Vices & Idéaux
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Vices & Idéaux
1. La cause
Nayaa ouvrit les yeux. A sa gauche un homme brun somnolait, l’encerclant d’un bras lourd et brulant. A sa droite, une blonde plantureuse dont la cuisse recouvrait les siennes. Étouffant un grognement agacé, elle les repoussa tout deux pour se lever, récupérant d’une main la robe rouge qui trainait au pied du lit. Avançant ainsi, nue dans la lueur ambrée de l’aube, elle posa le front contre la fenêtre de la petite maison Hurleventoise. L’agitation matinale à l’extérieur lui arracha un sourire léger. Marchands et autres négociants s’affairaient sur la petite place du quartier commerçant, en prévision du marché qui ne tarderait plus à ouvrir ses portes. Le regard de l’un d'eux s’écarquilla tandis qu’il lâchait sa caisse de salade dans un fracas saisissant, la bouche entrouverte. Souriant davantage, la jeune femme recula hors de sa vue et enfila sa robe. Ses yeux bruns, rougeoyants par moments épars se posèrent sur le couple encore endormis. Les nuits de débauche et de luxure lui avaient terriblement manqué durant son exil au fond de cette mine étouffante. S’approchant d’un miroir fêlé fixé au mur, elle réajusta les mèches rousses qui chatouillaient ses joues et sorti de sa poche un foulard de soie rouge, qu’elle enroula pour le ceindre à son front. S’observant ainsi pendant de longues minutes, elle tâcha de calmer sa respiration qui se faisait plus heurtée à chaque instant. La cause… La cause était juste, elle le savait. Peu importait les risques.
Serrant les poings et relevant le menton, retrouvant le sourire en coin, vaguement provocateur qui ne la quittait jamais, elle pivota vers la porte de chêne massif et se glissa discrètement à l’extérieur, refermant sans un bruit. Se mêlant à la foule des badauds qui affluaient toujours plus nombreux devant les étales et échoppes, elle leva la tête en direction des toits. Sur l’un d’eux, se faufilant telle une ombre, elle aperçut une silhouette amie que seul le foulard de soie rouge noué autour du cou rendait reconnaissable. Agitant quelques doigts à son intention, elle se hâta en direction de la Vieille Ville. Face à elle, longeant les canaux sur l’autre rive, d’autres hommes portant la touche de rouge significative fusaient vers le donjon. Souriant derechef, elle se surprit presque à courir. L’adrénaline inondant ses veines, elle serra les poings, retenant à grand peine les flots de magie brute et vivace qui firent chauffer le bout de ses doigts. Elle ralentit ses pas, arrivant près de l’entrée du donjon. Les gardes en faction fixèrent l’étrange attroupement d’un air inquiet. Autour de la rousse, une dizaine de défias, les mains posées sur leurs armes. D’autres affluaient encore.
Un instant de flottement. Puis le chaos.
Les lames qui s’entrechoquent, le sang qui éclabousse les murs de pierre rutilants, les flammes qui jaillissent des mains de la mage en furie, trop longtemps contenues, réduisant en cendre l’un des gardes ayant eu la mauvaise idée de s’approcher de la femme, apparemment sans défenses. Le regard brulant de haine, elle suivit ses comparses qui s’introduisaient à présent dans l’édifice, tel un flot ardent de rouge sanglant, silencieux malgré tout. Ailleurs, près de Ruisselune, se jouait une tout autre symphonie, Van Cleef marchandant la liberté de Wrynn avec de sombres dignitaires de la Grande Cité. L’enlèvement s’était révélé d’une facilité déconcertante. Sur les renseignements de Dame Prestor, la Confrérie n’avait eu aucun mal à intercepter le navire affrété pour Theramore, s’emparant du roy, et réclamant la rançon qui leur revenait de droit. Après tout, les maçons n’avaient toujours pas reçu paiement pour leurs travaux passés.
Secouant légèrement la tête, la jeune Défias poursuivait sa route, gravissant le long couloir en compagnie de ses frères, les mains enflammées, prêtes à détruire quiconque oserait s’interposer. La hargne au cœur, elle marchait tête levée, fière, sans se retourner sur les cadavres de gardes et de bandits mêlés qui s’effondraient les uns après les autres. Fixant le trône, symbole de toute sa haine, elle mit un temps trop long à s’apercevoir qu’il ne restait plus qu’elle, les corps de ses frères sans vie, expirant leurs derniers souffles dans des râles de douleur et d’agonie infâmes. Les mains levées devant elle, flamboyant rageusement, elle observa les gardes qui l’encerclaient. Fermant les yeux, elle prononça lentement la phrase qui rythmait sa vie depuis toujours.
- Mieux vaut mourir avec panache, que vivre sans éclat.
Souriant de nouveau, comme pour s’attirer les faveurs d’un public difficile, elle fléchit légèrement les genoux, puisant au cœur de ses dernières ressources.
- Pour Van Cleef ! Mort aux Wrynn ! hurla-t-elle.
Explosant dans une furie sans nom, son corps tout entier sembla se consumer alors qu’elle réduit en cendre les gardes trop hardis qui s’étaient approchés d’elle, l’épée levée. S’inclinant ensuite, un air de regret passant fugacement sur ses traits alors qu’elle apercevait au loin le trône qu’ils étaient venu détruire, idée stupide lancée autour d’une bouteille de rhum dans les sombres dédales des Mortemines, sans même l’accord de leur chef. S’affaissant doucement sur le sol, exténuée, elle mobilisa ses dernières ressources pour s’éclipser, s’effondrant ivre de fatigue sur les pierres froides d’une cave anonyme, quelque part dans la vieille ville, le plus loin qu’aient pu la mener ses maigres forces restantes. Haletante, elle sombra.
Nayaa ouvrit les yeux. A sa gauche un homme brun somnolait, l’encerclant d’un bras lourd et brulant. A sa droite, une blonde plantureuse dont la cuisse recouvrait les siennes. Étouffant un grognement agacé, elle les repoussa tout deux pour se lever, récupérant d’une main la robe rouge qui trainait au pied du lit. Avançant ainsi, nue dans la lueur ambrée de l’aube, elle posa le front contre la fenêtre de la petite maison Hurleventoise. L’agitation matinale à l’extérieur lui arracha un sourire léger. Marchands et autres négociants s’affairaient sur la petite place du quartier commerçant, en prévision du marché qui ne tarderait plus à ouvrir ses portes. Le regard de l’un d'eux s’écarquilla tandis qu’il lâchait sa caisse de salade dans un fracas saisissant, la bouche entrouverte. Souriant davantage, la jeune femme recula hors de sa vue et enfila sa robe. Ses yeux bruns, rougeoyants par moments épars se posèrent sur le couple encore endormis. Les nuits de débauche et de luxure lui avaient terriblement manqué durant son exil au fond de cette mine étouffante. S’approchant d’un miroir fêlé fixé au mur, elle réajusta les mèches rousses qui chatouillaient ses joues et sorti de sa poche un foulard de soie rouge, qu’elle enroula pour le ceindre à son front. S’observant ainsi pendant de longues minutes, elle tâcha de calmer sa respiration qui se faisait plus heurtée à chaque instant. La cause… La cause était juste, elle le savait. Peu importait les risques.
Serrant les poings et relevant le menton, retrouvant le sourire en coin, vaguement provocateur qui ne la quittait jamais, elle pivota vers la porte de chêne massif et se glissa discrètement à l’extérieur, refermant sans un bruit. Se mêlant à la foule des badauds qui affluaient toujours plus nombreux devant les étales et échoppes, elle leva la tête en direction des toits. Sur l’un d’eux, se faufilant telle une ombre, elle aperçut une silhouette amie que seul le foulard de soie rouge noué autour du cou rendait reconnaissable. Agitant quelques doigts à son intention, elle se hâta en direction de la Vieille Ville. Face à elle, longeant les canaux sur l’autre rive, d’autres hommes portant la touche de rouge significative fusaient vers le donjon. Souriant derechef, elle se surprit presque à courir. L’adrénaline inondant ses veines, elle serra les poings, retenant à grand peine les flots de magie brute et vivace qui firent chauffer le bout de ses doigts. Elle ralentit ses pas, arrivant près de l’entrée du donjon. Les gardes en faction fixèrent l’étrange attroupement d’un air inquiet. Autour de la rousse, une dizaine de défias, les mains posées sur leurs armes. D’autres affluaient encore.
Un instant de flottement. Puis le chaos.
Les lames qui s’entrechoquent, le sang qui éclabousse les murs de pierre rutilants, les flammes qui jaillissent des mains de la mage en furie, trop longtemps contenues, réduisant en cendre l’un des gardes ayant eu la mauvaise idée de s’approcher de la femme, apparemment sans défenses. Le regard brulant de haine, elle suivit ses comparses qui s’introduisaient à présent dans l’édifice, tel un flot ardent de rouge sanglant, silencieux malgré tout. Ailleurs, près de Ruisselune, se jouait une tout autre symphonie, Van Cleef marchandant la liberté de Wrynn avec de sombres dignitaires de la Grande Cité. L’enlèvement s’était révélé d’une facilité déconcertante. Sur les renseignements de Dame Prestor, la Confrérie n’avait eu aucun mal à intercepter le navire affrété pour Theramore, s’emparant du roy, et réclamant la rançon qui leur revenait de droit. Après tout, les maçons n’avaient toujours pas reçu paiement pour leurs travaux passés.
Secouant légèrement la tête, la jeune Défias poursuivait sa route, gravissant le long couloir en compagnie de ses frères, les mains enflammées, prêtes à détruire quiconque oserait s’interposer. La hargne au cœur, elle marchait tête levée, fière, sans se retourner sur les cadavres de gardes et de bandits mêlés qui s’effondraient les uns après les autres. Fixant le trône, symbole de toute sa haine, elle mit un temps trop long à s’apercevoir qu’il ne restait plus qu’elle, les corps de ses frères sans vie, expirant leurs derniers souffles dans des râles de douleur et d’agonie infâmes. Les mains levées devant elle, flamboyant rageusement, elle observa les gardes qui l’encerclaient. Fermant les yeux, elle prononça lentement la phrase qui rythmait sa vie depuis toujours.
- Mieux vaut mourir avec panache, que vivre sans éclat.
Souriant de nouveau, comme pour s’attirer les faveurs d’un public difficile, elle fléchit légèrement les genoux, puisant au cœur de ses dernières ressources.
- Pour Van Cleef ! Mort aux Wrynn ! hurla-t-elle.
Explosant dans une furie sans nom, son corps tout entier sembla se consumer alors qu’elle réduit en cendre les gardes trop hardis qui s’étaient approchés d’elle, l’épée levée. S’inclinant ensuite, un air de regret passant fugacement sur ses traits alors qu’elle apercevait au loin le trône qu’ils étaient venu détruire, idée stupide lancée autour d’une bouteille de rhum dans les sombres dédales des Mortemines, sans même l’accord de leur chef. S’affaissant doucement sur le sol, exténuée, elle mobilisa ses dernières ressources pour s’éclipser, s’effondrant ivre de fatigue sur les pierres froides d’une cave anonyme, quelque part dans la vieille ville, le plus loin qu’aient pu la mener ses maigres forces restantes. Haletante, elle sombra.
Aylee
Re: Vices & Idéaux
2. Famille
Quelques jours plus tard, Ruisselune
Appuyée contre une barrière de bois un peu branlante, la jeune femme observait les ruines défraichies de ce qui avait autrefois été un village prospère et florissant, véritable approvisionneur agro-alimentaire de la Grande Cité Humaine. Inclinant légèrement la tête, elle laissa voguer son regard vers les champs à l’abandon, dans lesquels elle avait pour habitude de jouer lorsqu’elle était encore enfant. Fronçant les sourcils, elle plaqua une main sur son estomac qui ne cessait plus de protester depuis quelques jours. Les réserves de nourriture s’amenuisaient sans cesse, et son épopée ratée à Hurlevent lui avait valu une sévère rétrogradation. Elle avait du user de tous ses charmes pour échapper à un sort qu’elle ne voulait même pas imaginer.
- Nay’, t’fous quoi ? demanda soudain une voix dans son dos.
Avec un sourire, elle se retourna en direction de l’homme qui l’observait, bras croisés. Grand et roux lui aussi, sa joue était barré d’une large cicatrice qui rendait ses expressions un peu étranges. Le foulard rouge négligemment attaché à son cou rehaussait ses yeux d’un vert profond et sombre. Ses mains larges et rugueuses ainsi que sa musculature ne laissaient aucun doute quand à son métier d’origine. Un maçon, comme la plupart des autres hommes de la confrérie. Sautillant jusqu’à lui, elle décocha aussitôt un grand coup de poing en direction de son nez. L’homme esquiva sans difficulté, saisissant au vol le frêle poignet qu’il tordit pour obliger la donzelle à se mettre à genoux, en ricanant. Haussant un sourcil moqueur, il la contempla tandis qu’elle le fusillait d’un regard ardent, tachant de dégager son poignet sans succès.
- Dis le, p’tite sœur, t’sais c’mment ça marche, fit-il en hochant la tête.
Bougonnant quelques injures entre ses dents, elle finit par lui adresser un sourire narquois, alors que leurs compagnons de la Confrérie passaient autour d’eux, sans même leur adresser un regard, sans doute habitués aux démonstrations de forces et autres joyeusetés viriles.
- Tu es le plus fort, soupira-t-elle presque inaudible, dégageant vivement son poignet et sautant hors de portée dès qu’il relâcha son étreinte.
- J’préfère ça.
Lui collant une grande baffe fraternelle dans le dos, la faisant presque voler un mètre plus loin, il passa un bras autour des épaules de la jeune femme, l’entrainant d’un bon pas en direction des collines. Se laissant aller contre lui, elle serra une main sur la chemise salie que portait son frère, comme pour s’assurer qu’il resterait près d’elle et ne tenterait pas de s’échapper. Leurs sourires identiques ne laissaient planer aucun doute sur le lien qui les unissait, même si l’homme dépassait largement la jeune femme d’une tête et demie. Puissant comme sa sœur était frêle, la même hargne étrangement teintée d’une joie de vivre inaltérable brulait dans leurs pupilles. Entrainant Nayaa vers un petit monticule poussiéreux, il la fit asseoir sur ses genoux, refermant ses bras autour d’elle, contemplant le village en contrebas. Souriante, elle posa sa tête contre son épaule, les revoyant exactement dans la même posture, au même endroit alors qu’il n’avait que 8 ans et elle 6. Certaines choses demeuraient immuables.
- Tu t’es encore foutue dans la merd’ hein, ‘spèce de furie, grogna-t-il finalement, sans baisser le regard sur elle.
- Maaaaiiis, Jaaaake, nan, ce n’était pas mon idée au départ ! Je n’ai fait que suivre les autres et…
Le regard glacé de son frère la fit taire instantanément.
- T’avais promis d’pas chercher les embrouilles Nay’. J’le savais qu’c’était une idée à la con d’te laisser nous r’joindre.
Fronçant les sourcils, elle se dégagea un peu de son étreinte, posant son menton entre ses mains en coupe, coudes appuyés sur ses cuisses. La lueur bouillonnante, presque enflammée qui dansait au centre de ses iris laissaient aisément deviner qu’elle n’aurait laissé personne d’autre s’adresser à elle de la sorte. S’abstenant de répondre, sachant qu’il ne s’agissait là que d’une remontrance rhétorique, elle porta son regard sur la ferme des Alexston, dont les contours de la grange se dessinaient au loin. Plusieurs golems s’agitaient, effrayants, dans des fracas métalliques qui résonnaient dans toute la contrée. Fronçant les sourcils, Nayaa se rendit compte qu’elle n’y faisait plus attention depuis des lustres, le vacarme abrutissant étant devenu comme une mélodie réconfortante, lui rappelant qu’elle était chez elle. Suivant son regard, Jake ébouriffa les mèches rousses de sa sœur.
- C’qui y avait d’mieux pour la cause tu l’sais, non ?
- Evidemment, répondit-elle en se dégageant. C’est juste qu’on a grandi avec ces gens là.
L’attrapant par la main, il l’aida à se relever, la tournant vers lui pour la regarder.
- Nay’. Avec l’enlèv’ment et vot’ p’tite escapade… On est plus qu’jamais dans l’pif d’la Garde, du Roy et d’tout c’qui s’accroche à c’pouvoir d’mes deux. V’la même qu’la milice du peuple commence à s’approcher d’Ruiss’lune. Alors j’veux qu’tu m’promettes un truc.
Plissant les yeux, elle fixa son regard sur lui, tandis qu’il réajustait dans des gestes emprunts d’affection, contrastant avec sa carrure et sa voix d’orc, le foulard rouge autour du cou de la donzelle.
- Tu s’ras t’jours l’une des not’, reprit-il. C’tait d’jà dans ton sang avant même qu’t’apprenne à marcher, une vrai furie. Mais si ça s’met à vraiment chauffer, j’veux qu’tu mettes les voiles et qu’tu sauves ton cul.
Il lui tapota la joue alors qu’elle s’apprêtait à protester vigoureusement.
- J’te d’mande pas ton avis et c’tait la condition, tu l’sais aussi bien qu’moi.
- Je peux rejoindre la Confrérie à condition d’écouter tout ce que tu dis, sans concession et sans question, récita-t-elle à contrecœur, échappant une nouvelle fois à l’étreinte de ses mains, et prenant le pas, redescendant prudemment en direction de Ruisselune.
La couvant d’un regard à la fois fier et féroce, comme pour prévenir quiconque qu’il n’avait pas intérêt à s’approcher trop près, Jake attendit quelques instants avant de la suivre. La famille était ce qui les avait poussés tout deux à prendre les armes. L’homme robuste se prit à espérer que la famille serait suffisante pour les faire déposer à sa sœur, lorsque le moment serait venu.
Il est certains sacrifices que toutes les causes du monde ne rendent pas tolérables.
Quelques jours plus tard, Ruisselune
Appuyée contre une barrière de bois un peu branlante, la jeune femme observait les ruines défraichies de ce qui avait autrefois été un village prospère et florissant, véritable approvisionneur agro-alimentaire de la Grande Cité Humaine. Inclinant légèrement la tête, elle laissa voguer son regard vers les champs à l’abandon, dans lesquels elle avait pour habitude de jouer lorsqu’elle était encore enfant. Fronçant les sourcils, elle plaqua une main sur son estomac qui ne cessait plus de protester depuis quelques jours. Les réserves de nourriture s’amenuisaient sans cesse, et son épopée ratée à Hurlevent lui avait valu une sévère rétrogradation. Elle avait du user de tous ses charmes pour échapper à un sort qu’elle ne voulait même pas imaginer.
- Nay’, t’fous quoi ? demanda soudain une voix dans son dos.
Avec un sourire, elle se retourna en direction de l’homme qui l’observait, bras croisés. Grand et roux lui aussi, sa joue était barré d’une large cicatrice qui rendait ses expressions un peu étranges. Le foulard rouge négligemment attaché à son cou rehaussait ses yeux d’un vert profond et sombre. Ses mains larges et rugueuses ainsi que sa musculature ne laissaient aucun doute quand à son métier d’origine. Un maçon, comme la plupart des autres hommes de la confrérie. Sautillant jusqu’à lui, elle décocha aussitôt un grand coup de poing en direction de son nez. L’homme esquiva sans difficulté, saisissant au vol le frêle poignet qu’il tordit pour obliger la donzelle à se mettre à genoux, en ricanant. Haussant un sourcil moqueur, il la contempla tandis qu’elle le fusillait d’un regard ardent, tachant de dégager son poignet sans succès.
- Dis le, p’tite sœur, t’sais c’mment ça marche, fit-il en hochant la tête.
Bougonnant quelques injures entre ses dents, elle finit par lui adresser un sourire narquois, alors que leurs compagnons de la Confrérie passaient autour d’eux, sans même leur adresser un regard, sans doute habitués aux démonstrations de forces et autres joyeusetés viriles.
- Tu es le plus fort, soupira-t-elle presque inaudible, dégageant vivement son poignet et sautant hors de portée dès qu’il relâcha son étreinte.
- J’préfère ça.
Lui collant une grande baffe fraternelle dans le dos, la faisant presque voler un mètre plus loin, il passa un bras autour des épaules de la jeune femme, l’entrainant d’un bon pas en direction des collines. Se laissant aller contre lui, elle serra une main sur la chemise salie que portait son frère, comme pour s’assurer qu’il resterait près d’elle et ne tenterait pas de s’échapper. Leurs sourires identiques ne laissaient planer aucun doute sur le lien qui les unissait, même si l’homme dépassait largement la jeune femme d’une tête et demie. Puissant comme sa sœur était frêle, la même hargne étrangement teintée d’une joie de vivre inaltérable brulait dans leurs pupilles. Entrainant Nayaa vers un petit monticule poussiéreux, il la fit asseoir sur ses genoux, refermant ses bras autour d’elle, contemplant le village en contrebas. Souriante, elle posa sa tête contre son épaule, les revoyant exactement dans la même posture, au même endroit alors qu’il n’avait que 8 ans et elle 6. Certaines choses demeuraient immuables.
- Tu t’es encore foutue dans la merd’ hein, ‘spèce de furie, grogna-t-il finalement, sans baisser le regard sur elle.
- Maaaaiiis, Jaaaake, nan, ce n’était pas mon idée au départ ! Je n’ai fait que suivre les autres et…
Le regard glacé de son frère la fit taire instantanément.
- T’avais promis d’pas chercher les embrouilles Nay’. J’le savais qu’c’était une idée à la con d’te laisser nous r’joindre.
Fronçant les sourcils, elle se dégagea un peu de son étreinte, posant son menton entre ses mains en coupe, coudes appuyés sur ses cuisses. La lueur bouillonnante, presque enflammée qui dansait au centre de ses iris laissaient aisément deviner qu’elle n’aurait laissé personne d’autre s’adresser à elle de la sorte. S’abstenant de répondre, sachant qu’il ne s’agissait là que d’une remontrance rhétorique, elle porta son regard sur la ferme des Alexston, dont les contours de la grange se dessinaient au loin. Plusieurs golems s’agitaient, effrayants, dans des fracas métalliques qui résonnaient dans toute la contrée. Fronçant les sourcils, Nayaa se rendit compte qu’elle n’y faisait plus attention depuis des lustres, le vacarme abrutissant étant devenu comme une mélodie réconfortante, lui rappelant qu’elle était chez elle. Suivant son regard, Jake ébouriffa les mèches rousses de sa sœur.
- C’qui y avait d’mieux pour la cause tu l’sais, non ?
- Evidemment, répondit-elle en se dégageant. C’est juste qu’on a grandi avec ces gens là.
L’attrapant par la main, il l’aida à se relever, la tournant vers lui pour la regarder.
- Nay’. Avec l’enlèv’ment et vot’ p’tite escapade… On est plus qu’jamais dans l’pif d’la Garde, du Roy et d’tout c’qui s’accroche à c’pouvoir d’mes deux. V’la même qu’la milice du peuple commence à s’approcher d’Ruiss’lune. Alors j’veux qu’tu m’promettes un truc.
Plissant les yeux, elle fixa son regard sur lui, tandis qu’il réajustait dans des gestes emprunts d’affection, contrastant avec sa carrure et sa voix d’orc, le foulard rouge autour du cou de la donzelle.
- Tu s’ras t’jours l’une des not’, reprit-il. C’tait d’jà dans ton sang avant même qu’t’apprenne à marcher, une vrai furie. Mais si ça s’met à vraiment chauffer, j’veux qu’tu mettes les voiles et qu’tu sauves ton cul.
Il lui tapota la joue alors qu’elle s’apprêtait à protester vigoureusement.
- J’te d’mande pas ton avis et c’tait la condition, tu l’sais aussi bien qu’moi.
- Je peux rejoindre la Confrérie à condition d’écouter tout ce que tu dis, sans concession et sans question, récita-t-elle à contrecœur, échappant une nouvelle fois à l’étreinte de ses mains, et prenant le pas, redescendant prudemment en direction de Ruisselune.
La couvant d’un regard à la fois fier et féroce, comme pour prévenir quiconque qu’il n’avait pas intérêt à s’approcher trop près, Jake attendit quelques instants avant de la suivre. La famille était ce qui les avait poussés tout deux à prendre les armes. L’homme robuste se prit à espérer que la famille serait suffisante pour les faire déposer à sa sœur, lorsque le moment serait venu.
Il est certains sacrifices que toutes les causes du monde ne rendent pas tolérables.
Aylee
Re: Vices & Idéaux
3. Magie
Quelques années plus tôt.
Nul n'avait jamais su ce qu'était venu faire le mage Aradil Elanel à Ruisselune. Certes, les robes et tuniques fabriquées par Julia Alianor étaient de bonne facture, mais de là à faire le trajet depuis Hurlevent, qui possédait son lot de couturiers talentueux... Toujours est-il qu'Aradil venait de pousser la porte branlante de l'échoppe délabrée et qu'il entretenait avec Julia une négociation féroce au sujet d'une robe quelconque. Cachée derrière un rideau fait de billes de bois, la petite Nayaa observait la scène. Âgée de tout juste dix ans, son corps frêle et sa peau pâle laissaient deviner une alimentation hasardeuse et probablement insuffisante. Tête penchée et bras ramenés derrière le dos, elle détaillait l'homme avec un sérieux presque comique sur son visage poupin. Aradil se tenait bien droit du haut de son mètre quatre-vingt dix. Un corps malingre quoi que très bien entretenu était recouvert d'une riche tunique ornée de fils d'or. Les rides visibles sur son visage aux traits tranchants confirmaient un âge mur voire avancé. Ses cheveux blanc, seule fantaisie du personnage voletaient librement jusqu'à ses épaules dans une joyeuse pagaille. Poursuivant son inspection sans gêne, persuadée d'être protégée par son rideau, la petite fille porta son regard à celui de l'homme. Ce dernier pivota alors vers elle, dardant ses pupilles d'un gris acier dans celles de l'enfant.
- Il n'est pas convenable de détailler de la sorte un adulte, jeune fille, prononça-t-il d'un ton cinglant.
Fronçant les sourcils, Nayaa écarta le rideau d'une main et s'approche de l'homme, sourire en coin. Le regard sévère que lui lança Julia la dissuada toutefois d'ouvrir la bouche pour répliquer. Se désintéressant de la robe qu'il tenait en main et qu'il déposa sur une table, Aradil s'approche de la jeune demoiselle, saisissant son menton entre ses doigts noueux.
- Mais qu'avons-nous là ? demanda-t-il sur un ton glacial, tandis que la rouquine reculait vainement la tête pour se dégager, grognant une vague de protestations plus ou moins injurieuses entre ses dents.
Se rapprochant aussitôt, Julia vint poser une main sur l'épaule de l'enfant, adressant un sourire courtois quoi que forcé au vieil homme.
- Il s'agit de ma fille, Sire. Veuillez pardonner sa curiosité, vous savez comment sont les enfants...
- Non, à vrai dire, je n'en ai foutrement pas la moindre idée, répliqua-t-il, relâchant enfin Nayaa qui grogna un juron.
Écarquillant les yeux, Julia repoussa vivement sa fille en direction de la réserve, adressant une série de sourires contrits au client probablement le plus fortuné qu'elle ait eu l'occasion de voir dans sa modeste boutique. Disparaissant derrière les piles de rouleaux de tissu, Nayaa continuait de bougonner, pestant rageusement contre l'homme, sans comprendre pourquoi sa mère faisait tant de cérémonie pour un bourgeois désagréable et peut être même noble. C'était pourtant elle la plus virulente au sujet de la bourgeoisie et du Roy, lorsqu'ils se retrouvaient tous les quatre avec son frère et son père, le soir au coin du feu. Le plus souvent, les conversations tournaient autour des chantiers des deux hommes, puisque Jake, alors âgé de douze ans débutait tout juste sa carrière de maçon. Les propos étaient virulents, frôlant parfois l'anarchisme et la petite Nayaa n'était pas en reste malgré son ignorance du monde. S'abreuvant des paroles de sa famille, mais dotée d'un esprit critique déjà développé, elle trouvait profondément injuste que ses parents doivent se priver pour parvenir à nourrir leurs enfants malgré un labeur acharné. Déjà, les idées révolutionnaires faisaient jour dans son esprit encore naïf, et là où les autres petites filles s'imaginaient fleuristes ou couturières, Nayaa, elle, se rêvait arme au poing, se battant pour la Justice et la Liberté telles qu'elle les concevaient.
...
Elle ne sut jamais ce qui fut dit ce jour là, entre Julia et Aradil après qu'elle eut quitté la pièce. Elle se posa longuement la question, alors que son père chargeait le maigre paquetage contenant ses effets personnels dans la calèche noire qui devait la mener à Hurlevent, assise aux côtés d'Aradil qu'elle haïssait déjà. Elle n'en voulut jamais à ses parents, comprenant qu'ils agissaient dans ce qu'ils pensaient être son intérêt et se consolant en se disant que sa part de nourriture irait à Jake. Elle passa le trajet tout entier à observer le décors familier à travers la vitre poussiéreuse de la calèche, ignorant royalement le mage qui déblatérait d'une voix monocorde un discours compliqué dans lequel il était question de maîtrise des arcanes et du soit-disant potentiel extra-ordinaire de la petite fille qu'il avait décelé d'un simple coup d'oeil. Posant la tête contre l'encadrement de bois, Nayaa étouffa un soupir agacé, déjà lasse de l'entendre s'auto-complimenter sur son extra-lucidité présumée.
Elle avait toujours su que quelque chose clochait chez elle, mais son tempérament enjoué et positif ne l'avait jamais incitée à s'en inquiéter. Il arrivait que des choses s'enflamment autour d'elle lors d'un accès de rage, de joie ou de tristesse, mais elle avait toujours trouvé une explication rationnelle à ces manifestations somme toute relativement rares.
...
Les sept années qu'elle passa en tant qu'apprentie auprès d'Aradil Elanel ne furent pas très productives. Du moins, pas de la manière dont l'avait espéré le mage. Les pouvoirs de la jeune femme étaient effectivement d'une puissance rare, mais son désintérêt total pour les leçons qu'il tentait de lui inculquer firent d'elle une pyromancienne redoutable et surtout très instable. Incapable de contrôler le flot de magie qu'avait éveillé le vieil homme par ses exercices, Nayaa cherchait sans cesse de nouvelles façons d'expier son trop plein d'énergie. Avide de sensations fortes, presque comme s'il s'était agi d'une drogue, elle expérimenta durant ses années Hurleventoise à peu près tout ce qu'il est possible de tenter que ce soit dans la débauche, l'alcool, ou les agressions.
En parallèle, les discours royalistes d'Aradil et les joutes verbales qui s'en suivaient inexorablement ne firent qu'accentuer la haine de la jeune femme envers le système en place. Ses rencontres avec son frère, qu'elle tentait de rendre aussi fréquentes que possible, redoublant d'inventivité pour échapper a la surveillance du mage vieillissant, finirent par la décider à abandonner cet apprentissage qu'elle n'avait pas désiré et qui l'enchainait loin de ses désirs de liberté et de sa famille. En effet, les nouvelles que lui portaient Jake étaient chaque fois plus alarmantes. Les maçons n'étaient plus payés depuis des lustres, et les faibles revenus de leur mère ne suffisaient plus à les faire survivre. Il était question de la formation d'une Confrérie, rassemblant les maçons floués, dans le but de récupérer par la force s'il le fallait l'argent qui leur revenait de droit et que les négociation civilisées n'étaient pas parvenues à débloquer. Et c'est ainsi qu'elle rejoignit la Confrérie des Défias, en compagnie de son frère, leur père étant trop vieux et trop usé pour prendre les armes.
Que brûle le Royaume et que naisse la liberté.
Quelques années plus tôt.
Nul n'avait jamais su ce qu'était venu faire le mage Aradil Elanel à Ruisselune. Certes, les robes et tuniques fabriquées par Julia Alianor étaient de bonne facture, mais de là à faire le trajet depuis Hurlevent, qui possédait son lot de couturiers talentueux... Toujours est-il qu'Aradil venait de pousser la porte branlante de l'échoppe délabrée et qu'il entretenait avec Julia une négociation féroce au sujet d'une robe quelconque. Cachée derrière un rideau fait de billes de bois, la petite Nayaa observait la scène. Âgée de tout juste dix ans, son corps frêle et sa peau pâle laissaient deviner une alimentation hasardeuse et probablement insuffisante. Tête penchée et bras ramenés derrière le dos, elle détaillait l'homme avec un sérieux presque comique sur son visage poupin. Aradil se tenait bien droit du haut de son mètre quatre-vingt dix. Un corps malingre quoi que très bien entretenu était recouvert d'une riche tunique ornée de fils d'or. Les rides visibles sur son visage aux traits tranchants confirmaient un âge mur voire avancé. Ses cheveux blanc, seule fantaisie du personnage voletaient librement jusqu'à ses épaules dans une joyeuse pagaille. Poursuivant son inspection sans gêne, persuadée d'être protégée par son rideau, la petite fille porta son regard à celui de l'homme. Ce dernier pivota alors vers elle, dardant ses pupilles d'un gris acier dans celles de l'enfant.
- Il n'est pas convenable de détailler de la sorte un adulte, jeune fille, prononça-t-il d'un ton cinglant.
Fronçant les sourcils, Nayaa écarta le rideau d'une main et s'approche de l'homme, sourire en coin. Le regard sévère que lui lança Julia la dissuada toutefois d'ouvrir la bouche pour répliquer. Se désintéressant de la robe qu'il tenait en main et qu'il déposa sur une table, Aradil s'approche de la jeune demoiselle, saisissant son menton entre ses doigts noueux.
- Mais qu'avons-nous là ? demanda-t-il sur un ton glacial, tandis que la rouquine reculait vainement la tête pour se dégager, grognant une vague de protestations plus ou moins injurieuses entre ses dents.
Se rapprochant aussitôt, Julia vint poser une main sur l'épaule de l'enfant, adressant un sourire courtois quoi que forcé au vieil homme.
- Il s'agit de ma fille, Sire. Veuillez pardonner sa curiosité, vous savez comment sont les enfants...
- Non, à vrai dire, je n'en ai foutrement pas la moindre idée, répliqua-t-il, relâchant enfin Nayaa qui grogna un juron.
Écarquillant les yeux, Julia repoussa vivement sa fille en direction de la réserve, adressant une série de sourires contrits au client probablement le plus fortuné qu'elle ait eu l'occasion de voir dans sa modeste boutique. Disparaissant derrière les piles de rouleaux de tissu, Nayaa continuait de bougonner, pestant rageusement contre l'homme, sans comprendre pourquoi sa mère faisait tant de cérémonie pour un bourgeois désagréable et peut être même noble. C'était pourtant elle la plus virulente au sujet de la bourgeoisie et du Roy, lorsqu'ils se retrouvaient tous les quatre avec son frère et son père, le soir au coin du feu. Le plus souvent, les conversations tournaient autour des chantiers des deux hommes, puisque Jake, alors âgé de douze ans débutait tout juste sa carrière de maçon. Les propos étaient virulents, frôlant parfois l'anarchisme et la petite Nayaa n'était pas en reste malgré son ignorance du monde. S'abreuvant des paroles de sa famille, mais dotée d'un esprit critique déjà développé, elle trouvait profondément injuste que ses parents doivent se priver pour parvenir à nourrir leurs enfants malgré un labeur acharné. Déjà, les idées révolutionnaires faisaient jour dans son esprit encore naïf, et là où les autres petites filles s'imaginaient fleuristes ou couturières, Nayaa, elle, se rêvait arme au poing, se battant pour la Justice et la Liberté telles qu'elle les concevaient.
...
Elle ne sut jamais ce qui fut dit ce jour là, entre Julia et Aradil après qu'elle eut quitté la pièce. Elle se posa longuement la question, alors que son père chargeait le maigre paquetage contenant ses effets personnels dans la calèche noire qui devait la mener à Hurlevent, assise aux côtés d'Aradil qu'elle haïssait déjà. Elle n'en voulut jamais à ses parents, comprenant qu'ils agissaient dans ce qu'ils pensaient être son intérêt et se consolant en se disant que sa part de nourriture irait à Jake. Elle passa le trajet tout entier à observer le décors familier à travers la vitre poussiéreuse de la calèche, ignorant royalement le mage qui déblatérait d'une voix monocorde un discours compliqué dans lequel il était question de maîtrise des arcanes et du soit-disant potentiel extra-ordinaire de la petite fille qu'il avait décelé d'un simple coup d'oeil. Posant la tête contre l'encadrement de bois, Nayaa étouffa un soupir agacé, déjà lasse de l'entendre s'auto-complimenter sur son extra-lucidité présumée.
Elle avait toujours su que quelque chose clochait chez elle, mais son tempérament enjoué et positif ne l'avait jamais incitée à s'en inquiéter. Il arrivait que des choses s'enflamment autour d'elle lors d'un accès de rage, de joie ou de tristesse, mais elle avait toujours trouvé une explication rationnelle à ces manifestations somme toute relativement rares.
...
Les sept années qu'elle passa en tant qu'apprentie auprès d'Aradil Elanel ne furent pas très productives. Du moins, pas de la manière dont l'avait espéré le mage. Les pouvoirs de la jeune femme étaient effectivement d'une puissance rare, mais son désintérêt total pour les leçons qu'il tentait de lui inculquer firent d'elle une pyromancienne redoutable et surtout très instable. Incapable de contrôler le flot de magie qu'avait éveillé le vieil homme par ses exercices, Nayaa cherchait sans cesse de nouvelles façons d'expier son trop plein d'énergie. Avide de sensations fortes, presque comme s'il s'était agi d'une drogue, elle expérimenta durant ses années Hurleventoise à peu près tout ce qu'il est possible de tenter que ce soit dans la débauche, l'alcool, ou les agressions.
En parallèle, les discours royalistes d'Aradil et les joutes verbales qui s'en suivaient inexorablement ne firent qu'accentuer la haine de la jeune femme envers le système en place. Ses rencontres avec son frère, qu'elle tentait de rendre aussi fréquentes que possible, redoublant d'inventivité pour échapper a la surveillance du mage vieillissant, finirent par la décider à abandonner cet apprentissage qu'elle n'avait pas désiré et qui l'enchainait loin de ses désirs de liberté et de sa famille. En effet, les nouvelles que lui portaient Jake étaient chaque fois plus alarmantes. Les maçons n'étaient plus payés depuis des lustres, et les faibles revenus de leur mère ne suffisaient plus à les faire survivre. Il était question de la formation d'une Confrérie, rassemblant les maçons floués, dans le but de récupérer par la force s'il le fallait l'argent qui leur revenait de droit et que les négociation civilisées n'étaient pas parvenues à débloquer. Et c'est ainsi qu'elle rejoignit la Confrérie des Défias, en compagnie de son frère, leur père étant trop vieux et trop usé pour prendre les armes.
Que brûle le Royaume et que naisse la liberté.
Aylee
Re: Vices & Idéaux
4. Fuite
La jeune femme reposa le morceau de poulet qu’elle était en train de grignoter dans son assiette, et leva la tête en direction des bruits de lutte qui provenaient de l’extérieur du navire. Les quelques torches qui éclairaient la cabine de bois vernis donnaient aux visages de ses camarades des allures à la fois comiques et menaçantes. Plus que jamais, le rouge était omniprésent, comme un étendard sanglant qui rappelait sans cesse leur appartenance à une Cause qui les dépassait tous. Jake se leva, adressant un regard lourd de sens à sa cadette et se dirigea vers le pont. Une explosion assourdissante fit trembler le bateau, renversant tout les plats disposés sur la table. Projetée de sa chaise sous le choc, Nayaa se redressa vivement, et se précipita à la suite de son frère pour observer les Mortemines d’un regard frénétique. La porte menant aux dédales de pierre reposait sur le sol, vrillée et carbonisée. Un groupe d’hommes, de femmes, d’elfes, de gnomes et de nains approchait, égorgeant et détruisant les Défias se tenant sur leur passage. Ils n’étaient plus qu’à quelques enjambées du ponton reliant la terre ferme au navire de Van Cleef. Derrière elle, elle entendait ce dernier délivrer des ordres concis à ses frères d’une voix stricte et calme. Fermant les yeux quelques instants, elle se laissa envahir par les flammes qui grondaient en elle, enflammant ses mains tout en se dirigeant vers la proue, cherchant à viser le groupe portant les couleurs de Wrynn. Alors qu’elle était sur le point de prononcer les mots de pouvoirs, Jake la saisit par le bras. Ce ne fut pas le contact de ses doigts qui la fit se retourner mais plutôt le grognement de douleur qui s’échappa des lèvres de son frère sans qu’il la relâche. Ecarquillant les yeux, elle remua l’épaule pour l’intimer de lâcher prise, ce qu’il ne fit pas. Sa main rougissante se couvrait progressivement de cloques brunâtres, tandis qu’une fumée à l’odeur de brochetrippe grillé s’échappait des doigts en contact avec la peau brûlante de la jeune femme.
- Mais…, protesta-t-elle vaguement.
Serrant les dents, il la tira violemment en arrière et la poussa en direction du bord du navire, à l’opposé des bruits de combats qui se faisaient de plus en plus proches. Prise de court, Nayaa le regarda alors qu’il la lâchait enfin, les mains toujours en feu levées devant elle et la bouche entrouverte sur une expression des plus perplexe.
- Pars, dit-il simplement, plongeant son regard émeraude dans celui de sa sœur.
Ouvrant la bouche pour répliquer, elle n’eut pas le loisir de prononcer le moindre mot alors que le poing brulé de Jake entrait en contact avec sa joue, la faisant basculer par-dessus bord dans un hurlement de surprise et de douleur mêlées. Heurtant violement le sol sur le dos, sur le pont inférieur, elle resta quelques instants qui lui parurent l’équivalent d’une vie le souffle coupé et les membres paralysés. Cherchant son frère du regard, elle l’aperçut qui faisait demi-tour après l’avoir observée, penché au dessus de vide. Il disparut bien vite, arme brandie sans plus se soucier d’elle. Gémissante, elle se redressa tant bien que mal, les larmes aux yeux tant dues à l’impact sur le sol qu’au coup infligé par son frère. Le premier qu’elle eut jamais reçu de sa part. Recrachant un peu de sang sur le sol, elle contempla ses mains flamboyantes qu’elle ne parvenait pas à éteindre malgré toute la concentration dont elle tâchait de faire preuve. S’emmêlant les pieds dans sa robe rouge, elle se releva difficilement, laissant quelques empruntes de paumes noircies sur les lattes de bois. Titubante, elle chuta plusieurs fois, déséquilibrée par les coups de semonce lancés par les canons du navire Défias. Le vacarme était assourdissant dans la haute grotte, et les murs semblaient répercuter à l’infini les bruits d’explosions et de lames qui s’entrechoquent, ainsi que les cris d’agonie. De plus en plus affolée, elle parvint tout de même jusqu’à la berge, traversant presque à genoux le pont menant à « quais ». Ses flammes léchaient à présent ses bras entiers, jusqu’aux épaules, et elle se sentit céder à la panique. La magie la dévastait de l’intérieur, tourbillon ardent emportant tout sur son passage. Luttant de toutes ses forces, elle réprima un hurlement de rage, portant le regard sur l’eau salée qui léchait le rivage. Les larmes de panique qui roulaient sur ses joues s’évaporaient presque instantanément au contact de sa peau brulante. Se laissant glisser dans le sable, elle tendit les mains au dessus de l’eau. La bataille faisait toujours rage au dessus d’elle, et elle vit plusieurs de ses frères l’appeler, l’intimant de venir prêter main forte à leur chef, sur le point de tomber. Fermant les yeux, elle s’obligea à plonger les mains, puis les bras dans le liquide glacé, sans tenir compte des quelques Défias qui passaient près d’elle en courant pour rejoindre la bataille, lui lançant des regards haineux. L’onde de choc qui la traversa la fit presque basculer en avant et seule sa robe accrochée fortuitement à une pierre rugueuse l’empêcha de tomber intégralement à l’eau. Elle hurla alors qu’elle déversait son flot ardent dans la mer qui bouillonnait furieusement autour de ses doigts crispés. La douleur déformait ses traits et bientôt, elle tomba inerte sur le sol, pâle comme la mort. Vide.
……………………..
Quelques heures plus tard
Le silence pesant sur la grotte lorsqu’elle ouvrit les yeux était des plus oppressants. Jamais les lieux n’avaient été aussi calmes. Pas le moindre perroquet pépiant à tout-va, pas le moindre bruit de pas. Prenant appui sur ses mains tremblantes et blanches, elle se leva laborieusement. L’impression d’avoir des membres en coton. Vacillements et terreur. Avançant tel un fantôme, le regard éteint, elle gravit très lentement les marches menant au pont supérieur du navire. Sa robe couverte de sable et de sel collait à ses jambes et à sa peau humide de sueur. Posant une main sur une paroi de bois, elle se figea. Non c’est impossible. L’homme était pourtant bien inerte sur le sol, couvert de sang, comme un ultime hommage aux couleurs qu’il avait choisi pour symboliser sa Cause. Leur Cause. Autour du corps sans vie, cinq hommes et deux femmes agenouillés, le visage fermé, les poings serrés et la tête basse. Sentant ses jambes se dérober sous elle, Nayaa se rattrapa au mur de planches dans un grincement sonore. Dans un bel ensemble, ils tournèrent la tête vers elle, saisissant leurs armes. Elle reconnut plusieurs de ceux qui l’avaient dépassée alors qu’elle ignorait les appels de leur chef, à présent inerte et sûrement déjà raidi par le froid mortel. Parmi eux, la tignasse rousse de son frère et ses yeux verts posés sur elle. Tremblante, elle lui adressa un regard implorant, alors qu’elle s’affaissait un peu plus contre le mur, piteusement, telle une épave qui se serait échouée là.
Il fit un pas dans sa direction, levant une main à l’adresse de ses comparses qui la dévisageaient avec une haine non dissimulée, comme s’ils la tenaient pour responsable du corps gisant à leurs pieds.
- Tu connais le sort réservé aux Traîtres, prononça-t-il lentement d’une voix lourde et heurtée, tandis qu’il cherchait à capturer son regard du sien.
Horrifiée, la jeune femme laissa voguer son regard de Van Cleef à son frère plusieurs fois, la compréhension faisant peu à peu jour dans son esprit embrumé de douleur et du vide laissé par sa magie éteinte trop brutalement. Elle voulut hurler, se justifier, lui crier d’expliquer qu’il l’avait chassée mais la folie meurtrière qu’elle lut dans le regard des autres Défias, avides de vengeance et de coupables à blâmer étouffèrent les mots au fond de sa gorge. Protéger Jake. Dans une quinte de toux, elle répondit finalement d’une voix à peine audible.
- La mort…
Hochant doucement la tête, il s’approcha d’elle, cueillant sa joue livide et glacée au creux de sa paume.
- A compter de ce jour, tu n’existes plus pour moi. Tu n’existes plus pour la Cause. La Cause survivra à son créateur et nous renaîtrons de nos cendres…, commença-t’il d’une voix étrangement tendre et posée, contrastant avec la façon dont il s’exprimait habituellement.
- Bute-la ! l’interrompit une brune à la peau burinée, bousculant le roux d’une main brusque.
Fixant son regard sur elle, Nayaa fut prise d’une nouvelle quinte de toux. Se mordant la lèvre, elle prit appui sur le mur pour se redresser fièrement, la tête aussi droite que le lui permettaient ses maigres forces restantes, prête à recevoir le coup de grâce qui s’annonçait inévitable. Jake saisit une nouvelle fois son visage entre ses mains, ignorant les Défias qui approchaient, armes levées et la brune qui s’apprêtait à abattre sa lame sur la gorge pâle de sa sœur. Puis, d’un geste preste et presque imperceptible tant il fut rapide, saisissant la dague qu’il portait à la ceinture, il plongea sa lame dans le ventre de Nayaa. Ecarquillant les yeux, elle s’affaissa lourdement contre lui, sans quitter son regard, alors qu’il la serrait contre lui quelques secondes. Puis il la laissa tomber lourdement sur le sol, laissant son arme dans la plaie – pour limiter l’hémorragie comprit-elle plus tard – et fit signe aux autres de le suivre. Les Défias n’étaient plus.
La jeune femme reposa le morceau de poulet qu’elle était en train de grignoter dans son assiette, et leva la tête en direction des bruits de lutte qui provenaient de l’extérieur du navire. Les quelques torches qui éclairaient la cabine de bois vernis donnaient aux visages de ses camarades des allures à la fois comiques et menaçantes. Plus que jamais, le rouge était omniprésent, comme un étendard sanglant qui rappelait sans cesse leur appartenance à une Cause qui les dépassait tous. Jake se leva, adressant un regard lourd de sens à sa cadette et se dirigea vers le pont. Une explosion assourdissante fit trembler le bateau, renversant tout les plats disposés sur la table. Projetée de sa chaise sous le choc, Nayaa se redressa vivement, et se précipita à la suite de son frère pour observer les Mortemines d’un regard frénétique. La porte menant aux dédales de pierre reposait sur le sol, vrillée et carbonisée. Un groupe d’hommes, de femmes, d’elfes, de gnomes et de nains approchait, égorgeant et détruisant les Défias se tenant sur leur passage. Ils n’étaient plus qu’à quelques enjambées du ponton reliant la terre ferme au navire de Van Cleef. Derrière elle, elle entendait ce dernier délivrer des ordres concis à ses frères d’une voix stricte et calme. Fermant les yeux quelques instants, elle se laissa envahir par les flammes qui grondaient en elle, enflammant ses mains tout en se dirigeant vers la proue, cherchant à viser le groupe portant les couleurs de Wrynn. Alors qu’elle était sur le point de prononcer les mots de pouvoirs, Jake la saisit par le bras. Ce ne fut pas le contact de ses doigts qui la fit se retourner mais plutôt le grognement de douleur qui s’échappa des lèvres de son frère sans qu’il la relâche. Ecarquillant les yeux, elle remua l’épaule pour l’intimer de lâcher prise, ce qu’il ne fit pas. Sa main rougissante se couvrait progressivement de cloques brunâtres, tandis qu’une fumée à l’odeur de brochetrippe grillé s’échappait des doigts en contact avec la peau brûlante de la jeune femme.
- Mais…, protesta-t-elle vaguement.
Serrant les dents, il la tira violemment en arrière et la poussa en direction du bord du navire, à l’opposé des bruits de combats qui se faisaient de plus en plus proches. Prise de court, Nayaa le regarda alors qu’il la lâchait enfin, les mains toujours en feu levées devant elle et la bouche entrouverte sur une expression des plus perplexe.
- Pars, dit-il simplement, plongeant son regard émeraude dans celui de sa sœur.
Ouvrant la bouche pour répliquer, elle n’eut pas le loisir de prononcer le moindre mot alors que le poing brulé de Jake entrait en contact avec sa joue, la faisant basculer par-dessus bord dans un hurlement de surprise et de douleur mêlées. Heurtant violement le sol sur le dos, sur le pont inférieur, elle resta quelques instants qui lui parurent l’équivalent d’une vie le souffle coupé et les membres paralysés. Cherchant son frère du regard, elle l’aperçut qui faisait demi-tour après l’avoir observée, penché au dessus de vide. Il disparut bien vite, arme brandie sans plus se soucier d’elle. Gémissante, elle se redressa tant bien que mal, les larmes aux yeux tant dues à l’impact sur le sol qu’au coup infligé par son frère. Le premier qu’elle eut jamais reçu de sa part. Recrachant un peu de sang sur le sol, elle contempla ses mains flamboyantes qu’elle ne parvenait pas à éteindre malgré toute la concentration dont elle tâchait de faire preuve. S’emmêlant les pieds dans sa robe rouge, elle se releva difficilement, laissant quelques empruntes de paumes noircies sur les lattes de bois. Titubante, elle chuta plusieurs fois, déséquilibrée par les coups de semonce lancés par les canons du navire Défias. Le vacarme était assourdissant dans la haute grotte, et les murs semblaient répercuter à l’infini les bruits d’explosions et de lames qui s’entrechoquent, ainsi que les cris d’agonie. De plus en plus affolée, elle parvint tout de même jusqu’à la berge, traversant presque à genoux le pont menant à « quais ». Ses flammes léchaient à présent ses bras entiers, jusqu’aux épaules, et elle se sentit céder à la panique. La magie la dévastait de l’intérieur, tourbillon ardent emportant tout sur son passage. Luttant de toutes ses forces, elle réprima un hurlement de rage, portant le regard sur l’eau salée qui léchait le rivage. Les larmes de panique qui roulaient sur ses joues s’évaporaient presque instantanément au contact de sa peau brulante. Se laissant glisser dans le sable, elle tendit les mains au dessus de l’eau. La bataille faisait toujours rage au dessus d’elle, et elle vit plusieurs de ses frères l’appeler, l’intimant de venir prêter main forte à leur chef, sur le point de tomber. Fermant les yeux, elle s’obligea à plonger les mains, puis les bras dans le liquide glacé, sans tenir compte des quelques Défias qui passaient près d’elle en courant pour rejoindre la bataille, lui lançant des regards haineux. L’onde de choc qui la traversa la fit presque basculer en avant et seule sa robe accrochée fortuitement à une pierre rugueuse l’empêcha de tomber intégralement à l’eau. Elle hurla alors qu’elle déversait son flot ardent dans la mer qui bouillonnait furieusement autour de ses doigts crispés. La douleur déformait ses traits et bientôt, elle tomba inerte sur le sol, pâle comme la mort. Vide.
……………………..
Quelques heures plus tard
Le silence pesant sur la grotte lorsqu’elle ouvrit les yeux était des plus oppressants. Jamais les lieux n’avaient été aussi calmes. Pas le moindre perroquet pépiant à tout-va, pas le moindre bruit de pas. Prenant appui sur ses mains tremblantes et blanches, elle se leva laborieusement. L’impression d’avoir des membres en coton. Vacillements et terreur. Avançant tel un fantôme, le regard éteint, elle gravit très lentement les marches menant au pont supérieur du navire. Sa robe couverte de sable et de sel collait à ses jambes et à sa peau humide de sueur. Posant une main sur une paroi de bois, elle se figea. Non c’est impossible. L’homme était pourtant bien inerte sur le sol, couvert de sang, comme un ultime hommage aux couleurs qu’il avait choisi pour symboliser sa Cause. Leur Cause. Autour du corps sans vie, cinq hommes et deux femmes agenouillés, le visage fermé, les poings serrés et la tête basse. Sentant ses jambes se dérober sous elle, Nayaa se rattrapa au mur de planches dans un grincement sonore. Dans un bel ensemble, ils tournèrent la tête vers elle, saisissant leurs armes. Elle reconnut plusieurs de ceux qui l’avaient dépassée alors qu’elle ignorait les appels de leur chef, à présent inerte et sûrement déjà raidi par le froid mortel. Parmi eux, la tignasse rousse de son frère et ses yeux verts posés sur elle. Tremblante, elle lui adressa un regard implorant, alors qu’elle s’affaissait un peu plus contre le mur, piteusement, telle une épave qui se serait échouée là.
Il fit un pas dans sa direction, levant une main à l’adresse de ses comparses qui la dévisageaient avec une haine non dissimulée, comme s’ils la tenaient pour responsable du corps gisant à leurs pieds.
- Tu connais le sort réservé aux Traîtres, prononça-t-il lentement d’une voix lourde et heurtée, tandis qu’il cherchait à capturer son regard du sien.
Horrifiée, la jeune femme laissa voguer son regard de Van Cleef à son frère plusieurs fois, la compréhension faisant peu à peu jour dans son esprit embrumé de douleur et du vide laissé par sa magie éteinte trop brutalement. Elle voulut hurler, se justifier, lui crier d’expliquer qu’il l’avait chassée mais la folie meurtrière qu’elle lut dans le regard des autres Défias, avides de vengeance et de coupables à blâmer étouffèrent les mots au fond de sa gorge. Protéger Jake. Dans une quinte de toux, elle répondit finalement d’une voix à peine audible.
- La mort…
Hochant doucement la tête, il s’approcha d’elle, cueillant sa joue livide et glacée au creux de sa paume.
- A compter de ce jour, tu n’existes plus pour moi. Tu n’existes plus pour la Cause. La Cause survivra à son créateur et nous renaîtrons de nos cendres…, commença-t’il d’une voix étrangement tendre et posée, contrastant avec la façon dont il s’exprimait habituellement.
- Bute-la ! l’interrompit une brune à la peau burinée, bousculant le roux d’une main brusque.
Fixant son regard sur elle, Nayaa fut prise d’une nouvelle quinte de toux. Se mordant la lèvre, elle prit appui sur le mur pour se redresser fièrement, la tête aussi droite que le lui permettaient ses maigres forces restantes, prête à recevoir le coup de grâce qui s’annonçait inévitable. Jake saisit une nouvelle fois son visage entre ses mains, ignorant les Défias qui approchaient, armes levées et la brune qui s’apprêtait à abattre sa lame sur la gorge pâle de sa sœur. Puis, d’un geste preste et presque imperceptible tant il fut rapide, saisissant la dague qu’il portait à la ceinture, il plongea sa lame dans le ventre de Nayaa. Ecarquillant les yeux, elle s’affaissa lourdement contre lui, sans quitter son regard, alors qu’il la serrait contre lui quelques secondes. Puis il la laissa tomber lourdement sur le sol, laissant son arme dans la plaie – pour limiter l’hémorragie comprit-elle plus tard – et fit signe aux autres de le suivre. Les Défias n’étaient plus.
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