Brèves histoires du canal
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Brèves histoires du canal
Difficile à dire si c’est la lassitude de la ville ou de la vie de garde tant ça devient lier à mes yeux. Je n’ai jamais été très stable, très statique. Je préfère bouger, courir le sentier de ma vie plutôt que de m’y promener. Je veux goûter à toutes les saveurs, hûmer tous les parfums, toucher à toutes les étoffes, voir toutes les couleurs. Pourtant, je me suis enfermé moi-même dans cette prison terne. Tenir une promesse pour quelqu’un qui ne veut rien devoir à personne, c’est assez risible dans un certain sens.
Et pourtant, c’est pour lui que je le fais. Pour le fils que j’aimerais être pour lui. Avoir la sensation d’appartenir à une famille. Pour être un bon père également. Ne pas savoir que l’or qui nourrit mon fils a un arôme de sang.
Mais ce mensonge me pèse plus que tous les autres tant il ne repose sur aucune vérité, même modifiée. Je ne serais jamais un garde. Je suis un gredin, un fils des rues. Leurs lois, leur moralité ne sont pas les miennes. Je suis las, blasé oui. Même les courbes féminines n’arrivent plus à chasser cette oppression. Chaque seconde passé dans ce costume me brime, m’efface. Ne plus être Ducanal pour être Briguel à tout jamais.
Alors j’accepte de plus en plus de missions. Toujours plus périlleuse pour retrouver ce frisson perdu. Pour en revenir à cette phrase tant aimée, tant haïe : Mieux vaut eux que moi. Après tout, vivre c’est ma seule espérance.
Lanniey
Re: Brèves histoires du canal
J’arrive à petit pas. Du bruit. Je me plaque contre le mur, prend une inspiration, je compte jusqu’à 10. J’ouvre les yeux. Je suis proche. J’entends le crissement des plaques de son armure entre elles.
- Et toi Lanniey ? Qu’est-ce que tu feras quand tu seras grand ?
- Je serais pirate !
- Pirate ? Mais tu n’y penses pas mon petit. Ce sont des brigands qui pillent, violent et blasphèment contre la lumière par leur simple existence !
- M’en fiche, je serais pirate ! Comme ça, j’serais plus jamais obligé de vous écouter !
Trois sangles sur la gauche du plastron, peu de jeu. Gorgerin haut. Les deux lames pirouettent dans mes mains. Droit aux tempes. Je fonds dans l’ombre.
- Mais petit, voyons ! Tu ne veux pas être béni par la Lumière ? Vivre une vie de juste ! Il y a quelques chevaliers qui sont passés pour prendre des écuyers. L’un d’eux s’intéresse à toi. Tu ne veux pas servir ton Roi ?
- Je m’en fiche ! Je veux être pirate !
- Voyons, un peu de sérieux. Les pirates ne font jamais long feu, tu les as vu pendu sur le port. Tu ne veux pas finir comme eux, non ?
- Je me ferais pas prendre, moi !
Il s’arrête, observe la mer qui lèche la digue de pierre. Je surgis derrière lui. Mes dagues rencontrent une brève résistance sur l’os, puis s’enfoncent dans son cerveau. D’un coup de pied, je l’envoie valdinguer dans l’eau.
- Ils disent tous ça, tu le sais ? Pourquoi serait-ce différent pour toi ?
- Parce que moi, ça m’est égal si les autres meurent tant que je vis ! Je n’aimerais jamais personne !
- Sainte Lumière Lanniey Ducanal ! Ne blasphème pas ainsi ! La mort n’est pas anodine ! Jamais ! Personne ne peut vivre seul et pour lui-même !
Je le regarde s’enfoncer dans les ténèbres aqueuses. Son âme hurle vengeance. Je l’entends distinctement. Elle me cherche. Elle peut toujours. Elle ne se reflètera dans rien. D’un coup de pouce, la pièce d’or volète. Pour payer la dîme.
- Voyons Lanniey… Tu es un brave garçon. Tu ne penses pas ce que tu dis.
- Je serais pirate ! Comme ça, je le trouverais ! Et je le tuerais, c’est à cause de lui !
- Trouver qui ?
- Mon père ! C’est à cause de lui si je suis tout seul !
Il a disparu sous les flots noirs. La vie est brève. J’ai envie de douceur. Comme toujours, je trouve un semblant de réconfort dans un carré de sucre, à défaut de glace au chocolat. Je raye son nom de ma liste. Je ne sais même pas ce qu’il a fait pour mériter ça. Il n’est qu’un nom parmi les autres. Peu importe. Je suis un pantin pour la Gloire de mon Royaume. De bois et sans état d’âme. J’aurais dû être pirate.
- Et toi Lanniey ? Qu’est-ce que tu feras quand tu seras grand ?
- Je serais pirate !
- Pirate ? Mais tu n’y penses pas mon petit. Ce sont des brigands qui pillent, violent et blasphèment contre la lumière par leur simple existence !
- M’en fiche, je serais pirate ! Comme ça, j’serais plus jamais obligé de vous écouter !
Trois sangles sur la gauche du plastron, peu de jeu. Gorgerin haut. Les deux lames pirouettent dans mes mains. Droit aux tempes. Je fonds dans l’ombre.
- Mais petit, voyons ! Tu ne veux pas être béni par la Lumière ? Vivre une vie de juste ! Il y a quelques chevaliers qui sont passés pour prendre des écuyers. L’un d’eux s’intéresse à toi. Tu ne veux pas servir ton Roi ?
- Je m’en fiche ! Je veux être pirate !
- Voyons, un peu de sérieux. Les pirates ne font jamais long feu, tu les as vu pendu sur le port. Tu ne veux pas finir comme eux, non ?
- Je me ferais pas prendre, moi !
Il s’arrête, observe la mer qui lèche la digue de pierre. Je surgis derrière lui. Mes dagues rencontrent une brève résistance sur l’os, puis s’enfoncent dans son cerveau. D’un coup de pied, je l’envoie valdinguer dans l’eau.
- Ils disent tous ça, tu le sais ? Pourquoi serait-ce différent pour toi ?
- Parce que moi, ça m’est égal si les autres meurent tant que je vis ! Je n’aimerais jamais personne !
- Sainte Lumière Lanniey Ducanal ! Ne blasphème pas ainsi ! La mort n’est pas anodine ! Jamais ! Personne ne peut vivre seul et pour lui-même !
Je le regarde s’enfoncer dans les ténèbres aqueuses. Son âme hurle vengeance. Je l’entends distinctement. Elle me cherche. Elle peut toujours. Elle ne se reflètera dans rien. D’un coup de pouce, la pièce d’or volète. Pour payer la dîme.
- Voyons Lanniey… Tu es un brave garçon. Tu ne penses pas ce que tu dis.
- Je serais pirate ! Comme ça, je le trouverais ! Et je le tuerais, c’est à cause de lui !
- Trouver qui ?
- Mon père ! C’est à cause de lui si je suis tout seul !
Il a disparu sous les flots noirs. La vie est brève. J’ai envie de douceur. Comme toujours, je trouve un semblant de réconfort dans un carré de sucre, à défaut de glace au chocolat. Je raye son nom de ma liste. Je ne sais même pas ce qu’il a fait pour mériter ça. Il n’est qu’un nom parmi les autres. Peu importe. Je suis un pantin pour la Gloire de mon Royaume. De bois et sans état d’âme. J’aurais dû être pirate.
Lanniey
Re: Brèves histoires du canal
La porte.
Jolie, non ? Belle menuiserie alliée à une fine technologie de fortification et de serrure. Les gens ne s'attardent pas sur elle. Elle ne s'en plaint d'ailleurs pas. Des va-et-vient incessants, le tumulte des explosions des petites frappes de la ville, les discussions échangées sur son seuil, elle a de quoi s'occuper et pourrait témoigner de tellement de choses. Pourtant elle demeure silencieuse. Normal, me direz-vous, une porte ne parle pas. Vous ne vous êtes jamais rendu chez la Comtesse de Bayle, n'est-ce pas ? Bien évidemment, elle ne dira aucun mot intelligible. Elle s'exprime en grondant sur ses gonds, craquelant de tout son hêtre, sifflant ses tempêtes. Celle de la caserne est silencieuse. Timidité ? Doutons-en.
Ce soir-là pourtant, elle a claqué dans la tranquillité toute relative de la caserne. Elle a gémi sur ses axes métalliques. Elle a craché ses échardes de bois. On l'a violenté. Brusquement, sans prévenir, on l'a ouverte, fracassée contre le mur. On l'a traversé sans un mot, un sac sur l'épaule. Sans excuse, sans même un vague regard. Prostrée, elle s'est refermée sur la caserne. Elle a sangloté, le temps de se calmer et plonger à nouveau dans son mutisme.
Celui-ci reviendrait-il ? La traverserait-il à nouveau ? Elle en doutait. Tellement partaient pour ne jamais revenir. Comme ce paladin dont elle avait aperçu le retour les pieds devant. Elle savait. La passer les pieds devants signifiait les larmes et la peine pour les occupants de la caserne. La violenter signifiait qu'on ne reviendrait pas plus... ou alors les pieds devants , les chaines aux mains.
Le paladin en armure dorée, elle l’avait vu sortir au petit matin. Depuis son retour, il ne l’avait pas gardé comme les autres. Il entrait et ressortait vêtu différemment sans jamais s’attarder. Ce soir, ils le portaient sous une couverture. Placide, elle ne fit rien pour les aider. Elle observa comme toujours les moindres détails des mines déconfites de ses protecteurs. Comme d’autres avant lui, il était mort. Comme d’autre après lui qui viendront grossir la plaquette de valeureux membres de la garde mort brutalement.
Puis l’atteinte véhémente à son intégrité physique avait été perpétrée peu de temps après. Peut-être le choc de la perte, la douleur… Non, pas d’humidité légère n’avait gonflé un pore de sa boiserie, les larmes souvent de crocodiles, elle connaît. De la colère, violente et impétueuse. Celui-là, elle le reconnaissait pour les gestes caressants lorsqu’il la frôlait pour grimper sur la pierre qui l’emprisonne. Cela faisait déjà quelques semaines qu’il se faisait rare.. mais elle sentait que cette fois-ci, cela serait la dernière fois qu’il l’emprunterait…
Jolie, non ? Belle menuiserie alliée à une fine technologie de fortification et de serrure. Les gens ne s'attardent pas sur elle. Elle ne s'en plaint d'ailleurs pas. Des va-et-vient incessants, le tumulte des explosions des petites frappes de la ville, les discussions échangées sur son seuil, elle a de quoi s'occuper et pourrait témoigner de tellement de choses. Pourtant elle demeure silencieuse. Normal, me direz-vous, une porte ne parle pas. Vous ne vous êtes jamais rendu chez la Comtesse de Bayle, n'est-ce pas ? Bien évidemment, elle ne dira aucun mot intelligible. Elle s'exprime en grondant sur ses gonds, craquelant de tout son hêtre, sifflant ses tempêtes. Celle de la caserne est silencieuse. Timidité ? Doutons-en.
Ce soir-là pourtant, elle a claqué dans la tranquillité toute relative de la caserne. Elle a gémi sur ses axes métalliques. Elle a craché ses échardes de bois. On l'a violenté. Brusquement, sans prévenir, on l'a ouverte, fracassée contre le mur. On l'a traversé sans un mot, un sac sur l'épaule. Sans excuse, sans même un vague regard. Prostrée, elle s'est refermée sur la caserne. Elle a sangloté, le temps de se calmer et plonger à nouveau dans son mutisme.
Celui-ci reviendrait-il ? La traverserait-il à nouveau ? Elle en doutait. Tellement partaient pour ne jamais revenir. Comme ce paladin dont elle avait aperçu le retour les pieds devant. Elle savait. La passer les pieds devants signifiait les larmes et la peine pour les occupants de la caserne. La violenter signifiait qu'on ne reviendrait pas plus... ou alors les pieds devants , les chaines aux mains.
Le paladin en armure dorée, elle l’avait vu sortir au petit matin. Depuis son retour, il ne l’avait pas gardé comme les autres. Il entrait et ressortait vêtu différemment sans jamais s’attarder. Ce soir, ils le portaient sous une couverture. Placide, elle ne fit rien pour les aider. Elle observa comme toujours les moindres détails des mines déconfites de ses protecteurs. Comme d’autres avant lui, il était mort. Comme d’autre après lui qui viendront grossir la plaquette de valeureux membres de la garde mort brutalement.
Puis l’atteinte véhémente à son intégrité physique avait été perpétrée peu de temps après. Peut-être le choc de la perte, la douleur… Non, pas d’humidité légère n’avait gonflé un pore de sa boiserie, les larmes souvent de crocodiles, elle connaît. De la colère, violente et impétueuse. Celui-là, elle le reconnaissait pour les gestes caressants lorsqu’il la frôlait pour grimper sur la pierre qui l’emprisonne. Cela faisait déjà quelques semaines qu’il se faisait rare.. mais elle sentait que cette fois-ci, cela serait la dernière fois qu’il l’emprunterait…
Lanniey
Re: Brèves histoires du canal
De retour à la plume ! J’avais presque oublié la détente que procuraient les mots qu’on couche sur le papier. Un peu comme une gamine qui tient un journal intime avec ses petites pensées du jour, un bon moyen de ne pas ressasser les choses en permanence. Dans un sens, c’est risible un mec comme moi qui se prend pour une morveuse, mais pas besoin de l’ébruiter !
Faisons le point ! Des mois se sont écoulés depuis ma dernière note. Pas vraiment des mois chargés ceci dit. Saig s’est fait avoir. Une amulette à la con qui drainait son âme : Cela avait pour but de calmer ses angoisses et ses soucis liés à la malédiction. Cela marchait plus ou moins mais le prix à payer était trop élevé. Après avoir brisé le sortilège, je l’ai laissé sous bonne garde au Sanctuaire. Il devrait se remettre bientôt… et me tuer dès qu’il sera sur pied.
A moins qu’il ne tue Judh. A voir ! Il me frappera c’est clair, mais elle prendra plus cher. En même temps, il me ferait le coup, je pense que je le rosserais aussi… Je suis sensé me marier. Je dis bien sensé, parce que je ne vois plus vraiment l’intérêt de le faire. Judh est enceinte. De moi. Pas la première fois que je mets une maitresse en cloque, cependant, j’ignore pourquoi, je n’ai pas agi comme à mon habitude. Peut-être parce qu’elle me fait penser à Lise et que j’y ai vu une occasion de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Evidemment, je sais que ça ne changera rien au passé. Pourtant, quand elle m’a annoncé la nouvelle, j’ai mis genou à terre et j’ai fait ma demande. Sur le moment, j’ai voulu croire à mon droit aux bonheurs simples. Ouh, ça fait mec trop sombre ça. Disons plutôt que j’ai voulu croire à des bonheurs cadrant avec la morale de la société.
Elle s’est barrée après avoir dit oui. Pendant plusieurs mois, pas de nouvelles. J’ai eu le temps de changer d’avis. Hé, deux mois dans mon univers, c’est presque une vie ! Pour le moment, je tiens encore ma promesse de fidélité. Concept à la con en passant : je suis persuadé que le monde irait mieux si les gens assumaient leurs envies au lieu de se sacrifier sur l’autel de la bonne conduite. Physiquement, je tiens bon. Lorsque nous étions en mer, l’abstinence pouvait durer des mois également. Par contre, mentalement, j’enrage. Me refreiner pour que dalle, ne pas profiter de ma vie comme je l’entends, c’est limite au-dessus de mes forces. J’ai l’impression qu’elle m’a enchainé et qu’elle va me mener à l’abattoir. Avec le recul et au vu de son comportement, je me suis fait avoir comme un pécore. Elle m’a effectivement passé les chaines de cette manière.
Elle m’envoie des lettres me clamant que je lui manque, qu’elle se réjouit de me voir. J’évite de lui répondre. Je crains d’être vraiment très désagréable. Dès qu’elle sera là, elle me fera le coup des yeux tout mouillés, je la regarderai fasciné comme toujours par sa faiblesse et à sa force mêlées, et je ne ferais strictement rien de plus. Pas envie de ne pas pouvoir voir mon gamin, pas envie de ne pas le voir grandir. Pas deux fois suite les mêmes conneries ! Par contre, je vais devoir demander à Saig une potion pour que mes conquêtes ne tombent plus enceintes. Je vais finir ruiner sinon.
Je passe beaucoup de temps avec des nouveaux « amis ». Darsin, son cynisme, son coté lunatique. C’est un peu comme un vieux compère, avec lequel tu te chamailles sans cesse. Je joue au garde-fou, comme pour Saig. Familier et rassurant, même si Darsin est bien plus dangereux à canaliser et arrêter. Ses colères et ses excès de zèle sont fréquents. Je discerne facilement quand elles arrivent, pourquoi elles arrivent, parce que je les ressens aussi. Etrangement, ça me calme. Cela m’oblige à rester vigilant, à ne pas me laisser emporter par mes propres impulsions. C’est comme être branché sur la même fréquence, sauf qu’il craque toujours avant moi.
Lou occupe une bonne partie de mes soirées. A discuter de tout et rien, à jouer à se séduire, à qui craquera le premier. Une part de moi la coucherait volontiers sur la table pour la cajoler, la couvrir de baisers, l’autre jouit de la relation si agréable que crée cette tension. Nul doute que le passage à l’acte serait tout autant réjouissant que les préliminaires et présagerait quelques nuits endiablées. Pour le moment ceci dit, la détente et la complicité nées du jeu sont bien plus précieuses qu’une partie de jambe en l’air. La Lumière sait qu’il est difficile de lui résister, qu’elle hante une bonne partie de mes nuits, mais ne pas être le premier à céder est un défi que j’ai envie de relever. Après tout, l’homme propose, la femme dispose.
J’ai croisé Val plusieurs fois en quelques jours. Du colosse de marbre, il ne reste plus qu’un amas de haine. Il a perdu son coté touchant et naif au profit d’une carapace de hargne, de besoin de détruire et se faire détruire. Il cherche sa ruine. Probablement à cause de Nelsie et de leur enfant perdu. Sans doute sans se l’avouer, il doit vouloir la faire souffrir comme elle l’a fait souffrir et se punir lui-même de ne pas avoir réussi à la protéger. En tout cas, ça ressemblerait à du Valerian de la Grande Epoque.
Sans transition et abruptement, Lise est morte lors du Cataclysme. Je me retrouve en charge du petit. Je galère pas mal. Heureusement, le Capitaine est là. Je ne suis définitivement pas fait pour être père au quotidien. Autant le coté éducatif, apprentissage et douceur, je maitrise, autant couvrir les besoins élémentaires d’un mioche me lourde. Ah, je sais faire entrer l’or dans les caisses, mais le dépenser de manière intelligente pour ce qu’il faut, j’oublie. La première semaine, au lieu d’acheter de la bouffe et des vêtements à sa taille pour l’hiver, j’ai acheté du minerai pour construire un petit écureuil mécanique avec lui. Ouais, ouais, je sais, on m’a déjà fait la morale pour ça. Nous louons une maison à la périphérie du quartier de la cathédrale. J’ai même pensé à une chambre pour le futur gosse de Judh, au lieu de l’inutile dépense pour le grand lit aux baldaquins de velours rouge qui sert à rien mais qui en jette quand on y couche une demoiselle. En attendant, il faut que je bosse.
Outre l’habituel, j’ai trouvé un moyen de me faire quelques pièces d’or en glandant en ville. Non, non, je ne fais pas les poches, bien que l’idée soit tentante tant les gens sont prompts à montrer leurs richesses. J’écris des articles de manière indépendante et j’essaie de les revendre aux diverses feuilles de chou de Hurlevent. Bon, je ne suis pas très zélé à l’écriture et clairement en retard pour le papier sur l’intégration worgen, mais j’ai cédé à l’appel de l’aventure.
Lanniey
Re: Brèves histoires du canal
L’aventure, généralement on veut toujours y mettre un grand A, comme l’amour. Je ne dirais pas que les miennes le nécessitent ceci dit. Toujours est-il que, malgré les trompeuses apparences de voir mon cul posé en ville quasi chaque soir à débiter des conneries, je préfère nettement découvrir quelques choses de neuf. En grande partie pour cette raison et parce qu’un bon cliché est parfois plus parlant qu’une explication de 25 lignes, je ressentais l’appel du large. A ce niveau là d’ailleurs, ça tenait plus de l’obsession.
Oui, carrément de l’obsession. Mettre les pieds dans le port sans pouvoir m’en aller était un supplice. Croiser des personnes que je savais marins, une torture. J’ai rapidement atteint le point où dormir dans un lit confortable à terre m’était impossible. Après deux-trois nuits blanches, sur un coup de tête, j’ai sauté dans un portail au hasard.
Uldum, je laissais échapper un long sifflement entre le dépit et l’admiration. Du sable, plein de sable, partout du sable… et une bécane pas franchement faite pour ce genre de terrain. Avec du matériel sous la main, j’aurais pu procéder à quelques réglages, mais le départ à l’arrache me forçait à me balader à pied. Vu le cagnard, je n’ai pas trainé. J’ai joué la direction à emprunter à ams-tram-gram. Quand on décide de faire les choses sur un coup de tête, autant y aller à fond ! Sans parler de bonne étoile, la chance fut de mon coté pour une fois : direction plein sud ! Après deux bonnes heures de marche, j’ai atteint la fameuse cité Ram’kahen.
Au milieu des hommes-centaures-félins, les Tol’virs, j’ai erré le temps de me constituer un sac à dos décent pour les étendues désertiques. Contre une somme complètement prohibitive ! Bon en même temps, je les comprends, vu le matos que j’avais sur le dos, il y avait de quoi me prendre pour une sorte de touriste crétin. Imaginez croiser un type avec un gros manteau en fourrure, un bonnet en poil de mammouth sur une plage de Strangleronce et vous aurez plus ou moins l’impression que j’ai du faire. Sur un nouveau coup de chance, j’ai trouvé l’équipe d’Harrison Jones avec qui j’ai pu partagé un verre et commercer quelques cartes en commun. Pas que le Tol’vir me soit illisible, mais presque autant que le draconique. Après superposition des cartes Tol’vir et de l’Expédition, j’ai demandé à une main innocente, un gnome qui suppurait tellement la gangremagie que ça m’en filait presque la nausée, de pointer un lieu au hasard sur la carte, les yeux fermés. « Salles des Origines »
Autant le dire de suite, ça ne me disait rien. Premièrement parce que j’ai du croiser environ… aucun aventurier dans les tavernes de Hurlevent pour m’en parler, deuxièmement parce que ça ressemblait foutrement à un nom de donjon. Pas convaincu, j’ai hésité le temps de louer une monture adaptée. Là, comme une troupe de mercenaire cherchaient un dernier pour une virée là-bas, je me suis laissé porter par le destin.
Enfin aventuriers… disons plutôt un équipage cosmopolite… pour être poli. Non, sérieusement, même en feignant l’imbécillité ou l’optimisme, ce qui revient sensiblement au même, j’avais devant moi le présage d’une longue, très longue virée en enfer : La chaman draenei conversant avec ses élémentaires, un nain paladin à moitié ivre, l’elfe de la nuit câlinant une panthère… et mon fameux démoniste gnome qui se marrait en me pointant du doigt, ce sale bâtard. Au vu de l’heure tardive et de la difficulté de faire tenir le nain bourré sur un dromadaire, il fut décidé d’attendre le lendemain matin et les premières heures fraiches du jour. Après nous être arrangé avec les habitants, on a réussi à trouver une chambre pour la nuit. Nuit que j’ai passé à tenter de régler mon principal souci pour le lendemain, outre ma survie.
Le dromadaire. Une monture vivante. Un truc qui respire et qui a un semblant de conscience. Un putain d’animal avec un caractère de merde quoi ! Je déteste monter des créatures vivantes. Déjà, ça meure toujours quand vous avez besoin de fuir. Si ça ne le fait pas, ça meure pendant que vous fuyez d’un tir ennemi provoquant pour vous, au mieux, un vol plané. Ensuite, faut la nourrir et la ménager. J’ai pris mon courage à deux mains, je l’ai regardé au fond de ses gros yeux noirs pour lui faire comprendre que j’étais le patron. J’ai du me planter dans le message transmis, parce qu’elle a pigé « Tu peux me manger le menton ». Ce qu’elle s’est empressée de faire, arrachant quelques précieux poil de mon bouc. Après un repli stratégique, je suis retourné à la charge avec… de la bouffe. La stratégie a mieux fonctionné et j’ai enfin pu l’approcher et la monter. Après quelques câlins de bon aloi pour m’assurer sa fidélité, j’ai finalement cédé à un nouveau appel, plus lancinant celui-ci : Celui de l’oreiller.
Lanniey
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