Ambitions
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Ambitions
( Le début de l'auto-biographie de Lazared, commencée par simple ennui. Une petite merde avec des fautes d'orthographe. )
Ambitions
Je me suis toujours demandé ce qui pouvait différencier les esclaves des maîtres ; Les pions des rois. Toute ma vie je me suis questionné sur le pourquoi, ou plutôt le comment, comment tout ceci pouvait être si parfaitement ordonné ? Mais au fur et à mesure que je me tourmente de ces interrogations incessantes, il me vient à l'idée de m'introduire plus en détails ; Peut-être pourrais-je tirer de ma vie passée un exemple plus concret ou bien tout simplement une leçon de philosophie à propos des Vrais Maîtres de la Trame.
Je suis né dans le mois de Février d'une année oubliée il y a de cela plusieurs siècles, et ma naissance fût heureuse – Du moins ce que l'on m'en dit quelques années plus tard - ; J'étais l'héritier légitime d'une vieille famille aristocratique, propriétaire d'un domaine ancien et pour le moins étrange, si bien que les paysans et autres basses-gens de l'époque avaient pour habitude d'éviter d'emprunter ces chemins sinueux faits en une espèce de vieille brique de couleur pierre, qui passent encore aujourd'hui sous des arbres millénaires et distordus. Leur tronc et leurs branches ont toujours fasciné les peuplades qui couvrent les terres plus en aval de la colline, éveillant parfois des rumeurs et des histoires inquiétantes dans les auberges nocturnes éclairées d'une unique bougie. Il semblerait que les arbres soient vivants et de leurs visages sans yeux, peuvent regarder au tréfonds de l'âme d'un voyageur indésirable, se délectant de ses peurs et de ses cauchemars.
De ce fait, les environs de ma demeure étaient plutôt tranquilles ; Ancien château à l'apparence cauchemardesque mais au charme éthéré. Observons-le de plus près et trouvons-y trois étages succins dont le dernier semble orné de fenêtres jaunies par les âges. Bois sombre et vieille roche granitique sont là les principaux matériaux qui furent nécessaires à sa création il y a de cela bien des cycles – Ma famille elle-même ne compte plus le temps par généalogie, laissant ces vieux arbres couchés sur le papier au fin fond d'un tiroir poussiéreux -. Le manoir repose en équilibre solide sur le rebord d'une falaise à l'apparence grisâtre et osseuse, suspendu dans le vide grâce à une charpente experte reposant sur un système de contrepoids. Aussi, verrons-nous les différents nids d'oiseaux sauvages et plus particulièrement de chauve-souris infester le dessous de ces boiseries éternelles.
Ces derniers animaux ont toujours attiré ma sympathie, du fait de leur proximité avec ma personne depuis mon enfance, le Comté en étant véritablement envahi. Nous en retrouverons d'ailleurs dans les greniers et combles du château que nous explorerons plus à notre aise une fois que nous aurons pu passer outre le hall splendide et royal, baigné dans une lumière tamisée et austère, dont les murs sont véritablement couverts de différents portraits des ancêtres et fondateurs de ma lignée ancienne. Longez le grand escalier de bois et vous trouverez aux étages les pièces confortables, la battisse comprenant un bon nombre de chambres différentes ainsi que de pièces d'usage, de cuisines et de salons.
Ainsi, le décor semble installé, et le rideau peut se lever sur le principal acteur, joué par moi même dans cette trame étrange aux élans distordus. Je me nomme Lazared Murmure, et je suis actuellement en charge du rôle du patriarche des lieux et de ses occupants, famille et associés notoires. Il est dit que l'homme est assez maigre, pâle et au regard pernicieux, et je ne puis que laisser mon lecteur se faire l'idée de lui-même – Qui suis-je pour imposer une vision quelconque d'un être si banal d'apparence ? - ; Les gens qui m'entourèrent dans cette vie semblent en tous points mieux portants que moi-même, la description s'en fera plus tard, lors de leurs différentes apparitions qui ponctuèrent le fil de mon destin tout au long de mon existence.
Ambitions
Je me suis toujours demandé ce qui pouvait différencier les esclaves des maîtres ; Les pions des rois. Toute ma vie je me suis questionné sur le pourquoi, ou plutôt le comment, comment tout ceci pouvait être si parfaitement ordonné ? Mais au fur et à mesure que je me tourmente de ces interrogations incessantes, il me vient à l'idée de m'introduire plus en détails ; Peut-être pourrais-je tirer de ma vie passée un exemple plus concret ou bien tout simplement une leçon de philosophie à propos des Vrais Maîtres de la Trame.
Je suis né dans le mois de Février d'une année oubliée il y a de cela plusieurs siècles, et ma naissance fût heureuse – Du moins ce que l'on m'en dit quelques années plus tard - ; J'étais l'héritier légitime d'une vieille famille aristocratique, propriétaire d'un domaine ancien et pour le moins étrange, si bien que les paysans et autres basses-gens de l'époque avaient pour habitude d'éviter d'emprunter ces chemins sinueux faits en une espèce de vieille brique de couleur pierre, qui passent encore aujourd'hui sous des arbres millénaires et distordus. Leur tronc et leurs branches ont toujours fasciné les peuplades qui couvrent les terres plus en aval de la colline, éveillant parfois des rumeurs et des histoires inquiétantes dans les auberges nocturnes éclairées d'une unique bougie. Il semblerait que les arbres soient vivants et de leurs visages sans yeux, peuvent regarder au tréfonds de l'âme d'un voyageur indésirable, se délectant de ses peurs et de ses cauchemars.
De ce fait, les environs de ma demeure étaient plutôt tranquilles ; Ancien château à l'apparence cauchemardesque mais au charme éthéré. Observons-le de plus près et trouvons-y trois étages succins dont le dernier semble orné de fenêtres jaunies par les âges. Bois sombre et vieille roche granitique sont là les principaux matériaux qui furent nécessaires à sa création il y a de cela bien des cycles – Ma famille elle-même ne compte plus le temps par généalogie, laissant ces vieux arbres couchés sur le papier au fin fond d'un tiroir poussiéreux -. Le manoir repose en équilibre solide sur le rebord d'une falaise à l'apparence grisâtre et osseuse, suspendu dans le vide grâce à une charpente experte reposant sur un système de contrepoids. Aussi, verrons-nous les différents nids d'oiseaux sauvages et plus particulièrement de chauve-souris infester le dessous de ces boiseries éternelles.
Ces derniers animaux ont toujours attiré ma sympathie, du fait de leur proximité avec ma personne depuis mon enfance, le Comté en étant véritablement envahi. Nous en retrouverons d'ailleurs dans les greniers et combles du château que nous explorerons plus à notre aise une fois que nous aurons pu passer outre le hall splendide et royal, baigné dans une lumière tamisée et austère, dont les murs sont véritablement couverts de différents portraits des ancêtres et fondateurs de ma lignée ancienne. Longez le grand escalier de bois et vous trouverez aux étages les pièces confortables, la battisse comprenant un bon nombre de chambres différentes ainsi que de pièces d'usage, de cuisines et de salons.
Ainsi, le décor semble installé, et le rideau peut se lever sur le principal acteur, joué par moi même dans cette trame étrange aux élans distordus. Je me nomme Lazared Murmure, et je suis actuellement en charge du rôle du patriarche des lieux et de ses occupants, famille et associés notoires. Il est dit que l'homme est assez maigre, pâle et au regard pernicieux, et je ne puis que laisser mon lecteur se faire l'idée de lui-même – Qui suis-je pour imposer une vision quelconque d'un être si banal d'apparence ? - ; Les gens qui m'entourèrent dans cette vie semblent en tous points mieux portants que moi-même, la description s'en fera plus tard, lors de leurs différentes apparitions qui ponctuèrent le fil de mon destin tout au long de mon existence.
Dernière édition par Lazared le Lun 21 Nov 2011, 04:23, édité 1 fois
Lazared
Re: Ambitions
I
J'ai dit que je vis le jour au sein des terres qui allaient devenir miennes par la suite ; Ma naissance fût désirée de mes géniteurs. Premier fils et héritier légitime d'une lignée rare et austère, je naquis donc un jour gris de février comme il y en a tant. Il serait mensonge de pouvoir prétendre retracer ma très jeune vie à cette époque, mes souvenirs n'étant qu'incertains en ce qui concerne les premiers jours de mon existence. Je fus rejoint rapidement par la naissance d'une soeur, de quelques mois ma cadette, que les maîtres de la famille nommèrent Oniella. De constitution faible, j'étais globalement moins bien portant que ma jeune soeur, et je dus passer les toutes premières années passées dans ce monde sous une surveillance médicale rigoureuse.
A cela j'entends quelques choses simples ; Des traitements à base de plantes et de médicaments, contrôles divers établis par quelques médecins à l'oeil torve. Je me souviens d'un, particulièrement vieux et laid. Il devait avoir un millénaire, et s'attachait à l'archaïsme qu'il appliquait à ses méthodes de soins. Apothicaire, très certainement, un métier austère qu'un enfant comme je le fus ne pouvait pas comprendre. Plutôt grand, les cheveux presque hirsutes, des lunettes à la semblance rondes et opaques qu'il ne quittait jamais masquaient son regard. Il avait une paire de lèvres affreuses pour lui servir de bouche, qui se contorsionnaient de manière atroce alors qu'il tentait de me rassurer à l'aide de quelques contines toutes droit récitées d'un autre âge. J'avais donc une peur bleue de cet homme dont j'ignorais le nom et qui pourtant était chargé de me maintenir en vie, ou du moins, dans une semblance vivante. Il semblait parfois se hasarder à d'étranges pratiques, en exerçant certaines pressions - bien précises - sur mon corps encore chétif et petit ; Je détestais cela, j'abhorrais son contact et ses mains me répugnent encore aujourd'hui, et je frissonne en écrivant ces quelques lignes.
Oniella était quand à elle vigoureuse et plein d'entrain dans les jeux - Tests magnifiquement camouflés par nos géniteurs - que lui proposaient ses premiers tuteurs. Ils avaient pour but de déceler, ou de dévelloper des potentiels cachés de la jeune fille ; à savoir son Q.I, sa logique, son adaptabilité. J'ai passé ces tests quelques temps avant ma soeur sans vraiment m'en appercevoir, et ce n'est que quand ce fut à son tour d'en être la victime que je me rendis compte de l'hypocrisie dont faisaient preuve les adultes nous entourant. On me fit mettre au secret, et je dus promettre de ne rien révéler de cet abus à ma chère soeur. Elle l'apprendra certainement en lisant ces lignes.
Nos géniteurs, père et mère n'étaient que peu présents lors de nos premières années ; aussi, je ne reviendrais les décrire que lorsqu'ils joueront un rôle plus important dans notre existence. En effet, il convient d'introduire la façon d'éduquer les jeunes Murmure depuis quelques cycles. Les parents, après la naissance de ou des enfants, s'écartent alors d'eux, relégant à des nourrices et à des tuteurs et précepteurs les bons soins de l'éducation fondamentale, ainsi que des soins et des usages. Nous avions donc au manoir un quartier réservé aux servants et aux employés de notre famille, à l'Est. Les maîtres et membres de la famille logeaient quant à eux dans l'Aile Ouest, et ne rendaient visite à leurs enfants qu'une à deux fois par semaine, dans lesquelles les convenances étaient de mise.
Aussi, un précepteur m'appris les langues, sciences, lettres, et arts, en premier lieu. Il se nommait Laos, et avait l'allure stricte et rigoureuse que l'on pouvait attendre de la part d'un homme de lettres. Il portait en général une chemise noire brodée d'or au niveau des manchettes, avec un veston de la même couleur. Noeud strict autour du cou, port impeccable, démarche rapide et droite, légèrement raide. Il possédait des cheveux roux, coupés courts, ramenés vers l'arrière à l'aide d'un noeud orné à la base de la nuque. Le visage légèrement éteint, il était plutôt bronzé et affichait une mine presque toujours austère. Le sieur Laos, à qui je dois un bon nombre de connaissances, ainsi que les bases de cette autobiographie.
On dit souvent que l'homme acquiert sa liberté en s'éduquant convenablement ; Il était donc normal que je reçoive des enseignements de rigueur. Mon précepteur a participé, les jours de la semaine, à m'apprendre la lecture, les mathématiques, les traditions et l'Histoire de notre pays. Il développa particulièrement mon écrit en me forçant à réciter et à recopier des pages entières de livres choisis par ses soins ; La plupart étaient de vieux manuscrits poussiéreux retrouvés dans quelqu'obscures bibliothèques oubliées de ce monde. Dès lors, j'étais confronté à ce nouveau monde mystérieux et indéchiffrable des livres anciens. La fin de semaine se déroulait en général à l'exterieur, seules véritables occasions pour moi de sortir du manoir. J'étais alors en âge de monter un cheval que l'on avait fait atteler pour moi. C'était un étalon noir et peu farouche, parfait pour un débutant cavalier comme je l'étais à ce moment là.
On m'accompagna souvent en promenade pendant ces deux jours de repos, et Laos m'iniciait à la langue de la nature, décrivant ça et là la faune et la flore des environs afin que je puisse me repérer en forêt seul, quand le temps viendrait. Je lui suis aujourd'hui reconnaissant. Il arrivait parfois que lors de ces chevauchées paisibles, nous croisions quelques gens de la plèbe. Des gens que je n'avais pour ainsi dire jamais vus. Le détail notable est qu'ils me saluaient tous, connaissaient mon nom, celui du jeune héritier des terres qui prendrait bientôt place aux côtés d'un père absent et désespérément lointain.
L'été envahissant depuis peu les terres de Nulle-part, la chaleur s'alourdissait légèrement, l'air prenant une dimension opaque, et je me faisais suivre depuis quelques mois par la fille de la gouvernante qui officiait comme apprentie servante de la famille. Elle était jeune, de deux ou trois ans mon aînée, et répondait au nom paisible de Aë-wind. Je crois que je l'appréciais sincèrement, car elle était la seule enfant à m'approcher sans froncer le sourcil. La jeune servante était en cela ma confidente et mon unique amie. Les enfants du village voisin avaient en effet pour habitude de me railler à propos de ma petite taille et de mes joues creuses, ce qui avait le don de perturber la jeune âme que j'étais ; Je venais alors me nicher dans les bras de la domestique pour lui conter mes malheurs, y puisant de nouvelles forces, revigorant les épaules sur quoi tant de choses pesaient déjà ; Le poids d'un avenir incertain.
Profitant d'un temps propice à l'effort physique, mon géniteur pris enfin la peine de passer un peu plus de temps à mon côté, ce qui se révéla assez désastreux dans un premier abord. Mais venons à faire la lumière sur un personnage qui était resté pour le moins distant et obscur jusqu'à présent. Père m'avait toujours paru hors de portée. Plutôt grand, athlétique, les traits sévères qui encadraient un visage strict et austère, il était le digne patriarche d'une lignée réservée de l'époque. La voix plutôt grave faisait écho lorsqu'il venait à prendre la parole, si bien que l'auditoire entier n'avait aucune difficulté à capter son attention sur l'homme. Comme tous les gens de ma famille, il avait en cela la peau très pâle et de longs cheveux blancs, qui lui arrivaient, je crois, jusqu'à mi-dos. Mais revenons au réel sujet de son apparition si soudaine ; Son objectif était de faire de moi un héritier digne et fort, de m'initier au combat armé ; Ce qui pouvaient nuancer la traditionnelle Noblesse de Robe de la famille par le maniement de l'épée.
Il tenta ainsi de m'inscrire aux arts des ombres et de l'estocade. La première séance se déroula lentement. En effet, il fallut m'apprendre à enfiler les fins autours de cuir que les meilleurs artisans du royaume venaient de me concevoir. Alors que l'on m'apportait un miroir, je pus toiser à ma grande et désagréable surprise l'apparence que l'on me donnait. Tout cela ne m'allait vraiment pas, ma silhouette n'en semblait que plus grotesque, et la petite épée d'entraînement fraichement forgée ne faisait que réhausser le niveau de la farce. Je rougis en baissant les yeux sur mes bottes de cuir sombre aux lacets étroitement tissés de fils d'or. Les premiers exercices furent autant ratés que les derniers. Je n'étais pas le jeune guerrier que souhaitait voir en moi mon géniteur. Une carrure trop faible pour une main trop maladroite à l'épée.
Oniella faisait quant à elle des progrès certains dans le domaine militaire - En effet, l'on ne faisait pas tant de distinction de genre dans ma famille au sujet des métiers de combat - et remportait les louanges du Père et de ses entraîneurs. Je ne récoltais que quelques âmères et fort douloureuses punitions, sans doute destinées à reveiller dans mon jeune et frêle corps un sentiment de rage qui ferait ressurgir une force cachée. Il n'en fut rien. Mes membres me faisaient souffrir et pour la première fois, j'eus l'envie de mourir. Je remercie ma tendre amie Aë-wind pour son soutient passé inconditionnel, encore aujourd'hui.
J'ai dit que je vis le jour au sein des terres qui allaient devenir miennes par la suite ; Ma naissance fût désirée de mes géniteurs. Premier fils et héritier légitime d'une lignée rare et austère, je naquis donc un jour gris de février comme il y en a tant. Il serait mensonge de pouvoir prétendre retracer ma très jeune vie à cette époque, mes souvenirs n'étant qu'incertains en ce qui concerne les premiers jours de mon existence. Je fus rejoint rapidement par la naissance d'une soeur, de quelques mois ma cadette, que les maîtres de la famille nommèrent Oniella. De constitution faible, j'étais globalement moins bien portant que ma jeune soeur, et je dus passer les toutes premières années passées dans ce monde sous une surveillance médicale rigoureuse.
A cela j'entends quelques choses simples ; Des traitements à base de plantes et de médicaments, contrôles divers établis par quelques médecins à l'oeil torve. Je me souviens d'un, particulièrement vieux et laid. Il devait avoir un millénaire, et s'attachait à l'archaïsme qu'il appliquait à ses méthodes de soins. Apothicaire, très certainement, un métier austère qu'un enfant comme je le fus ne pouvait pas comprendre. Plutôt grand, les cheveux presque hirsutes, des lunettes à la semblance rondes et opaques qu'il ne quittait jamais masquaient son regard. Il avait une paire de lèvres affreuses pour lui servir de bouche, qui se contorsionnaient de manière atroce alors qu'il tentait de me rassurer à l'aide de quelques contines toutes droit récitées d'un autre âge. J'avais donc une peur bleue de cet homme dont j'ignorais le nom et qui pourtant était chargé de me maintenir en vie, ou du moins, dans une semblance vivante. Il semblait parfois se hasarder à d'étranges pratiques, en exerçant certaines pressions - bien précises - sur mon corps encore chétif et petit ; Je détestais cela, j'abhorrais son contact et ses mains me répugnent encore aujourd'hui, et je frissonne en écrivant ces quelques lignes.
Oniella était quand à elle vigoureuse et plein d'entrain dans les jeux - Tests magnifiquement camouflés par nos géniteurs - que lui proposaient ses premiers tuteurs. Ils avaient pour but de déceler, ou de dévelloper des potentiels cachés de la jeune fille ; à savoir son Q.I, sa logique, son adaptabilité. J'ai passé ces tests quelques temps avant ma soeur sans vraiment m'en appercevoir, et ce n'est que quand ce fut à son tour d'en être la victime que je me rendis compte de l'hypocrisie dont faisaient preuve les adultes nous entourant. On me fit mettre au secret, et je dus promettre de ne rien révéler de cet abus à ma chère soeur. Elle l'apprendra certainement en lisant ces lignes.
Nos géniteurs, père et mère n'étaient que peu présents lors de nos premières années ; aussi, je ne reviendrais les décrire que lorsqu'ils joueront un rôle plus important dans notre existence. En effet, il convient d'introduire la façon d'éduquer les jeunes Murmure depuis quelques cycles. Les parents, après la naissance de ou des enfants, s'écartent alors d'eux, relégant à des nourrices et à des tuteurs et précepteurs les bons soins de l'éducation fondamentale, ainsi que des soins et des usages. Nous avions donc au manoir un quartier réservé aux servants et aux employés de notre famille, à l'Est. Les maîtres et membres de la famille logeaient quant à eux dans l'Aile Ouest, et ne rendaient visite à leurs enfants qu'une à deux fois par semaine, dans lesquelles les convenances étaient de mise.
Aussi, un précepteur m'appris les langues, sciences, lettres, et arts, en premier lieu. Il se nommait Laos, et avait l'allure stricte et rigoureuse que l'on pouvait attendre de la part d'un homme de lettres. Il portait en général une chemise noire brodée d'or au niveau des manchettes, avec un veston de la même couleur. Noeud strict autour du cou, port impeccable, démarche rapide et droite, légèrement raide. Il possédait des cheveux roux, coupés courts, ramenés vers l'arrière à l'aide d'un noeud orné à la base de la nuque. Le visage légèrement éteint, il était plutôt bronzé et affichait une mine presque toujours austère. Le sieur Laos, à qui je dois un bon nombre de connaissances, ainsi que les bases de cette autobiographie.
On dit souvent que l'homme acquiert sa liberté en s'éduquant convenablement ; Il était donc normal que je reçoive des enseignements de rigueur. Mon précepteur a participé, les jours de la semaine, à m'apprendre la lecture, les mathématiques, les traditions et l'Histoire de notre pays. Il développa particulièrement mon écrit en me forçant à réciter et à recopier des pages entières de livres choisis par ses soins ; La plupart étaient de vieux manuscrits poussiéreux retrouvés dans quelqu'obscures bibliothèques oubliées de ce monde. Dès lors, j'étais confronté à ce nouveau monde mystérieux et indéchiffrable des livres anciens. La fin de semaine se déroulait en général à l'exterieur, seules véritables occasions pour moi de sortir du manoir. J'étais alors en âge de monter un cheval que l'on avait fait atteler pour moi. C'était un étalon noir et peu farouche, parfait pour un débutant cavalier comme je l'étais à ce moment là.
On m'accompagna souvent en promenade pendant ces deux jours de repos, et Laos m'iniciait à la langue de la nature, décrivant ça et là la faune et la flore des environs afin que je puisse me repérer en forêt seul, quand le temps viendrait. Je lui suis aujourd'hui reconnaissant. Il arrivait parfois que lors de ces chevauchées paisibles, nous croisions quelques gens de la plèbe. Des gens que je n'avais pour ainsi dire jamais vus. Le détail notable est qu'ils me saluaient tous, connaissaient mon nom, celui du jeune héritier des terres qui prendrait bientôt place aux côtés d'un père absent et désespérément lointain.
L'été envahissant depuis peu les terres de Nulle-part, la chaleur s'alourdissait légèrement, l'air prenant une dimension opaque, et je me faisais suivre depuis quelques mois par la fille de la gouvernante qui officiait comme apprentie servante de la famille. Elle était jeune, de deux ou trois ans mon aînée, et répondait au nom paisible de Aë-wind. Je crois que je l'appréciais sincèrement, car elle était la seule enfant à m'approcher sans froncer le sourcil. La jeune servante était en cela ma confidente et mon unique amie. Les enfants du village voisin avaient en effet pour habitude de me railler à propos de ma petite taille et de mes joues creuses, ce qui avait le don de perturber la jeune âme que j'étais ; Je venais alors me nicher dans les bras de la domestique pour lui conter mes malheurs, y puisant de nouvelles forces, revigorant les épaules sur quoi tant de choses pesaient déjà ; Le poids d'un avenir incertain.
Profitant d'un temps propice à l'effort physique, mon géniteur pris enfin la peine de passer un peu plus de temps à mon côté, ce qui se révéla assez désastreux dans un premier abord. Mais venons à faire la lumière sur un personnage qui était resté pour le moins distant et obscur jusqu'à présent. Père m'avait toujours paru hors de portée. Plutôt grand, athlétique, les traits sévères qui encadraient un visage strict et austère, il était le digne patriarche d'une lignée réservée de l'époque. La voix plutôt grave faisait écho lorsqu'il venait à prendre la parole, si bien que l'auditoire entier n'avait aucune difficulté à capter son attention sur l'homme. Comme tous les gens de ma famille, il avait en cela la peau très pâle et de longs cheveux blancs, qui lui arrivaient, je crois, jusqu'à mi-dos. Mais revenons au réel sujet de son apparition si soudaine ; Son objectif était de faire de moi un héritier digne et fort, de m'initier au combat armé ; Ce qui pouvaient nuancer la traditionnelle Noblesse de Robe de la famille par le maniement de l'épée.
Il tenta ainsi de m'inscrire aux arts des ombres et de l'estocade. La première séance se déroula lentement. En effet, il fallut m'apprendre à enfiler les fins autours de cuir que les meilleurs artisans du royaume venaient de me concevoir. Alors que l'on m'apportait un miroir, je pus toiser à ma grande et désagréable surprise l'apparence que l'on me donnait. Tout cela ne m'allait vraiment pas, ma silhouette n'en semblait que plus grotesque, et la petite épée d'entraînement fraichement forgée ne faisait que réhausser le niveau de la farce. Je rougis en baissant les yeux sur mes bottes de cuir sombre aux lacets étroitement tissés de fils d'or. Les premiers exercices furent autant ratés que les derniers. Je n'étais pas le jeune guerrier que souhaitait voir en moi mon géniteur. Une carrure trop faible pour une main trop maladroite à l'épée.
Oniella faisait quant à elle des progrès certains dans le domaine militaire - En effet, l'on ne faisait pas tant de distinction de genre dans ma famille au sujet des métiers de combat - et remportait les louanges du Père et de ses entraîneurs. Je ne récoltais que quelques âmères et fort douloureuses punitions, sans doute destinées à reveiller dans mon jeune et frêle corps un sentiment de rage qui ferait ressurgir une force cachée. Il n'en fut rien. Mes membres me faisaient souffrir et pour la première fois, j'eus l'envie de mourir. Je remercie ma tendre amie Aë-wind pour son soutient passé inconditionnel, encore aujourd'hui.
Lazared
Re: Ambitions
II
Plus tôt dans mon récit, j'ai assuré au lecteur que j'essaierais de me dévoiler sans pour autant faire l'impasse sur les tragédies et les mauvaises tournures de mon existence. Aussi, je viens à m'excuser des quelques détails que sans doutes j'omets, ma mémoire de cette époque ne s'en trouvant pas tout à fait exacte et précise. Ainsi, reprenons donc le cours de l'histoire que je tentais de vous rapporter.
Les années passant, mon corps se dévellopa pour finalement atteindre la taille de mes pairs, c'est à dire, raisonablement haute. C'est arrivé très vite et dans une période assez courte, si bien que je me retrouvais bientôt à changer de garde-robe, délaissant les autours enfantins et simplets pour revêtir quelques vêtements plus sophistiqués et élaborés. Bien que désormais égal en taille avec les autres jeunes hommes et demoiselles, je ne pus jamais me sentir tout à fait des leurs. Ils avaient leurs jeux, j'avais mon ennui ; Ils avaient leurs amis, j'avais ma solitude ; Ils avaient leurs joies et j'avais mes malheurs. Peut-être me dresse-je en un étendard de tristesse mais je me dois de formuler le fait que je n'ai jamais eu confiance en moi. C'est là un masque dont je m'affuble, si réaliste que les gens viendraient sans doute à penser qu'il est véritable.
Ainsi donc, mes basses études avancaient en suivant le cours normal des évènements : J'avais appris à parler plusieurs langues en prose, les mathématiques et la philosophie, un peu de sciences naturelles et je montais désormais globalement bien sur un cheval du fait de la croissance soudaine de mes jambes. Dans mes promenades que je faisais désormais seul - Mes géniteurs m'accordaient assez de confiance pour cela, s'assurant tout de même que je pris une dague et un fourreau avec moi -, je vagabondais avec zèle dans les recoins du comté jusqu'alors inconnus de moi. Il arrivait parfois que je croise quelques jeunes gens de mon âge, paysans et ruraux locaux. Ceux-ci me dévisageaient toujours étrangement et je pus surprendre parfois une ou deux demoiselles en devenir éclater d'un rire clair quand mon regard croisait le leur. Etais-je si laid et repoussant, victime d'une malédiction familiale et séculaire ? Cela me véxait toujours beaucoup, à chaque fois.
Lors de l'une de mes promenades équestres, qui se déroulait cette fois-ci un Dimanche d'Octobre, je décidais de me rendre plus loin que toutes les autres fois ; Dépassant les simples villages et clairières que je connaissais pas coeur, ma jeune âme aventurière avait soif d'inconnu. Il faut savoir qu'au fin fond du comté se trouvait un bois ancien et étrange, que les locaux surnommaient froidement le "Sombre-Bois". En effet, ce dernier était pourvu d'arbres d'un noir dérangeant, sans même que ce soit de l'ébène ; Leurs branches s'étiraient vers les nuages dans des convulsions tentaculaires et spasmodiques, et leurs racines étaient affreusement déformées, ce qui était la cause des rumeurs autochtones. Celles-ci mentionnaient parfois la présence, au centre du Sombre-Bois, d'un arbre plus ancien et plus grand que les autres, dont les entrailles néfastes et nauséabondes abritaient une Bête monstrueuse. Il arrivait que les plus anciens mettent un nom et une forme à cet Être bestial, qu'ils qualifiaient de Bouc Noir à sept yeux, qui observent en silence les gens du dehors. Je n'avais, à l'époque, accordé de crédit à ces racontards plébéiens.
Arrivant donc à l'orée de la Forêt noire, je mis pied à terre pour en observer les arbres. C'étaient en cela des arbres plutôt ordinaires, mais, pour peu qu'on les fixa trop longtemps et avec trop d'assiduité, il en ressortait une semblance d'un visage presque humanoïde qui avait le don de faire couler des sueurs froides jusque dans le bas du dos. Je détournais rapidement les yeux avant d'observer plus en détails ce qui m'entourait. L'herbe frémissait sous mes pieds et il était assez désagréable de se faire balayer le visage par un vent croissant. Je cherchais donc l'abri d'un vieux chêne qui était paisiblement planté non-loin ; Epais, il offrait une bonne barrière contre la brise. J'attachais donc le cheval pour me livrer par la suite à des songes étranges et distordus, assis au pied de l'arbre durant de longues secondes, minutes, heures - Je ne saurais donner d'unité temporelle à cet instant qui semblâ durer des éternités. Aussi, je me perdais dans les lymbes d'un demi-sommeil à l'ombre du chêne centenaire, dont les reflets distordus de visages connus et invisibles, d'épées brisées et de chevaux morts, de boucs aux yeux innombrables.
Je fus interrompu dans ma rêverie par le bruissement suspect de branches et de feuillages dans mon dos, assez proche. Alerté et déjà effrayé, le jeune homme que j'étais posa sa main sur la garde de son coutelas enfourreauté, tremblant jusqu'aux os. Etait-ce un de ces paysans fous à l'allure idiote qui allait, comme dans les vieux contes que j'avais pu lire chez mon vieux précepteur, me dévorer et offrir les restes à une de ses divinités païennes ? Etait-ce un loup ou bien un lynx qui s'était égaré de sa meute ? Etait-ce la fin ? Je pris la décision, d'une voix tremblante, de sommer l'être qui hantait l'ombre du chêne de se nommer et de m'assurer de ses bonnes intentions. A cela je pus entendre quelques rires, enfantins. Soulagé et honteux d'avoir eu peur de simples enfants, rejetons des autochtones et locaux, je décidais de me lever en essayant de dissiper le rouge de mes joues afin de me présenter à eux.
Ils sortirent alors de l'ombre qui les camouflait, se dévoilant alors comme étant trois charmants et non moins douteux bambins. Des mâles, tous ; Les deux premiers étaient d'environ dix centimètres de moins que moi-même, tandisque le troisième me dépassait d'une tête, certainement plus vieux. Ils souriaient et on pouvait leur deviner les sourcils légèrement froncés. Je pouvais reconnaître ainsi trois des nombreux enfants qui me calomniaient déjà alors que je passais dans la contrée à dos de cheval, les fils de familles modestes et humbles, critères qu'ils ne semblaient pas partager malgré leurs jeunes âges. Ils continuaient de rire en me laissant muet. Je n'ai jamais su réagir correctement en face d'un auditoire, et même alors que je rédige ces quelques lignes, je ne pense que j'aurais pensé différement à l'époque, et conscient de ce qui allait m'arriver par la suite.
Ces trois gredins en effet n'étaient pas bien intentionnés à mon égard. J'étais pour eux un souillon, une progéniture démoniaque d'une lignée honteuse et le plus grand décida que la chose la plus utile à faire fut de me briser à de multiples reprises contre le tronc de l'arbre. Ils ne laissèrent de moi qu'un corps mutilé et détruit. Face contre terre, je n'avais plus conscience de mes membres, et je ne pouvais plus me mouvoir correctement. Etait-ce ainsi de mourir, finalement ? Cela semblait bien plus douloureux que lorsque que je l'avais pour la première fois souhaité, il y a quelques temps de cela. Le sang obstruait mes pensées en m'empéchant de raisonner clairement, et mon esprit se perdait peu à peu dans l'inconscience.
Que penser de tout cela ? J'étais si faible que le fils d'un militaire reconnu de son pays ne put se défendre face à trois déliquants qui n'avaient même pas connaissance de ce qu'étaient la botte et l'estocade. Cet évènement fit naître en moi ce désir de vengeance et de ne plus me laisser aller par des tiers. Il fallait que je sois fort et que le monde - ou du moins le comté - reconnaisse ma valeur, ma force. Ma force. Je n'en avais pas, et je pris la décision de reprendre l'entraînement dirigé par Père quelques mois auparavant. Je devais rétablir l'équilibre des choses.
Ainsi, je m'éveillais quelques jours plus tard dans mon propre lit. Ma bouche et ma gorge étaient sèches et j'avais assez mal au crâne. Je me redressais douloureusement dans mon lit, réalisant que mes bras et mon torse étaient bandés. Ma tête pivota sur le côté pour observer une pièce vide, ma chambre. Il n'y avait personne si ce n'est la gouvernante, mère de ma chère et seule amie. Lorsqu'elle ouvrit les yeux - sans doute à cause de l'un de mes grognements douloureux -, elle fit venir à mon chevet quelques proches. En cela je pouvais noter mes deux parents, la jeune servante, mon oncle ainsi que son fils, Elssar, mon cousin. C'était un enfant bien plus jeune que moi. Il appartenait comme ses parents à la branche secondaire de ma famille, qui avait pour tâche de protéger la branche principale dont j'étais l'héritier. J'y reviendrais plus en détails plus tardivement. Oniella était également présente dans son armure sur mesures. Ils portaient tous un oeil torve vers moi. Je notais également, près de mon père, une personne qui m'était inconnue. C'était un très jeune adulte, plus pâle encore que moi. Celui-ci me fixait dans les yeux, sans mot dire, ce qui avait le don de me mettre mal à l'aise. Et bien qu'il ne fut encore qu'un jeune homme, l'abysse de son regard et son visage fermé me disaient qu'il était déjà très fort. Avez-vous déjà eu, lecteur, l'impresion que vous vous trouvez en face d'un homme qui embrassera tôt ou tard un destin grandiose ? Il partit le premier de la chambre, dans une éfluve de longs cheveux noirs aux reflets bleus sombres. Père m'indiqua alors qu'il s'agissait du fils, nouvel orphelin d'un des amis de la famille. Il était plus vieux et déjà bien fait. Son nom était Leon'thara, et il me paraissait déjà plus fort, ou du moins posséder un plus grand potentiel que toutes les personnes que j'avais jadis rencontré.
Lorsque je fus de nouveau capable de me mouvoir sans trop de difficultés, je suppliais mon géniteur de reprendre à nouveau les exercices à l'épée. Dans un premier instant il refusa, prenant comme prétexte celui de mes anciennes et toujours omniprésentes faiblesses. Mais dans son regard je pus déceler, en un éclair fugace, ce qui semblait être comme, pour la première fois, de la fierté. C'était la même étincelle éphémère que lorsque les maîtres d'armes de ma jeune soeur venaient auprès de Père pour en vanter les mérites martiaux. Il me découvrait insistant dans le domaine où j'avais le plus échoué jusqu'à aujourd'hui. Aussi, après quelques nouvelles demandes de ma part, il finit par céder, et, en un mot, je pouvais me vanter d'avoir fait le plus dur. Nous reprimes l'entraînement avec assiduité, et je me démenais pour le poursuivre durant quatre longues années, que je passais également à étudier plus en profondeur, les matières littéraires, en particulier les vieux écrits, les arts et le piano, dont je pense maitriser les plus bas accords sans trop de difficultés aujourd'hui.
Plus tôt dans mon récit, j'ai assuré au lecteur que j'essaierais de me dévoiler sans pour autant faire l'impasse sur les tragédies et les mauvaises tournures de mon existence. Aussi, je viens à m'excuser des quelques détails que sans doutes j'omets, ma mémoire de cette époque ne s'en trouvant pas tout à fait exacte et précise. Ainsi, reprenons donc le cours de l'histoire que je tentais de vous rapporter.
Les années passant, mon corps se dévellopa pour finalement atteindre la taille de mes pairs, c'est à dire, raisonablement haute. C'est arrivé très vite et dans une période assez courte, si bien que je me retrouvais bientôt à changer de garde-robe, délaissant les autours enfantins et simplets pour revêtir quelques vêtements plus sophistiqués et élaborés. Bien que désormais égal en taille avec les autres jeunes hommes et demoiselles, je ne pus jamais me sentir tout à fait des leurs. Ils avaient leurs jeux, j'avais mon ennui ; Ils avaient leurs amis, j'avais ma solitude ; Ils avaient leurs joies et j'avais mes malheurs. Peut-être me dresse-je en un étendard de tristesse mais je me dois de formuler le fait que je n'ai jamais eu confiance en moi. C'est là un masque dont je m'affuble, si réaliste que les gens viendraient sans doute à penser qu'il est véritable.
Ainsi donc, mes basses études avancaient en suivant le cours normal des évènements : J'avais appris à parler plusieurs langues en prose, les mathématiques et la philosophie, un peu de sciences naturelles et je montais désormais globalement bien sur un cheval du fait de la croissance soudaine de mes jambes. Dans mes promenades que je faisais désormais seul - Mes géniteurs m'accordaient assez de confiance pour cela, s'assurant tout de même que je pris une dague et un fourreau avec moi -, je vagabondais avec zèle dans les recoins du comté jusqu'alors inconnus de moi. Il arrivait parfois que je croise quelques jeunes gens de mon âge, paysans et ruraux locaux. Ceux-ci me dévisageaient toujours étrangement et je pus surprendre parfois une ou deux demoiselles en devenir éclater d'un rire clair quand mon regard croisait le leur. Etais-je si laid et repoussant, victime d'une malédiction familiale et séculaire ? Cela me véxait toujours beaucoup, à chaque fois.
Lors de l'une de mes promenades équestres, qui se déroulait cette fois-ci un Dimanche d'Octobre, je décidais de me rendre plus loin que toutes les autres fois ; Dépassant les simples villages et clairières que je connaissais pas coeur, ma jeune âme aventurière avait soif d'inconnu. Il faut savoir qu'au fin fond du comté se trouvait un bois ancien et étrange, que les locaux surnommaient froidement le "Sombre-Bois". En effet, ce dernier était pourvu d'arbres d'un noir dérangeant, sans même que ce soit de l'ébène ; Leurs branches s'étiraient vers les nuages dans des convulsions tentaculaires et spasmodiques, et leurs racines étaient affreusement déformées, ce qui était la cause des rumeurs autochtones. Celles-ci mentionnaient parfois la présence, au centre du Sombre-Bois, d'un arbre plus ancien et plus grand que les autres, dont les entrailles néfastes et nauséabondes abritaient une Bête monstrueuse. Il arrivait que les plus anciens mettent un nom et une forme à cet Être bestial, qu'ils qualifiaient de Bouc Noir à sept yeux, qui observent en silence les gens du dehors. Je n'avais, à l'époque, accordé de crédit à ces racontards plébéiens.
Arrivant donc à l'orée de la Forêt noire, je mis pied à terre pour en observer les arbres. C'étaient en cela des arbres plutôt ordinaires, mais, pour peu qu'on les fixa trop longtemps et avec trop d'assiduité, il en ressortait une semblance d'un visage presque humanoïde qui avait le don de faire couler des sueurs froides jusque dans le bas du dos. Je détournais rapidement les yeux avant d'observer plus en détails ce qui m'entourait. L'herbe frémissait sous mes pieds et il était assez désagréable de se faire balayer le visage par un vent croissant. Je cherchais donc l'abri d'un vieux chêne qui était paisiblement planté non-loin ; Epais, il offrait une bonne barrière contre la brise. J'attachais donc le cheval pour me livrer par la suite à des songes étranges et distordus, assis au pied de l'arbre durant de longues secondes, minutes, heures - Je ne saurais donner d'unité temporelle à cet instant qui semblâ durer des éternités. Aussi, je me perdais dans les lymbes d'un demi-sommeil à l'ombre du chêne centenaire, dont les reflets distordus de visages connus et invisibles, d'épées brisées et de chevaux morts, de boucs aux yeux innombrables.
Je fus interrompu dans ma rêverie par le bruissement suspect de branches et de feuillages dans mon dos, assez proche. Alerté et déjà effrayé, le jeune homme que j'étais posa sa main sur la garde de son coutelas enfourreauté, tremblant jusqu'aux os. Etait-ce un de ces paysans fous à l'allure idiote qui allait, comme dans les vieux contes que j'avais pu lire chez mon vieux précepteur, me dévorer et offrir les restes à une de ses divinités païennes ? Etait-ce un loup ou bien un lynx qui s'était égaré de sa meute ? Etait-ce la fin ? Je pris la décision, d'une voix tremblante, de sommer l'être qui hantait l'ombre du chêne de se nommer et de m'assurer de ses bonnes intentions. A cela je pus entendre quelques rires, enfantins. Soulagé et honteux d'avoir eu peur de simples enfants, rejetons des autochtones et locaux, je décidais de me lever en essayant de dissiper le rouge de mes joues afin de me présenter à eux.
Ils sortirent alors de l'ombre qui les camouflait, se dévoilant alors comme étant trois charmants et non moins douteux bambins. Des mâles, tous ; Les deux premiers étaient d'environ dix centimètres de moins que moi-même, tandisque le troisième me dépassait d'une tête, certainement plus vieux. Ils souriaient et on pouvait leur deviner les sourcils légèrement froncés. Je pouvais reconnaître ainsi trois des nombreux enfants qui me calomniaient déjà alors que je passais dans la contrée à dos de cheval, les fils de familles modestes et humbles, critères qu'ils ne semblaient pas partager malgré leurs jeunes âges. Ils continuaient de rire en me laissant muet. Je n'ai jamais su réagir correctement en face d'un auditoire, et même alors que je rédige ces quelques lignes, je ne pense que j'aurais pensé différement à l'époque, et conscient de ce qui allait m'arriver par la suite.
Ces trois gredins en effet n'étaient pas bien intentionnés à mon égard. J'étais pour eux un souillon, une progéniture démoniaque d'une lignée honteuse et le plus grand décida que la chose la plus utile à faire fut de me briser à de multiples reprises contre le tronc de l'arbre. Ils ne laissèrent de moi qu'un corps mutilé et détruit. Face contre terre, je n'avais plus conscience de mes membres, et je ne pouvais plus me mouvoir correctement. Etait-ce ainsi de mourir, finalement ? Cela semblait bien plus douloureux que lorsque que je l'avais pour la première fois souhaité, il y a quelques temps de cela. Le sang obstruait mes pensées en m'empéchant de raisonner clairement, et mon esprit se perdait peu à peu dans l'inconscience.
Que penser de tout cela ? J'étais si faible que le fils d'un militaire reconnu de son pays ne put se défendre face à trois déliquants qui n'avaient même pas connaissance de ce qu'étaient la botte et l'estocade. Cet évènement fit naître en moi ce désir de vengeance et de ne plus me laisser aller par des tiers. Il fallait que je sois fort et que le monde - ou du moins le comté - reconnaisse ma valeur, ma force. Ma force. Je n'en avais pas, et je pris la décision de reprendre l'entraînement dirigé par Père quelques mois auparavant. Je devais rétablir l'équilibre des choses.
Ainsi, je m'éveillais quelques jours plus tard dans mon propre lit. Ma bouche et ma gorge étaient sèches et j'avais assez mal au crâne. Je me redressais douloureusement dans mon lit, réalisant que mes bras et mon torse étaient bandés. Ma tête pivota sur le côté pour observer une pièce vide, ma chambre. Il n'y avait personne si ce n'est la gouvernante, mère de ma chère et seule amie. Lorsqu'elle ouvrit les yeux - sans doute à cause de l'un de mes grognements douloureux -, elle fit venir à mon chevet quelques proches. En cela je pouvais noter mes deux parents, la jeune servante, mon oncle ainsi que son fils, Elssar, mon cousin. C'était un enfant bien plus jeune que moi. Il appartenait comme ses parents à la branche secondaire de ma famille, qui avait pour tâche de protéger la branche principale dont j'étais l'héritier. J'y reviendrais plus en détails plus tardivement. Oniella était également présente dans son armure sur mesures. Ils portaient tous un oeil torve vers moi. Je notais également, près de mon père, une personne qui m'était inconnue. C'était un très jeune adulte, plus pâle encore que moi. Celui-ci me fixait dans les yeux, sans mot dire, ce qui avait le don de me mettre mal à l'aise. Et bien qu'il ne fut encore qu'un jeune homme, l'abysse de son regard et son visage fermé me disaient qu'il était déjà très fort. Avez-vous déjà eu, lecteur, l'impresion que vous vous trouvez en face d'un homme qui embrassera tôt ou tard un destin grandiose ? Il partit le premier de la chambre, dans une éfluve de longs cheveux noirs aux reflets bleus sombres. Père m'indiqua alors qu'il s'agissait du fils, nouvel orphelin d'un des amis de la famille. Il était plus vieux et déjà bien fait. Son nom était Leon'thara, et il me paraissait déjà plus fort, ou du moins posséder un plus grand potentiel que toutes les personnes que j'avais jadis rencontré.
Lorsque je fus de nouveau capable de me mouvoir sans trop de difficultés, je suppliais mon géniteur de reprendre à nouveau les exercices à l'épée. Dans un premier instant il refusa, prenant comme prétexte celui de mes anciennes et toujours omniprésentes faiblesses. Mais dans son regard je pus déceler, en un éclair fugace, ce qui semblait être comme, pour la première fois, de la fierté. C'était la même étincelle éphémère que lorsque les maîtres d'armes de ma jeune soeur venaient auprès de Père pour en vanter les mérites martiaux. Il me découvrait insistant dans le domaine où j'avais le plus échoué jusqu'à aujourd'hui. Aussi, après quelques nouvelles demandes de ma part, il finit par céder, et, en un mot, je pouvais me vanter d'avoir fait le plus dur. Nous reprimes l'entraînement avec assiduité, et je me démenais pour le poursuivre durant quatre longues années, que je passais également à étudier plus en profondeur, les matières littéraires, en particulier les vieux écrits, les arts et le piano, dont je pense maitriser les plus bas accords sans trop de difficultés aujourd'hui.
Lazared
Re: Ambitions
III
Les évènements qui suivirent cette renaissance du jeune comte marqueront ses choix concernant l'avenir, son interprétation du présent. En effet, les actes qui tendent à se coucher sur le papier dans le futur proche sont primordiaux et je pries mon lecteur de bien les garder à l'esprit lors de la suite de cet ouvrage. Je recommande donc à ce dernier de bien vouloir me pardonner d'offrir en une ardente débacle ce qui peut s'avérer comme des faits tragiques pour certains. Précisons alors que je ne me suis jamais pardonné, et que ces longues secondes hantent encore mon esprit, bien des siècles plus tard.
C'était un matin que tous auraient pu penser comme les autres. Je me levais avec douceur de ma couche pour me laver brièvement et m'habiller devant le miroir de mes appartements, découvrant dans le reflet roussi de la glace le jeune homme que j'étais devenu ; Grand, j'étais passé de la maigreur à la finesse, les muscles s'étant dessinés par dessus les os. Mon visage s'était légèrement renfermé. Comme depuis toujours, je parlais peu - Sauf en compagnie de ma très chère amie Aë-wind, qui était, depuis ce temps, devenue une jeune femme resplendissante. Plutôt grande, elle était tout le contraire de sa mère et, à l'instar de moi même, plutôt fine, ce qui contrebalançait avec les critères de beauté que nous trouvions habituellement au sein de ma famille. Je lui parlais donc, disais-je plus haut, mais pas que ; Nous avions également dévellopé, durant tout ce temps passé ensemble, d'étranges affinités. Si je ne m'étends pas dessus, pardonne moi lecteur, mais quand l'on est un héritier de famille traditionnelle et que notre fougue jeune nous entraîne en cachette contre les hanches d'une servante de deux ans notre aînée, il n'y a ici plus aucun respect des convenances.
Mon géniteur, ce matin-ci, m'attendait dans la petite salle d'entraînement - Que nous avions installée dans un coin de l'armurerie du manoir. Elle possédait de nombreux outils afin de faciliter l'exercice, mannequins et armes -, comme tous les jours depuis des mois, années, pour les étirements matinaux. Mais, contrairement à toutes les aubes ordinaires, il ne me vit pas passer le seuil de la porte de l'armurerie dans une légère armure de cuir destinée à n'entrâver en rien le mouvement. Ce jour là, j'ai pris la décision de prendre un autre chemin, celui du destin. Je me sentais assez à l'aise et fort pour enfin en finir avec ce qui m'avait poussé près de quatre ans plus tôt à emprunter la voie des armes et du combat. Je n'avais pas oublié leurs visages. Ceux de trois brigands de bas-âges et de basse condition qui, par un jour d'Automne, avaient décidé de faire un exemple pour tous les autres nobles des environs ; Il fallait refaire pencher la balance. Ainsi, je m'aventurais dans les contrées qui un soir m'avaient vu joncher le sol, sanglant et épuisé, afin d'y retrouver les trois criminels. C'est ce que je fis, les débusquant un à un, et, mettant à profit les armes que mon géniteur m'avait offert plus tôt, et les fruits de son entraînement intensif, en leur faisant connaître un sort plus brutal et plus injuste que celui qu'ils m'infligèrent quelques saisons plus tôt. Les deux plus jeunes fûrent retrouvés en sale état, sans le poul ; L'un dans un grenier public d'un village voisin, l'autre, dont la dépouille gisait près d'un arbre, effraya deux paysans plébeiens des environs. Le troisième, le chef d'orchestre de ce drame passé, n'eût pas le courage d'assumer ses actes et préféra rejoindre les flots en sautant du haut d'une falaise. C'était mon premier rapport à la mort, et j'en étais profondément perturbé.
Perturbé, dis-je, en effet. Il ne faut pas que, cher lecteur, tu penses de moi que j'accomplis cette triste tâche de sang froid. Il fallut me raisonner à plusieurs reprises, rassembler mon courage maintes fois. Ne pas trembler, tenir le coutelas. Je ne reviendrais pas sur les détails sanglants et sordides de ces trois malheureux décès, et je laisses mon lecteur libre de prendre tout cela comme il le souhaite. Aussi, continuerais-je mon récit, en essayant de garder la neutralité dont je l'entretiens depuis son commencement.
A la suite de cet évènements, les soupçons paysans furent dirigés vers ma famille. Naturellement, la peur ancestrale des miens y était pour quelque chose. Des histoires distordues et farfelues virent alors le jour parmis les tavernes du bas-peuple. Je n'en citerais qu'une, de peur de me détourner de mon sujet ; Il était question que ma lignée pseudo-démoniaque dépende du sang des vivants. Que nous soyions des sortes de chimères étranges et mortes-vivantes, tuant des enfants dans les bois pour nourir quelques obscurs rituels païens et sanglants. Foutaises, bien sûr, cela ne concordait en rien avec ce qui c'était passé par un matin froid et venteux. Les rumeurs étaient si fortes et prenaient tellement d'ampleur que ma famille commenca rapidement à se diviser. Certains étaient en effet assez fous pour avoir comis ces crimes, et d'autres voulaient se protéger à tout prix. A mon grand drâme, j'avais ouvert la boîte de Pandore à l'encontre de ma famille ; En effet, les moins conservateurs s'enfuirent en des terres encore plus reculées de Quel'thalas, et la famille fût presque dissoute. Il n'en resta, en fait, que deux minces branches : La lignée principale, la mienne, et la branche secondaire, dont Elssar était le dernier né. Ainsi donc, c'est avec très peu de membres vivants et disponibles que les Murmures durent tenter de survivre et d'exister.
Car, quand on descend d'une noblesse aussi tournée vers le commerce, il convient de se rendre souvent dans des salons, organisés dans des appartements de la capitale, Lune d'Argent, par les familles et membres influents, désireux de se montrer et de prendre des contacts avec des riches investisseurs. Ainsi, mon géniteur me fît envoyer, peu de temps avant l'âge adulte, à l'une de ces réunions nobliardes sans interêt. Ma famille s'était toujours défendue d'y aller, car connaissait une certaine prospérité loin de toute mondanité. Père avait donc trouvé judicieux de m'y envoyer, afin de faire connaître le jeune héritier d'une famille qui, aux yeux du public, ne devait avoir absolument rien perdu de sa grandeur et de sa force d'antan. Ainsi donc, je me rendis en la capitale du pays pour une durée de trois jours. L'enfance me quittait doucement et je pus donc m'y rendre seul, ou du moins, sans précepteurs pour me superviser. J'emportais avec moi une grande tenue d'apparât, austère et droite, caractéristiques de ma lignée ; Elle était composée d'un long manteau noir, d'un pantalon simple et brodé de fils d'or, un bustier élégant pour maintenir une chemise dont le col était solidement retenu par un noeud sombre et fin. Je fis venir à ma suite ma servante personnelle et depuis peu intime.
Nous primes nos quartiers dans une sorte d'hôtel luxueux et fascinant, situé entre l'Allée du Meurtre et la Cour du Soleil. Les appartements étaient simples quoiqu'enjolivés ; La grande chambre pour moi et une simple couche pour la servante. Nous avions à disposition un petit salon, quelques meubles d'excellentes factures, et une salle de bain. Tout était très lumineux, mêlant l'or et le rouge clair, le blanc en excès. Cela me changeait du comté sombre et gris, morne. La première soirée, où nous arrivames n'était pas destinée à la sortie, aussi, je préfèrais prendre un repas frugal et rapide avant de me consacrer à ma servante. Ici, il n'y avait personne pour nous observer, et l'on peut sous-entendre que sa simple couche ne fût pas, des trois jours que nous passions sur place, utilisée.
Le lendemain nous tâchions de ne pas nous lever trop tardivement, bien que l'envie soit grande ; Il est rare pour une servante et un héritier de longues et lourdes tâches de se priver d'une matinée plus longue que les autres ; à cela j'entends le fait de se lever à l'aube qu'importe la saison. Le Salon avait lieu en début de soirée, aussi, nous nous préparions brièvement en fin de matinée - Habillage et repas - avant de descendre sur la ville dans laquelle nous allions passer ce début d'après-midi ensoleillé. J'y voyais beaucoup de gens, des gens qui ne savaient pas qui j'étais, à qui je pouvais me présenter comme je l'entendais. Nous avons fait le tour de la cité avec lenteur, savourant chacune des surprises que nous découvriions, au travers des rues, des places, des magasins. J'autorisais mon amie à se séparer de moi un instant pour qu'elle profite de l'occasion afin de s'acheter un ou deux souvenir, à l'aide d'une pièce d'or que je lui donnais. Le jour défilait et bientôt, l'heure de ce prestigieux rendez-vous rompit le calme de l'après-midi. Nous nous rendions donc au lieu dit, et, en compagnie des autres invités arrivés les plus en avance, étions priés de patienter jusqu'à l'heure pile dans une antichambre austère et légèrement repliée sur elle-même. J'observais les invités ; Beaucoup de rouge, d'or et d'argent. Peu de noir et de blanc. Ils étaient tous vêtus de longues robes et manteaux richements décorés, ce qui contrastait avec l'idée que je m'en faisais, et je me retrouvais au centre de regards entrecroisés, curiosité malsaine et légèrement vicieuse. J'étais également le seul héritier accompagné de sa servante, les autres seigneurs avaient préféré congédier les leurs pour l'occasion. J'espérais peut-être y retrouver l'inconnu dont, pourtant, je n'ignorais pas le nom. Leon'thara s'y trouverait peut-être, me dis-je à cet instant, du fait qu'il soit légitimement le patriarche de sa famille presque éteinte.
Il n'en fut hélas rien, et je ne retrouvais pas cet homme muet que je soupçonnais de croiser. L'horloge imposante sonna finalement l'heure exacte, et les portes s'ouvrirent derrière les mains de deux serviteurs parfaitement ordonnés, pour finalement laisser les invités pénétrer dans le grand salon principal. Orné de quelques miroirs et de beaucoup de tableaux, il était assez beau, une cheminée, des fauteuils. Notre hôte prit alors la parole afin de s'introduire, et laissa ensuite les "festivités" débuter. Plusieurs employés défilaient entre les masses d'invités qui commencèrent rapidement à cogiter sur les affaires habituelles - Commerce et Arts -, chargés de les approvisionner en vin et en petits biscuits préparés pour l'occasion dans les cuisines que l'on devinait vastes, de la Maison. J'attirais, sans le vouloir, l'attention de mes hôtes. Certains me regardaient avec une moue qui en disait long sur leur surprise de voir un jeune à leur table, et je n'osais, hélas trois fois hélas, pas trop aborder l'inconnu. C'est donc ce dernier qui vint à moi sous la forme d'une paire de seigneurs, plutôt gras. Ils me posèrent les questions d'usage et je pus finalement, tout au long de la soirée, rester à leur désagréable côté en étudiant leurs mimiques grotesques et celles de leurs amis vers lesquelles ils me conduirent. J'introduisais ma famille, ses buts, et en ressorti plutôt satisfait dans l'ensemble. Je remarquais qu'Aë-wind restait souvent en retrait, à regarder ses chaussures, bien que je pus surprendre un de ses regards qui me détaillait un peu trop longuement.
Ainsi donc, cette soirée restera dans l'Histoire comme celle ayant introduit Lazared Murmure à la vie Mondaine, sous l'égide d'une famille absente. Le troisième jour fut passé, quant à lui, à flâner dans les rues de la capitale une dernière fois avant de faire le chemin du retour en direction du manoir, à dos de cheval.
Les évènements qui suivirent cette renaissance du jeune comte marqueront ses choix concernant l'avenir, son interprétation du présent. En effet, les actes qui tendent à se coucher sur le papier dans le futur proche sont primordiaux et je pries mon lecteur de bien les garder à l'esprit lors de la suite de cet ouvrage. Je recommande donc à ce dernier de bien vouloir me pardonner d'offrir en une ardente débacle ce qui peut s'avérer comme des faits tragiques pour certains. Précisons alors que je ne me suis jamais pardonné, et que ces longues secondes hantent encore mon esprit, bien des siècles plus tard.
C'était un matin que tous auraient pu penser comme les autres. Je me levais avec douceur de ma couche pour me laver brièvement et m'habiller devant le miroir de mes appartements, découvrant dans le reflet roussi de la glace le jeune homme que j'étais devenu ; Grand, j'étais passé de la maigreur à la finesse, les muscles s'étant dessinés par dessus les os. Mon visage s'était légèrement renfermé. Comme depuis toujours, je parlais peu - Sauf en compagnie de ma très chère amie Aë-wind, qui était, depuis ce temps, devenue une jeune femme resplendissante. Plutôt grande, elle était tout le contraire de sa mère et, à l'instar de moi même, plutôt fine, ce qui contrebalançait avec les critères de beauté que nous trouvions habituellement au sein de ma famille. Je lui parlais donc, disais-je plus haut, mais pas que ; Nous avions également dévellopé, durant tout ce temps passé ensemble, d'étranges affinités. Si je ne m'étends pas dessus, pardonne moi lecteur, mais quand l'on est un héritier de famille traditionnelle et que notre fougue jeune nous entraîne en cachette contre les hanches d'une servante de deux ans notre aînée, il n'y a ici plus aucun respect des convenances.
Mon géniteur, ce matin-ci, m'attendait dans la petite salle d'entraînement - Que nous avions installée dans un coin de l'armurerie du manoir. Elle possédait de nombreux outils afin de faciliter l'exercice, mannequins et armes -, comme tous les jours depuis des mois, années, pour les étirements matinaux. Mais, contrairement à toutes les aubes ordinaires, il ne me vit pas passer le seuil de la porte de l'armurerie dans une légère armure de cuir destinée à n'entrâver en rien le mouvement. Ce jour là, j'ai pris la décision de prendre un autre chemin, celui du destin. Je me sentais assez à l'aise et fort pour enfin en finir avec ce qui m'avait poussé près de quatre ans plus tôt à emprunter la voie des armes et du combat. Je n'avais pas oublié leurs visages. Ceux de trois brigands de bas-âges et de basse condition qui, par un jour d'Automne, avaient décidé de faire un exemple pour tous les autres nobles des environs ; Il fallait refaire pencher la balance. Ainsi, je m'aventurais dans les contrées qui un soir m'avaient vu joncher le sol, sanglant et épuisé, afin d'y retrouver les trois criminels. C'est ce que je fis, les débusquant un à un, et, mettant à profit les armes que mon géniteur m'avait offert plus tôt, et les fruits de son entraînement intensif, en leur faisant connaître un sort plus brutal et plus injuste que celui qu'ils m'infligèrent quelques saisons plus tôt. Les deux plus jeunes fûrent retrouvés en sale état, sans le poul ; L'un dans un grenier public d'un village voisin, l'autre, dont la dépouille gisait près d'un arbre, effraya deux paysans plébeiens des environs. Le troisième, le chef d'orchestre de ce drame passé, n'eût pas le courage d'assumer ses actes et préféra rejoindre les flots en sautant du haut d'une falaise. C'était mon premier rapport à la mort, et j'en étais profondément perturbé.
Perturbé, dis-je, en effet. Il ne faut pas que, cher lecteur, tu penses de moi que j'accomplis cette triste tâche de sang froid. Il fallut me raisonner à plusieurs reprises, rassembler mon courage maintes fois. Ne pas trembler, tenir le coutelas. Je ne reviendrais pas sur les détails sanglants et sordides de ces trois malheureux décès, et je laisses mon lecteur libre de prendre tout cela comme il le souhaite. Aussi, continuerais-je mon récit, en essayant de garder la neutralité dont je l'entretiens depuis son commencement.
A la suite de cet évènements, les soupçons paysans furent dirigés vers ma famille. Naturellement, la peur ancestrale des miens y était pour quelque chose. Des histoires distordues et farfelues virent alors le jour parmis les tavernes du bas-peuple. Je n'en citerais qu'une, de peur de me détourner de mon sujet ; Il était question que ma lignée pseudo-démoniaque dépende du sang des vivants. Que nous soyions des sortes de chimères étranges et mortes-vivantes, tuant des enfants dans les bois pour nourir quelques obscurs rituels païens et sanglants. Foutaises, bien sûr, cela ne concordait en rien avec ce qui c'était passé par un matin froid et venteux. Les rumeurs étaient si fortes et prenaient tellement d'ampleur que ma famille commenca rapidement à se diviser. Certains étaient en effet assez fous pour avoir comis ces crimes, et d'autres voulaient se protéger à tout prix. A mon grand drâme, j'avais ouvert la boîte de Pandore à l'encontre de ma famille ; En effet, les moins conservateurs s'enfuirent en des terres encore plus reculées de Quel'thalas, et la famille fût presque dissoute. Il n'en resta, en fait, que deux minces branches : La lignée principale, la mienne, et la branche secondaire, dont Elssar était le dernier né. Ainsi donc, c'est avec très peu de membres vivants et disponibles que les Murmures durent tenter de survivre et d'exister.
Car, quand on descend d'une noblesse aussi tournée vers le commerce, il convient de se rendre souvent dans des salons, organisés dans des appartements de la capitale, Lune d'Argent, par les familles et membres influents, désireux de se montrer et de prendre des contacts avec des riches investisseurs. Ainsi, mon géniteur me fît envoyer, peu de temps avant l'âge adulte, à l'une de ces réunions nobliardes sans interêt. Ma famille s'était toujours défendue d'y aller, car connaissait une certaine prospérité loin de toute mondanité. Père avait donc trouvé judicieux de m'y envoyer, afin de faire connaître le jeune héritier d'une famille qui, aux yeux du public, ne devait avoir absolument rien perdu de sa grandeur et de sa force d'antan. Ainsi donc, je me rendis en la capitale du pays pour une durée de trois jours. L'enfance me quittait doucement et je pus donc m'y rendre seul, ou du moins, sans précepteurs pour me superviser. J'emportais avec moi une grande tenue d'apparât, austère et droite, caractéristiques de ma lignée ; Elle était composée d'un long manteau noir, d'un pantalon simple et brodé de fils d'or, un bustier élégant pour maintenir une chemise dont le col était solidement retenu par un noeud sombre et fin. Je fis venir à ma suite ma servante personnelle et depuis peu intime.
Nous primes nos quartiers dans une sorte d'hôtel luxueux et fascinant, situé entre l'Allée du Meurtre et la Cour du Soleil. Les appartements étaient simples quoiqu'enjolivés ; La grande chambre pour moi et une simple couche pour la servante. Nous avions à disposition un petit salon, quelques meubles d'excellentes factures, et une salle de bain. Tout était très lumineux, mêlant l'or et le rouge clair, le blanc en excès. Cela me changeait du comté sombre et gris, morne. La première soirée, où nous arrivames n'était pas destinée à la sortie, aussi, je préfèrais prendre un repas frugal et rapide avant de me consacrer à ma servante. Ici, il n'y avait personne pour nous observer, et l'on peut sous-entendre que sa simple couche ne fût pas, des trois jours que nous passions sur place, utilisée.
Le lendemain nous tâchions de ne pas nous lever trop tardivement, bien que l'envie soit grande ; Il est rare pour une servante et un héritier de longues et lourdes tâches de se priver d'une matinée plus longue que les autres ; à cela j'entends le fait de se lever à l'aube qu'importe la saison. Le Salon avait lieu en début de soirée, aussi, nous nous préparions brièvement en fin de matinée - Habillage et repas - avant de descendre sur la ville dans laquelle nous allions passer ce début d'après-midi ensoleillé. J'y voyais beaucoup de gens, des gens qui ne savaient pas qui j'étais, à qui je pouvais me présenter comme je l'entendais. Nous avons fait le tour de la cité avec lenteur, savourant chacune des surprises que nous découvriions, au travers des rues, des places, des magasins. J'autorisais mon amie à se séparer de moi un instant pour qu'elle profite de l'occasion afin de s'acheter un ou deux souvenir, à l'aide d'une pièce d'or que je lui donnais. Le jour défilait et bientôt, l'heure de ce prestigieux rendez-vous rompit le calme de l'après-midi. Nous nous rendions donc au lieu dit, et, en compagnie des autres invités arrivés les plus en avance, étions priés de patienter jusqu'à l'heure pile dans une antichambre austère et légèrement repliée sur elle-même. J'observais les invités ; Beaucoup de rouge, d'or et d'argent. Peu de noir et de blanc. Ils étaient tous vêtus de longues robes et manteaux richements décorés, ce qui contrastait avec l'idée que je m'en faisais, et je me retrouvais au centre de regards entrecroisés, curiosité malsaine et légèrement vicieuse. J'étais également le seul héritier accompagné de sa servante, les autres seigneurs avaient préféré congédier les leurs pour l'occasion. J'espérais peut-être y retrouver l'inconnu dont, pourtant, je n'ignorais pas le nom. Leon'thara s'y trouverait peut-être, me dis-je à cet instant, du fait qu'il soit légitimement le patriarche de sa famille presque éteinte.
Il n'en fut hélas rien, et je ne retrouvais pas cet homme muet que je soupçonnais de croiser. L'horloge imposante sonna finalement l'heure exacte, et les portes s'ouvrirent derrière les mains de deux serviteurs parfaitement ordonnés, pour finalement laisser les invités pénétrer dans le grand salon principal. Orné de quelques miroirs et de beaucoup de tableaux, il était assez beau, une cheminée, des fauteuils. Notre hôte prit alors la parole afin de s'introduire, et laissa ensuite les "festivités" débuter. Plusieurs employés défilaient entre les masses d'invités qui commencèrent rapidement à cogiter sur les affaires habituelles - Commerce et Arts -, chargés de les approvisionner en vin et en petits biscuits préparés pour l'occasion dans les cuisines que l'on devinait vastes, de la Maison. J'attirais, sans le vouloir, l'attention de mes hôtes. Certains me regardaient avec une moue qui en disait long sur leur surprise de voir un jeune à leur table, et je n'osais, hélas trois fois hélas, pas trop aborder l'inconnu. C'est donc ce dernier qui vint à moi sous la forme d'une paire de seigneurs, plutôt gras. Ils me posèrent les questions d'usage et je pus finalement, tout au long de la soirée, rester à leur désagréable côté en étudiant leurs mimiques grotesques et celles de leurs amis vers lesquelles ils me conduirent. J'introduisais ma famille, ses buts, et en ressorti plutôt satisfait dans l'ensemble. Je remarquais qu'Aë-wind restait souvent en retrait, à regarder ses chaussures, bien que je pus surprendre un de ses regards qui me détaillait un peu trop longuement.
Ainsi donc, cette soirée restera dans l'Histoire comme celle ayant introduit Lazared Murmure à la vie Mondaine, sous l'égide d'une famille absente. Le troisième jour fut passé, quant à lui, à flâner dans les rues de la capitale une dernière fois avant de faire le chemin du retour en direction du manoir, à dos de cheval.
Lazared
Re: Ambitions
IV
Maintenant, te diras-tu, lecteur, que je me suis introduit simplement dans la vie mondaine ; Que reste-t-il à écrire ? Des lignes et mots sont-ils bien utiles pour traduire le reste de mon existence ? Le fait est qu'elle ne s'achève point ici, et j'aimerais aller au bout de cette démarche, dans le but de pouvoir refermer ce manuscrit avec le sentiment d'un devoir accompli. J'essaierais donc, dans les parties qui suivront, de rester cohérent et de faire le lien avec les sources de l'enfance, qui, je le pense, configurent de toutes pièces la nature d'un adulte et d'un vieillard. Je ne crois pas au hasard, et le destin n'est que le résidu plus ou moins éloigné du moule de l'éducation et des traumatismes d'enfance d'un sujet.
A mon retour dans les terres ancestrales qui m'ont vu naître et qui me verront périr, je remarquais un ciel étonnement sombre ; Il faut savoir que le comté de Nulle-part a toujours été grisâtre, tant en son sol qu'en son ciel. Ses constructions, ses habitants l'ont été également en leur sens. Austère et fermé, il restait donc refermé sur lui même, bien qu'illuminé du soleil paisible de Quel'thalas. Alors que je rentrais, dans la journée, l'on note donc un ciel obscur, nuageux. Allait-il pleuvoir ? Il n'en fut rien. Je posais le pied à terre, deux domestiques s'emparant des rênnes de mon cheval, et, c'est sans me retourner que je me hâtais vers l'entrée du manoir, laissant ma servante personnelle aux bons soins des autres domestiques. Quelque chose n'allait pas, et l'orage grondait à l'horizon. Pénétrant dans le grand hall construit par les fondateurs de notre lignée, je surpris les ombres à également se propager à l'intérieur, jadis si éclairé. On me conduisit dans l'aile des maîtres de la Trame, et je rejoignis finalement Mère et Père, cloîtré dans leurs appartements. Ce dernier était alité, le teint fievreux, très pâle. Ma génitrice était à son chevet, l'air soucieuse et maladive. L'on m'expliqua brièvement qu'un Mal sans nom ni forme déformait celui qui jadis avait été mon père, et qui ne le serait jamais plus. Par la suite, il quitta toutes ses anciennes activités en les déléguant à, des amis de confiance ou à moi même, restant de tous temps dans sa chambre obscure. Ma Mère sombra peu à peu dans la déraison et ce ne fût que quelques années plus tard, alors que l'ombre du comté avait atteint son paroxisme et moi la majorité que l'incident se produisit.
J'étais adulte depuis quelques mois désormais, et par conséquent un membre autonome de la famille, que je tirais à bout de bras. Il est triste de le dire, mais mes géniteurs n'étaient plus que des ombres depuis ce jour plus gris que les autres. Mère passant ses journées à délirer, ne me reconnaissait plus. Ses tourmentes nocturnes ne semblaient même plus accabler son conjoint, qui demeurait muet. Il le resta jusqu'à ce que la mort vienne frapper à sa porte, l'emportant un petit matin de Décembre. On le retrouva sans le souffle, au sein de la couche dans laquelle je passe mes nuits depuis, l'air paisible et soulagé. Sa femme n'eut pas cette chance, et, par une nuit sans lune, parti sauter du balcon le plus haut de la plus haute tour du manoir, son corps fatigué allant se déchirer sur l'un des nombreux pics de la toiture, créés et placés il y a quelques années seulement en fer forgé et enjolivé - bien après la construction du manoir - ; Il fût très difficile de déloger le cadavre du lieu de sa chûte.
Tout s'accéléra par la suite de façon croissante. Ce qui restait de notre si grande famille se disloqua sans tarder. Les servants, tous sans exception, furent congédiés. Aë-wind m'adressa simplement un brève courrier dont les mots "Le fruit de notre union croîtra sans tarder, même loin de vous" ne me mirent pas sur la voie à l'époque. Elssar, qui était un jeune homme, parti s'entraîner sur ordre de son père avec l'un des meilleurs enseignants de tir à l'arc et de maîtrise des pièges, des années durant. Je confiais Oniella, ma jeune soeur, à son entraîneur particulier qui la considérait en si grande estime, pour parfaire son art du combat, conjointement à Elssar. Ainsi, j'étais seul, et le vide implaccable obstruait assez mes pensées pour m'empécher de sombrer dans l'amertûme et la tristesse.
Je restais pour la plupart du temps seul, étudiant divers obscurs documents, espérant y trouver la clé qui pourrait redresser la situation ; Je ne pouvais compter que sur moi-même, nouveau et pourtant trop jeune chef de famille. Que devais-je penser ? Que devais-je faire ? Même aujourd'hui des doutes se posent, et l'évènement étrange qui arriva par la suite ne fit que confirmer mes interrogations. Aussi, je comprendrais si toi, lecteur, me prennes pour un fou. Beaucoup dans ma vie m'ont calomnié et m'ont parlé d'asile psychiatrique et de traitements psychiques. Je suis peut-être - sûrement - aussi névrosé que dérangé, mais qui peut se vanter, dans sa vie, de pouvoir expliquer tout ce qui se produisit. L'inexplicable, voilà ce qui me tourmente encore alors que j'écris ces lignes, et j'essaierais pourtant d'en informer mes lecteurs le plus formellement possible, bien que le sang-froid me fasse défaut encore aujourd'hui.
Je demeurais seul depuis quelques semaines maintenant ; Les domestiques étaient partis et les derniers membres de ma lignée presque éteinte m'avaient quitté pour parfaire leurs talents. Un trop grand château pour une si petite personne ; Je ne rendais depuis bien longtemps plus aucune visite au bas peuple du comté. Ce dernier prenait d'ailleurs des allures bizarres aux reflets changeants depuis la mort de mes géniteurs. Tout n'était plus qu'ombres, subtiles nuances grisâtres sans aucune saveur. Les plantes se désséchaient et le coeur de l'homme s'assombrissait. C'est ainsi qu'un jour malheureux, le comté fut abandonné de la Lumière, dans un grand craquement céleste. Je n'eus le temps que d'ouvrir les yeux, émergeant de ma nuit et de me pencher à ma fenêtre pour observer l'indicible. Et de derrière les montagnes hallucinées, un éclair immense balaya les terres qui étaient miennes depuis peu, sans pourtant y causer aucun dommage ; Cela ressemblait plus à une lumière aveuglante qui envellopait le tout en le laissant intact. Je me reveillais, dans le doute, quelques heures plus tard. Tout était calme, tout était serein, j'étais dans ma couche. Je fis quelques pas, encore abassourdi par cette rupture céleste très brusque, pour me pencher à la même fenêtre que la veille, et ce que je vis produisit un tel choc que je n'oublierais sans doute qu'à ma mort la sensation de désolation que ce spectacle m'inspirait : Des landes autrefois fertiles et pitoresques ne se dégageait plus qu'un chaos tranquille - En effet, de l'atmosphère grise et ombreuse que j'avais pu remarquer dans le passé, c'était aujourd'hui la terre elle-même, le comté qui en était teinté. Les plantes étaient fânées. Les abres étaient dépourvus des feuilles légèrement dorées de ceux de Quel'thalas, et avaient des allures désormais tentaculaires et monstrueux. Il pleuvait abondemment, comme une averse sans fin, et il régnait désormais le silence. Innommable, ni l'eau qui coulait ni le vent qui bruissait ne produisait le moindre bruit. Je restais là à contempler la déchéance de ma propre maison dans une austère mélancolie, constatant également que le village voisin était vide ; Les habitants avaient disparus.
Maintenant, te diras-tu, lecteur, que je me suis introduit simplement dans la vie mondaine ; Que reste-t-il à écrire ? Des lignes et mots sont-ils bien utiles pour traduire le reste de mon existence ? Le fait est qu'elle ne s'achève point ici, et j'aimerais aller au bout de cette démarche, dans le but de pouvoir refermer ce manuscrit avec le sentiment d'un devoir accompli. J'essaierais donc, dans les parties qui suivront, de rester cohérent et de faire le lien avec les sources de l'enfance, qui, je le pense, configurent de toutes pièces la nature d'un adulte et d'un vieillard. Je ne crois pas au hasard, et le destin n'est que le résidu plus ou moins éloigné du moule de l'éducation et des traumatismes d'enfance d'un sujet.
A mon retour dans les terres ancestrales qui m'ont vu naître et qui me verront périr, je remarquais un ciel étonnement sombre ; Il faut savoir que le comté de Nulle-part a toujours été grisâtre, tant en son sol qu'en son ciel. Ses constructions, ses habitants l'ont été également en leur sens. Austère et fermé, il restait donc refermé sur lui même, bien qu'illuminé du soleil paisible de Quel'thalas. Alors que je rentrais, dans la journée, l'on note donc un ciel obscur, nuageux. Allait-il pleuvoir ? Il n'en fut rien. Je posais le pied à terre, deux domestiques s'emparant des rênnes de mon cheval, et, c'est sans me retourner que je me hâtais vers l'entrée du manoir, laissant ma servante personnelle aux bons soins des autres domestiques. Quelque chose n'allait pas, et l'orage grondait à l'horizon. Pénétrant dans le grand hall construit par les fondateurs de notre lignée, je surpris les ombres à également se propager à l'intérieur, jadis si éclairé. On me conduisit dans l'aile des maîtres de la Trame, et je rejoignis finalement Mère et Père, cloîtré dans leurs appartements. Ce dernier était alité, le teint fievreux, très pâle. Ma génitrice était à son chevet, l'air soucieuse et maladive. L'on m'expliqua brièvement qu'un Mal sans nom ni forme déformait celui qui jadis avait été mon père, et qui ne le serait jamais plus. Par la suite, il quitta toutes ses anciennes activités en les déléguant à, des amis de confiance ou à moi même, restant de tous temps dans sa chambre obscure. Ma Mère sombra peu à peu dans la déraison et ce ne fût que quelques années plus tard, alors que l'ombre du comté avait atteint son paroxisme et moi la majorité que l'incident se produisit.
J'étais adulte depuis quelques mois désormais, et par conséquent un membre autonome de la famille, que je tirais à bout de bras. Il est triste de le dire, mais mes géniteurs n'étaient plus que des ombres depuis ce jour plus gris que les autres. Mère passant ses journées à délirer, ne me reconnaissait plus. Ses tourmentes nocturnes ne semblaient même plus accabler son conjoint, qui demeurait muet. Il le resta jusqu'à ce que la mort vienne frapper à sa porte, l'emportant un petit matin de Décembre. On le retrouva sans le souffle, au sein de la couche dans laquelle je passe mes nuits depuis, l'air paisible et soulagé. Sa femme n'eut pas cette chance, et, par une nuit sans lune, parti sauter du balcon le plus haut de la plus haute tour du manoir, son corps fatigué allant se déchirer sur l'un des nombreux pics de la toiture, créés et placés il y a quelques années seulement en fer forgé et enjolivé - bien après la construction du manoir - ; Il fût très difficile de déloger le cadavre du lieu de sa chûte.
Tout s'accéléra par la suite de façon croissante. Ce qui restait de notre si grande famille se disloqua sans tarder. Les servants, tous sans exception, furent congédiés. Aë-wind m'adressa simplement un brève courrier dont les mots "Le fruit de notre union croîtra sans tarder, même loin de vous" ne me mirent pas sur la voie à l'époque. Elssar, qui était un jeune homme, parti s'entraîner sur ordre de son père avec l'un des meilleurs enseignants de tir à l'arc et de maîtrise des pièges, des années durant. Je confiais Oniella, ma jeune soeur, à son entraîneur particulier qui la considérait en si grande estime, pour parfaire son art du combat, conjointement à Elssar. Ainsi, j'étais seul, et le vide implaccable obstruait assez mes pensées pour m'empécher de sombrer dans l'amertûme et la tristesse.
Je restais pour la plupart du temps seul, étudiant divers obscurs documents, espérant y trouver la clé qui pourrait redresser la situation ; Je ne pouvais compter que sur moi-même, nouveau et pourtant trop jeune chef de famille. Que devais-je penser ? Que devais-je faire ? Même aujourd'hui des doutes se posent, et l'évènement étrange qui arriva par la suite ne fit que confirmer mes interrogations. Aussi, je comprendrais si toi, lecteur, me prennes pour un fou. Beaucoup dans ma vie m'ont calomnié et m'ont parlé d'asile psychiatrique et de traitements psychiques. Je suis peut-être - sûrement - aussi névrosé que dérangé, mais qui peut se vanter, dans sa vie, de pouvoir expliquer tout ce qui se produisit. L'inexplicable, voilà ce qui me tourmente encore alors que j'écris ces lignes, et j'essaierais pourtant d'en informer mes lecteurs le plus formellement possible, bien que le sang-froid me fasse défaut encore aujourd'hui.
Je demeurais seul depuis quelques semaines maintenant ; Les domestiques étaient partis et les derniers membres de ma lignée presque éteinte m'avaient quitté pour parfaire leurs talents. Un trop grand château pour une si petite personne ; Je ne rendais depuis bien longtemps plus aucune visite au bas peuple du comté. Ce dernier prenait d'ailleurs des allures bizarres aux reflets changeants depuis la mort de mes géniteurs. Tout n'était plus qu'ombres, subtiles nuances grisâtres sans aucune saveur. Les plantes se désséchaient et le coeur de l'homme s'assombrissait. C'est ainsi qu'un jour malheureux, le comté fut abandonné de la Lumière, dans un grand craquement céleste. Je n'eus le temps que d'ouvrir les yeux, émergeant de ma nuit et de me pencher à ma fenêtre pour observer l'indicible. Et de derrière les montagnes hallucinées, un éclair immense balaya les terres qui étaient miennes depuis peu, sans pourtant y causer aucun dommage ; Cela ressemblait plus à une lumière aveuglante qui envellopait le tout en le laissant intact. Je me reveillais, dans le doute, quelques heures plus tard. Tout était calme, tout était serein, j'étais dans ma couche. Je fis quelques pas, encore abassourdi par cette rupture céleste très brusque, pour me pencher à la même fenêtre que la veille, et ce que je vis produisit un tel choc que je n'oublierais sans doute qu'à ma mort la sensation de désolation que ce spectacle m'inspirait : Des landes autrefois fertiles et pitoresques ne se dégageait plus qu'un chaos tranquille - En effet, de l'atmosphère grise et ombreuse que j'avais pu remarquer dans le passé, c'était aujourd'hui la terre elle-même, le comté qui en était teinté. Les plantes étaient fânées. Les abres étaient dépourvus des feuilles légèrement dorées de ceux de Quel'thalas, et avaient des allures désormais tentaculaires et monstrueux. Il pleuvait abondemment, comme une averse sans fin, et il régnait désormais le silence. Innommable, ni l'eau qui coulait ni le vent qui bruissait ne produisait le moindre bruit. Je restais là à contempler la déchéance de ma propre maison dans une austère mélancolie, constatant également que le village voisin était vide ; Les habitants avaient disparus.
Lazared
Re: Ambitions
V
Lecteur, tu peux douter de moi, de mes yeux et de mes oreilles, car ils ont été profondemment abusés au cours de ma vie séculaire. Et si je prends ici le risque de me décrédibiliser à tes yeux, c'est pour un but noble de recherche de l'autenticité ; Oui, si cet éclair pâle et mortel n'est pas explicable, il peut en revanche expliquer bien des choses, dont les passages qui suivront. J'espère que de par ce fait, mon récit n'entre pas dans quelques drames ou fictions absurdes, c'est en cela bien une autobiographie.
Les premiers temps de "l'Après", comme l'on se plait à appeler cette période de malheurs, m'a semblé être d'une infinie lenteur. Chaque jour se ressemblait, il était vide de sens et d'évènements. Je ne ressentais absolument rien, me sentant comme une coquille dénuée d'âme ou d'esprit. Il n'y avait que le silence, opressant, tyranique. Je n'ouvris pas la bouche durant ces semaines passées à ne rien faire. La fortune familiale - ma fortune - stagnait dans les coffres privés que nous avions dans l'une des banques les plus prestigieuse du pays millénaire. Pas de bénéfices et pas de perte. Tout avait cessé à la mort de mon géniteur. Etais-je de taille à reprendre les affaires ? Dans un sursaut d'énergie comme il nous arrive parfois d'avoir, je me rendis donc à la capitale que j'avais déjà eu l'occasion de visiter quelques années plus tôt, dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui. J'éxigeais à l'agence bancaire un inventaire de ce que je possédais en dehors du comté. Des propriétés, des actions et de l'argent. Beaucoup d'argent ; Qui pouvait rapporter encore plus. Je m'installais donc une dizaine de jours dans les appartements luxueux que j'avais jadis loués, le temps d'un salon de noblesse. J'étais dans une chambre vaste non loin de celle que j'occupais avec ma servante, comme si ce fût hier. Je pouvais m'en souvenir en détails, mais je ne m'étendrais pas sur le sujet dans ce livre.
Après une longue période à actualiser la liste de mes possessions aussi bien physiques que morales, je pus enfin décider de faire avancer les choses. Il faut savoir que l'économie Thalassienne, à cette époque, était véritablement tournée sur elle-même, ne commerçant que très peu à l'exterieur et avec les autres ethnies. Je décidais donc d'investir. Des pertes à court terme pour engranger des bénéfices dès la saison suivante. Je commençais donc à financer rapidement des projets de construction et d'armements. Une fois bien implanté dans le secteur, je me mis à commercer dans les domaines des forges et finalement dans le privé. Je ferais grâce à mon lecteur des détails techniques qui sont - j'en conviens - quelque peu rébarbatifs. Il faut en cela retenir que mon ascension fut rapide et plutôt surprenante, bien qu'assez peu remarquée dans l'ensemble. Mes anciennes connaissances et nouveaux collègues ne m'apportèrent que peu de crédit, et c'était ce qu'il me fallait en un sens. Et bientôt, je pus être en mesure de participer non pas à un salon de noble mais bien à un "club" de commerçants mondains et entrepreneurs. Je décidais donc de m'y rendre.
C'est à cette occasion que je rencontrais une femme, qui allait devenir une de mes proches collaboratrices et que je tiens en haute estime. Solana Embrase-nuées était une propriétaire, de loin mon ainée, très portée sur les maîtrises magiques du feu et des arcanes. Elle était ce que les plus braves osent appeler une Mage de Sang, gardiens d'un patrimoine ancien de notre peuple, que l'on disait capables d'invoquer des élémentaires enflammés. Je suis né sans magie et tout cela me fascinait. J'eus préféré pouvoir être un virtuose magicien plutôt qu'un obscur entrepreneur. Plutôt grande, fine, elle ne faisait pas son âge - J'ignore encore si elle entretient magiquement sa plastique irréprochable - ; présentant de longs cheveux dorés et un visage rond et intimidant bien que parfaite dessiné, elle semblait être le genre de femme de la Haute société très autonome et capable. C'est drappée de rouge et d'argent qu'elle vint me faire la conversation ; Je ne peux aujourd'hui encore m'empécher de penser qu'elle a du être interpellée par un charme solitaire d'enfant perdu qui devait se dégager de moi à ce moment.
Ainsi, elle fût l'un de mes premiers et non-moins notables contacts dans les affaires. D'après ses dires, elle pouvait éventuellement m'aider à me diriger convenablement dans les méandres qui composaient les grandes réunions de commerce. Je ne puis que remarquer ça et là un regard qu'elle me glissait de plus près, une main posée trop près de moi ou un endroit disons peu orthodoxe pour un rendez-vous d'affaires en tête à tête. Cette femme a toujours eu le don de me mettre mal à l'aise de par ses approches plus ou moins cachées. Les bruits disaient d'elle que ses activités en temps que professeur de magie la conduisaient parfois à profiter d'un paiement particulier d'un ou deux de ses étudiants privilégiés. Allais-je être relégué au rang d'étudiant - en commerce, cette fois - et simplement être exhibé tel une bête de foire au bras d'une femme d'action éxcentrique ? Je lui ai toujours trouvé beaucoup de charme, et, à ma grande surprise, elle ne vint jamais profiter de mes services directement. Elle m'est étrangement restée fidèle, non-moins dans son amour que dans ses actes et je lui en reste, encore à ce jour, infiniement reconnaissant.
Ma charge de travail en fut considérablement allégée, profitant égoïstement de l'aide d'une amazone de la finance, je trouvais bientôt le temps de faire autre chose, entre deux allers et retours au manoir qui a été témoins de ma naissance. Le temps était à tuer et je devais le faire utilement. Je décidais donc de me tourner vers la voie des armes, que j'avais déjà éfleurée lors de mon adolescence. J'engageais donc deux maîtres d'armes de renom, pour m'occuper lorsque Solana prenait les devants. Je lui faisais confiance, et mes professeurs m'apprirent le combat avancé avec les armes courtes et longues, dagues et épées, ainsi que le corps à corps au poing. Je progressais rapidement, habile de mes mains et de mes jambes, devenant bientôt un combattant indépendant. Je ne dépendais d'aucun ordre militaire mais je pus, à l'apogée de mon entraînement, rivaliser avec quelques-uns de leurs guerriers. Je continuais donc à m'éxercer régulièrement pour ne pas perdre le niveau, car cela vous échappe vite, et je recommande à mes lecteurs qui travaillent actuellement dans une force armée d'y faire bien attention.
Les saisons et les années passèrent dans une lenteur tranquille, notre fortune allait en croissant. Et je dis "notre" pour une raison particulière ; J'étais, comme dit, depuis peu le dernier représentant légitime d'une famille presque éteinte encore en place dans son pays d'origine - Or, je fus bientôt rejoint par un vieil ami de retour d'un long périple. En effet, Elssar Murmure - mon jeune cousin avait - Semblait-il -, terminé sa formation d'archer émérite, pour laquelle il avait du s'absenter quelques longues années. Aussi, le fringuant jeune homme qui passa bientôt les portes du chateau n'avait plus rien à voir avec le petit garçon silencieux qu'il avait été. Bien fait, le port sûr, il était vétu à l'époque d'une armure de cuir et de mailles sombre, qu'il alliait à la grâce d'un arc long marqué des armoiries de la famille et des symboles de notre peuple. Un carquois en bois taillé et enjolivé de gravues était attaché à sa taille.
Lecteur, tu peux douter de moi, de mes yeux et de mes oreilles, car ils ont été profondemment abusés au cours de ma vie séculaire. Et si je prends ici le risque de me décrédibiliser à tes yeux, c'est pour un but noble de recherche de l'autenticité ; Oui, si cet éclair pâle et mortel n'est pas explicable, il peut en revanche expliquer bien des choses, dont les passages qui suivront. J'espère que de par ce fait, mon récit n'entre pas dans quelques drames ou fictions absurdes, c'est en cela bien une autobiographie.
Les premiers temps de "l'Après", comme l'on se plait à appeler cette période de malheurs, m'a semblé être d'une infinie lenteur. Chaque jour se ressemblait, il était vide de sens et d'évènements. Je ne ressentais absolument rien, me sentant comme une coquille dénuée d'âme ou d'esprit. Il n'y avait que le silence, opressant, tyranique. Je n'ouvris pas la bouche durant ces semaines passées à ne rien faire. La fortune familiale - ma fortune - stagnait dans les coffres privés que nous avions dans l'une des banques les plus prestigieuse du pays millénaire. Pas de bénéfices et pas de perte. Tout avait cessé à la mort de mon géniteur. Etais-je de taille à reprendre les affaires ? Dans un sursaut d'énergie comme il nous arrive parfois d'avoir, je me rendis donc à la capitale que j'avais déjà eu l'occasion de visiter quelques années plus tôt, dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui. J'éxigeais à l'agence bancaire un inventaire de ce que je possédais en dehors du comté. Des propriétés, des actions et de l'argent. Beaucoup d'argent ; Qui pouvait rapporter encore plus. Je m'installais donc une dizaine de jours dans les appartements luxueux que j'avais jadis loués, le temps d'un salon de noblesse. J'étais dans une chambre vaste non loin de celle que j'occupais avec ma servante, comme si ce fût hier. Je pouvais m'en souvenir en détails, mais je ne m'étendrais pas sur le sujet dans ce livre.
Après une longue période à actualiser la liste de mes possessions aussi bien physiques que morales, je pus enfin décider de faire avancer les choses. Il faut savoir que l'économie Thalassienne, à cette époque, était véritablement tournée sur elle-même, ne commerçant que très peu à l'exterieur et avec les autres ethnies. Je décidais donc d'investir. Des pertes à court terme pour engranger des bénéfices dès la saison suivante. Je commençais donc à financer rapidement des projets de construction et d'armements. Une fois bien implanté dans le secteur, je me mis à commercer dans les domaines des forges et finalement dans le privé. Je ferais grâce à mon lecteur des détails techniques qui sont - j'en conviens - quelque peu rébarbatifs. Il faut en cela retenir que mon ascension fut rapide et plutôt surprenante, bien qu'assez peu remarquée dans l'ensemble. Mes anciennes connaissances et nouveaux collègues ne m'apportèrent que peu de crédit, et c'était ce qu'il me fallait en un sens. Et bientôt, je pus être en mesure de participer non pas à un salon de noble mais bien à un "club" de commerçants mondains et entrepreneurs. Je décidais donc de m'y rendre.
C'est à cette occasion que je rencontrais une femme, qui allait devenir une de mes proches collaboratrices et que je tiens en haute estime. Solana Embrase-nuées était une propriétaire, de loin mon ainée, très portée sur les maîtrises magiques du feu et des arcanes. Elle était ce que les plus braves osent appeler une Mage de Sang, gardiens d'un patrimoine ancien de notre peuple, que l'on disait capables d'invoquer des élémentaires enflammés. Je suis né sans magie et tout cela me fascinait. J'eus préféré pouvoir être un virtuose magicien plutôt qu'un obscur entrepreneur. Plutôt grande, fine, elle ne faisait pas son âge - J'ignore encore si elle entretient magiquement sa plastique irréprochable - ; présentant de longs cheveux dorés et un visage rond et intimidant bien que parfaite dessiné, elle semblait être le genre de femme de la Haute société très autonome et capable. C'est drappée de rouge et d'argent qu'elle vint me faire la conversation ; Je ne peux aujourd'hui encore m'empécher de penser qu'elle a du être interpellée par un charme solitaire d'enfant perdu qui devait se dégager de moi à ce moment.
Ainsi, elle fût l'un de mes premiers et non-moins notables contacts dans les affaires. D'après ses dires, elle pouvait éventuellement m'aider à me diriger convenablement dans les méandres qui composaient les grandes réunions de commerce. Je ne puis que remarquer ça et là un regard qu'elle me glissait de plus près, une main posée trop près de moi ou un endroit disons peu orthodoxe pour un rendez-vous d'affaires en tête à tête. Cette femme a toujours eu le don de me mettre mal à l'aise de par ses approches plus ou moins cachées. Les bruits disaient d'elle que ses activités en temps que professeur de magie la conduisaient parfois à profiter d'un paiement particulier d'un ou deux de ses étudiants privilégiés. Allais-je être relégué au rang d'étudiant - en commerce, cette fois - et simplement être exhibé tel une bête de foire au bras d'une femme d'action éxcentrique ? Je lui ai toujours trouvé beaucoup de charme, et, à ma grande surprise, elle ne vint jamais profiter de mes services directement. Elle m'est étrangement restée fidèle, non-moins dans son amour que dans ses actes et je lui en reste, encore à ce jour, infiniement reconnaissant.
Ma charge de travail en fut considérablement allégée, profitant égoïstement de l'aide d'une amazone de la finance, je trouvais bientôt le temps de faire autre chose, entre deux allers et retours au manoir qui a été témoins de ma naissance. Le temps était à tuer et je devais le faire utilement. Je décidais donc de me tourner vers la voie des armes, que j'avais déjà éfleurée lors de mon adolescence. J'engageais donc deux maîtres d'armes de renom, pour m'occuper lorsque Solana prenait les devants. Je lui faisais confiance, et mes professeurs m'apprirent le combat avancé avec les armes courtes et longues, dagues et épées, ainsi que le corps à corps au poing. Je progressais rapidement, habile de mes mains et de mes jambes, devenant bientôt un combattant indépendant. Je ne dépendais d'aucun ordre militaire mais je pus, à l'apogée de mon entraînement, rivaliser avec quelques-uns de leurs guerriers. Je continuais donc à m'éxercer régulièrement pour ne pas perdre le niveau, car cela vous échappe vite, et je recommande à mes lecteurs qui travaillent actuellement dans une force armée d'y faire bien attention.
Les saisons et les années passèrent dans une lenteur tranquille, notre fortune allait en croissant. Et je dis "notre" pour une raison particulière ; J'étais, comme dit, depuis peu le dernier représentant légitime d'une famille presque éteinte encore en place dans son pays d'origine - Or, je fus bientôt rejoint par un vieil ami de retour d'un long périple. En effet, Elssar Murmure - mon jeune cousin avait - Semblait-il -, terminé sa formation d'archer émérite, pour laquelle il avait du s'absenter quelques longues années. Aussi, le fringuant jeune homme qui passa bientôt les portes du chateau n'avait plus rien à voir avec le petit garçon silencieux qu'il avait été. Bien fait, le port sûr, il était vétu à l'époque d'une armure de cuir et de mailles sombre, qu'il alliait à la grâce d'un arc long marqué des armoiries de la famille et des symboles de notre peuple. Un carquois en bois taillé et enjolivé de gravues était attaché à sa taille.
Lazared
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