La rencontre des Clans
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La rencontre des Clans
Six Orcs enveloppés dans le brouillard nocturne. Quatre soldats entourant deux Chefs.
Au milieu des cairns et des pierres dressées, éclairés par une antique lanterne naine revenue à la vie, ils attendaient, éveillés dans la nuit noire, se regardant peu. Le Loup-de-Givre promenait son regard froid sur les tombeaux de gravats, le Noirsang serrait la mâchoire comme pour l'échauffer. Cela faisait peut-être des décennies que ce tertre n'avait pas eu de visiteurs, et les Orcs fiers et hardis se montraient bien craintifs des esprits de ce lieu sacré.
Ce fut Krosh Plaies-Gelées qui rompit le silence.
- Il n'y a rien à en attendre, Brumeloup. Même défait, ils continuent de suivre Garrosh. C'est peine perdue. Même si ton Clan avait vaincu les Gobelins, eux seraient restés dans le refus, campés sur leurs murailles à attendre que la vague humaine ne les submerge.Il n'y a rien à en tirer. »
Ce discours, Orshan l'avait déjà entendu de la bouche de ses propres frères d'armes, et ressassé mille fois depuis. Souvent, il avait laissé dire. Il était resté silencieux sur ses intentions. Même au coeur des Hautes-Terres du Crépuscule, les Sombrelances ont leurs oreilles.
Mais ce soir était le soir de la rencontre. Tout allait se jouer cette nuit... Les espoirs du Chef allaient se vérifier. Il n'était pas question de s'embrouiller le crâne avec de noires perspectives.
- Et qu'est-ce que tu fais là, alors ? grogna-t-il. Toi et les tiens, vous avez voyagé jusqu'ici pour répondre à mon appel, et tu te tiens auprès de moi ce soir, tu attends comme moi leur arrivée. Quel intérêt, s'il n'y a rien à attendre ? Tu aurais pu rester dans tes montagnes, comme tant des guerriers de ton peuple pendant la guerre. »
L'autre allait répliquer quand le bruit des pas dans la poussière attira leur attention. Ils se tournèrent et virent apparaître des ombres à l'orée du bois. Se détachant des pins, une demi-douzaine de guerriers avança vers le cercle de pierre, tandis que la flamme du flambeau nain projetait sa lumière sur leurs faces grises.
Des mines connues. Des visages familiers. Tant de morts sur les rivages de Lamepoing et dans les entrailles de Fort-du-Gouffre avaient éclaircis les rangs des commandants Orcs de ce monde, et Orshan avait devant lui deux survivants de ce siège infernal.
Il reconnaissait Kultar, le champion de Drakgor, l'émissaire des Gueules-de-Dragon, avec ses rouflaquettes épaisses, ses crocs aiguisés – son croc depuis Orgrimmar, ses yeux d'un rouge intact – oeil unique lui aussi. Les pièces de métal ne couvraient son corps qu'à moitié, dévoilant les nombreuses cicatrices d'épaule, de bras et de flanc, portées avec la fierté du vétéran.
A ses côtés, plus grand et plus massif, Morok du Clan Rochenoire, Boucher des Steppes puis Kor'kron d'élite de cette Horde qu'il avait tant combattu. Orshan était surpris de le voir là. Il ne pensait pas que les Orcs noirs avaient survécu à la chute de Garrosh... et encore moins qu'un des soldats de la garde du Chef de Guerre ait pu échapper à la défaite de son maître. Ce n'était toutefois pas intact qu'il s'était sorti du fort secret d'Orgrimmar. La moitié de son visage accusait le passage du feu, et son regard était désormais si enfoncé dans ses orbites qu'il était difficile d'y voir encore l'éclat rouge de la corruption.
Kultar s'écarta d'un pas de ses hommes et se présenta enfin devant Orshan Brumeloup, Seigneur de Guerre du Clan Noirsang, et Krosh Plaies-Gelées, Chef du village de Givrecrête et membre des Loups-de-Givre. C'est au premier qu'il s'adressa.
- Lok'tar Ogar, Brumeloup. Tu as amené les chiots indécis pour faire oublier tes actions à Orgrimmar ? Leur lâcheté ne répare en rien ta trahison. »
Redressant sa carcasse, le Chef Plaies-Gelées sortit les crocs et répliqua d'un ton ferme et froid.
- Mon sang a vaincu ton sang sur les sables de Durotar, Gueule-de-Dragon. Ma hache n'a pas eu cette satisfaction, mais approche, que je puisse lui faire goûter ta chair ! »
Morok fit tinter les jointures métalliques de sa colossale armure d'ébène, plongeant son regard dans celui de Krosh. La voix éraillée et sourde qui s'échappa de sa gueule était animée par une rage sèche et glaçante.
- Laisse, Kultar. La tête du Loup-de-Givre... est à moi. Quand mon worg aura rongé toute la peau verte de son crâne, son petit squelette d'humain sera enfin révélé. »
Tout se déroulait selon les usages. Le moment des menaces et des intimidations était nécessaire, il préparait la discussion... celle-ci ne se débarrasserait pas de ce ton belliqueux. L'hostilité était une preuve de puissance, un moyen de ne paraître ni faible, ni coulant. Les grognements s'intensifiaient, et pour le moment, les haches restaient aux ceintures. Orshan devait faire en sorte qu'il en reste ainsi. Il prit la parole.
- Ce n'est pas un Rochenoire qui va nous apprendre ce qu'est un Orc, Morok l'Enragé. Regarde ma peau. Je suis tel que ma mère m'a fait, pas tel que les forges m'ont modelé. J'ai connu la Horde avant que les tiens ne retournent leur allégeance pour servir un Chef de Guerre vendu au naphte et à l'acier ! »
- Sois maudit, Noirsang, lâcha le Rochenoire en considérant Orshan d'un œil amer. Ma peau est la même que celle du fondateur de ton Clan, celui dont tu as accaparé le nom. Si Bramarh était encore de ce monde, toi... et tes officiers séditieux auraient tous été passés au fil de sa hache. »
« Il n'est plus. Il est mort il y a longtemps. Et ton propre Chef de Guerre est tombé lui aussi. Ferme-la maintenant et ouvre tes oreilles. Toi aussi, Kultar. Vous êtes venus pour écouter le pacte que j'offre à Zaela... et je ne vais pas vous faire attendre davantage. »
Alors il leur raconta la Horde de demain. Les Clans fondateurs, dénigrés par Thrall et par Garrosh, retrouvant leur place d'antan, leur rôle essentiel. Il leur parla du Conseil que cette réunion allait créer, de la mise en commun des volontés autour d'un grand projet : redonner aux Orcs la place qui est la leur. Quatre Clans pour fonder une nouvelle Horde, auxquels s'ajouteraient bientôt quantités d'autres, anciens Chanteguerres et Mains-Brisées, nouveaux Hurlerage, et tous les Orcs souhaitant s'y mêler. Oubliant Garrosh et sa folie progressiste, ils reviendraient aux racines du peuple brun, aux traditions chamaniques d'avant la corruption. Ce que Thrall n'avait su accomplir, ils le mèneraient à bien, et n'enterreraient pas leur race dans des déserts invivables ou des villes de métal.
- Garrosh est vaincu et son armée brisée. Ton Port est vulnérable, Gueule-de-Dragon. Pendant que mon Clan mène la guerre contre les Gobelins, le tien reste cloîtré derrière ses murs de fer à attendre la mort. Aujourd'hui, j'offre à ton Seigneur de Guerre un autre chemin. Qu'elle accueille le nouveau Conseil des Clans dans ses murs et nous déciderons de la marche à suivre. Nous annihilerons les dernières menaces de ces terres, puis nous unifierons notre peuple !
« Alors, Kultar, as-tu une meilleure offre que la mienne ? Est-ce la trahison qui parle à travers moi ? Ma voix, c'est la voix des Orcs ! »
Le Gueule-de-Dragon était resté muet et impassible durant l'exposé d'Orshan. C'était à son tour maintenant. Il arrêta son comparse Rochenoire d'un geste de main et prit la parole.
- Une Horde de Clans, hein ? Comme sur Draenor ? Voilà qui soulève les tripes du vieux guerrier que je suis. Mais notre monde est mort, Brumeloup, et les Orcs d'alors sont morts avec lui.
« Ta Horde, je l'ai vue à l'oeuvre, Noirsang. Elle a perdu sur chacun des fronts qu'elle a mené. Tous ceux qui ont refusé les murs de fer et les armes de technologie ont été balayés, dans la savane comme dans les marais ! Même ici, nous serions morts si Garrosh n'était venu nous apporter la puissance de sa Horde de métal.
« Zaela ne viendra pas écouter ces... égarements. Elle ne se déplace pas pour des Clans mineurs et autres Chefs de village. »
Le refus était si soudain, si prématuré qu'Orshan en oublia sa propre tempérance. S'emparant de ses armes, il les décrocha de sa ceinture et leva l'acier dans la lumière. Aussitôt, tous les soldats entourant les Chefs firent de même, se mettant en garde dans les grognements et les regards assassins.
-Alors pourquoi ? Pourquoi être venus, si tout était plié ?! C'est ma hache que tu souhaitais entendre, Gueule-de-Dragon ? J'y suis préparé ! »
Mais Kultar n'avait pas pris sa hache. Il était resté immobile et droit tandis que ses propres hommes s'armaient. Il jaugea le Chef Noirsang du regard avant de répondre.
- Non. Je ne suis pas venu te tuer. Je suis venu te dire ce que mon Clan attend du tien.
« J'ai déjà un maître, Brumeloup, et son nom est Hurlenfer. Nous, Gueules-de-Dragon, nous honorons notre pacte : si les soldats d'Orgrimmar sont morts pour défendre leur Chef, nous ferons de même pour préserver son héritage. Tu as pris les armes contre lui, et pour ça, beaucoup des miens voudraient ta tête sur une pique. Mais tu es un Orc et tu ne veux pas servir le Troll. Ton déshonneur et celui des tiens peut être lavé dans le sang. Voilà ce que je suis venu te dire. Mon Clan t'offre un moyen de te racheter pour la trahison des tiens.
« Garrosh n'est pas mort. Le combat se poursuit, Brumeloup... Tu te rendras là où tout a commencé et nous verrons bien si ton Clan mérite de survivre à la guerre qui arrive. »
Orshan Sang d'Ours
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