Le Deal du moment : -38%
Ecran PC gaming 23,8″ – ACER KG241Y P3bip ...
Voir le deal
99.99 €

Les torts d'Octave

Aller en bas

Les torts d'Octave Empty Les torts d'Octave

Message  Sybille "Carmin" Jeu 13 Juin 2013, 17:18

LE DIPLOME 


Octave Crymée a écrit:
Les portes étaient restées closes jusqu'à midi, et chaque seconde semblait être une heure pour la foule qui s'était amassée devant. Dans l'excitation ambiante, on saisissait les rires nerveux de ceux qui étaient sûrs de leur réussite, et le grincement des dents de ceux qui redoutaient le pire. Sur la place de l'Académie, dont le dôme de verre s'était éclairé d'une teinte orangée, les uns retenaient leur souffle, les autres contournaient la foule en interrogeant les passants sur la raison du rassemblement.
Il aurait été difficile de savoir qui l'avait vu en premier. On ne sait jamais qui, on ne sait jamais par quel hasard, un seul individu ne s'était pas senti las de fixer cette porte close et commentait ses pronostics avec son voisin. Mais il y avait, chaque année, un premier, un pionnier, un découvreur fier de son exclusivité qui se tournait, les mains en porte-voix, et hurlait aux autres.
« ILS OUVRENT LES PORTES » !
Et les portent s'ouvraient, face à une horde beuglante de jeunes gens qui se bousculaient déjà. Un cordon de surveillant venait repousser les étudiants, pendant que le directeur Amberluckardt, petit homme grisonnant, montait sur un escabeau avec deux rouleaux de papier et un gros marteau, et tonnant par dessus le tumulte de la place, on entendait les clous s'enfoncer dans le bois. Puis il s'empressait de reprendre son escabeau sous le bras et de rentrer derrière sa muraille, pendant que des dizaines d'étudiants prenaient les portes d'assaut. Elles étaient maintenant ornées de deux larges bandes de papier, titrées d'un très solennel « RESULTATS DEFINITIFS ET NON NEGOCIABLES AU CONCOURS GENERAL DE L'ACADEMIE DE GILNEAS ».
Tous cherchaient maintenant leur nom dans une cohue indescriptible. On entendait les camarades les mieux placés annoncer les résultats de leurs amis moins chanceux, et dans un concert de « CHAMBROT, ADMIS ! » et de « LACONTINE, RECALE ! », un retardataire bien peigné traversait la cohue, son cartable en guise de bouclier, bousculant les plus lents.
Il avait un visage long et de grandes dents, des cheveux légèrement gras d'un noir de geais, fendus en leur milieu d'une raie superbe, et de petits yeux marrons, légèrement tombants.
Avant qu'il ait pu atteindre la porte, un de ses amis s'était brutalement retourné, lui avait pris la tête entre les mains, et lui avait crié « OCTAVE CRYMEE, ADMIS ! ADMIS, MON VIEUX ! ».
Curieusement, et pour la première fois de sa vie, il lui fallut un temps pour reconnaître son nom.
Il ne l'avait jamais entendu de la sorte, jamais dans ce contexte. Il lui fallut se souvenir avoir couché lui-même ce nom sur des copies d'examen pour comprendre toute la portée de l'information, écarquiller ses yeux, et dévoiler un sourire trop grand. Octave Crymée, c'était moi, et je venais d'être reçu au concours général.
Déjà, sans se gêner de bousculer d'autres compères, un autre de mes amis me rejoignait. Lui était plus petit, un peu gros, et avait le front déjà dégarni. « Evidemment, j'ai été admis aussi ! Haha, j'ai même arraché mon nom ! ».
Il tenait, dans sa main droite, un pan entier des résultats déchirés, sur lequel une écriture austère avait couché « Carron Fitzgerald Atherton. ADMIS », et il ne semblait pas ému d'avoir également emporté le nom incomplet de deux de ses camarades qui devront sans doute attendre le courrier officiel pour être sûr d'avoir obtenu leur examen.

Carron avait d'autres idées en tête. « Ce soir, on fête ça chez Rastelin, ses parents sont absents, et il a le domaine rien que pour lui. Domestiques compris ! »



Les torts d'Octave Remise10
La remise des diplômes devant l'Académie de Gilnéas.


------------------------------------------------------------------

L'ORGIE

 
Octave Crymée a écrit:
Le soir venu, noyé dans des vapeurs d'alcool et de cigares, je ressassais la victoire absolue que je venais de remporter sur la vie ce-jour-là. Gavé de tout mon soûl, je m'étais avachi sur un fauteuil de velours, tandis que, les yeux dans le vague, j'écoutais les toasts se succéder, à Gilnéas, à la pureté du sang magique, et à la Fierté de la nation. Je fumais, riais aux blagues, répondais poliment aux félicitations et avec une grande vulgarité aux attaques amicales de mes compagnons. En réalité, j'étais ailleurs, bien au dessus de ce salon bourgeois noyé de fumée et de rires éclatants, de discours embrasés, de jeunes bellâtres enivrés par l'alcool et la victoire. J'étais bien ailleurs, aussi cillai-je à peine lorsque Carron vint me montrer le cheptel de prostituées qu'il avait acheté, en choisit une au hasard et la laissa me récompenser à sa manière. Je ne baissai les yeux sur elle que pour l'encourager d'un coup de menton, à continuer, sans cesser de penser à une chose, à une seule chose.

Au fond de mon être, les caresses savantes d'une pute ne parviendraient plus jamais à remplir l'immensité de mon ego. Moi, Octave Crymée, j'étais promis à un grand avenir.



Les torts d'Octave Orgie_10
L'orgie chez Rastelin

------------------------------------------------------------------


LE JOURNAL


Octave Crymée a écrit:
J'attribue, peut-être à tort, la décision de Carron F. Atherton, au lendemain de cette orgie bourgeoise. Mais je crois que c'était en réalité des semaines plus tard, puisque j'ai le souvenir très clair d'avoir le temps de m'ennuyer. Toujours est-il que le jeune Atherton nous réunit, toute la bande – nous étions sept – pour nous présenter son projet : fonder un journal. Nous étions assis en cercle, moi – j'en ai un souvenir très clair – sur le même fauteuil que celui sur lequel j'étais assis pendant la nuit de fête. Il était presque dos à la cheminée allumée, et face au tableau d'un ancêtre austère et consanguin, et je crois l'avoir fixé pendant presque tout le temps de notre conversation.
Pendant que les autres argumentaient avec Carron des détails de ce journal, de son engagement politique, des alliés à convaincre pour monter une telle entreprise, moi, je m'étonnais de la capacité des peintres de donner un air fier à des imbéciles. Il était très clair que ce personnage, présenté de semi-profil, un genou plié et une main sur une canne ornée d'argent, avait le regard vide d'un crétin congénital, alliée à l'allure hautaine d'un fils de haute naissance. Nos pères. Cette génération bête de bourgeois sans ambition, qui, héritiers de la combativité et de l'honneur gilnéen, on troqué sans hésiter le sang contre la lymphe, devenant de grosses larves blanchâtres étendues dans des boudoirs. Coincés dans des habits nobles, un verre de brandy dans la main droite, un cigare dans la main gauche, avec un cul si large qu'ils ne pourraient se lever de leur fauteuil sans qu'il ne reste collé à leur derrière. Bon sang, j'étais tellement, tellement au-dessus de ça, tellement sûr de ne pas finir comme eux, tellement fier, par avance, de ne pas construire mon patrimoine sur le calcul rigoureux du salaire de mes employés, mais sur des actions concrètes et marquées par le courage.
« Et toi, Octave, on t'entend pas beaucoup ! Tu en penses quoi ? »
Je laissai tomber mon regard sur eux. Tous s'étaient arrêté pour m'écouter, et j'avais l'étrange conscience de l'emprise que j'avais sur eux. Je ménageai mon effet en tirant une bouffée de mon cigare, et d'une voix ouatée par la fumée, je répondis : « La Fierté Gilnéene. Le titre. Ce sera la Fierté Gilnéene ».
Tous se consultèrent du regard et, très satisfaits de la proposition, retournèrent à leurs débats en me foutant la paix.

Je connaissais Carron. C'était une puce, un petit être excentrique et trop heureux de vivre. Cette histoire de journal ? Elle ne ferait pas une semaine.



Les torts d'Octave Portra10
Le portrait de l'ancêtre Rastelin.


-----------------------------------------------------------------------------------------------

LA ROTATIVE

Octave Crymée a écrit:
C'est Carron qui en avait la clé. Il tourna le verrou. « La serrure est un peu dure, mais on la fera changer. On en aura les moyens tu verras. » Il poussa le double-battant de la porte en écartant bien les épaules, d'un geste très théâtral.
L'endroit sentait la poussière, et demeurait bien sombre. Carron actionna l'interrupteur, et deux ampoules s'allumèrent au plafond. Sa voix résonnait dans l'entrepot, au centre duquel trônait une énorme caisse.
« C'est vaste. Tu as vu l'espace qu'on a ? Ici, je mettrai le bureau du redacteur en chef : moi. » Il se tourna vers la caisse, ravi. « Tu m'aides ? »
Il me tendit un pied de biche, et nous écartâmes à grand peine les pans de cette boite. Dans un grand bruit sec, ils tombèrent au sol, et dévoilèrent la carapace noire rutilante d'une imprimante rotative flambant neuve. L'appareil faisait bien la taille d'une petite diligence, composé de cinq rouleaux en quinconce, à l'agencement savant. De l'autre côté, il y avait la matrice, avec les casses des caractères, et le tampon d'encrage. J'étais perplexe.
« Neuve ? Tu l'as achetée neuve ? Mais tu es fou ! »
Carron haussa les épaules. « Tais-toi donc, et regarde un peu près du réservoir de papier. » J'obéis. Il y avait un paquet de toile beige, en forme de bouteille. Je l'ouvris : un bourbon délicat, de grande qualité. Lorsque je levai les yeux, Carron s'était armé de deux verres, sortis d'on ne sait où. La magie sans doute.
« On trinque ? » Je versai une bonne dose de l'alcool brun, et reposai la bouteille sur l'imprimante. Un petit pincement au cœur – sûrement l'impression de marquer là un événement quasi historique – et nous nous regardâmes dans les yeux, alors que nos verres s'entrechoquaient.

« A la Fierté Gilnéene ».



Les torts d'Octave La_rot10
La Rotative


----------------------------------------------------------------------
Sybille
Sybille "Carmin"

Personnages Joués : Ornithophobe

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum