Devoir de mémoire
Page 1 sur 1
Devoir de mémoire
Prologue
Tête baissée, regardant où il mettait les sabots, le draeneï se faufila entre les flaques d'eau, sous une pluie battante, en cherchant à atteindre le poste des griffons au plus vite. Il n'emportait, en plus de ses habits d'étoffe trempés, qu'un maigre baluchon avec de quoi se nourrir durant le voyage, ayant laissé le reste de ses biens à l'institut. Nul besoin de grandes effusions quant à son départ, il avait préféré faire profil bas suite à cette histoire avec l'anneau étrange. Ses entrailles se tordaient rien qu'à repenser à l'air d'effroi dans le regard d'Antaria Claircoeur, la jeune femme qui lui avait parlé de l'artefact.
Ce genre de regard, il l'avait déjà vu. Chez tant des siens, il avait pu discerner cette peur furieuse qui transfigurait leurs visages. Sa sœur, plus que tout autre, il avait du endurer son air effrayé, tandis qu'il s’efforçait de la préserver du génocide. Qu'est-ce que cela signifiait ? L'anneau l'avait-il changé tant que cela, ou le doyen avait-il raison ? Était-ce cet objet maudit qui l'avait rendu digne d'un man'ari, ou est-ce que cette terrifiante colère et cette soif de glorifier son peuple au détriment des autres était réellement ancrée en lui ? Son esprit réfléchissait à toute vitesse, cherchant à lui trouver des excuses, afin de ne pas perdre la raison.
Il n'avait plus été autant agité depuis son arrivée en Azeroth. Ces quelques années, malgré les guerres et les conflits, lui avait fait l'effet d'une accalmie, en comparaison de ce qu'il avait vécu sur Draenor. Il n'avait jamais été un redresseur de torts, ni un guerrier pour son peuple. Il n'en avait à l'époque ni le courage, ni la force, et pourtant, il avait du se surpasser pour au final de réussir à secourir qu'un seul membre de sa famille. Ainsi, n'ayant pas participé aux guerres de l'Alliance, il avait pu retrouver cette impression de n'être qu'un tranquille ingénieur, tandis qu'il réparait l'Exodar.
Sans doute les choses étaient-elles destinées à changer, dès lors qu'il avait commencé à étudier ce monde et son histoire. Il s'était voilé la face, mais il était évident que ce qui lui tourmentait l'esprit et qu'il avait caché jusqu'à présent, il l'avait déterré en sortant de sa quiétude. Il était trop tard pour faire machine arrière, à présent, il le savait. Face aux orcs, il s'était dressé une fois, puis il avait du garder son rôle jusqu'à la délivrance. Quelques personnes avaient vu en lui un sauveur, et il s'était efforcé de l'être, par peur d'être une déception pour eux. Aujourd'hui, il savait qu'il lui faudrait recommencer…
Je me souviens parfaitement de ce jour où tout a basculé dans ma vie. Le ciel nous promettait une journée douce quoique quelque peu venteuse. L'ombre des grands arbres de Talador offrait un contraste intéressant entre ombre et lumière, ce tableau enchanteur encore renforcé par les feuilles pourpres virevoltant telles une pluie écarlate mue par une vie lui étant propre. Je m'étais arrêté un moment sur l'une des places de Telmor, observant d'un air rêveur ces merveilles, car je savais qu'il me restait un peu de temps avant de rentrer pour le repas.
Je vivais dans la large habitation de ma famille, que ma mère et mon père, en arrivant en Draenor, avaient eu des siècles pour agrandir et personnaliser, rattrapant en cela les millénaires de perdus à fuir la Légion dans le Néant distordu. Cette maison avait une âme, elle était ce qui avait toujours unifié notre famille, aussi y vivais-je encore, alors que je m'étais uni depuis un peu plus d'une décennie à Frej'daa. Nous avions largement la place nécessaire pour que notre couple puisse s'épanouir et, à terme, je savais bien que nos enfants auraient la même chance.
Que demander de plus ? Mon emploi au service de l'Exarque Hataaru m'avait amené à faire partie des heureux élus qui veillaient à l'entretien du cristal Ata'mal qui dissimulait notre cité aux regards des ogres, ma femme et ma sœur s'entendaient à merveille, mes parents se trouvaient encore en excellente santé, et la Légion semblait avoir perdu notre trace depuis plusieurs siècles, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'alors. Sûr de mes acquis, paisible et reconnaissant envers les Naaru, bien que trop ignorant pour réellement comprendre la chance que j'avais, j'avais les yeux aussi voilés que tous mes frères et sœurs.
Kee'nu m'avait soudain interpelé, tandis que je prenais le chemin de la maison. Il semblait troublé, plus qu'à son habitude, lui qui avait toujours été d'un naturel craintif, depuis qu'il avait échappé de peu à des ogres étant jeune. Ses paroles, sans m'inquiéter plus que cela, m'intriguèrent néanmoins. Le voile de dissimulation qui entourait la ville était en train de se dissiper, et on ne savait pas s'ils 'agissait du fait de l'un des nôtres. Il me fallait bien entendu aller vérifier que nos systèmes de défense n'étaient pas endommagés, puisqu'il s'agissait de ma tâche. Aussi demandais-je à mon fébrile compagnon d'avertir mes proches de la raison de mon retard, avant de suivre le sentier conduisant au cristal.
Ô Naaru, pourquoi n'ai-je pas prêté davantage attention à l'odeur de fumée charriée par le vent qui m'atteignit alors, provenant de l'intérieur des terres ?
Ce genre de regard, il l'avait déjà vu. Chez tant des siens, il avait pu discerner cette peur furieuse qui transfigurait leurs visages. Sa sœur, plus que tout autre, il avait du endurer son air effrayé, tandis qu'il s’efforçait de la préserver du génocide. Qu'est-ce que cela signifiait ? L'anneau l'avait-il changé tant que cela, ou le doyen avait-il raison ? Était-ce cet objet maudit qui l'avait rendu digne d'un man'ari, ou est-ce que cette terrifiante colère et cette soif de glorifier son peuple au détriment des autres était réellement ancrée en lui ? Son esprit réfléchissait à toute vitesse, cherchant à lui trouver des excuses, afin de ne pas perdre la raison.
Il n'avait plus été autant agité depuis son arrivée en Azeroth. Ces quelques années, malgré les guerres et les conflits, lui avait fait l'effet d'une accalmie, en comparaison de ce qu'il avait vécu sur Draenor. Il n'avait jamais été un redresseur de torts, ni un guerrier pour son peuple. Il n'en avait à l'époque ni le courage, ni la force, et pourtant, il avait du se surpasser pour au final de réussir à secourir qu'un seul membre de sa famille. Ainsi, n'ayant pas participé aux guerres de l'Alliance, il avait pu retrouver cette impression de n'être qu'un tranquille ingénieur, tandis qu'il réparait l'Exodar.
Sans doute les choses étaient-elles destinées à changer, dès lors qu'il avait commencé à étudier ce monde et son histoire. Il s'était voilé la face, mais il était évident que ce qui lui tourmentait l'esprit et qu'il avait caché jusqu'à présent, il l'avait déterré en sortant de sa quiétude. Il était trop tard pour faire machine arrière, à présent, il le savait. Face aux orcs, il s'était dressé une fois, puis il avait du garder son rôle jusqu'à la délivrance. Quelques personnes avaient vu en lui un sauveur, et il s'était efforcé de l'être, par peur d'être une déception pour eux. Aujourd'hui, il savait qu'il lui faudrait recommencer…
Je me souviens parfaitement de ce jour où tout a basculé dans ma vie. Le ciel nous promettait une journée douce quoique quelque peu venteuse. L'ombre des grands arbres de Talador offrait un contraste intéressant entre ombre et lumière, ce tableau enchanteur encore renforcé par les feuilles pourpres virevoltant telles une pluie écarlate mue par une vie lui étant propre. Je m'étais arrêté un moment sur l'une des places de Telmor, observant d'un air rêveur ces merveilles, car je savais qu'il me restait un peu de temps avant de rentrer pour le repas.
Je vivais dans la large habitation de ma famille, que ma mère et mon père, en arrivant en Draenor, avaient eu des siècles pour agrandir et personnaliser, rattrapant en cela les millénaires de perdus à fuir la Légion dans le Néant distordu. Cette maison avait une âme, elle était ce qui avait toujours unifié notre famille, aussi y vivais-je encore, alors que je m'étais uni depuis un peu plus d'une décennie à Frej'daa. Nous avions largement la place nécessaire pour que notre couple puisse s'épanouir et, à terme, je savais bien que nos enfants auraient la même chance.
Que demander de plus ? Mon emploi au service de l'Exarque Hataaru m'avait amené à faire partie des heureux élus qui veillaient à l'entretien du cristal Ata'mal qui dissimulait notre cité aux regards des ogres, ma femme et ma sœur s'entendaient à merveille, mes parents se trouvaient encore en excellente santé, et la Légion semblait avoir perdu notre trace depuis plusieurs siècles, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'alors. Sûr de mes acquis, paisible et reconnaissant envers les Naaru, bien que trop ignorant pour réellement comprendre la chance que j'avais, j'avais les yeux aussi voilés que tous mes frères et sœurs.
Kee'nu m'avait soudain interpelé, tandis que je prenais le chemin de la maison. Il semblait troublé, plus qu'à son habitude, lui qui avait toujours été d'un naturel craintif, depuis qu'il avait échappé de peu à des ogres étant jeune. Ses paroles, sans m'inquiéter plus que cela, m'intriguèrent néanmoins. Le voile de dissimulation qui entourait la ville était en train de se dissiper, et on ne savait pas s'ils 'agissait du fait de l'un des nôtres. Il me fallait bien entendu aller vérifier que nos systèmes de défense n'étaient pas endommagés, puisqu'il s'agissait de ma tâche. Aussi demandais-je à mon fébrile compagnon d'avertir mes proches de la raison de mon retard, avant de suivre le sentier conduisant au cristal.
Ô Naaru, pourquoi n'ai-je pas prêté davantage attention à l'odeur de fumée charriée par le vent qui m'atteignit alors, provenant de l'intérieur des terres ?
Cleyam
Re: Devoir de mémoire
1
Défaite
Tandis qu'il se replongeait pour la semaine dans ses études aux allures d'isoloir, Kley'meus se prit à penser au cas du Professeur Bauregard, qui s'était illustré quelques semaines auparavant. En effet, il se surprit à pouvoir comprendre avec exactitude le trouble qu'avait du semer dans son esprit sa défaite contre le Doyen de l'Institut, le démoniste Nihel Narendir. En vérité, tout ceci ressemblait fort à une situation bien connue de tous les draeneï, accoutumés hélas depuis longtemps à la défaite. Celle plus que cuisante, d'autant plus qu'elle était récente, face aux orcs avait certaines similitudes avec le cas présent, d'après l'ingénieur.
Tout comme le professeur considérait le Doyen comme un ami, ou tout du moins un collègue, Kley'meus et ses frères et sœurs avaient longtemps vu en la race orque des voisins corrects, avec lesquels il était possible de commercer à défaut de tisser de vrais alliances. Et, tout comme la défaite du puissant professeur et archimage Martha Bauregard, dans ce duel amical, la défaite des draeneï devant la naissante Horde Noire avait été d'une rapidité effrayante, telle une claque venue de nulle part. Bien sûr, la fierté jouait aussi son rôle dans cette histoire. Son peuple était si emprunt de certitudes, lorsqu'il avait cru semer la Légion sur Draenor, que le coup à l'orgueil avait été aussi fort que les blessures physiques. Encore une chose que la vieille humaine avait du ressentir.
Alors, comment pourrait-il en vouloir à l'arcaniste, après tout ? Lui-même n'arrivait toujours pas à digérer ce qui s'était passait, à l'époque. Qui était-il pour la prendre de haut et lui faire la morale tandis qu'elle se débattait avec le même genre de problème ? Il n'apprendrait sans doute jamais, se désola-t-il. Il se croyait toujours si ouvert d'esprit et empli de sagacité, mais la zizanie des événements venaient toujours démontrer qu'au fond de lui, il gardait la même racine qu'un eredar arrogant et empli de haine. Tous ses semblables étaient-ils tels que lui, en définitif ? Ou était-il un égaré n'ayant pas su comprendre la véritable parole des Naaru ?
Devant tant de questions insolubles, le draeneï préféra s'enfermer dans le travail, l'esprit toujours embrouillé par les spectres du passé.
A mesure que je m'approchai du cœur de Telmor, il me sembla étrange de voir autant de redresseurs de torts aux mines contrariées avancer dans la même direction que moi. Si aujourd'hui, il me fallait à nouveau revivre cet instant en toute connaissance de cause, j'aurai sans doute pris mes sabots à mon cou. Toujours est-il que je me trouvai bientôt parmi mes confrères artisans, observant avec effroi le cristal Ata'mal demeurant inactif, tandis que parmi les troupes se ruant vers la sortie de la ville, la rumeur d'une attaque commençait à se confirmer. Totalement perplexe face à cette affaire, je m'en remis dès lors à l'avis de l'un de nos autres experts, plus âgé et expérimenté, qui nous conjura d'activer les assemblages mécaniques.
En effet, le voile de dissimulation de la ville ayant été dissipé, il était fort probable que notre assaillant, quel qu'il soit, se trouve déjà aux abords de la ville. Aussi, il était inutile d'essayer de rétablir l'enchantement nous cachant au monde extérieur, et plutôt se concentrer sur la consolidation de nos moyens de défense restants. Je me suis mis au travail sans tarder, l'esprit guère tranquille car tout occupé à m'inquiéter pour ma famille, activant un par un les cristaux permettant à nos golems de prendre vie et de défendre la place centrale. Les plus gros spécimens faisait jusqu'à quatre mètres de haut, et je voyais mal à ce moment-là comment nous aurions pu être vaincu avec une telle preuve de notre savoir, mise au service de notre sécurité.
Néanmoins, les minutes passèrent, les signes d'incendie dans la périphérie se multiplièrent et, avec eux, mes certitudes de victoire commencèrent à fondre. Les quelques rapports provenant de l'avant-garde avaient fini par nous apprendre qu'il s'agissait d'orcs enragés que nous combattions, et ce pour notre plus grande surprise. Si je n'avais pas vu peu après ces mêmes monstres à la peau brune commencer à faire irruption sur la grande place, s'attaquant aux golems sans la moindre trace de peur, je n'y aurai sans doute pas cru. On peut accuser les clans orcs de bien des maux, mais s'il y a bien une chose que je leur ai accordé à partir de ce jour, c'est leur férocité dans la bataille.
C'était la première fois que je voyais ces créatures combattre et, quand je vis les premiers redresseurs et exarques commencer à succomber dans des gerbes de sang bleu, j'ai fui. Je ne suis pas fier de cela, et je continue à garder de cet acte une honte accablante, bien que je sache que sans cela, je serai mort dans les dix minutes suivant l'arrivée des envahisseurs, et ma famille peu après moi. C'est d'ailleurs vers le domaine familiale que je me ruais à toute vitesse, au milieu du début de panique qui commençait à étreindre la cité. Parfois, en rêve, je peux revoir certains de ces masques de peur qui étaient passés comme des éclairs devant moi, ces traits ayant appartenu à mes voisins, à mes amis ou même à des inconnus que je ne connaissais pas.
En rentrant chez moi, je trouvai mon père vieillissant, en train d'encourager ma mère, ma sœur et Frej'daa à empaqueter nos affaires. Il avait à la main Meli'magas, le plus précieux héritage de notre lignée. Il s'agissait d'une hache faite pour être tenue d'une main, taillée dans de précieux cristaux mauves ayant appartenu à Argus, notre monde natal. Autrefois brisée durant l'Exode, la bénédiction des Naaru avait donné une seconde jeunesse à cette arme, dont les différentes fragments brisées, aux arêtes tranchantes comme des rasoirs, tenaient ensemble par magie. Le vieil homme n'avait pas eu le temps de revêtir sa lourde armure, héritage de son ancien destin de redresseur de torts, et se tourna vers moi, la mine dure, lorsque je m'engouffrait dans la pièce.
Après lui avoir appris à mi-voix quelle était la situation, il m'encouragea à aider les miens pour préparer leur fuite, estimant qu'elles seraient plus en sûreté dans les bois au sud-est de la ville. N'ayant aucune expérience de la guerre, et étant trop paniqué pour remettre ses directives en question, je m’exécutais alors, en gardant pour moi mes craintes les plus profondes. Nos frères arriveraient-ils à stopper les orcs ? Ils m'avaient paru si nombreux ! En y repensant aujourd'hui, nous aurions mieux fait de déguerpir sans même chercher à emporter quoi que ce soit avec nous. Toujours est-il que j'étais occupé à essayer maladroitement de rassurer mon épouse, lorsque le voltigeur entra dans un cri de rage.
Au son guttural produit par le monstre, je me suis jeté au secours de mon père, juste à temps pour le voir décapiter le guerrier aux yeux injectés de sang. Il s'effondra peu après, sans que je comprenne tout d'abord pourquoi. Me portant à son chevet, je pus alors découvrir la forme irrégulière de sa cage thoracique, enfoncée par la masse de son adversaire vaincu. Le regard affolé, un filet de liquide bleu perlant au coin des lèvres, il parvint malgré tout à m'agripper avec force le poignée, me forçant à l'écouter. Dans ses derniers râles, il me fit promettre de porter sa hache et son armure, et de mettre ma famille en sûreté. Ses paroles exactes, je ne parviens plus à m'en souvenir aujourd'hui, tant il parla avec difficulté, aux prises avec une agonie épouvantable.
Je ne saurai dire combien de temps je suis resté là, prostré, à observer son cadavre. Ce n'est que le son strident de panique poussé quelque part à l'extérieur qui me réveilla, et me poussa à agir. Intimant ma famille tout aussi ravagée par la tristesse que je ne l'étais quelques minutes auparavant à se relever, je me hâtais également de revêtir l'armure de mon père, puis de ramasser sa hache et son bouclier qui était resté sur son support. Abandonnant l'idée de rassembler nos affaires, je les fis sortir par la porte de notre jardin, ma sœur devant tirer ma mère par la main, tandis que Fred'jaa courrait à mes côtés, les talonnant.
Si les draeneï ont connu beaucoup de défaites, au fil des millénaires, voici la première dont je me souvienne personnellement.
Défaite
Tandis qu'il se replongeait pour la semaine dans ses études aux allures d'isoloir, Kley'meus se prit à penser au cas du Professeur Bauregard, qui s'était illustré quelques semaines auparavant. En effet, il se surprit à pouvoir comprendre avec exactitude le trouble qu'avait du semer dans son esprit sa défaite contre le Doyen de l'Institut, le démoniste Nihel Narendir. En vérité, tout ceci ressemblait fort à une situation bien connue de tous les draeneï, accoutumés hélas depuis longtemps à la défaite. Celle plus que cuisante, d'autant plus qu'elle était récente, face aux orcs avait certaines similitudes avec le cas présent, d'après l'ingénieur.
Tout comme le professeur considérait le Doyen comme un ami, ou tout du moins un collègue, Kley'meus et ses frères et sœurs avaient longtemps vu en la race orque des voisins corrects, avec lesquels il était possible de commercer à défaut de tisser de vrais alliances. Et, tout comme la défaite du puissant professeur et archimage Martha Bauregard, dans ce duel amical, la défaite des draeneï devant la naissante Horde Noire avait été d'une rapidité effrayante, telle une claque venue de nulle part. Bien sûr, la fierté jouait aussi son rôle dans cette histoire. Son peuple était si emprunt de certitudes, lorsqu'il avait cru semer la Légion sur Draenor, que le coup à l'orgueil avait été aussi fort que les blessures physiques. Encore une chose que la vieille humaine avait du ressentir.
Alors, comment pourrait-il en vouloir à l'arcaniste, après tout ? Lui-même n'arrivait toujours pas à digérer ce qui s'était passait, à l'époque. Qui était-il pour la prendre de haut et lui faire la morale tandis qu'elle se débattait avec le même genre de problème ? Il n'apprendrait sans doute jamais, se désola-t-il. Il se croyait toujours si ouvert d'esprit et empli de sagacité, mais la zizanie des événements venaient toujours démontrer qu'au fond de lui, il gardait la même racine qu'un eredar arrogant et empli de haine. Tous ses semblables étaient-ils tels que lui, en définitif ? Ou était-il un égaré n'ayant pas su comprendre la véritable parole des Naaru ?
Devant tant de questions insolubles, le draeneï préféra s'enfermer dans le travail, l'esprit toujours embrouillé par les spectres du passé.
A mesure que je m'approchai du cœur de Telmor, il me sembla étrange de voir autant de redresseurs de torts aux mines contrariées avancer dans la même direction que moi. Si aujourd'hui, il me fallait à nouveau revivre cet instant en toute connaissance de cause, j'aurai sans doute pris mes sabots à mon cou. Toujours est-il que je me trouvai bientôt parmi mes confrères artisans, observant avec effroi le cristal Ata'mal demeurant inactif, tandis que parmi les troupes se ruant vers la sortie de la ville, la rumeur d'une attaque commençait à se confirmer. Totalement perplexe face à cette affaire, je m'en remis dès lors à l'avis de l'un de nos autres experts, plus âgé et expérimenté, qui nous conjura d'activer les assemblages mécaniques.
En effet, le voile de dissimulation de la ville ayant été dissipé, il était fort probable que notre assaillant, quel qu'il soit, se trouve déjà aux abords de la ville. Aussi, il était inutile d'essayer de rétablir l'enchantement nous cachant au monde extérieur, et plutôt se concentrer sur la consolidation de nos moyens de défense restants. Je me suis mis au travail sans tarder, l'esprit guère tranquille car tout occupé à m'inquiéter pour ma famille, activant un par un les cristaux permettant à nos golems de prendre vie et de défendre la place centrale. Les plus gros spécimens faisait jusqu'à quatre mètres de haut, et je voyais mal à ce moment-là comment nous aurions pu être vaincu avec une telle preuve de notre savoir, mise au service de notre sécurité.
Néanmoins, les minutes passèrent, les signes d'incendie dans la périphérie se multiplièrent et, avec eux, mes certitudes de victoire commencèrent à fondre. Les quelques rapports provenant de l'avant-garde avaient fini par nous apprendre qu'il s'agissait d'orcs enragés que nous combattions, et ce pour notre plus grande surprise. Si je n'avais pas vu peu après ces mêmes monstres à la peau brune commencer à faire irruption sur la grande place, s'attaquant aux golems sans la moindre trace de peur, je n'y aurai sans doute pas cru. On peut accuser les clans orcs de bien des maux, mais s'il y a bien une chose que je leur ai accordé à partir de ce jour, c'est leur férocité dans la bataille.
C'était la première fois que je voyais ces créatures combattre et, quand je vis les premiers redresseurs et exarques commencer à succomber dans des gerbes de sang bleu, j'ai fui. Je ne suis pas fier de cela, et je continue à garder de cet acte une honte accablante, bien que je sache que sans cela, je serai mort dans les dix minutes suivant l'arrivée des envahisseurs, et ma famille peu après moi. C'est d'ailleurs vers le domaine familiale que je me ruais à toute vitesse, au milieu du début de panique qui commençait à étreindre la cité. Parfois, en rêve, je peux revoir certains de ces masques de peur qui étaient passés comme des éclairs devant moi, ces traits ayant appartenu à mes voisins, à mes amis ou même à des inconnus que je ne connaissais pas.
En rentrant chez moi, je trouvai mon père vieillissant, en train d'encourager ma mère, ma sœur et Frej'daa à empaqueter nos affaires. Il avait à la main Meli'magas, le plus précieux héritage de notre lignée. Il s'agissait d'une hache faite pour être tenue d'une main, taillée dans de précieux cristaux mauves ayant appartenu à Argus, notre monde natal. Autrefois brisée durant l'Exode, la bénédiction des Naaru avait donné une seconde jeunesse à cette arme, dont les différentes fragments brisées, aux arêtes tranchantes comme des rasoirs, tenaient ensemble par magie. Le vieil homme n'avait pas eu le temps de revêtir sa lourde armure, héritage de son ancien destin de redresseur de torts, et se tourna vers moi, la mine dure, lorsque je m'engouffrait dans la pièce.
Après lui avoir appris à mi-voix quelle était la situation, il m'encouragea à aider les miens pour préparer leur fuite, estimant qu'elles seraient plus en sûreté dans les bois au sud-est de la ville. N'ayant aucune expérience de la guerre, et étant trop paniqué pour remettre ses directives en question, je m’exécutais alors, en gardant pour moi mes craintes les plus profondes. Nos frères arriveraient-ils à stopper les orcs ? Ils m'avaient paru si nombreux ! En y repensant aujourd'hui, nous aurions mieux fait de déguerpir sans même chercher à emporter quoi que ce soit avec nous. Toujours est-il que j'étais occupé à essayer maladroitement de rassurer mon épouse, lorsque le voltigeur entra dans un cri de rage.
Au son guttural produit par le monstre, je me suis jeté au secours de mon père, juste à temps pour le voir décapiter le guerrier aux yeux injectés de sang. Il s'effondra peu après, sans que je comprenne tout d'abord pourquoi. Me portant à son chevet, je pus alors découvrir la forme irrégulière de sa cage thoracique, enfoncée par la masse de son adversaire vaincu. Le regard affolé, un filet de liquide bleu perlant au coin des lèvres, il parvint malgré tout à m'agripper avec force le poignée, me forçant à l'écouter. Dans ses derniers râles, il me fit promettre de porter sa hache et son armure, et de mettre ma famille en sûreté. Ses paroles exactes, je ne parviens plus à m'en souvenir aujourd'hui, tant il parla avec difficulté, aux prises avec une agonie épouvantable.
Je ne saurai dire combien de temps je suis resté là, prostré, à observer son cadavre. Ce n'est que le son strident de panique poussé quelque part à l'extérieur qui me réveilla, et me poussa à agir. Intimant ma famille tout aussi ravagée par la tristesse que je ne l'étais quelques minutes auparavant à se relever, je me hâtais également de revêtir l'armure de mon père, puis de ramasser sa hache et son bouclier qui était resté sur son support. Abandonnant l'idée de rassembler nos affaires, je les fis sortir par la porte de notre jardin, ma sœur devant tirer ma mère par la main, tandis que Fred'jaa courrait à mes côtés, les talonnant.
Si les draeneï ont connu beaucoup de défaites, au fil des millénaires, voici la première dont je me souvienne personnellement.
Cleyam
Re: Devoir de mémoire
- Spoiler:
- Ce petit texte est en léger décalage avec le style que j'ai souhaité m'imposer pour cette histoire, à savoir mêler passé et présent. Néanmoins, il s'intègre parfaitement au récit, et permet de développer une partie de la philosophie du personnage qui sera de plus en plus expliquée par la suite, ce qui justifie sa place ici. En espérant que ça vous plaira malgré tout, bonne lecture !
1,5
Incandescence
Incandescence
Il hurla. L'ensemble de l'assemblage soigneusement posé sur son établi alla se briser à terre, expédié d'un geste violent de son bras. Il ne voyait d'autre manière de canaliser pour le moment l'irrépressible envie de meurtre que venait de lui donner la nouvelle. Le Kirin Tor avait convoqué ce matin même le Professeur Bauregard aux Terres Foudroyés. Là-bas, des hommes et des femmes étaient mortes par centaines, une fois de plus. Une fois de plus, s'abattant comme un ouragan destructeur, ils avaient rependu la mort et la destruction. D'abord Telmor, puis Karabor, Shattrath, Draenor, Hurlevent, Azeroth, puis Kalimdor, le Norfendre et la Pandarie. Et comme souvent, le destin venait à se répeter.
Il ne comprenait pas ce qui se passait. D'où pouvaient bien venir ces légions innombrables d'orcs semblant sortir tout droit de ses pires cauchemars ? De ces songes effroyables qui l'empêchaient depuis plus de 30 ans de trouver le sommeil… Car il s'agissait bien d'orcs ! Toujours est encore d'orcs ! Le chaman de la Horde actuelle avait beau avoir amadoué les peuples d'Azeroth, aussi bien avant qu'après les crimes du tyran Hurlenfer, tout ne se révélait une fois de plus que mensonges. Rien ne parviendrait plus à soulager ces monstres de cet appétit de carnage qui couvait jusque dans leur cœur.
Il regarda les éclats de cristaux brisés, ainsi que les pièces épars de ses appareils, qui formaient sur le plancher une mosaïque difforme. Qu'aurait-il donné en cet instant pour réduire en bouillie de la même manière le visage de l'un de ces assassins ! Ses appendices faciaux frémirent tandis que son regard commençait à brûler d'une rage jusqu'alors restée en sommeil. Cela faisait près d'une décennie qu'il n'avait pas participé à un conflit ouvert. Il avait préféré participer à la réparation de l'Exodar plutôt que de participer aux campagnes récentes de l'Alliance. La dernière fois remontait à Draenor, à l'époque où il n'avait plus eut le choix.
Aujourd'hui, quelle alternative avait-il ? Sa sœur était en sécurité, de l'autre côté de ce monde, mais pour combien de temps ? Combien de temps faudrait-il à cette enième Horde de barbares sortis tous droits du Néant distordu et du giron de quelque démon pour réduire à néant la population du Royaume d'Hurlevent ? Combien de temps avant que ses nouveaux amis de l'Institut Ebonlocke ne connaissent tous le sort de son propre peuple ? Cela n'était pas acceptable ! Tout ceci ne pouvait pas recommencer, pas encore. Autant pour les autres que pour lui-même car, en cas de nouvel échec, il ne survivrait pas, il le savait. Son esprit ne pourrait porter un tel fardeau.
Le choix était tout à fait clair, en réalité. S'il devait mourir un jour, autant que ce soit en emportant avec lui le plus grand nombre de ces bouchers au cœur noir, que la Légion les emporte ! Fort de cette certitude, il quitta la pièce sans jeter un regard de plus à ses travaux anéantis, et fila tout droit jusqu'à sa chambre à l'auberge. Il y enfila la vieille armure cabossée de son père, sachant pertinemment qu'il s'agirait sans doute du chant du cygne de cette dernière, que le temps et les événements avaient usé plus que de raison. Il sangla dans son dos son grand bouclier, attacha Meli'magas à sa ceinture puis, empaquetant quelques affaires, abandonnant le reste, il alla régler sa note.
Au lendemain du début de l'invasion, il arriva à Hurlevent, et se retrouva dans la file des volontaires désireux de franchir le portail de la Tour des Mages. Son torse portait les couleurs de l'Institut, en accord avec les directives de la doyenne, mais le seul blason ornant son visage était celui d'une froide détermination.
C'était à leur tour de payer.
Cleyam
Re: Devoir de mémoire
2
Agonie
Lorsqu'il revint à lui, sur la couchette de l'infirmerie où il s'était effondré la veille dans un état critique, Kley'meus eut besoin d'une bonne heure pour parvenir à ressentir autre chose que de la douleur. Douleur physique, tout d'abord. Son visage lui faisait l'effet d'une grande plaie ouverte. Inutile de parler de ses bras, couverts de bandages mais qu'il devina brûlés jusqu'à la chair, ou du reste de son corps, contusionné à force de coups reçus. Cette lancinante étreinte venait lui assaillir le cerveau, le laissant fébrile et déboussolé. Il estima, entre deux râles, que s'il s'en sortait, cette fois, ce ne serait clairement pas indemne.
Et que dire de la douleur morale qui étreignait son cœur ? En l'espace d'une semaine, disparue l'armure qui avait fait la fierté de son père du temps où il était redresseur de tords. Disparue l'armure qu'il avait ensuite endossé devant le cadavre de son porteur afin de protéger sa famille. Disparue l'armure qui l'avait gardé en vie durant toute la durée du génocide. De même, le bouclier sacré avait été fendu, et seule Meli'magas, la hache de cristal, restait pour lui rappeler ses fardeaux. Tout son héritage volait en éclats, lui étant dérobé par des orcs, tout comme lui avait été enlevé sa famille.
La bataille de la veille avait été titanesque. La clameur des combats retentissait de toutes parts, tandis que Rempart-du-Néant était devenu, une fois encore, le théâtre des combats entre les orcs et Azeroth. Il ne comptait plus le nombre de coups qu'il avait encaissé, ne se rappelait plus que vaguement comment sa haine pour ces monstres avait peu à peu prise le pas sur sa raison. Il y avait d'abord eu ses camarades blessées, puis ce maudit orc chaman, si similaire à celui qui avait ravagé son dos dans les mines, quelques temps auparavant. Les provocations de ce dernier avaient poussé le draenei à le rouer de coup, ne pouvant échapper à l'explosion de l'ascendant naissant.
Pourtant, il s'était relevé, uniquement motivé par le massacre des orcs, et le Professeur Bauregard lui avait donné une nouvelle cible. Un nouveau boucher de draeneï à abattre, pour le bien des siens. Sans hésiter, il lui avait sauté de dessus, avec tant d'autres, ignorant la peur que pouvait inspirer un tel colosse à une personne censée. Mais à cet instant, Kley'meus n'avait plus rien de censé. Il revoyait juste le rictus moqueur de l'assassin de son père. De l'assassin de Frej'daa… Il revoyait la folie et la colère dans le regard de sa sœur. Il revoyait la mort dans son propre regard, reflété par les eaux.
Intense, le combat avait pourtant pris un tournant décisif quand la jeune Satria, tout aussi oublieuse de sa propre personne, avait déclenché la ceinture d'explosifs du lieutenant de la Horde. La déflagration avait enveloppé l'exilé déjà brûlé qui, faisant fit de la douleur, s'était campé dans le sol pour rester proche du contact, bien que s'exposant à une douleur démentielle. Il ne pouvait pas le laisser s'en tirer, pas cette fois ! Il était revenu au contact et avait poursuivi sa répugnante besogne, enfonçant coup après coup le marteau de cristal, récupéré quelques jours plus tôt sur un frère mort, sur la tête du monstre.
Quand il ne resta plus qu'une masse sanguinolente de sang, il passa de la masse au sabot, rouant de coups injustes la dépouille, et quant on parvint à le faire revenir à la raison, il lui cracha dessus, avant de s'effondrer. Il ne se souvenait pas de comment il était rentré au campement. Sans doute avait-on du le porter et de pauvres bougres s'étaient-ils dévoués. Il ne savait pas s'il devait leur en être reconnaissants. Assassiner de sang-froid un orc similaire à ceux responsables du meurtre de sa famille ne l'avait pas satisfait. Il ne ressentait pas sa vengeance comme accomplie, pas plus que pour chaque macchabée qu'il avait fait depuis le début de la guerre.
Sans doute faudrait-il attendre que l'ensemble de la race orc périsse pour qu'il se sente en paix. Ça ou sa propre mort.
Agonie
Lorsqu'il revint à lui, sur la couchette de l'infirmerie où il s'était effondré la veille dans un état critique, Kley'meus eut besoin d'une bonne heure pour parvenir à ressentir autre chose que de la douleur. Douleur physique, tout d'abord. Son visage lui faisait l'effet d'une grande plaie ouverte. Inutile de parler de ses bras, couverts de bandages mais qu'il devina brûlés jusqu'à la chair, ou du reste de son corps, contusionné à force de coups reçus. Cette lancinante étreinte venait lui assaillir le cerveau, le laissant fébrile et déboussolé. Il estima, entre deux râles, que s'il s'en sortait, cette fois, ce ne serait clairement pas indemne.
Et que dire de la douleur morale qui étreignait son cœur ? En l'espace d'une semaine, disparue l'armure qui avait fait la fierté de son père du temps où il était redresseur de tords. Disparue l'armure qu'il avait ensuite endossé devant le cadavre de son porteur afin de protéger sa famille. Disparue l'armure qui l'avait gardé en vie durant toute la durée du génocide. De même, le bouclier sacré avait été fendu, et seule Meli'magas, la hache de cristal, restait pour lui rappeler ses fardeaux. Tout son héritage volait en éclats, lui étant dérobé par des orcs, tout comme lui avait été enlevé sa famille.
La bataille de la veille avait été titanesque. La clameur des combats retentissait de toutes parts, tandis que Rempart-du-Néant était devenu, une fois encore, le théâtre des combats entre les orcs et Azeroth. Il ne comptait plus le nombre de coups qu'il avait encaissé, ne se rappelait plus que vaguement comment sa haine pour ces monstres avait peu à peu prise le pas sur sa raison. Il y avait d'abord eu ses camarades blessées, puis ce maudit orc chaman, si similaire à celui qui avait ravagé son dos dans les mines, quelques temps auparavant. Les provocations de ce dernier avaient poussé le draenei à le rouer de coup, ne pouvant échapper à l'explosion de l'ascendant naissant.
Pourtant, il s'était relevé, uniquement motivé par le massacre des orcs, et le Professeur Bauregard lui avait donné une nouvelle cible. Un nouveau boucher de draeneï à abattre, pour le bien des siens. Sans hésiter, il lui avait sauté de dessus, avec tant d'autres, ignorant la peur que pouvait inspirer un tel colosse à une personne censée. Mais à cet instant, Kley'meus n'avait plus rien de censé. Il revoyait juste le rictus moqueur de l'assassin de son père. De l'assassin de Frej'daa… Il revoyait la folie et la colère dans le regard de sa sœur. Il revoyait la mort dans son propre regard, reflété par les eaux.
Intense, le combat avait pourtant pris un tournant décisif quand la jeune Satria, tout aussi oublieuse de sa propre personne, avait déclenché la ceinture d'explosifs du lieutenant de la Horde. La déflagration avait enveloppé l'exilé déjà brûlé qui, faisant fit de la douleur, s'était campé dans le sol pour rester proche du contact, bien que s'exposant à une douleur démentielle. Il ne pouvait pas le laisser s'en tirer, pas cette fois ! Il était revenu au contact et avait poursuivi sa répugnante besogne, enfonçant coup après coup le marteau de cristal, récupéré quelques jours plus tôt sur un frère mort, sur la tête du monstre.
Quand il ne resta plus qu'une masse sanguinolente de sang, il passa de la masse au sabot, rouant de coups injustes la dépouille, et quant on parvint à le faire revenir à la raison, il lui cracha dessus, avant de s'effondrer. Il ne se souvenait pas de comment il était rentré au campement. Sans doute avait-on du le porter et de pauvres bougres s'étaient-ils dévoués. Il ne savait pas s'il devait leur en être reconnaissants. Assassiner de sang-froid un orc similaire à ceux responsables du meurtre de sa famille ne l'avait pas satisfait. Il ne ressentait pas sa vengeance comme accomplie, pas plus que pour chaque macchabée qu'il avait fait depuis le début de la guerre.
Sans doute faudrait-il attendre que l'ensemble de la race orc périsse pour qu'il se sente en paix. Ça ou sa propre mort.
Cleyam
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum