Les Deux Forts : Retour à Dun Garok

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La bataille avait fait rage pendant toute la journée, et peu des chevaliers de Roquesegur étaient encore en état de combattre. Charles d'Aprecombe n'arrivait plus à saisir sa propre épée depuis qu'il avait chu de son destrier. La douleur irradiait à travers son bras. Et un nouvel ennemi était sur eux.

A quelques dizaines de mètres des soldats mort-vivants arrivaient au pas de charge.

Un puissant destrier s'immobilisa devant Charles, et Robert de Brunesylve en descendit d'un bon.

"Charles, monte !"

Le jeune écuyer le regarda, sans comprendre.

"Peste ! Je te dis de monter ! Rejoins les nains ! Il n'y a plus d'espoir ici, sauve toi mon garçon !"

Charles était blême, et enfourcha maladroitement le destrier.

"C'est fini. Nous ne pourrons pas nous échapper cette fois. Va ! Prend ça et fuit !"

Le jeune homme prit la chevalière que son maitre lui tendait. Le fracas des armes se fit entendre. Robert de Brunesylve n'attendit pas plus : il donna une claque vigoureuse sur la croupe du cheval. La bête s'élença. Pendant quelques instants, Charles ne pensa plus qu'à s'agriper aux rênes du cheval pour ne pas être désarçonné. Et puis, comprennant enfin ce qu'il se passait, il réussit à stopper sa monture, et sur ses étriers, il se retourna.

Ses compagnons d'armes étaient déjà mort. Dernier d'entre eux, Robert de Brunesylve se tenait seul. Entourré d'ennemi, le baron d'Aigue-blanche avait rejeté son bouclier, et tenait une longue épée à deux mains. Ses moulinets tenaient à distance trois fantassins qui cherchaient un angle pour l'atteindre. Charles aurait juré que la lame fumait dans l'ichor noir des non-morts.

Robert bondit et frappa. Son adversaire leva son arme pour parer. Les lames ne s'entrochoquèrent pas : avant le choc, Robert avait dévié son attaque. Celle ci passa sous la garde du Réprouvé. La pointe décrivit un arc de cercle. La tête du Réprouvé sauta.

Robert rétabli sa posture. Mais ses adveraires n'étaient pas restés inactifs. Ils l'attaquèrent chacun d'un côté.

L'homme bondit. Pour éviter une lame, il monta au contact de la seconde. La parade fut rude. L'instant d'après son bras s'enroulait autour de la hallebarde adverse, et sa propre épée, maniée d'une main, terrassait un nouveau soldat mort-vivant.

Son troisième opposant ne lui laissa pas le temps de se retourner. Un violent coup de hallebarde frappa sa cuirasse, et Robert s'effondra.

Il tenta de se redresser. Le mort-vivant le dominait. Celui ne portait plus de hallebarde. Une dague acérée était apparue dans ses mains. Alors, avec un rictus sinistre, le soldat enfouit sa dague entre le heaume et l'armure de Robert.

Des larmes montèrent aux yeux de Charles. Il était resté immobile sur sa monture, incapable de détourner les yeux de son seigneur. Et alors il croisa le regard celle qui menait les non-morts. Ses yeux d'une lumière jaune intense contrastaient avec sa peau sombre. Mais à cette distance, il était impossible de distinguer l'expression de la Réprouvée. Ses yeux le fixaient sans qu'aucun bras ne soit tendu dans sa direction, sans qu'aucun ordre ne soit articulé. Un frisson parcouru l'échine de l'écuyer.

Il éperonna sa monture, et s'enfuit. Les larmes l'aveuglaient et passant dans l'ombre de Dun Garok, il maudit le pays qui avait emporté son maitre.

***

Le soldat fit un bref salut, et jeta aux pieds de Dunéa un heaume décoré du cimier rouge de Stromgarde. La tête de Robert de Brunesylve s'y trouvait encore.

"Vos ordres lieutenant."

Les sous-officiers autour de la lieutenante regardèrent le sinistre trophée. L'un d'eux donna une tape gratifiante dans le dos du soldat. La lieutenante Dunéa se pencha pour extraire la tête du heaume, et secoua la tête avant de la jeter à l'un de ses hommes.

"Où sont Mathias et Thomas ?"

Le soldat désigna la tête coupée.

"Il les a eu."

"Fasse l'Ombre qu'il s'agisse de leur général... Conservez la tête, elle devrait être identifiée. Marquez le reste de son corps pour les sombre-clercs."

Se tournant vers un des sous officiers, Dunéa ordonna : "Étendard vert. Signalez à l'Etat Major notre succès... Vous autres, en formation face au sud ! Combien de temps avons-nous avant la confrontation ?"

"Si les nains pressent le pas, 5 à 7 minutes..."

Alors que la bannière verte était agitée, l'un des sous-officiers hurla aux boucliers. La troupe des nécrogardes forma les rangs. Il fallut bien bousculer quelques soldats, trop affairés à dévorer les cadavres. Mais rapidement, un rempart de bouclier se dressa vers le sud. Derrière la ligne, la lieutenante organisait encore quelques nécrogardes pour prévenir tout débordement.

Au printemps de l'an 33, toutes les pensées du Thane Mardïn étaient tournées vers la citadelle perdue de Dun Garok. Souvent, dans la grand-salle de Dun Modr, le Thane évoquait la forteresse Foudrepique en Hautebrande. Il parlait de ses richesses, des trésors qui la décorait jadis, et des armes entreposées dans ses caveaux. Ses parents évoquaient alors à voix basse le destin des valeureux Foudrepiques qui étaient tombés lors du sac de la citadelle.

Un soir de mai, un coursier du Roi Danath fit étape à Dun Modr. Comme le veut la coutume, on lui offrit le gîte et le couvert, puis on le présenta au Thane. Le jeune homme nous raconta alors les dernières nouvelles du nord, et si nombre d'entre elles ont peu d'intérêt pour ce récit, il nous relata encore ceci :
Sous la direction du SI:7, une troupe avait infiltrée Dun Garok. Les Réprouvés avaient subjugués les esprits des anciens nains, et voulaient les retourner contre nos forces. Cette pensée nous horrifia. Alors, le jeune messager poursuivi, et nous raconta comment les gens du SI:7 avaient pénétré la forteresse, liquidé les partisans de la Reine Banshee, et exorcisé les esprits de nos frêres.
Lorsque nos invité quitta la grand-salle, le Thane resta longtemps silencieux. Le récit du Stromgardien laissait beaucoup à penser à chacun d'entre nous. Enfin, le Thane Mardïn parla.
“Mes amis, le Roi Danath met trop de temps à gagner sa guerre en Arathi. Alors qu'il combat dans la plaine, nos ennemis profanent les esprits de nos frêres, et nous volent notre héritage ! Nous ne pouvons pas le tolérer !
Convoquez les guerriers et rassemblez nos alliés ! Nous allons venger les Foudrepiques, et nous réclamerons leur héritage perdu !”
Ainsi, dès le lendemain matin, Dun Modr se prépara à la guerre. Des messagers furent envoyés à Roquesegur. On sorti des armureries haches et corselets, et à l'appel de leur Thane, les guerriers s'assemblèrent.

Le baron d'Aigue-Blanche et de Roquesegur, Robert de Brunesylve, accuru à notre appel. Le lecteur se souviendra des services que Mardïn Poing d'Acier lui rendit dans le Vallon du Régent et dans les ruines de Rochegrise.
On vit arriver le baron Robert, en armes, suivit de deux huitaines de chevaliers. Leurs boucliers étaient frappé du poing écarlate de Stromgarde, et un cimier rouge flottait au dessus de leur heaume. Les retrouvailles entre le Thane et le Baron furent joyeuse, car c'était deux seigneurs beaux et honorables, et chacun connaissait la valeur et l'amitié de l'autre.
Aux cotés des humains de Roquesegur, marchaient les guerriers du clan derrière Grombrindale Brise-fer, puis venaient encore les Montagnards, menés par Ragnar Trempacier. Enfin, allaient les ouvriers et travailleurs qui devraient récupérer ce qu'ils pourraient dans Dun Garok le temps que se poursuivrait l'assaut.
Notre troupe se mit en marche vers Menethil, où mouillaient les deux nefs du clan.

C'était en effet le plan du Thane Mardïn : la Horde attaquait les plateaux d'Arathi, et toute son attention était concentrée sur l'Ar'gorok. Nous allions donc faire voile de Menethil à Dun Garok, surprenant l'ennemi. Là, nous retiendront les quelques forces ennemies dans la plaine pendant que nos ouvriers sauveraient tout ce qui pouvaient encore l'être dans Dun Garok. Nous nous replirions enfin lorsque Moulin de Tarren aurait mobilisé ses propres forces. Hélas, c'était sans compter avec le tragique sort qui s'acharne sur le beau pays de Hautebrande, et sur la malice de nos ennemis.

Nous embarquâmes au soir du 20ème jour de mai. Nos deux nefs traversèrent la Baie de Baradin dans la nuit. C'est au petit matin que nous atteignâmes les plages de Hautebrande. Alors les guerriers débarquèrent vers le funeste sort qui les attendait.

La bataille des Deux Forts débuta au matin. Nous espérions surprendre l'ennemi, et pourtant celui ci nous attendait, caché dans la forêt. Aussitôt que nous fûmes à terre, ils fondirent sur nous. C'était des soldats sinistres et silencieux de la Reine Banshee : des Réprouvés oublié de la Lumière. Certains chevauchaient des montures aussi mortes qu'eux même, tandis que d'autres harcelaient nos guerriers de leurs traits noirs. Et il venait encore les sinistres garde-mort, aux boucliers larges et aux lames cruelles.

Nos forces combattirent avec valeur et entêtement. En sous nombre, les guerriers de Grombrindale dressèrent un mur de bouclier contre les flèches de leurs ennemis. Sur la plage, de nombreux nains tombèrent, et Grombrindale lui même fut blessé. Il aurait sans doute péri sans le secours du Baron Robert, qui attaqua l'ennemi dans son dos. Les chevaliers de Roquesegur se couvrirent de gloire ce jour là, frappant et terrassant un grand nombre de mort-vivants. Pourtant, l'ennemi ne connaissait ni la douleur ni la fatigue. Ils encerclèrent Robert, et la plupart de ses chevaliers périrent ici, d'une bien cruelle fin. Seul parmi eux revint Charles d'Aprecombe, l'écuyer du baron, qui emportait avec lui le sceau des seigneurs d'Aigue-blanche.

La bataille dura toute la journée. Enfin, nous vîmes au loin un nuage de poussière venant de Moulin de Tarren. Comme l'avait prévu le Thane Mardïn, les renforts des mort-vivants arrivaient. Nous sonnâmes la retraite.
Les guerriers de Ragnar, seule compagnie encore vaillante sur le champ de bataille, se hâtèrent de récupérer les corps de nos frêres. Nul ne devait profaner leur dépouille. Hélas, le baron Robert et ses hommes étaient tombés trop loin de nous, et avec une grande tristesse nous dûmes abandonner les dépouilles de ces nobles chevaliers. Puisse la Lumière nous pardonner.

C'est ainsi que se termina la terrible bataille des Deux Forts : nous avions voulu venger Dun Garok, et les forces de Durnholde nous avaient infligé une bien cruelle défaite.