pas si loin, et que l'écume berce les épaves de bateau pirate, ou même ceux de l'armée de Kul Tiras. De toute façon, les débris étaient férocement gardés par les murlocs, animaux visqueux et palmés, prédateurs des côtes. Alors courage à celui qui voulait s'offrir une croisade les pieds enfoncés dans le sable chaud, à épier les éventuels pavillons à la lunette. Il ne fallait pas rester bien longtemps ou alors venir se calfeutrer près du phare, ou peut être vous vous ferez accueillir par un coup de fusil mal calibré, tiré par un ermite qui ne s'est rasé depuis dix ans. Ah, elle était belle la Marche maintenant...
Plus au sud de la région, surplombaient des collines dangereuses pour un aventurier solitaire si tant est que tel inconscient existe. Chaque roche était embuscade, chaque souche était cache. Depuis presque vingt années le petit chemin montagnard d'accès aux grandes carrières et mines de la Marche de l'Ouest, avait été renommé en "Colline de la Dague". Aucun signe de verdûre, la paille et les dépouilles de vieilles charognes étaient le tableau habituel du coin.
Seulement, même ceux qui portaient la dague et dépouillaient la brebis égarée, ne connaissaient l'existence du "Lazare". C'était simplement un abris sous terre, aussi grand qu'un clapier à lapins. Le toit était à moitié roche, à moitié trappe. Un conduit en bronze ressortait un peu plus loin, derrière un vieil arbre centenaire, idéal pour aérer la cache. A l'intérieur, quelques murs en pierre et le reste en terre. Dans un pot gouttait l'eau qui s'échappait naturellement de la terre, de quoi boire pour le jour. Si le dessus présentait un aspect de terre brûlée, le dessous regorgeait à certains endroits de sources d'eau naturelles mais parfois les ingurgiter pouvait donner une diarrhée redoutable.
Il y vivait depuis deux dizaines d'années, deux femmes. Elles dormaient ensemble par faute de place, dans un lit rudimentaire et loin d'être matelassé. La mère et la fille habitaient dans cette couche pauvre mais à l'abris de tout, et pour le mieux dissimulée. La mère, Cassandre, avait la plupart de ses membres enroulés dans des bandages, changés peut être une fois par trimestre. Elle était souvent sur la seule chaise du Lazare, se balançant d'avant en arrière sur le même rythme et demandait simplement le pot pour faire ses besoins. Son visage ayant pris la couleur des parrois, on aurait pu la confondre avec la terre. Sa fille, Alexine, écoutait vaguement les paroles de sa mère qui radotait tout au long de la journée: une piètre éducation. Pourtant Alexine devait avoir plus de vingt quatre années, de source sûre.
Alexine, sortait une fois par jour, chasser, mais aussi observer les éventuels prédateurs qui s'approcheraient du Lazare. Elle recouvrait soigneusement la trappe pour en donner l'illusion d'un sol où la nature resterait mère. Alexine était assez musclée, habillée surtout en haillons, enfin, ce qu'elle trouvait quand elle poussait sa route vers les premières fermes abandonnées de la vallée.
Elle revenait souvent avec un lapin empoigné par les oreilles. Personne ne la voyait...Elle savait passer inaperçue, invisible aux yeux de tous, redoutable pour ses proies qui ne pouvaient que la sentir sans la distinguer.
"Madre, j'ai eu l'lièvre, et deux bonnes pièces d'lin. Couds pour m'faire la capa."
"Couds couds, t'veux l'bâton sur le minois, la maride(*1) ?!"
Alexine ne répondit rien, s'occupant déjà de dépecer la bête. Le gras du lièvre allait d'ailleurs finir sur un minuscule chaudron coupé en petits morceaux, et cuit quatre fois par tranche de trente minutes. Plus, et c'était l'asphyxie dans le clapier.
L'odeur que dégageait la potée restait pourtant confinée à l'intérieur bien qu'un peu s'échappait par la chemine de cuivre. Alexine prit place sur le lit et regarda sa mère, observant son mouvement de bascule continuel presque envoûtant. Cassandre avait fini par prendre les peaux de lièvre, les étoffes de lin et commençait à coudre le tout, dans une obscurité un peu brutale, ayant pris soin de retirer ses bandages aux doigts. Sa peau était cloquée, comme brûlée, on y voyait parfois la chair, un peu rose.
Mais le regard d'Alexine était plus oppressant ces derniers jours, elle avait de plus en plus l'envie de voyager au dessus du Lazare, de sortir, mais aussi, s'était mise de drôles d'idées en tête, les ruminant bien souvent. Puis il était sûrement venu le temps d'en parler à la madre, apparemment aveugle, mais certes pas sourde comme un pot.
"Qu'est ce tu m' caches, j'sens bien qu'tu m'épies. T'as la caguette(*2) ou bien?"
"Constance ne reviendra pas, comme le padre, digue(*3)?"
Cassandre s'arrêta un instant de passer l'aiguille dans la peau même pas séchée de la bête, puis balança son arsenal à la tête de sa fille.
"Cagagne d'Cacalaouse!(*4) Le padre était la bestiasse (*5) d'maçons, il t'faisait tout avec la câou (*6) et l'pierre. Et pas un copec on a reçu! Que tchi pendant des mois et des mois après la destruction de la "Belle" par les peaux vertes! Y nous f'saient miroiter de l'or dans la bourse! La braïlle (*7) t'jours sale, et la grand'ville toute pimpante grâce à nous pardi!...mais les grandes folles ont pas déboursé un seul sou, ah ça, nous ont bien mis la carotte dans l'trou! T'métonnes qu'sont révoltés les gars, VanCleef l'avait l'oeil mauvais, et ils ont eu raison d'sortir l'poinçon et la pioche pour s'castagner."
"La Courbure dit qu'Edwyn est mort maintenant, c'vrai ou c'est d' bon ragot pour maquerelles dans les baouques (*8 )?"
"Qu'est ce j'en sais? J'ai pas mis mes mirettes dehors depuis que t' piailles plus. Mais le padre s'il revient po, c'est qu'il a défendu vos bouilles d'arencade (*9), contre la putain de roy. Constance r'viendra, ou sinon j'irai la chercher par la peau du derche, l'arracher à cet afatrassi d'nobliaux! (*10)"
"La Courbure m'a dit qu'j'pouvais peut-être aller voir au contrebas, à Ruisselune, que les "Lin Rouges" n'avaient pas fini, même si l'chef s'fait bouffer par les vers. "
"T'es qu'une femmelette, t'crois qu'ils vont te recevoir la bouche rose comme l'peau du cochon? Et tes ch'veux là, ils veulent pas de jouvencelle chez eux, j'te l'ai déjà dit. T'vas t'retrouver la dague dans la fesse."
"J'laisserai pas tomber, madre. S'tu veux guérir, ils doivent payer ce qu'ils ont à payer, je le ferai avec ou sans Constance et Landry."
"Landry..."
"La Courbure m'a dit qu'Landry traînait aussi chez l' Defias. J'l'reverrai un jour. J'dois l'faire, savoir pourquoi Padre est mort. Et trouver l'plans de la pimpante pour foutre l' feu aux bartavelles (*11), comme la râclure de Tiffin."
La mère ne dit rien et se contenta de mettre fin à la conversation ainsi. Elle avait repris la couture, ramassant elle même ce qu'elle avait balancé, dès qu'elle eut fini, elle attrapa le bras de sa fille, lui arracha ses haillons et passa le corset de cuir et de lin sur la poitrine de sa fille. Elle serra si fort que ses seins en étaient complètement écrasés. Alexine suffoqua un peu, puis se calma progressivement. Cassandre prit la tignasse de sa fille et la coupa, avec le tranchant du coutelas à dépecer. Elle déchiqueta aussi court que possible les longs cheveux roux, presque bruns de sa fille.
"Alexin du Lazare. Va voir la Courbure si c'est c'que t'veux, demande lui de t'enseigner c'que j'ai pas pu faire, et soutiens lui de te mener à Charlad, l'herboriste, pour qu'il te donne une mixture pour la voix grave. Reviens ici tous l' deux jours, m'apporter la pitance, t'vas pas m'laisser creuver. Si t'reviens pas, j' brûlerai ici, et moi avec. Compris? Ana (*12) donne lui ça, il l'fera sans broncher après." Elle sortit pour la première fois une pièce d'argent d'un coffre qu'elle seule avait la clé, sans doute toute la richesse du foyer. Elle lui tendit sans trembler. Puis elle se renfila ses bandes pour couvrir sa peau marquée.
Alexin s'emprassa alors d'aller voir la Courbure, son allure de jeune homme était plutôt réussi bien que légèrement effeminé tout de même, la supercherie avait certaines limites, mais son visage très foncé, de couleur terre, et ses yeux verts saillants qui ressortaient lui donnaient un air d'un homme certes jeune mais sur de lui, robuste, et barroudeur. Seulement elle était obligée de s'emmitouffler sous des tas de linges et des cuirs de toute sorte, pour s'épaissir, mais aussi pour que personne ne découvre ses courbes agréables. Elle était heureuse que sa mère la laisse devenir responsable et allait enfin pouvoir rejoindre ceux de la vallée, ceux de Ruisselune, ou bien plus loin encore, venger son père mais aussi découvrir comment il avait été assassiné. Elle retrouverait peut etre son frère, Landry, mais ne porterait guère attention à sa soeur, car après tout elle vivait avec un noble.
Tout ce que son père lui avait laissé, c'était son seul atout: Les ombres et comment s'y réfugier. Et c'est tout ce que sa mère avait entretenu de plus cher avec sa fille. Pourquoi cette famille, enfin plutôt ces deux femmes étaient restées dans le Lazare pendant vingt deux années...là, perdurait le mystère.
Alexin, alla voir la Courbure, un homme à la colonne vertébrale aussi voutée qu'un croissant, et aux ongles assérés. Il rodait souvant dans les collines de la Dague tel un vautour, un bon indicateur pour les Defias. Il savait beaucoup de choses, et il devait en exister d'autres comme lui, surement. Etonné de voir la petite Alexine complètement changée, il hésita à la croire, puis il l'emmena chez Charlad, un ami du Padre. Il lui confectionna une potion pour lui faire changer la tonalité de ses cordes vocales. Une seule goutte suffisait, et elle garda le flacon attaché à son cou. Elle prétendra que c'est un remède pour se garder fort et habile.
Elle passa ensuite du temps avec la Courbure, comme le voulait la madre. Il lui apprit à s'exprimer avec moins d'accent de cul-terreux et à utiliser le vocabulaire qui ressemblait plus à du commun qu'à un patois quelconque. Cela lui prit des mois, mais elle apprenait vite et bien.
Et aujourd'hui il était temps, elle savait se comporter en homme, en avait la voix, elle s'exprimait plus communément, et était bien décidée à rejoindre un clan que la Courbure connaissait juste de nom.
Elle noua, un masque en lin rouge sur sa bouche aux lèvres pourtant si féminines et douces, et s'enterra dans les ombres. L'odeur du foulard lui monta à la tête, c'était celle de son père.
*1: La mauvaise
*2: Tu as peur
*3: Dis
*4: Chiure d'escargot
*5: Brute de travail
*6: Chaux
*7: Les bas, pantalon
*8: Herbes séchées, où les nobles qui batifolent dans les pailles à l'abris des regards indiscrets
*9: Hareng blanc
*10: Avachis de noble
*11: Femmes bavardes
*12: Aller
Plus au sud de la région, surplombaient des collines dangereuses pour un aventurier solitaire si tant est que tel inconscient existe. Chaque roche était embuscade, chaque souche était cache. Depuis presque vingt années le petit chemin montagnard d'accès aux grandes carrières et mines de la Marche de l'Ouest, avait été renommé en "Colline de la Dague". Aucun signe de verdûre, la paille et les dépouilles de vieilles charognes étaient le tableau habituel du coin.
Seulement, même ceux qui portaient la dague et dépouillaient la brebis égarée, ne connaissaient l'existence du "Lazare". C'était simplement un abris sous terre, aussi grand qu'un clapier à lapins. Le toit était à moitié roche, à moitié trappe. Un conduit en bronze ressortait un peu plus loin, derrière un vieil arbre centenaire, idéal pour aérer la cache. A l'intérieur, quelques murs en pierre et le reste en terre. Dans un pot gouttait l'eau qui s'échappait naturellement de la terre, de quoi boire pour le jour. Si le dessus présentait un aspect de terre brûlée, le dessous regorgeait à certains endroits de sources d'eau naturelles mais parfois les ingurgiter pouvait donner une diarrhée redoutable.
Il y vivait depuis deux dizaines d'années, deux femmes. Elles dormaient ensemble par faute de place, dans un lit rudimentaire et loin d'être matelassé. La mère et la fille habitaient dans cette couche pauvre mais à l'abris de tout, et pour le mieux dissimulée. La mère, Cassandre, avait la plupart de ses membres enroulés dans des bandages, changés peut être une fois par trimestre. Elle était souvent sur la seule chaise du Lazare, se balançant d'avant en arrière sur le même rythme et demandait simplement le pot pour faire ses besoins. Son visage ayant pris la couleur des parrois, on aurait pu la confondre avec la terre. Sa fille, Alexine, écoutait vaguement les paroles de sa mère qui radotait tout au long de la journée: une piètre éducation. Pourtant Alexine devait avoir plus de vingt quatre années, de source sûre.
Alexine, sortait une fois par jour, chasser, mais aussi observer les éventuels prédateurs qui s'approcheraient du Lazare. Elle recouvrait soigneusement la trappe pour en donner l'illusion d'un sol où la nature resterait mère. Alexine était assez musclée, habillée surtout en haillons, enfin, ce qu'elle trouvait quand elle poussait sa route vers les premières fermes abandonnées de la vallée.
Elle revenait souvent avec un lapin empoigné par les oreilles. Personne ne la voyait...Elle savait passer inaperçue, invisible aux yeux de tous, redoutable pour ses proies qui ne pouvaient que la sentir sans la distinguer.
"Madre, j'ai eu l'lièvre, et deux bonnes pièces d'lin. Couds pour m'faire la capa."
"Couds couds, t'veux l'bâton sur le minois, la maride(*1) ?!"
Alexine ne répondit rien, s'occupant déjà de dépecer la bête. Le gras du lièvre allait d'ailleurs finir sur un minuscule chaudron coupé en petits morceaux, et cuit quatre fois par tranche de trente minutes. Plus, et c'était l'asphyxie dans le clapier.
L'odeur que dégageait la potée restait pourtant confinée à l'intérieur bien qu'un peu s'échappait par la chemine de cuivre. Alexine prit place sur le lit et regarda sa mère, observant son mouvement de bascule continuel presque envoûtant. Cassandre avait fini par prendre les peaux de lièvre, les étoffes de lin et commençait à coudre le tout, dans une obscurité un peu brutale, ayant pris soin de retirer ses bandages aux doigts. Sa peau était cloquée, comme brûlée, on y voyait parfois la chair, un peu rose.
Mais le regard d'Alexine était plus oppressant ces derniers jours, elle avait de plus en plus l'envie de voyager au dessus du Lazare, de sortir, mais aussi, s'était mise de drôles d'idées en tête, les ruminant bien souvent. Puis il était sûrement venu le temps d'en parler à la madre, apparemment aveugle, mais certes pas sourde comme un pot.
"Qu'est ce tu m' caches, j'sens bien qu'tu m'épies. T'as la caguette(*2) ou bien?"
"Constance ne reviendra pas, comme le padre, digue(*3)?"
Cassandre s'arrêta un instant de passer l'aiguille dans la peau même pas séchée de la bête, puis balança son arsenal à la tête de sa fille.
"Cagagne d'Cacalaouse!(*4) Le padre était la bestiasse (*5) d'maçons, il t'faisait tout avec la câou (*6) et l'pierre. Et pas un copec on a reçu! Que tchi pendant des mois et des mois après la destruction de la "Belle" par les peaux vertes! Y nous f'saient miroiter de l'or dans la bourse! La braïlle (*7) t'jours sale, et la grand'ville toute pimpante grâce à nous pardi!...mais les grandes folles ont pas déboursé un seul sou, ah ça, nous ont bien mis la carotte dans l'trou! T'métonnes qu'sont révoltés les gars, VanCleef l'avait l'oeil mauvais, et ils ont eu raison d'sortir l'poinçon et la pioche pour s'castagner."
"La Courbure dit qu'Edwyn est mort maintenant, c'vrai ou c'est d' bon ragot pour maquerelles dans les baouques (*8 )?"
"Qu'est ce j'en sais? J'ai pas mis mes mirettes dehors depuis que t' piailles plus. Mais le padre s'il revient po, c'est qu'il a défendu vos bouilles d'arencade (*9), contre la putain de roy. Constance r'viendra, ou sinon j'irai la chercher par la peau du derche, l'arracher à cet afatrassi d'nobliaux! (*10)"
"La Courbure m'a dit qu'j'pouvais peut-être aller voir au contrebas, à Ruisselune, que les "Lin Rouges" n'avaient pas fini, même si l'chef s'fait bouffer par les vers. "
"T'es qu'une femmelette, t'crois qu'ils vont te recevoir la bouche rose comme l'peau du cochon? Et tes ch'veux là, ils veulent pas de jouvencelle chez eux, j'te l'ai déjà dit. T'vas t'retrouver la dague dans la fesse."
"J'laisserai pas tomber, madre. S'tu veux guérir, ils doivent payer ce qu'ils ont à payer, je le ferai avec ou sans Constance et Landry."
"Landry..."
"La Courbure m'a dit qu'Landry traînait aussi chez l' Defias. J'l'reverrai un jour. J'dois l'faire, savoir pourquoi Padre est mort. Et trouver l'plans de la pimpante pour foutre l' feu aux bartavelles (*11), comme la râclure de Tiffin."
La mère ne dit rien et se contenta de mettre fin à la conversation ainsi. Elle avait repris la couture, ramassant elle même ce qu'elle avait balancé, dès qu'elle eut fini, elle attrapa le bras de sa fille, lui arracha ses haillons et passa le corset de cuir et de lin sur la poitrine de sa fille. Elle serra si fort que ses seins en étaient complètement écrasés. Alexine suffoqua un peu, puis se calma progressivement. Cassandre prit la tignasse de sa fille et la coupa, avec le tranchant du coutelas à dépecer. Elle déchiqueta aussi court que possible les longs cheveux roux, presque bruns de sa fille.
"Alexin du Lazare. Va voir la Courbure si c'est c'que t'veux, demande lui de t'enseigner c'que j'ai pas pu faire, et soutiens lui de te mener à Charlad, l'herboriste, pour qu'il te donne une mixture pour la voix grave. Reviens ici tous l' deux jours, m'apporter la pitance, t'vas pas m'laisser creuver. Si t'reviens pas, j' brûlerai ici, et moi avec. Compris? Ana (*12) donne lui ça, il l'fera sans broncher après." Elle sortit pour la première fois une pièce d'argent d'un coffre qu'elle seule avait la clé, sans doute toute la richesse du foyer. Elle lui tendit sans trembler. Puis elle se renfila ses bandes pour couvrir sa peau marquée.
Alexin s'emprassa alors d'aller voir la Courbure, son allure de jeune homme était plutôt réussi bien que légèrement effeminé tout de même, la supercherie avait certaines limites, mais son visage très foncé, de couleur terre, et ses yeux verts saillants qui ressortaient lui donnaient un air d'un homme certes jeune mais sur de lui, robuste, et barroudeur. Seulement elle était obligée de s'emmitouffler sous des tas de linges et des cuirs de toute sorte, pour s'épaissir, mais aussi pour que personne ne découvre ses courbes agréables. Elle était heureuse que sa mère la laisse devenir responsable et allait enfin pouvoir rejoindre ceux de la vallée, ceux de Ruisselune, ou bien plus loin encore, venger son père mais aussi découvrir comment il avait été assassiné. Elle retrouverait peut etre son frère, Landry, mais ne porterait guère attention à sa soeur, car après tout elle vivait avec un noble.
Tout ce que son père lui avait laissé, c'était son seul atout: Les ombres et comment s'y réfugier. Et c'est tout ce que sa mère avait entretenu de plus cher avec sa fille. Pourquoi cette famille, enfin plutôt ces deux femmes étaient restées dans le Lazare pendant vingt deux années...là, perdurait le mystère.
Alexin, alla voir la Courbure, un homme à la colonne vertébrale aussi voutée qu'un croissant, et aux ongles assérés. Il rodait souvant dans les collines de la Dague tel un vautour, un bon indicateur pour les Defias. Il savait beaucoup de choses, et il devait en exister d'autres comme lui, surement. Etonné de voir la petite Alexine complètement changée, il hésita à la croire, puis il l'emmena chez Charlad, un ami du Padre. Il lui confectionna une potion pour lui faire changer la tonalité de ses cordes vocales. Une seule goutte suffisait, et elle garda le flacon attaché à son cou. Elle prétendra que c'est un remède pour se garder fort et habile.
Elle passa ensuite du temps avec la Courbure, comme le voulait la madre. Il lui apprit à s'exprimer avec moins d'accent de cul-terreux et à utiliser le vocabulaire qui ressemblait plus à du commun qu'à un patois quelconque. Cela lui prit des mois, mais elle apprenait vite et bien.
Et aujourd'hui il était temps, elle savait se comporter en homme, en avait la voix, elle s'exprimait plus communément, et était bien décidée à rejoindre un clan que la Courbure connaissait juste de nom.
Elle noua, un masque en lin rouge sur sa bouche aux lèvres pourtant si féminines et douces, et s'enterra dans les ombres. L'odeur du foulard lui monta à la tête, c'était celle de son père.
*1: La mauvaise
*2: Tu as peur
*3: Dis
*4: Chiure d'escargot
*5: Brute de travail
*6: Chaux
*7: Les bas, pantalon
*8: Herbes séchées, où les nobles qui batifolent dans les pailles à l'abris des regards indiscrets
*9: Hareng blanc
*10: Avachis de noble
*11: Femmes bavardes
*12: Aller
Alexin du Lazare
Re: Du Lazare
La courbure rodait depuis quelque temps avec Alexine, dans les environs de la Colline de la Dague, les derniers préparatifs pour Alexin faisaient bon train. Et d'ailleurs il ne l'appelait plus qu'avec un "e" en moins.
"Bon t'sais p'etre pas lire ni écrire, mais au moins, t'comprends une carte. J'te fais répéter une dernière fois, j'veux pas qu'tu sois comme ces ignards."
"Comme t'veux. J'veux juste les ret'nir t'façon et j'connais pas leur tête de noeuds."
"T'as encore des efforts à faire niveau language, parce que si les Lins Rouges t'envoient en mission dans la Pimpante, t'auras pas intérêt à te faire passer pour l'glaude du village j'te l'dis, sinon tu vas t'faire remarquer parmi les Folles et les Chevaliers."
"C'est par ce que t'es là que j'fais pas d'effort, mais t'enquiquine pas la Courbe, j'ai ret'nu t'leçons."
"Pour l'accent c'pas gagné, mais c'est déjà mieux qu'avant...Faudra que t'restes calme, c'est quand tu t'énerves que ton accent revient au galop comme la jument qui voit l'abattoir."
La courbure déroula sa vieille carte de Hurlevent, elle faisait bien deux mètres carré, et toutes les rues principales y étaient dessinées. Quelques annotations pour les coins à retenir et le croquis semblait complet. La courbure pointait un lieu et Alexin devait en définir les habitants ou habitués, il n'avait pas le droit à l'erreur maintenant, il devait tout retenir s'il voulait être efficace.
"Caserne des bleuets, la truie d'Bayle, Hôpital qui se fout de la charité, ambassade des glands du nord, le Tord Boyaux d'quart d'humain, Cathédrale des batiffoleuses en robe...etc."
"Ah ça pour les sobriquets t'es un heureux. T'seras content d'apprendre qu'il y'aura bientôt une fête où tous les lardons seront réunis. Mais c'est pas de ton calibre pour l'moment, donc fais pas l'malin."
Et ils continuèrent ainsi pendant plusieurs minutes à faire le tour du propriétaire. Alexin donnait à sa mère les peaux qu'il récupérait de la chasse, maintenant qu'il était toujours fourré dehors, il trouvait qu'il faisait bien chaud...et porter autant de cuir, c'était encore pis pour lui. Mais il fallait bien qu'il s'y fasse. Autant d'habitudes à changer en quelques mois.
"Bon toi tu vas ici, chez le fleuriste. Mais t'n'y seras que d'ici dix jours, j'ai encore des choses à te montrer, et si tu vas à pied jusque là bas il faut compter deux bons jours sans vraiment t'arrêter. Autant dire trois, vu qu't'es une pucelle *rire gras*. Je dois donc en finir ici en sept jours avec toi. Il faudra déjà t'trouver un cheval, tu vas devoir te l'escroquer quoi, je te conseille de le faire à Elwynn, ici les canassons y ressemblent à des bourriquets aux côtelettes visibles."
"J'vais d'voir voler un ch'val...Je sais pas monter, mais je m'débrouillerai."
"Suffit juste de bien tenir les brides ou la crinière, et tu donnes des petites talonnades pour qu'il galope. Si tu t'fais choper t'es dans la cagagne, mais t'pourras toujours dire qu'on t'y a obligé. Tu mettras ça sur mon compte, ils te laisseront tranquille et y m'trouveront pas. Pigé?"
"Ouais, j'me ferai pas prendre t'façon, et j'aurai le canasson. Sinon je pourrais pas rev'nir voir la madre, et ça, ca serait pis que la geôle avec les lépreux."
"Bon pis, ta monture, t'en prends soin après, t'lui donnes d'la boustifaille, sinon tu vas l'retrouver les quatre fers en l'air. Mais évite de lui donner d'la charcutaille... Que de l'verdure, d'la paille, des fruits, et baste. Et fais gaffe d'pas t'la faire voler, dis toi qu'si t'as pu ton trotteur, t'pourras t'enfuir d'nul part et t'passeras pour le petit gars des champs pas bien rusé. Rentre toi bien ça dans ta caboche!"
La courbure enroula sa carte tapotant la roche qui servait d'appuis. Il avait toujours son attirail en cuir sur lui, le visage camouflé, et le masque rouge également, on ne voyait que ses yeux bleus, et des fois ses ongles bien trop grands qui déchiraient le bout des gants. Il n'avait pas l'air si vieux, mais sa silhouette était bien trompeuse. A qui croyait attaquer un petit vieux serait bien surpris de se faire attraper par plus souple que le serpent.
Il rempocha la carte, et l'enfila dans son léger barda, il montra au passage ses deux scramasaxes bien ficelés derrière ses guenilles.
"Bon maintenant faut qu't'apprennes à pisser d'bout."
"Hein?" Et Alexin rougissait, peut-être l'une des premières fois où il était vraiment gêné.
"T'veux qu'on t'considère comme un gars non? Bah t'vas pas pisser assis mon ptit père."
"Mais...c'pas possible, j'peux pas l'faire."
"Bah fais semblant, essaye ch'sais pas, mais si tu vas à perpette pour aller déverser ta gnôle de la veille, t'vas avoir tous les regards rivés sur toi."
"J'dirai que ma mixture que j'avale tous les jours me met à mal."
"Et ben t'es pas rendu."
Alexin soupira, soulagé. Puis il scruta l'horizon caché dans l'ombre, en écoutant pour ces derniers jours les recommandations de l'étrange Courbure. Dans dix jours il fallait rejoindre Hurlevent, mais avant cela il fallait prévenir de son arrivée à ses futurs Confrères, avec une simple lettre.
"Bon t'sais p'etre pas lire ni écrire, mais au moins, t'comprends une carte. J'te fais répéter une dernière fois, j'veux pas qu'tu sois comme ces ignards."
"Comme t'veux. J'veux juste les ret'nir t'façon et j'connais pas leur tête de noeuds."
"T'as encore des efforts à faire niveau language, parce que si les Lins Rouges t'envoient en mission dans la Pimpante, t'auras pas intérêt à te faire passer pour l'glaude du village j'te l'dis, sinon tu vas t'faire remarquer parmi les Folles et les Chevaliers."
"C'est par ce que t'es là que j'fais pas d'effort, mais t'enquiquine pas la Courbe, j'ai ret'nu t'leçons."
"Pour l'accent c'pas gagné, mais c'est déjà mieux qu'avant...Faudra que t'restes calme, c'est quand tu t'énerves que ton accent revient au galop comme la jument qui voit l'abattoir."
La courbure déroula sa vieille carte de Hurlevent, elle faisait bien deux mètres carré, et toutes les rues principales y étaient dessinées. Quelques annotations pour les coins à retenir et le croquis semblait complet. La courbure pointait un lieu et Alexin devait en définir les habitants ou habitués, il n'avait pas le droit à l'erreur maintenant, il devait tout retenir s'il voulait être efficace.
"Caserne des bleuets, la truie d'Bayle, Hôpital qui se fout de la charité, ambassade des glands du nord, le Tord Boyaux d'quart d'humain, Cathédrale des batiffoleuses en robe...etc."
"Ah ça pour les sobriquets t'es un heureux. T'seras content d'apprendre qu'il y'aura bientôt une fête où tous les lardons seront réunis. Mais c'est pas de ton calibre pour l'moment, donc fais pas l'malin."
Et ils continuèrent ainsi pendant plusieurs minutes à faire le tour du propriétaire. Alexin donnait à sa mère les peaux qu'il récupérait de la chasse, maintenant qu'il était toujours fourré dehors, il trouvait qu'il faisait bien chaud...et porter autant de cuir, c'était encore pis pour lui. Mais il fallait bien qu'il s'y fasse. Autant d'habitudes à changer en quelques mois.
"Bon toi tu vas ici, chez le fleuriste. Mais t'n'y seras que d'ici dix jours, j'ai encore des choses à te montrer, et si tu vas à pied jusque là bas il faut compter deux bons jours sans vraiment t'arrêter. Autant dire trois, vu qu't'es une pucelle *rire gras*. Je dois donc en finir ici en sept jours avec toi. Il faudra déjà t'trouver un cheval, tu vas devoir te l'escroquer quoi, je te conseille de le faire à Elwynn, ici les canassons y ressemblent à des bourriquets aux côtelettes visibles."
"J'vais d'voir voler un ch'val...Je sais pas monter, mais je m'débrouillerai."
"Suffit juste de bien tenir les brides ou la crinière, et tu donnes des petites talonnades pour qu'il galope. Si tu t'fais choper t'es dans la cagagne, mais t'pourras toujours dire qu'on t'y a obligé. Tu mettras ça sur mon compte, ils te laisseront tranquille et y m'trouveront pas. Pigé?"
"Ouais, j'me ferai pas prendre t'façon, et j'aurai le canasson. Sinon je pourrais pas rev'nir voir la madre, et ça, ca serait pis que la geôle avec les lépreux."
"Bon pis, ta monture, t'en prends soin après, t'lui donnes d'la boustifaille, sinon tu vas l'retrouver les quatre fers en l'air. Mais évite de lui donner d'la charcutaille... Que de l'verdure, d'la paille, des fruits, et baste. Et fais gaffe d'pas t'la faire voler, dis toi qu'si t'as pu ton trotteur, t'pourras t'enfuir d'nul part et t'passeras pour le petit gars des champs pas bien rusé. Rentre toi bien ça dans ta caboche!"
La courbure enroula sa carte tapotant la roche qui servait d'appuis. Il avait toujours son attirail en cuir sur lui, le visage camouflé, et le masque rouge également, on ne voyait que ses yeux bleus, et des fois ses ongles bien trop grands qui déchiraient le bout des gants. Il n'avait pas l'air si vieux, mais sa silhouette était bien trompeuse. A qui croyait attaquer un petit vieux serait bien surpris de se faire attraper par plus souple que le serpent.
Il rempocha la carte, et l'enfila dans son léger barda, il montra au passage ses deux scramasaxes bien ficelés derrière ses guenilles.
"Bon maintenant faut qu't'apprennes à pisser d'bout."
"Hein?" Et Alexin rougissait, peut-être l'une des premières fois où il était vraiment gêné.
"T'veux qu'on t'considère comme un gars non? Bah t'vas pas pisser assis mon ptit père."
"Mais...c'pas possible, j'peux pas l'faire."
"Bah fais semblant, essaye ch'sais pas, mais si tu vas à perpette pour aller déverser ta gnôle de la veille, t'vas avoir tous les regards rivés sur toi."
"J'dirai que ma mixture que j'avale tous les jours me met à mal."
"Et ben t'es pas rendu."
Alexin soupira, soulagé. Puis il scruta l'horizon caché dans l'ombre, en écoutant pour ces derniers jours les recommandations de l'étrange Courbure. Dans dix jours il fallait rejoindre Hurlevent, mais avant cela il fallait prévenir de son arrivée à ses futurs Confrères, avec une simple lettre.
Alexin du Lazare
Re: Du Lazare
"Prends tes guêtres, on file voir la Plume, il pourra gratter ton mot."
"Ouais, j'baguenaude j'mais moi... mais t'es certain que l'Confrère que j'dois prévenir vend des bouts d'herbe pour les Lards?"
"T'inquiète. J'sais c'que j'soutiens, ils adorent ça les fleurs. Et pour le m'ment on va à cinq lieues d'là, donc pas d'minauderies une fois là-bas."
Alors que La Courbure et Alexin cheminaient afin d'écrire la lettre destinée à un bouquetier de la Capitale du royaume d'Azeroth, la madre continuait son va-et-vient obsessionnel dans le Lazare. Elle s'attardait d'ailleurs toujours sur la confection pour l'oripeaux particulier de sa fille.
Seulement, des petits cailloux vinrent à tomber sur le genou de Cassandre, aussi épais que son chas d'aiguille, ce qui freina subitement sa bascule. Elle hissa le menton vers le plafond bas, préoccupée, car sa fille était bien plus prévenante quand elle descendait dans le Lazare. Elle huma légèrement l'air, un errant était là, elle le savait. Elle fronça les sourcils puis se surprit à sourire.
"Landry c'toi? Annonce toi crénom!"
Mais dans la seconde qui suivit elle reprit son sérieux, et retroussa le nez dessinant une vilaine grimace. L'absence de réponse annoncerait la couleur de la suite des événements. Des bruits de pas, lourds, des hommes sûrement, en armure aux semelles de fer et carapace de cuivre pour certains. Des petits gravas s'échouaient sur la chevelure grise et disparate de la madre. L'inquiètude commençait à marquer son visage, et la peur se déciderait par la tétaniser, sans Alexine près d'elle. Des voix, chaudes pourtant, mais qui puaient la conspiration, se firent entendre juste au-dessus du terrier. Le Lazare était bel et bien en danger.
Trois grands coups de talon en plein milieu de la trappe et le temps sembla se figer. "Vlan vlan vlan"
"Brûlez ces jachères, et n'épargnez pas un fétu." Puis l'homme de grande stature cracha par terre plus par envie que par besoin, et invita ses larbins d'un signe de doigt à déverser les deux futailles.
Ainsi l'huile coulait, s'éclaboussant juste au-dessus de la madre, puis s'immisçant sournoisement par les quelques minuscules excavations. Le liquide dégoulinait dans le Lazare, la madre s'en voulait déjà d'avoir cru que Landry s'en était rentré et de surtout d'avoir pu le penser tout haut. Et elle...Elle ne s'était pas préparée au fait de revivre le feu, la chaleur, et l'aveuglement, dès maintenant. Pourtant c'est ce qu'elle s'apprêtait à endurer.
On estimait à cinq le nombre de moutons entourrés de leur unique berger. Après l'ordre de leur chef, le feu fut animé. Et dans la Marche de l'Ouest, les flammes étaient destructrices, tellement le bois était sec, et l'eau rare.
Les six hommes s'en allèrent comme ils étaient arrivés, ne se retournant même pas une once, sauf peut-être l'investigateur de l'incendie se plaisant du crime vulgaire et flaccide.
Alors que la lettre fut scribouillée par La Plume; et ce message d'ailleurs allait se relayer de main en main jusqu'à un certain P.P; Cassandre était sûrement en train de lutter pour se protéger de la fournaise et surtout la suffocation. Alexine, à plusieurs lieues du Lazare n'était pas en proie au doute de la sécurité de son clapier, elle avait tout vérifié avant de prendre la route et n'avait rien signalé.
Mais...
Ce qui aurait pu passer pour une manigance parfaite, sans preuve, sans signe de bataille ou de sang versé, n'allait pourtant pas être le fin mot de la fin... lorsque sur les collines de la Dague on connaitrait que la Madre respire encore.
"Le repos chantera bientôt..mais pour le moment... tel est pris qui croyait prendre..."
Les hostilités étaient lancées, et les factions allaient bien être multiples.
"Ouais, j'baguenaude j'mais moi... mais t'es certain que l'Confrère que j'dois prévenir vend des bouts d'herbe pour les Lards?"
"T'inquiète. J'sais c'que j'soutiens, ils adorent ça les fleurs. Et pour le m'ment on va à cinq lieues d'là, donc pas d'minauderies une fois là-bas."
Alors que La Courbure et Alexin cheminaient afin d'écrire la lettre destinée à un bouquetier de la Capitale du royaume d'Azeroth, la madre continuait son va-et-vient obsessionnel dans le Lazare. Elle s'attardait d'ailleurs toujours sur la confection pour l'oripeaux particulier de sa fille.
Seulement, des petits cailloux vinrent à tomber sur le genou de Cassandre, aussi épais que son chas d'aiguille, ce qui freina subitement sa bascule. Elle hissa le menton vers le plafond bas, préoccupée, car sa fille était bien plus prévenante quand elle descendait dans le Lazare. Elle huma légèrement l'air, un errant était là, elle le savait. Elle fronça les sourcils puis se surprit à sourire.
"Landry c'toi? Annonce toi crénom!"
Mais dans la seconde qui suivit elle reprit son sérieux, et retroussa le nez dessinant une vilaine grimace. L'absence de réponse annoncerait la couleur de la suite des événements. Des bruits de pas, lourds, des hommes sûrement, en armure aux semelles de fer et carapace de cuivre pour certains. Des petits gravas s'échouaient sur la chevelure grise et disparate de la madre. L'inquiètude commençait à marquer son visage, et la peur se déciderait par la tétaniser, sans Alexine près d'elle. Des voix, chaudes pourtant, mais qui puaient la conspiration, se firent entendre juste au-dessus du terrier. Le Lazare était bel et bien en danger.
Trois grands coups de talon en plein milieu de la trappe et le temps sembla se figer. "Vlan vlan vlan"
"Brûlez ces jachères, et n'épargnez pas un fétu." Puis l'homme de grande stature cracha par terre plus par envie que par besoin, et invita ses larbins d'un signe de doigt à déverser les deux futailles.
Ainsi l'huile coulait, s'éclaboussant juste au-dessus de la madre, puis s'immisçant sournoisement par les quelques minuscules excavations. Le liquide dégoulinait dans le Lazare, la madre s'en voulait déjà d'avoir cru que Landry s'en était rentré et de surtout d'avoir pu le penser tout haut. Et elle...Elle ne s'était pas préparée au fait de revivre le feu, la chaleur, et l'aveuglement, dès maintenant. Pourtant c'est ce qu'elle s'apprêtait à endurer.
On estimait à cinq le nombre de moutons entourrés de leur unique berger. Après l'ordre de leur chef, le feu fut animé. Et dans la Marche de l'Ouest, les flammes étaient destructrices, tellement le bois était sec, et l'eau rare.
Les six hommes s'en allèrent comme ils étaient arrivés, ne se retournant même pas une once, sauf peut-être l'investigateur de l'incendie se plaisant du crime vulgaire et flaccide.
Alors que la lettre fut scribouillée par La Plume; et ce message d'ailleurs allait se relayer de main en main jusqu'à un certain P.P; Cassandre était sûrement en train de lutter pour se protéger de la fournaise et surtout la suffocation. Alexine, à plusieurs lieues du Lazare n'était pas en proie au doute de la sécurité de son clapier, elle avait tout vérifié avant de prendre la route et n'avait rien signalé.
Mais...
Ce qui aurait pu passer pour une manigance parfaite, sans preuve, sans signe de bataille ou de sang versé, n'allait pourtant pas être le fin mot de la fin... lorsque sur les collines de la Dague on connaitrait que la Madre respire encore.
"Le repos chantera bientôt..mais pour le moment... tel est pris qui croyait prendre..."
Les hostilités étaient lancées, et les factions allaient bien être multiples.
Alexin du Lazare
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