Keshem Ouraneous.
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Keshem Ouraneous.
Un jour parmi tant d'autres...
Un petit groupe de prêtres et prêtresses aux capuchons gris se tenait derrière la masse plus compacte de ses confrères alors qu’Ishanah chantait une ode de remerciements aux Naarus, sa voix claire et harmonieuse s’élevant avec force dans l’air vibrant du matin.
Murmures des clercs en réponse, comme un voile vivant. L’une des femmes du petit cortège, encadré de deux hommes dont l’attention était entièrement accaparée par le cérémoniel, rajusta délicatement son voile. Dessous brillaient ses yeux à l’éclat intense, rendus plus saisissants encore par sa peau sombre et presque noire. Les chants prirent fin. Dans le silence apaisant qui suivit, quelques personnes s’enhardirent à échanger des nouvelles, l’assemblée finissant par former de petits groupes de trois ou quatre individus bavardant amicalement et avec une certaine satisfaction les uns avec les autres. Les prêtres en gris s’approchèrent de la première d’entre eux en courbant légèrement la tête à son approche.
« Voilà longtemps qu’une telle réunion n’a pas eu lieu Prêtresse. Ces écrits que nous avons récemment trouvés se révèlent encore porteurs d’une grande sagesse. »
Ishanah sourit et prononça quelques paroles de courtoisie envers le petit groupe.
Inhabituellement sérieux, même pour des serviteurs de l’Aldor et de la Lumière des Naarus, leurs visages révélaient une certaine réserve. Même au sein de la prêtrise Draeneï bienveillante, les pratiquants de la voie dite de l’Ombre restaient quelque peu à l’écart, même s’il était rare que des individus restent éternellement artisans de ce type de magie. Cela ne durait généralement qu’un temps, les serviteurs les plus âgés avouant eux-mêmes qu’il pouvait être instructif et utile d’avoir étudié toutes les branches.
Embrassant un vieil homme frêle sur les deux joues et lui ayant enjoint de prendre soin de sa santé, Ishanah se retourna face aux autres prêtres, les salua de la tête et murmura des paroles d’excuses, d’autres obligations l’appellant loin d’eux. Elle partit peu après.
Le vieux Draeneï vacillant un peu de fatigue, la prêtresse au visage sombre s’empressa de lui prendre le bras pour le soutenir, et l’escorta jusqu’à la sortie du temple, ou ils débouchèrent sur une terrasse encore embrumée d’un brouillard matinal.
« Navré, navré, encore navré pour cela… »
« Ne vous excusez pas Nandrit, c’est déjà courageux de votre part d’être venu si tôt, et sans tenir compte de… »
« Sottises Keshem. Je ne suis pas encore infirme et mon bras a beau ne plus avoir la même force qu’autrefois, je reste encore capable...de me déplacer…convenablement ! »
Ils enjambèrent quelques branches tombées durant la nuit, et qui n’avaient pas encore été ôtées du chemin.
« Quel plaisir de retrouver autant de monde pour une cérémonie…cela fait bien des années que je n’ai pas ressentit une telle énergie circuler entre nous. Il faudra continuer dans cette voie ma chère. D’autant plus que nous devons inspirer courage et détermination aux nôtres. »
Nandrit plissa le nez devant une odeur quelque peu piquante qui montait de la Ville Basse, sans doute lié à de fortes décoctions que des alchimistes avaient décidés de préparer ce matin-là.
« Vous devriez sortir plus souvent. »
Keshem sursauta. Le vieux Draeneï était penché vers elle avec un sourire malicieux.
« Je suis tout le temps en voyage ! »
Nandrit rit.
« Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je parlais de sortir pour rencontrer plus souvent des gens. Vous êtes bigrement solitaire ces derniers temps ma petite, et ne niez pas, quand est-ce que vous avez passé une soirée avec des amis ? Les nôtres ont ouverts de belles petites auberges ça et là, avec les moyens du bord. »
Keshem ne répondit rien, un peu vexée de se faire sermonner de cette façon. Nandrit gloussa de son étrange rire toussotant, en aplatissant le haut de sa barbe, comme s’il avait raconté une histoire fort drôle.
« Vous êtes trop susceptible ma chère petite. Et vous montrez très bien quand vous êtes contrariée, vos sourcils se froncent de façon menaçante. »
Il toussa un peu.
« Les hommes aiment les femmes de caractère, je me rappelle très bien avoir courtisé dans ma jeunesse, la deuxième fille de Vadross Skiton, une fort belle femme, des yeux immenses et une voix magnifique, même lorsqu’elle criait, ce qui ne faisait qu’exacerber alors son charme, d’ailleurs… »
Keshem le laissa parler de tout son soûl, heureuse d’avoir trouvé une échappatoire, et écouta d’une oreille distraite le récit fort long, et détaillé de nombreux commentaires de son auteur.
Nandrit fini par se rappeler qu’il discutait depuis déjà de longues minutes et adressa un sourire d’excuse à sa jeune compagne.
« Saden aurait été aussi de mon avis je pense. Cela fait quelques années maintenant qu’il est mort… »
Keshem roula des yeux.
« Vous êtes incorrigible… »
Il rit.
« Non, je crois plutôt que je suis un éternel romantique. Pensez-y, vous pouvez vous remarier. »
Tous deux finirent par arriver là ou logeait le vieillard, ou ils se séparèrent avec douceur et un certain soulagement pour la prêtresse, bien qu’elle le cacha avec les politesses d’usage et l’échange de bénédictions.
Mauvais présage.
L’enfant geint tandis que son corps frêle se contractait sous la tension de façon irrépressible. Aucune des trois personnes penchées au-dessus de lui ne parlait, leurs visages fermés et impassibles. Seul ce léger son se faisait entendre dans le petit camp, déjà à moitié plongé dans l’obscurité ; la lumière vacillante du feu et l’odeur de bois brûlé comme seul rappel à la réalité présente. Le Draeneï le plus âgé se leva et s’empara d’une sacoche de cuir usée, dont il commença à desserrer les lanières. La femme le rejoignit aussitôt, ses doigts remplaçant ceux du vieillard qui tremblaient sous le coup du choc. Elle le regarda à la dérobée, presque honteuse. Le vieux visage pâle et crispé du chaman se chiffonnait comme celui d’un enfant sur le point de pleurer, lui qui avait pourtant tellement du voir et affronter de choses au cours de sa longue existence, tourmentée comme celle de toute sa race.
C’est toujours une petite goutte d’eau…
Il récupéra ce qu’il cherchait, deux longues fioles sombres et froides, qu’il serra dans ses poings en se redressant.
« Vous ne pouvez pas… »
« Ne me dites pas ce que je dois ou que je ne dois pas faire Keshem ! »
Tous deux se faisaient face, à quelques centimètres du visage de l’autre.
Ils sursautèrent en entendant le son horrible qui monta derrière eux en un gémissement perçant. Le cri suivant déchira la nuit en une plainte glaçante, ramenant à lui les deux Draeneis dans une bousculade précipitée, au cours de laquelle une fiole tomba dans l’herbe.
Leur troisième compagnon essuya doucement le sang sur le cou de l’enfant à présent calme, les bras paisiblement étendus dans leurs manches déchirées.
«… Priez »
C’est toujours la goutte d’eau
Un début d’océan
Tomber dedans
Keshem regarda les braises du feu qui s’était éteint sans que personne ne songe à le rallumer. Le geste aurait semblé si vain dans un moment pareil…Les deux hommes s’étaient plongés dans des prières dont le murmure à peine audible n’arrivait pas à chasser la vieille comptine. Les meurtrissures sombres sur le petit corps immobile ne seraient pas les dernières qu’ils verraient. Très doucement, elle ramena son front contre ses mains et resta appuyée ainsi.
Mais les eaux sont noires
Et pour tous ceux qui y sombrent
Profondes
Il y a parfois des vieilles chansons qui restent d’une vérité terrible…
La recherche.
"Une jeune fille au teint clair...et aux cheveux tout aussi blancs"
Keshem revint à la ligne et fît tourner légèrement sa plume entre ses doigts. Ses yeux revinrent au papier.
"Aperçue pour la dernière fois dans la région des Hautes-Terres d'Arathi..."
Les témoignages les plus anciens faisaient note d'escales aux Paluns, à Auberdine, et près des côtes bordant l'Exodar.
"Cornes longues et partant vers l'arrière de la tête; expression de désarroi selon les témoins."
Egarée, oui, la jeune Draeneï l'était sans doute.
Keshem baissa le regard vers le sol, le visage fermé.
Tout le monde l'est après un deuil...
d'une main ferme, elle souligna les premiers mots de son carnet.
Recherches sur la disparition de Nillec Liata'Nod.
Elle revît le visage si las de la paladine de qui elle tenait cette histoire. Wydjaya Feryyn, sans nouvelles de la fille de sa soeur aînée Narëlle, retrouvée morte au cratère du Val d'Ammen. Nillec qui avait disparue après quelques rares paroles échangées avec les survivants du Guet d'Azur, avait fini par quitter ces rivages pour ne plus être aperçue que très brièvement plusieurs contrées plus loin.
Toujours plus vers le Nord également.
Autrefois.
Deux cent ans ans plus tôt.
Un jeune couple de Draeneïs dans quelque Hall marchand.
L'homme tient dans ses mains une poignée de bracelets à breloques, qu'il examine l'un après l'autre en bavardant. La femme les regarde, tête penchée sur le côté, ses boucles sombres frôlant la pointe de ses épaules.
-Celui-ci est plutôt à usage chamanique, tu vois, les cristaux verts et la rondelle de bois là.
-Oui.
-Par contre j'aime bien l'arrangement de celui-là, il le soupesa. Assez léger pour un joli poignet. Saden sourit à sa compagne.
-Et dans trois semaines, il ne sera plus celui de Keshem Erazaï, mais celui de madame Ouraneous.
Le passé, le passé...
La dormeuse s'agitait sur son oreiller, le front légèrement ridé par le souci.
L'image de Saden portant Litlia avec précaution, lors d'une escale sur une plage tranquille. Le soleil d'un orange éblouissant ce jour-là, lueur gravée dans sa mémoire et chargée avec le recul d'une tristesse infinie.
Les années passant et toujours le souvenir de cette scène, sans aucun son, juste l'exact mouvement de chacun, la fillette babillant et son père empêtré dans les multiples couvertures qu'il avait absolument tenu à emmener au cas ou la petite aurait froid.
Plus tard, en rejoignant la prêtrise, Keshem garda les images au fond d'elle-même, précises et intactes.
Extérieurement, elle lissa ses cheveux avec sévérité, fît preuve de calme et de rigueur, et chassa toute spontanéité irréfléchie. Du moins elle essaya, car un certain orgueil avait surgit en elle avec le temps et l'âge.
Très loin, il restait une Keshem douce et mélancolique, qui retournait de temps à autre jouer avec les enfants des autres, et les orphelins, à l'abri des regards indiscrets.
Un petit groupe de prêtres et prêtresses aux capuchons gris se tenait derrière la masse plus compacte de ses confrères alors qu’Ishanah chantait une ode de remerciements aux Naarus, sa voix claire et harmonieuse s’élevant avec force dans l’air vibrant du matin.
Murmures des clercs en réponse, comme un voile vivant. L’une des femmes du petit cortège, encadré de deux hommes dont l’attention était entièrement accaparée par le cérémoniel, rajusta délicatement son voile. Dessous brillaient ses yeux à l’éclat intense, rendus plus saisissants encore par sa peau sombre et presque noire. Les chants prirent fin. Dans le silence apaisant qui suivit, quelques personnes s’enhardirent à échanger des nouvelles, l’assemblée finissant par former de petits groupes de trois ou quatre individus bavardant amicalement et avec une certaine satisfaction les uns avec les autres. Les prêtres en gris s’approchèrent de la première d’entre eux en courbant légèrement la tête à son approche.
« Voilà longtemps qu’une telle réunion n’a pas eu lieu Prêtresse. Ces écrits que nous avons récemment trouvés se révèlent encore porteurs d’une grande sagesse. »
Ishanah sourit et prononça quelques paroles de courtoisie envers le petit groupe.
Inhabituellement sérieux, même pour des serviteurs de l’Aldor et de la Lumière des Naarus, leurs visages révélaient une certaine réserve. Même au sein de la prêtrise Draeneï bienveillante, les pratiquants de la voie dite de l’Ombre restaient quelque peu à l’écart, même s’il était rare que des individus restent éternellement artisans de ce type de magie. Cela ne durait généralement qu’un temps, les serviteurs les plus âgés avouant eux-mêmes qu’il pouvait être instructif et utile d’avoir étudié toutes les branches.
Embrassant un vieil homme frêle sur les deux joues et lui ayant enjoint de prendre soin de sa santé, Ishanah se retourna face aux autres prêtres, les salua de la tête et murmura des paroles d’excuses, d’autres obligations l’appellant loin d’eux. Elle partit peu après.
Le vieux Draeneï vacillant un peu de fatigue, la prêtresse au visage sombre s’empressa de lui prendre le bras pour le soutenir, et l’escorta jusqu’à la sortie du temple, ou ils débouchèrent sur une terrasse encore embrumée d’un brouillard matinal.
« Navré, navré, encore navré pour cela… »
« Ne vous excusez pas Nandrit, c’est déjà courageux de votre part d’être venu si tôt, et sans tenir compte de… »
« Sottises Keshem. Je ne suis pas encore infirme et mon bras a beau ne plus avoir la même force qu’autrefois, je reste encore capable...de me déplacer…convenablement ! »
Ils enjambèrent quelques branches tombées durant la nuit, et qui n’avaient pas encore été ôtées du chemin.
« Quel plaisir de retrouver autant de monde pour une cérémonie…cela fait bien des années que je n’ai pas ressentit une telle énergie circuler entre nous. Il faudra continuer dans cette voie ma chère. D’autant plus que nous devons inspirer courage et détermination aux nôtres. »
Nandrit plissa le nez devant une odeur quelque peu piquante qui montait de la Ville Basse, sans doute lié à de fortes décoctions que des alchimistes avaient décidés de préparer ce matin-là.
« Vous devriez sortir plus souvent. »
Keshem sursauta. Le vieux Draeneï était penché vers elle avec un sourire malicieux.
« Je suis tout le temps en voyage ! »
Nandrit rit.
« Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je parlais de sortir pour rencontrer plus souvent des gens. Vous êtes bigrement solitaire ces derniers temps ma petite, et ne niez pas, quand est-ce que vous avez passé une soirée avec des amis ? Les nôtres ont ouverts de belles petites auberges ça et là, avec les moyens du bord. »
Keshem ne répondit rien, un peu vexée de se faire sermonner de cette façon. Nandrit gloussa de son étrange rire toussotant, en aplatissant le haut de sa barbe, comme s’il avait raconté une histoire fort drôle.
« Vous êtes trop susceptible ma chère petite. Et vous montrez très bien quand vous êtes contrariée, vos sourcils se froncent de façon menaçante. »
Il toussa un peu.
« Les hommes aiment les femmes de caractère, je me rappelle très bien avoir courtisé dans ma jeunesse, la deuxième fille de Vadross Skiton, une fort belle femme, des yeux immenses et une voix magnifique, même lorsqu’elle criait, ce qui ne faisait qu’exacerber alors son charme, d’ailleurs… »
Keshem le laissa parler de tout son soûl, heureuse d’avoir trouvé une échappatoire, et écouta d’une oreille distraite le récit fort long, et détaillé de nombreux commentaires de son auteur.
Nandrit fini par se rappeler qu’il discutait depuis déjà de longues minutes et adressa un sourire d’excuse à sa jeune compagne.
« Saden aurait été aussi de mon avis je pense. Cela fait quelques années maintenant qu’il est mort… »
Keshem roula des yeux.
« Vous êtes incorrigible… »
Il rit.
« Non, je crois plutôt que je suis un éternel romantique. Pensez-y, vous pouvez vous remarier. »
Tous deux finirent par arriver là ou logeait le vieillard, ou ils se séparèrent avec douceur et un certain soulagement pour la prêtresse, bien qu’elle le cacha avec les politesses d’usage et l’échange de bénédictions.
Mauvais présage.
L’enfant geint tandis que son corps frêle se contractait sous la tension de façon irrépressible. Aucune des trois personnes penchées au-dessus de lui ne parlait, leurs visages fermés et impassibles. Seul ce léger son se faisait entendre dans le petit camp, déjà à moitié plongé dans l’obscurité ; la lumière vacillante du feu et l’odeur de bois brûlé comme seul rappel à la réalité présente. Le Draeneï le plus âgé se leva et s’empara d’une sacoche de cuir usée, dont il commença à desserrer les lanières. La femme le rejoignit aussitôt, ses doigts remplaçant ceux du vieillard qui tremblaient sous le coup du choc. Elle le regarda à la dérobée, presque honteuse. Le vieux visage pâle et crispé du chaman se chiffonnait comme celui d’un enfant sur le point de pleurer, lui qui avait pourtant tellement du voir et affronter de choses au cours de sa longue existence, tourmentée comme celle de toute sa race.
C’est toujours une petite goutte d’eau…
Il récupéra ce qu’il cherchait, deux longues fioles sombres et froides, qu’il serra dans ses poings en se redressant.
« Vous ne pouvez pas… »
« Ne me dites pas ce que je dois ou que je ne dois pas faire Keshem ! »
Tous deux se faisaient face, à quelques centimètres du visage de l’autre.
Ils sursautèrent en entendant le son horrible qui monta derrière eux en un gémissement perçant. Le cri suivant déchira la nuit en une plainte glaçante, ramenant à lui les deux Draeneis dans une bousculade précipitée, au cours de laquelle une fiole tomba dans l’herbe.
Leur troisième compagnon essuya doucement le sang sur le cou de l’enfant à présent calme, les bras paisiblement étendus dans leurs manches déchirées.
«… Priez »
C’est toujours la goutte d’eau
Un début d’océan
Tomber dedans
Keshem regarda les braises du feu qui s’était éteint sans que personne ne songe à le rallumer. Le geste aurait semblé si vain dans un moment pareil…Les deux hommes s’étaient plongés dans des prières dont le murmure à peine audible n’arrivait pas à chasser la vieille comptine. Les meurtrissures sombres sur le petit corps immobile ne seraient pas les dernières qu’ils verraient. Très doucement, elle ramena son front contre ses mains et resta appuyée ainsi.
Mais les eaux sont noires
Et pour tous ceux qui y sombrent
Profondes
Il y a parfois des vieilles chansons qui restent d’une vérité terrible…
La recherche.
"Une jeune fille au teint clair...et aux cheveux tout aussi blancs"
Keshem revint à la ligne et fît tourner légèrement sa plume entre ses doigts. Ses yeux revinrent au papier.
"Aperçue pour la dernière fois dans la région des Hautes-Terres d'Arathi..."
Les témoignages les plus anciens faisaient note d'escales aux Paluns, à Auberdine, et près des côtes bordant l'Exodar.
"Cornes longues et partant vers l'arrière de la tête; expression de désarroi selon les témoins."
Egarée, oui, la jeune Draeneï l'était sans doute.
Keshem baissa le regard vers le sol, le visage fermé.
Tout le monde l'est après un deuil...
d'une main ferme, elle souligna les premiers mots de son carnet.
Recherches sur la disparition de Nillec Liata'Nod.
Elle revît le visage si las de la paladine de qui elle tenait cette histoire. Wydjaya Feryyn, sans nouvelles de la fille de sa soeur aînée Narëlle, retrouvée morte au cratère du Val d'Ammen. Nillec qui avait disparue après quelques rares paroles échangées avec les survivants du Guet d'Azur, avait fini par quitter ces rivages pour ne plus être aperçue que très brièvement plusieurs contrées plus loin.
Toujours plus vers le Nord également.
Autrefois.
Deux cent ans ans plus tôt.
Un jeune couple de Draeneïs dans quelque Hall marchand.
L'homme tient dans ses mains une poignée de bracelets à breloques, qu'il examine l'un après l'autre en bavardant. La femme les regarde, tête penchée sur le côté, ses boucles sombres frôlant la pointe de ses épaules.
-Celui-ci est plutôt à usage chamanique, tu vois, les cristaux verts et la rondelle de bois là.
-Oui.
-Par contre j'aime bien l'arrangement de celui-là, il le soupesa. Assez léger pour un joli poignet. Saden sourit à sa compagne.
-Et dans trois semaines, il ne sera plus celui de Keshem Erazaï, mais celui de madame Ouraneous.
Le passé, le passé...
La dormeuse s'agitait sur son oreiller, le front légèrement ridé par le souci.
L'image de Saden portant Litlia avec précaution, lors d'une escale sur une plage tranquille. Le soleil d'un orange éblouissant ce jour-là, lueur gravée dans sa mémoire et chargée avec le recul d'une tristesse infinie.
Les années passant et toujours le souvenir de cette scène, sans aucun son, juste l'exact mouvement de chacun, la fillette babillant et son père empêtré dans les multiples couvertures qu'il avait absolument tenu à emmener au cas ou la petite aurait froid.
Plus tard, en rejoignant la prêtrise, Keshem garda les images au fond d'elle-même, précises et intactes.
Extérieurement, elle lissa ses cheveux avec sévérité, fît preuve de calme et de rigueur, et chassa toute spontanéité irréfléchie. Du moins elle essaya, car un certain orgueil avait surgit en elle avec le temps et l'âge.
Très loin, il restait une Keshem douce et mélancolique, qui retournait de temps à autre jouer avec les enfants des autres, et les orphelins, à l'abri des regards indiscrets.
Gahil- Personnages Joués : Une ribambelle.
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