Le conteur
Page 1 sur 1
Le conteur
Un village anonyme situé sur les côtes de la Marche de l'Ouest...
Le soleil était en train de se coucher.
La journée touchait à sa fin, et sa sœur obscure se préparait à prendre le relais.
Le calme nocturne s'emparait du village, les villageois rentraient dans les bicoques asphyxiées par la chaleur d'une journée torride, dans une routine depuis longtemps ancrée.
Et quand les derniers rayons du soleil disparaissaient, un mystérieux inconnu fit son entrée. Un vieux cheval à la respiration sifflante, traînant la carcasse massive d'une roulotte vétuste, et guidé par une silhouette courbée. Un vieil homme aux cheveux longs, filasses, retombant sur un visage plissé par la vieillesse, une peau d'albâtre froissée semblable à du vieux parchemin. Il s'arrêta sur la place, sous les regards curieux des derniers éveillés dont je faisais partie.
Il m'adressa un regard qui me fit froid dans le dos, avant de balayer le village du regard, puis de descendre de la roulotte, marche après marche, et comme par enchantement – ou envoûtement - , presque un spectacle, une scène longtemps répétée, mes voisins sortaient de leurs maisons au rythme de la descente du vieillard. A chacune des marches, un lot de porte s'ouvrait dans un concert de grincements des gonds rouillés par l'air marin.
Et lorsqu'il toucha le sol, presque tous les habitants étaient sortis, tous attendant un signe, un geste.
Je ressentais à cet instant un sentiment que je ne saurais pas m'expliquer. Un intérêt indescriptible pour ce roturier, qui m'inspirait un malaise notable, voire une peur irrationnelle. Car oui je l'avoue, il m'effrayait. Ou plutôt, ce qu'il semblait incarner, et générer, m'effrayait.
Les enfants courraient jusqu'à quelques pas de lui, tandis qu'il déposait un siège sur lequel il se posa. Il invitait alors la populace d'un geste de la main à se rapprocher, ce qu'ils firent tous, tel un maître marionnettiste qui place ses pantins avec soin. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que tous aient pris place autour de lui, les enfants assis au premier rang, les moins jeunes derrière, et les parents debout, formant ainsi plusieurs cercles concentriques.
Enfin, après quelques secondes qui paraissaient être une éternité, il s'exprima, la voix claire et profonde, grave, mais avec l'assurance d'un orateur accompli :
« C'est dans la nuit noire, que commença notre histoire.
Les noctules célébraient leurs actions de la veille,
Les noctules se préparaient pour leurs actions de l'éveil,
De grands desseins les attendaient, la chauve-souris couronnée allait les leur conter.
Sur la terre de ses ancêtres ils se poseraient, sur la terre de leurs ancêtres ils se réjouiraient,
Pour y goûter le sang, les promesses luxurieuses, se damner sur le sommet des monts dorés,
Voilà ce que la chauve-souris couronnée leur promettait, des victoires avidement collectionnées,
Une promesse accueillie par le hourras de ses suivants, dans l'alcool et les exquis mets.
Dans ce balai festif des chauves-souris ce soir-ci dépourvues de griffes,
A ce bal sans masque, l'un d'eux, pourtant, s'est vu tombé
Un seigneur vampirique s'était invité, la fête ne faisait que commencer
Le glas sonnait,l'affrontement venait de commencer »
Le vieil homme toisa alors l'assemblée, esquissant un sourire sibyllin jusqu'à ce qu'un enfant demanda avec toute son innocence :
« Qu'est-ce qui s'est passé pour la chauve-souris couronnée ? »
Le conteur l'observa un instant, se penchant sur lui avant de reprendre.
« Vois-tu, mon petit, l'infâme seigneur avide de sang fut repoussé par une vaillante chauve-souris, non pas la plus vaillante, ni la plus jeune, non, mais une loyale servante. La chauve-souris couronnée fût alors sauvée, mais... » Il leva la main droite, ses doigts noueux tremblant sensiblement. « .. Son adversaire a tout de même eu le temps de poser une marque sur son vis-à-vis, sur la chauve-souris couronnée. Une malédiction, qui permettrait, où qu'il soit, où qu'il puisse se cacher, de le retrouver.
Ainsi... La traque était ouverte. Les plans initiaux balayés.. Les chauve-souris s'envolait vers des îles lointaines, pour des motifs flous et personnels, car aucune des autres chauves-souris ne savait, aucune ne se doutait de cette malédiction furtive, et pourtant, ils suivaient leur guide aveuglément, à travers vent et marée.. Jusqu'à leur destinée. »
Le vieil homme se releva sans rien ajouter, remballant son tabouret avant de grimper dans son fiacre, sous les regards hypnotisés des citoyens, dans un silence de mort. Jusqu'au premier coup de rênes, nul ne bougea, mais une fois le conteur éloigné, les enfants se relevèrent, puis rentrèrent chacun dans leurs bicoques, accompagnés des villageois. Quant à moi.. Je ne savais pas vraiment ce qu'il s'était passé ce soir là, mais une chose me paraissait claire, bien qu'elle m'effrayait : Je devais le suivre.
Le soleil était en train de se coucher.
La journée touchait à sa fin, et sa sœur obscure se préparait à prendre le relais.
Le calme nocturne s'emparait du village, les villageois rentraient dans les bicoques asphyxiées par la chaleur d'une journée torride, dans une routine depuis longtemps ancrée.
Et quand les derniers rayons du soleil disparaissaient, un mystérieux inconnu fit son entrée. Un vieux cheval à la respiration sifflante, traînant la carcasse massive d'une roulotte vétuste, et guidé par une silhouette courbée. Un vieil homme aux cheveux longs, filasses, retombant sur un visage plissé par la vieillesse, une peau d'albâtre froissée semblable à du vieux parchemin. Il s'arrêta sur la place, sous les regards curieux des derniers éveillés dont je faisais partie.
Il m'adressa un regard qui me fit froid dans le dos, avant de balayer le village du regard, puis de descendre de la roulotte, marche après marche, et comme par enchantement – ou envoûtement - , presque un spectacle, une scène longtemps répétée, mes voisins sortaient de leurs maisons au rythme de la descente du vieillard. A chacune des marches, un lot de porte s'ouvrait dans un concert de grincements des gonds rouillés par l'air marin.
Et lorsqu'il toucha le sol, presque tous les habitants étaient sortis, tous attendant un signe, un geste.
Je ressentais à cet instant un sentiment que je ne saurais pas m'expliquer. Un intérêt indescriptible pour ce roturier, qui m'inspirait un malaise notable, voire une peur irrationnelle. Car oui je l'avoue, il m'effrayait. Ou plutôt, ce qu'il semblait incarner, et générer, m'effrayait.
Les enfants courraient jusqu'à quelques pas de lui, tandis qu'il déposait un siège sur lequel il se posa. Il invitait alors la populace d'un geste de la main à se rapprocher, ce qu'ils firent tous, tel un maître marionnettiste qui place ses pantins avec soin. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que tous aient pris place autour de lui, les enfants assis au premier rang, les moins jeunes derrière, et les parents debout, formant ainsi plusieurs cercles concentriques.
Enfin, après quelques secondes qui paraissaient être une éternité, il s'exprima, la voix claire et profonde, grave, mais avec l'assurance d'un orateur accompli :
« C'est dans la nuit noire, que commença notre histoire.
Les noctules célébraient leurs actions de la veille,
Les noctules se préparaient pour leurs actions de l'éveil,
De grands desseins les attendaient, la chauve-souris couronnée allait les leur conter.
Sur la terre de ses ancêtres ils se poseraient, sur la terre de leurs ancêtres ils se réjouiraient,
Pour y goûter le sang, les promesses luxurieuses, se damner sur le sommet des monts dorés,
Voilà ce que la chauve-souris couronnée leur promettait, des victoires avidement collectionnées,
Une promesse accueillie par le hourras de ses suivants, dans l'alcool et les exquis mets.
Dans ce balai festif des chauves-souris ce soir-ci dépourvues de griffes,
A ce bal sans masque, l'un d'eux, pourtant, s'est vu tombé
Un seigneur vampirique s'était invité, la fête ne faisait que commencer
Le glas sonnait,l'affrontement venait de commencer »
Le vieil homme toisa alors l'assemblée, esquissant un sourire sibyllin jusqu'à ce qu'un enfant demanda avec toute son innocence :
« Qu'est-ce qui s'est passé pour la chauve-souris couronnée ? »
Le conteur l'observa un instant, se penchant sur lui avant de reprendre.
« Vois-tu, mon petit, l'infâme seigneur avide de sang fut repoussé par une vaillante chauve-souris, non pas la plus vaillante, ni la plus jeune, non, mais une loyale servante. La chauve-souris couronnée fût alors sauvée, mais... » Il leva la main droite, ses doigts noueux tremblant sensiblement. « .. Son adversaire a tout de même eu le temps de poser une marque sur son vis-à-vis, sur la chauve-souris couronnée. Une malédiction, qui permettrait, où qu'il soit, où qu'il puisse se cacher, de le retrouver.
Ainsi... La traque était ouverte. Les plans initiaux balayés.. Les chauve-souris s'envolait vers des îles lointaines, pour des motifs flous et personnels, car aucune des autres chauves-souris ne savait, aucune ne se doutait de cette malédiction furtive, et pourtant, ils suivaient leur guide aveuglément, à travers vent et marée.. Jusqu'à leur destinée. »
Le vieil homme se releva sans rien ajouter, remballant son tabouret avant de grimper dans son fiacre, sous les regards hypnotisés des citoyens, dans un silence de mort. Jusqu'au premier coup de rênes, nul ne bougea, mais une fois le conteur éloigné, les enfants se relevèrent, puis rentrèrent chacun dans leurs bicoques, accompagnés des villageois. Quant à moi.. Je ne savais pas vraiment ce qu'il s'était passé ce soir là, mais une chose me paraissait claire, bien qu'elle m'effrayait : Je devais le suivre.
Seigneur Marek de Kantor
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum