Dernière heure de soleil.
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Dernière heure de soleil.
À l'aube. Treizième jour. Dixième mois...
Lui, le sire Nicholas Venruft, vivait son dernier lever de soleil. Qu'il était beau, ce cercle orangé pointant son nez au sommet d'une montagne, aux rayons traversant la fine couche nuageuse de ce début d'automne à la manière d'un chevalier qui viendrait fendre l'obscurité sur son destrier d'argent. Qu'il est aisé de divaguer lorsque les griffes glacées de la mort se muent à la bise de givre et à la fraîche rosée matinale. À se répéter de tels mots, un frisson lui parcourut brièvement l'échine à peine recouverte des vêtements qu'il avait porté lors de sa capture. Une fringante tenue digne du plus bel amiral tout d'un beau rouge cramoisi parsemé de légères gouttes d'or.
Il s'était fait avoir bêtement tandis qu'il s'apprêtait à fuir. Il avait pourtant tout préparé, tout. Le remplaçant de Redstorm, un nain du nom de Bigidon, ou de Ballion, il ne savait plus ; était dans son plan censé tenir sa forteresse bien plus longtemps face aux bâtards de Denz et aux catins les accompagnant. Probablement avait-il passé sa nuit à boire et à s'amuser avec cette naine du genre Marie-couche-toi-là avec laquelle il n'avait cessé de le baratiner. Quel con, pour prendre un langage plus sec. De ce qu'il avait compris, il n'avait en rien organisé ses défenses et sa section de forteresse avait été prise en moins de temps qu'il en faut pour dire « Aoutch. » Au moins aurait-il pu se rendre utile en les laissant le capturer, peut-être aurait-il gagné le temps nécessaire à sa fuite, mais même pas ! Il avait fallu que ce tas de lard ambulant se brise la nuque au bout d'une corde.
Cela avait-il encore de l'importance ? Non, et Nicholas se maudit brièvement de gâcher ses dernières secondes de vie pour blâmer un tel empoté. Il gémit simplement en se rappelant comme il était proche de sa chaloupe avant que ces agents, « Hydre » et « Spectre », ne lui tombent sur le coin du nez. Il s'était bien fait avoir, lui qui pensait avoir maintenu ce « Fantôme » et ses limiers loin des siens. Quelle dégringolade lorsque l'on comprend que l'on est un bambin dans une cour vétérane. Peut-être ce jeu était-il perdu depuis le début après tout. Lorsque le Fléau avait détruit sa vie, il s'était lancé dans la piraterie pour ne plus jamais rien regretter. Au final, ces dix dernières années auraient peut-être été moins palpitantes sans cela, bien plus que cinquante années de deuil. Rabaissant le nez sur la place face à lui, dont le nom « Place Gavril Sombrecoeur » venait, il le savait, de la statue du barbare en fourrure qui se tenait au milieu ; pour y voir une petite foule attendant sagement son exécution. Quelle bande de corbeaux...
Puis il l'entendit. D'instinct, il reconnu en ces bruits d'acier ses bourreaux. Il osa tourner la tête, et prit peur en distinguant celui qui le tuerait. Un géant dans une armure d'azur et d'ébène, aux épaulières semblables à des crânes que l'on distinguait également sur ses genouillères. Ce visage dur et balafré, ces cheveux blancs, cette prestance dans le geste ; à partir des informations qu'il avait pu détenir, il lui fut facile de reconnaître en cet être à l'allure démoniaque le Duc Sombrecoeur. Au moins saurait-il le nom de son bourreau, pu se dire l'Ex-Sire non sans une pointe d'ironie.
Nicholas ne prêta pas même l'oreille à l'énoncé de ses fautes faite par ce crieur public qui devait à peine avoir dix-sept années. Ses fautes de pirates étaient ce qu'elles sont et seront toujours : Dénuées de regrets. Il ne tendit l'oreille qu'aux accusations de « domination des libres hommes de la lisière. » Bonne blague parmi bien d'autres, ils avaient voulu que les pirates les rejoignent pour les défendre, et ils ne se révoltaient que lorsque celui qui avait les droits ultimes sur leurs petites îles était plus clément que ses barbares de prédécesseurs. Ah ça, jamais ces fichus natifs ne les auraient trahi, les pirates et lui, si le duc d'Esteloup avait été Volkmar, ou même ce Arkhai, dont il connaissait très bien les réputations respectives. Foutues larves.
Tandis qu'il maugréait, le fil d'une lame se plaça sous son menton et le geste suivant l'obligea à relever les yeux vers son bourreau. Le « vieux loup de Draenor » comme beaucoup l'appelaient vint capter son regard pour ne plus s'en détacher. Le pirate des mers du nord dut bien admettre qu'il était aussi effrayant que ce que prétendait la rumeur : un visage taillé à la serpe aux larges sillons balafrées amenées par la guerre, deux yeux marrons renfermant une froideur digne d'Icecrown ; sans oublier sa chevelure dépigmentée au cheveu près. Et cette armure digne d'un démon, c'est elle qui lui donnait la chair de poule, ou bien était-ce peut-être le vent froid d'automne qui s'infiltrait dans sa tenue rouge et or.
« Une dernière parole, Nicholas Venrufft de Brill, avant d'être confronté à l'ultime jugement ? » Cette fois-ci, il était sûr que cet homme était la cause de ce frisson passager. Mais il devait rester digne, « Gloire aux pirates, pas vrai » pensa-t-il pour se donner du courage.
« Je désire mourir la tête haute. » répondit-il alors, le dédain dans la voix, si bien jouée qu'il s'en félicita intérieurement.
Le Sombrecoeur hocha la tête, appuya sur le pommeau de sa lame pour bien relever son visage vers la foule de badauds s'étant bien amassée. Allait-il mourir en regardant ces déchets s'amonceler face à son échafaud ? Hors de question. Il préféra fermer les yeux en inspirant à plein poumons, pour expirer avec une lenteur extrême.
« Ainsi donc, même les pires meurtriers se targuent d'honneur et de fierté pour gonfler leur ego. Quelle ironie. » entendit-il de la part du gilnéen, qu'il se contenta d'ignorer tandis qu'il cherchait un ultime souvenir agréable à imaginer parmi toute sa chienne de vie.
Le pirate connu sous le nom de Nicholas se mit alors à se rappeler, sans savoir pourquoi, sa première rencontre avec celle qui fut sa seule et unique femme. Dans cet ultime souffle de vie, il oublia les taxes d'alors, la pauvreté qui l'accablait, le Fléau qui lui prit tout ce dont il disposait, même cette femme, en le condamnant à une existence de pillage et à la piraterie. Tout. Tout ça disparut pour le laisser se concentrer sur ce beau visage aux boucles aussi dorées que les blés d'Agamand sous un beau soleil d'été. Le natif de Brill se rappela son rire, et leurs courses parmi les vignes des autrefois verdoyantes Clairières de Tirisfal.
Un dernier sourire vint alors animer ses lèvres, bien que gercées, tandis que Nicholas Venrufft de Brill portait toutes ses pensées vers celle qu'il avait un jour pu appeler sa femme. Tout son amour lui était destiné, et il en oubliait tout le reste. La mordante brise d'automne, les voix des civils, les bruissements de l'armure du Duc... Tout ce qui aurait pu former son dernier souvenir de l'horrible monde des vivants.
Ainsi ne le sentit-il même pas lorsque l'acier vint frapper sa nuque.
[HRP] Ce texte étant de base écrit pour des gens comprenant certaines des références citées ici (« Sires » et « Pirates » dans le même panier, etc etc), j'invite qui en a le désir et la curiosité à demander des précisions par message privé le cas échéant !
Lui, le sire Nicholas Venruft, vivait son dernier lever de soleil. Qu'il était beau, ce cercle orangé pointant son nez au sommet d'une montagne, aux rayons traversant la fine couche nuageuse de ce début d'automne à la manière d'un chevalier qui viendrait fendre l'obscurité sur son destrier d'argent. Qu'il est aisé de divaguer lorsque les griffes glacées de la mort se muent à la bise de givre et à la fraîche rosée matinale. À se répéter de tels mots, un frisson lui parcourut brièvement l'échine à peine recouverte des vêtements qu'il avait porté lors de sa capture. Une fringante tenue digne du plus bel amiral tout d'un beau rouge cramoisi parsemé de légères gouttes d'or.
Il s'était fait avoir bêtement tandis qu'il s'apprêtait à fuir. Il avait pourtant tout préparé, tout. Le remplaçant de Redstorm, un nain du nom de Bigidon, ou de Ballion, il ne savait plus ; était dans son plan censé tenir sa forteresse bien plus longtemps face aux bâtards de Denz et aux catins les accompagnant. Probablement avait-il passé sa nuit à boire et à s'amuser avec cette naine du genre Marie-couche-toi-là avec laquelle il n'avait cessé de le baratiner. Quel con, pour prendre un langage plus sec. De ce qu'il avait compris, il n'avait en rien organisé ses défenses et sa section de forteresse avait été prise en moins de temps qu'il en faut pour dire « Aoutch. » Au moins aurait-il pu se rendre utile en les laissant le capturer, peut-être aurait-il gagné le temps nécessaire à sa fuite, mais même pas ! Il avait fallu que ce tas de lard ambulant se brise la nuque au bout d'une corde.
Cela avait-il encore de l'importance ? Non, et Nicholas se maudit brièvement de gâcher ses dernières secondes de vie pour blâmer un tel empoté. Il gémit simplement en se rappelant comme il était proche de sa chaloupe avant que ces agents, « Hydre » et « Spectre », ne lui tombent sur le coin du nez. Il s'était bien fait avoir, lui qui pensait avoir maintenu ce « Fantôme » et ses limiers loin des siens. Quelle dégringolade lorsque l'on comprend que l'on est un bambin dans une cour vétérane. Peut-être ce jeu était-il perdu depuis le début après tout. Lorsque le Fléau avait détruit sa vie, il s'était lancé dans la piraterie pour ne plus jamais rien regretter. Au final, ces dix dernières années auraient peut-être été moins palpitantes sans cela, bien plus que cinquante années de deuil. Rabaissant le nez sur la place face à lui, dont le nom « Place Gavril Sombrecoeur » venait, il le savait, de la statue du barbare en fourrure qui se tenait au milieu ; pour y voir une petite foule attendant sagement son exécution. Quelle bande de corbeaux...
Puis il l'entendit. D'instinct, il reconnu en ces bruits d'acier ses bourreaux. Il osa tourner la tête, et prit peur en distinguant celui qui le tuerait. Un géant dans une armure d'azur et d'ébène, aux épaulières semblables à des crânes que l'on distinguait également sur ses genouillères. Ce visage dur et balafré, ces cheveux blancs, cette prestance dans le geste ; à partir des informations qu'il avait pu détenir, il lui fut facile de reconnaître en cet être à l'allure démoniaque le Duc Sombrecoeur. Au moins saurait-il le nom de son bourreau, pu se dire l'Ex-Sire non sans une pointe d'ironie.
Nicholas ne prêta pas même l'oreille à l'énoncé de ses fautes faite par ce crieur public qui devait à peine avoir dix-sept années. Ses fautes de pirates étaient ce qu'elles sont et seront toujours : Dénuées de regrets. Il ne tendit l'oreille qu'aux accusations de « domination des libres hommes de la lisière. » Bonne blague parmi bien d'autres, ils avaient voulu que les pirates les rejoignent pour les défendre, et ils ne se révoltaient que lorsque celui qui avait les droits ultimes sur leurs petites îles était plus clément que ses barbares de prédécesseurs. Ah ça, jamais ces fichus natifs ne les auraient trahi, les pirates et lui, si le duc d'Esteloup avait été Volkmar, ou même ce Arkhai, dont il connaissait très bien les réputations respectives. Foutues larves.
Tandis qu'il maugréait, le fil d'une lame se plaça sous son menton et le geste suivant l'obligea à relever les yeux vers son bourreau. Le « vieux loup de Draenor » comme beaucoup l'appelaient vint capter son regard pour ne plus s'en détacher. Le pirate des mers du nord dut bien admettre qu'il était aussi effrayant que ce que prétendait la rumeur : un visage taillé à la serpe aux larges sillons balafrées amenées par la guerre, deux yeux marrons renfermant une froideur digne d'Icecrown ; sans oublier sa chevelure dépigmentée au cheveu près. Et cette armure digne d'un démon, c'est elle qui lui donnait la chair de poule, ou bien était-ce peut-être le vent froid d'automne qui s'infiltrait dans sa tenue rouge et or.
« Une dernière parole, Nicholas Venrufft de Brill, avant d'être confronté à l'ultime jugement ? » Cette fois-ci, il était sûr que cet homme était la cause de ce frisson passager. Mais il devait rester digne, « Gloire aux pirates, pas vrai » pensa-t-il pour se donner du courage.
« Je désire mourir la tête haute. » répondit-il alors, le dédain dans la voix, si bien jouée qu'il s'en félicita intérieurement.
Le Sombrecoeur hocha la tête, appuya sur le pommeau de sa lame pour bien relever son visage vers la foule de badauds s'étant bien amassée. Allait-il mourir en regardant ces déchets s'amonceler face à son échafaud ? Hors de question. Il préféra fermer les yeux en inspirant à plein poumons, pour expirer avec une lenteur extrême.
« Ainsi donc, même les pires meurtriers se targuent d'honneur et de fierté pour gonfler leur ego. Quelle ironie. » entendit-il de la part du gilnéen, qu'il se contenta d'ignorer tandis qu'il cherchait un ultime souvenir agréable à imaginer parmi toute sa chienne de vie.
Le pirate connu sous le nom de Nicholas se mit alors à se rappeler, sans savoir pourquoi, sa première rencontre avec celle qui fut sa seule et unique femme. Dans cet ultime souffle de vie, il oublia les taxes d'alors, la pauvreté qui l'accablait, le Fléau qui lui prit tout ce dont il disposait, même cette femme, en le condamnant à une existence de pillage et à la piraterie. Tout. Tout ça disparut pour le laisser se concentrer sur ce beau visage aux boucles aussi dorées que les blés d'Agamand sous un beau soleil d'été. Le natif de Brill se rappela son rire, et leurs courses parmi les vignes des autrefois verdoyantes Clairières de Tirisfal.
Un dernier sourire vint alors animer ses lèvres, bien que gercées, tandis que Nicholas Venrufft de Brill portait toutes ses pensées vers celle qu'il avait un jour pu appeler sa femme. Tout son amour lui était destiné, et il en oubliait tout le reste. La mordante brise d'automne, les voix des civils, les bruissements de l'armure du Duc... Tout ce qui aurait pu former son dernier souvenir de l'horrible monde des vivants.
Ainsi ne le sentit-il même pas lorsque l'acier vint frapper sa nuque.
[HRP] Ce texte étant de base écrit pour des gens comprenant certaines des références citées ici (« Sires » et « Pirates » dans le même panier, etc etc), j'invite qui en a le désir et la curiosité à demander des précisions par message privé le cas échéant !
Darnat Sombrecoeur
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