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Message  Gahil Mer 08 Oct 2008, 11:30

L'éveil.

L'odeur piquante de la brume au matin...
La sensation d'un poids sur la poitrine, comme une sangle épaisse. La lente redécouverte de ses propres sens, les limites de son corps qui se redéfinissent, du bout des épaules naissant bras et longues jambes. Yeux clos la tête penchée en arrière. Comme les mains se réveillent, une vive douleur apparaît dans les deux derniers doigts de la main gauche.
 
Le visage de la jeune femme est blanc, blancs sont ses longs cheveux, couvrant ses épaules et le siège sur lequel elle gît à moitié, parmi les débris de la navette pourpre. Le mal qui embrase son bras la réveille enfin, et levant sa tête lourde, elle ouvre les yeux.

Nous avons dûs nous écraser sur ce fameux endroit...

La lumière du jour est éblouissante, la contraignant à refermer un moment les paupières.

Mère...

Elle tourna le menton vers sa gauche pour tomber sur le visage blanc d'une femme très belle. Mais elle était immobile, ses longues boucles noires dégageant de rondes cornes nacrées. Les yeux étaient fermés et aucun souffle ne l'animait plus.

Mère...

La jeune femme se redressa vivement, arrachant la bande qui la protégeait encore, pour marquer cette vision dans son esprit. Et comme l'écho d'une cérémonie funèbre résonna à ses oreilles.

Narëlle Liata'Nod, née Feryyn...soit gardée en la Lumière...prions les Naarus...

Si blanche, si ravissante, mais loin, à jamais perdue...
La survivante baissa la tête vers le sol, et de cette heure, il lui sembla que tous les sons pour elle, disparurent.

Elle parla avec les autres survivants, les soigneurs qui recueillaient les blessés, marcha jusqu'à l'Exodar. En chemin, elle apprit la perte d'autres parents, oncles et tantes. Le froid qui la gagnait ne disparaissait plus. La lueur du Naaru O'ros ne lui donna nulle joie. En son coeur, tout doucement, vint fleurir un sombre désespoir.

Elle prit le bateau, traversa la mer, et de là, dirigea ses pas vers le Nord, vers l'inconnu, et disparût aux yeux des siens et de ceux des Hommes, Nains, Elfes et Gnomes.
Gahil
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Message  Gahil Mer 19 Nov 2008, 12:09

La chute.


Coup au cœur.

L'eau dans laquelle elle se débattait était si froide que tout son corps échappait à son contrôle. L'ennemi était-il tombé avec elle dans les flots glacés? Impossible de s'en assurer avec les remous qui troublaient son champ de vision, tout autour d'elle.

De l'air!

Sous ses ongles, elle sentit la glace épaisse de la surface, bien trop épaisse pour être brisée par le poing. Elle cogna son poignet couvert de mailles sur le mur blanc, sans provoquer la moindre fissure.

Pas comme ça!
Pas comme ça!


Elle nagea frénétiquement, cherchant l'ouverture qui avait été provoquée par sa chute.

Pas comme ça, pas ici!

Pas si loin!
On ne me retrouvera jamais...!


Ses poumons n'étaient que douleur, l'air si précieux à seulement quelques centimètres, quelques malheureux centimètres. Enfin, par miracle, ses doigts gelés sentirent à tâtons les coupures de la glace marquant la liberté. Elle se hissa faiblement vers le passage, les morceaux flottant ballottés par l'eau se cognant à sa tête et à ses bras.

Nillec se sentit tomber face contre terre sur la surface neigeuse du lac, l'une de ses cornes faisant crisser l'amas de flocons. Le vent froid lui brûlait les poumons, mais c'était de l'air, de la vie. Ses membres étaient lourds, douloureux. Elle avait perdue son arme dans le lac en même temps que l'atroce créature qui l'avait traquée depuis le petit camp en ruines sur lequel elle était tombé quelques mètres plus loin. La mort rôdait par ici, et elle avait le visage de l'horreur.

Des créatures du Fléau, ici...

Elle ravala les larmes de fatigue qui menaçaient de la submerger, et roula sur le flanc, toujours étendue au sol.

Qu'est-ce que tu fais là?

La Draeneï ferma les yeux, sa peau blanche presque confondue avec la neige qui l'entourait. Les deux mèches claires qui tombaient sur ses épaules étaient emmêlées, son visage hagard.

Je n'aurai jamais dû venir ici...
J'aurai dû rester là-bas, avec les autres.


Depuis combien de temps tout cela durait-il...? Des mois, peut-être même des années.

Elle avait perdu la notion du temps depuis son départ, depuis qu'elle avait abandonné les siens, depuis tout le temps qu'elle avait erré, voyagé, mangé et bu seule le soir, cachée dans quelque repaire sordide. Depuis aussi qu'elle avait quitté cet homme qui vivait reclus dans une minuscule vallée. Le seul ami depuis bien longtemps...et elle l'avait abandonné un matin, sans un mot. Peut-être l'avait-il cherchée...

Il aurait peut-être fallu rester avec lui à l'écart des folies du monde. Mais il lui avait parlé de son passé et de son ancien Prince.
Fascinée, oublieuse de ce qui concernait sa propre histoire, Nillec avait écouté l'histoire du fils qui avait fait tomber son propre royaume, entraîné par la folie de la vengeance, puis ensuite entraîné dans sa propre folie plus personnelle. On avait parlé d'une épée maudite, l'homme lui parla également des massacres qui eurent lieu, et de la chute de Lordaeron...

D'autres qui avaient beaucoup soufferts, cela la jeune fille le comprenait. Sa race connaissait la fuite et la menace, qui rôdait toujours à la frontière des refuges qu'on espérait durables.

L'ermite et la jeune égarée restèrent ensembles durant de longues semaines, durant lesquelles ils eurent même l'occasion de rire; l'Humain se moquant gentiment des cornes de celle qui le dépassait tant en taille, la Draeneï soupirant devant le faible nombre d'années de son hôte.

J'aurais dû rester là-bas.

Nillec rouvrit ses yeux brillants. Grelottante, elle arriva à se rassoir, défaisant la lourde plaque articulée qui protégeait son poitrail, la laissant tomber sur place.

Il faut que je fasse un feu. L'eau était glaciale, et il fait encore si froid...je vais être malade si je ne fais pas vite quelque chose.


S'appuyant tant bien que mal sur le bras droit pour se relever, le gauche étant frappé de faiblesse depuis l'accident du Val d'Ammen, Nillec se mit à genoux et se redressa dans l'air immobile.
Le coup la prit entièrement au dépourvu. La masse la frappa au front, laissant une traînée sanglante. L'image floue de son agresseur figée devant ses yeux, la jeune fille bascula en arrière, son corps tombant à travers la masse craquelée d'où elle avait réussi à s'extirper quelques instants auparavant.



L'eau...le froid...l'immobilité de son corps...



Durant les derniers instants de sa conscience, Nillec Liata'Nod se sentit doucement sombrer vers les profondeurs, la lumière dansante de la surface dévorée par les ténèbres. Un cri de rage et de désespoir résonna dans son esprit, comme s'il allait s'échapper d'elle et monter, plainte inarticulée d'une âme abandonnée par la Lumière.


***


La vieille Réprouvée traîna le corps sur la rive, lissant les cheveux épars et marmonnant toute seule en caressant le visage immobile. Son petit rire grinçant résonna dans l'air matinal, comme elle sortait de sa besace une longue aiguille ornée d'un fil rouge, et perça le premier point en travers des lèvres closes...
Gahil
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Message  Gahil Mer 19 Nov 2008, 19:51

Pantin.

Lève-toi.

Le pantin se redressa d'une secousse, sa tête ballotant de droite à gauche. Les yeux brillaient, grands et vides.

L'instructeur hocha lentement la tête, apparemment satisfait. Devant lui, un petit groupe d'une dizaine de membres, immobiles et muets. Sur la gauche, la plus grande silhouette brillait au milieu de la quasi-pénombre qui régnait entre les murs noirs. Peau blanche, chevelure blanche, elle faisait part de la même docilité que les autres élèves. Quelque esprit dérangé semblait avoir joué avec son visage, la bouche de la Draeneï étant cousue de fil rouge, comme pour lui interdire à jamais toute parole.
La leçon continua, sans qu'aucune des personnes présentes ne fassent obstruction.

Plus tard, deux des jeunes chevaliers s'assirent dans un coin, leurs silhouettes recouvertes d'armures sombres presque invisibles sous un haut chandelier éteint. La première, Humaine, agitée de sanglots irrépressibles, regardait droit devant elle, comme étonnée par ce qui lui arrivait. La deuxième l'observait, sans expression.

***

Quelques jours plus tard.

A nouveau les deux chevaliers. Elles se savaient à présent parées du titre de "chevalier de la mort", aussi lugubre que cela puisse sonner à des oreilles étrangères. Pour elles le terme était familier. Sinistrement familier. Depuis peu, elles étaient à nouveau libre de penser ce qu'elles souhaitaient, mais ce n'était pas sans difficultés. Désorientées après ce qui s'était passé à la Chapelle. Désorientées par les gens qui les avaient dévisagées à Stormwind, les cris et insultes. L'Humaine pourtant, avait l'air de mieux le prendre. Elle avait même juré et maudit le Prince Arthas pour ce qui leur était arrivé. Pour la Draeneï, c'était plus incertain.
Incapable de parler normalement, son esprit avait été quelque peu poussé à "déborder" comme il le pouvait. C'est par la voie de l'esprit qu'elle communiquait, sa voix horriblement déformée résonnait aigüe comme celle d'une enfant. L'un des prêtres noirs de la nécropole en avait même rit, l'appelant "fausse adepte", sa voix psychique la rapprochant des prêtres qui possédaient un pouvoir voisin.

Cette particularité mise à part, elle était comme tout les autres, à présent tous des Égarés. Ils avaient franchis la frontière qui les séparerait des autres vivants.
Meurtriers et victimes, leurs souvenirs liés à jamais à Arthas.

- Il est temps que tu enlèves ça.

Nillec tourna la tête d'un air interrogatif vers sa compagne. L'Humaine sortît une courte lame de sa botte.

- Assieds-toi.

Elle s'exécuta. Avec précaution, la femme s'agenouilla, et approcha son arme des lèvres de la jeune fille. Elle trancha rapidement les trois fils. Les lèvres se mirent à saigner un peu, les cicatrices promettant de rester un certain temps. Puis une voix douce se fît entendre, nullement souillée par ce traitement.

- Et maintenant...sommes-nous...libres?

Libre?

Sa pensée s'accéléra, les paroles surgissant comme folles dans sa tête.

Mais quelle joie y' a-t-il encore ici? Sous les ordres du Roi, il y avait l'honneur de le servir...d'être ses outils...Il y avait quelque chose!

Son cœur hésitait, les souvenirs encore trop récents de la servitude.

Soupçonnant que l'étrange hésitation de sa sœur d'armes était due, comme à beaucoup d'autres encore, au trouble de leur nouveau statut, et au désordre mental évident, l'Humaine ne répondit rien. Elle se détourna et invoqua sa monture, y grimpant rapidement.

- Va sur ta propre route. Cherche. Comme nous le ferons tous. Au revoir ou bien peut-être adieu!
Gahil
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Message  Gahil Ven 21 Nov 2008, 14:00

Ailleurs.

La collerette de métal grinça de façon peu encourageante.

Wydjaya regarda tristement son casque, puis le jeta au loin. Impossible de réparer ça ici, et de toute façon, elle ne s'en sentait pas le courage. Quiconque aurait observé son armure à ce moment-là aurait effectivement ajouté que le reste n'en valait pas la peine non plus. Loin d'elle l'image de ces chevaliers couverts de plaques de métal brillantes et soigneusement entretenues. La paladine essuya une marque sombre sur sa joue, laissant une trace sur ses doigts et le bord de sa mâchoire. Baissant la tête, elle se rassit devant le minuscule feu de camp. Tout autour, le soir tombait sur le Fjord Hurlant, les grands arbres tournant à l'orange avant de progressivement devenir noirs sous la lueur des étoiles.
Les hautes cornes de la Draeneï projetaient de faibles ombres sur le sol, la lune étant particulièrement étincelante ce soir-là. A son côté, deux lames, la plus petite encore dans son fourreau, autour duquel étaient enroulées plusieurs bandes de tissu. La manipulant avec précaution, Wydjaya la posa plus près d'elle, passant la main dessus d'un air songeur. Son visage à présent dans l'ombre, les cernes disparaissaient, l'air las également. Seuls les yeux brillants prouvaient qu'elle était encore éveillée, et, semblait-t-il, réfléchissait.

Au loin, les cris des worgs troublaient le silence, tandis que de nombreux frémissements dans l'herbe et dans les feuillages voisins prouvaient l'existence d'autres créatures nocturnes.

Les mains jointes, la paladine rouvrit doucement les doigts tandis qu'une lueur chaude et rassurante sortît de l'espace entre ses paumes. Elle la regarda, comme pour chercher le courage nécessaire à sa tâche, puis referma les mains. Tirant sa cape autour de ses épaules, elle se cala contre une racine, ses affaires à ses pieds, glissant sa joue contre la mousse. Avant de fermer les yeux, elle regarda le ciel, seule compagnie en sa présence. Une étoile passa.

Bonne nuit ma sœur, où que tu sois à présent. Je continuerai pour toi, pour que tout n'ait pas été vain.
Et...ou qu'elle soit maintenant, je la trouverai.
Gahil
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Message  Gahil Mer 26 Nov 2008, 11:38

Terokkar.

La boue gargouillait sous ses bottes.

Yeux baissés, la lame au poing droit, Nillec progressait vers le lac Silmyr. L'armure noire se couvrait à présent de mille petites éclaboussures dûs au séjour dans le marécage. De temps à autre, un bref spasme contractait son visage, fugitive expression d'égarement et de lassitude, voire même de perplexité devant ses propres actes. Arrivée aux hautes racines d'un arbre fin dont les branches s'étiraient, immenses, vers les hauteurs, elle s'arrêta le temps de remettre son arme au fourreau. Nichées dans les plis métalliques de sa ceinture et de son plastron, une petite colonie de larves de sang remuaient doucement. Posant sa main sur l'un d'entre eux, l'insecte s'y arrima, puis soulevé, continua ses lentes torsions vers le visage qui le contemplait.

Depuis son dernier passage au Fort Achérus, cinq de ces petites choses vivaient en permanence avec elle. Quelque chose résonnait dans la jeune Draeneï à leur contact. Qui aurait pensé qu'un chevalier de la mort éprouverait de l'amour pour certaines de ses créations? Quand l'esprit n'était plus que désordre, seules subsistaient quelques traces de normalité, comme l'envie d'avoir des compagnons, de ne pas être seul.
A l'idée qu'elle devait traîner dans cette boue, dans cet endroit désert et coupé du monde, une poussée de fureur l'envahit, faisant trembler ses mains. Le Roi était loin...les autres chevaliers avaient l'air satisfaits d'aider ses ennemis...cette Alliance...des gens qui vous crachaient au visage parce que vous étiez revenus des morts!

Cette pensée était assez troublante en vérité. Nillec savait, on lui avait déjà maintes fois répétés, qu'elle était morte, et avait été relevée pour servir.
A qui devait aller sa loyauté? Aux vivants? Lorsqu'on était déjà mort une fois, on n'avait plus vraiment les mêmes soucis qu'eux. Le fossé de l'incompréhension était énorme.
A ceux qui l'avaient ramenée à la vie? Avaient-ils tout droit sur elle? Et...cette compulsion à retrouver le Roi-Liche, était-ce elle-même qui le voulait ou bien la trace du conditionnement? Elle avait été une arme dévouée à son service, et sa férocité au combat lui semblait toute naturelle, après tout, un guerrier a-t-il honte de savoir se battre?

Il lui était arrivé parfois, très rarement, de surprendre une expression de pitié sur des visages inconnus, personnes croisées au hasard des voyages. Qu'est-ce qu'ils ressentaient...? Pourquoi avaient-ils pitié?

Elle gardait l'apparence d'une personne vivante, voyaient-ils quelque chose en moins?

Le tronc auprès d'elle, se couvrait tout doucement de givre. Ressortant son épée, elle s'acharna dessus avec férocité.

Qui est donc en colère? Moi ou le serviteur?
Gahil
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Message  Gahil Mer 26 Nov 2008, 16:26

Car la chair se souvient...


Elle errait depuis de longues heures dans la Toundra, une curiosité précoce l'ayant amenée pour un temps jusqu'au Nord. La neige battait ses joues, faisant voler les cheveux blancs au milieu des flocons. Semblable à quelque spectre immobile, seules les couleurs de l'armure faisaient naître un peu de vie dans le paysage vide et désolé. Partout, à perte de vue, la neige, ainsi que quelques ruines oubliées.

Il y avait de la neige autour de moi autrefois...

Nillec regardait la plaine devant elle sans la voir. Quelque chose se souvenait. Impossible de retrouver des bribes de ce qu'elle était autrefois, la mort ayant rayé de sa mémoire les souvenirs, heureux ou malheureux. Toutefois...

Elle quitta la petite butte où elle se trouvait, et marcha jusqu'à une dépression dans la neige. Se faisant, ses sabots firent crisser légèrement le sol. Elle baissa la tête, puis s'accroupit. Du bout de son gant, elle fît doucement glisser les flocons amassés, pour découvrir la glace épaisse d'une surface d'eau gelée. La surface était si claire qu'elle pouvait voir son propre reflet pâle. Les yeux lui rendirent son regard. Se fût comme si elle revoyait défiler devant elle le bref combat, sa première chute dans l'eau glaciale, la lutte pour en ressortir, et les pleurs épuisés de son alter égo. Elle vît approcher la silhouette, vît le coup se porter, et la Nillec vivante retomber dans le lac...

La chair se souvient...

Elle continua de regarder le trou par lequel elle avait sombré, dans lequel son esprit s'était éteint. Y avait-il une justice quelque part? Si oui, devait-elle chercher l'instrument de sa mort ou bien était-ce pure perte...

Ma peau était chaude et je pouvais verser des larmes.


Sous le casque, le visage était triste et figé. Elle se releva, resta un moment silencieuse, écoutant le vent impitoyable souffler sur les dunes de neige. Puis, sans jeter de regards derrière elle, repartît en direction du port. Elle avait vu ce qu'elle voulait voir.

Debout à la proue du bateau, elle attendît que les marins finissent leurs derniers préparatifs afin de regagner Azeroth, leurs voix formant un concert dénué de significations dans l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait. Lentement, le bois commença à grincer, l'eau se mettant très doucement à défiler sous ses yeux. Elle regarda une dernière fois les hauts bâtiments, sachant qu'elle devrait y revenir plus tard. Sur le quai, la masse des aventuriers, soldats et commerçants mélangeait ses couleurs. Elle détourna les yeux vers le large, les voiles du bateau se gonflant de plus en plus. Plus haut, les mouettes rieuses lançaient leurs cris perçants et tournoyaient pour saluer le départ. Elle eu vaguement l'impression d'une bousculade sur le ponton, mais sans y prêter attention.


- NILLEC...!



Elle se retourna vivement vers l'origine du cri. Au sol, une haute silhouette en armure, une femme apparemment, dont les longs cheveux s'échappaient du casque fermé, se tenait à l'extrême bord du quai, retenue par deux autres personnes, l'empêchant de tomber.

Qui est-ce...?


- NIIILLLEEC...


Le hurlement, porté par la brise retentit plus longuement cette fois-ci. Mais le bateau de la jeune Draeneï s'éloignait déjà, le Donjon de la Bravoure de plus en plus petit, puis disparaissant.

Qui es-tu...? Tu viens du passé, toi-aussi?

Seules les mouettes lui répondirent.
Gahil
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Message  Gahil Lun 19 Jan 2009, 17:50

Choisir une loyauté.



- Ici dorment les Damnés.


Un rire, puis deux, trois, des dizaines éclatèrent en une symphonie sinistre, sons discordants se transformant en pleurs, grognements ou cris lugubres. Tout cela lui donnait l'impression d'étouffer, de finir perdue dans la masse jusqu'à n'être plus que l'une de ces nombreuses voix sans bouche.

Elle se réveilla.

- Lève-toi pantin...

Ses doigts s'agrippèrent de façon convulsive à son cou.

Non!

Je suis Nillec Liata'Nod...

Elle regarda le ciel avec avidité, humant l'air froid.

Plus d'ordres, plus de voix, plus de maître...plus rien.


Un oiseau passa très haut dans le ciel blanc de la Désolation des Dragons.

Que doit faire un chevalier sans maître? Encore et toujours cette même question depuis qu'elle avait quitté les Maleterres.

Grandir en puissance, jusqu'à retrouver un but...lui susurra la petite voix de Celle-qui-sert. Celle-qui-sert et Celle-qui-cherche. Le pantin et le souvenir.

Trêves de paroles vaines.

Nillec se releva, vérifiant la présence de son arme à son côté. Le petit feu de camp que par une curieuse habitude elle avait allumé la veille au soir était depuis longtemps éteint et les cendres avaient gelés.
Tout en s'affairant, un éclat doré au loin attira son attention. Sans doute le reflet du soleil sur une surface de métal. S'abritant les yeux de la main, la jeune fille porta le regard en direction de la lumière. A présent qu'elle se déplaçait, elle comprit qu'il s'agissait d'une monture, recouverte d'une épaisse armure. Normal, il n'était pas très prudent par ici de galoper avec un cheval aux flancs nus.
Prise d'une impulsion, elle décida de poursuivre sa route dans la même direction que le cavalier au loin.


Deux heures plus tard, engagée dans un goulot de roches claires et de neige, seul le bruit feutré des sabots de son destrier apportait quelque signe de vie dans ce lieu.

On dirait un spectre... songea-t-elle en apercevant son propre reflet dans les parois de glace brillantes de l'Etau de cristal.

S'empressant de continuer, elle finit par ressortir du ravin, à présent seule, ayant perdu la trace de la monture la précédant. Bah, tant pis, cela n'avait que peu d'importance, elle avait tout son temps.

Le soir tombant, Nillec établit un second campement non loin des harpies au Nord. Déblayant vigoureusement la neige autour d'elle pour s'installer, elle se retrouva curieusement à en assembler des paquets. Ici un torse, puis une tête, et un bras. Elle observa le bonhomme ainsi assemblé, légèrement hébétée.

- Chevaliers de la mort...pour moi, pour notre cause vous tuerez...

Hoquetant, elle recula devant son œuvre, puis se retrouvant à terre, elle s'éloigna encore pour se blottir contre son lourd sac adossé à un arbre.
Fixant longuement l'image de neige, elle finit par s'endormir.

Au matin, la silhouette blanche se devinait tout juste dans la brume. Jetant un regard au bonhomme de neige éphémère qu'elle avait crée, elle comprit l'origine de son trouble.

Nous sommes devenus des Choses, créés ou transformés par une main maudite, alors qu'il n'y a pas de place pour nous. Toute créature vit, puis meurt.

- Seras-tu loyale aux vivants?Ou bien aux porteurs de mort?

A partir de là il n'y a que deux choix, soit tous devront vivre et pour cela il faudra traquer les maîtres, se venger.
Soit reprendre sa place, être respectée et crainte comme la lame du bourreau effrayant la victime et alors là, tous devront...mourir.


L'étrange lucidité qui s'était emparée d'elle posait les choix, implacable.

- Je n'ai pas choisi tout cela...

- Mais tu dois décider. Ou bien la folie reviendra, et innocents ou meurtriers, les deux sous ton arme tomberont.


Un sourire grimaçant tordit son visage.
Gahil
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Message  Gahil Jeu 02 Avr 2009, 14:36

Le pion de la folie, retrouvailles.



Narëlle. La longue chevelure noire, les yeux pleins de grâce, la voix rieuse. Sa sœur tant aimée. La lumière d'O'ros se reflétant sur le blanc visage alors qu'un groupe de prêtres lui rendait visite. Narëlle reparlant de Draenor. Les prières aux disparus.

Tellement de souvenirs chéris durant les longues journées qui se ressemblaient toutes. Adieu le quotidien près de la civilisation. Pour Wydjaya, seul le réconfort des feux de camps le soir, les rares nuits sans rêves, et l'espoir de finir enfin sa quête. Dans son sommeil, elle laissait encore et encore courir une main nimbée d'une aura dorée sur le visage d'anciens proches tombés, comme si par miracle, leurs blessures allaient disparaître, leurs yeux s'ouvrir et un sourire naître à nouveau sur leurs lèvres. Mais le temps avait passé, et autour d'elle bruissait et gémissait le froid Norfendre, continent hostile posé sur une planète bleutée.

Sortant le paquet de son sac, la Draeneï entreprit d'en ôter les linges devenus grisâtres avec les intempéries. Dans sa main apparût Shadek, la petite lame gravée au nom de sa nièce. Il arrivait qu'un adolescent se voit offrir une belle arme portant son propre nom, comme pour l'encourager à se montrer digne et courageux. Shadek était le nom d'un héros astucieux, d'une légende déjà vieille au départ d'Argus, et que Nillec s'était empressé de garder pour en nommer son arme, par malice. Cet enthousiasme innocent risquait bien d'avoir été enterré depuis longtemps, sans qu'aucune nouvelle ne parvienne aux siens. Pourtant, cette jeune femme qu'elle avait aperçue aux quais de la Toundra...ça aurait pu être celle qu'elle recherchait.

Grande et blanche, des cornes tournées vers le sol. Une description bien sommaire, mais suffisante pour que même un étranger à sa race puisse facilement la reconnaître. Peut-être. Si elle était en vie.


*****

Trois jours plus tard.

Contrairement à son habitude, Wydjaya cheminait accompagnée d'une des siennes, petite chamane à l'aspect rustique, répondait au nom d'Amancia Pleure-Loup. La pauvre semblait un peu simplette, ou bien était-elle particulièrement distraite. Sa compagnie était curieusement reposante, que ce soit à cause de sa rêverie ou par la petite chanson sans paroles qu'elle fredonnait depuis une bonne heure. Armée d'une hache et d'un gourdin, ses armes heurtaient légèrement le cuir protecteur de son elekk, ce qui, ajouté à ses nombreux sacs et bagages, lui conférait presque l'air d'un marchand ambulant. Saisissant brusquement les rênes de sa monture, Amancia pila soudainement et observa la montagne plus à l'Est. Elle poussa un petit soupir dépité et tourna la tête vers Wydjaya plongeant son regard dans ses yeux. Un peu surprise, vu que la chamane avait passé trois jours à lui parler en fixant exclusivement son épaule gauche ou son tabard, sa compagne de route haussa les sourcils d'un air interrogatif.

- Feryyn (c'était le nom de la famille de Wydjaya).
- Oui?
- Notre route se sépare là.
- Euh..je ne veux pas vou...
- Pchut!


Wydjaya roula des yeux. Quand même, un minimum de politesse pensa-t-elle. Amancia lui fît une sorte de révérence compliquée, faisant cliqueter ses longs bracelets bruns.

- Le métal dans ton sac. Il veut aller là-bas. C'est sa place.
- Le métal, tu veux dire mon assiette?
Hasarda la paladine perplexe en passant au tutoiement.

Amancia fronça le nez. Wydjaya tenta autre chose.

- Hmm...l'épée? Elle veut aller se planter dans la pierre comme celle de ce fameux prince, ce roi? Je ne suis pas s...
- Non. Quelqu'un qui porte le même nom que l'arme monte vers cette montagne là-bas.


Wydjaya eu l'impression que le poids de son armure l'enchaînait au sol. Ses oreilles bourdonnèrent. Profitant de son silence, la chamane fît faire un léger demi-tour à son elekk, puis agitant la main par-dessus son épaule, le fît trotter vers la plaine.

Qu'allait-elle voir? Un squelette blanchi par les jours et la neige tempêtant autour? Impossible s'il fallait en croire Amancia, bien qu'elle ne s'était pas révélée comme une oracle, tout au plus comme une indicatrice. Une esclave des Vrykuls? D'adeptes sombres? Un reste où s'accrochaient quelques lambeaux de chair pâle et pourrissante? Frissonnante, la jeune femme commença à monter elle-aussi la roche dure.

Alors qu'elle approchait d'une grotte, elle préféra continuer à terre, laissant son compagnon piaffant puis immobile comme la pierre, la regardant s'éloigner.

Le cœur battant, jamais ses protections ne lui avaient semblées si lourdes. N'étant pas du genre à se plaindre ou à faire preuve de nervosité, elle se retrouvait pourtant comme une jeunette des races d'Azeroth, tout sa réserve envolée devant l'espoir soudain.

Fatigue...si grande...peut-être enfin le soulagement...


Un bruit la fît s'arrêter, à nouveau sur ses gardes. Puis le choc de quelque chose de lourd que l'on jette au sol. Elle se précipita en avant.
La caverne n'en était pas une, et au-dessus de sa tête luisaient de brillantes et lointaines étoiles. Au sol, comme jeté par une main distraite, un casque de métal lourd couvert d'éraflures. A quelques pas d'elle, une jeune Draeneï. Wydjaya retint sa respiration, observant la fine silhouette luisante dont la pénombre ne cachait pas le teint et les cheveux blancs. Les yeux fermés, celle-ci semblait très lasse et curieusement vieillie par son maintien fatigué. Redressant enfin les épaules, elle tourna le visage de côté, remarquant tardivement la présence de l'intruse à ses côtés. Son mouvement parut si familier à Wydjaya, mais la silhouette était plus frêle que celle de sa sœur. C'était Nillec. Mais les yeux étaient du bleu froid des...

Que les Naarus me viennent en aide...!


Le choc. L'horreur. Puis la montée fulgurante de la colère. Épouvantée par la fureur qu'elle ressentait, Wydjaya voulut dire quelque chose à sa jeune nièce, n'importe quoi pour lui dire qu'elle l'avait tant cherchée durant ces deux longues années; lui parler des nuits sans sommeil, des cauchemars et des rêves où elle la voyait morte elle aussi et regardait sans fin pleurer Narëlle.Elle voulut lui parler de tout l'amour qu'elle avait éprouvé pour sa sœur aînée, et combien la disparition de Nillec avait été comme une faute jetée à la figure de la survivante. Mais avant qu'un mot ne sorte de sa bouche, elle avait posé la main sur son épée et l'avait empoignée,

- Chevalier de la mort Nillec Liata'Nod...ce n'est pas possible...ce n'est pas...juste!

La fille de Narëlle, la douce Narëlle; sa nièce qui courait à travers l'Exodar en gloussant avec d'autres enfants de son âge. Nillec jeune qui lui racontait ses progrès en jouant avec une poignée de gemmes multicolores qu'elle gardait toujours sur elle...La fille de Narëlle parcourant la terre comme les morts sans âmes, atroce!
Elle plaqua son gant sur ses lèvres. Face à elle, inconsciente de l'émoi qu'elle provoquait, la jeune fille plissa les yeux avec suspicion et ramassa le casque, qu'elle remit sur la tête comme pour fuir le regard d'une ancienne comparse, ce qui était en quelque sorte vrai. Pendant une fraction de secondes, Wydjaya eu l'impression d'entendre ses pensées bousculées et violentes, d'où ressortait clairement la crainte d'être examinée par d'anciens membres de sa race, sa peur et un désarroi profond. Elle comprit que celle qu'elle avait longtemps cherché était devenue un pion. Pion de la folie...

Nillec la regarda, seule la lueur bleutée de son regard apparaissant par les fentes de son lourd casque. Elle se rapprocha lentement, l'épée runique pendant à son bras droit, la main gauche comme crispée.

- Juste? Elle fixa Wydjaya.

IL N'Y A AUCUNE JUSTICE! ! Hurla-t-elle vers le ciel.

Elle releva la lame avec violence, mouvement ample et sifflant, et frappa la paladine. Sous la brutalité du choc, Wydjaya tomba à terre, sa corne droite fendue en deux jusqu'à la base. Le deuxième coup l'envoya rouler au bas de l'esplanade.
Son ennemie vaincue, Nillec tourna les talons et repartit vers l'entrée de la ravine.

Il n'y a aucune justice, murmura-t-elle, il n'y a que la mort...
Gahil
Gahil

Personnages Joués : Une ribambelle.

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