Je hais...

Je hais le matin. A chaque fois que j'ouvre les yeux, je sais que je vais devoir quitter mon domicile. Je n'aime pas sortir de chez moi. Je n'aime plus, en réalité.

Qu'est-ce qui m'a amené à ça déjà ? Ah oui...Les récents évènements. Je n'aurais jamais cru que malgré toutes les protections dont je me suis entouré, ce secret qui règne autour de ma condition et de la noirceur de mon âme, je pourrais être aussi facilement enlevé.

Il faut que je me lève. Détacher les bras de Devda en murmurant un bonjour et en lui déposant un baiser matinal sur les lèvres pour pousser sur mes jambes et me tenir debout. Je hais le matin...Répéter les mêmes mouvements au réveil me donne envie d'hurler. Je passe devant le miroir et inspecte mon corps. Ce corps délabré. Je me sens si vieux à cause de toutes ces blessures. La majorité a été causé en peu de temps. La plupart sont blanchies par le temps. Sauf les brûlures récentes et les traces de griffe qui sont encore rouges.

Céralynde. Je frissonne rien qu'à l'idée que j'aurais pu perdre. J'ai failli perdre. J'aurais perdu si l'envoûtement ne m'avait pas forcé à continuer de me battre, à faire usage de toutes mes ressources. Cette espèce de folle avait énormément progressé depuis son départ d'Hurlevent...

Le Vol Noir et ce Mauvais Présage...Presque à chaque fois j'ai terminé gravement blessé. Je suis passé fichtrement près de la mort la dernière fois. La plupart des côtes cassées, des bleus innombrables sur tout le corps, de très longues et profondes coupures sur le dessus de l'avant-bras gauche et des brûlures un peu partout. Sans mon état particulier...

Je passe une main dans ma chevelure noire, m'amusant avec une des longues mèches du bout de l'index. Je hais le matin.

Je me lave, et passe ma première couche de vêtements avant d'enfiler par dessus mon uniforme. Je hais cet uniforme. On crève de chaud dans ce marécage, vêtu de cette robe. C'est stupide de porter des robes...J'aimerais bien porter un de ces uniformes en cuir. Même une armure me semble plus agréable que cette misérable robe blanche, noire et or. La robe se déchire si aisément. Et pour courir, un véritable désastre !

Devda s'occupe d'Azryen et Miranda en bas. Mère me regarde. Je lui souris. Et je souris aussi à ma fiancée, la vilaine barbare. Je viens dire bonjour avec enthousiasme aux deux jeunes filles. Je n'ai pas vraiment d'avenir, autant aider à leur en donner un à elles. Je prends mon petit déjeuner en posant ma tête sur l'épaule de ma bien-aimée et en souriant. Je hais le matin, mais j'apprécie tout de même cet instant de bonheur dans cet enfer.

Il est temps d'y aller. Patrouiller ou étudier quelque chose pour le compte du Serment de Theramore. Chevalier Pieux Darsin Soltern. Je ricane sur le court chemin que j'ai à parcourir. En passant devant une des grandes portes de Theramore, je regarde le marécage avec appréhension. S'aventurer là-bas me paraît beaucoup plus dangereux depuis mon enlèvement.

J'arrive sur mon lieu de travail du jour, la tour des mages. Je regarde l'heure et pousse un soupir.

Je hais le matin.

Je hais les imbéciles.

Et malheureusement il y en a là où je travaille. Ma colère gronde, et je fais l'effort de l'apaiser. Je suis passé maître dans l'art d'être calme.

Je réfrène la colère et les répliques cinglantes qui me viennent et me contente de regarder ceux qui se comportement comme des imbéciles, avec mépris. Ils m'agacent ! Ne peuvent-ils faire l'effort de la réflexion par eux-mêmes ? Ont-ils toujours besoin qu'on leur dise comment penser ?

Je hais les imbéciles. Ce qui sous-entend que j'agis la plupart du temps après avoir réfléchit. Comme je l'ai déjà dit, si je tiens à passer derrière, ce n'est pas uniquement pour ne pas prendre de coups, mais pour rattraper les bourdes de ceux qui sont en première ligne. Le milieu de la journée arrive, et avec lui je commence à travailler avec plus d'entrain. Un tout petit peu plus. Il ne s'agirait pas de faire croire aux autres que je suis de bonne humeur.

Je déjeune avec Lanniey quand il est là, et sinon je prends le temps de rentrer à la maison. Ces moments me permettent de supporter mes journées.

La reprise du travail. Je tâche de paraître d'encore plus mauvaise humeur qu'au matin, quoi que je me demande si c'est chose possible.

Une réunion le soir ? Je hais les rassemblements. Pendant les rassemblements je vois ceux qui m'agacent le plus. Et il y a tant de gens qui pensent du mal de moi...Je m'en fiche, je n'ai pas à me justifier de mes choix devant ces gens. Je hais ces imbéciles. Pas tous, mais je hais la plupart d'entre eux.

Je me tiens droit, le plus immobile possible en écoutant attentivement dans le cas où quelque chose m'intéresserait. Dès que j'entends les mots "Vol Noir" ou "Mauvais Présage", je passe dans un état d'alerte supérieur. Je passe mes souvenirs en revue tout en écoutant. Je n'ai pas grand chose à faire de la Horde. Mis à part le fait que je trouve les Orcs franchement laids. Et je n'ai jamais apprécié les trolls. Je n'ai pas envie de finir dans leur assiette. Et les gobelins, comme je hais les gobelins ! Surtout ceux de la Baie-du-Butin. Les morts-vivants me laissent indifférent. Je me considère un peu comme l'un d'eux il faut dire. Je suis un mort en sursis depuis un moment. Et les Elfes de Sang...Et bien je hais ces petites teignes à la chevelure blonde avec leurs dagues empoisonnées et leurs sorties des ombres !

En fait, je hais mon boulot.