[BG] Lalita Kalang
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[BG] Lalita Kalang
Un frémissement.
Une douleur terrible remonta l’échine de la demi-elfe, pour remonter dans sa tête.
Lalita ouvrit les yeux. Ce n’était pas un cauchemar. Rassemblant ses forces éprouvées par la torture de la nuit, la gamine tenta de faire céder les chaines qui entravaient ses mains, tordant ses bras frêles dans une posture inconfortable ; en vain.
Un bâillon à poire lui retroussait les gencives, lui donnant envie de hurler de frustration.
Le bruit d’une porte qu’on claque la fit sursauter, puis se recroqueviller, dans une tentative désespérée d’échapper, de se dissimuler à son bourreau. Mais l’homme en noir la fixait déjà, de ses yeux reptiliens, sombres et morts ; son odeur, plus que celle du cadavre corrompu qui lui tenait compagnie depuis la veille, lui envahissait les narines, rajoutant s’il était encore possible à la terreur qui enveloppait déjà l’enfant.
- "Tu as bien dormi, ma Lalita ? Tu vois, il ne fallait pas me contrarier…"
La fillette acquiesça, dans un mouvement brusque, ses jolis yeux marron clairs noyés de larmes.
- "Bien. Maintenant, tu vas être une gentille petite fille, et tu vas faire plaisir à ton père, n’est-ce-pas ?"
Lalita réitéra son mouvement empressé.
L’homme se rapprocha de la petite silhouette, l’obligeant à se tasser plus encore. D’une main brusque et soudaine, il se mit à la gifler, à toute volée ; puis quand la figure de sa victime fut toute rouge, il eut enfin un sourire. D’un geste presque délicat, il ôta les chaines ; d’un geste presque tendre, il lui tendit un morceau de pain et une outre d’eau, qu’elle attrapa prestement, après avoir arraché son bâillon.
Le sombre individu s’éloigna, enleva sa lourde cotte de maille, et se saisissant de gants :
- "Tu vas aller en ville aujourd’hui. Tu te rendras dans la maison de la vieille ville que je t’ai montrée. Tu feras ce que les hommes là-bas te diront. Tout, tu as bien compris ? Sans rechigner comme d’habitude !
- Ou-Oui, Père. Tout … tout comme vous voudrez !
- Tu as intérêt, petit monstre. Maintenant file."
La demi-elfe tenta de refouler les larmes qui montaient irrépressiblement à ses yeux.
- "… Père ?
- Hum ? Pas encore partie ?
- Ri-rien ! Rien d-du tout…" bégaya la fillette, terrifiée.
Se saisissant d’un manteau élimé, celle-ci s’enfuit littéralement par la porte ouverte.
Ah, l’air pur, les grands arbres de la forêt, ce vert tendre, ces pierres blanches et splendides du pont, l’eau transparente qui coulait dans les canaux…
Son père qui ne la suivait pas…
Elle jeta un coup d’œil à ses poignets ensanglantés, et réprima un soupir, en revenant à la réalité. Ils la brûlaient, et elle savait que la blessure pouvait dégénérer. C’était arrivé une fois, lorsque Père avait trop attendu pour la soigner, après une punition particulièrement vive. Elle avait failli perdre sa jambe ; et même aujourd’hui, des élancements douloureux la lui parcourait, refermant ses serres lorsqu’elle était trop faible pour lutter.
Elle plongea ses poignets dans l’eau, essayant d’ignorer le vendeur ambulant qui récriait ses marchandises.
Une forme la bouscula, la précipitant dans l’eau.
Une seconde, la froideur de l’eau la paralysa. Puis l’instinct de conservation prit le dessus, et, poussant des cris étranglés, elle tenta de rester à la surface. Puis des bras chauds et parfumés comme un gâteau tiède la saisirent, l’entrainèrent hors de l’eau, la réchauffèrent ; des voix affectueuses comme l’enfant n’avait jamais entendu s’élevèrent, semblant guetter avec appréhension sa réaction.
Lalita se remit à bégayer.
- "Pardon, pa-pardon, pard-don… Je su-is… désolée…
- Ma petite, c’est moi… Comment tu t’appelle ?
- Lalita, ma-ma-madame."
Les deux femmes dévisagèrent leur interlocutrice avec une soudaine attention.
Elle paraissait si petite... Où étaient donc ses parents ?
- "Où habites-tu, Lalita ? Quel âge as-tu ?"
Ces dames voulaient-elles du mal à Père ? Il lui avait dit que des gens lui voulaient du mal. Il ne l’aimerait plus, si elle lui désobéissait.
La petite garda le silence.
- "Tu sais quel âge tu as ? Tu es orpheline ?"
L’enfant murmura, du bout des lèvres, qu’elle avait 11 ans. Puis, un signe négatif.
Les deux dames la toisèrent un instant.
- "Ma petite chérie, recommença l’une d’entre elle, On ne peut pas laisser ici, tu es trempée. Viens, on va te donner une jolie robe toute propre, et puis après, on te re-déposera chez toi. Il commence à être tard, tu dois rentrer chez tes parents, maintenant.
- N-non ! Père... il-il va pas être content ! je dois aller... la-la... Là-bas.
- Où donc ? On va t’y conduire. Tu vois, on a une jolie calèche ; et ça va bien plus vite qu’à pied."
Un pli barra le front de la plus vieille à l’évocation de l’adresse. Comment étais-ce possible ? Une si jeune fille… ? Etait-elle sûre de l’adresse ? Oui ? Oui…
Le petit cortège partit. Mais la direction n’était point du tout la bonne ; aussi, la timide demi-elfe le fit remarquer. Ce à quoi on lui répondit qu’elle avait besoin d’être séchée ; et malgré la peur de la punition que pouvait engendrer son retard, Lalita ne put s’empêcher de trouver la compensation si agréable !
Elle fut tirée de sa rêverie par une violente secousse, qui l’envoya presque sur le sol de la voiture ; mais ses nouvelles protectrices la soutinrent, en riant doucement.
En effet, la calèche s’était arrêtée devant un grand manoir de pierres blanches, à dentelures de céramique bleu et ocre, aux couleurs d’un orgueilleux blason. Au cœur du quartier magique de Stormwind, il se dressait fièrement au milieu d’un écrin féérique de verdure aux couleurs magnifiés par la pouvoir des arcanes. Quelques phalènes papillonnaient, répandant leurs spores duveteuses sur les fleurs en pleines éclosions ; et il sembla à la jeune fille qu’elle contemplait le refuge des dieux eux-mêmes.
Toute à sa joie, elle se fit baigner, habiller, soigner, nourrir ; mais soudain, elle se rappela la course que lui avait ordonné son père.
Paniquée, elle voulut prendre congé ; mais les deux dames ne la laissèrent repartir que contre la promesse de revenir chercher sa robe le lendemain.
- "Ah, v’là la fille. "
La voix avinée et la démarche chancelante, Hertun le Percé avait tout de l’ancien séducteur qui s’était laissé aller depuis déjà quelques années. Son teint basané contrastait étrangement avec une silhouette qui s’était amollie depuis bien des années et un nez proéminent et d’un rouge vif, presque d’un violet malsain. Entouré de deux filles de joie, son bonnet de travers, il ressemblait à un mendiant grotesque de comédie.
- "Mais c’est une vraie p’tite princesse, on dirait !"
Mal à l’aise, Lalita tenta de cacher le liseré de dentelle qui ornait le bout de ses manches trop larges, mais, sous le regard de convoitise des amis de son père, recula, croisant les mains derrière son dos, le visage écarlate.
- "C’est pè-père qui me l’a offerte pour mon anni-anniversaire.
- Ton anniversaire ? Voyons… et quel âge tu as, gamine ?
- 12 ans, messire.
- Ben on va lui offrir son cadeau d’anniversaire, hein, les filles ?"
Les deux créatures acquiescèrent avec un ricanement. Puis elles se levèrent, dévoilant leurs chevilles maigres et nues ; avec un rire, elles attirèrent la jeune fille dans leurs bras, et l’entrainèrent vers l’homme.
Et ce fut en baissant la tête que Lalita se laissa faire, paralysée par une angoisse par trop familière.
Une douleur terrible remonta l’échine de la demi-elfe, pour remonter dans sa tête.
Lalita ouvrit les yeux. Ce n’était pas un cauchemar. Rassemblant ses forces éprouvées par la torture de la nuit, la gamine tenta de faire céder les chaines qui entravaient ses mains, tordant ses bras frêles dans une posture inconfortable ; en vain.
Un bâillon à poire lui retroussait les gencives, lui donnant envie de hurler de frustration.
Le bruit d’une porte qu’on claque la fit sursauter, puis se recroqueviller, dans une tentative désespérée d’échapper, de se dissimuler à son bourreau. Mais l’homme en noir la fixait déjà, de ses yeux reptiliens, sombres et morts ; son odeur, plus que celle du cadavre corrompu qui lui tenait compagnie depuis la veille, lui envahissait les narines, rajoutant s’il était encore possible à la terreur qui enveloppait déjà l’enfant.
- "Tu as bien dormi, ma Lalita ? Tu vois, il ne fallait pas me contrarier…"
La fillette acquiesça, dans un mouvement brusque, ses jolis yeux marron clairs noyés de larmes.
- "Bien. Maintenant, tu vas être une gentille petite fille, et tu vas faire plaisir à ton père, n’est-ce-pas ?"
Lalita réitéra son mouvement empressé.
L’homme se rapprocha de la petite silhouette, l’obligeant à se tasser plus encore. D’une main brusque et soudaine, il se mit à la gifler, à toute volée ; puis quand la figure de sa victime fut toute rouge, il eut enfin un sourire. D’un geste presque délicat, il ôta les chaines ; d’un geste presque tendre, il lui tendit un morceau de pain et une outre d’eau, qu’elle attrapa prestement, après avoir arraché son bâillon.
Le sombre individu s’éloigna, enleva sa lourde cotte de maille, et se saisissant de gants :
- "Tu vas aller en ville aujourd’hui. Tu te rendras dans la maison de la vieille ville que je t’ai montrée. Tu feras ce que les hommes là-bas te diront. Tout, tu as bien compris ? Sans rechigner comme d’habitude !
- Ou-Oui, Père. Tout … tout comme vous voudrez !
- Tu as intérêt, petit monstre. Maintenant file."
La demi-elfe tenta de refouler les larmes qui montaient irrépressiblement à ses yeux.
- "… Père ?
- Hum ? Pas encore partie ?
- Ri-rien ! Rien d-du tout…" bégaya la fillette, terrifiée.
Se saisissant d’un manteau élimé, celle-ci s’enfuit littéralement par la porte ouverte.
Ah, l’air pur, les grands arbres de la forêt, ce vert tendre, ces pierres blanches et splendides du pont, l’eau transparente qui coulait dans les canaux…
Son père qui ne la suivait pas…
Elle jeta un coup d’œil à ses poignets ensanglantés, et réprima un soupir, en revenant à la réalité. Ils la brûlaient, et elle savait que la blessure pouvait dégénérer. C’était arrivé une fois, lorsque Père avait trop attendu pour la soigner, après une punition particulièrement vive. Elle avait failli perdre sa jambe ; et même aujourd’hui, des élancements douloureux la lui parcourait, refermant ses serres lorsqu’elle était trop faible pour lutter.
Elle plongea ses poignets dans l’eau, essayant d’ignorer le vendeur ambulant qui récriait ses marchandises.
Une forme la bouscula, la précipitant dans l’eau.
Une seconde, la froideur de l’eau la paralysa. Puis l’instinct de conservation prit le dessus, et, poussant des cris étranglés, elle tenta de rester à la surface. Puis des bras chauds et parfumés comme un gâteau tiède la saisirent, l’entrainèrent hors de l’eau, la réchauffèrent ; des voix affectueuses comme l’enfant n’avait jamais entendu s’élevèrent, semblant guetter avec appréhension sa réaction.
Lalita se remit à bégayer.
- "Pardon, pa-pardon, pard-don… Je su-is… désolée…
- Ma petite, c’est moi… Comment tu t’appelle ?
- Lalita, ma-ma-madame."
Les deux femmes dévisagèrent leur interlocutrice avec une soudaine attention.
Elle paraissait si petite... Où étaient donc ses parents ?
- "Où habites-tu, Lalita ? Quel âge as-tu ?"
Ces dames voulaient-elles du mal à Père ? Il lui avait dit que des gens lui voulaient du mal. Il ne l’aimerait plus, si elle lui désobéissait.
La petite garda le silence.
- "Tu sais quel âge tu as ? Tu es orpheline ?"
L’enfant murmura, du bout des lèvres, qu’elle avait 11 ans. Puis, un signe négatif.
Les deux dames la toisèrent un instant.
- "Ma petite chérie, recommença l’une d’entre elle, On ne peut pas laisser ici, tu es trempée. Viens, on va te donner une jolie robe toute propre, et puis après, on te re-déposera chez toi. Il commence à être tard, tu dois rentrer chez tes parents, maintenant.
- N-non ! Père... il-il va pas être content ! je dois aller... la-la... Là-bas.
- Où donc ? On va t’y conduire. Tu vois, on a une jolie calèche ; et ça va bien plus vite qu’à pied."
Un pli barra le front de la plus vieille à l’évocation de l’adresse. Comment étais-ce possible ? Une si jeune fille… ? Etait-elle sûre de l’adresse ? Oui ? Oui…
Le petit cortège partit. Mais la direction n’était point du tout la bonne ; aussi, la timide demi-elfe le fit remarquer. Ce à quoi on lui répondit qu’elle avait besoin d’être séchée ; et malgré la peur de la punition que pouvait engendrer son retard, Lalita ne put s’empêcher de trouver la compensation si agréable !
Elle fut tirée de sa rêverie par une violente secousse, qui l’envoya presque sur le sol de la voiture ; mais ses nouvelles protectrices la soutinrent, en riant doucement.
En effet, la calèche s’était arrêtée devant un grand manoir de pierres blanches, à dentelures de céramique bleu et ocre, aux couleurs d’un orgueilleux blason. Au cœur du quartier magique de Stormwind, il se dressait fièrement au milieu d’un écrin féérique de verdure aux couleurs magnifiés par la pouvoir des arcanes. Quelques phalènes papillonnaient, répandant leurs spores duveteuses sur les fleurs en pleines éclosions ; et il sembla à la jeune fille qu’elle contemplait le refuge des dieux eux-mêmes.
Toute à sa joie, elle se fit baigner, habiller, soigner, nourrir ; mais soudain, elle se rappela la course que lui avait ordonné son père.
Paniquée, elle voulut prendre congé ; mais les deux dames ne la laissèrent repartir que contre la promesse de revenir chercher sa robe le lendemain.
- "Ah, v’là la fille. "
La voix avinée et la démarche chancelante, Hertun le Percé avait tout de l’ancien séducteur qui s’était laissé aller depuis déjà quelques années. Son teint basané contrastait étrangement avec une silhouette qui s’était amollie depuis bien des années et un nez proéminent et d’un rouge vif, presque d’un violet malsain. Entouré de deux filles de joie, son bonnet de travers, il ressemblait à un mendiant grotesque de comédie.
- "Mais c’est une vraie p’tite princesse, on dirait !"
Mal à l’aise, Lalita tenta de cacher le liseré de dentelle qui ornait le bout de ses manches trop larges, mais, sous le regard de convoitise des amis de son père, recula, croisant les mains derrière son dos, le visage écarlate.
- "C’est pè-père qui me l’a offerte pour mon anni-anniversaire.
- Ton anniversaire ? Voyons… et quel âge tu as, gamine ?
- 12 ans, messire.
- Ben on va lui offrir son cadeau d’anniversaire, hein, les filles ?"
Les deux créatures acquiescèrent avec un ricanement. Puis elles se levèrent, dévoilant leurs chevilles maigres et nues ; avec un rire, elles attirèrent la jeune fille dans leurs bras, et l’entrainèrent vers l’homme.
Et ce fut en baissant la tête que Lalita se laissa faire, paralysée par une angoisse par trop familière.
Lalita
Re: [BG] Lalita Kalang
La nuit noire était tombée depuis longtemps sur le royaume humain d’Azeroth. Les arbres en fleurs d’Elwynn bruissaient doucement sous la brise rafraîchissante du nord, charriant les appétissantes odeurs de nourriture de la ville ; les villages disséminés dans la forêt étaient tous immobiles, pris dans les rets de la déesse du sommeil Ewina ; et seule, une petite ombre troublait la quiétude de la plaine, qu’illuminaient de leur éclat pâle et tendre les étoiles de la voûte céleste.
Un cheval hennit dans le silence. Un homme courtaud, enveloppé dans un épais manteau sombre, essaya de calmer la bête, avant de l’enfourcher, dissimulant d’un pan de tissu l’insigne de paladin toujours gravée sur la fonte de la selle.
Par des gestes qui témoignaient d’une habitude journalière, il rajusta ses gants de peau et resserra les attaches de son casque, espérant par là dissimuler le sifflement que produisaient ses poumons troués au contact de l’air ; et partit au grand galop.
Ce ne fut qu’au petit matin que le cavalier s’arrêta, son sac rempli d’herbes diverses. Une silhouette alerte semblait l’attendre ; et en effet, Clissia se leva aux premiers bruits de sabots résonnant sur le chemin poussiéreux. C’était une femme d’aspect mûr et hautain, d’une quarantaine d’années ; vêtue d’une simple robe de lin coloré, elle paraissait fraiche et dispose, comme au sortir d’un bain revitalisant.
Hérastean sortit une bourse de sa poche, la jetant dans un geste plein de condescendance à Clissia, qui le regarda d’un air arrogant.
- "Est-ce ainsi que vous traitez vos intermédiaires, messire ? Je pourrais fort bien vous dénoncer à la garde. Un homme tel que vous…
- Un homme tel que moi ne se fait pas saisir, dame joaillière. Donne-moi le produit que je t’ai demandé…
- Je crains que cela ne soit pas possible.
- Hum… ?
- Il se présente des difficultés à l’obtention de ce bijou… Il... hum… est dur de fouiller hors des limites du royaume humain…
- Et alors ? N’es-tu pas payé pour cela ?
- Justement, je refuse votre argent. Je refuse de mettre le pied dans des choses d’elfe. Les trucs mystiques ou sentimentaux, c’est pas mon rayon… et puis j’aime pas l’idée. Adieu, donc."
Une lueur malsaine filtra à travers le casque, à travers les percements du heaume. Puis un cri étouffé, au petit matin.
- "Regarde ce que j’ai attrapé aujourd’hui, petit monstre."
L’homme déposa son fardeau sur le plancher, laissant quelques gouttes de sang souiller le sol.
La fillette n’osait pas décoller son regard de ses pieds. Que n’aurait-elle donné pour que l’absence de son père se prolonge ! Mais il fallait se résigner, n’est-ce pas ? Pour faire plaisir à Père. Quel bonheur, et quel soulagement, d’entendre quelques mots gentils, qui effaçaient tout ce qu’elle subissait, la calmait, lui redonnant tellement d’espoir ! Peut-être que Père était enfin content d'elle-même, peut-être que Père la laisserait tranquille et heureuse…
De son enfance, elle ne gardait que quelques rêves confus d’une étendue d’eau grise et morne, au rythme d’une mélopée mélancolique ; d’un feu chaleureux, réchauffant un foyer insouciant, où elle pouvait, à travers les brumes de ses souvenirs, encore sentir la douceur d’un jouet et la joie qu’elle éprouvait en l’utilisant.
Mais depuis que Père était malade, tout avait changé.
Dans sa tête avait pris forme des images nettes… et Lalita avait conscience, au plus profond de ses pensées, que la vie n'était peut-être pas ainsi pour tous ; que la constante arrivée de cadavres, que la puanteur qui émanait de son parent n'était pas saine, bien qu'elle n'en soit pas tout à fait sûre.
Mais de ce dont la jeune fille était fermement convaincue, c'est que ce faisait Père ne pouvait être remis en question. Elle l'aimait, dans son ignorance complète du monde et avec sa foi aveugle ; elle le trouvait généreux et son cœur tendre se déchirait de chagrin à l'idée que celui qui veillait sur elle pouvait être mis en péril par sa propre maladie – qui était bien plus dangereuse pour lui-même que pour sa progéniture.
La générosité de Père pouvait-elle être mise en doute ? Ne la nourrissait-il pas, ne la gardait-il pas en vie, malgré ses erreurs, malgré ses maladresses, malgré tout ce qu'elle avait pu lui apporter de désagréable ?
Lalita se mit à rêvasser devant le cadavre, le regard perdu dans la blessure ouverte de la femme, imaginant dans son esprit sauvage un monde où elle aurait pu deviner qui était ce tas de chair étendu à ses pieds, détournant volontairement ses pensées de ce que Père allait faire du sang de sa nouvelle proie.
- « Dois-je me répéter, Lalita ?. »
Une claque la ramena à la réalité, et l’enfant s’empressa d’aller chercher de l’eau et un chiffon, puis se fit un devoir de nettoyer le sol, la tête lourde à éclater, frémissante de la voix métallique et rauque de son géniteur.
Ne pas mécontenter Père !
Un cheval hennit dans le silence. Un homme courtaud, enveloppé dans un épais manteau sombre, essaya de calmer la bête, avant de l’enfourcher, dissimulant d’un pan de tissu l’insigne de paladin toujours gravée sur la fonte de la selle.
Par des gestes qui témoignaient d’une habitude journalière, il rajusta ses gants de peau et resserra les attaches de son casque, espérant par là dissimuler le sifflement que produisaient ses poumons troués au contact de l’air ; et partit au grand galop.
Ce ne fut qu’au petit matin que le cavalier s’arrêta, son sac rempli d’herbes diverses. Une silhouette alerte semblait l’attendre ; et en effet, Clissia se leva aux premiers bruits de sabots résonnant sur le chemin poussiéreux. C’était une femme d’aspect mûr et hautain, d’une quarantaine d’années ; vêtue d’une simple robe de lin coloré, elle paraissait fraiche et dispose, comme au sortir d’un bain revitalisant.
Hérastean sortit une bourse de sa poche, la jetant dans un geste plein de condescendance à Clissia, qui le regarda d’un air arrogant.
- "Est-ce ainsi que vous traitez vos intermédiaires, messire ? Je pourrais fort bien vous dénoncer à la garde. Un homme tel que vous…
- Un homme tel que moi ne se fait pas saisir, dame joaillière. Donne-moi le produit que je t’ai demandé…
- Je crains que cela ne soit pas possible.
- Hum… ?
- Il se présente des difficultés à l’obtention de ce bijou… Il... hum… est dur de fouiller hors des limites du royaume humain…
- Et alors ? N’es-tu pas payé pour cela ?
- Justement, je refuse votre argent. Je refuse de mettre le pied dans des choses d’elfe. Les trucs mystiques ou sentimentaux, c’est pas mon rayon… et puis j’aime pas l’idée. Adieu, donc."
Une lueur malsaine filtra à travers le casque, à travers les percements du heaume. Puis un cri étouffé, au petit matin.
- "Regarde ce que j’ai attrapé aujourd’hui, petit monstre."
L’homme déposa son fardeau sur le plancher, laissant quelques gouttes de sang souiller le sol.
La fillette n’osait pas décoller son regard de ses pieds. Que n’aurait-elle donné pour que l’absence de son père se prolonge ! Mais il fallait se résigner, n’est-ce pas ? Pour faire plaisir à Père. Quel bonheur, et quel soulagement, d’entendre quelques mots gentils, qui effaçaient tout ce qu’elle subissait, la calmait, lui redonnant tellement d’espoir ! Peut-être que Père était enfin content d'elle-même, peut-être que Père la laisserait tranquille et heureuse…
De son enfance, elle ne gardait que quelques rêves confus d’une étendue d’eau grise et morne, au rythme d’une mélopée mélancolique ; d’un feu chaleureux, réchauffant un foyer insouciant, où elle pouvait, à travers les brumes de ses souvenirs, encore sentir la douceur d’un jouet et la joie qu’elle éprouvait en l’utilisant.
Mais depuis que Père était malade, tout avait changé.
Dans sa tête avait pris forme des images nettes… et Lalita avait conscience, au plus profond de ses pensées, que la vie n'était peut-être pas ainsi pour tous ; que la constante arrivée de cadavres, que la puanteur qui émanait de son parent n'était pas saine, bien qu'elle n'en soit pas tout à fait sûre.
Mais de ce dont la jeune fille était fermement convaincue, c'est que ce faisait Père ne pouvait être remis en question. Elle l'aimait, dans son ignorance complète du monde et avec sa foi aveugle ; elle le trouvait généreux et son cœur tendre se déchirait de chagrin à l'idée que celui qui veillait sur elle pouvait être mis en péril par sa propre maladie – qui était bien plus dangereuse pour lui-même que pour sa progéniture.
La générosité de Père pouvait-elle être mise en doute ? Ne la nourrissait-il pas, ne la gardait-il pas en vie, malgré ses erreurs, malgré ses maladresses, malgré tout ce qu'elle avait pu lui apporter de désagréable ?
Lalita se mit à rêvasser devant le cadavre, le regard perdu dans la blessure ouverte de la femme, imaginant dans son esprit sauvage un monde où elle aurait pu deviner qui était ce tas de chair étendu à ses pieds, détournant volontairement ses pensées de ce que Père allait faire du sang de sa nouvelle proie.
- « Dois-je me répéter, Lalita ?. »
Une claque la ramena à la réalité, et l’enfant s’empressa d’aller chercher de l’eau et un chiffon, puis se fit un devoir de nettoyer le sol, la tête lourde à éclater, frémissante de la voix métallique et rauque de son géniteur.
Ne pas mécontenter Père !
Dernière édition par Lalita le Dim 05 Oct 2008, 11:14, édité 1 fois
Lalita
Re: [BG] Lalita Kalang
Le morceau de papier que tenait la jeune fille la faisait brûler de curiosité. Enfin, elle pourrait lire comment était sa mère. La déesse de son imagination allait devenir réalité !
- "Donne-moi ça."
Docilement, Lalita Kalang tendit l’enveloppe à son père, avec un brin d’espoir. Depuis qu’elle avait ramené la robe à la belle dame et à sa compagne elfe, elle n’avait cessé d’y rêver. Sa mère aussi était une elfe, puisqu’elle-même était une bâtarde… Et ce merveilleux, merveilleux jour était arrivé ! Connaitre enfin plus sur maman…
Quand le bout de papier se mit à brûler, la gamine serra les poings. Une lueur de colère de colère se mit à luire dans ses grands yeux sombres de poupée ; et la première étincelle de révolte perça dans son cœur d’enfant.
- "Père ! non ! Je-je t’in-terdit !
- …Tu m’interdis ?"
Lalita hésita un instant, puis, se dressant sur la pointe des pieds, essaya d’attraper ce qui n’était plus qu’un chiffon cendreux, échoua, puis tomba en arrière, déséquilibrée par une bourrade.
- "T’as pas le droit ! c’est-c’est… tu as tué maman !"
Les paupières luisantes, l’adolescente continua sur sa lancée, comme indifférente aux conséquences inévitables, criant, hurlant sa douleur. Non, non ! Il ne pouvait tout lui interdire, il pouvait tout lui faire… Père était malade, il n’y pouvait rien ! Pas son seul rêve…
Debout, elle semblait ne jamais vouloir s’arrêter, énumérant ses griefs, avec la persistance puérile d’une enfant trop peinée. Et la révélation, subite.
- "Tu as tué maman ! Tu l’as tué !"
L’homme semblait pris de court devant cette révolte inattendue. Comment aurait-il pu prévoir ? Il l’avait modelé comme il le souhaitait. Il la voulait calme, effacée, et docile. Il l’aurait voulu plus dissimulatrice, mais elle était encore jeune, il suffirait de l’entrainer un peu… Mais la désobéissance, il ne pouvait le tolérer. Son sujet d’expérience favori resterait de son plein gré, chez lui. A lui !
Avec des gestes délibérément lents, Hérastean tourna le dos à sa fille qui semblait toujours emportée par sa furie libératrice. Il tira une seringue de verre d’une petite boite, et souleva le couvercle d’un chaudron rangé dans un coin. Lalita s’arrêta de parler, aussitôt. Sa respiration se ralentit, devenant plus lourde, alors qu’il approchait calmement. Son visage empourpré devint livide tout à coup ; des bredouillis sortirent de sa bouche, et c’est avec un regard rempli de détresse qu’elle s’effondra sur le sol, se tenant la tête à deux mains sous la douleur de la potion d’agonie.
Satisfait, il s’affala dans un fauteuil, et contempla son œuvre avec contentement.
Quelques mois plus tard, l’enfant fêtait enfin ses 15 années. 15 ans, c’était vieux, déjà ! Elle aurait peut-être droit à un cadeau. Ou peut-être qu’il parlerait de maman ! Il faisait toujours ça quand il était content d’elle. Depuis la scène qu’elle avait fait, il affectait de ne plus prêter attention à elle ; il s’absentait parfois des jours, et, la gamine, perdant jusqu’à la notion du temps, s’endormait à même le plancher, où des cauchemars tourmentaient son esprit déjà éprouvé.
Mais cette fois, elle aurait 15 ans ! Et Lalita, toujours anxieuse, s’inquiétait de ne pouvoir savoir précisément le jour où sa mère l’avait enfanté pour connaître cette vie qui n’en était pas réellement une.
La jeune fille tenta d’ouvrir la croisée ; en vain. Aussi, au bout de ce qui lui parut plusieurs jours, la demi-elfe s’endormit d’un sommeil profond, murmurant le nom de son Père qui la délivrerait de cette prison en revenant enfin de son interminable voyage.
Soudain, un léger bruit retentit. Bondissant sur ses pieds, la jeune Lalita s’empressa de ranimer le feu, lissa sa robe de coton bleu, un soupir de contentement sur ses lèvres minces. Mais la porte ne s’ouvrait pas, malgré le bruit constant. Lalita fixa la fenêtre, soudain apeurée. Un étranger ici ! Mais que faisait-il ? Que voulait-il … ? Père ? On voulait du mal à Père ! D’un geste vif, elle saisit le manche du tison de la cheminée, haletante, terrifiée ; des coups vifs résonnaient désormais dans la maisonnette, provenant des volets de bois. Un pan vola bientôt en éclat, laissant la clarté de la lune s’étendre sur le plancher de chêne, éclaboussant les cheveux de neige de la jeune fille de reflets d’argent, composant à elle seule une ode à Elune. Une main acheva de briser les volets ; et bientôt, le verre éclata, jetant leur son cristallin comme un étrange pendant à l’épais silence de la nuit.
Le voleur se figea en voyant l’enfant avancer lentement, le tison dans des mains d’une blancheur presque maladive. Sa moue se mua bientôt en un sourire un peu forcé, rassurant.
-"Je ne te veux aucun mal… j’ai heu… cru que c’était une maison abandonnée… Ça fait cinq jours que j’surveille la baraque…
- Allez-vous-en ! Père va bientôt revenir… !
- Tu veux dire que ça fait cinq jours qu’il…"
Le jeune homme regarda autour de lui, regardant la gamine avec un peu plus d’attention. Une longue chevelure blanche inondait des épaules menues et descendait jusqu’à des hanches étroites ; son corps, aussi frêle que celui d’un enfant, était entièrement dissimulé dans une robe d’un bleu austère.
Puis son regard tomba sur le mobilier, et son cœur rata un battement.
Rougelarme était un voleur, pas un criminel..
Fallait bien qu’on sorte cette gamine de là.
- "Donne-moi ça."
Docilement, Lalita Kalang tendit l’enveloppe à son père, avec un brin d’espoir. Depuis qu’elle avait ramené la robe à la belle dame et à sa compagne elfe, elle n’avait cessé d’y rêver. Sa mère aussi était une elfe, puisqu’elle-même était une bâtarde… Et ce merveilleux, merveilleux jour était arrivé ! Connaitre enfin plus sur maman…
Quand le bout de papier se mit à brûler, la gamine serra les poings. Une lueur de colère de colère se mit à luire dans ses grands yeux sombres de poupée ; et la première étincelle de révolte perça dans son cœur d’enfant.
- "Père ! non ! Je-je t’in-terdit !
- …Tu m’interdis ?"
Lalita hésita un instant, puis, se dressant sur la pointe des pieds, essaya d’attraper ce qui n’était plus qu’un chiffon cendreux, échoua, puis tomba en arrière, déséquilibrée par une bourrade.
- "T’as pas le droit ! c’est-c’est… tu as tué maman !"
Les paupières luisantes, l’adolescente continua sur sa lancée, comme indifférente aux conséquences inévitables, criant, hurlant sa douleur. Non, non ! Il ne pouvait tout lui interdire, il pouvait tout lui faire… Père était malade, il n’y pouvait rien ! Pas son seul rêve…
Debout, elle semblait ne jamais vouloir s’arrêter, énumérant ses griefs, avec la persistance puérile d’une enfant trop peinée. Et la révélation, subite.
- "Tu as tué maman ! Tu l’as tué !"
L’homme semblait pris de court devant cette révolte inattendue. Comment aurait-il pu prévoir ? Il l’avait modelé comme il le souhaitait. Il la voulait calme, effacée, et docile. Il l’aurait voulu plus dissimulatrice, mais elle était encore jeune, il suffirait de l’entrainer un peu… Mais la désobéissance, il ne pouvait le tolérer. Son sujet d’expérience favori resterait de son plein gré, chez lui. A lui !
Avec des gestes délibérément lents, Hérastean tourna le dos à sa fille qui semblait toujours emportée par sa furie libératrice. Il tira une seringue de verre d’une petite boite, et souleva le couvercle d’un chaudron rangé dans un coin. Lalita s’arrêta de parler, aussitôt. Sa respiration se ralentit, devenant plus lourde, alors qu’il approchait calmement. Son visage empourpré devint livide tout à coup ; des bredouillis sortirent de sa bouche, et c’est avec un regard rempli de détresse qu’elle s’effondra sur le sol, se tenant la tête à deux mains sous la douleur de la potion d’agonie.
Satisfait, il s’affala dans un fauteuil, et contempla son œuvre avec contentement.
Quelques mois plus tard, l’enfant fêtait enfin ses 15 années. 15 ans, c’était vieux, déjà ! Elle aurait peut-être droit à un cadeau. Ou peut-être qu’il parlerait de maman ! Il faisait toujours ça quand il était content d’elle. Depuis la scène qu’elle avait fait, il affectait de ne plus prêter attention à elle ; il s’absentait parfois des jours, et, la gamine, perdant jusqu’à la notion du temps, s’endormait à même le plancher, où des cauchemars tourmentaient son esprit déjà éprouvé.
Mais cette fois, elle aurait 15 ans ! Et Lalita, toujours anxieuse, s’inquiétait de ne pouvoir savoir précisément le jour où sa mère l’avait enfanté pour connaître cette vie qui n’en était pas réellement une.
La jeune fille tenta d’ouvrir la croisée ; en vain. Aussi, au bout de ce qui lui parut plusieurs jours, la demi-elfe s’endormit d’un sommeil profond, murmurant le nom de son Père qui la délivrerait de cette prison en revenant enfin de son interminable voyage.
Soudain, un léger bruit retentit. Bondissant sur ses pieds, la jeune Lalita s’empressa de ranimer le feu, lissa sa robe de coton bleu, un soupir de contentement sur ses lèvres minces. Mais la porte ne s’ouvrait pas, malgré le bruit constant. Lalita fixa la fenêtre, soudain apeurée. Un étranger ici ! Mais que faisait-il ? Que voulait-il … ? Père ? On voulait du mal à Père ! D’un geste vif, elle saisit le manche du tison de la cheminée, haletante, terrifiée ; des coups vifs résonnaient désormais dans la maisonnette, provenant des volets de bois. Un pan vola bientôt en éclat, laissant la clarté de la lune s’étendre sur le plancher de chêne, éclaboussant les cheveux de neige de la jeune fille de reflets d’argent, composant à elle seule une ode à Elune. Une main acheva de briser les volets ; et bientôt, le verre éclata, jetant leur son cristallin comme un étrange pendant à l’épais silence de la nuit.
Le voleur se figea en voyant l’enfant avancer lentement, le tison dans des mains d’une blancheur presque maladive. Sa moue se mua bientôt en un sourire un peu forcé, rassurant.
-"Je ne te veux aucun mal… j’ai heu… cru que c’était une maison abandonnée… Ça fait cinq jours que j’surveille la baraque…
- Allez-vous-en ! Père va bientôt revenir… !
- Tu veux dire que ça fait cinq jours qu’il…"
Le jeune homme regarda autour de lui, regardant la gamine avec un peu plus d’attention. Une longue chevelure blanche inondait des épaules menues et descendait jusqu’à des hanches étroites ; son corps, aussi frêle que celui d’un enfant, était entièrement dissimulé dans une robe d’un bleu austère.
Puis son regard tomba sur le mobilier, et son cœur rata un battement.
Rougelarme était un voleur, pas un criminel..
Fallait bien qu’on sorte cette gamine de là.
Lalita
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