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Corwin, huile sur toile

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Message  La Dame Jeu 01 Mar 2012, 20:59

( Je précise tout de suite que tout cela a été fait avec l'accord et l'approbation du principal intéressé, Lochinwyrr ( le fameux Corwin ))

( thème de la première partie )

Grave silence, la caverne en est emplie.
Ondoyant reflet, la petite mare dort, calme, entre les stalagmites.
Dans l'une, je goûte la solitude, dans l'autre je contemple mon âme.
Car je m’assoies souvent en ce lieu comme à demi-mort, pour tenter inlassablement de découvrir et comprendre, enfin, qui je suis.
Lorsque le sommeil comme la paix nécessaire à cet exercice m'échappent, je viens ici et je prends au creux de ma paume un peu de ce sable blanc qui tapisse le sol. Et je le laisse filer, cette paisible allégorie, comme je laisse filer les salissures qui encombrent mon esprit.

Le sable file, lentement d'abord, les grains sont nombreux, puis plus rapidement à mesure que la main se vide.
C'est exact, se dit-il, le temps passe de plus en plus rapidement et emporte ma réalité à chaque cycle.
Car qui est-il ? Est-il réellement ce démon, cet assassin, ce monstre que tous décrivent ? Est-il vraiment possible d'être un monstre ? Le mal absolu existe-t-il ? Oui. Mais tous ont été guidés sur cette voie par la folie, la vraie folie. Comme un concert de voix erronées, contradictoires, qui s'élève lorsque l'espoir se dissipe et la joie se noie.
Mais lui ? Il a tutoyé la folie, certes, mais elle a été canalisée par une puissance extérieure. Alors ... est-il un homme comme les autres ? Est-il au moins un homme ?


Je soupire et secoue la main. Je devrais être plus qu'humain, mais le fantôme paradoxal des résurrections extra-corporelles fausse sans doute cette théorie...
Si mon humanité a été perdue, par mes actes inconscients, peut-elle être reconquise ?
L'être brisé par les manipulations et qui, un jour, parvient à se libérer gagne-t-il le statut d'être humain ?
J'imagine que ce déséquilibre, cette fêlure, se lit dans chacun de mes gestes. Cette brisure fait partie de moi, à jamais sans doute. Soit.
Je suis moi et personne d'autre.
Mais l'espoir ?

Espoir d'être guéri, de recouvrer son intégrité psychique, peut-être même son innocence.
Assis au bord de la petite mare aux nuances bleutées mêlées d'acier, il voit l'étendue de son propre désarroi. Espoir ? Espoir ?
L'espoir vit-il ? Fait-il vivre ceux et celles qui se bercent à son murmure, qui se voient triompher à son cri ? Peut-être est-ce là l'arme des héros. Lui, il tourne et retourne cette idée dans son esprit perplexe et un chœur de voix la commente.
- "Ridicule, l'espoir est seulement conçu pour faire vivre les misérables et rêver les ignorants.
- Seule la rage porte, l'espoir ne fait que naître les désillusions lorsqu'elle est refusée."
Mais.
- "L'espoir est une force vive, qui, devenant torrent de vie chasse les doutes et emporte la peur au loin ..."


Je relève la tête. Un espoir alors. Un amour peut-être ? Ou sa dérivation plus simple et aussi complexe, l'amitié ? Des visages se succèdent derrière mes yeux. Amours. Amis. Famille.
Alors je me relève en soupirant. Quoiqu'il arrive je finis par buter sur ce problème. Qu'est-ce qu'une famille sinon des amis dont on n'a jamais voulu ?
Maerith. Cette famille de héros. Ha.
Je secoue la tête. Qu'est-ce que l'héroïsme ? Où dépasse-t-il la simple bravoure et où confine-t-il au suicidaire ?
Je crois que c'est cette donnée volatile que cherchent à capter les hommes, par des moyens le plus souvent détournés, pour ne pas dire parfaitement indignes. Et à quoi bon ? L'héroïsme n'est qu'une idéalisation, une utopie. Quel imbécile risquerait sa vie, voire offrirait sa mort, pour des individus qui lui sont le plus souvent totalement inconnus et même indifférents, pour obtenir en échange le court droit de ne pas être méprisé et traîné dans la boue, avec aucune gratitude, aucun bénéfice physique ou matériel ?

Puis son esprit se détourne de ces thèmes usés jusqu'à la trame. Il repense à elle. A elles. Combien en a-t-il connues, remarquées, aimées ? Est-ce trop, pas assez ? Il compte aimer encore et le dit à la petite mare. Peut-être cela permettra-t-il d'acheter son repentir.
Il se penche en avant et ses cheveux roux viennent masquer son visage solennel.
Ses yeux ophidiens laissent fuser un éclat froid tandis qu'il les ferme. Le passé peut-il chasser la nuit de son désespoir ?


( thème de la deuxième partie )

J'empoigne la main que je vois sur l'écran de mes paupières, saisis la taille que j'imagine. Nous partons du pied gauche dans un envol aérien; c'était une valse. Les robes des femmes ondoyaient autour de nous, voiles brillants de couleurs qui servaient de cadre à cet instant particulier.
Nos gestes, parfaitement accordés, glissaient à travers l'air et le temps. Valse sublime, moment pur de fusion entre nos esprits; son visage mêle les traits de toutes celles que j'ai aimées. La musique, douce et forte, reflète dans mon âme le temps et l'infini : sable filant entre mes doigts, de plus en plus vite, sans espoir.
La musique change de tempo. Une courbe délicate et nous voilà repartis, il nous semble être le centre de l'univers, et peut-être est-ce le cas ?

Yeux fermés, les mains refermées sur le vide, une mélopée rêche s'échappant par ses lèvres entrouvertes, il danse, suivant les courbes d'un instant révolu. Grotesque parodie de valse gilnéenne, il semble s'en rendre compte, lâche sa compagne impalpable et s'assoit lourdement sur le sable.
Pendant un instant, il a été le centre de l'univers.


( thème de la dernière partie )

Assis dans le sable, je prend ma tête entre mes mains. Le passé est lourd. Très lourd. Quelque fois, comme en ce moment, il arrive que son poids m'étouffe, et dès lors, l'insomnie, cette maladie de l'âme, me gagne. Je ne peux plus que contempler ces images vagues qui défilent tout autour de moi : souvenirs chéris de moments heureux, rares, et d'autres aussi, sombres et refoulés, offerts en pâture à mon inconscient qui s'en sert d'arme. Ce n'est pas un hasard si ma sœur se fait appeler Souvenir.

Les souvenirs sont un serpent doré qui lie le passé au futur. Tandis qu'il joue avec son désespoir, il comprend que si l'avenir est bâti sur le passé, lui ne doit en aucun cas laisser le premier teinter et influer sur le second.
Souvenirs heureux et malheureux se dissipent et il prend une inutile et sifflante inspiration. Son corps, mort, n'a aucunement besoin de respirer mais cet exercice l'aide à se calmer et à se concentrer, évoquant l'ombre d'une vie lugubre, passée, perdue, révolue à jamais.
L'horreur de ce qu'il est le frappe soudainement...


... Esprit d'un mort, dans le corps d'un mort, je suis certainement l'expérience la plus aboutie du vieux démon : mon âme se torture elle-même alors même que son emprise se dilue dans les brumes de ma mémoire. L'esprit d'un mort dans le corps mort de son frère jumeau. La réalité est peu glorieuse.
Certes. Mais comme je l'ai résolu, je suis moi, jusqu'au bout. Si ce qu'a été mon frère colore mon présent, ça ne m'empêche pas d'être ce que je suis. Et si je suis toujours pluriel, la folie a déserté mon âme, prisonnière de l'épée qu'elle s'est forgée.

Il veut vivre. Sa première existence, il l'a vécu comme un chien, traqué, toujours haï, parfois aimé, le temps d'un soir. Chien il a été, lorsque l'infection s'est répandue en lui. Atrocités commises, souffrances endurées, par devers-lui, lorsque son désespoir s'est polarisé sur sa haine et sa volonté noyée dans une folie importée. Il veut vivre sa nouvelle 'vie' comme un homme, un homme libre. Il veut goûter cette existence qu'il n'a pas vraiment connue.
Il se relève, s'époussette.
Et peut-être sera-t-il quelqu'un de bien ?


Dernière édition par La Dame le Jeu 07 Mar 2013, 21:16, édité 2 fois
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Message  La Dame Mer 21 Mar 2012, 18:34

"Tu cours, tu cours, tes pas martèlent le chemin de terre que tu as emprunté en croyant qu'il te permettrait de me semer. Tu es sot.
Je sens l'odeur de ta peur, si âcre, et celle, ténue et rêche, du désespoir qui t'étreint.
Je vois tes vêtements d'apparat, ces loques déchirées, claquer derrière toi au vent de ta course, je vois aussi les regards affolés que tu lances derrière toi pour essayer de m'apercevoir, sans autre résultat que la vision fugace d'une masse sombre à ta poursuite. Je vois ton dos ployer, tes jambes perdre leur souplesse à mesure que la fatigue et le manque d'air font traîner tes pieds.
J'entends tes halètements effrayés de rat tombé dans l'eau d'un caniveau, les battements désordonnés de ton cœur, ta main se serrer convulsivement autour de la poignée d'une épée ridicule.
Tu ne peux pas m'échapper.
Tu auras beau courir, toujours plus loin, te cacher dans les recoins, toujours plus sombres, je te retrouverai toujours.
Car nous sommes indissociables : je suis toi et tu es moi.
Je suis la Bête, cet instinct primaire, cette sauvagerie animale, cette bestialité irraisonnée que chaque homme enferme au fond de son cœur mais qui croît irrésistiblement sous l'effet d'une simple morsure.
Tu as subi cette morsure. Je suis ta chair, ton cœur, ton âme. Je grandis et bientôt ..."
Il s'éveille.
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Message  Kiel d'Althain Sam 07 Avr 2012, 14:21

( En guise d'accompagnement musical, A Thousand Deaths - Immediate Music )

Dans une ville anonyme, dans des décombres anonymes, un ici et maintenant indéterminé.

Ruines sans nom. Tables. Chaises. Toutes brisées. Des gravats, des débris. Pierre, roc, passé, vie. L'aimable vent des altitudes qui effleure mes lèvres et joue avec mes cheveux cuivre. Éclats tranchants, éclats de verre, éclats de flamme. Les autres.
Les autres, c'est l'enfer. Soi-même aussi, quand vous savez que les remontées à la surface pour inspirer l'air froid de la lucidité se font de plus en plus rares. Mais déjà les ténèbres reviennent, comme la marée elles reviennent, elles me noient, je glisse tremble et me souviens que je vais finir, je suis, je suis ...

Coup de tonnerre, coup de feu, coup sur les tambours de guerre, sur les bris sur ma tête sur ma tête que je serre et griffe, car c'est la fin d'un cycle. Passage.
Lames.
Lames.
Lames d'acier blanc qui reflètent des morceaux de perspective. Des copies d'idéaux jetées sur le charnier où se dresse mon trône de bile noire et moi le roi sur la montagne, coiffé par la fièvre couronne. Nulle part. Partout. Sous la bannière de la nuit j'avance mon dais linceul acier des plates et des blattes qui grouillent grouillent grouillent
Hendrake.
Hendrake.
Hendrake Meyrne Hendrake Meyrne celle que j'ai trouvé Hendrake ceux que je hais. Ce que je les hais, eux. Malédiction maldite maldonne, c'est leur oeuvre. Crève crève. Non. Observe-la, vautour des nuées. Tu es son aîné, ce n'est pas elle. C'est sa famille. Elle en est une. Réfléchis. Écoute-moi. C'est toi. C'est elle. C'est toi. Toi. Toi.
Le Puits des Damnés. Rislon. Le pendentif est la clé. Il ouvre son champ de possibles. Sur la bague d'argent. Il n'a pas voulu te le donner. Il le faut. La clé est sur la cime. Donne le moi, donne le moi, donne le moi !

Il se jette comme une bête sauvage sur les restes de la table en face de lui, poussant des cris inarticulés, et sauvage il l'est, ses griffes fendant avec aisance le bois poli. Il n'a plus aucun contrôle sur ses gestes, ses mots. Ses yeux, grand ouverts sur l'infini, reflètent la fournaise hallucinée de son esprit scindé. Il fonctionne par cycles depuis toujours et le moment est venu où ses crises se déclenchent.

Rislon
(Tambours)
Rislon
(Tambours)
Rislon n'a rien fait. Rislon n'aime pas les monstres. Rislon n'aime pas les fous. Il ne t'a pas aidé, le jour du Destin. Logique, ordre, rectitude. Lignes droites, droites, droites, droites, lances, barres, barreaux, prison
La vie est une prison. La non-vie est une prison.
Chaînes. Les chaînes sont légions. Les chaînes sont. Les chaînes s'enchaînent aux chaînes. Sangles. Serre-les. Encore, il ne doit pas s'échapper. Cuir. Acier. Alchimiques. Ils ont inventé des liens invisibles qui me clouent à leur lit, feu dans veines, sommeil glacé.
Mais revenons à cette notion.
Inspire. Expire. Le monde se. Inspire. Expire. Réduit à cela. Canal rivière canule au fond de la gorge endormie (endolorie), surgissant d'une source (bouche) entre les broussailles (le chaume de sa barbe naissante). Taches de lait renversé sur les restes effrangés d'une conscience sans limites.
Mais tu sais qu'inspirer ne te sert à rien. Pourquoi t'acharnes-tu en vain à paraphraser ton existence précédente ?
...

Battements. Un coup, puis un autre. Un coup dans le dos. Rouge. Un coup dans le dos. Noir. Au cœur. Noir. Au ventre. Rouge. Au crâne. Noir. Noir. Rouge. Noir. Échos du temps. Échos de cristal brisés. Multiples de deux. Pluralité. Ubiquité. Instabilité. Chaos.
Fou. Il est fou. Cet enfant est malade. Nous ne pouvons que poser ce diagnostic. Il est violent et inquiet. Atteint de schizophrénie à tendances paranoïaques et pulsions destructrices. Allez au diable. Soupçons de bipolarité à ce jour non-confirmés. Laissez-moi tranquille ! Intelligence calculatrice et remarquable, qui lui cause une souffrance mentale atroce, qu'il cherche par la violence à fuir. Sens de la logique altéré. Personne ne peut me comprendre ... Dédoublements de la personnalité récurrents. Parfois hystérique. Partez ! Mise sous tranquillisants effectuée. Etat de semi-conscience maintenu. Seul, seul, laissez-moi seul ! Ne me regardez pas, je ne suis pas celui que vous connaissez, je suis un monstre échappé de quelque enfer !
Paroxysme des tensions, équilibre des terreurs. Marche funèbre.

Son visage est agité de tics incontrôlables, ses cheveux en bataille, détruisant entre ses mains tout ce qui passe à portée de bras, et délirant à mi-voix sur plusieurs tonalités différentes, enfant apeuré, cruel seigneur, créature infernale, homme effaré. Ses yeux, écarquillés, où la pupille a phagocyté l'iris, sont l'allégorie de l'abîme où il s'est jeté. Il hallucine depuis déjà plusieurs heures et n'est pas prêt d'en sortir, aux prises avec un lui-même trop prenant, des fantômes trop prégnants. Sa conscience n'est que spectatrice dans ce cirque chaotique, révoltée et dégoûtée d'elle-même.

Schizophrène ? Absolument. Dangereux ? Sans nul doute. Désespéré ? Également. Mais coupable de prêter volontairement le flanc et d'appeler de tous ses vœux la maladie, de faire "exprès" ? Non coupable.

Il est seul. L'amour, l'amour l'a quitté, s'en est allé, faire un tour (définitif), de l'autre côté. Il se tient sur un bord du précipice, et de l'autre côté, toute son ancienne vie. Il voudrait tant bondir, d'un simple pas retrouver ce qu'il a perdu lorsque l'Autre Lieu s'est fracturé et qu'il a glissé, d'un monde à l'autre, s'empalant sur les récifs glacés d'une autre réalité qu'il avait quitté dans la fanfare des coups de feu.

Le précipice est infranchissable. Et le soleil se lève.
Kiel d'Althain
Kiel d'Althain

Personnages Joués : Cianor - Bransian - Fingal - Davien - Aleyrah

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Corwin, huile sur toile Empty Re: Corwin, huile sur toile

Message  La Dame Jeu 07 Mar 2013, 21:15

"Corwin est un escalier de Penrose avec un vide au milieu, un vide fini et remplissable, dont une partie a été remplie. Cet escalier a cependant deux côtés, un exposé à la lumière et l'autre dans l'ombre, ces côtés ne sont pas fixes et varient quand on le regarde. On peut le voir expansif, débordant presque et l'instant d'après il essaye de combler son vide et d'augmenter son escalier, et pourtant... Il lui manquera toujours quelque chose." -Rislon Milloin

Je cours, je cours, seul sur cet escalier de Penrose, cet escalier infernal, toujours l’œil rivé à ce vide qui me tourmente et m'accuse. Ombre et lumière se succèdent et glissent sur moi à mesure que je gravis sans fin les versants. Je n'ai aucune échappatoire ! Je suis prisonnier de la propre âme, de mon propre être comme de mon non-être. Je change à chaque pas, je deviens lui, je deviens l'autre mais toujours reste semblable. La Bête me réchauffe de sa fureur, tapie dans ma tête. Toujours en moi elle grandit et s'étend, changeante et mouvante, jamais égale à elle-même. Bestialité ! Vous l'avez appelée folie, vous l'avez appelée worgen, mais moi je sais, lorsque que je m'enivre de ce sang encore chaud qui la fait rugir et assourdit mes pensées, qu'elle est aussi moi. Je ne suis jamais seul. Quand sa fureur se tait, mon regard devient de glace et d'acier. Froide violence contenue qui attend son heure pour se déchaîner !

Et vous, oui, vous tous, imbéciles et heureux, tous mêlés, tous égaux lorsque que vous me regardez, vous ne me voyez pas. Je suis le serpent ! Je change de peau. Je suis déjà quelqu'un d'autre. Je porte les identités, les caractères, les idées mêmes comme autant de masques avec lesquels je vous aveugle. Je suis un tout privé de son entièreté. Je suis plus qu'un simple homme.

J'ai été mort. Je suis revenu à la vie. J'ai connu des femmes. J'ai eu des fils. J'ai tué, violé, pillé pour rassasier la Bête et pour elle je vous dévorerai volontiers. J'ai connu la mort et l'ai caressée comme une amante. Je l'ai laissée m'emporter.

J'ai été libre captif, j'ai été enchainé par ma liberté. Jamais, jamais, jamais. Jamais je ne vous laisserai voir, approcher, deviner, toucher mon vide. Vous ne me voyez pas. Mais moi, je vous vois. Depuis mes propres replis, mes propres tréfonds, enfoui que je suis dans ma propre tête d'où je suis un roi caressant un fauve, je vous vois ! Je sais que vous me voulez. Je sais que vous voulez me détruire.
Encore ? Non ! Plus jamais.

J'ai été mort, et je suis revenu à la vie. Je vous brûlerai plutôt que d'être privé de ma vie une nouvelle fois. Je suis vivant ! Et je compte vivre, vivre, m'enivrer de cette vie jusqu'à la lie, jusqu'à ce qu'elle ne devienne plus qu'une loque informe et décolorée que j'offrirai à l'éternité. Laissez-moi vivre ! Je suis déjà mort. Je suis vivant. Je suis moi, je suis lui, je suis vous. Vous n'aurez pas ma vie. Je renverserai mon escalier, ma prison, je libérerai âme et Bête et unis dans cet éternel éphémère nous célébrerons la vie dont le monde ne cesse de vouloir nous priver. Espoir brûlant comme la flamme portée haut à travers la nuit sombre et pleine de terreurs !

J'y parviendrais. Jamais, jamais, jamais... Vous ne me tuerez plus. Trop souvent trahi, utilisé, abandonné ! Vous serez mes outils. Je vivrais la vie que l'on m'a toujours refusée.
Je suis un roi captif de lui-même. Je suis un roi dans une prison, caressant sa propre Bête en rêvant de me gorger de vie comme d'un alcool divin !

Vous ne me trouverez jamais. Non ! Je suis moi, mais je suis aussi lui. Ah ! Son corps est mon refuge et ma prison, la peur et le désespoir sont mes chaînes. Oh oui ! Toi Alsrick, Kiel déguisé, j'ai inspiré ta substance, ta réalité, jusqu'à ce que tu lâches prise et te fonde en moi. Je suis toi ! Pauvre fils déshérité, c'est l'occulte qui t'a perdu toi aussi et le parallèle en est troublant ! Et tu es beau, retors. N'est-ce pas ? Si je dois vivre pourquoi me priver d'être beau ?

Et vous ! Vous toutes, si belles, et si douces ! J'ai toujours gravés en moi vos baisers, vos désirs, et nos nuits brûlantes, mais maintenant ... ! Maintenant je vois que vous n'êtes que de pâles fantômes, des coquilles vides et asséchées en mal d'être et non de paraître ! Vous n'êtes plus et ne serez plus. Il y en a une autre qui écrase vos prétentions de ses couleurs brillantes. Alors qu'autour de moi tout est fade et gris, elle est là, teintant l'univers. Vous ne me l’enlèverez pas ! Elle se joint à moi lorsque je débride la Bête qui dès lors se vêt de dentelles et de soieries, elle m'éclabousse de sa couleur ! Elle est vivante, tellement vivante que j'en suis étourdi. Sur la vaste scène de l'existence, elle porte des masques et fait de la comédie sa réalité. Le jeu et les rôles la définissent, pourtant elle traverse les faux-semblants du monde aussi sûrement qu'une froide lame fend la chair. Acérée ! Vous ne me l'enlèverez pas.

Je suis un roi enchaîné, je suis celui que vous ne voyez pas, jamais. Mon vide est enfoui et à l'ombre de mes propres masques j'essaye en vain de le remplir et de le combler. Je cours, je cours, je gravis et dévale les versants, courant comme un dément, dans cette prison qui me vole mon souffle ! Je le perd, je me perd, trébuche, hurle, cherche, tombe, me relève, encore, toujours. Où que j'aille l'escalier s'inverse et ne s'arrête jamais. Je suis prisonnier de ma propre âme ! Où est la clé ? Où est l'échappatoire ? Où est cette pièce qui enfin comblera mon vide ? Pourquoi en suis-je privé ?

Ombre et lumière, cendre et neige virevoltante, mon domaine est habité par des fantômes qui pleurent la nuit, lorsque l'emprise est loin. Pic battu par le vent hurlant ! Là j'ai ma forteresse, là j'ai mon bastion. J'y enfermerai mon âme et mon vide à l'abri de vos serres avides de charognards, et j'offrirai à la Bête un banquet de chair encore vive ! Je briserai vos os, je torturerai vos âmes à l'aide du masque du dément, ces yeux écarquillés, ce regard malsain et ce sourire exagérément étendu ! A coups de poings je vous jetterai à terre, je broierais votre gorge, je ferais éclater vos poumons et fondre vos yeux. Je laisserai la Bête se repaître. Je danserai sur vos dépouilles ravagées comme un maudit. Je hurlerai à travers le ciel, "Je suis vivant !"
Je vous ferai souffrir comme j'ai souffert. Et, enfin, je vivrais la vie que l'on m'a refusée. Ni dieux ni démons ne pourront lutter.

Vous ne pourrez que contempler l'éternelle étendue privée de couleur, immobiles, suppliants. Mais il n'y aura aucune voix à travers le vaste, illimité désert de la mort. Ici demeurera un sempiternel cimetière, et lorsque le vent se taira enfin, le silence sera de pierre. La mort ne vous offrira pas de retour et l'oubli sera votre seul cadeau d'adieu.
Je.
Suis.
Vivant.
La Dame
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