Honorshore.
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Honorshore.
Arathi, dans les alentours de minuit.
Le soleil a légué sa place à Morphée, qui étend son voile sur l’ensemble du paysage. La région s’endort, la faune se fait discrète, assoupie. La nuit est opaque, la lune qui avait alors rendez-vous se voit vulgairement bloquée par quelques nuages capricieux. Et dans tout ce calme, dans toute cette paix, se distingue au loin la guerre. Celle-ci se fait plus noble qu’à l'accoutumée. Habituellement imposante, vulgaire mélange de sang, de râles et de crissements, elle se résigne cette fois-ci à quelques lumières, quelques âmes éveillées. L’on aperçoit au loin entre deux cols quelques faibles scintillements, tantôt immobiles, bien souvent instables, ces lumières essoufflées témoignent d’une vivacité, contrastant avec le calme environnant, l’injuriant presque. Plus la distance se raccourcit, et plus celles-ci s’imposent. Des échos, des voix, des pas ; et puis la pierre, le bois, la mer. Le crépitement de l’écume se voit étouffé par toute cette énergie, ce dynamisme ; cédant non sans mal son prestige pour un autre.
Les lanternes vont bon train. Allers-retours incessants entre le fort et la taverne, esclaffes teintées d’échanges, bottines fracassant en rythme le sol, Honorshore est à l’heure des joyeuses compagnies. Un soldat en soutient un autre qui menace de s’affaler sur le sol et y ronfler, tandis qu’un autre supporte entre ses bras liés le poids des armes de toute son unité. Sur les remparts, cela est tout autre. Les hommes se tiennent droits, rempart de chair face à la potentielle menace, ils demeurent immobiles, statiques, observant l’horizon qu’ils surplombent depuis ces hauteurs, plissant les yeux au moindre mouvement, sortant parfois leur longue-vue ; pour finalement se rendre compte qu’il ne s’agissait que d’une bête égarée. Ils sont les protecteurs d'une nuit, veillant sur les fêtards d'un soir.
Un soldat déprimé, débordé de questions existentielles et de doutes, se verra proposer la fête ou le calme. Roger lui, proposerait bien la première option. Tavernier de renom, il ne sait plus où en donner. Une minute ne passe sans que la porte d’entrée ne ballote. Il fait cracher les tonneaux de leur alcool miraculeux, règle les additions, nettoie le comptoir recouvert de bière une minute après son dernier coup de chiffon. Débordé mais habitué, il est souriant, ricanant en chœur à l’humour sans doute vaseux de ses clients. Les pintes trinquent, la boisson s’envole, et la joie s’initie. C’est une véritable euphorie, comme si ce sanctuaire possédait l’ultime solution à tous les maux. Peut-être est-ce le cas. Parmi tout ce bonheur, se profile au fond une table calme. Dos voûtés, mines concentrées, les elfes discutent. Êtres centenaires et fraîchement arrivés, peut-être ne parviennent-ils pas à s’intégrer, peut-être ne le souhaitent-ils pas. Le ton monocorde, les expressions fixes, les cinq rangers abordent un sujet qui désintéressera la plupart des soldats souhaitant s’initier, faut-il encore qu’il y soit invité. Quel’thalas. Royaume sacré et unique pour certains, forêt vaste et monotone pour d’autres, les natifs relatent une époque révolue, idyllique. Athial mène la conversation, et jette un regard mauvais à quiconque viendrait briser cet infime rêve éveillé.
Un soldat entre. Le sang ruisselle à ses pieds, tandis qu’il est supporté par deux frères. Aussitôt, Roger pointe du menton les escaliers. Ils montent, et ouvrent l’épaisse porte. Celle-ci se referme derrière eux. Silence. Toute cette animation s’envole, s’évanouit. L’on entend quelques médecins, tout au plus. L’un deux arrive expressément, observant la cuisse du malheureux. « Allongez-le, vite. » Ils s’exécutent, et s’asseyent sur les quelques tabourets disponibles. Le sauveur se présente, armé d’antiseptique et de bandages. L’homme est à présent inconscient, ne lui en déplaise, il s’épargnera la douleur. L’un de ceux qui l’ont mené jusqu’ici se lève silencieusement, la plate le recouvrant tintant malgré tout à plusieurs reprises. Il se tourne, observe la baie vitrée se distinguant grâce aux quelques lumières provenant de l’extérieur. En effet, l’infirmerie est plongée dans la pénombre. Bien souvent occupée par des blessés jonglant entre la vie et la mort, la lumière s’avère un véritable calvaire pour leurs yeux, qui ont tout autant besoin qu’eux de repos.
Il ouvre discrètement la porte, et s’aventure sur la terrasse couverte.
Propre, calme et reposante, celle-ci se montre agréable. Bien moins chaleureuse que cette symbiose au rez-de-chaussée, elle se dénote cependant par une ambiance unique. Un petit paradis sur ces terres déchirées. Nulle lumière, nul artifice, simplement l’imperceptible luminosité provoquée par le fort, loin devant. Une voix rauque, fraternelle mais néanmoins imposante résonne alors. « Salut. »
Le soldat rivé vers le ciel baisse les yeux vers l’origine de ce son. Une chaise lui tournant le dos, supportant une silhouette que l’on croise rarement à Honorshore, mais quasi-systématiquement ici. De la plate à ne plus savoir où en donner de la tête. Des épaulières surmontées de lames acérées au nombre de trois chacune, pointant vers le plafond. Un fendoir démentiel, pulsant régulièrement d’un céruléen vif et glacial, est posé tête contre sol, reposé contre le dossier de la chaise ; relié à son maître par une épaisse dragonne. Le soldat allonge son cou, et se dresse comme il peut sur la pointe des pieds, parvenant alors à apercevoir la seconde main. Gantelet présent, elle tient entre le pouce et l’index un cigare. Ce dernier, légèrement embrasé, dégage une fumée que l’observateur réalise enfin. « Ch-Chevalier-Prétorien Vardwell ! »
« Mrh. » Sans se retourner, son interlocuteur répond, coupant sa phrase par une latte généreuse. « Qui es tu, gamin ? » L’arrivant s’assied sur l’autre chaise, séparé du mastodonte par une simple table.
« Soldat Harlen Mc.Lony, Chevalier. » L’homme acquiesce, et tourne la tête à dix heures, observant le nouveau venu.
« Tu as une bonne gueule. Tu peux rester. » Il se penche alors en avant, la plaque gémissant une fois de plus, portant son précieux jusqu’au bord du cendrier pour tapoter sa pointe avec une délicatesse contrastant nécessairement avec l’avatar de guerre. La cendre ne se fait pas prier et se sépare, chutant au fond du récipient. Il reprend alors. « Tu te plais ici, garçon ? »
« Oui. Cette terrasse est vraim-- »
« Mrh. Je parle de Honorshore, pas précisément d’ici. »
Il observe le fort, se détachant du Chevalier. « Ah. Et bien... cela change. C’est différent. Comparer cela avec Fenris ne me semble pas judicieux. Vous voyez, depuis tout ce temps, j’imaginais vraiment que ce bastion, ultime affront à la Dame Noire et ses sbires, pouvait tenir ! Qu’ensemble, nous pourrions contenir leurs assauts répétés pour un jour saisir la juste opportunité et frapper. Ces lieux me plaisent aussi, mais c’est différent. Je me sens légèrement plus en sécurité, mais moins prêt de mon objectif. Et vous ? Qu’en dites-vous ? »
Srem ne répond pas. Harlen suppose qu’il n’est pas d’humeur à exprimer son opinion. Le détaillant, il s’aperçoit entre deux scintillements de torches éloignées qu’il ne porte pas son cache-œil. Paupière close, surplombée d’une blessure de guerre. Le seul œil valide l’observe du coin, puis s’évade vers le cadre grandiose, et il décide de l’imiter.
Les deux frères d’arme passèrent ainsi la nuit entière, fixes, sans mot aucun, laissant leurs regards respectifs s’échapper vers les structures, les reliefs, celui du Chevalier demeurant fixe pendant parfois une heure entière. Finalement, Mc.Lony quitta ce monde pour rejoindre celui des rêves, se réveillant à l’aube, la bouche pâteuse, clignant des yeux de perplexité en constatant que son voisin était toujours là, toujours dans la même posture, toujours éveillé.
Le soleil a légué sa place à Morphée, qui étend son voile sur l’ensemble du paysage. La région s’endort, la faune se fait discrète, assoupie. La nuit est opaque, la lune qui avait alors rendez-vous se voit vulgairement bloquée par quelques nuages capricieux. Et dans tout ce calme, dans toute cette paix, se distingue au loin la guerre. Celle-ci se fait plus noble qu’à l'accoutumée. Habituellement imposante, vulgaire mélange de sang, de râles et de crissements, elle se résigne cette fois-ci à quelques lumières, quelques âmes éveillées. L’on aperçoit au loin entre deux cols quelques faibles scintillements, tantôt immobiles, bien souvent instables, ces lumières essoufflées témoignent d’une vivacité, contrastant avec le calme environnant, l’injuriant presque. Plus la distance se raccourcit, et plus celles-ci s’imposent. Des échos, des voix, des pas ; et puis la pierre, le bois, la mer. Le crépitement de l’écume se voit étouffé par toute cette énergie, ce dynamisme ; cédant non sans mal son prestige pour un autre.
Les lanternes vont bon train. Allers-retours incessants entre le fort et la taverne, esclaffes teintées d’échanges, bottines fracassant en rythme le sol, Honorshore est à l’heure des joyeuses compagnies. Un soldat en soutient un autre qui menace de s’affaler sur le sol et y ronfler, tandis qu’un autre supporte entre ses bras liés le poids des armes de toute son unité. Sur les remparts, cela est tout autre. Les hommes se tiennent droits, rempart de chair face à la potentielle menace, ils demeurent immobiles, statiques, observant l’horizon qu’ils surplombent depuis ces hauteurs, plissant les yeux au moindre mouvement, sortant parfois leur longue-vue ; pour finalement se rendre compte qu’il ne s’agissait que d’une bête égarée. Ils sont les protecteurs d'une nuit, veillant sur les fêtards d'un soir.
Un soldat déprimé, débordé de questions existentielles et de doutes, se verra proposer la fête ou le calme. Roger lui, proposerait bien la première option. Tavernier de renom, il ne sait plus où en donner. Une minute ne passe sans que la porte d’entrée ne ballote. Il fait cracher les tonneaux de leur alcool miraculeux, règle les additions, nettoie le comptoir recouvert de bière une minute après son dernier coup de chiffon. Débordé mais habitué, il est souriant, ricanant en chœur à l’humour sans doute vaseux de ses clients. Les pintes trinquent, la boisson s’envole, et la joie s’initie. C’est une véritable euphorie, comme si ce sanctuaire possédait l’ultime solution à tous les maux. Peut-être est-ce le cas. Parmi tout ce bonheur, se profile au fond une table calme. Dos voûtés, mines concentrées, les elfes discutent. Êtres centenaires et fraîchement arrivés, peut-être ne parviennent-ils pas à s’intégrer, peut-être ne le souhaitent-ils pas. Le ton monocorde, les expressions fixes, les cinq rangers abordent un sujet qui désintéressera la plupart des soldats souhaitant s’initier, faut-il encore qu’il y soit invité. Quel’thalas. Royaume sacré et unique pour certains, forêt vaste et monotone pour d’autres, les natifs relatent une époque révolue, idyllique. Athial mène la conversation, et jette un regard mauvais à quiconque viendrait briser cet infime rêve éveillé.
Un soldat entre. Le sang ruisselle à ses pieds, tandis qu’il est supporté par deux frères. Aussitôt, Roger pointe du menton les escaliers. Ils montent, et ouvrent l’épaisse porte. Celle-ci se referme derrière eux. Silence. Toute cette animation s’envole, s’évanouit. L’on entend quelques médecins, tout au plus. L’un deux arrive expressément, observant la cuisse du malheureux. « Allongez-le, vite. » Ils s’exécutent, et s’asseyent sur les quelques tabourets disponibles. Le sauveur se présente, armé d’antiseptique et de bandages. L’homme est à présent inconscient, ne lui en déplaise, il s’épargnera la douleur. L’un de ceux qui l’ont mené jusqu’ici se lève silencieusement, la plate le recouvrant tintant malgré tout à plusieurs reprises. Il se tourne, observe la baie vitrée se distinguant grâce aux quelques lumières provenant de l’extérieur. En effet, l’infirmerie est plongée dans la pénombre. Bien souvent occupée par des blessés jonglant entre la vie et la mort, la lumière s’avère un véritable calvaire pour leurs yeux, qui ont tout autant besoin qu’eux de repos.
Il ouvre discrètement la porte, et s’aventure sur la terrasse couverte.
Propre, calme et reposante, celle-ci se montre agréable. Bien moins chaleureuse que cette symbiose au rez-de-chaussée, elle se dénote cependant par une ambiance unique. Un petit paradis sur ces terres déchirées. Nulle lumière, nul artifice, simplement l’imperceptible luminosité provoquée par le fort, loin devant. Une voix rauque, fraternelle mais néanmoins imposante résonne alors. « Salut. »
Le soldat rivé vers le ciel baisse les yeux vers l’origine de ce son. Une chaise lui tournant le dos, supportant une silhouette que l’on croise rarement à Honorshore, mais quasi-systématiquement ici. De la plate à ne plus savoir où en donner de la tête. Des épaulières surmontées de lames acérées au nombre de trois chacune, pointant vers le plafond. Un fendoir démentiel, pulsant régulièrement d’un céruléen vif et glacial, est posé tête contre sol, reposé contre le dossier de la chaise ; relié à son maître par une épaisse dragonne. Le soldat allonge son cou, et se dresse comme il peut sur la pointe des pieds, parvenant alors à apercevoir la seconde main. Gantelet présent, elle tient entre le pouce et l’index un cigare. Ce dernier, légèrement embrasé, dégage une fumée que l’observateur réalise enfin. « Ch-Chevalier-Prétorien Vardwell ! »
« Mrh. » Sans se retourner, son interlocuteur répond, coupant sa phrase par une latte généreuse. « Qui es tu, gamin ? » L’arrivant s’assied sur l’autre chaise, séparé du mastodonte par une simple table.
« Soldat Harlen Mc.Lony, Chevalier. » L’homme acquiesce, et tourne la tête à dix heures, observant le nouveau venu.
« Tu as une bonne gueule. Tu peux rester. » Il se penche alors en avant, la plaque gémissant une fois de plus, portant son précieux jusqu’au bord du cendrier pour tapoter sa pointe avec une délicatesse contrastant nécessairement avec l’avatar de guerre. La cendre ne se fait pas prier et se sépare, chutant au fond du récipient. Il reprend alors. « Tu te plais ici, garçon ? »
« Oui. Cette terrasse est vraim-- »
« Mrh. Je parle de Honorshore, pas précisément d’ici. »
Il observe le fort, se détachant du Chevalier. « Ah. Et bien... cela change. C’est différent. Comparer cela avec Fenris ne me semble pas judicieux. Vous voyez, depuis tout ce temps, j’imaginais vraiment que ce bastion, ultime affront à la Dame Noire et ses sbires, pouvait tenir ! Qu’ensemble, nous pourrions contenir leurs assauts répétés pour un jour saisir la juste opportunité et frapper. Ces lieux me plaisent aussi, mais c’est différent. Je me sens légèrement plus en sécurité, mais moins prêt de mon objectif. Et vous ? Qu’en dites-vous ? »
Srem ne répond pas. Harlen suppose qu’il n’est pas d’humeur à exprimer son opinion. Le détaillant, il s’aperçoit entre deux scintillements de torches éloignées qu’il ne porte pas son cache-œil. Paupière close, surplombée d’une blessure de guerre. Le seul œil valide l’observe du coin, puis s’évade vers le cadre grandiose, et il décide de l’imiter.
Les deux frères d’arme passèrent ainsi la nuit entière, fixes, sans mot aucun, laissant leurs regards respectifs s’échapper vers les structures, les reliefs, celui du Chevalier demeurant fixe pendant parfois une heure entière. Finalement, Mc.Lony quitta ce monde pour rejoindre celui des rêves, se réveillant à l’aube, la bouche pâteuse, clignant des yeux de perplexité en constatant que son voisin était toujours là, toujours dans la même posture, toujours éveillé.
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