Le Malsonge

Heliven Mer 10 Aoû 2011, 17:36

Tobias est quelqu'un de bonne compagnie. Je lui racontais la Branche Rouge, lui m'expliquait ce qu'il savait des dragons, nous aurions même pu continuer encore pendant un moment si je n'avais pas ressenti la douleur de Nath.
Une souffrance aigüe, déchirant profondément la poitrine. Le tourment cessa sitôt que Tobias m'eut aidé à me relever, comme un parfum volatil, une goutte d'aquarelle sous un filet d'eau.
Nath... Hyjal... mon corps tendu voulait s'y précipiter... courir, traverser l'écurie, la cité, plonger dans le portail qui séparait Hurlevent de Nordrassil...
Je me trouvais devant un rempart d'acier moiré qui se trouvait être Angron.
J'aurais préféré qu'il congédie moins sèchement Tobias, le pauvre ne méritait pas un tel traitement.

Nath était en danger...
Oui il y avait d'autres druides... ils ne le trouveraient pas aussi rapidement que moi... il serait peut être trop tard.
Non Nath n'était pas plus important.
Le sentiment d'urgence cisaillait mes nerfs, je ne désirais pas partir sans l'aval d'Angron, je ne pouvais pas laisser Nath, pas sans en éprouver par la suite d'éternels remords. Des regrets, j'en avais cumulé pour toute une vie déjà.
J'usais en dernier recours de l'argument massue, en tant que Chevalier, il ne pouvait refuser son aide à ceux qui en avaient besoin.

Je montais en croupe derrière Angron. Le plumage d'Alanh dégageait des étincelles chaudes, sans être brûlantes. Angron sentait l'acier froid, un parfum minéral qui dénotait sa contrariété. Régulièrement je lui indiquais la direction à suivre. Je pouvais imaginer la tension qui nouait ses muscles sous l'armure, je pouvais imaginer sa mâchoire carrée se crisper, je ne savais pas comment apaiser son malaise.

Nath, sous sa forme de corbeau, grattait le sol. Le sol sentait la corruption.
Des zébrures souillaient son plumage aux reflets prune, Sinople n'était en vu nulle part. J'avançais doucement, tentais de l'interpeller sans qu'il ne semble me reconnaître.
J'ai cru tout d'abord qu'il était piégé, qu'il voulait nous empêcher de tomber dans le même piège que lui.
Hors le rapace qu'était Nath fondit toutes serres dehors sur Angron. Le manche de la hallebarde ne le retient que peu. Je n'arrivais pas à calmer l'oiseau.

- Heliven, la terre !
Angron avait raison, le problème venait sans doute de la terre. Ce quelque chose qui l'empoisonnait et voilait le regard du druide. Je creusais, à m'en écorcher les ongles et les doigts, je creusais en sentant le sang battre mes tempes. Nath et Angron se battaient à deux pas de moi, Nath venait d'endosser sa forme hybride.
Mes doigts rencontrèrent quelque chose de lisse, solide, poisseux.
J'extirpais quelque chose qui ressemblait à un œuf ou une graine, quelque chose que Nath voulait puisqu'il relâcha sa prise sur le chevalier pour tendre sa main/patte vers la graine.

- Détruit le !
Je craignais de commettre un terrible impair. Et si Nath était envoûté, s'il désirait détruire l’œuf, si...
Je ne pouvais pas me permettre de tergiverser, mes doigts se plièrent sur la surface engluée, devinrent griffes alors que l'ensemble de mon corps s'épaississait, se tassait. J’entaillais la coque entre mes mâchoires, plongeais le museau dans un liquide poisseux, nauséabond, écœurant. Je retenais ma respiration, mes griffes lacérant la coquille pour la réduire en miette. Au milieu de ce gel immonde, un embryon noirâtre que j'arrachais. Mes crocs rencontrèrent une chair molle sans consistance, un cri strident d'agonie et de colère balaya ma conscience au moment où je secouais la tête pour mettre une fin définitive à cette vie.

Nath reprit lentement ses esprits. Je le juchais de force sur Alanh, qu'il ne voulait pas monter car l'oiseau s'était lié aux flammes. Nous avancions vers Theramore dans une atmosphère lourde, pesante par la fatigue du combat et par l'inimitié malsaine qui naissait... et dont j'étais la cause. En essayant de rassurer Angron, je blessais le druide. En utilisant le lien pour retrouver Nath, j'avivais la jalousie du chevalier.

Le Malsonge allait exploiter cette faille pour affermir son emprise sur Nath, de cela, je ne savais comment l'aider. D'autres sauraient peut être, d'autres que j'avais rencontré la veille, lors de la première réunion de la Branche Rouge. Le Shan'Do devait être à Hyjal, et si lui ne savait pas, peut être Vandris... elle semblait aussi froide que compétente.
Le cauchemar avait un coup d'avance, mais il n'aurait pas Nath. Nath est quelqu'un de raisonnable, de sage, Nath est quelqu'un de stable. Ou du moins l'était.

Je m'éveille avec la sensation d'être bercée, puis reconnais le bruit des vagues frappant la coque d'un navire. Je me redresse en sursaut sur la couchette dans la cale, Angron non loin de moi pleure en silence, serrant dans ses bras un jouet d'enfant. Il ne me faut que quelques pas pour le rejoindre, l'enlacer.
Nous restons un long moment sans bouger, avant que je n'ose lui demander comment va Nath, et pourquoi nous sommes partis si précipitamment de Theramore...