Du pathétisme humain, par Jack Swarden
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Du pathétisme humain, par Jack Swarden
Que l’on se le dise, madame, l’humain est de nature pathétique et c’est d’autant plus remarquable lorsqu’il s’admire de lui-même. Sa silhouette, capturée par une gnomographie, ou reflétée par un miroir, le passionne à un degré presqu’animal où il s’amuse avec son image, grimaçant et aimant à se regarder. Il est alors fier d’annoncer ou de penser « C’est moi » ce qui, de prime abord, le rassure dans son existence et ensuite peut l’atteindre émotionnellement de par les complexes qu’il va développer. Il se fait pitié à lui-même. « Je suis grosse». Cette image, figée ou mouvante, n’épouse alors la réalité qu’un court instant et ne traduit pas l’être tel qu’il est, mais uniquement ce qu’il a été au moment où il a posé son regard dessus, ou bien lorsque le gnomographe s’est déclenché. Non, le pathétique vient après, lorsque l’humain réel cherche à croiser son image. « Je suis moche ». C’est vrai, il l’a été, au moment où la lumière s’est incrustée sur la pellicule. Mais à la différence de tout autre être animal, ses petits yeux brillent de conscience et cette conscience annonce bien souvent le regret : « pourquoi suis-je aussi moche ? ». Le regard chargé d’eau, la tristesse dans les traits, il se résigne à chercher le réconfort auprès des compliments gracieusement offerts par d’autres abrutis de son espèce qui sont exactement dans la même recherche que lui. Toute cette chaleur n’est alors que superficielle et s’apparente surtout à un égoïsme contagieux : je te dis que tu es belle si tu me dis que je suis beau. C’est alors qu’apparait la notion d’effort, pour ressembler à un modèle de beauté ou de force. « Je veux lui ressembler » fait également partie intégrante du pathétisme humain. Malgré tous les efforts, elle n’aura jamais les mêmes yeux, la même bouche, la même silhouette que l’autre humaine là bas. Mais au fond, elle le sait, elle s’acharne et ses yeux s’émerveillent devant les changements offerts par un peu de rouge à lèvre, des joues plus claires, une robe mieux coupée. Elle continue de s’admirer, en ayant parfois ce petit sursaut de chagrin quand elle réalise qu’elle est toujours la même. Toujours complexée. Toujours moche. Quand je croise tous ces gens, à Dalaran, je ne peux que constater qu’ils nourrissent tous le pathétisme humain, qu’ils vivent dans une mode comparative et dans l’attente de plaire jusqu’à ce que le Temps finisse par les libérer de cette dépendance. Ils m’écœurent tous à œuvrer pour un monde d’apparence qui constitue leur propre prison ; tout cela dans un désir à la fois de répondre à des normes de beauté tout en se démarquant pour se placer au dessus des autres et maintenir cette compétition ridicule – notez que les tréants, à défaut d’avoir tous la même tronche, ne passent pas leur temps à enfiler des robes. Maintenant vous savez madame, qu’il faut admettre les faits, que vous êtes moche constitue une réalité ; que la réalité pourrait être pire car vous pourriez être conne. Et vouloir leur ressembler, c’est cela être conne. Je ne supporte plus éprouver de la pitié pour vous quand je m’imagine vivre à travers vos yeux. Aussi, madame, j’aimerais que vous cessiez dès alors de critiquer l’aspect répugnant de ma servante Olga.
The Sbire / Scarvey
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