Les soldats vivent
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Les soldats vivent
Aucun de nous n'avait rejoint l'armée par véritable volonté de servir l'Alliance ou par conviction dans ses idées. La plupart d'entre nous, à vrai dire, tendait plutôt vers la neutralité. Mais nous avions fait confiance à Lendrith pour que nos diverses allégeances ne soient pas trahies.
Thêmys, de fait, l'avait suivi par amour, Alistair par ennui.
Peut-être cherchions-nous une quelconque et confuse rédemption aux yeux d'un monde que l'on indifférait totalement, une forme de pardon pour des actes si lointains, si enfouis, qu'ils semblaient avoir été commis par d'autres, en d'autres temps.
Je ne me leurrerai pas sur mon propre cas.
Nous ne nous dispersons pas malgré l'enlèvement de Lendrith. Nous faisons bloc. Nous sommes liés. Noués.
Notre serment nous oblige.
Nous voilà donc, au cœur de la Forêt Impure, parmi les troupes dépêchées là, à tisser nos ruses, à préparer le spectacle.
La marée de fer emporte censément tout.
Nous lutterons, comme tout le monde. Parce qu'il le faut. Par conviction, cette fois, peut-être.
J'avais déjà été soldat, à plusieurs reprises. Jamais je n'avais réellement dirigé de troupes.
"Le premier gradé venu", m'a-t-on dit.
C'est cela. Donnez des troupes à un garde du corps et vous pouvez être assuré qu'il s'efforcera de les garder tous en vie. C'est là, au demeurant, l'esthétique du boulot.
Bienvenue dans les Terres Foudroyées, où l'histoire se répète dans le feu et le fer, où les monstres à deux têtes sillonnent le ciel en compagnie des boulets fusant.
Bienvenue à Surwich, où s'organisent bon gré mal gré une partie des troupes, où les démons ricanent sous les ombres du marécage en attendant leur heure.
Sans aucun doute approche-t-elle.
Thêmys, de fait, l'avait suivi par amour, Alistair par ennui.
Peut-être cherchions-nous une quelconque et confuse rédemption aux yeux d'un monde que l'on indifférait totalement, une forme de pardon pour des actes si lointains, si enfouis, qu'ils semblaient avoir été commis par d'autres, en d'autres temps.
Je ne me leurrerai pas sur mon propre cas.
Nous ne nous dispersons pas malgré l'enlèvement de Lendrith. Nous faisons bloc. Nous sommes liés. Noués.
Notre serment nous oblige.
Nous voilà donc, au cœur de la Forêt Impure, parmi les troupes dépêchées là, à tisser nos ruses, à préparer le spectacle.
La marée de fer emporte censément tout.
Nous lutterons, comme tout le monde. Parce qu'il le faut. Par conviction, cette fois, peut-être.
J'avais déjà été soldat, à plusieurs reprises. Jamais je n'avais réellement dirigé de troupes.
"Le premier gradé venu", m'a-t-on dit.
C'est cela. Donnez des troupes à un garde du corps et vous pouvez être assuré qu'il s'efforcera de les garder tous en vie. C'est là, au demeurant, l'esthétique du boulot.
Bienvenue dans les Terres Foudroyées, où l'histoire se répète dans le feu et le fer, où les monstres à deux têtes sillonnent le ciel en compagnie des boulets fusant.
Bienvenue à Surwich, où s'organisent bon gré mal gré une partie des troupes, où les démons ricanent sous les ombres du marécage en attendant leur heure.
Sans aucun doute approche-t-elle.
Souvenir
Re: Les soldats vivent
La porte du bâtiment claque dans le dos de la voleuse et elle fouille une des nombreuses caisses entassées près de l’entrée pour en extirper une bouteille de rhum qu’elle ouvre machinalement. Ses yeux font le tour de l’entrepôt –puisque c’en est devenu un par la force des choses- et elle note avec satisfaction l’odeur douce-amère et piquante à la fois qui règne. La distillation ne va pas tarder à prendre fin et elle pourra ranger une nouvelle fournée de poisons dans les caisses capitonnées qui ont été livrées l’avant-veille.
Dehors elle entend le claquement des bottes autour du bâtiment. Vingt-trois heures sonnent à la grosse horloge du village, et l’équipe du soir va prendre un repos bien mérité, remplacé par la dizaine d’hommes de nuit. Appuyée contre la porte, elle entend les échanges de consignes et entre deux gorgées de rhum, elle note que le message est bien passé et répété : Ordre a été donné d’empêcher toute intrusion dans le bâtiment avec interdiction formelle d’utiliser des armes à feu.
Elle décolle son dos de la porte et grimace en reprenant une posture plus verticale. Le manque de sommeil et l’abus d’alcool se disputent la possession de son cerveau tandis qu’elle ouvre une nouvelle caisse. Elle ouvre un œil rond en découvrant le contenu puis un sourire ironique s’étire sur ses lèvres…
Plus tard, en plein cœur de la nuit, une explosion, plus discrète que les coups de canon qu’on entend marteler au loin, s’est produite et quelques mottes de terre ont volés dans les airs, décimant un carré de terre meuble à l’écart du village. L’épouvantail qui s’y trouvait repose désormais façon puzzle sur plusieurs pieds aux alentours.
Au matin, Surwish s’éveillant aura la surprise de découvrir le bâtiment réquisitionné décoré de citrouilles de la Sanssaint armée d’arbalètes. Si un curieux s’approche de plus près, il pourra constater que lesdites arbalètes sont armées et prête à être déclenchées via un système compliqué mais sans doute efficace, chaque arbalète étant reliée à sa voisine via un filin d’acier… Les gardes du matin regarderont d’un mauvais œil les curieux et repousseront les plus courageux, indifférents aux menaces qui leur seront adressé.
Dehors elle entend le claquement des bottes autour du bâtiment. Vingt-trois heures sonnent à la grosse horloge du village, et l’équipe du soir va prendre un repos bien mérité, remplacé par la dizaine d’hommes de nuit. Appuyée contre la porte, elle entend les échanges de consignes et entre deux gorgées de rhum, elle note que le message est bien passé et répété : Ordre a été donné d’empêcher toute intrusion dans le bâtiment avec interdiction formelle d’utiliser des armes à feu.
Elle décolle son dos de la porte et grimace en reprenant une posture plus verticale. Le manque de sommeil et l’abus d’alcool se disputent la possession de son cerveau tandis qu’elle ouvre une nouvelle caisse. Elle ouvre un œil rond en découvrant le contenu puis un sourire ironique s’étire sur ses lèvres…
Plus tard, en plein cœur de la nuit, une explosion, plus discrète que les coups de canon qu’on entend marteler au loin, s’est produite et quelques mottes de terre ont volés dans les airs, décimant un carré de terre meuble à l’écart du village. L’épouvantail qui s’y trouvait repose désormais façon puzzle sur plusieurs pieds aux alentours.
Au matin, Surwish s’éveillant aura la surprise de découvrir le bâtiment réquisitionné décoré de citrouilles de la Sanssaint armée d’arbalètes. Si un curieux s’approche de plus près, il pourra constater que lesdites arbalètes sont armées et prête à être déclenchées via un système compliqué mais sans doute efficace, chaque arbalète étant reliée à sa voisine via un filin d’acier… Les gardes du matin regarderont d’un mauvais œil les curieux et repousseront les plus courageux, indifférents aux menaces qui leur seront adressé.
Thêmys
Re: Les soldats vivent
Ma très chère A.
Voilà bien longtemps que je n'ai pas pris ma plume pour te conter ce que j'appellerai prétentieusement mes aventures. Crois-moi bien, un jour, je t'en ferai le récit complet. Mais pour l'instant, je crains qu'il ne te faille encore un peu de patience.
Je t'imagine là, à attendre chaque jour une lettre de ma part, fragile espoir mourant à chaque coucher de soleil et renaissant au matin. Je t'imagine t'agiter tout le jour en guettant le son des pas rapides, quelque peu fatigué, du préposé qui t'apporterait ton courrier. Je t'imagine enfin, lorsqu'elle sera entre tes mains, déplier lentement le papier précocement jauni, tes yeux danser sur les mots tracés à l'encre sombre avec une graphie brouillonne que tu reconnaîtrais entre mille.
C'est à cette vision que je m'accroche pour éclairer ce ciel sombre, taché de tempêtes de sable rouge, arraché par le vent et les orages permanents au dessus des Terres Foudroyées, là où je suis en poste actuellement ; chaos de terres laminées et desséchées jusqu'à l'âme, la bauxite et le granit naturellement pourpres encore rehaussés par les litres de sang répandus.
Pourquoi suis-je là, alors que j'avais dit que je ne remettrai jamais les pieds sur pareil champ de bataille ? Par serment d'abord. Lendrith m'a fait une offre, à la fin de l'été, que je ne pouvais décemment pas refuser : être le médecin et maître-coq de son navire amiral. Rôle de peu de gloire comparé au prestige des officiers, mais c'est ainsi, je m'épanouis dans les hiérarchies parallèles. Et voici qu'il y a quelques semaines, la Porte des Ténèbres se met à cracher des légions entières d'orcs à mille lieux des ressortissants d'Outreterre et de Durotar que nous connaissions assez bien. Ceux-là sont ocres, comme jamais touchés par la corruption démoniaque, dotés d'une férocité réfléchie et d'un armement supérieur à ce que nous savions d'eux. Pour te donner une idée, Rempart-du-Néant est tombée en peu de temps. J'ai suivi mon serment, qui devait me mener ici, à Surwich.
Des dizaines de questions s'amoncellent lorsqu'on les voit agir. Mais le temps pour y répondre manque tandis qu'ils menacent toutes les positions des autochtones. Mais aussi par ennui : comme j'ai pu te le confier déjà, lorsque j'ai fini par construire mon nid, je sens à nouveau un noeud coulant se refermer sur ma gorge, celui du quotidien, de la routine, de ces choses qui satisfont les gens normaux. (Non pas que je méprise mes deux autres emplois, je les apprécie autant que faire se peut.) Arrivé là, il ne me reste plus qu'à renverser ce plateau si bien agencé, et à repartir ailleurs, loin.
Surwich est loin, voilà ce qui est notable à propos de cette localité. Je pensais y trouver quelque chose de différent, comme le sentiment d'être utile, à mille lieux des petites mesquineries de la capitale. Erreur ! Certains sont décidés à nourrir les querelles intestines sur des questions futiles de commandement, alors que la mort rôde à quelques lieues, alors que le destin n'est pas loin de se retourner contre nous. Et le ton est monté d'un cran hier. Heureusement que les soldats peuvent compter les uns sur les autres, ici. Chacun se prépare comme il peut, lequel aiguise son arme, lequel rafistole son armure, lequel encore prépare son paquetage pour quelque chose qui doit se passer, mais dont la date est fichtrement incertaine.
De mon côté, je partage mon temps entre de courtes sorties dans les marais à la recherche de végétaux locaux, connus ou moins, les soins apportés aux autres et mes préparations alchimiques. Tu comprends bien que les nuits sont courtes, mais j'ai pris le pli il y a longtemps. Ce qui me choque le plus, lorsque je récolte mes champignons et autres tiges, c'est le silence qui règne. Toute la faune qui avait pu s'installer ici à la faveur de la folle intervention du sorcier worgen a plié bagage, ou alors se cache bien. Il n'y a que moi, la flore, des démons potentiels et, parfois, dans un hallier un marchefer récoltant le bois pas trop humide (je leur souhaite bon courage à ce propos, l'humidité étant ici une plaie atroce, surtout pour soigner des blessures ouvertes).
On sait quand ça a commencé, mais pas quand ça se finira, à supposer que cette fois-ci, on puisse y mettre un terme: c'est une marée inexorable, animée par nulle terreur ou doute. Tandis que nous ...
Souvenir nous appelle, l'aube est déjà sur nous, l'heure de partir. Je me rends compte que j'ai beaucoup écrit, j'espère que tu ne m'en voudras pas. Lorsque tout cela sera terminé, j'irai te voir. En attendant, fais attention à toi, surtout avec l'hiver qui vient.
Tendres pensées,
Alistair.
La lettre rejoindra la cantine d'acier du médecin, comme d'autres. Elle ne sera pas envoyée.
Kiel d'Althain- Personnages Joués : Cianor - Bransian - Fingal - Davien - Aleyrah
Re: Les soldats vivent
La nuit avait fini par tomber, entre deux trahisons et agressions.
Les ombres ont frémi. Se sont déplacées.
A l'insu des gardes somnolents, nous sommes sortis du village, emportant avec nous une partie de notre matériel. Le reste demeurerait sur place, entreposé dans notre bâtiment astucieusement décoré et gardé par ceux de nos hommes qui resteraient sur place.
Nous avions de véritables ennemis à combattre, et aucun temps à perdre avec des renégats ayant préféré, eux, nous faire la guerre et risquer la ruine de Surwich.
J'avais passé la nuit à distribuer mes ordres et à aider aux préparatifs.
La visite de Bauregard avait dissipé la tension de l'attente et laissé place à une fébrilité d'en découdre. Enfin, nous avancions.
Toutefois, ce sentiment était tempéré par la visite du gnome, peu après, qui avait fait l'effet d'un curieux relent dont on aurait oublié la saveur, flottant dans une pièce mal aérée.
J'avais été informateur. C'était l'odeur de la dissimulation, des informations passées sous silence. Il n'était pas ce qu'il prétendait être. L'impact qu'il pourrait avoir sur nous serait cependant minime. Il n'avait donc que peu d'importance.
L'aube commençait à renifler par-dessus l'horizon, pointant son mufle irisé; malgré la présence de deux worgens en armure lourde et de caisses remplies à ras bord d'armes et de matériel, nous n'avons pas été repérés. Les forains connaissent mieux que personne l'art de la sortie de scène. Et j'avais plus d'un mystère sous la main.
J'entendais le grondement feutré de la mer occupée à polir la grève, les cris des charognards s'apprêtant pour le prochain banquet.
J'entendais le vent salé siffler contre le roc bordant la route usée par les éléments.
J'entendais, au loin dans mon esprit, la musique sans fin qu'il tissait pour célébrer une aurore déjà étouffée par le mauvais temps perpétuel.
J'entendais autour de moi des cœurs qui s'éteindraient bien vite, leurs amples battements couvert du fracas du feu et de l'acier s'entrechoquant.
Nous sommes tous des pendus en sursis oscillant au bras de la mort, ici.
Les ombres ont frémi. Se sont déplacées.
A l'insu des gardes somnolents, nous sommes sortis du village, emportant avec nous une partie de notre matériel. Le reste demeurerait sur place, entreposé dans notre bâtiment astucieusement décoré et gardé par ceux de nos hommes qui resteraient sur place.
Nous avions de véritables ennemis à combattre, et aucun temps à perdre avec des renégats ayant préféré, eux, nous faire la guerre et risquer la ruine de Surwich.
J'avais passé la nuit à distribuer mes ordres et à aider aux préparatifs.
La visite de Bauregard avait dissipé la tension de l'attente et laissé place à une fébrilité d'en découdre. Enfin, nous avancions.
Toutefois, ce sentiment était tempéré par la visite du gnome, peu après, qui avait fait l'effet d'un curieux relent dont on aurait oublié la saveur, flottant dans une pièce mal aérée.
J'avais été informateur. C'était l'odeur de la dissimulation, des informations passées sous silence. Il n'était pas ce qu'il prétendait être. L'impact qu'il pourrait avoir sur nous serait cependant minime. Il n'avait donc que peu d'importance.
L'aube commençait à renifler par-dessus l'horizon, pointant son mufle irisé; malgré la présence de deux worgens en armure lourde et de caisses remplies à ras bord d'armes et de matériel, nous n'avons pas été repérés. Les forains connaissent mieux que personne l'art de la sortie de scène. Et j'avais plus d'un mystère sous la main.
J'entendais le grondement feutré de la mer occupée à polir la grève, les cris des charognards s'apprêtant pour le prochain banquet.
J'entendais le vent salé siffler contre le roc bordant la route usée par les éléments.
J'entendais, au loin dans mon esprit, la musique sans fin qu'il tissait pour célébrer une aurore déjà étouffée par le mauvais temps perpétuel.
J'entendais autour de moi des cœurs qui s'éteindraient bien vite, leurs amples battements couvert du fracas du feu et de l'acier s'entrechoquant.
Nous sommes tous des pendus en sursis oscillant au bras de la mort, ici.
Souvenir
Re: Les soldats vivent
Surwich dormait. La bourgade, au sud de l’invasion contenue tant bien que mal par la tête de pont formée par l’Alliance et la Horde, profitait d’un repos bien mérité. Un peu à l’écart du village, autour du bâtiment gardé, les citrouilles laissaient échapper des odeurs douçâtres de fruit en début de décomposition. Pas encore désagréable en soit, avivant juste l’appétit des hommes autour, qui les imagineraient plus dans leur assiette qu’en décorations guerrières festives.
La rotation s’était faite sans encombre, vers vingt-trois heures. Toujours rien à signaler, à part les quelques curieux qui venaient faire un tour « pour voir », mais ils se faisaient un peu plus rare. Sans doute que la volée de carreaux les avaient persuadés qu’il ne valait mieux pas se frotter aux citrouilles meurtrières !
La lune se couvrait peu à peu de sombres nuages. La nuit allait être orageuse, une fois de plus. Les premiers éclairs zébrèrent le ciel, laissant des trainés argentés sur la rétine des hommes qui veillaient. La pluie suivit presque aussitôt. Hachant le paysage, étouffant sous une masse liquide les bruits environnant.
- « Une bonne nuit pour une embuscade, vous avez vu ? » plaisanta Paddy en réajustant sa jugulaire pour que l’eau dégoulinant de son casque ne lui brouille pas la vue.
- Une nuit à pas mettre un orc dehors tu veux dire ! Riposta Joe en rigolant.
Les rires des hommes s’élevèrent autour d’eux, puis retombèrent alors que l’enfer se déchaînait.
Les éclaireurs orc avaient repéré depuis le début ce village qui se cachait derrière les marais. Mais leur préoccupation première avait été de prendre la ville protégée au Nord, Surwich n’était pas un objectif prioritaire dans leur plan d’invasion, mais quelques escarmouches dans les marais et la forêt qui protégeait l’endroit les avaient décidés. Une mission de repérage voire de sabotage, pour dissuader les autochtones de recommencer, avait été commandée, et deux groupes d’une quinzaine d’éclaireurs chacun étaient parti en fin d’après-midi, quand les ombres commençaient à étendre leurs drapés dans la forêt.
Ils marchaient en silence, ou presque, le bruit de leurs pas étouffé par la mousse spongieuse, leur odeur dissimulée par celle, légèrement putride, du marais. Leurs ombres n’existaient pas, elles avaient disparues quand la lune avait abdiqué, et, parfaitement entrainés, ils se glissaient en douceur vers leur destinée.
Le village semblait calme. La majeure partie des maisons n’étaient pas éclairées, et la pluie qui martelait le sol et les toits n’inciterait sans doute pas les habitants à sortir à cette heure indue. Un seul bâtiment dérogeait à l’ensemble harmonieux. Il ressemblait être un entrepôt, bien gardé. Les orcs passèrent outre les citrouilles qui n’étaient pour eux que de vulgaires décorations.
Ils s’en mordraient les doigts quelques minutes après, quand les premiers éclaireurs de la vague tombèrent, la gorge transpercée par les carreaux d’acier. Puis ce fut le chaos.
L’alerte fut donnée par le déclenchement d’une arbalète dont le filin fut heurté par un des éclaireurs orc. Le rire de Joe se coupa net dans sa gorge quand il vit tomber le premier assaillant dans la boue, pissant le sang. A l’étage, une clochette tinta une fois, puis une seconde fois quand un second orc, voisin du premier s’effondra sur son camarade.
Les gardes empoignèrent leurs arbalètes déjà chargées et tirèrent en direction des cadavres à hauteur d’hommes, comme à l’entraînement. Des glapissements leur firent comprendre qu’ils en avaient touché au moins un, voire deux, mais les autres déboulèrent dans la lumière, haches levées, terrifiantes apparitions surgies de l’obscurité. Paddy s’effondra, une hache plantée en biais entre son épaule et son cou.
Trois des quatre gardes du côté Ouest du bâtiment périrent dans les premières secondes de l’assaut. Un orc, un humain, la balance semblait équilibrée, mais Niall, le jeunot de la troupe osa jeter un coup d’œil prudent au coin depuis son côté de mur pour regarder ce qui se passait. D’un coup sec, l’éclaireur le plus proche de lui fit rouler la tête blonde du gamin, qui mourut les yeux écarquillés de stupeur.
Les gardes restant se précipitèrent pour rompre l’assaut, mais à six contre onze, leurs chances étaient minces. La suite fut chaotique. Les gardes de repos, réveillés en sursaut descendirent du dortoir improvisés pour se mêler à la bataille. Car c’en était une, quasiment silencieuse sous la pluie, seules les expirations saccadées des orcs quand leurs haches s’abattaient répondaient au tintement des épées qui cherchaient leur cible. La boue rendait le combat encore plus dangereux, les éclairs et le tonnerre formaient un décor parfait et le découragement saisit les gardes en voyant le second groupe d’éclaireurs se jeter dans la mêlée.
« On ne va pas y arriver, haleta Joe, faut se replier à l’intérieur ! »
Il se baissa juste au moment où une hache, lancée à pleine vitesse, rebondissait contre le mur, juste à côté de lui. Un grognement de dépit s’ensuivit, et l’orc s’abattit sur Joe avec toute la violence dont il était capable. Le corps à corps se résuma à des coups furieux, -haches et épées presque inutiles dans ce combat trop rapproché- les protagonistes n’ayant pas assez d’élan pour porter des coups mortels. Un coup de rein dégagea l’homme de l’emprise de son adversaire et il recula en direction de la porte, grande ouverte depuis l’arrivée des renforts.
L’intérieur de la bâtisse avait été dégagé d’une bonne partie des caisses qui l’encombraient encore quelques jours avant. L’établi, sur lequel des mines à différents stade de démontage étaient alignées, coupait l’espace en deux, et à l’opposé des caisses restantes, des ballots de plantes étaient entassés, dégageant une odeur de fleurs séchées. Joe recula encore, une partie de ses hommes suivit le mouvement (il n’aurait pas su dire combien…), et les orcs aussi… Hélas. La situation était désespérée, il s’en rendait compte maintenant que la pluie ne gênait plus sa vision de l’assaut. Affolé, il jeta un regard autour de lui, l’autre porte était trop loin et, surtout, donnait sur le village qui ne se doutait toujours de rien, l’étage ne leur servait à rien s’ils ne pouvaient pas les piéger là-haut… Un coup d’œil lui confirma ce qu’il pensait, la majeure partie des orcs était à l’intérieur, avec ses propres hommes, certains ayant pris leur forme worgen pour mieux se défendre.
Il hésita un instant, pris d’un doute et se décida en une inspiration. Il fit demi-tour, courant de toutes les forces qui lui restaient vers l’établi. Au moment où il abattait son poing sur la seule mine intacte, une hache s’enfonçait dans son dos, le faisant hurler de douleurs. Puis tout devint noir.
L’explosion du bâtiment réduisit en miette une bonne partie des assaillants. Au petit matin, sous un fin crachin grisâtre, une trentaine de cadavres jonchaient le sol. Quelques gardes survécurent, tous plus ou moins grièvement blessés. Les seules paroles laconiques qui ont pu être tirées d’eux furent « Elles ont eu le nez fins les deux miss de nous laisser ici… ».
Les citrouilles continuèrent de répandre leur odeur douçâtre autour des décombres...
Les rares orcs survivants, quant à eux, n’avaient pas demandé leur reste et avaient tenté de s'enfuir dans la nuit, abandonnant leurs morts, soutenant leurs blessés, poursuivis par les patrouilles alertées par l'explosion.
La rotation s’était faite sans encombre, vers vingt-trois heures. Toujours rien à signaler, à part les quelques curieux qui venaient faire un tour « pour voir », mais ils se faisaient un peu plus rare. Sans doute que la volée de carreaux les avaient persuadés qu’il ne valait mieux pas se frotter aux citrouilles meurtrières !
La lune se couvrait peu à peu de sombres nuages. La nuit allait être orageuse, une fois de plus. Les premiers éclairs zébrèrent le ciel, laissant des trainés argentés sur la rétine des hommes qui veillaient. La pluie suivit presque aussitôt. Hachant le paysage, étouffant sous une masse liquide les bruits environnant.
- « Une bonne nuit pour une embuscade, vous avez vu ? » plaisanta Paddy en réajustant sa jugulaire pour que l’eau dégoulinant de son casque ne lui brouille pas la vue.
- Une nuit à pas mettre un orc dehors tu veux dire ! Riposta Joe en rigolant.
Les rires des hommes s’élevèrent autour d’eux, puis retombèrent alors que l’enfer se déchaînait.
Les éclaireurs orc avaient repéré depuis le début ce village qui se cachait derrière les marais. Mais leur préoccupation première avait été de prendre la ville protégée au Nord, Surwich n’était pas un objectif prioritaire dans leur plan d’invasion, mais quelques escarmouches dans les marais et la forêt qui protégeait l’endroit les avaient décidés. Une mission de repérage voire de sabotage, pour dissuader les autochtones de recommencer, avait été commandée, et deux groupes d’une quinzaine d’éclaireurs chacun étaient parti en fin d’après-midi, quand les ombres commençaient à étendre leurs drapés dans la forêt.
Ils marchaient en silence, ou presque, le bruit de leurs pas étouffé par la mousse spongieuse, leur odeur dissimulée par celle, légèrement putride, du marais. Leurs ombres n’existaient pas, elles avaient disparues quand la lune avait abdiqué, et, parfaitement entrainés, ils se glissaient en douceur vers leur destinée.
Le village semblait calme. La majeure partie des maisons n’étaient pas éclairées, et la pluie qui martelait le sol et les toits n’inciterait sans doute pas les habitants à sortir à cette heure indue. Un seul bâtiment dérogeait à l’ensemble harmonieux. Il ressemblait être un entrepôt, bien gardé. Les orcs passèrent outre les citrouilles qui n’étaient pour eux que de vulgaires décorations.
Ils s’en mordraient les doigts quelques minutes après, quand les premiers éclaireurs de la vague tombèrent, la gorge transpercée par les carreaux d’acier. Puis ce fut le chaos.
L’alerte fut donnée par le déclenchement d’une arbalète dont le filin fut heurté par un des éclaireurs orc. Le rire de Joe se coupa net dans sa gorge quand il vit tomber le premier assaillant dans la boue, pissant le sang. A l’étage, une clochette tinta une fois, puis une seconde fois quand un second orc, voisin du premier s’effondra sur son camarade.
Les gardes empoignèrent leurs arbalètes déjà chargées et tirèrent en direction des cadavres à hauteur d’hommes, comme à l’entraînement. Des glapissements leur firent comprendre qu’ils en avaient touché au moins un, voire deux, mais les autres déboulèrent dans la lumière, haches levées, terrifiantes apparitions surgies de l’obscurité. Paddy s’effondra, une hache plantée en biais entre son épaule et son cou.
Trois des quatre gardes du côté Ouest du bâtiment périrent dans les premières secondes de l’assaut. Un orc, un humain, la balance semblait équilibrée, mais Niall, le jeunot de la troupe osa jeter un coup d’œil prudent au coin depuis son côté de mur pour regarder ce qui se passait. D’un coup sec, l’éclaireur le plus proche de lui fit rouler la tête blonde du gamin, qui mourut les yeux écarquillés de stupeur.
Les gardes restant se précipitèrent pour rompre l’assaut, mais à six contre onze, leurs chances étaient minces. La suite fut chaotique. Les gardes de repos, réveillés en sursaut descendirent du dortoir improvisés pour se mêler à la bataille. Car c’en était une, quasiment silencieuse sous la pluie, seules les expirations saccadées des orcs quand leurs haches s’abattaient répondaient au tintement des épées qui cherchaient leur cible. La boue rendait le combat encore plus dangereux, les éclairs et le tonnerre formaient un décor parfait et le découragement saisit les gardes en voyant le second groupe d’éclaireurs se jeter dans la mêlée.
« On ne va pas y arriver, haleta Joe, faut se replier à l’intérieur ! »
Il se baissa juste au moment où une hache, lancée à pleine vitesse, rebondissait contre le mur, juste à côté de lui. Un grognement de dépit s’ensuivit, et l’orc s’abattit sur Joe avec toute la violence dont il était capable. Le corps à corps se résuma à des coups furieux, -haches et épées presque inutiles dans ce combat trop rapproché- les protagonistes n’ayant pas assez d’élan pour porter des coups mortels. Un coup de rein dégagea l’homme de l’emprise de son adversaire et il recula en direction de la porte, grande ouverte depuis l’arrivée des renforts.
L’intérieur de la bâtisse avait été dégagé d’une bonne partie des caisses qui l’encombraient encore quelques jours avant. L’établi, sur lequel des mines à différents stade de démontage étaient alignées, coupait l’espace en deux, et à l’opposé des caisses restantes, des ballots de plantes étaient entassés, dégageant une odeur de fleurs séchées. Joe recula encore, une partie de ses hommes suivit le mouvement (il n’aurait pas su dire combien…), et les orcs aussi… Hélas. La situation était désespérée, il s’en rendait compte maintenant que la pluie ne gênait plus sa vision de l’assaut. Affolé, il jeta un regard autour de lui, l’autre porte était trop loin et, surtout, donnait sur le village qui ne se doutait toujours de rien, l’étage ne leur servait à rien s’ils ne pouvaient pas les piéger là-haut… Un coup d’œil lui confirma ce qu’il pensait, la majeure partie des orcs était à l’intérieur, avec ses propres hommes, certains ayant pris leur forme worgen pour mieux se défendre.
Il hésita un instant, pris d’un doute et se décida en une inspiration. Il fit demi-tour, courant de toutes les forces qui lui restaient vers l’établi. Au moment où il abattait son poing sur la seule mine intacte, une hache s’enfonçait dans son dos, le faisant hurler de douleurs. Puis tout devint noir.
L’explosion du bâtiment réduisit en miette une bonne partie des assaillants. Au petit matin, sous un fin crachin grisâtre, une trentaine de cadavres jonchaient le sol. Quelques gardes survécurent, tous plus ou moins grièvement blessés. Les seules paroles laconiques qui ont pu être tirées d’eux furent « Elles ont eu le nez fins les deux miss de nous laisser ici… ».
Les citrouilles continuèrent de répandre leur odeur douçâtre autour des décombres...
Les rares orcs survivants, quant à eux, n’avaient pas demandé leur reste et avaient tenté de s'enfuir dans la nuit, abandonnant leurs morts, soutenant leurs blessés, poursuivis par les patrouilles alertées par l'explosion.
Dernière édition par Thêmys le Ven 31 Oct 2014, 03:28, édité 1 fois
Thêmys
Re: Les soldats vivent
Quelle étrange région. On lui assurait que cela ressemblait plus à Gilnéas qu'Algarde. Il était ravi de le croire, mais Giral était né et avait passé toute sa vie sur l'île. À peine, du haut de ses 17 ans, avait-il entendu parler de Gilneas. C'était la lointaine patrie de ses parents et grands-parents. Comme sa sœur aînée, il avait rejoint la Garde Blanche lorsque la Dame était revenue. Après le doute, l'enthousiasme ; après les défiances, les défis. Algarde depuis était devenu une marche, un bastion d'espoir pour certains, un petit jardin loin des réalités du monde pour d'autres. La vie de Garde Blanc était à la fois plus simple et plus trépidante que toute autre vie. On apprenait à combattre, on combattait des morts-vivants, des ogres. On fouillait des navires. On pouvait aller jusqu'à Menethil ou même Forgefer parfois, pour accompagner les caravanes mensuelles. Et des fois, on était à leur service, les suzerains de l'île. Les jeunes se précipitaient pour être de leur suite, le vieux se méfiaient encore de ces "worgens" qui se fourraient bien souvent dans des histoires pas possibles qui ne regardaient pas Algarde.
Giral avait été un des premiers à répondre à l'appel du Marquis et de la Marquise. Des volontaires parmi la Garde qui se sentaient à égalité algardien, gilnéen et azerothien. Il était tout cela, plus ou moins. Il voulait faire de grandes choses. Vivre une guerre et montrer son courage. Il y irait oui ! Et une trentaine avec lui.
Surwich était plus gilnéenne qu'Algarde disaient les quelques vieux qui avaient connus le Royaume. Ces vieux qui voulaient montrer que Gilnéas n'était pas ce pays de lâches et de planqués.
Une trentaine de soldats gilnéens, de patriotes, de guerriers de l'Alliance. Une dizaine de worgens parmi ceux-là. Et tous sur le qui-vive. Garçons ou filles, ils étaient fiers d'avoir répondu à cet appel. Beaucoup surveillaient le manoir où logeait temporairement la Maison Roncesang. D'autres guettaient ce qui viendrait de la Forêt, chacun s'en doutait maintenant. Certains dormaient, tout de même.
Par tout ce qui est sacré, que se passe-t-il ? Une attaque ! L'entrepôt ! On leur avait dit qu'ils n'avaient rien à y faire. Que c'était un endroit sécurisé. Son binôme était un worgen au pelage presque rouge qui tranchait sous l'armure blanche. Il gronda en s'élançant. Giral le suivait de près, une lanterne assourdie à la main, une épée dans l'autre. Il n'y voyait pas comme un worgen. N'y sentait pas comme un worgen. Pourtant, il avait l'instinct du danger, de la guerre qui entrait dans sa vie. Un combat. Une attaque. Une invasion. On n'en savait rien du tout. Un éclair noir. Des ombres. Plus personne à Algarde n'avait peur de la Nuit et des ombres. Quelque chose a explosé et rend la nuit bien trop claire.
On tentait de retrouver des soldats vivants. On organisait la traque aux fuyards. Lord Dorian, donnait des ordres pour qu'on protège Surwich et qu'on ne se disperse pas. Toujours à tenter d'agir plutôt que réagir.
Giral avait été un des premiers à répondre à l'appel du Marquis et de la Marquise. Des volontaires parmi la Garde qui se sentaient à égalité algardien, gilnéen et azerothien. Il était tout cela, plus ou moins. Il voulait faire de grandes choses. Vivre une guerre et montrer son courage. Il y irait oui ! Et une trentaine avec lui.
Surwich était plus gilnéenne qu'Algarde disaient les quelques vieux qui avaient connus le Royaume. Ces vieux qui voulaient montrer que Gilnéas n'était pas ce pays de lâches et de planqués.
Une trentaine de soldats gilnéens, de patriotes, de guerriers de l'Alliance. Une dizaine de worgens parmi ceux-là. Et tous sur le qui-vive. Garçons ou filles, ils étaient fiers d'avoir répondu à cet appel. Beaucoup surveillaient le manoir où logeait temporairement la Maison Roncesang. D'autres guettaient ce qui viendrait de la Forêt, chacun s'en doutait maintenant. Certains dormaient, tout de même.
CLING ! ClONG ! ROAR ! AAAHHH ! CLIC, CLIC ! NON ! ALERTE ! TCHAC TCHAC !
Par tout ce qui est sacré, que se passe-t-il ? Une attaque ! L'entrepôt ! On leur avait dit qu'ils n'avaient rien à y faire. Que c'était un endroit sécurisé. Son binôme était un worgen au pelage presque rouge qui tranchait sous l'armure blanche. Il gronda en s'élançant. Giral le suivait de près, une lanterne assourdie à la main, une épée dans l'autre. Il n'y voyait pas comme un worgen. N'y sentait pas comme un worgen. Pourtant, il avait l'instinct du danger, de la guerre qui entrait dans sa vie. Un combat. Une attaque. Une invasion. On n'en savait rien du tout. Un éclair noir. Des ombres. Plus personne à Algarde n'avait peur de la Nuit et des ombres. Quelque chose a explosé et rend la nuit bien trop claire.
On tentait de retrouver des soldats vivants. On organisait la traque aux fuyards. Lord Dorian, donnait des ordres pour qu'on protège Surwich et qu'on ne se disperse pas. Toujours à tenter d'agir plutôt que réagir.
Dalorian- Personnages Joués : Ombrageux
Re: Les soldats vivent
Ressac.
J'entendais le grondement feutré de la mer occupée à polir la grève, les cris des charognards se préparant pour le prochain banquet ...
Rafales dans le vent toujours changeant, contrevague dans la jupe en dentelle d'écume de la mer, flux et reflux des marées internes de ma chair déchirée.
Ressac.
De fait, le vent courait à petites mains sur la tête nue des rocs émergeant et des galets que l'eau léchait comme une lionne ses petits. Faisait grincer les cordages et les planches rongées par le sel qui les avait criblées, avant que la mer ne les recrache de sa panse distendue, puis désormais quand son haleine était soufflée du large, à même le sursaut de la brise, le creux des tempêtes.
Je faisais partie de ce tout. Mon corps encore absent irradiait d'une douleur de chair à peine refermée, de fraîche cicatrice tiraillée par un environnement pas vraiment idéal.
J'étais piquetée de sel, partagée entre mer et ciel, au cœur de cette épave, cette vieille coquille desséchée, dont j'étais un composant comme un autre, jetée sur cette couche que je ne sentais pas.
Je suis restée en silence, dans ce creux de plénitude, de totalité, durant une éternité dont je n'ai pas pris la peine de dénombrer les phases.
Puis la mémoire, cette brume de gouttelettes cristallisées, a fait son nid, chassé l'oubli comme un feu chasse le froid, a fait ré-exister un chaos de sons et de couleurs, une pâte malaxée à la main de faits et d'évènements, de lumières découpées d'ombres...
Elle s'est entrechoquée de coups, des lézardes ardentes, brûlantes de lumière écarlate, insoutenable.
Des coups de hache à même la chair.
L'image portée en contrejour d'un rempart à l'orgueil de première et dernière sentinelle sur un bord du monde, les yeux sur un autre, effondré à travers ciel.
Des coups de canon : le fer chauffé au rouge. Et l'acier froid des lames découpant la toile de fond, blanche à la dague noire.
Un contact enfin, une pulsation, le pourpre et le vert, une boucle rousse : l’œil ouvert, embrasé.
Je me souvenais, à présent.
Je ne survivrais pas : je vivrais.
J'entendais le grondement feutré de la mer occupée à polir la grève, les cris des charognards se préparant pour le prochain banquet ...
Rafales dans le vent toujours changeant, contrevague dans la jupe en dentelle d'écume de la mer, flux et reflux des marées internes de ma chair déchirée.
Ressac.
De fait, le vent courait à petites mains sur la tête nue des rocs émergeant et des galets que l'eau léchait comme une lionne ses petits. Faisait grincer les cordages et les planches rongées par le sel qui les avait criblées, avant que la mer ne les recrache de sa panse distendue, puis désormais quand son haleine était soufflée du large, à même le sursaut de la brise, le creux des tempêtes.
Je faisais partie de ce tout. Mon corps encore absent irradiait d'une douleur de chair à peine refermée, de fraîche cicatrice tiraillée par un environnement pas vraiment idéal.
J'étais piquetée de sel, partagée entre mer et ciel, au cœur de cette épave, cette vieille coquille desséchée, dont j'étais un composant comme un autre, jetée sur cette couche que je ne sentais pas.
Je suis restée en silence, dans ce creux de plénitude, de totalité, durant une éternité dont je n'ai pas pris la peine de dénombrer les phases.
Puis la mémoire, cette brume de gouttelettes cristallisées, a fait son nid, chassé l'oubli comme un feu chasse le froid, a fait ré-exister un chaos de sons et de couleurs, une pâte malaxée à la main de faits et d'évènements, de lumières découpées d'ombres...
Elle s'est entrechoquée de coups, des lézardes ardentes, brûlantes de lumière écarlate, insoutenable.
Des coups de hache à même la chair.
L'image portée en contrejour d'un rempart à l'orgueil de première et dernière sentinelle sur un bord du monde, les yeux sur un autre, effondré à travers ciel.
Des coups de canon : le fer chauffé au rouge. Et l'acier froid des lames découpant la toile de fond, blanche à la dague noire.
Un contact enfin, une pulsation, le pourpre et le vert, une boucle rousse : l’œil ouvert, embrasé.
Je me souvenais, à présent.
Je ne survivrais pas : je vivrais.
Souvenir
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