Souvenirs : Le sang des Hommes
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Souvenirs : Le sang des Hommes
Soleil. Un soleil sombre, grisé par des nuages obscurs, donnant au ciel, avec les émanations de peste qui se dégageaient du sol, un air apocalyptique. Des arbres morts dont les troncs n'évoquaient qu'une épouvante fictive, une terre noire constellée de restes de cadavres, un pavage recouvert par la saleté et le sang séché.
Des cadavres, les mains liées dans le dos, pendus par le cou en guise d'avertissement, et, en lambeaux, flottant encore dans l'air corrompu de Tirisfal, la bannière blanche marquée du L rouge de Lordaeron.
Brisant le silence d'une nuit sans lune, le claquement répété de sabots ferrés d'une cavalière vêtue de cuir noir, penchée sur la nuque de son destrier, le regard déterminé. Poursuivie par des nuées de flèches, sa cape slalomait avec elle et lui donnait l'aspect d'une ombre chevauchant un cheval éthéré, fuyant les traits de lumière s'abattant ci et là.
Au premier virage, la cavalière glissa de sa selle et claqua la croupe de l'animal, fidèle à sa maîtresse, il s'élança et continua sans elle sur la route pavée. Aussitôt, les flèches cessèrent de frémir, et l'air sembla étrangement lourd autour de la jeune fille qui se débarassait de sa cape en se hissant jusqu'à la cime d'un conifère n'ayant pas du revêtir son manteau d'épines depuis bien longtemps.
Une dizaine d'Hommes, vêtus aux couleurs de leur patrie, de rouge et de blanc, épées au clair, s'avança sous l'arbre et réalisèrent finalement.
Quelque secondes trop tard, peut-être. Fluide, gracieuse, Cora se laissa chuter de l'arbre, et enfonça ses talons au niveau du thorax d'un écarlate dont la dernière erreur avait été de relever la tête et d'exposer son buste. Un craquement sinistre retentit alors que ses côtes se brisaient en s'enfonçant dans ses organes vitaux, le laissant sans vie au bout de quelque secondes seulement, et, d'un seul Homme, les écarlates se tournèrent.
Le regard que le groupe et la jeune femme échangèrent fut bref, très bref. Mais il lui parut durer une éternité. Une flamme impérissable et incorruptible brûlait dans les yeux de chacun de ces Hommes, une volonté infaillible, un coeur valeureux, un esprit dévoué.
Mais eux ne lisaient dans les siens qu'un calme inhumain, et si c'était une flamme qui flamboyait dans ses prunelles bleues, c'était une flamme de glace, une flamme inspirant dans un équilibre parfait la chaleur du feu et la fraîcheur de l'eau.
Harmonie.
Chacun de ses gestes ne fut qu'harmonie.
C'est avec harmonie qu'elle s'élança, tel un oiseau de jais, glissant entre l'acier des épées avec la grâce d'une colombe, s'élançant avant de piquer, semblable à un faucon en chasse. Son poignard avait trancher la trachée d'un Homme, lui arrachant un hurlement qui s'étouffa dans le sang moussant de sa gorge ouverte, et il chuta, bousculant l'un de ses frères d'armes avant de percuter le sol lourdement.
Encore un de ces instants qui ne dure qu'une petite seconde, et qui, aux yeux de tous, semblait éternel.
Le faucon, avant que ses chasseurs n'ait eu le temps d'atteindre ses ailes, s'était une fois de plus élancé, passant sous la hampe d'une hallebarde, levant la jambe alors qu'une cognée aurait dû la lui trancher, décollant du sol en s'arc-boutant, se changeant alors en une créature de légende, gracieuse, illustre, magnifique. Que l'on ne peut saisir que dans ses rêves.
Fluides, puissants, contrôlés, ses gestes respectaient à chaque instant chacune de ces trois qualités, et, alors que ses cuisses se refermaient sur le cou d'un Homme, elle bascula en arrière et un nouveau craquement se perdit dans le fracas des armes et des armures, celui d'une nuque, brisée. Puis, sans rien perdre de sa superbe et de son efficacité, son corps se tordit et roula en arrière alors que ses lames, croisées, s'interposaient entre son visage et le fer d'une lance, l'espace d'un instant, suffisant pour qu'elle puisse se relever, passer sous les bras de son assaillant, et écarter deux nouvelles lames.
Il avait eu l'air d'être en vie, quand elle l'avait délaissé. Son visage était figé dans le temps, et sa main toujours levée, prête à frapper. De son aisselle s'échappait en revanche un flot de sang intarissable qui puisait sa source dans son coeur perforé.
Danse interminable, de bond en passe, de passe en échappée, sauvage, insaisissable, la jeune femme contrôlait chacun de ses mouvements. Chacun de ses coups. Se contrôlait. Contrôlait ses ennemis.
Une fontaine de sang jaillit de la gorge tranchée d'un nouveau cadavre, les nerfs permettant aux mains de se mouvoir d'un second furent tranché et il lâcha ses armes, en proie à un désespoir qu'il n'eut le temps de savourer que pendant quelques millièmes de seconde, avant qu'un talon ne broie sa gorge et le laisse périr muet.
Une geste précise, calculée, mais aucune cruauté, chaque coup était porté pour tuer, ou pour ne pas être tuée. Aucun geste n'était effectué au hasard, chaque mort n'était qu'un souffle, un souffle de vie pour elle, une promesse de mort pour un nouvel écarlate.
Mais la tension montait, ses muscles se raidissaient lentement et perdaient de leur puissance. Si bien qu'une épée traça une fine ligne de sang dans le bas de son dos, puis une seconde mordit la chair de sa cuisse.
Ce n'était pas un hasard, loin de là, mais bien un maigre sacrifice, qui coûta la vie à ceux qui pensaient prendre celle de leur adversaire. Tout deux bien trop près, l'orbite droit du premier permit au poignard de s'enfoncer avec une aisance déconcertante, et le petit sabre trouva bien plus facilement le coeur du second, se frayant un chemin entre une paire de côtes.
L'un en retrait, deux des trois survivants chargèrent à leur tour, presque immédiatement. Presque. Le mot de trop, qui suffit à leur opposant pour projeter ses lames et atteindre le foie du premier et un poumon du second. Chacun d'eux s'effondra lentement en, dans une tentative désespérée de s'accrocher au fil de vie qu'il leur restait, se calant sur leurs lames. Puis la chute vint, fatalement, alors que toute vie s'échappait et que leurs forces filaient avec le sang coulant de leurs plaies, béantes.
Le choc mêlé des deux masses inertes raisonna au même moment dans la petite gorge où le combat s'était déroulé.
Un son bref, mais devant lequel le dernier survivant ne put que lâcher ses armes, victime de la terreur, ses membres tremblaient, ses yeux frémissaient. La flamme s'était éteinte. Sa vie s'était consumée, sans même qu'une lame n'ait eu besoin d'interrompre les battements de son coeur.
Il baissa la tête, un instant, regardant les morts qui l'entouraient, le sang qui se mêlait à l'eau d'une flaque à ses pieds, et, quand il releva la tête, il ne vit rien.
L'oiseau s'était envolé, une fois encore.
Fier de sa liberté.
Libre de sa fierté.
Des cadavres, les mains liées dans le dos, pendus par le cou en guise d'avertissement, et, en lambeaux, flottant encore dans l'air corrompu de Tirisfal, la bannière blanche marquée du L rouge de Lordaeron.
Brisant le silence d'une nuit sans lune, le claquement répété de sabots ferrés d'une cavalière vêtue de cuir noir, penchée sur la nuque de son destrier, le regard déterminé. Poursuivie par des nuées de flèches, sa cape slalomait avec elle et lui donnait l'aspect d'une ombre chevauchant un cheval éthéré, fuyant les traits de lumière s'abattant ci et là.
Au premier virage, la cavalière glissa de sa selle et claqua la croupe de l'animal, fidèle à sa maîtresse, il s'élança et continua sans elle sur la route pavée. Aussitôt, les flèches cessèrent de frémir, et l'air sembla étrangement lourd autour de la jeune fille qui se débarassait de sa cape en se hissant jusqu'à la cime d'un conifère n'ayant pas du revêtir son manteau d'épines depuis bien longtemps.
Une dizaine d'Hommes, vêtus aux couleurs de leur patrie, de rouge et de blanc, épées au clair, s'avança sous l'arbre et réalisèrent finalement.
Quelque secondes trop tard, peut-être. Fluide, gracieuse, Cora se laissa chuter de l'arbre, et enfonça ses talons au niveau du thorax d'un écarlate dont la dernière erreur avait été de relever la tête et d'exposer son buste. Un craquement sinistre retentit alors que ses côtes se brisaient en s'enfonçant dans ses organes vitaux, le laissant sans vie au bout de quelque secondes seulement, et, d'un seul Homme, les écarlates se tournèrent.
Le regard que le groupe et la jeune femme échangèrent fut bref, très bref. Mais il lui parut durer une éternité. Une flamme impérissable et incorruptible brûlait dans les yeux de chacun de ces Hommes, une volonté infaillible, un coeur valeureux, un esprit dévoué.
Mais eux ne lisaient dans les siens qu'un calme inhumain, et si c'était une flamme qui flamboyait dans ses prunelles bleues, c'était une flamme de glace, une flamme inspirant dans un équilibre parfait la chaleur du feu et la fraîcheur de l'eau.
Harmonie.
Chacun de ses gestes ne fut qu'harmonie.
C'est avec harmonie qu'elle s'élança, tel un oiseau de jais, glissant entre l'acier des épées avec la grâce d'une colombe, s'élançant avant de piquer, semblable à un faucon en chasse. Son poignard avait trancher la trachée d'un Homme, lui arrachant un hurlement qui s'étouffa dans le sang moussant de sa gorge ouverte, et il chuta, bousculant l'un de ses frères d'armes avant de percuter le sol lourdement.
Encore un de ces instants qui ne dure qu'une petite seconde, et qui, aux yeux de tous, semblait éternel.
Le faucon, avant que ses chasseurs n'ait eu le temps d'atteindre ses ailes, s'était une fois de plus élancé, passant sous la hampe d'une hallebarde, levant la jambe alors qu'une cognée aurait dû la lui trancher, décollant du sol en s'arc-boutant, se changeant alors en une créature de légende, gracieuse, illustre, magnifique. Que l'on ne peut saisir que dans ses rêves.
Fluides, puissants, contrôlés, ses gestes respectaient à chaque instant chacune de ces trois qualités, et, alors que ses cuisses se refermaient sur le cou d'un Homme, elle bascula en arrière et un nouveau craquement se perdit dans le fracas des armes et des armures, celui d'une nuque, brisée. Puis, sans rien perdre de sa superbe et de son efficacité, son corps se tordit et roula en arrière alors que ses lames, croisées, s'interposaient entre son visage et le fer d'une lance, l'espace d'un instant, suffisant pour qu'elle puisse se relever, passer sous les bras de son assaillant, et écarter deux nouvelles lames.
Il avait eu l'air d'être en vie, quand elle l'avait délaissé. Son visage était figé dans le temps, et sa main toujours levée, prête à frapper. De son aisselle s'échappait en revanche un flot de sang intarissable qui puisait sa source dans son coeur perforé.
Danse interminable, de bond en passe, de passe en échappée, sauvage, insaisissable, la jeune femme contrôlait chacun de ses mouvements. Chacun de ses coups. Se contrôlait. Contrôlait ses ennemis.
Une fontaine de sang jaillit de la gorge tranchée d'un nouveau cadavre, les nerfs permettant aux mains de se mouvoir d'un second furent tranché et il lâcha ses armes, en proie à un désespoir qu'il n'eut le temps de savourer que pendant quelques millièmes de seconde, avant qu'un talon ne broie sa gorge et le laisse périr muet.
Une geste précise, calculée, mais aucune cruauté, chaque coup était porté pour tuer, ou pour ne pas être tuée. Aucun geste n'était effectué au hasard, chaque mort n'était qu'un souffle, un souffle de vie pour elle, une promesse de mort pour un nouvel écarlate.
Mais la tension montait, ses muscles se raidissaient lentement et perdaient de leur puissance. Si bien qu'une épée traça une fine ligne de sang dans le bas de son dos, puis une seconde mordit la chair de sa cuisse.
Ce n'était pas un hasard, loin de là, mais bien un maigre sacrifice, qui coûta la vie à ceux qui pensaient prendre celle de leur adversaire. Tout deux bien trop près, l'orbite droit du premier permit au poignard de s'enfoncer avec une aisance déconcertante, et le petit sabre trouva bien plus facilement le coeur du second, se frayant un chemin entre une paire de côtes.
L'un en retrait, deux des trois survivants chargèrent à leur tour, presque immédiatement. Presque. Le mot de trop, qui suffit à leur opposant pour projeter ses lames et atteindre le foie du premier et un poumon du second. Chacun d'eux s'effondra lentement en, dans une tentative désespérée de s'accrocher au fil de vie qu'il leur restait, se calant sur leurs lames. Puis la chute vint, fatalement, alors que toute vie s'échappait et que leurs forces filaient avec le sang coulant de leurs plaies, béantes.
Le choc mêlé des deux masses inertes raisonna au même moment dans la petite gorge où le combat s'était déroulé.
Un son bref, mais devant lequel le dernier survivant ne put que lâcher ses armes, victime de la terreur, ses membres tremblaient, ses yeux frémissaient. La flamme s'était éteinte. Sa vie s'était consumée, sans même qu'une lame n'ait eu besoin d'interrompre les battements de son coeur.
Il baissa la tête, un instant, regardant les morts qui l'entouraient, le sang qui se mêlait à l'eau d'une flaque à ses pieds, et, quand il releva la tête, il ne vit rien.
L'oiseau s'était envolé, une fois encore.
Fier de sa liberté.
Libre de sa fierté.
Flavia di Attia
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