Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
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Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
Mon nom est Ambrelame. Je doute que vous ayiez déjà entendu ce nom. Je ne sais pas si quelqu'un posera un jour les yeux sur ces lignes. Et pourtant, je les écris, dans l'espoir qu'une fois que la Lumière m'aura rappellé à elle, il restera quelqu'un pour se dresser face à ce que je n'ai fait qu'entrevoir.
Mon nom est Eirlën Ambrelame. Je suis l'Apôtre d'Argent.
J'ai pour la première fois vu le monde au sein du royaume de Gilnéas, il y a 28 ans de cela. J'ai eu une vie comme les autres. On me destinait à servir la Main d'Argent, aussi ais-je intégré l'Ordre comme novice. Mon apprentissage se déroula au donjon de Fort-de-Durn, sous les ordres du Lieutenant-Général Aedelas Landenoire. Je me souviens d'un homme imposant, engoncé dans une lourde armure, monté sur un cheval de couleur nuit. Un bon commandant, mais un homme cruel. Je le désapprouvai. Lorsqu'il avait jeté à Thrall la tête de cette jeune fille, Taretha, j'avais compris les Orcs. Moi aussi, j'étais plein de préjugés. Ils ont disparu lorsque la marée verte libérée de nos camps a foncé vers nos murs.
Je ne relaterai pas la bataille. Je ne relaterai pas le comment de ma survie. J'ai eu de la chance, peut-être. Peut-être la Lumière me voulait-elle en vie. J'avais alors 19 ans.
Après cet épisode sanglant de notre histoire, ma première bataille, mon premier meurtre ( et, aujourd'hui encore, je revois le visage de l'Orc empalé sur mon arme d'hast, un Orc qui ne cherchait que la liberté, pour lui et ses frères ), je retournai en Lordaeron, auprès de mes frères de la Main d'Argent. C'est à ce moment-là seulement que je fus introduit au sein de la Fraternité à proprement parler, devenant un Chevalier à part entière, prêtant serment, reçevant le libram sacré et le saint marteau. " Puisses-tu incarner le courroux de la Lumière et le bras de la Justice, dans tes actions et par tes actes " : ces mots ont été gravés sur mon coeur.
J'accompagnai les plus grands, en ce temps-là. Je me suis tenu aux côtés de Tirion Fordring lors d'embuscades contre des Orcs Rochenoire survivants de la Deuxième Guerre ; j'ai combattu dos-à-dos avec Uther le Porteur de Lumière dans l'éradication de tribus gnolls qui harcelaient caravanes et attaquaient les villages. Mais jamais, jamais auparavant, il ne m'avait été donné de me tenir en présence de quelqu'un comme Arthas.
Mon nom est Eirlën Ambrelame. Je suis l'Apôtre d'Argent.
J'ai pour la première fois vu le monde au sein du royaume de Gilnéas, il y a 28 ans de cela. J'ai eu une vie comme les autres. On me destinait à servir la Main d'Argent, aussi ais-je intégré l'Ordre comme novice. Mon apprentissage se déroula au donjon de Fort-de-Durn, sous les ordres du Lieutenant-Général Aedelas Landenoire. Je me souviens d'un homme imposant, engoncé dans une lourde armure, monté sur un cheval de couleur nuit. Un bon commandant, mais un homme cruel. Je le désapprouvai. Lorsqu'il avait jeté à Thrall la tête de cette jeune fille, Taretha, j'avais compris les Orcs. Moi aussi, j'étais plein de préjugés. Ils ont disparu lorsque la marée verte libérée de nos camps a foncé vers nos murs.
Je ne relaterai pas la bataille. Je ne relaterai pas le comment de ma survie. J'ai eu de la chance, peut-être. Peut-être la Lumière me voulait-elle en vie. J'avais alors 19 ans.
Après cet épisode sanglant de notre histoire, ma première bataille, mon premier meurtre ( et, aujourd'hui encore, je revois le visage de l'Orc empalé sur mon arme d'hast, un Orc qui ne cherchait que la liberté, pour lui et ses frères ), je retournai en Lordaeron, auprès de mes frères de la Main d'Argent. C'est à ce moment-là seulement que je fus introduit au sein de la Fraternité à proprement parler, devenant un Chevalier à part entière, prêtant serment, reçevant le libram sacré et le saint marteau. " Puisses-tu incarner le courroux de la Lumière et le bras de la Justice, dans tes actions et par tes actes " : ces mots ont été gravés sur mon coeur.
J'accompagnai les plus grands, en ce temps-là. Je me suis tenu aux côtés de Tirion Fordring lors d'embuscades contre des Orcs Rochenoire survivants de la Deuxième Guerre ; j'ai combattu dos-à-dos avec Uther le Porteur de Lumière dans l'éradication de tribus gnolls qui harcelaient caravanes et attaquaient les villages. Mais jamais, jamais auparavant, il ne m'avait été donné de me tenir en présence de quelqu'un comme Arthas.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
Le Prince de Lordaeron était unique. Droit et juste, fort et sage, charismatique... jamais encore je n'avais vu de pareil être. Je me souviens de son arrivée.
J'étais alors basé à Andorhal. Le Fléau Mort-Vivant avait débuté, et la corruption gagnait peu à peu cette terre sauvage, garnie de forêts de pins denses et verdoyantes. J'avais été mobilisé de ma garnison de la Main de Tyr avec un détachement et envoyé vers Andorhal, le centre de distribution de nourriture du nord du pays, lorsque nos éclaireurs avaient repéré une immense armée mort-vivante marchant sur la ville. Nous étions arrivés quelques heures avant, harassés, et néanmoins nous avions dû nous prêter à l'entraînement et nous préparer à un combat acharné et imminent comme les autres. Il n'y avait que quelques paladins de la Main d'Argent parmi nous. Lorsque le Prince est arrivé, tous les regards ont convergé vers lui. J'ai craint le pire alors qu'il donnait à Jaina Portvaillant l'ordre d'aller quérir le seigneur Uther sur le champ, mais la présence rassurante de l'héritier du trône de Lordaeron était pour moi un doux baume, et tous mes doutes s'évanouirent lorsqu'il prit le commandement et nous dépêcha à nos postes. Moi-même, je haranguai mes hommes. Chacun de mes frères avait reçu une issue de la ville à défendre, et nous étions fins prêts. Nous pouvions distinguer au loin les formes voûtées et rachitiques des goules, parfois accompagnées de l'immense forme noirâtre dans la pénombre d'un monstre de chair, une abomination.
Les grognements sourds se rapprochaient de plus en plus de nos positions. Les fusiliers Nains et les archers postés dans les tours scrutaient anxieusement l'horizon, leurs yeux affûtés constamment à la recherche d'une cible à aligner. Lorsqu'ils apparurent enfin, très près de nous, trop près, je compris qu'ils avaient progressé sous le couvert de la végétation. Mon cri d'alerte se répercuta en écho tandis que le crépuscule était sur nous.
- Les voilà !
Les hommes de Lordaeron, bien entraînés et disciplinés, dressèrent leurs boucliers face à la marée mort-vivante. Les goules percutèrent notre ligne, après avoir perdu certaines des leurs par les tirs de nos forces de soutien. Je brandissai mon arme d'hast, avec qui j'avais plus d'affinité que je ne l'eus cru possible, et qui avait très rapidement remplacé mon lourd marteau. D'un coup ascendant, grâce à l'immense allonge que me procurait mon arme, j'équarissai une goule sans qu'elle ne puisse espérer m'atteindre.
Mes hommes et moi tenions la ligne, au cri de " Les ombres ne passeront pas ! ", sans faillir, restant à nos postes jusqu'à l'ultime sacrifice, que la Lumière acceuille en son sein les âmes des bras morts ce jour-là. Je ressens encore la fierté que j'ai éprouvée ce jour-là devant la bravoure de ces guerriers, loyaux jusqu'au bout. Mais malgré leur héroïsme, la fatigue les gagna : la bataille, de série d'escarmouches, était devenu une vraie mêlée, confuse : la nuit était bien avancée, et nos camarades tombés étaient irremplaçables. Le Fléau avait atteint Andorhal, et, au mépris du courage et de la foi de ses défenseurs, la réduirait en cendres.
Mon armure était couverte de sang et d'ichor. Nous combattions l'ennemi pied à pied dans les rues, à présent. La fatigue engourdissait mes membres, émoussait mes sens et mes réflexes, et néanmoins je continuai la lutte. Je refusai d'être le seul dont il serait dit qu'à la bataille d'Andorhal, il aurait abandonné son devoir, ses compagnons, et n'aurait pas lutté jusqu'au bout.
Chacun d'entre nous vendait chèrement sa vie face aux goules et aux zombies. Mais, au dessus même du vacarme assourdissant de la bataille, du bruit des épées s'entrechoquant, des râles des blessés et des mourants, j'entendis ce grognement.
L'abomination se tenait derrière moi, armes brandies.
Elle abattit sa hache ; d'un bond, je l'esquivai, mais il s'en était fallu de peu. Je roulai sur le sol, en plein milieu de la confusion de la bataille ; mon armure de plaques m'alourdissait, aussi mettais-je un peu de temps à me relever. Le monstre en avait profité, et s'était approché pour abattre sur moi son immense crochet, et en finir. J'étais à genoux lorsqu'elle frappa. D'un bond, je pus m'esquiver et me remettre debout. La proximité de la mort faisait affluer en moi de nouvelles forces. J'empoignai mon arme d'hast, et chargeai sur le flanc le monstre stupide, encore hébété par le fait que sa cible qui aurait dû mourir écrasée n'était plus là. Je plantai la lame dans son flanc, et invoquait la Lumière Sacrée à mon aide. La bête chancela, mais cela ne fit que la rendre plus hargneuse. Elle m'envoya au loin d'un revers de la main : blessé, meurtri, ayant abandonné tout espoir, je me résolu à mourir ici, à Andorhal, oublié mais dans l'honneur.
Elle s'approcha, repoussant violemment soldats humains comme mort-vivants qui lui barraient le chemin. Elle m'en voulait, c'était sûr. Je fixai son ventre ouvert, ses entrailles mises à l'air, en me disant que j'allais bientôt les rejoindre. Elle me frappa...
Puis un éclair de lumière l'atteignit, et elle gémit en reculant. Je vis alors arriver mon sauveur, engoncé dans son armure, enveloppé de sa grande cape, ses longs cheveux blonds poisseux de sang, tenant dans une main un libram, et dans l'autre un marteau ensanglanté. Il chargea la bête immonde, lui infligeant un coup devastateur de son marteau. A nouveau, j'en appellai à la Lumière : la bête fut à nouveau blessée, et un ultime coup du Prince l'acheva, emportant sa tête arrachée du reste de son corps au loin. Mes blessures se refermaient et guérissaient en moi, par le pouvoir sacré, je le sentais. Je me relevai néanmoins le souffle court, et arachai mon arme du corps du monstre. Arthas m'inspecta rapidement, pour vérifier mon état de santé.
Au loin, mon regard accrocha plusieurs silhouette massives, mais néanmoins familières et étrangement véloces...
La lance du premier chevalier percuta une goule, et la victoire changea de camp.
- Monseigneur ! M'écriai-je.
Mais Arthas avait vu. Poussant un rugissement triomphant, il retourna au combat, désireux de se venger de l'affront et de faire payer le prix au Fléau. Je suivai mon Prince dans la mêlée, comme je le suivrai partout ailleurs.
Une odeur de mort. A chaque fois que l'on évoque le nom d'Andorhal autour de moi, cette odeur envahit à nouveau mes sens. Je revois cette ville, qui, lorsque mon regard s'était posé sur elle à mon arrivée, était assiégée mais encore fière, et qui, à présent, n'était plus qu'un amas de cendres fûmantes. Des foyers d'incendies encore non éteints se dégageait une épaisse fumée noire, tandis que certains de nos hommes s'efforçaient de les éteindre, pour la plupart des chevaliers fraîchement arrivés. Bien qu'ils fussent harassés par leur chevauchée afin de rejoindre la ville à temps, et leur charge, les défenseurs étaient absolument épuisés, et se reposaient pour la plupart. Certains, comme moi, s'étaient portés volontaires pour rechercher parmi les cadavres gisants au sol les amis à sauver, et d'éventuels ennemis à achever.
Mon armure de plaque me semblait peser mille fois son poids. J'avais en main mon arme d'hast, dont le bout de la hampe traînait à terre. J'étais abattu, mais d'autres avaient besoin de repos. A la Main d'Argent, j'avais appris deux choses importantes : la Lumière nous rend forts, et le sacrifice est une valeur fondamentale de l'idéal du Paladin. Voilà pourquoi j'arpentai cette terre frappée par la désolation qu'apporte avec elle toute guerre.
Autour de moi, tous les corps entassés étaient ceux des morts, des soldats tombés au combat, des citoyens de la ville massacrés par les goules qui avaient pénétré nos défenses. Au loin, sur une crête, avaient été emmenés certains des corps des morts-vivants, où ils étaient brûlés par des prêtres, qui clamaient des suppliques de purification.
Aux alentours, quelqu'un grogna de douleur, et un râle s'ensuivit. Humain. Je me retournai, cherchant du regard le malheureux blessé.
Il était là, un cadavre de zombie par-dessus lui. Je le dégageai en un effort qui me sembla surhumain étant donné mon état de fatigue avancée.
Ses luxueuses robes violettes, faites de soies, étaient en lambeaux. Ses avants bras et son torse étaient couvert de griffures, de morsures, et d'autres plaies suintantes. Ses traits avaient été altérés par les multiples blessures dont il souffrait au visage, et ses cheveux plutôt courts ne laissaient deviner aucune autre couleur que celle d'un sang pourri. Il respirait encore difficilement, produisant un son si rauque qu'il m'aurait semblé impossible à chaque inspiration. Lorsque j'ôtai le poids du cadavre de sur lui, il me regarda avec ses yeux bleus emplis de larmes. Un regard suppliant.
- Un prêtre ! Appelais-je.
L'homme eut une quinte de toux qui lui fit recracher du sang. Il fallait agir vite. J'appellai à mon aide la puissance de la Lumière Sacrée afin qu'elle guérisse cet homme, mais il s'aggripa à ce qui restait de ma cape avec une force que nul ne lui aurait soupçonnée. Je ne remarquai qu'alors qu'il avait la main serrée autour d'un petit pendentif, qu'il serrait si fort que ses phalanges déjà pâles suite à la perte de sang avaient blanchi. Il commença à murmurer. Cet homme allait mourir, ses blessures étaient trop graves. Je me devai de recueillir ses dernières paroles. Il relâcha sa poigne autour de son bien.
- La larme du dieu... Me dit-il si bas que je devais quasiment plaquer mon oreille sontre sa bouche pour le comprendre, doit retourner à l'Ancien... Ainsi seulement... le cycle sera brisé...
Il déposa alors avec beaucoup de délicatesse ce qu'il portait autour du cou dans ma main gantée. Un petit pendentif d'ambre, en forme de larme, et une chaîne d'or dont l'attache avait cédé. Il continua à me fixer de ses yeux suppliants. Je m'étais d'abord dit que l'homme était devenu fou, mais ses robes arboraient le symbole du Kirin Tor. Non, je n'avais pas le choix.
- Je le ferai.
Toute la tension de corps parut disparaître d'un coup, et il expira. Je fermai ses yeux, et récitai la prière de recommandation de l'âme à la Lumière.
- Accueille ce fidèle, Lumière Sacrée, pour qui le Don de la Vie n'a été que dévotion pour Ton glorieux nom...
Les capitaines firent sonner le rassemblement. La brève cérémonie terminée, je me redressai. Les foyers d'incendie étaient encore allumés, et certains cavaliers en allumaient d'autres. Une partie de la légion de chevaliers s'était rassemblée, et guidait les citoyens de la ville survivants, tandis qu'autour du Prince Arthas, qui semblait plein de vitalité, une énergie issue de la haine pour le Fléau, rallait à lui les hommes.
Nous abandonnâmes derrière nous une Andorhal en flammes. Je doutai que l'incendie change quelque chose à l'aspect de la ville. Conduits que nous étions par les deux plus grands chefs de tout le royaume, nous marchions avec entrain. La vue d'un Prince revigoré nous avait fait oublier nos propres fatigues, et nous allions à bonne allure.
Vers Stratholme.
J'étais alors basé à Andorhal. Le Fléau Mort-Vivant avait débuté, et la corruption gagnait peu à peu cette terre sauvage, garnie de forêts de pins denses et verdoyantes. J'avais été mobilisé de ma garnison de la Main de Tyr avec un détachement et envoyé vers Andorhal, le centre de distribution de nourriture du nord du pays, lorsque nos éclaireurs avaient repéré une immense armée mort-vivante marchant sur la ville. Nous étions arrivés quelques heures avant, harassés, et néanmoins nous avions dû nous prêter à l'entraînement et nous préparer à un combat acharné et imminent comme les autres. Il n'y avait que quelques paladins de la Main d'Argent parmi nous. Lorsque le Prince est arrivé, tous les regards ont convergé vers lui. J'ai craint le pire alors qu'il donnait à Jaina Portvaillant l'ordre d'aller quérir le seigneur Uther sur le champ, mais la présence rassurante de l'héritier du trône de Lordaeron était pour moi un doux baume, et tous mes doutes s'évanouirent lorsqu'il prit le commandement et nous dépêcha à nos postes. Moi-même, je haranguai mes hommes. Chacun de mes frères avait reçu une issue de la ville à défendre, et nous étions fins prêts. Nous pouvions distinguer au loin les formes voûtées et rachitiques des goules, parfois accompagnées de l'immense forme noirâtre dans la pénombre d'un monstre de chair, une abomination.
Les grognements sourds se rapprochaient de plus en plus de nos positions. Les fusiliers Nains et les archers postés dans les tours scrutaient anxieusement l'horizon, leurs yeux affûtés constamment à la recherche d'une cible à aligner. Lorsqu'ils apparurent enfin, très près de nous, trop près, je compris qu'ils avaient progressé sous le couvert de la végétation. Mon cri d'alerte se répercuta en écho tandis que le crépuscule était sur nous.
- Les voilà !
Les hommes de Lordaeron, bien entraînés et disciplinés, dressèrent leurs boucliers face à la marée mort-vivante. Les goules percutèrent notre ligne, après avoir perdu certaines des leurs par les tirs de nos forces de soutien. Je brandissai mon arme d'hast, avec qui j'avais plus d'affinité que je ne l'eus cru possible, et qui avait très rapidement remplacé mon lourd marteau. D'un coup ascendant, grâce à l'immense allonge que me procurait mon arme, j'équarissai une goule sans qu'elle ne puisse espérer m'atteindre.
Mes hommes et moi tenions la ligne, au cri de " Les ombres ne passeront pas ! ", sans faillir, restant à nos postes jusqu'à l'ultime sacrifice, que la Lumière acceuille en son sein les âmes des bras morts ce jour-là. Je ressens encore la fierté que j'ai éprouvée ce jour-là devant la bravoure de ces guerriers, loyaux jusqu'au bout. Mais malgré leur héroïsme, la fatigue les gagna : la bataille, de série d'escarmouches, était devenu une vraie mêlée, confuse : la nuit était bien avancée, et nos camarades tombés étaient irremplaçables. Le Fléau avait atteint Andorhal, et, au mépris du courage et de la foi de ses défenseurs, la réduirait en cendres.
Mon armure était couverte de sang et d'ichor. Nous combattions l'ennemi pied à pied dans les rues, à présent. La fatigue engourdissait mes membres, émoussait mes sens et mes réflexes, et néanmoins je continuai la lutte. Je refusai d'être le seul dont il serait dit qu'à la bataille d'Andorhal, il aurait abandonné son devoir, ses compagnons, et n'aurait pas lutté jusqu'au bout.
Chacun d'entre nous vendait chèrement sa vie face aux goules et aux zombies. Mais, au dessus même du vacarme assourdissant de la bataille, du bruit des épées s'entrechoquant, des râles des blessés et des mourants, j'entendis ce grognement.
L'abomination se tenait derrière moi, armes brandies.
Elle abattit sa hache ; d'un bond, je l'esquivai, mais il s'en était fallu de peu. Je roulai sur le sol, en plein milieu de la confusion de la bataille ; mon armure de plaques m'alourdissait, aussi mettais-je un peu de temps à me relever. Le monstre en avait profité, et s'était approché pour abattre sur moi son immense crochet, et en finir. J'étais à genoux lorsqu'elle frappa. D'un bond, je pus m'esquiver et me remettre debout. La proximité de la mort faisait affluer en moi de nouvelles forces. J'empoignai mon arme d'hast, et chargeai sur le flanc le monstre stupide, encore hébété par le fait que sa cible qui aurait dû mourir écrasée n'était plus là. Je plantai la lame dans son flanc, et invoquait la Lumière Sacrée à mon aide. La bête chancela, mais cela ne fit que la rendre plus hargneuse. Elle m'envoya au loin d'un revers de la main : blessé, meurtri, ayant abandonné tout espoir, je me résolu à mourir ici, à Andorhal, oublié mais dans l'honneur.
Elle s'approcha, repoussant violemment soldats humains comme mort-vivants qui lui barraient le chemin. Elle m'en voulait, c'était sûr. Je fixai son ventre ouvert, ses entrailles mises à l'air, en me disant que j'allais bientôt les rejoindre. Elle me frappa...
Puis un éclair de lumière l'atteignit, et elle gémit en reculant. Je vis alors arriver mon sauveur, engoncé dans son armure, enveloppé de sa grande cape, ses longs cheveux blonds poisseux de sang, tenant dans une main un libram, et dans l'autre un marteau ensanglanté. Il chargea la bête immonde, lui infligeant un coup devastateur de son marteau. A nouveau, j'en appellai à la Lumière : la bête fut à nouveau blessée, et un ultime coup du Prince l'acheva, emportant sa tête arrachée du reste de son corps au loin. Mes blessures se refermaient et guérissaient en moi, par le pouvoir sacré, je le sentais. Je me relevai néanmoins le souffle court, et arachai mon arme du corps du monstre. Arthas m'inspecta rapidement, pour vérifier mon état de santé.
Au loin, mon regard accrocha plusieurs silhouette massives, mais néanmoins familières et étrangement véloces...
La lance du premier chevalier percuta une goule, et la victoire changea de camp.
- Monseigneur ! M'écriai-je.
Mais Arthas avait vu. Poussant un rugissement triomphant, il retourna au combat, désireux de se venger de l'affront et de faire payer le prix au Fléau. Je suivai mon Prince dans la mêlée, comme je le suivrai partout ailleurs.
Une odeur de mort. A chaque fois que l'on évoque le nom d'Andorhal autour de moi, cette odeur envahit à nouveau mes sens. Je revois cette ville, qui, lorsque mon regard s'était posé sur elle à mon arrivée, était assiégée mais encore fière, et qui, à présent, n'était plus qu'un amas de cendres fûmantes. Des foyers d'incendies encore non éteints se dégageait une épaisse fumée noire, tandis que certains de nos hommes s'efforçaient de les éteindre, pour la plupart des chevaliers fraîchement arrivés. Bien qu'ils fussent harassés par leur chevauchée afin de rejoindre la ville à temps, et leur charge, les défenseurs étaient absolument épuisés, et se reposaient pour la plupart. Certains, comme moi, s'étaient portés volontaires pour rechercher parmi les cadavres gisants au sol les amis à sauver, et d'éventuels ennemis à achever.
Mon armure de plaque me semblait peser mille fois son poids. J'avais en main mon arme d'hast, dont le bout de la hampe traînait à terre. J'étais abattu, mais d'autres avaient besoin de repos. A la Main d'Argent, j'avais appris deux choses importantes : la Lumière nous rend forts, et le sacrifice est une valeur fondamentale de l'idéal du Paladin. Voilà pourquoi j'arpentai cette terre frappée par la désolation qu'apporte avec elle toute guerre.
Autour de moi, tous les corps entassés étaient ceux des morts, des soldats tombés au combat, des citoyens de la ville massacrés par les goules qui avaient pénétré nos défenses. Au loin, sur une crête, avaient été emmenés certains des corps des morts-vivants, où ils étaient brûlés par des prêtres, qui clamaient des suppliques de purification.
Aux alentours, quelqu'un grogna de douleur, et un râle s'ensuivit. Humain. Je me retournai, cherchant du regard le malheureux blessé.
Il était là, un cadavre de zombie par-dessus lui. Je le dégageai en un effort qui me sembla surhumain étant donné mon état de fatigue avancée.
Ses luxueuses robes violettes, faites de soies, étaient en lambeaux. Ses avants bras et son torse étaient couvert de griffures, de morsures, et d'autres plaies suintantes. Ses traits avaient été altérés par les multiples blessures dont il souffrait au visage, et ses cheveux plutôt courts ne laissaient deviner aucune autre couleur que celle d'un sang pourri. Il respirait encore difficilement, produisant un son si rauque qu'il m'aurait semblé impossible à chaque inspiration. Lorsque j'ôtai le poids du cadavre de sur lui, il me regarda avec ses yeux bleus emplis de larmes. Un regard suppliant.
- Un prêtre ! Appelais-je.
L'homme eut une quinte de toux qui lui fit recracher du sang. Il fallait agir vite. J'appellai à mon aide la puissance de la Lumière Sacrée afin qu'elle guérisse cet homme, mais il s'aggripa à ce qui restait de ma cape avec une force que nul ne lui aurait soupçonnée. Je ne remarquai qu'alors qu'il avait la main serrée autour d'un petit pendentif, qu'il serrait si fort que ses phalanges déjà pâles suite à la perte de sang avaient blanchi. Il commença à murmurer. Cet homme allait mourir, ses blessures étaient trop graves. Je me devai de recueillir ses dernières paroles. Il relâcha sa poigne autour de son bien.
- La larme du dieu... Me dit-il si bas que je devais quasiment plaquer mon oreille sontre sa bouche pour le comprendre, doit retourner à l'Ancien... Ainsi seulement... le cycle sera brisé...
Il déposa alors avec beaucoup de délicatesse ce qu'il portait autour du cou dans ma main gantée. Un petit pendentif d'ambre, en forme de larme, et une chaîne d'or dont l'attache avait cédé. Il continua à me fixer de ses yeux suppliants. Je m'étais d'abord dit que l'homme était devenu fou, mais ses robes arboraient le symbole du Kirin Tor. Non, je n'avais pas le choix.
- Je le ferai.
Toute la tension de corps parut disparaître d'un coup, et il expira. Je fermai ses yeux, et récitai la prière de recommandation de l'âme à la Lumière.
- Accueille ce fidèle, Lumière Sacrée, pour qui le Don de la Vie n'a été que dévotion pour Ton glorieux nom...
Les capitaines firent sonner le rassemblement. La brève cérémonie terminée, je me redressai. Les foyers d'incendie étaient encore allumés, et certains cavaliers en allumaient d'autres. Une partie de la légion de chevaliers s'était rassemblée, et guidait les citoyens de la ville survivants, tandis qu'autour du Prince Arthas, qui semblait plein de vitalité, une énergie issue de la haine pour le Fléau, rallait à lui les hommes.
Nous abandonnâmes derrière nous une Andorhal en flammes. Je doutai que l'incendie change quelque chose à l'aspect de la ville. Conduits que nous étions par les deux plus grands chefs de tout le royaume, nous marchions avec entrain. La vue d'un Prince revigoré nous avait fait oublier nos propres fatigues, et nous allions à bonne allure.
Vers Stratholme.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
Plusieurs jours avaient été nécessaires. Nous avions quelque peu récupéré, les nuits de sommeil bienfaitrices nous ayant tous bénéficié. Prêts pour la guerre, nous étions arrivés en vue de l'immense cité. J'avais déjà vu Stratholme, j'y avais résidé, et je dois avouer que j'avais toujours eu tendance à m'y perdre un peu. Gilnéas était un des Sept Royaumes, mais un royaume mineur, qui n'avait rien de semblable à Lordaeron et Azeroth. Seule la capitale m'avait fait un effet plus fort encore que Stratholme, mais de toutes les grandes cités du continent, la première à m'avoir accueilli avait été Stratholme.
Aujourd'hui encore, j'ai du mal à réaliser que j'aie pu m'y diriger, armes brandies.
Une nuit sombre. La pluie, la terre gorgée d'eau. Des nuages noirs, qui nous masquaient la vue même du ciel nocturne. Et, au loin, par-delà les hauts murs de Stratholme, les lumières de la ville. Je me souviens que chaque homme était nerveux ; le départ du Porteur de Lumière et de la jeune mage avait ébrêché quelque peu le moral de certains, mais je les avais enhardis à force de chants et de serments. Ils étaient prêts, à présent.
Le Prince Arthas était entré dans la ville à la tête d'une légion de Chevaliers. Ma propre compagnie, et plusieurs autres, positionnées à d'autres entrées de la ville, se tenaient prêtes, en réserve.
De la fumée commença à monter d'une maison qui s'était embrasée. Je pouvais presque sentir la chaleur des flammes caresser mon visage...
Un à un, les foyers d'incendie s'allumaient, et la ville allait sous peu devenir un amas de cendres. Cela révéla à ma vue un chevalier qui galopait dans notre direction. Je me levai, et empoignai mon arme. Derrière moi, tous les regards étaient tournés vers le cavalier, je le sentais. Il s'arrêta à mon niveau. Je le devinai jeune, à sa manière de se tenir sur son cheval. Son cheval piaffait, et était trempé ; je n'ai su déterminer si c'était dû à la sueur ou à la pluie. La pluie ruisselait sur l'armure du cavalier, et je le devinai glacé jusqu'aux os. Je levai la tête pour plonger mon regard dans le sien, mais sa visière masquait entièrement son visage.
- Seigneur Eirlën, sur ordre du Prince Arthas, vous et vos hommes devez vous diriger vers la place des anciens, dit-il d'une voix où perçait une pointe d'orgeuil. Sûrement le fait d'avoir été choisi comme porteur des ordres du Prince.
- Détaillez-moi la situation.
- Vous avez eu vos ordres ! Rétorqua-t-il d'une voix qu'il pensait sûrement être celle du commandement.
- Mes hommes n'ont pas traverser l'enfer d'Andorhal pour que je les envoie foncer tête baissée dans un combat inutile ! Détaillez-moi la situation !
Il sursauta ; ses illusions quant à la supériorité de son temporaire statut de héraut du Prince Arthas venaient de tomber en poussière. Cédant, il déclara :
- Le chef du Fléau est actuellement traqué par nos hommes. Nous allons le rabattre vers la place des anciens, où il sera pris entre l'enclume, nos troupes, et le marteau, qui sera les groupes de réserve dont le vôtre. Le chemin est dégagé jusqu'à la porte ouest, de là, vous pourrez...
Je le coupai dans son élan en lui tournant le dos. Derrière mes hommes, les machines de siège naines que l'ont nous avait allouées attendaient patiemment. D'un ordre au contremaître, je déchaînai leur puissance ; les artilleurs se mirent en place, et très vite, les canons des chars et des mortiers crachèrent leurs obus vers la ville. Le mur tomba, réduit à l'état de blocs de pierre inutiles et éparpillés.
Le messager était médusé. Il ne parvenait pas à détacher son regard de la brèche, bouche bée. Tout ce temps passé près de Landenoire m'avait appris quelque chose.
" A la guerre, m'avait-il dit, pas de fioriture. Pour atteindre l'objectif, il n'y a qu'un seul chemin : le plus direct. Et s'il faut faire couler le sang pour se le frayer, qu'il en soit ainsi. "
Je brandissai alors mon arme, et tonnai, pour que par-dessus le bruit de la bataille, distante d'un kilomètre seulement, tous puissent m'entendre :
- En avant, soldats ! Votre Prince a besoin de vous !
Je frappai mon arme d'hast contre mon plastron, produisant un bruit metallique. Tous m'imitèrent, frappant leurs épées contre leurs boucliers. Je recommançai, en criant une onomatopée. Une fois encore, ils m'imitèrent. Bientôt, ce fut un formidable péan qui s'éleva de ma compagnie, emplissant l'air, terrible cri de guerre, avertissement à l'intention du Fléau. Les fils de Lordaeron arrivaient. Ils allaient payer.
- Eveillez en vous la flamme de la colère ! Entendez ! Entendez les voix de nos frères tombés, qui hurlent : JUSTICE ! JUSTICE POUR NOS FRERES !
- VENGEANCE ! Reprirent-ils en coeur.
- A la guerre, soldats ! BATTONS NOUS POUR NOS FRERES ! QUE CEUX QUI AIMENT CE PAYS ME SUIVENT !
- A LA GUERRE !
Je me tournai à nouveau vers Stratholme. La ville était dévastée, le feu l'avait définitivement gagnée. Je sentais l'odeur âcre de la fumée malgré mon éloignement. Je n'osai pas imaginer le nombre de morts et de blessés, qui venait s'additionner à celui des citoyens et des braves tombés, déjà trop nombreux. Ils allaient payer.
Frappant à nouveau mon plastron de ma fidèle lance, je m'élançai. Abandonnant quasiment tout discipline, mes hommes m'emboîtèrent le pas, résignés. Le doute qui avait prit racine en eux avait été radiqué, n'en subsistait aucune trace. Telle une marée d'acier, la vague déferlante que nous étions s'abattit sur la cité embrasée par la brèche que nous avions pratiquée.
Je hurlai toujours lorsque nous rencontrâmes notre premier mort-vivant.
Les combats faisaient rage dans Stratholme. J'étais quasiment aphone, à force d'invoquer le nom d'Arthas, encore et encore. Le Prince serait fier de nous, car nous serions digne de lui ; cela, je me l'étais juré. Notre progression vers la Place des Anciens avait été plus rapide que ce que j'avais prévu, et au fur et à mesure que nous nous en rapprochions, l'ennemi se faisait de plus en plus nombreux. Mais cela ne nous stoppait pas, bien au contraire : l'objectif était proche, si proche, nous pouvions le sentir, sentir son odeur, sa corruption, et cela ne faisait qu'accroître notre fureur, notre envie d'en finir, une fois pour toutes.
La place fut en vue. Et ce que je ne savais pas encore être un Nathzerim également.
Sa vue ne fit qu'accroître ma détermination. Je fauchai les goules et les zombies qui me faisaient obstacle, et me rapprochai lentendement de l'immense créature : ses ailes étaient terrifiantes, et sa figure balafrée, ornée de deux cornes, aurait fait fuir n'importe qui.
Mais j'étais un Chevalier de la Main d'Argent.
Une vois surgit de nulle part, qui dominait toutes les autres. J'en fus ébranlé, car je ne m'y attendais aucunement ; cette voix, je l'aurai reconnue entre mille.
Le Prince Arthas.
- Mal'Ganis ! Dit-il, apparaissant au détour d'un tournant.
Il était seul. Il s'arrêta à quelques mètres du démon, et celui-ci sourit, avant de lui adresser la parole d'une voix... Y penser, encore aujourd'hui, me révulse. Et pourtant, la Lumière en atteste, j'ai vu pire que les Nathzerim...
- Venez, jeune Prince. Venez en Norfendre. C'est là que tout se jouera.
Il sourit alors, et partit d'un rire sombre et dément, avant de disparaître, entouré d'un cercle de runes impies qui se disspa dans l'air.
- Je te poursuivrai jusqu'au bout du monde s'il le faut, Mal'Ganis ! Tu entends ? JUSQU'AU BOUT DU MONDE !
Les troupes d'Arthas arrivèrent alors derrière lui. Les créatures qui consistaient en l'escorte de Mal'Ganis furent assaillies de toutes parts, et leur nombre fut réduit à néant.
Arthas était furieux. Je n'avais jamais vu une telle fureur dans ses yeux. Je le comprenais. Moi aussi, j'avais cédé.
Je m'approchai lentement de mon prince. L'affront était vengé, mais à quel prix... Sur le trottoir, des cadavres gisaient, baignés dans leur propre sang. Hommes, femmes, vieillards et enfants... aucun n'avait été épargné.
- Monseigneur... Dis-je d'une voix faible. L'expression courroucée d'Arthas déformait ses traits.
- Nous allons vers le nord ! Rassemblez l'armée !
Je lui tendis mon arme.
- Ma loyauté vous est acquise, monseigneur. Je courbai alors la tête, et m'agenouillait, en symbole de mon allégeance.
- Nous devons y mettre un terme, mon frère. Ceci doit prendre fin. Je veux que nous soyions partis sur l'heure.
J'acquiesai, et me relevai. J'avais une retraite à organiser. Le voyage me ferait du bien. Je devais méditer sur ce qui s'était passé ici, faire acte de foi. L'idéal de la Main d'Argent excluait la vengeance.
Oui, un peu de calme. Une bonne chose.
Durant le long voyage, beaucoup d'hommes avaient été victimes du mal de mer. J'avais été épargné par cela, mais autre chose me rongeait. A Stratholme, le désir de vengeance s'était emparé de moi, et par la Lumière, je lui avais cédé avec joie. J'avais senti la force qu'il me prêtait affluer en moi, et je l'avais savourée. Mais j'étais un paladin, et notre idéal excluait la vengeance. Pour cela, je faisais donc pénitence.
Le Prince Arthas, lui, semblait fulminer, plus nous approchions des côtes, et plus il devenait nerveux. La juste fureur, me disais-je. Nous allions après tout détruire une bonne fois pour toute ce qui avait causé tant de mal à sa chère Lordaeron. Oui, sa colère était légitime... Du moins étais-ce ce que je pensais.
Il nous fallut deux longues semaines pour rallier la côte glacée du Grand Nord. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions, les cordes étaient couvertes de givre, les bastingages gelés. Les voiles étaient régulièrement réchauffées, sans quoi elles auraient depuis longtemps été brisées, comme si elles avaient été de verre.
Je revêtis mon armure pour la première fois depuis notre départ de Lordaeron à cet instant. Je me souviens très bien de la vision que j'avais eue, une terre morte, depuis longtemps recouverte par les glaces. Une terre de secrets, de murmures, portés par le souffle glacé du vent...
Ce vent... Ce vent violent et froid, qui nous enveloppait, s'infiltrait dans nos armures, gelait nos os, nos êtres... Je m'enveloppai un peu plus dans ma large cape de laine, mon regard ne pouvant se détacher de ce continent sur lequel nous allions mener notre bataille finale.
Sur lequel nous allions remporter la plus grande des victoires, pour la gloire d'Arthas.
Le Prince nous fit acoster dans une petite crique. La mer glacée était recouverte de barques, chacune acceuillant 10 hommes. Arthas avait amené avec lui une véritable armée. Le poing vengeur de Lordaeron, qui allait s'abattre sur le Fléau et en écraser toute trace.
J'étais fier d'en faire partie.
Le rassemblement prit du temps. J'étais parmi les officiers chargés de mettre les hommes par sections, puis par compagnies. L'effectif du corps expéditionnaire approchait le millier d'hommes. C'était beaucoup de travail, et la coordination était essentielle à l'accomplissement de cette tâche titanesque pour des simples hommes.
Mais Arthas n'était pas de ceux-là.
Aujourd'hui encore, j'ai du mal à réaliser que j'aie pu m'y diriger, armes brandies.
Une nuit sombre. La pluie, la terre gorgée d'eau. Des nuages noirs, qui nous masquaient la vue même du ciel nocturne. Et, au loin, par-delà les hauts murs de Stratholme, les lumières de la ville. Je me souviens que chaque homme était nerveux ; le départ du Porteur de Lumière et de la jeune mage avait ébrêché quelque peu le moral de certains, mais je les avais enhardis à force de chants et de serments. Ils étaient prêts, à présent.
Le Prince Arthas était entré dans la ville à la tête d'une légion de Chevaliers. Ma propre compagnie, et plusieurs autres, positionnées à d'autres entrées de la ville, se tenaient prêtes, en réserve.
De la fumée commença à monter d'une maison qui s'était embrasée. Je pouvais presque sentir la chaleur des flammes caresser mon visage...
Un à un, les foyers d'incendie s'allumaient, et la ville allait sous peu devenir un amas de cendres. Cela révéla à ma vue un chevalier qui galopait dans notre direction. Je me levai, et empoignai mon arme. Derrière moi, tous les regards étaient tournés vers le cavalier, je le sentais. Il s'arrêta à mon niveau. Je le devinai jeune, à sa manière de se tenir sur son cheval. Son cheval piaffait, et était trempé ; je n'ai su déterminer si c'était dû à la sueur ou à la pluie. La pluie ruisselait sur l'armure du cavalier, et je le devinai glacé jusqu'aux os. Je levai la tête pour plonger mon regard dans le sien, mais sa visière masquait entièrement son visage.
- Seigneur Eirlën, sur ordre du Prince Arthas, vous et vos hommes devez vous diriger vers la place des anciens, dit-il d'une voix où perçait une pointe d'orgeuil. Sûrement le fait d'avoir été choisi comme porteur des ordres du Prince.
- Détaillez-moi la situation.
- Vous avez eu vos ordres ! Rétorqua-t-il d'une voix qu'il pensait sûrement être celle du commandement.
- Mes hommes n'ont pas traverser l'enfer d'Andorhal pour que je les envoie foncer tête baissée dans un combat inutile ! Détaillez-moi la situation !
Il sursauta ; ses illusions quant à la supériorité de son temporaire statut de héraut du Prince Arthas venaient de tomber en poussière. Cédant, il déclara :
- Le chef du Fléau est actuellement traqué par nos hommes. Nous allons le rabattre vers la place des anciens, où il sera pris entre l'enclume, nos troupes, et le marteau, qui sera les groupes de réserve dont le vôtre. Le chemin est dégagé jusqu'à la porte ouest, de là, vous pourrez...
Je le coupai dans son élan en lui tournant le dos. Derrière mes hommes, les machines de siège naines que l'ont nous avait allouées attendaient patiemment. D'un ordre au contremaître, je déchaînai leur puissance ; les artilleurs se mirent en place, et très vite, les canons des chars et des mortiers crachèrent leurs obus vers la ville. Le mur tomba, réduit à l'état de blocs de pierre inutiles et éparpillés.
Le messager était médusé. Il ne parvenait pas à détacher son regard de la brèche, bouche bée. Tout ce temps passé près de Landenoire m'avait appris quelque chose.
" A la guerre, m'avait-il dit, pas de fioriture. Pour atteindre l'objectif, il n'y a qu'un seul chemin : le plus direct. Et s'il faut faire couler le sang pour se le frayer, qu'il en soit ainsi. "
Je brandissai alors mon arme, et tonnai, pour que par-dessus le bruit de la bataille, distante d'un kilomètre seulement, tous puissent m'entendre :
- En avant, soldats ! Votre Prince a besoin de vous !
Je frappai mon arme d'hast contre mon plastron, produisant un bruit metallique. Tous m'imitèrent, frappant leurs épées contre leurs boucliers. Je recommançai, en criant une onomatopée. Une fois encore, ils m'imitèrent. Bientôt, ce fut un formidable péan qui s'éleva de ma compagnie, emplissant l'air, terrible cri de guerre, avertissement à l'intention du Fléau. Les fils de Lordaeron arrivaient. Ils allaient payer.
- Eveillez en vous la flamme de la colère ! Entendez ! Entendez les voix de nos frères tombés, qui hurlent : JUSTICE ! JUSTICE POUR NOS FRERES !
- VENGEANCE ! Reprirent-ils en coeur.
- A la guerre, soldats ! BATTONS NOUS POUR NOS FRERES ! QUE CEUX QUI AIMENT CE PAYS ME SUIVENT !
- A LA GUERRE !
Je me tournai à nouveau vers Stratholme. La ville était dévastée, le feu l'avait définitivement gagnée. Je sentais l'odeur âcre de la fumée malgré mon éloignement. Je n'osai pas imaginer le nombre de morts et de blessés, qui venait s'additionner à celui des citoyens et des braves tombés, déjà trop nombreux. Ils allaient payer.
Frappant à nouveau mon plastron de ma fidèle lance, je m'élançai. Abandonnant quasiment tout discipline, mes hommes m'emboîtèrent le pas, résignés. Le doute qui avait prit racine en eux avait été radiqué, n'en subsistait aucune trace. Telle une marée d'acier, la vague déferlante que nous étions s'abattit sur la cité embrasée par la brèche que nous avions pratiquée.
Je hurlai toujours lorsque nous rencontrâmes notre premier mort-vivant.
Les combats faisaient rage dans Stratholme. J'étais quasiment aphone, à force d'invoquer le nom d'Arthas, encore et encore. Le Prince serait fier de nous, car nous serions digne de lui ; cela, je me l'étais juré. Notre progression vers la Place des Anciens avait été plus rapide que ce que j'avais prévu, et au fur et à mesure que nous nous en rapprochions, l'ennemi se faisait de plus en plus nombreux. Mais cela ne nous stoppait pas, bien au contraire : l'objectif était proche, si proche, nous pouvions le sentir, sentir son odeur, sa corruption, et cela ne faisait qu'accroître notre fureur, notre envie d'en finir, une fois pour toutes.
La place fut en vue. Et ce que je ne savais pas encore être un Nathzerim également.
Sa vue ne fit qu'accroître ma détermination. Je fauchai les goules et les zombies qui me faisaient obstacle, et me rapprochai lentendement de l'immense créature : ses ailes étaient terrifiantes, et sa figure balafrée, ornée de deux cornes, aurait fait fuir n'importe qui.
Mais j'étais un Chevalier de la Main d'Argent.
Une vois surgit de nulle part, qui dominait toutes les autres. J'en fus ébranlé, car je ne m'y attendais aucunement ; cette voix, je l'aurai reconnue entre mille.
Le Prince Arthas.
- Mal'Ganis ! Dit-il, apparaissant au détour d'un tournant.
Il était seul. Il s'arrêta à quelques mètres du démon, et celui-ci sourit, avant de lui adresser la parole d'une voix... Y penser, encore aujourd'hui, me révulse. Et pourtant, la Lumière en atteste, j'ai vu pire que les Nathzerim...
- Venez, jeune Prince. Venez en Norfendre. C'est là que tout se jouera.
Il sourit alors, et partit d'un rire sombre et dément, avant de disparaître, entouré d'un cercle de runes impies qui se disspa dans l'air.
- Je te poursuivrai jusqu'au bout du monde s'il le faut, Mal'Ganis ! Tu entends ? JUSQU'AU BOUT DU MONDE !
Les troupes d'Arthas arrivèrent alors derrière lui. Les créatures qui consistaient en l'escorte de Mal'Ganis furent assaillies de toutes parts, et leur nombre fut réduit à néant.
Arthas était furieux. Je n'avais jamais vu une telle fureur dans ses yeux. Je le comprenais. Moi aussi, j'avais cédé.
Je m'approchai lentement de mon prince. L'affront était vengé, mais à quel prix... Sur le trottoir, des cadavres gisaient, baignés dans leur propre sang. Hommes, femmes, vieillards et enfants... aucun n'avait été épargné.
- Monseigneur... Dis-je d'une voix faible. L'expression courroucée d'Arthas déformait ses traits.
- Nous allons vers le nord ! Rassemblez l'armée !
Je lui tendis mon arme.
- Ma loyauté vous est acquise, monseigneur. Je courbai alors la tête, et m'agenouillait, en symbole de mon allégeance.
- Nous devons y mettre un terme, mon frère. Ceci doit prendre fin. Je veux que nous soyions partis sur l'heure.
J'acquiesai, et me relevai. J'avais une retraite à organiser. Le voyage me ferait du bien. Je devais méditer sur ce qui s'était passé ici, faire acte de foi. L'idéal de la Main d'Argent excluait la vengeance.
Oui, un peu de calme. Une bonne chose.
Durant le long voyage, beaucoup d'hommes avaient été victimes du mal de mer. J'avais été épargné par cela, mais autre chose me rongeait. A Stratholme, le désir de vengeance s'était emparé de moi, et par la Lumière, je lui avais cédé avec joie. J'avais senti la force qu'il me prêtait affluer en moi, et je l'avais savourée. Mais j'étais un paladin, et notre idéal excluait la vengeance. Pour cela, je faisais donc pénitence.
Le Prince Arthas, lui, semblait fulminer, plus nous approchions des côtes, et plus il devenait nerveux. La juste fureur, me disais-je. Nous allions après tout détruire une bonne fois pour toute ce qui avait causé tant de mal à sa chère Lordaeron. Oui, sa colère était légitime... Du moins étais-ce ce que je pensais.
Il nous fallut deux longues semaines pour rallier la côte glacée du Grand Nord. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions, les cordes étaient couvertes de givre, les bastingages gelés. Les voiles étaient régulièrement réchauffées, sans quoi elles auraient depuis longtemps été brisées, comme si elles avaient été de verre.
Je revêtis mon armure pour la première fois depuis notre départ de Lordaeron à cet instant. Je me souviens très bien de la vision que j'avais eue, une terre morte, depuis longtemps recouverte par les glaces. Une terre de secrets, de murmures, portés par le souffle glacé du vent...
Ce vent... Ce vent violent et froid, qui nous enveloppait, s'infiltrait dans nos armures, gelait nos os, nos êtres... Je m'enveloppai un peu plus dans ma large cape de laine, mon regard ne pouvant se détacher de ce continent sur lequel nous allions mener notre bataille finale.
Sur lequel nous allions remporter la plus grande des victoires, pour la gloire d'Arthas.
Le Prince nous fit acoster dans une petite crique. La mer glacée était recouverte de barques, chacune acceuillant 10 hommes. Arthas avait amené avec lui une véritable armée. Le poing vengeur de Lordaeron, qui allait s'abattre sur le Fléau et en écraser toute trace.
J'étais fier d'en faire partie.
Le rassemblement prit du temps. J'étais parmi les officiers chargés de mettre les hommes par sections, puis par compagnies. L'effectif du corps expéditionnaire approchait le millier d'hommes. C'était beaucoup de travail, et la coordination était essentielle à l'accomplissement de cette tâche titanesque pour des simples hommes.
Mais Arthas n'était pas de ceux-là.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
Sous la direction du prince, aussi rapide qu'efficace, les hommes furent rassemblés par compagnie, et disposés en colonne. Devant nous s'étendait une sorte de ravin, de corridor, par lequel passait une route, le Prince en tête. Etant membre de la Main d'Argent, et par conséquent pourvu d'un commandement, je chevauchai derrière Arthas. Lorsqu'il donna l'ordre d'avancer, mon impression première était que la terre tremblait sous les pas des hommes. Par eux-même, les hommes commencèrent à chanter, quelques-un d'abord, mais ils furent vite repris par leurs camarades, qui eux-même entraînèrent les autres. J'avais moi-même, par réflexe, fredonné, et alors que nous pénétrions dans la passe, les voix claires des elfes se mêlaient aux voix de basse des nains ; les tons étaient accentués par nos propres hommes, humains.
Nous sommes les élus, sacrifions notre sang,
tuons pour l'honneur,
luttons contre l'horreur !
Nous sommes les saints élus, allons de l'avant,
ténèbres brisées,
mort de l'obscurité !
Dans la gloire, nous retournerons,
du démon, l'annihilation,
sera notre terre que nous vengerons !
Plus jamais de peur,
plus jamais de frayeur,
Nous sommes les saints élus, nous vaincrons !
Le Fléau, la mort, l'abomination !
Ce chant de guerre sembla reprit par le vent hurlant lui-même alors qu'il était répecuté en écho par les hautes parois.
Des semaines passèrent, des semaines d'escarmouches, d'embuscades... Je me souviens des trolls des glaces, plus coriaces encore que ceux des forêts de Lordaeron et de Quel'Thalas, de loups immenses... Et surtout, les morts-vivants.
Par la Lumière, ils étaient si nombreux. J'avais l'impression que le Fléau qui avait dévasté les forêts de Lordaeron n'était qu'un grain de sable dans le sablier, face aux hordes de non-morts qui nous faisaient face.
Mais nous étions venus chercher notre triomphe. Pas un ne survécut aux batailles qui furent livrées contre nos forces. Menés que nous étions par notre Prince, nos bras semblaient investis d'une force nouvelle, et rien en ce monde n'aurait pu nous stopper. Nous étions venus chercher la tête du Fléau, et la mort était notre promesse à quiconque tentait de nous en empêcher.
Je me souviens de l'air déçu sur le visage de chaque homme de l'expédition lorsque le héraut du Roi Térénas est parvenu à notre base. Nous avions laissé derrière nous plusieurs forts, des bases de repli éventuelles, et celle-ci n'était toujours pas terminée. Notre avancée la plus récente avait entraîné sa construction.
Nous nous affairions au bâtissement d'une caserne lorsque le zeppelin se fit entendre. Je me souviens que nous avions tous levé la tête : son imposante silhouette se dessina à l'horizon, et nous apparut de plus en plus distincte au fur et à mesure qu'elle se rapprochait. Peu à peu, tout travail s'interrompit ; l'émissaire du roi, un Haut-Elfe dans une ample et riche robe bleue, escorté par deux membres de la Garde Royale, débarqua. Le second du Prince l'acceuillit, et ils eurent une courte discussion.
L'ordre était donné de plier bagage. Sur le conseil du Seigneur Uther.
On nous privait de notre revanche ! On nous retirai notre triomphe ! Le Fléau allait vivre, et étendre ses tentacules, jusqu'à ce que l'ombre recouvre à nouveau les royaumes de l'Est !
Une rage indescriptible bouillonait en moi. Nous étions venus ici, dans le Grand Nord glacé, loin de tout, sur le toit du monde, pour vaincre un des plus grands maux à avoir jamais foulé cette terre, au nom de la Lumière... Et on nous rappellait à la veille de la victoire !
Le capitaine inclina la tête en signe de soumission, et redirigea promptement les équipes de travail sur les bois ; nous devions nous frayer un chemin à travers les arbres morts et déssechés, afin d'atteindre nos embarcations...
Oh, Arthas en entendrait parler... Il n'accepterait sûrement pas de condamner son peuple. Résigné, j'empoignai ma hache ; le torse luisant de sueur et déjà essoufflé, j'entamai l'abattage d'un arbre avec de nouvelle forces, sachant que le Prince allait une fois encore agir pour notre salut à tous.
Nous nous tenions tous là, dans le froid, en formation. Les bateaux avaient été coulés par des créatures autochtones, et nous avions été coincés ici. Plus résignés que jamais, nous nous étions avancés ; la fusion de notre expédition avec celle du frère du roi Magni, Muradin Barbe-de-Bronze, avait fait exploser notre effectif. Nos forces étaient innombrables, et nous venions quérir justice auprès de Mal'Ganis.
Notre Prince nous guidait, tenant à la main une étrange épée, qui dégageait une aura d'un bleu froid, plus glaciale encore que le blizzard. Lorsqu'il l'avait récupérée, Muradin était mort, de ce qu'il nous avait dit. Une mort de plus à venger.
Tant bien que mal, nous avions tenu nos positions sur les défenses de notre fort, et le Prince était revenu doté de la puissance de son épée, pour nous mener vers la base de Mal'Ganis. Et à présent, nous étions en formation, prêts à lui donner la mort.
Seul le souffle du vent brisait le silence qui régnait sur notre corps expéditionnaire. Je me tenais en tête de la compagnie lorsque l'ordre d'avancer me parvint.
Je donnai l'ordre. Je les savais prêts.
- Compagnie... En avant ! Marche !
Le bruit des plaques d'armure s'entrechoquant et des bottes foulant la glace emplit l'air. Au loin se dessinaient les formes morbides des bâtiments du Fléau ; la plus grande base, la base principale du Fléau Mort-Vivant.
Il fallait du courage. Je décidai de leur en donner, et entraînait les soldats dans un hymne de bataille de la Main d'Argent.
Nous sommes le bras armé, nous sommes l'épée,
Nous sommes le marteau, le brasier sur l'eau,
La Lumière est notre coeur, notre âme, notre essence,
Sans qui nulle existence n'a de sens,
Par elle nous vivons, pour elle nous triomphons,
Nul ne peut nous arracher la victoire, car par notre action,
Car tant que des hommes au coeur pur se dresseront,
Face à l'ombre, à l'impur, à l'abomination,
Eternel sera notre triomphe, des héros, à jamais connus seront les noms !
Du Fléau, de la corruption, Lumière Sacrée, délivre-nous !
De l'emprise du démon, Lumière Sacrée, délivre-nous !
Sur le chemin de l'absolution, Lumière Sacrée, guide-nous !
La base était proche, à présent. Nous voyions les défenseurs, arrachés à leurs existences pour sombrer dans les afres de la non-vie, s'approcher, venir vers nous, doucement, dangereusement, mais de plus en plus vite. Nous aussi, nous accélérâmes le pas, jusqu'à courir. Le chant faisait toujours vibrer nos coeurs et nos âmes.
Nous sommes le bras armé, nous sommes l'épée !
La juste fureur qui sancitifiera cette terre !
Et de la tempête ne se relèveront que les purs !
LUMIERE SACREE, DELIVRE NOUS !
Nous chargeâmes alors ; l'acier froid rencontra l'os, et dans un grand fracas, nos deux armées s'entrechoquèrent. Le combat débuta dans une mêlée confuse, où toute cohésion de nos formations avait disparu.
Entouré de cadavres revenus d'entre les morts, chacun de nous luttait pour sa survie, pour la survie de tout un peuple.
La bataille faisait rage. Derrière les lignes du Fléau, perché sur un rocher, apparut alors Mal'Ganis, dans un nuage noir, entouré d'un cercle runique. Le démon avait utilisé un sort maléfique pour se téléporter sur son perchoir ; de là, il commença à invoquer les ombres. Une voix plus forte que les bruits de la bataille monta de nos lignes, le ton empli de fureur.
- Mal'Ganis !
Je me retournai. Arthas se taillait un chemin à travers les rangs ennemis à grands coups d'épée, et se dirigeait vers le démon. Ce dernier l'avait remarqué, et tenta de le stopper à l'aide de ses sorts démoniaques, mais Arthas était inarrêtable. A l'aide la hampe de mon arme d'hast, je repoussai les impurs autour de moi, balayai l'espace devant moi de ma lame pour rejoindre mon Prince dans le combat final.
Trop tard. Dans un élan de colère, Arthas chargea le responsable de tant de mal avec un cri dément. Son épée s'abattit, et rencontra les griffes démesurées du démon. Le choc le fit chanceler, et Arthas enchaîna avec une botte ; Mal'Ganis fut touché en plein ventre, et tomba. Son plastron avait arrêté la lame, mais il était néanmoins enfoncé, et son propriétaire sonné.
J'étais trop loin, et la bataille était trop intense pour que j'eus entendu quelque chose, mais ils échangèrent quelques mots, après quoi Arthas s'avança et lui fit sauter la tête des épaules.
A la mort de leur chef, les morts-vivants perdirent toute cohésion, mais ne s'effondrèrent pas et continuèrent le combat. Ma surprise était telle que l'un d'eux parvint à me blesser à l'épaule ; celui-là, je l'empalai sur mon arme.
Le combat continuait, mais la victoire nous était déjà acquise. Nous avions gagné.
Je parcourai le champ de bataille, seul, à la recherche d'un être exceptionnel. La glace était souillée par le sang, recouverte de cadavres des deux camps. Nos pertes étaient en cours d'estimation, mais je les devinai conséquentes. Nous avions arraché la victoire des mains crispées de notre ennemi mourant, et pourtant, cette victoire était amère.
Nulle trace d'Arthas.
Nous sommes les élus, sacrifions notre sang,
tuons pour l'honneur,
luttons contre l'horreur !
Nous sommes les saints élus, allons de l'avant,
ténèbres brisées,
mort de l'obscurité !
Dans la gloire, nous retournerons,
du démon, l'annihilation,
sera notre terre que nous vengerons !
Plus jamais de peur,
plus jamais de frayeur,
Nous sommes les saints élus, nous vaincrons !
Le Fléau, la mort, l'abomination !
Ce chant de guerre sembla reprit par le vent hurlant lui-même alors qu'il était répecuté en écho par les hautes parois.
Des semaines passèrent, des semaines d'escarmouches, d'embuscades... Je me souviens des trolls des glaces, plus coriaces encore que ceux des forêts de Lordaeron et de Quel'Thalas, de loups immenses... Et surtout, les morts-vivants.
Par la Lumière, ils étaient si nombreux. J'avais l'impression que le Fléau qui avait dévasté les forêts de Lordaeron n'était qu'un grain de sable dans le sablier, face aux hordes de non-morts qui nous faisaient face.
Mais nous étions venus chercher notre triomphe. Pas un ne survécut aux batailles qui furent livrées contre nos forces. Menés que nous étions par notre Prince, nos bras semblaient investis d'une force nouvelle, et rien en ce monde n'aurait pu nous stopper. Nous étions venus chercher la tête du Fléau, et la mort était notre promesse à quiconque tentait de nous en empêcher.
Je me souviens de l'air déçu sur le visage de chaque homme de l'expédition lorsque le héraut du Roi Térénas est parvenu à notre base. Nous avions laissé derrière nous plusieurs forts, des bases de repli éventuelles, et celle-ci n'était toujours pas terminée. Notre avancée la plus récente avait entraîné sa construction.
Nous nous affairions au bâtissement d'une caserne lorsque le zeppelin se fit entendre. Je me souviens que nous avions tous levé la tête : son imposante silhouette se dessina à l'horizon, et nous apparut de plus en plus distincte au fur et à mesure qu'elle se rapprochait. Peu à peu, tout travail s'interrompit ; l'émissaire du roi, un Haut-Elfe dans une ample et riche robe bleue, escorté par deux membres de la Garde Royale, débarqua. Le second du Prince l'acceuillit, et ils eurent une courte discussion.
L'ordre était donné de plier bagage. Sur le conseil du Seigneur Uther.
On nous privait de notre revanche ! On nous retirai notre triomphe ! Le Fléau allait vivre, et étendre ses tentacules, jusqu'à ce que l'ombre recouvre à nouveau les royaumes de l'Est !
Une rage indescriptible bouillonait en moi. Nous étions venus ici, dans le Grand Nord glacé, loin de tout, sur le toit du monde, pour vaincre un des plus grands maux à avoir jamais foulé cette terre, au nom de la Lumière... Et on nous rappellait à la veille de la victoire !
Le capitaine inclina la tête en signe de soumission, et redirigea promptement les équipes de travail sur les bois ; nous devions nous frayer un chemin à travers les arbres morts et déssechés, afin d'atteindre nos embarcations...
Oh, Arthas en entendrait parler... Il n'accepterait sûrement pas de condamner son peuple. Résigné, j'empoignai ma hache ; le torse luisant de sueur et déjà essoufflé, j'entamai l'abattage d'un arbre avec de nouvelle forces, sachant que le Prince allait une fois encore agir pour notre salut à tous.
Nous nous tenions tous là, dans le froid, en formation. Les bateaux avaient été coulés par des créatures autochtones, et nous avions été coincés ici. Plus résignés que jamais, nous nous étions avancés ; la fusion de notre expédition avec celle du frère du roi Magni, Muradin Barbe-de-Bronze, avait fait exploser notre effectif. Nos forces étaient innombrables, et nous venions quérir justice auprès de Mal'Ganis.
Notre Prince nous guidait, tenant à la main une étrange épée, qui dégageait une aura d'un bleu froid, plus glaciale encore que le blizzard. Lorsqu'il l'avait récupérée, Muradin était mort, de ce qu'il nous avait dit. Une mort de plus à venger.
Tant bien que mal, nous avions tenu nos positions sur les défenses de notre fort, et le Prince était revenu doté de la puissance de son épée, pour nous mener vers la base de Mal'Ganis. Et à présent, nous étions en formation, prêts à lui donner la mort.
Seul le souffle du vent brisait le silence qui régnait sur notre corps expéditionnaire. Je me tenais en tête de la compagnie lorsque l'ordre d'avancer me parvint.
Je donnai l'ordre. Je les savais prêts.
- Compagnie... En avant ! Marche !
Le bruit des plaques d'armure s'entrechoquant et des bottes foulant la glace emplit l'air. Au loin se dessinaient les formes morbides des bâtiments du Fléau ; la plus grande base, la base principale du Fléau Mort-Vivant.
Il fallait du courage. Je décidai de leur en donner, et entraînait les soldats dans un hymne de bataille de la Main d'Argent.
Nous sommes le bras armé, nous sommes l'épée,
Nous sommes le marteau, le brasier sur l'eau,
La Lumière est notre coeur, notre âme, notre essence,
Sans qui nulle existence n'a de sens,
Par elle nous vivons, pour elle nous triomphons,
Nul ne peut nous arracher la victoire, car par notre action,
Car tant que des hommes au coeur pur se dresseront,
Face à l'ombre, à l'impur, à l'abomination,
Eternel sera notre triomphe, des héros, à jamais connus seront les noms !
Du Fléau, de la corruption, Lumière Sacrée, délivre-nous !
De l'emprise du démon, Lumière Sacrée, délivre-nous !
Sur le chemin de l'absolution, Lumière Sacrée, guide-nous !
La base était proche, à présent. Nous voyions les défenseurs, arrachés à leurs existences pour sombrer dans les afres de la non-vie, s'approcher, venir vers nous, doucement, dangereusement, mais de plus en plus vite. Nous aussi, nous accélérâmes le pas, jusqu'à courir. Le chant faisait toujours vibrer nos coeurs et nos âmes.
Nous sommes le bras armé, nous sommes l'épée !
La juste fureur qui sancitifiera cette terre !
Et de la tempête ne se relèveront que les purs !
LUMIERE SACREE, DELIVRE NOUS !
Nous chargeâmes alors ; l'acier froid rencontra l'os, et dans un grand fracas, nos deux armées s'entrechoquèrent. Le combat débuta dans une mêlée confuse, où toute cohésion de nos formations avait disparu.
Entouré de cadavres revenus d'entre les morts, chacun de nous luttait pour sa survie, pour la survie de tout un peuple.
La bataille faisait rage. Derrière les lignes du Fléau, perché sur un rocher, apparut alors Mal'Ganis, dans un nuage noir, entouré d'un cercle runique. Le démon avait utilisé un sort maléfique pour se téléporter sur son perchoir ; de là, il commença à invoquer les ombres. Une voix plus forte que les bruits de la bataille monta de nos lignes, le ton empli de fureur.
- Mal'Ganis !
Je me retournai. Arthas se taillait un chemin à travers les rangs ennemis à grands coups d'épée, et se dirigeait vers le démon. Ce dernier l'avait remarqué, et tenta de le stopper à l'aide de ses sorts démoniaques, mais Arthas était inarrêtable. A l'aide la hampe de mon arme d'hast, je repoussai les impurs autour de moi, balayai l'espace devant moi de ma lame pour rejoindre mon Prince dans le combat final.
Trop tard. Dans un élan de colère, Arthas chargea le responsable de tant de mal avec un cri dément. Son épée s'abattit, et rencontra les griffes démesurées du démon. Le choc le fit chanceler, et Arthas enchaîna avec une botte ; Mal'Ganis fut touché en plein ventre, et tomba. Son plastron avait arrêté la lame, mais il était néanmoins enfoncé, et son propriétaire sonné.
J'étais trop loin, et la bataille était trop intense pour que j'eus entendu quelque chose, mais ils échangèrent quelques mots, après quoi Arthas s'avança et lui fit sauter la tête des épaules.
A la mort de leur chef, les morts-vivants perdirent toute cohésion, mais ne s'effondrèrent pas et continuèrent le combat. Ma surprise était telle que l'un d'eux parvint à me blesser à l'épaule ; celui-là, je l'empalai sur mon arme.
Le combat continuait, mais la victoire nous était déjà acquise. Nous avions gagné.
Je parcourai le champ de bataille, seul, à la recherche d'un être exceptionnel. La glace était souillée par le sang, recouverte de cadavres des deux camps. Nos pertes étaient en cours d'estimation, mais je les devinai conséquentes. Nous avions arraché la victoire des mains crispées de notre ennemi mourant, et pourtant, cette victoire était amère.
Nulle trace d'Arthas.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
Le Prince avait bel et bien disparu. L'état-major était affolé, et avait dépêché des estaffettes à tous les avants-postes, toutes les équipes, toutes les bases, pour quérir des nouvelles de notre chef. Mais, pour une raison inconnue, je sentais que cela était futile.
Alors que je m'apprêtais à regagner ma caserne, une voix cria mon nom ; je me retournai alors pour découvrir six soldats, comme moi couverts de sang et d'ichor, au point qu'on ne puisse plus qu'à peine distinguer leurs traits. Eux aussi devaient avoir cherché le Prince en vain.
- Il est parti, n'est-ce pas ? Dit celui qui semblait être le chef, étant donné que je remarquai un insigne de sergent à peine visible sous cette couche de saleté.
J'acquiescai d'un signe de tête, n'osant le formuler à haute voix.
- Et après l'avoir suivi à travers tant d'épreuves, tant de batailles, jusqu'ici... Nous allons l'abandonner ?
Cette fois ci, un sourire se dessina sur mes lèvres. Non, ils avaient raison, je n'y avais pas songé une seconde.
- Non, mes frères, répondis-je. Nous n'allons pas l'abandonner.
C'est ainsi que notre petit groupe s'éloigna du camp de base, à travers le blizzard, pour partir à la recherche de celui qui avait rendu ce triomphe possible.
Combien de temps avons-nous arpenté les steppes glacées du Nord, à travers le blizzard hurlant, je ne saurais le dire ; toute notion du temps m'avait échappé, ainsi qu'à mes compagnons, tandis que nous tentions vainement de nous protéger le visage tout en appellant aussi fort que possible le nom de celui que nous étions venus sauver du froid pour entendre nos cris désespérés aspirés par le bruit du vent violent.
En tout cas, cela commençait à faire trop longtemps. Nous étions allés trop loin dans la toundra pour espérer revenir au camp, et je commençai à sentir mes doigts gourds... Non, je commençai à ne plus les sentir. Il nous fallait un abri, et au plus vite.
Je tentai tant bien que mal de regarder autour de moi, à la recherche d'une caverne salvatrice, n'importe quoi, mais la neige m'en empêchait, et je ne pouvais que jeter des coups d'oeil avant de devoir à nouveau protéger mon visage.
Mais la Lumière avait décidé que je serai appellé à vivre. Une caverne finit par se dévoiler à ma vue, aussi, je m'y précipitai sans vraiment faire attention à ce qui pouvait se trouver sur ma route. Une crevasse aurait pu s'étendre devant moi, et j'aurai pu sombrer dans les abîmes, mais le froid avait préséance sur tout.
L'abri de la grotte était une véritable bénédiction. A peine entré, je me retournai, et rassemblant toute l'énergie qu'il me restait, hurlait dans le blizzard :
- PAR ICI, COMPAGNONS !
Mes camarades m'avaient manifestement entendu, car ils se dirigèrent vers la source supposée de mon appel. Un par un, ils atteignirent tous notre abri, grelottants de froid, leurs armures recouvertes d'une fine pellicule de givre, comme la mienne, constatai-je seulement à cet instant.
- Attendez une seconde... Où est Khârd ?
Les cinq hommes se regardèrent entre eux ; en effet, le Nain n'était pas là. Le sergent, l'air désolé, haussa les épaules.
- Je l'ai perdu de vue il y a longtemps. On l'a perdu.
Aucun d'entre nous n'avait envie de ressortir dans le blizzard, et les chances de retrouver notre compagnon étaient bien minces.
- Il aurait voulu qu'on continue, monseigneur.
Le sergent avait raison.
- Je prierai pour son âme. Allumez un feu.
Les hommes, exténués, s'exécutèrent. Nous nous serrâmes tous autour du feu, source bienfaitrice de chaleur et de lumière en ces terres. Je rassurai cependant les hommes.
- Ne vous inquiétez pas, en chacun de vous brûle la flamme de la foi. Je la sens éveillée en vous. Votre confiance en la Lumière rayonne de vous ; cela est bon. C'est cette flamme qui brûle en notre Prince.
La lueur illumina la grotte, et nous contemplâmes en silence la tempête qui sévissait à l'extérieur durant de longues minutes. Enfin, je regardai, par curiosité, autour de moi ; le Prince avait dû lui aussi trouver abri dans une grotte semblable, et nous attendait sûrement, à l'heure qu'il était. Mais un détail retint mon attention ; vers ce qui semblait être le fond de la grotte, les parois devenaient moins rugueuses, plus lisses, et il me semblait aperçevoir des arabesques au bas de ce qui avait peut-être été un mur, qui se perdait dans les ténèbres, à présent.
Alors que je m'apprêtais à regagner ma caserne, une voix cria mon nom ; je me retournai alors pour découvrir six soldats, comme moi couverts de sang et d'ichor, au point qu'on ne puisse plus qu'à peine distinguer leurs traits. Eux aussi devaient avoir cherché le Prince en vain.
- Il est parti, n'est-ce pas ? Dit celui qui semblait être le chef, étant donné que je remarquai un insigne de sergent à peine visible sous cette couche de saleté.
J'acquiescai d'un signe de tête, n'osant le formuler à haute voix.
- Et après l'avoir suivi à travers tant d'épreuves, tant de batailles, jusqu'ici... Nous allons l'abandonner ?
Cette fois ci, un sourire se dessina sur mes lèvres. Non, ils avaient raison, je n'y avais pas songé une seconde.
- Non, mes frères, répondis-je. Nous n'allons pas l'abandonner.
C'est ainsi que notre petit groupe s'éloigna du camp de base, à travers le blizzard, pour partir à la recherche de celui qui avait rendu ce triomphe possible.
Combien de temps avons-nous arpenté les steppes glacées du Nord, à travers le blizzard hurlant, je ne saurais le dire ; toute notion du temps m'avait échappé, ainsi qu'à mes compagnons, tandis que nous tentions vainement de nous protéger le visage tout en appellant aussi fort que possible le nom de celui que nous étions venus sauver du froid pour entendre nos cris désespérés aspirés par le bruit du vent violent.
En tout cas, cela commençait à faire trop longtemps. Nous étions allés trop loin dans la toundra pour espérer revenir au camp, et je commençai à sentir mes doigts gourds... Non, je commençai à ne plus les sentir. Il nous fallait un abri, et au plus vite.
Je tentai tant bien que mal de regarder autour de moi, à la recherche d'une caverne salvatrice, n'importe quoi, mais la neige m'en empêchait, et je ne pouvais que jeter des coups d'oeil avant de devoir à nouveau protéger mon visage.
Mais la Lumière avait décidé que je serai appellé à vivre. Une caverne finit par se dévoiler à ma vue, aussi, je m'y précipitai sans vraiment faire attention à ce qui pouvait se trouver sur ma route. Une crevasse aurait pu s'étendre devant moi, et j'aurai pu sombrer dans les abîmes, mais le froid avait préséance sur tout.
L'abri de la grotte était une véritable bénédiction. A peine entré, je me retournai, et rassemblant toute l'énergie qu'il me restait, hurlait dans le blizzard :
- PAR ICI, COMPAGNONS !
Mes camarades m'avaient manifestement entendu, car ils se dirigèrent vers la source supposée de mon appel. Un par un, ils atteignirent tous notre abri, grelottants de froid, leurs armures recouvertes d'une fine pellicule de givre, comme la mienne, constatai-je seulement à cet instant.
- Attendez une seconde... Où est Khârd ?
Les cinq hommes se regardèrent entre eux ; en effet, le Nain n'était pas là. Le sergent, l'air désolé, haussa les épaules.
- Je l'ai perdu de vue il y a longtemps. On l'a perdu.
Aucun d'entre nous n'avait envie de ressortir dans le blizzard, et les chances de retrouver notre compagnon étaient bien minces.
- Il aurait voulu qu'on continue, monseigneur.
Le sergent avait raison.
- Je prierai pour son âme. Allumez un feu.
Les hommes, exténués, s'exécutèrent. Nous nous serrâmes tous autour du feu, source bienfaitrice de chaleur et de lumière en ces terres. Je rassurai cependant les hommes.
- Ne vous inquiétez pas, en chacun de vous brûle la flamme de la foi. Je la sens éveillée en vous. Votre confiance en la Lumière rayonne de vous ; cela est bon. C'est cette flamme qui brûle en notre Prince.
La lueur illumina la grotte, et nous contemplâmes en silence la tempête qui sévissait à l'extérieur durant de longues minutes. Enfin, je regardai, par curiosité, autour de moi ; le Prince avait dû lui aussi trouver abri dans une grotte semblable, et nous attendait sûrement, à l'heure qu'il était. Mais un détail retint mon attention ; vers ce qui semblait être le fond de la grotte, les parois devenaient moins rugueuses, plus lisses, et il me semblait aperçevoir des arabesques au bas de ce qui avait peut-être été un mur, qui se perdait dans les ténèbres, à présent.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
J'étais intrigué. Difficilement, je me relevai, peinant à quitter la chaleur bienfaitrice du feu ; pour compenser cela, je récitai une prière. Tant bien que mal, je scutai l'obscurité, tentant d'y voir quelque chose d'utile, mais en vain. Je tendis la main derrière moi, sans toutefois pouvoir détacher mon regard de ce mystère.
- Passez-moi une torche.
L'un des soldats, lequel, je n'en sais rien, s'exécuta. Tison en main, je m'avançai prudemment. La pénombre reculait au fur et à mesure que j'avançai, révalant à mes yeux une paroi qui devenait peu à peu un mur lisse de pierre polie, effectivement orné d'arabesque déteriorées par le temps. La grotte devenait tunnel, qui s'enfonçait dans les entrailles de la terre.
- Avec moi, soldats ! J'ai trouvé quelque chose...
Avec une réticence presque palpable, les hommes se séparèrent à leur tour du feu, et vinrent de ranger à mes côtés.
- Prenez vos armes.
- Vous ne voulez pas dire que...
- Si. Nous allons descendre là-dedans. Prenez vos armes.
Aucun ne protesta, et ils se hâtèrent de prendre leurs armes, de façon à ne pas perdre la chaleur si précieuse accumulée si difficilement.
Doucement, prudemment, nous nous enfoncâmes dans les entrailles de la terre.
Descendre le long couloir nous pris, je crois, près d'une demie-heure... je n'étais sûr de rien en ce qui concernait le temps. Mais la descente avait été longue. Plus nous descendions, plus cette " grotte " semblait aménagée. Les parois rocheuses avaient cédé la place à des murs de pierre polie, noire.
Nous déchouâmes alors sur une salle, immense, si grande que la lueur de nos torches n'en éclairaient pas les murs, tant ils étaient éloignés. Toute la ville de Lordaeron aurait facilement pu tenir dans cette salle, ou du moins étais-ce l'impression que nous eûmes sur le moment. Nous restâmes figés de stupeur à la découverte de cet endroit si imposant et dont l'existence restait insoupçonnée.
Je me reprenai. Nous étions là dans un but bien précis.
- Rassemblez sur moi, soldats. Formation serrée. On ne sait pas ce qui peut se cacher dans les ombres, ici. En avant.
Nous nous mîmes en marche ; le bruit de nos pas résonnait longtemps, répercuté en écho par ces vastes salles. Rien ne venait perturber...
Un cliquetis.
Il se fit entendre, distinct. Immédiatement, les hommes se tournèrent vers l'extérieur, armes brandies. Mais il n'y avait rien, rien que l'obscurité constante.
- Par la Lumière... Je n'aime pas ça...
- Votre Prince compte sur vous, sergent. La Lumière nous garde. Nous avons déjà triomphé des ténèbres, nous pouvons recommencer.
Nous reprîmes notre avance, mais, cette fois, avec plus de prudence. Le bruit du cliquetis résonnait sans cesse dans mon esprit. Par la Lumière, qu'est-ce qui avait bien pu faire ça ?
Nouveau cliquetis, plus fort. Nouvel arrêt.
- Il y a quelque chose de vivant, ici, seigneur Ambrelame.
- N'êtes-vous pas déjà prêt au combat ?
- Nous le sommes, monseigneur, mais...
Le cliquetis se fit plus fort, comme s'il avait été amplifié. Il devint bourdonnement. Non... Ce n'était pas un bruit... C'était une multitude de sons.
Puis la première créature parut.
Elle était hideuse, montée sur ses quatre pattes arrières, tenant les deux de devant repliés sur son torse, comme des bras, et nous fixant de sa multitude d'yeux rouges. A la distance à laquelle elle se tenait de nous, elle nous semblait à moitié faite d'ombre.
Et elle frottait ses deux " bras ", encore et encore. Clic clic clic.
Puis un second vint. Puis un troisième.
- Lumière Sacrée... souffla un des hommes derrière moi.
- En cercle ! Formez un cercle !
Nous étions complètement encerclés par ces créatures immondes, dans cette salle gigantesque dont nous ne voyions aucune extrémité, même plus celle d'où nous étions venus, tant nous avions avancé.
Puis le tonerre gronda. Cette voix fit trembler les fondations du monde, cette voix puissante, d'un pouvoir inconnu et dont l'ampleur restait voilée à la vue de tous... depuis si longtemps...
Je le sentais...
" TU AS QUELQUE CHOSE QUI NOUS APPARTIENT... ÊTRE DE CHAIR... "
Je me raidis. Instinctivement, ma main gauche se porta à mon cou, toucha cette larme ambrée que le vieux mage m'avait remise...
Et pendant ce temps, les Nérubiens produisaient toujours leur bruit oppressant... clic clic clic...
" TU POSSEDES UN FRAGMENT DE L'ETERNEL, ÊTRE DE CHAIR... PLUS VIEUX QUE LE TEMPS... CELA... NOUS APPARTIENT... "
Lumière Sacrée. Qu'est-ce qu'il m'avait confié ? De quelle puissance de l'ombre étais-je le détenteur ?
Mon esprit essayait tant bien que mal de réfléchir, mais c'était impossible. Clic clic clic... Toujours...
Je parlai de ma voix de commandement, hurlant sous les immenses arches de pierre sombre.
- AVEC MOI, SOLDATS, FIDELES DE LA LUMIERE SACREE, GARDIENS DES VIVANTS, HERITIERS DES MORTS ! DRESSEZ-VOUS, A L'IMAGE DE VOS ANCÊTRES ! NE FAILLISSEZ PAS ! NE RECULEZ PAS ! EN AVANT, POUR LE PRINCE !
Brandissant mon arme d'hast d'une main, reprenant mon souffle, je désignai les Nérubiens devant nous.
Puis je donnai l'ordre.
- CHARGEZ !
Nous nous élançâmes, telle la vague qui vient se briser contre les rochers de la côte.
Une vague de lumière. Celle-là ne pouvait être brisée, et balaierait tout sur son passage.
" VENEZ A MOI... VENEZ ! L'ANCIEN ROYAUME VOUS ATTEND ! "
Ce fut la dernière fois que j'entendai la voix. Mes hommes et moi, épuisés, meurtris, venions d'enfoncer les lignes nérubiennes et de provoquer une immense mêlée.
Peu importait la décision que j'aurai pu prendre. Le dénouement était toujours le même... Combattre pour survivre, ou mourir en essayant.
Nous nous battions avec ardeur, tels des lions acculés, mais les Nérubiens, s'ils n'étaient pas de formidables combattants, étaient innombrables. Peu à peu, je fus séparé de mes compagnons, du moins de ceux que qui étaient encore en vie.
Seul. J'étais seul. La Lumière n'avait aucun pouvoir sur eux. J'avais beau lancer tout ce que je pouvais sur eux, ils ne tressaillaient pas. Mon esprit était plus qu'embrouillé. Tout était mélangé. La larme, les Nérubiens, mes compagnons, Arthas... J'entendais même la voix en écho, dans mon esprit, refusant de s'effacer.
Je pris la seule décision sensée dont j'étais encore capable. Je m'enfuis.
Seul, je courrai, mon chemin seulement éclairé par la faible lueur émise par la lame de ma lance, ainsi que par la douce lumière ambrée qu'émettaient les runes inscrites sur le manche lorsque je l'empoignai. C'était insuffisant, mais mieux que rien, aussi courrais-je aussi vite que me portaient mes jambes déjà bien éprouvées, totalement désorienté. Lumière Sacrée, peu m'importait où j'allais. Mais je devais sortir d'ici. Les autres, tous, le monde devait savoir.
Elle était dangereuse.
Je ne me souviens pas bien du reste. Une longue course, effrenée, poursuivi par les cliquetis, incessants, oppressants. Clic clic clic. Toujours présents.
Puis la lumière vient. Lorsqu'elle apparut, je me dirigeai vers elle. L'aurore. La sortie.
Je tombai alors, inconscient, devant l'une des entrées de l'Ancien Royaume. Peut-être d'autres s'en étaient-ils sortis. Je priai la Lumière pour que cela soit.
Mais pour l'instant, j'avais sommeil. Si sommeil...
Je me réveillai dans un lit. Un peu désorienté, je mis quelques temps à reprendre mes esprits... Un lit, dans la toundra du Nord ? Non. J'étais dans un bâtiment. Une pièce confortable, plutôt grande, avec une cheminée dans laquelle brûlait un feu à l'opposé, des peaux de bêtes servant de tapis, et, accrochés aux murs, plusieurs tableaux, magnifiques, représentant différents paysages de cet continent rude, mais si beau dans sa rudesse.
Peu à peu, autour de moi, le monde cessa de tourbillonner. Par la Lumière, combien de temps s'était-il écoulé depuis la dernière fois que mon rzgard s'était posé sur le monde ? Ttop longtemps, sûrement. Je devais prévenir. Je devais...
Des voix se firent peu à peu entendre, d'abord des bredouillements, informes, qui devinrent par la suite des mots distincts.
- ,,, stez à la porte, sergent. Une amélioration ?
- Aucune, capitaine. Il dort toujours.
- Et quant à son identitié ?
- J'ai vérifié. Maître Eirlën Ambrelame, de la Main d'Argent. Comme je vous l'avais dit, d'ailleurs.
- Je ne peux pas me baser sur les simples suppositions d'un soldat de première classe, même si vous êtes ce soldat, sergent.
- Je comprends, capitaine.
Un des deux hommes pénétra alors dans la chambre. IL était d'une taille moyenne, à vue d'oeil, un peu plus d'un mètre soixante-dix. Il portait une armure de mailles, mais allait tête nue ; ses cheveux roux étaient coupés courts, et son bouc, parfaitement taillé. Il parut satisfait de me voir redressé dans mon lit, les yeux ouverts, fixés sur lui.
- Seigneur Ambrelame ?
- Je ne suis pas seigneur, capitaine.
J'avais reconnu ses insignes. Après plusieurs mois passés en compagnie de l'armée, la connaissance des différents grades m'était venue naturellement. A cela venait s'ajouter ma formation à la Main d'Argent, qui, après tout, n'était qu'une branche auxiliaire des osts de l'Alliance.
- Où sommes-nous ?
- Sur la Côte Oubliée, répondit mon interlocuteur.
Il me fixait d'un regard étrange ; je n'arrivai pas à déterminer les émotions qu'il ressentait.
- C'est la Lumière qui a guidé nos pas jusqu'à vous, maître. Vous étiez sur le point de mourir de froid. Qu'est-ce que vous faisiez par là ?
C'est alors que je me souvins. Les autres. Le Prince. L'Ancien Royaume.
La voix.
Tout m'apparut, d'une clarté telle que le cristal le plus pur ne saurait l'égaler.
La larme du dieu doit retourner à l'Ancien, ainsi seulement, le cycle sera brisé.
La larme du dieu. L'ancien.
Elle était dangereuse.
- Ma section et moi avons été séparés du reste de l'armée après la victoire, nous donnions la chasse aux survivants du Fléau. Merci pour votre aide, capitaine. Je vous dois la vie.
Il s'inclina légèrement.
- Avons... Avons-nous des nouvelles du Prince Arthas ? Demandais-je fiinalement, d'une voix légèrement pincée d'anxiété. Il secoua lentement la tête.
- Il semblerait que... la victoire ait exigé comme prix... notre prince.
Mort. Arthas, mon seigneur, héritier du trône de Lordaeron, futur meneur de l'Alliance, juste, avisé...
Il était mort.
Je m'affalai dans mon lit, comme si l'on venait de me frapper au visage. Il me fallait un peu de temps pour assimiler la nouvelle.
- Je suis désolé, maître Ambrelame. Sa voix laissait deviner qu'il l'était sincèrement. Vous trouverez votre armure et votre arme à l'armurerie. Vous avez de quoi faire votre toilette dans le placard.
En effet, dans un des coins de la chambre, on avait placé un petit meuble, avec un miroir, une carafe et une bassine.
- Merci, capitaine. Je vous retrouverai ce soir, si vous le voulez bien.
- Monseigneur.
Il salua, d'un salut militaire, et quitta la pièce. Après avoir donné quelques instructions au sergent de faction, il s'éloigna définitivement.
Je restai encore dix minutes au lit avant de me lever enfin. La nouvelle fut d'autant plus dure à assimiler qu'elle venait s'ajouter à mon vécu – et aux pertes que j'avais subies – ces derniers jours.
Nous avions gagné, mais à quel prix...
Je m'avançai jusqu'au miroir. Je me tenais debout sans peine, à présent. Parfaitement conscient de mon environnement.
Cependant, ma propre vue me choqua. Mes cheveux en batailles tombaient sur mes épaules et dans mon dos ; ceci était complété par une barbe trop drue et mal taillée, qui me donnait l'air d'un guerrier de Thoradin, à l'aube des âges. Je n'aurais pas été surpris de me découvrir vêtu d'une armure grossière couverte de différents symboles tribaux.
J'y remédiai rapidement, taillant ce qui devait l'être, brosants mes cheveux avant de les attacher en mon habituelle queue-de-cheval.
Je sortis, habillé d'une bure blanche. Le sergent était parti, lui aussi. Ce n'était pas un problème. Je connaissais bien les bâtiments ; tous standardisés, si l'on peut dire.
Je descendis les escaliers menant à la cour intérieure ; apparemment, ma chambre douillette était située dans l'une des tours. Deux sentinelles, en faction en bas des escaliers, saluèrent à mon passage. Je leur rendis leur salut, avant de me diriger vers le centre du fort. En dehors du bâtiment, la base grouillait d'activité. Oui, la Côte Oubliée... je reconnaissais à peu près l'endroit, à présent. Je me souvenais d'un endroit agité, mais pas pour les mêmes raisons...
Je secouai doucement la tête. Des souvenirs. Des mauvais souvenirs.
Je pénétrai alors dans le bâtiment principal, et gravit les escaliers. Je devais m'entretenir avec le capitaine.
Deux mois.
Il m'avait fallu deux mois, deux longs et interminables mois, deux mois de tourments, pleins de rêves... De cris de douleur déchirant l'air, de l'ultime vision que j'avais eue de mes compagnons dans les entrailles du Norfendre... Deux mois... Pour retrouver une terre en ruine, ravagée par la Peste.
J'avais quitté Andorhal en flammes. Je la retrouvai en cendres.
- Passez-moi une torche.
L'un des soldats, lequel, je n'en sais rien, s'exécuta. Tison en main, je m'avançai prudemment. La pénombre reculait au fur et à mesure que j'avançai, révalant à mes yeux une paroi qui devenait peu à peu un mur lisse de pierre polie, effectivement orné d'arabesque déteriorées par le temps. La grotte devenait tunnel, qui s'enfonçait dans les entrailles de la terre.
- Avec moi, soldats ! J'ai trouvé quelque chose...
Avec une réticence presque palpable, les hommes se séparèrent à leur tour du feu, et vinrent de ranger à mes côtés.
- Prenez vos armes.
- Vous ne voulez pas dire que...
- Si. Nous allons descendre là-dedans. Prenez vos armes.
Aucun ne protesta, et ils se hâtèrent de prendre leurs armes, de façon à ne pas perdre la chaleur si précieuse accumulée si difficilement.
Doucement, prudemment, nous nous enfoncâmes dans les entrailles de la terre.
Descendre le long couloir nous pris, je crois, près d'une demie-heure... je n'étais sûr de rien en ce qui concernait le temps. Mais la descente avait été longue. Plus nous descendions, plus cette " grotte " semblait aménagée. Les parois rocheuses avaient cédé la place à des murs de pierre polie, noire.
Nous déchouâmes alors sur une salle, immense, si grande que la lueur de nos torches n'en éclairaient pas les murs, tant ils étaient éloignés. Toute la ville de Lordaeron aurait facilement pu tenir dans cette salle, ou du moins étais-ce l'impression que nous eûmes sur le moment. Nous restâmes figés de stupeur à la découverte de cet endroit si imposant et dont l'existence restait insoupçonnée.
Je me reprenai. Nous étions là dans un but bien précis.
- Rassemblez sur moi, soldats. Formation serrée. On ne sait pas ce qui peut se cacher dans les ombres, ici. En avant.
Nous nous mîmes en marche ; le bruit de nos pas résonnait longtemps, répercuté en écho par ces vastes salles. Rien ne venait perturber...
Un cliquetis.
Il se fit entendre, distinct. Immédiatement, les hommes se tournèrent vers l'extérieur, armes brandies. Mais il n'y avait rien, rien que l'obscurité constante.
- Par la Lumière... Je n'aime pas ça...
- Votre Prince compte sur vous, sergent. La Lumière nous garde. Nous avons déjà triomphé des ténèbres, nous pouvons recommencer.
Nous reprîmes notre avance, mais, cette fois, avec plus de prudence. Le bruit du cliquetis résonnait sans cesse dans mon esprit. Par la Lumière, qu'est-ce qui avait bien pu faire ça ?
Nouveau cliquetis, plus fort. Nouvel arrêt.
- Il y a quelque chose de vivant, ici, seigneur Ambrelame.
- N'êtes-vous pas déjà prêt au combat ?
- Nous le sommes, monseigneur, mais...
Le cliquetis se fit plus fort, comme s'il avait été amplifié. Il devint bourdonnement. Non... Ce n'était pas un bruit... C'était une multitude de sons.
Puis la première créature parut.
Elle était hideuse, montée sur ses quatre pattes arrières, tenant les deux de devant repliés sur son torse, comme des bras, et nous fixant de sa multitude d'yeux rouges. A la distance à laquelle elle se tenait de nous, elle nous semblait à moitié faite d'ombre.
Et elle frottait ses deux " bras ", encore et encore. Clic clic clic.
Puis un second vint. Puis un troisième.
- Lumière Sacrée... souffla un des hommes derrière moi.
- En cercle ! Formez un cercle !
Nous étions complètement encerclés par ces créatures immondes, dans cette salle gigantesque dont nous ne voyions aucune extrémité, même plus celle d'où nous étions venus, tant nous avions avancé.
Puis le tonerre gronda. Cette voix fit trembler les fondations du monde, cette voix puissante, d'un pouvoir inconnu et dont l'ampleur restait voilée à la vue de tous... depuis si longtemps...
Je le sentais...
" TU AS QUELQUE CHOSE QUI NOUS APPARTIENT... ÊTRE DE CHAIR... "
Je me raidis. Instinctivement, ma main gauche se porta à mon cou, toucha cette larme ambrée que le vieux mage m'avait remise...
Et pendant ce temps, les Nérubiens produisaient toujours leur bruit oppressant... clic clic clic...
" TU POSSEDES UN FRAGMENT DE L'ETERNEL, ÊTRE DE CHAIR... PLUS VIEUX QUE LE TEMPS... CELA... NOUS APPARTIENT... "
Lumière Sacrée. Qu'est-ce qu'il m'avait confié ? De quelle puissance de l'ombre étais-je le détenteur ?
Mon esprit essayait tant bien que mal de réfléchir, mais c'était impossible. Clic clic clic... Toujours...
Je parlai de ma voix de commandement, hurlant sous les immenses arches de pierre sombre.
- AVEC MOI, SOLDATS, FIDELES DE LA LUMIERE SACREE, GARDIENS DES VIVANTS, HERITIERS DES MORTS ! DRESSEZ-VOUS, A L'IMAGE DE VOS ANCÊTRES ! NE FAILLISSEZ PAS ! NE RECULEZ PAS ! EN AVANT, POUR LE PRINCE !
Brandissant mon arme d'hast d'une main, reprenant mon souffle, je désignai les Nérubiens devant nous.
Puis je donnai l'ordre.
- CHARGEZ !
Nous nous élançâmes, telle la vague qui vient se briser contre les rochers de la côte.
Une vague de lumière. Celle-là ne pouvait être brisée, et balaierait tout sur son passage.
" VENEZ A MOI... VENEZ ! L'ANCIEN ROYAUME VOUS ATTEND ! "
Ce fut la dernière fois que j'entendai la voix. Mes hommes et moi, épuisés, meurtris, venions d'enfoncer les lignes nérubiennes et de provoquer une immense mêlée.
Peu importait la décision que j'aurai pu prendre. Le dénouement était toujours le même... Combattre pour survivre, ou mourir en essayant.
Nous nous battions avec ardeur, tels des lions acculés, mais les Nérubiens, s'ils n'étaient pas de formidables combattants, étaient innombrables. Peu à peu, je fus séparé de mes compagnons, du moins de ceux que qui étaient encore en vie.
Seul. J'étais seul. La Lumière n'avait aucun pouvoir sur eux. J'avais beau lancer tout ce que je pouvais sur eux, ils ne tressaillaient pas. Mon esprit était plus qu'embrouillé. Tout était mélangé. La larme, les Nérubiens, mes compagnons, Arthas... J'entendais même la voix en écho, dans mon esprit, refusant de s'effacer.
Je pris la seule décision sensée dont j'étais encore capable. Je m'enfuis.
Seul, je courrai, mon chemin seulement éclairé par la faible lueur émise par la lame de ma lance, ainsi que par la douce lumière ambrée qu'émettaient les runes inscrites sur le manche lorsque je l'empoignai. C'était insuffisant, mais mieux que rien, aussi courrais-je aussi vite que me portaient mes jambes déjà bien éprouvées, totalement désorienté. Lumière Sacrée, peu m'importait où j'allais. Mais je devais sortir d'ici. Les autres, tous, le monde devait savoir.
Elle était dangereuse.
Je ne me souviens pas bien du reste. Une longue course, effrenée, poursuivi par les cliquetis, incessants, oppressants. Clic clic clic. Toujours présents.
Puis la lumière vient. Lorsqu'elle apparut, je me dirigeai vers elle. L'aurore. La sortie.
Je tombai alors, inconscient, devant l'une des entrées de l'Ancien Royaume. Peut-être d'autres s'en étaient-ils sortis. Je priai la Lumière pour que cela soit.
Mais pour l'instant, j'avais sommeil. Si sommeil...
Je me réveillai dans un lit. Un peu désorienté, je mis quelques temps à reprendre mes esprits... Un lit, dans la toundra du Nord ? Non. J'étais dans un bâtiment. Une pièce confortable, plutôt grande, avec une cheminée dans laquelle brûlait un feu à l'opposé, des peaux de bêtes servant de tapis, et, accrochés aux murs, plusieurs tableaux, magnifiques, représentant différents paysages de cet continent rude, mais si beau dans sa rudesse.
Peu à peu, autour de moi, le monde cessa de tourbillonner. Par la Lumière, combien de temps s'était-il écoulé depuis la dernière fois que mon rzgard s'était posé sur le monde ? Ttop longtemps, sûrement. Je devais prévenir. Je devais...
Des voix se firent peu à peu entendre, d'abord des bredouillements, informes, qui devinrent par la suite des mots distincts.
- ,,, stez à la porte, sergent. Une amélioration ?
- Aucune, capitaine. Il dort toujours.
- Et quant à son identitié ?
- J'ai vérifié. Maître Eirlën Ambrelame, de la Main d'Argent. Comme je vous l'avais dit, d'ailleurs.
- Je ne peux pas me baser sur les simples suppositions d'un soldat de première classe, même si vous êtes ce soldat, sergent.
- Je comprends, capitaine.
Un des deux hommes pénétra alors dans la chambre. IL était d'une taille moyenne, à vue d'oeil, un peu plus d'un mètre soixante-dix. Il portait une armure de mailles, mais allait tête nue ; ses cheveux roux étaient coupés courts, et son bouc, parfaitement taillé. Il parut satisfait de me voir redressé dans mon lit, les yeux ouverts, fixés sur lui.
- Seigneur Ambrelame ?
- Je ne suis pas seigneur, capitaine.
J'avais reconnu ses insignes. Après plusieurs mois passés en compagnie de l'armée, la connaissance des différents grades m'était venue naturellement. A cela venait s'ajouter ma formation à la Main d'Argent, qui, après tout, n'était qu'une branche auxiliaire des osts de l'Alliance.
- Où sommes-nous ?
- Sur la Côte Oubliée, répondit mon interlocuteur.
Il me fixait d'un regard étrange ; je n'arrivai pas à déterminer les émotions qu'il ressentait.
- C'est la Lumière qui a guidé nos pas jusqu'à vous, maître. Vous étiez sur le point de mourir de froid. Qu'est-ce que vous faisiez par là ?
C'est alors que je me souvins. Les autres. Le Prince. L'Ancien Royaume.
La voix.
Tout m'apparut, d'une clarté telle que le cristal le plus pur ne saurait l'égaler.
La larme du dieu doit retourner à l'Ancien, ainsi seulement, le cycle sera brisé.
La larme du dieu. L'ancien.
Elle était dangereuse.
- Ma section et moi avons été séparés du reste de l'armée après la victoire, nous donnions la chasse aux survivants du Fléau. Merci pour votre aide, capitaine. Je vous dois la vie.
Il s'inclina légèrement.
- Avons... Avons-nous des nouvelles du Prince Arthas ? Demandais-je fiinalement, d'une voix légèrement pincée d'anxiété. Il secoua lentement la tête.
- Il semblerait que... la victoire ait exigé comme prix... notre prince.
Mort. Arthas, mon seigneur, héritier du trône de Lordaeron, futur meneur de l'Alliance, juste, avisé...
Il était mort.
Je m'affalai dans mon lit, comme si l'on venait de me frapper au visage. Il me fallait un peu de temps pour assimiler la nouvelle.
- Je suis désolé, maître Ambrelame. Sa voix laissait deviner qu'il l'était sincèrement. Vous trouverez votre armure et votre arme à l'armurerie. Vous avez de quoi faire votre toilette dans le placard.
En effet, dans un des coins de la chambre, on avait placé un petit meuble, avec un miroir, une carafe et une bassine.
- Merci, capitaine. Je vous retrouverai ce soir, si vous le voulez bien.
- Monseigneur.
Il salua, d'un salut militaire, et quitta la pièce. Après avoir donné quelques instructions au sergent de faction, il s'éloigna définitivement.
Je restai encore dix minutes au lit avant de me lever enfin. La nouvelle fut d'autant plus dure à assimiler qu'elle venait s'ajouter à mon vécu – et aux pertes que j'avais subies – ces derniers jours.
Nous avions gagné, mais à quel prix...
Je m'avançai jusqu'au miroir. Je me tenais debout sans peine, à présent. Parfaitement conscient de mon environnement.
Cependant, ma propre vue me choqua. Mes cheveux en batailles tombaient sur mes épaules et dans mon dos ; ceci était complété par une barbe trop drue et mal taillée, qui me donnait l'air d'un guerrier de Thoradin, à l'aube des âges. Je n'aurais pas été surpris de me découvrir vêtu d'une armure grossière couverte de différents symboles tribaux.
J'y remédiai rapidement, taillant ce qui devait l'être, brosants mes cheveux avant de les attacher en mon habituelle queue-de-cheval.
Je sortis, habillé d'une bure blanche. Le sergent était parti, lui aussi. Ce n'était pas un problème. Je connaissais bien les bâtiments ; tous standardisés, si l'on peut dire.
Je descendis les escaliers menant à la cour intérieure ; apparemment, ma chambre douillette était située dans l'une des tours. Deux sentinelles, en faction en bas des escaliers, saluèrent à mon passage. Je leur rendis leur salut, avant de me diriger vers le centre du fort. En dehors du bâtiment, la base grouillait d'activité. Oui, la Côte Oubliée... je reconnaissais à peu près l'endroit, à présent. Je me souvenais d'un endroit agité, mais pas pour les mêmes raisons...
Je secouai doucement la tête. Des souvenirs. Des mauvais souvenirs.
Je pénétrai alors dans le bâtiment principal, et gravit les escaliers. Je devais m'entretenir avec le capitaine.
Deux mois.
Il m'avait fallu deux mois, deux longs et interminables mois, deux mois de tourments, pleins de rêves... De cris de douleur déchirant l'air, de l'ultime vision que j'avais eue de mes compagnons dans les entrailles du Norfendre... Deux mois... Pour retrouver une terre en ruine, ravagée par la Peste.
J'avais quitté Andorhal en flammes. Je la retrouvai en cendres.
Dernière édition par Eirlën Ambrelame le Ven 30 Avr 2010, 00:03, édité 1 fois
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
C'était un souvenir... étrange. La ville calcinée était calme, je me souvenais de cris et de râles. Une légère brise soulevait une fine pellicule de poussière, je me remémorais des flammes léchant les murs de la cité à jamais condamnée à l'oubli.
Andorhal.
Et soudain, un brasier, un gigantesque brasier.
Tout autour de moi, les antiques bâtisses de la ville brûlaient. L'air, lourd, des étincelles, partout, saturant l'air. Suffoquer. Le crépitement, fort, si fort. Oppressant...
Le silence, à nouveau. Andorhal...
Je pris une grande inspiration.
- JE SUIS VENU CHERCHER DES REPONSES !
Rien. Aucune réaction. Rien ne bougea. Je soupirai longuement, et me retournai... lorsque je me figeai.
Quelque chose bougeait. Le vent se mit à souffler, plus fort, soulevant des cendres de terre. Les cendres commencèrent à tourbillonner dans l'air.
- Tu es venu chercher des réponses, paladin, mais es-tu sûr de poser les bonnes questions ?
Lorsque sa voix glaciale se répercuta en écho dans les ruines, la Liche parut, hâlée de son aura dont la froideur était perceptible pour quiconque se trouvait assez proche d'elle.
- Dans la folie de ma vie, je t'ai offert le pouvoir, complet, ultime, absolu. Mais heureusement, je savais que tu reviendrais, paladin. Je savais que tu retrouverais Andorhal, et ce jour-là, ce jour que j'ai tant attendu, j'arracherai à tes doigts raidis dans la mort l'instrument de mon ascension !
Dans l'air saturé de poussière, lentement, les braves d'Andorhal se relevèrent, émergeant de la mort, et se redressèrent, leurs chairs depuis longtemps rongées par le vent et les vers, leurs orbites vides me fixant avec une intensité insoupçonnée.
- Celui que tu as connu agonisant dans cette cité en ruines n'est plus, paladin. Je suis revenu, régénéré, plus puissant que ce que j'aurais pu imaginer, et mon pouvoir n'a aucune limite, pas même les frontières des réalités de ce monde ! Ceux que je sais qui se dresseront, je les balaierai, et je disperserai leurs restes ! Je suis Araj l'Invocateur !
- Je suis venu ici chercher des réponses, monstruosité. Ce bijou, que tu m'as confié. Cette prophétie, que tu m'as contée. Qu'étaient-ils ?
- Ce bijou... Pauvre mortel, tu n'as aucun sens de la considération, comme tous ceux de ta race ( il prononça le mort avec mépris ). Ce que tu oses appeler un bijou renferme un pouvoir insoupçonné. Ce pouvoir est plus vieux que le monde, et à n'importe quel instant, il peut le détruire, et il le fera, lorsque le silence ne sera plus. Mais ce pouvoir est mien ! Il est à moi ! A MOI !
Les squelettes s'étaient fait plus nombreux, pendant notre échange. Ils venaient des autres extrémités de la ville, je pense. Je me retournai : entre moi et le pont, une véritable armée se dressait à présent.
J'avais déjà réchappé à pire. A un prix que je n'étais peut-être pas prêt à payer, mais j'en avais réchappé. C'est alors que ma propre voix résonna dans mon esprit, claire et distincte.
Elle est dangereuse.
Je me décidai dans la seconde, et, levant mon arme, me précipitai dans la masse grouillante de squelettes. Comme pour chaque combat, le temps autour de mes ennemis sembla s'arrêter, l'univers cesser d'exister. De mes ennemis, et du pont.
Le pont le pont le pont le pont le pont.
Je heurtai le premier mort-vivant, fracassant le fragile squelette d'un coup d'épaule. Je fauchai le trio devant moi d'un coup de taille de mon arme d'hast.
Le pont.
Derrière moi, des griffes commencèrent à labourer mon armure. Je dégageai mon adversaire, sa force étant négligeable, et reprenait mon avancée. Un pas, un coup, un pas, un coup.
Le pont.
Ils se décidèrent à ne pas me laisser passer, selon les ordres hurlés par la Liche furieuse. Mais il faudrait plus que des décérébrés pour arrêter Eirlën Ambrelame. Passes d'armes enchaînant les passes d'armes. Un coup, un pas, deux coups, trois coups, un pas. Et enfin, je courus.
Le pont !
Je m'engageai sur l'édifice de pierre encore debout et le traversait. Derrière moi, les squelettes, lents, s'activaient en désordre. Araj braillait toujours.
- LA LARME DU DIEU M'APPARTIENT !
Je le laissais à son délire. J'avais appris ce que je voulais savoir.
Elle est dangereuse.
Andorhal.
Et soudain, un brasier, un gigantesque brasier.
Tout autour de moi, les antiques bâtisses de la ville brûlaient. L'air, lourd, des étincelles, partout, saturant l'air. Suffoquer. Le crépitement, fort, si fort. Oppressant...
Le silence, à nouveau. Andorhal...
Je pris une grande inspiration.
- JE SUIS VENU CHERCHER DES REPONSES !
Rien. Aucune réaction. Rien ne bougea. Je soupirai longuement, et me retournai... lorsque je me figeai.
Quelque chose bougeait. Le vent se mit à souffler, plus fort, soulevant des cendres de terre. Les cendres commencèrent à tourbillonner dans l'air.
- Tu es venu chercher des réponses, paladin, mais es-tu sûr de poser les bonnes questions ?
Lorsque sa voix glaciale se répercuta en écho dans les ruines, la Liche parut, hâlée de son aura dont la froideur était perceptible pour quiconque se trouvait assez proche d'elle.
- Dans la folie de ma vie, je t'ai offert le pouvoir, complet, ultime, absolu. Mais heureusement, je savais que tu reviendrais, paladin. Je savais que tu retrouverais Andorhal, et ce jour-là, ce jour que j'ai tant attendu, j'arracherai à tes doigts raidis dans la mort l'instrument de mon ascension !
Dans l'air saturé de poussière, lentement, les braves d'Andorhal se relevèrent, émergeant de la mort, et se redressèrent, leurs chairs depuis longtemps rongées par le vent et les vers, leurs orbites vides me fixant avec une intensité insoupçonnée.
- Celui que tu as connu agonisant dans cette cité en ruines n'est plus, paladin. Je suis revenu, régénéré, plus puissant que ce que j'aurais pu imaginer, et mon pouvoir n'a aucune limite, pas même les frontières des réalités de ce monde ! Ceux que je sais qui se dresseront, je les balaierai, et je disperserai leurs restes ! Je suis Araj l'Invocateur !
- Je suis venu ici chercher des réponses, monstruosité. Ce bijou, que tu m'as confié. Cette prophétie, que tu m'as contée. Qu'étaient-ils ?
- Ce bijou... Pauvre mortel, tu n'as aucun sens de la considération, comme tous ceux de ta race ( il prononça le mort avec mépris ). Ce que tu oses appeler un bijou renferme un pouvoir insoupçonné. Ce pouvoir est plus vieux que le monde, et à n'importe quel instant, il peut le détruire, et il le fera, lorsque le silence ne sera plus. Mais ce pouvoir est mien ! Il est à moi ! A MOI !
Les squelettes s'étaient fait plus nombreux, pendant notre échange. Ils venaient des autres extrémités de la ville, je pense. Je me retournai : entre moi et le pont, une véritable armée se dressait à présent.
J'avais déjà réchappé à pire. A un prix que je n'étais peut-être pas prêt à payer, mais j'en avais réchappé. C'est alors que ma propre voix résonna dans mon esprit, claire et distincte.
Elle est dangereuse.
Je me décidai dans la seconde, et, levant mon arme, me précipitai dans la masse grouillante de squelettes. Comme pour chaque combat, le temps autour de mes ennemis sembla s'arrêter, l'univers cesser d'exister. De mes ennemis, et du pont.
Le pont le pont le pont le pont le pont.
Je heurtai le premier mort-vivant, fracassant le fragile squelette d'un coup d'épaule. Je fauchai le trio devant moi d'un coup de taille de mon arme d'hast.
Le pont.
Derrière moi, des griffes commencèrent à labourer mon armure. Je dégageai mon adversaire, sa force étant négligeable, et reprenait mon avancée. Un pas, un coup, un pas, un coup.
Le pont.
Ils se décidèrent à ne pas me laisser passer, selon les ordres hurlés par la Liche furieuse. Mais il faudrait plus que des décérébrés pour arrêter Eirlën Ambrelame. Passes d'armes enchaînant les passes d'armes. Un coup, un pas, deux coups, trois coups, un pas. Et enfin, je courus.
Le pont !
Je m'engageai sur l'édifice de pierre encore debout et le traversait. Derrière moi, les squelettes, lents, s'activaient en désordre. Araj braillait toujours.
- LA LARME DU DIEU M'APPARTIENT !
Je le laissais à son délire. J'avais appris ce que je voulais savoir.
Elle est dangereuse.
Aerelan Theredras
Re: Eirlën Ambrelame, l'Apôtre d'Argent
[Un an et six mois auparavant]
Le scribe poussa un soupir de soulagement plus que sincère en posant les lourds registres sur la table, à côté de son écriteau. Son pauvre dos lui faisait souffrir le martyr, à force d'avoir eu à supporter le poids insoupçonné de ces vieux bouquins, sans compter le temps qu'il avait passé penché ou sur un escabeau à les chercher dans les archives. Ha, les archives, et leur mise à jour mensuelle ! Jamais il n'aurait soupçonné que devenir clerc impliquerait une telle peine. Oh, il s'attendait à des difficultés et à des défis... Mais sûrement pas à jouer aux dés lequel des quatre membres de l'équipe des scribes des archives aurait à se coltiner une tâche aussi rébarbative ! Et encore moins à perdre, d'ailleurs.
Enfin, la vie était ainsi faite, et au moins avait-il déjà remonté les grimoires, tenta-t-il de se consoler, sans succès. Avec un nouveau soupir, il alluma les différentes bougies qui étaient encore éteintes, notamment près de l'écritoire, et s'installa en face de ce dernier, sur son tabouret ( ce qui n'allait pas arranger son dos ). Il prit d'un des ouvrages, empilés sur la petite table à sa gauche, et le posa face à lui, ouvert à la page adéquate. Il allait maintenant, et ce pendant deux jours, vérifier le statut des effectifs, et rayer les noms des morts, qu'il avait sur une liste qui lui était parvenue de l'état-major. Il commença à lire...
...
Les listes n'étaient pas classées par ordre alphabétique. Pas plus qu'elles n'étaient classées, d'ailleurs.
Une soudaine envie d'enfoncer sa plume dans son oeil et d'en finir ici et maintenant s'empara de lui, ainsi qu'un amer goût dans la bouche... Il comprenait mieux la partie de dés et les rires de ses petits camarades. Et dire qu'il avait hésité à tricher, hésitation que les autres n'avaient sûrement pas éprouvée... Imbécile...
Quoi qu'il en soit, le scribe soupira à nouveau ( en pressentant que ce soupir ne serait que le 1er d'une interminable série ), et entreprit de se mettre à l'ouvrage.
Eirlën Ambrelame, affectation par défaut : Armée de l'Alliance, statut : Inconnu...
Encore un héros dont il faudrait se souvenir. Le scribe raya le nom, le premier d'une longue liste.
[Actuellement]
Du défilé menant aux Hinterlands émergea, un jour, dans le milieu de la matinée, un cavalier, engoncé dans une lourde armure de plates, qui semblait plus que mal à l'aise à l'intérieur de ce vêtement ; il gesticulait et gigotait sans cesse, pour tenter de parer à cet inconfort. Sans succès. " Les vieilles habitudes ont la peau dure ", tu parles... Il avait prévu d'atteindre les Contreforts peu après l'aube, et il devait être aux alentours de dix heures du matin. Il avait perdu l'habitude de porter son armure au profit d'une simple toge... C'était à peine si il tenait sa lance par le bon bout, et il était manifestement mal installé sur son cheval. Non, c'était encore un proverbe débile. Décidément...
Enfin, il y était, enfin. De retour à la main... Malgré son envie, il se retint de porter la main à son cou, de peur de casser le fragile pendentif dont il était le gardien depuis si longtemps.
L'espace d'un instant, il fit s'arrêter sa monture, afin de contempler ce qu'il avait connu il y avait si longtemps. Au loin émergeaient de l'horizon les ruines du donjon de Durnholde. Et au delà...
Au delà, tout. Ou peut-être rien...
Un an et demi... Le temps qu'il avait passé officiant comme prêtre dans le petit village de Hillshire, dans les Hinterlands. Village qu'il s'était décidé à quitter. Le danger pesant sur lui et son fardeau s'était sûrement amoindri. Le danger pesant sur le monde entier s'était amoindri.
Peut-être l'écouterait-on, à présent ? Prudence.
D'un petit coup de talon dans le flanc de son cheval, Eirlën Ambrelame reprit le chemin de la civilisation.
Le scribe poussa un soupir de soulagement plus que sincère en posant les lourds registres sur la table, à côté de son écriteau. Son pauvre dos lui faisait souffrir le martyr, à force d'avoir eu à supporter le poids insoupçonné de ces vieux bouquins, sans compter le temps qu'il avait passé penché ou sur un escabeau à les chercher dans les archives. Ha, les archives, et leur mise à jour mensuelle ! Jamais il n'aurait soupçonné que devenir clerc impliquerait une telle peine. Oh, il s'attendait à des difficultés et à des défis... Mais sûrement pas à jouer aux dés lequel des quatre membres de l'équipe des scribes des archives aurait à se coltiner une tâche aussi rébarbative ! Et encore moins à perdre, d'ailleurs.
Enfin, la vie était ainsi faite, et au moins avait-il déjà remonté les grimoires, tenta-t-il de se consoler, sans succès. Avec un nouveau soupir, il alluma les différentes bougies qui étaient encore éteintes, notamment près de l'écritoire, et s'installa en face de ce dernier, sur son tabouret ( ce qui n'allait pas arranger son dos ). Il prit d'un des ouvrages, empilés sur la petite table à sa gauche, et le posa face à lui, ouvert à la page adéquate. Il allait maintenant, et ce pendant deux jours, vérifier le statut des effectifs, et rayer les noms des morts, qu'il avait sur une liste qui lui était parvenue de l'état-major. Il commença à lire...
...
Les listes n'étaient pas classées par ordre alphabétique. Pas plus qu'elles n'étaient classées, d'ailleurs.
Une soudaine envie d'enfoncer sa plume dans son oeil et d'en finir ici et maintenant s'empara de lui, ainsi qu'un amer goût dans la bouche... Il comprenait mieux la partie de dés et les rires de ses petits camarades. Et dire qu'il avait hésité à tricher, hésitation que les autres n'avaient sûrement pas éprouvée... Imbécile...
Quoi qu'il en soit, le scribe soupira à nouveau ( en pressentant que ce soupir ne serait que le 1er d'une interminable série ), et entreprit de se mettre à l'ouvrage.
Eirlën Ambrelame, affectation par défaut : Armée de l'Alliance, statut : Inconnu...
Encore un héros dont il faudrait se souvenir. Le scribe raya le nom, le premier d'une longue liste.
[Actuellement]
Du défilé menant aux Hinterlands émergea, un jour, dans le milieu de la matinée, un cavalier, engoncé dans une lourde armure de plates, qui semblait plus que mal à l'aise à l'intérieur de ce vêtement ; il gesticulait et gigotait sans cesse, pour tenter de parer à cet inconfort. Sans succès. " Les vieilles habitudes ont la peau dure ", tu parles... Il avait prévu d'atteindre les Contreforts peu après l'aube, et il devait être aux alentours de dix heures du matin. Il avait perdu l'habitude de porter son armure au profit d'une simple toge... C'était à peine si il tenait sa lance par le bon bout, et il était manifestement mal installé sur son cheval. Non, c'était encore un proverbe débile. Décidément...
Enfin, il y était, enfin. De retour à la main... Malgré son envie, il se retint de porter la main à son cou, de peur de casser le fragile pendentif dont il était le gardien depuis si longtemps.
L'espace d'un instant, il fit s'arrêter sa monture, afin de contempler ce qu'il avait connu il y avait si longtemps. Au loin émergeaient de l'horizon les ruines du donjon de Durnholde. Et au delà...
Au delà, tout. Ou peut-être rien...
Un an et demi... Le temps qu'il avait passé officiant comme prêtre dans le petit village de Hillshire, dans les Hinterlands. Village qu'il s'était décidé à quitter. Le danger pesant sur lui et son fardeau s'était sûrement amoindri. Le danger pesant sur le monde entier s'était amoindri.
Peut-être l'écouterait-on, à présent ? Prudence.
D'un petit coup de talon dans le flanc de son cheval, Eirlën Ambrelame reprit le chemin de la civilisation.
Aerelan Theredras
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