Les festins d'une goule.
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Les festins d'une goule.
[Hrp] Pour des raisons pratiques, j'ai décidé de regrouper tous mes textes en un sujet. Ainsi, il sera plus facile de consulter les histoires dans l'ordre et ça évitera d'encombrer le forum [/Hrp]
Festin numéro un: Mort d'un escroc, naissance d'un vorace.
« Pendez-le ! »
La populace du coin est tellement bête. Pensent-ils vraiment pouvoir me faire condamner ? C’est d’un ridicule! Après tout, regardez-les: une bande de rustauds puants le bouc, sales, mal habillés, vociférant en tout sens. Et maintenant regardez-moi : je suis l’élégance incarnée, le gentilhomme parfait. Rasé, parfumé, les cheveux bien coiffés, vêtu d’un complet fait par l’un des plus grands couturiers de tout Lordaeron, aussi calme que les pierres. Ce lourdaud qui leur sert de juge ne pourra que s’y tromper : un homme tel que moi ne peut être assez indigne pour s’abaisser à tricher aux cartes. Mon habillement ne permet pas d’erreurs : je dois être plein aux as !
Plein aux as… Héhé, elle est bien bonne celle-là. Il faudra que je la ressorte. Mais je manque à tous mes devoirs cher ami. Permettez-moi de me présenter.
Je me nomme Eric Branagh. Ma famille est morte quand j’avais une quinzaine d’années. Point. Inutile d’essayer d’en savoir plus. Oh, oui, j’oubliais. Au cas où vous seriez un peu trop mou du ciboulot, je suis un faussaire et un tricheur. Que voulez-vous, tout le monde à ses défauts. Depuis un peu plus de dix ans, je vis de fieffés filouteries et d’audacieuses escroqueries.
Et là, comme vous le voyez, des idiots m’ont traîné à une mascarade qu’ils appellent procès. Enfin traîné, c’est un bien grand mot. Ils ont attendu devant la porte de l’auberge pendant que je mangeais du bon pain bien chaud faite avec une farine d’Andorhal tellement délicieuse que ces bouseux ne peuvent même pas en imaginer le goût. Un véritable régal, je vous l’assure !
Tiens, on dirait que la motte de saindoux -l e juge, excusez mon erreur - va parler. Admirez son effort héroïque. Ce n’est pas moins de trois mentons que cette masse improbable de graisse doit soulever pour ouvrir sa bouche.
« Accusé Eric Naragh …
-Eric Branagh Votre Honneur.
-C’est cela, Eric Branagh… Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? »
Et maintenant, que le spectacle commence ! Admirez la mise en scène du maître ! La clé du succès, comme aux cartes, c’est de ne pas paraître angoissé. Avec une décontraction presque insolente, je sors une pomme de ma poche et j’en croque un bon morceau avant de commencer mon discours.
« Votre Honneur, si vous me le permettez, je vais être bref. Les choses sont claires. Ces messieurs (petit signe de tête aux paysans qui commencent à s’énerver) m’accusent d’avoir enfreint les règles sacrées des cartes. Si vous me le permettez Votre Grâce, tout ceci n’est que pure calomnie. Je comprends que ma chance puisse paraître incroyable mais c’est pourtant la vérité ! Je suis tout simplement né sous une bonne étoile. Tout petit déjà… »
Et bla bla bla. Ces bouseux se font toujours avoir par une jolie histoire. Quoi de mieux que celle que je répète depuis plus de dix ans ? Les situations improbables se résolvent de façon quasi-miraculeuse. J’apparais tel un authentique héros de ma propre vie. Je suis l’homme qui ne perd jamais, marqué par les épreuves de la vie et de la mort, mais dont la bonne fortune le sauve toujours. Enfin, je termine mon stupide petit récit.
« Messieurs, qu’avez-vous à répliquer à ceci ? Il me semble évident que nous avons affaire à un authentique gentilhomme. Le laisser plus longtemps dans une telle situation serait un véritable outrage. »
Et voilà, qu’est ce que je vous disais ? C’est tellement facile ! Je croque dans ma pomme. Fin de l’histoire, je suis libre.
« Et votre femme m’sieur ? »
…
Enfer.
« Quoi ma femme ? »
Quel est le bouseux qui a pu deviner ma liaison avec elle ? Et puis ce gros porc ne méritait pas une si jolie fille de toute façon ! N’empêche que si le péquenaud balance toute l’histoire… Je suis mal.
Mais c’est qu’il raconte tout ! Vas-tu te taire ? VAS-TU TE TAIRE ?
Le juge le croit. Je suis fichu. Je n’arrive pas à y croire. Ca ne peut pas m’arriver à moi. Je suis invincible. Je monte l’échafaud. Ca ne peut être qu’un mauvais rêve. Le juge lui-même passe le nœud coulant autour de mon cou avec une joie malsaine tout en jetant un regard haineux à sa femme, gardée par deux paysans rieurs. Bande de porcs. Arrêtez de vous moquer de moi ! Comment des paysans comme vous peuvent-ils espérer triompher de moi ? Je suis Eric Branagh, le meilleur escroc de tout Lordaeron ! Je…
Ils ouvrent la trappe sous mes pieds. Je commence à danser en rond sous les cris de joie de la foule. Je… ne veux pas… mourir…
J’ai froid. J’ai faim… J’ai faim surtout.
«Hep, t’es qui toi ? »
J’ouvre les yeux. Un homme en armure sombre à la lame étrangement sculptée se tient en face de moi.
« Bhra… Bhrag. J’ai… faim.
-Et ben t’as d’la chance mon gars. Les écarlates d’en face doivent être tués pour la plus grande gloire du Roi-Liche. Va ! Tue –les ! »
Je cours. Ma bouche s’ouvre démesurément tandis que la faim devient de plus en plus intense. Je hurle.
« MANGEEEEEEER! »
Festin numéro un: Mort d'un escroc, naissance d'un vorace.
« Pendez-le ! »
La populace du coin est tellement bête. Pensent-ils vraiment pouvoir me faire condamner ? C’est d’un ridicule! Après tout, regardez-les: une bande de rustauds puants le bouc, sales, mal habillés, vociférant en tout sens. Et maintenant regardez-moi : je suis l’élégance incarnée, le gentilhomme parfait. Rasé, parfumé, les cheveux bien coiffés, vêtu d’un complet fait par l’un des plus grands couturiers de tout Lordaeron, aussi calme que les pierres. Ce lourdaud qui leur sert de juge ne pourra que s’y tromper : un homme tel que moi ne peut être assez indigne pour s’abaisser à tricher aux cartes. Mon habillement ne permet pas d’erreurs : je dois être plein aux as !
Plein aux as… Héhé, elle est bien bonne celle-là. Il faudra que je la ressorte. Mais je manque à tous mes devoirs cher ami. Permettez-moi de me présenter.
Je me nomme Eric Branagh. Ma famille est morte quand j’avais une quinzaine d’années. Point. Inutile d’essayer d’en savoir plus. Oh, oui, j’oubliais. Au cas où vous seriez un peu trop mou du ciboulot, je suis un faussaire et un tricheur. Que voulez-vous, tout le monde à ses défauts. Depuis un peu plus de dix ans, je vis de fieffés filouteries et d’audacieuses escroqueries.
Et là, comme vous le voyez, des idiots m’ont traîné à une mascarade qu’ils appellent procès. Enfin traîné, c’est un bien grand mot. Ils ont attendu devant la porte de l’auberge pendant que je mangeais du bon pain bien chaud faite avec une farine d’Andorhal tellement délicieuse que ces bouseux ne peuvent même pas en imaginer le goût. Un véritable régal, je vous l’assure !
Tiens, on dirait que la motte de saindoux -l e juge, excusez mon erreur - va parler. Admirez son effort héroïque. Ce n’est pas moins de trois mentons que cette masse improbable de graisse doit soulever pour ouvrir sa bouche.
« Accusé Eric Naragh …
-Eric Branagh Votre Honneur.
-C’est cela, Eric Branagh… Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? »
Et maintenant, que le spectacle commence ! Admirez la mise en scène du maître ! La clé du succès, comme aux cartes, c’est de ne pas paraître angoissé. Avec une décontraction presque insolente, je sors une pomme de ma poche et j’en croque un bon morceau avant de commencer mon discours.
« Votre Honneur, si vous me le permettez, je vais être bref. Les choses sont claires. Ces messieurs (petit signe de tête aux paysans qui commencent à s’énerver) m’accusent d’avoir enfreint les règles sacrées des cartes. Si vous me le permettez Votre Grâce, tout ceci n’est que pure calomnie. Je comprends que ma chance puisse paraître incroyable mais c’est pourtant la vérité ! Je suis tout simplement né sous une bonne étoile. Tout petit déjà… »
Et bla bla bla. Ces bouseux se font toujours avoir par une jolie histoire. Quoi de mieux que celle que je répète depuis plus de dix ans ? Les situations improbables se résolvent de façon quasi-miraculeuse. J’apparais tel un authentique héros de ma propre vie. Je suis l’homme qui ne perd jamais, marqué par les épreuves de la vie et de la mort, mais dont la bonne fortune le sauve toujours. Enfin, je termine mon stupide petit récit.
« Messieurs, qu’avez-vous à répliquer à ceci ? Il me semble évident que nous avons affaire à un authentique gentilhomme. Le laisser plus longtemps dans une telle situation serait un véritable outrage. »
Et voilà, qu’est ce que je vous disais ? C’est tellement facile ! Je croque dans ma pomme. Fin de l’histoire, je suis libre.
« Et votre femme m’sieur ? »
…
Enfer.
« Quoi ma femme ? »
Quel est le bouseux qui a pu deviner ma liaison avec elle ? Et puis ce gros porc ne méritait pas une si jolie fille de toute façon ! N’empêche que si le péquenaud balance toute l’histoire… Je suis mal.
Mais c’est qu’il raconte tout ! Vas-tu te taire ? VAS-TU TE TAIRE ?
Le juge le croit. Je suis fichu. Je n’arrive pas à y croire. Ca ne peut pas m’arriver à moi. Je suis invincible. Je monte l’échafaud. Ca ne peut être qu’un mauvais rêve. Le juge lui-même passe le nœud coulant autour de mon cou avec une joie malsaine tout en jetant un regard haineux à sa femme, gardée par deux paysans rieurs. Bande de porcs. Arrêtez de vous moquer de moi ! Comment des paysans comme vous peuvent-ils espérer triompher de moi ? Je suis Eric Branagh, le meilleur escroc de tout Lordaeron ! Je…
Ils ouvrent la trappe sous mes pieds. Je commence à danser en rond sous les cris de joie de la foule. Je… ne veux pas… mourir…
J’ai froid. J’ai faim… J’ai faim surtout.
«Hep, t’es qui toi ? »
J’ouvre les yeux. Un homme en armure sombre à la lame étrangement sculptée se tient en face de moi.
« Bhra… Bhrag. J’ai… faim.
-Et ben t’as d’la chance mon gars. Les écarlates d’en face doivent être tués pour la plus grande gloire du Roi-Liche. Va ! Tue –les ! »
Je cours. Ma bouche s’ouvre démesurément tandis que la faim devient de plus en plus intense. Je hurle.
« MANGEEEEEEER! »
Dernière édition par Bhrag le Sam 19 Sep 2009, 20:06, édité 2 fois
Bhrag
Re: Les festins d'une goule.
Festin numéro deux : Le seigneur des goules.
C’était un très bon jour pour le Prince Keleseth. L’assaut sur la Nouvelle-Avalon se déroulait conformément à ses plans. Bientôt, la ville flamboierait en un brasier ardent qui teinterait le ciel de sang. Bientôt, les armées du Roi-Liche déferleraient sur… Pestesang, qu’est ce que c’était ça ?
C’était un très mauvais jour pour le croisé écarlate Jean-Edgar de la Jolie-Rose-rouge-purificatrice. Enfin bon, il ne pouvait pas vraiment s’en rendre compte vu qu’il était en train de se faire dévorer par une bande de goules. Quand même, quelle ironie du sort. Lui qui se prétendait un expert dans le maniement de l’épée longue s’était fait tuer par un mort-vivant bavant en train d’agiter une fourche en hurlant « MANGEEEEEEER ! ». Il avait à peine eu le temps de se mettre en garde que l’immonde chose avait lâché son arme et s’était jeté à son visage et lui avait arraché la trachée. C’est sûr qu’après il avait été un peu moins attentif, mais de là à se faire dévorer par PLUSIEURS goules, ce n’était vraiment pas de chance.
Bhrag ne savait pas si c’était un bon jour, et il s’en moquait totalement. Un bon gigot était devant lui, plein de bon liquide rouge et de morceaux marrants qui faisaient blop-blop quand on les tripotait. A ses côtés se tenaient de nombreux amis. Il les avait rencontré il y a quelques dizaines de minutes seulement, mais il avait senti dans leur esprit qu’elles partageaient la même faim que lui.
Le Prince Keleseth n’en revenait pas. Une bande de goules avait échappé à tout contrôle et en profitait pour se goinfrer gaiement. Comment était-ce possible ? Elles étaient censées attaquer la ville sans répit, pas dévorer ce qui représentait pour elles un festin ! Il fit virer son griffon du Fléau. La goule la plus vorace était sans aucun doute celle qu’il avait vu tout à l’heure charger un bataillon entier d’écarlates, armée d’une seule fourche récupérée sur le sol. Il avait été très impressionné par la façon dont l’animal avait réussi à les vaincre en sautant dans tous les sens… Mais toute impression devait céder devant l’intérêt commun pour la victoire. Il se mit à crier.
« Hé vous ! Retournez au combat, ou le Roi-Liche vous détruira tous ! »
Bhrag et ses amis levèrent la tête. Un elfe était en train de voler à une faible altitude.
« C’être viande ?
-Nan. Ca chef de l’attaque… Faiiiiiiiiim…
-Bhrag penser que ça sentir comme gigot. Bhrag penser que ça ressembler à gigot. Bhrag dire ça gigot déguisé en chef !
-…
-…
-Amiiiii Bhrag très intelligent ! A TABLE ! »
Les goules se mirent à jeter des cailloux pour essayer de faire descendre l’elfe.
« Chancrecervelle, qu’est ce qui se passe ? Des goules qui se rebellent ?
-Il semble que celle à la fourche les domine… Amène-le à Achérus, dit une voix glacée qui venait soudain de s’infiltrer dans sa tête.
-M… Maître ? Vous êtes sûr ? Après tout, ce n’est qu’un animal et…
-Je t’ai donné un ordre je crois. La désobéissance est un échec. Veux-tu connaître le sort que je réserve à ceux qui échouent ?
-N… Non Maître ! »
Pourquoi le tout-puissant Roi-Liche s’intéressait-il à cette créature inférieure ? Après tout, même si elle était douée et avait réussi à mener quelques goules avec elle, ce n’était pas la première fois qu’une bestiole dans leur genre réussissait à asseoir sa domination sur les autres. Elles étaient tellement primitives… Une ou deux démonstrations de force et elles s’agenouillaient devant vous… si elles n’essayaient pas de vous bouffer.
Keleseth esquiva un nouveau caillou tout en psalmodiant. Le sort qu’il allait lui jeter était une technique incroyablement efficace qu’il avait mise au point. Ca allait sans doute l’amocher un peu, mais il devrait réussir à limiter les dégâts.
« Tombeau de glace ! »
Quelques instants plus tard, à Achérus…
« Quoi ? Maître, vous n’y pensez pas… Ce n’est qu’une stupide goule ! Elle ne saura que faire de votre présent !
-Ce n’est pas qu’une stupide goule Keleseth… Il a réussi à dominer ses semblables sans utiliser la force… Juste en leur parlant de la faim. De son vivant, il devait être un très bon manipulateur… comme le chaman orc qui fut Ner’Zhul.
-Mais… Même si vous vouliez lui conférer toute cette énergie, comment pourrait-il la maîtriser ?
-Il n’aura pas d’autre choix… S’il veut continuer à vivre. »
Le Roi-Liche pointa son arme en direction de Bhrag.
« Goule, reçois mon présent… et sois conscient de l’honneur que je te fais. »
Bhrag passait vraiment un très mauvais moment. Il s’était fait congeler, ligoter et maintenant… Maintenant, il ne savait pas ce qu’il se passait. Il sentait une énergie impie le parcourir. Elle détruisait son corps morceau par morceau dans d’incroyables explosions de douleur puis le recomposait. La douleur était tellement intense… Devant ses yeux, il voyait défiler des visions qu’il lui semblait reconnaître… Il se concentra dessus. Il lui semblait que la douleur diminuait un peu quand il se focalisait sur quelque chose.
Il vit un enfant pleurer devant les corps d’un homme et d’une femme… Mes parents, lui chuchota une voix dans sa tête. L’Alliance a envoyé des assassins pour les punir d’avoir cru dans les promesses de Perenolde…
Il vit des paysans se lamenter sur leurs pertes au jeu. Ces crétins ne méritaient pas leur or… Après tout, j’en avais bien plus besoin qu’eux.
Il vit un beau jeune homme élégamment vêtu se faire conduire à l’échafaud. Moi.
Il se vit lui-même. Moi.
Les visions s’arrêtèrent. La douleur reprit dix, cent, mille fois plus intense. Le rythme de destruction et de recomposition s’accélérait. Bhrag ne voulait pas mourir. Il essaya de faire sentir à l’énergie qu’il était son ami. Cela ne fit rien. Ça avait pourtant marché avec les goules.
Tu es encore trop faible… Tu vas mourir…
Bhrag ne voulait pas mourir. Une faim dévorante enflamma soudain son esprit, anéantissant la voix, pulvérisant les derniers fragments de conscience qu’il restait dans son esprit.
L’énergie vacilla, résista… et devant lui, elle ploya.
Le mort-vivant hurla.
Ses chaînes se brisèrent.
Sous ses yeux se trouvaient un homme et un elfe. Gigots, pensa-t-il. Non, pas gigots… rectifia-t-il en voyant les yeux de l'homme. Bhrag devoir leur obéir.
Le Roi-Liche contemplait avec fierté sa création.
« Keleseth, admire ce qui nous conduira à la victoire lors de la bataille contre la Chapelle de l’Espoir de la Lumière. L’arme qui maîtrisera totalement nos troupes les plus stupides… Le seigneur des goules ! »
Keleseth semblait sceptique.
« Maître, êtes-vous sûr qu’il méritait de recevoir une fraction de votre pouvoir ? Il a l’air encore plus stupide que les autres goules !
-Ne t’y trompe pas, ce n’est qu’une apparence. Seigneur des goules, quel est ton nom ? »
Bhrag comprit que c’était à lui qu’on parlait.
« Moi Bhrag. Je faiiiiiiim… Bhrag veut manger ! «
Le Roi-Liche se tut sous l’effet de la surprise, puis reprit avec hésitation.
« Peut être est-ce logique en fait… C’était une erreur de penser qu’il dominerait les créatures privées d’intelligence par sa capacité à la réflexion. Le chef de meute n’est pas le plus malin, mais le plus fort. Bien… Keleseth, veille à ce qu’il soit convenablement équipé. Dans deux heures, nous attaquerons l’Aube d’Argent. »
Keleseth réprima une moue de dégoût. Il détestait que le Maître le traite comme un simple serviteur. Il était un Prince San’Layn tout de même ! Enfin, il n’avait pas le choix.
« Viens, Bhrag… Seigneur des goules. » ajouta-t-il avec ironie.
La stupide créature le suivit. Après quelques minutes, l’armurerie se profilait.
« Bien, le Roi-Liche veut que tu portes quelque chose d’un peu plus efficace que des bandages et une fourche dans la prochaine bataille… Même si je ne pense pas que cela en vaille la peine, tu vas mettre ça. »
L’elfe de sang jeta un sac plein de pièces d’armures aux pieds de Bhrag.
« Non.
-Quoi ? Être inférieur, tu vas m’obéir sinon…
-Bhrag mettra pas armure de torse. Abîmer bandages. »
Keleseth commençait à s’énerver quand il sentit que quelque chose avait changé autour de lui. Toutes les goules présentes le regardaient en émettant un grondement bas et une énergie impie émanait légèrement du mort-vivant.
« Tch… Je suppose que tu te crois malin ? Si tu veux ne mettre que les morceaux qui te plaisent, fais-le. Mais sache que tu ne seras pas toujours dans les faveurs du Roi-Liche… »
Trois heures plus tard…
Bhrag errait dans Lune-d’Argent. Depuis que l’homme à l’épée froide était parti, il était en pleine confusion. Il n’entendait plus tous ses amis dans sa tête. Et puis, il y avait cette sensation étrange de… liberté… qu’il ressentait dans la tête. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait et pourtant, il se sentait… joyeux.
Cependant, quelque chose lui brûlait l’esprit. Une envie qu’il ne pouvait retenir, un besoin irrépressible qu’il devait à tout prix assouvir sous peine de sombrer… Il avait faim.
C’était un très bon jour pour le Prince Keleseth. L’assaut sur la Nouvelle-Avalon se déroulait conformément à ses plans. Bientôt, la ville flamboierait en un brasier ardent qui teinterait le ciel de sang. Bientôt, les armées du Roi-Liche déferleraient sur… Pestesang, qu’est ce que c’était ça ?
C’était un très mauvais jour pour le croisé écarlate Jean-Edgar de la Jolie-Rose-rouge-purificatrice. Enfin bon, il ne pouvait pas vraiment s’en rendre compte vu qu’il était en train de se faire dévorer par une bande de goules. Quand même, quelle ironie du sort. Lui qui se prétendait un expert dans le maniement de l’épée longue s’était fait tuer par un mort-vivant bavant en train d’agiter une fourche en hurlant « MANGEEEEEEER ! ». Il avait à peine eu le temps de se mettre en garde que l’immonde chose avait lâché son arme et s’était jeté à son visage et lui avait arraché la trachée. C’est sûr qu’après il avait été un peu moins attentif, mais de là à se faire dévorer par PLUSIEURS goules, ce n’était vraiment pas de chance.
Bhrag ne savait pas si c’était un bon jour, et il s’en moquait totalement. Un bon gigot était devant lui, plein de bon liquide rouge et de morceaux marrants qui faisaient blop-blop quand on les tripotait. A ses côtés se tenaient de nombreux amis. Il les avait rencontré il y a quelques dizaines de minutes seulement, mais il avait senti dans leur esprit qu’elles partageaient la même faim que lui.
Le Prince Keleseth n’en revenait pas. Une bande de goules avait échappé à tout contrôle et en profitait pour se goinfrer gaiement. Comment était-ce possible ? Elles étaient censées attaquer la ville sans répit, pas dévorer ce qui représentait pour elles un festin ! Il fit virer son griffon du Fléau. La goule la plus vorace était sans aucun doute celle qu’il avait vu tout à l’heure charger un bataillon entier d’écarlates, armée d’une seule fourche récupérée sur le sol. Il avait été très impressionné par la façon dont l’animal avait réussi à les vaincre en sautant dans tous les sens… Mais toute impression devait céder devant l’intérêt commun pour la victoire. Il se mit à crier.
« Hé vous ! Retournez au combat, ou le Roi-Liche vous détruira tous ! »
Bhrag et ses amis levèrent la tête. Un elfe était en train de voler à une faible altitude.
« C’être viande ?
-Nan. Ca chef de l’attaque… Faiiiiiiiiim…
-Bhrag penser que ça sentir comme gigot. Bhrag penser que ça ressembler à gigot. Bhrag dire ça gigot déguisé en chef !
-…
-…
-Amiiiii Bhrag très intelligent ! A TABLE ! »
Les goules se mirent à jeter des cailloux pour essayer de faire descendre l’elfe.
« Chancrecervelle, qu’est ce qui se passe ? Des goules qui se rebellent ?
-Il semble que celle à la fourche les domine… Amène-le à Achérus, dit une voix glacée qui venait soudain de s’infiltrer dans sa tête.
-M… Maître ? Vous êtes sûr ? Après tout, ce n’est qu’un animal et…
-Je t’ai donné un ordre je crois. La désobéissance est un échec. Veux-tu connaître le sort que je réserve à ceux qui échouent ?
-N… Non Maître ! »
Pourquoi le tout-puissant Roi-Liche s’intéressait-il à cette créature inférieure ? Après tout, même si elle était douée et avait réussi à mener quelques goules avec elle, ce n’était pas la première fois qu’une bestiole dans leur genre réussissait à asseoir sa domination sur les autres. Elles étaient tellement primitives… Une ou deux démonstrations de force et elles s’agenouillaient devant vous… si elles n’essayaient pas de vous bouffer.
Keleseth esquiva un nouveau caillou tout en psalmodiant. Le sort qu’il allait lui jeter était une technique incroyablement efficace qu’il avait mise au point. Ca allait sans doute l’amocher un peu, mais il devrait réussir à limiter les dégâts.
« Tombeau de glace ! »
Quelques instants plus tard, à Achérus…
« Quoi ? Maître, vous n’y pensez pas… Ce n’est qu’une stupide goule ! Elle ne saura que faire de votre présent !
-Ce n’est pas qu’une stupide goule Keleseth… Il a réussi à dominer ses semblables sans utiliser la force… Juste en leur parlant de la faim. De son vivant, il devait être un très bon manipulateur… comme le chaman orc qui fut Ner’Zhul.
-Mais… Même si vous vouliez lui conférer toute cette énergie, comment pourrait-il la maîtriser ?
-Il n’aura pas d’autre choix… S’il veut continuer à vivre. »
Le Roi-Liche pointa son arme en direction de Bhrag.
« Goule, reçois mon présent… et sois conscient de l’honneur que je te fais. »
Bhrag passait vraiment un très mauvais moment. Il s’était fait congeler, ligoter et maintenant… Maintenant, il ne savait pas ce qu’il se passait. Il sentait une énergie impie le parcourir. Elle détruisait son corps morceau par morceau dans d’incroyables explosions de douleur puis le recomposait. La douleur était tellement intense… Devant ses yeux, il voyait défiler des visions qu’il lui semblait reconnaître… Il se concentra dessus. Il lui semblait que la douleur diminuait un peu quand il se focalisait sur quelque chose.
Il vit un enfant pleurer devant les corps d’un homme et d’une femme… Mes parents, lui chuchota une voix dans sa tête. L’Alliance a envoyé des assassins pour les punir d’avoir cru dans les promesses de Perenolde…
Il vit des paysans se lamenter sur leurs pertes au jeu. Ces crétins ne méritaient pas leur or… Après tout, j’en avais bien plus besoin qu’eux.
Il vit un beau jeune homme élégamment vêtu se faire conduire à l’échafaud. Moi.
Il se vit lui-même. Moi.
Les visions s’arrêtèrent. La douleur reprit dix, cent, mille fois plus intense. Le rythme de destruction et de recomposition s’accélérait. Bhrag ne voulait pas mourir. Il essaya de faire sentir à l’énergie qu’il était son ami. Cela ne fit rien. Ça avait pourtant marché avec les goules.
Tu es encore trop faible… Tu vas mourir…
Bhrag ne voulait pas mourir. Une faim dévorante enflamma soudain son esprit, anéantissant la voix, pulvérisant les derniers fragments de conscience qu’il restait dans son esprit.
L’énergie vacilla, résista… et devant lui, elle ploya.
Le mort-vivant hurla.
Ses chaînes se brisèrent.
Sous ses yeux se trouvaient un homme et un elfe. Gigots, pensa-t-il. Non, pas gigots… rectifia-t-il en voyant les yeux de l'homme. Bhrag devoir leur obéir.
Le Roi-Liche contemplait avec fierté sa création.
« Keleseth, admire ce qui nous conduira à la victoire lors de la bataille contre la Chapelle de l’Espoir de la Lumière. L’arme qui maîtrisera totalement nos troupes les plus stupides… Le seigneur des goules ! »
Keleseth semblait sceptique.
« Maître, êtes-vous sûr qu’il méritait de recevoir une fraction de votre pouvoir ? Il a l’air encore plus stupide que les autres goules !
-Ne t’y trompe pas, ce n’est qu’une apparence. Seigneur des goules, quel est ton nom ? »
Bhrag comprit que c’était à lui qu’on parlait.
« Moi Bhrag. Je faiiiiiiim… Bhrag veut manger ! «
Le Roi-Liche se tut sous l’effet de la surprise, puis reprit avec hésitation.
« Peut être est-ce logique en fait… C’était une erreur de penser qu’il dominerait les créatures privées d’intelligence par sa capacité à la réflexion. Le chef de meute n’est pas le plus malin, mais le plus fort. Bien… Keleseth, veille à ce qu’il soit convenablement équipé. Dans deux heures, nous attaquerons l’Aube d’Argent. »
Keleseth réprima une moue de dégoût. Il détestait que le Maître le traite comme un simple serviteur. Il était un Prince San’Layn tout de même ! Enfin, il n’avait pas le choix.
« Viens, Bhrag… Seigneur des goules. » ajouta-t-il avec ironie.
La stupide créature le suivit. Après quelques minutes, l’armurerie se profilait.
« Bien, le Roi-Liche veut que tu portes quelque chose d’un peu plus efficace que des bandages et une fourche dans la prochaine bataille… Même si je ne pense pas que cela en vaille la peine, tu vas mettre ça. »
L’elfe de sang jeta un sac plein de pièces d’armures aux pieds de Bhrag.
« Non.
-Quoi ? Être inférieur, tu vas m’obéir sinon…
-Bhrag mettra pas armure de torse. Abîmer bandages. »
Keleseth commençait à s’énerver quand il sentit que quelque chose avait changé autour de lui. Toutes les goules présentes le regardaient en émettant un grondement bas et une énergie impie émanait légèrement du mort-vivant.
« Tch… Je suppose que tu te crois malin ? Si tu veux ne mettre que les morceaux qui te plaisent, fais-le. Mais sache que tu ne seras pas toujours dans les faveurs du Roi-Liche… »
Trois heures plus tard…
Bhrag errait dans Lune-d’Argent. Depuis que l’homme à l’épée froide était parti, il était en pleine confusion. Il n’entendait plus tous ses amis dans sa tête. Et puis, il y avait cette sensation étrange de… liberté… qu’il ressentait dans la tête. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait et pourtant, il se sentait… joyeux.
Cependant, quelque chose lui brûlait l’esprit. Une envie qu’il ne pouvait retenir, un besoin irrépressible qu’il devait à tout prix assouvir sous peine de sombrer… Il avait faim.
Bhrag
Re: Les festins d'une goule.
Festin numéro trois: Terreur dans les clairières.
L’attente avait trop duré. Les bipèdes opprimaient son espèce depuis trop longtemps. Ils … allaient… payer !
« Casse-toi de là sale goule ! »
Bhrag évita de justesse un mort-vivant à l’air effrayé qui jetait de fréquents regards par-dessus son épaule.
« Quoi se passer ?
-J’sais pas… Il paraît qu’un monstre terrifiant est en train de ravager les champs de potirons où sont les rougeauds…Sans doute une de leurs armes secrètes qui aura mal tourné… En tout cas il paraîtrait que ça va bientôt se diriger par ici ! Alors moi j’fais ce que tout être sensé devrait faire : j’me casse ! »
Un monstre terrifiant ? songea Bhrag. Il aura peut-être bon goût…
A la ferme des Solliden…
« Fuyez ! J’sais pas ce que c’est que ce truc mais ça m’a l’air increvable ! Sans doute un projet plus global de ces saletés de cadavres qui bougent pour nous éliminer ! En tout cas c’est trop fort pour nous… Il faut que l’on pa… aaaaaaaargh…
-Que l’on paaaaaargh ? Qu’est ce que tu veux dire par… bouaaaaargh…»
Le très noble Édouard de Bel-Écu (dont le nom ne venait pas d’un quelconque bouclier mais plutôt du goût de sa famille pour l’argent bien gagné, c'est-à-dire en imposant des taxes tout à fait scandaleuses aux métayers) était terrifié. Ses compagnons mouraient les uns après les autres, leurs râles s’élevant dans la nuit noire. La bête semblait invincible. Malgré les traits que sa troupe avait décochés sur le monstre, celui-ci les esquivait avec une vivacité impie. Bondissant à une vivacité incroyable, le bec crochu de la créature infernale brilla à la lueur pâle de la lune avant de s’enfoncer profondément dans la trachée artère d’un de ses frères d’armes. Le sang gicla sur l’herbe en une longue traînée écarlate. Le jeune écarlate ne pouvait pas en supporter plus. Il se mit à courir sans s’arrêter.
Un peu plus loin sur le chemin…
Bhrag était très content des trouvailles qu’il avait faites en chemin. Un caillou brillant, un rat noyé, une boîte de bonbons rances… Autant de trésors qu’il avait récupérés sur les cadavres au bord du chemin. Ca, et puis un peu de viande bien sûr… Cependant, quelque chose l’asticotait.
Il regarda sa jambe. C’était donc ça…
La goule se pencha pour retirer le gros ver blanc qui était en train de se repaître de sa chair et le mastiqua avec bonne humeur. Tiens, quelqu’un venait vers lui !
« Bonjouuuur viaaaaande ! » dit-il aimablement à l’humain qui courait vers lui.
Celui-ci émit un petit bruit étouffé et s’évanouit.
« Beuuuuargh ? Tu vas bien gigot ? »
Bhrag donna quelques coups de pied dans les côtes de l’humain. Sa seule réaction fut d’imprégner son pantalon d’une odeur humide.
« Zut… Il être sûrement très très blessé… Bhrag devoir le soigner ? Oui, Bhrag le penser… Mais… »
Le mort-vivant renifla le rougeaud.
« Il sentir comme gigot… Et puis quand on regarde bien… Il avoir l’air gigot… Alors… Lui gigot ? »
En proie à une intense réflexion, Bhrag fit ce que tous les génies font quand ils réfléchissent profondément : il se cura le nez avec application, contempla pendant une petite dizaine de secondes sa trouvaille miraculeuse puis annonça sa prodigieuse déduction aux arbres alentour.
« Si lui sentir comme gigot, si lui ressembler à gigot, alors lui gigot ! Et si lui gigot... Alors Bhrag manger ! A table ! »
L’humain ouvrit soudainement les yeux en entendant ces mots.
« N… Non ! Je ne suis pas un gigot ! Laisse-moi vivre, je t’en prie ! J’ai trois femmes, vingt-sept enfants et huit chiens… Je ne mérite pas ça ! Je ferais de toi un mort très riche et…
-Tss, Bhrag toi fatiguant… Et puis Bhrag pas écouter mensonges des gigots ! » dit le mort-vivant en fracassant le crâne d’Édouard avec le joli caillou brillant qu’il avait récupéré peu de temps auparavant.
Le non-mort commença à se nourrir.
Pendant ce temps, à la ferme des Solliden…
Le dernier croisé se cachait. La bête effroyable était tapie dans l’ombre, il le savait. Il entendait ses caquètements impies résonner. Puis vint le silence.
Le monstre était-il parti ?
Un gloussement sadique retentit au-dessus de lui. Il leva lentement les yeux. Les yeux rouges de la créature des ténèbres luisaient au-dessus de lui comme deux perles de sang.
« Noooooon ! »
Bhrag arrivait enfin en vue de la ferme. Pas un bruit ne se faisait entendre. Partout, les corps de rougeauds morts étaient étendus. De nombreuses mares de sang se répandaient en des rivières écarlates. Un mouvement devant une grange attira son attention. Il le vit. Dans la lueur blafarde de la lune, la bête l’observait. Ses plumes laiteuses comme les yeux d’un mort étaient rougies par le sang de ses innombrables victimes. Son bec acéré tenait encore une main coupée. Il s’ouvrit, laissant tomber la main. Le monstre hurla, cri sanguinaire porteur d’une terreur telle que Azeroth n’en avait encore jamais connue.
« Côt-côt-côt CODEEEEEEEC ! »
Bhrag pencha la tête.
« Pouuuuleeeeet ? »
Il pointa le toit de la grange.
« Quoi ça ?
-Héhéhé… Je te tiens enfin, maudit volatile ! »
La silhouette sauta du toit, virevolta dans les airs et atterrit devant Bhrag, un fusil pointé devant lui. C’était un nain à la barbe blonde qui portait des lunettes (entendons-nous bien : il ne portait pas QUE des lunettes et un tromblon. Si vous voulez tout savoir, il était vêtu d’une chemise et d’un pantalon de smoking. Enfin quand je dis ça, j’suis pas allé vérifier s’il y avait quelque chose en dessous… Bref, reprenons où nous en étions je vous prie.).
« N’aie crainte brave mort-vivant ! Je suis un héros spécialement envoyé par le KFC, l’organisation Azérothienne qui protège les vivants de la pire menace de tous les temps : les poulets anthropophages ! Ce sont des monstres terrifiants qui… Hey, qu’est ce que tu fais ? Mais… Lâche-moi ! Non ! Noooooon !
-Vilain poilu pas faire de mal au gentil poulet ! Vilain poilu ! »
Bhrag souleva le nain au-dessus de sa tête et, dans un effort colossal, le projeta au loin. Le descendant des Terrestres s’affala de tout son long dans un tas de paille.
« Tch, quelle chance que ce tas de paille ait été là ! J’aurais bien pu me briser les os et…
-Côôôôt…
-Heu ?
-CODEEEEEEEEC ! »
Le poulet regarda l’ennemi héréditaire dans les yeux avant de les lui arracher d’un coup de son puissant bec.
C’était un Bhrag rieur qui regardait le poulet déchiqueter le nain. Que cette petite bête à plumes était mignonne ! En elle il sentait la même faim que chez ses amies goules.
Il tendit la main en direction du volatile.
« Poulet aaaaaami ? »
Le volatile le regarda dans les yeux puis arracha la grosse patte velue du nain et la fit cogner avec celle de Bhrag.
« Côôôôt ! »
La goule lui caressa la tête puis se mit à manger la dépouille avec son nouveau compagnon de jeu.
Quelques instants plus tard, ils repartaient ensemble.
L’attente avait trop duré. Les bipèdes opprimaient son espèce depuis trop longtemps. Ils … allaient… payer !
« Casse-toi de là sale goule ! »
Bhrag évita de justesse un mort-vivant à l’air effrayé qui jetait de fréquents regards par-dessus son épaule.
« Quoi se passer ?
-J’sais pas… Il paraît qu’un monstre terrifiant est en train de ravager les champs de potirons où sont les rougeauds…Sans doute une de leurs armes secrètes qui aura mal tourné… En tout cas il paraîtrait que ça va bientôt se diriger par ici ! Alors moi j’fais ce que tout être sensé devrait faire : j’me casse ! »
Un monstre terrifiant ? songea Bhrag. Il aura peut-être bon goût…
A la ferme des Solliden…
« Fuyez ! J’sais pas ce que c’est que ce truc mais ça m’a l’air increvable ! Sans doute un projet plus global de ces saletés de cadavres qui bougent pour nous éliminer ! En tout cas c’est trop fort pour nous… Il faut que l’on pa… aaaaaaaargh…
-Que l’on paaaaaargh ? Qu’est ce que tu veux dire par… bouaaaaargh…»
Le très noble Édouard de Bel-Écu (dont le nom ne venait pas d’un quelconque bouclier mais plutôt du goût de sa famille pour l’argent bien gagné, c'est-à-dire en imposant des taxes tout à fait scandaleuses aux métayers) était terrifié. Ses compagnons mouraient les uns après les autres, leurs râles s’élevant dans la nuit noire. La bête semblait invincible. Malgré les traits que sa troupe avait décochés sur le monstre, celui-ci les esquivait avec une vivacité impie. Bondissant à une vivacité incroyable, le bec crochu de la créature infernale brilla à la lueur pâle de la lune avant de s’enfoncer profondément dans la trachée artère d’un de ses frères d’armes. Le sang gicla sur l’herbe en une longue traînée écarlate. Le jeune écarlate ne pouvait pas en supporter plus. Il se mit à courir sans s’arrêter.
Un peu plus loin sur le chemin…
Bhrag était très content des trouvailles qu’il avait faites en chemin. Un caillou brillant, un rat noyé, une boîte de bonbons rances… Autant de trésors qu’il avait récupérés sur les cadavres au bord du chemin. Ca, et puis un peu de viande bien sûr… Cependant, quelque chose l’asticotait.
Il regarda sa jambe. C’était donc ça…
La goule se pencha pour retirer le gros ver blanc qui était en train de se repaître de sa chair et le mastiqua avec bonne humeur. Tiens, quelqu’un venait vers lui !
« Bonjouuuur viaaaaande ! » dit-il aimablement à l’humain qui courait vers lui.
Celui-ci émit un petit bruit étouffé et s’évanouit.
« Beuuuuargh ? Tu vas bien gigot ? »
Bhrag donna quelques coups de pied dans les côtes de l’humain. Sa seule réaction fut d’imprégner son pantalon d’une odeur humide.
« Zut… Il être sûrement très très blessé… Bhrag devoir le soigner ? Oui, Bhrag le penser… Mais… »
Le mort-vivant renifla le rougeaud.
« Il sentir comme gigot… Et puis quand on regarde bien… Il avoir l’air gigot… Alors… Lui gigot ? »
En proie à une intense réflexion, Bhrag fit ce que tous les génies font quand ils réfléchissent profondément : il se cura le nez avec application, contempla pendant une petite dizaine de secondes sa trouvaille miraculeuse puis annonça sa prodigieuse déduction aux arbres alentour.
« Si lui sentir comme gigot, si lui ressembler à gigot, alors lui gigot ! Et si lui gigot... Alors Bhrag manger ! A table ! »
L’humain ouvrit soudainement les yeux en entendant ces mots.
« N… Non ! Je ne suis pas un gigot ! Laisse-moi vivre, je t’en prie ! J’ai trois femmes, vingt-sept enfants et huit chiens… Je ne mérite pas ça ! Je ferais de toi un mort très riche et…
-Tss, Bhrag toi fatiguant… Et puis Bhrag pas écouter mensonges des gigots ! » dit le mort-vivant en fracassant le crâne d’Édouard avec le joli caillou brillant qu’il avait récupéré peu de temps auparavant.
Le non-mort commença à se nourrir.
Pendant ce temps, à la ferme des Solliden…
Le dernier croisé se cachait. La bête effroyable était tapie dans l’ombre, il le savait. Il entendait ses caquètements impies résonner. Puis vint le silence.
Le monstre était-il parti ?
Un gloussement sadique retentit au-dessus de lui. Il leva lentement les yeux. Les yeux rouges de la créature des ténèbres luisaient au-dessus de lui comme deux perles de sang.
« Noooooon ! »
Bhrag arrivait enfin en vue de la ferme. Pas un bruit ne se faisait entendre. Partout, les corps de rougeauds morts étaient étendus. De nombreuses mares de sang se répandaient en des rivières écarlates. Un mouvement devant une grange attira son attention. Il le vit. Dans la lueur blafarde de la lune, la bête l’observait. Ses plumes laiteuses comme les yeux d’un mort étaient rougies par le sang de ses innombrables victimes. Son bec acéré tenait encore une main coupée. Il s’ouvrit, laissant tomber la main. Le monstre hurla, cri sanguinaire porteur d’une terreur telle que Azeroth n’en avait encore jamais connue.
« Côt-côt-côt CODEEEEEEEC ! »
Bhrag pencha la tête.
« Pouuuuleeeeet ? »
Il pointa le toit de la grange.
« Quoi ça ?
-Héhéhé… Je te tiens enfin, maudit volatile ! »
La silhouette sauta du toit, virevolta dans les airs et atterrit devant Bhrag, un fusil pointé devant lui. C’était un nain à la barbe blonde qui portait des lunettes (entendons-nous bien : il ne portait pas QUE des lunettes et un tromblon. Si vous voulez tout savoir, il était vêtu d’une chemise et d’un pantalon de smoking. Enfin quand je dis ça, j’suis pas allé vérifier s’il y avait quelque chose en dessous… Bref, reprenons où nous en étions je vous prie.).
« N’aie crainte brave mort-vivant ! Je suis un héros spécialement envoyé par le KFC, l’organisation Azérothienne qui protège les vivants de la pire menace de tous les temps : les poulets anthropophages ! Ce sont des monstres terrifiants qui… Hey, qu’est ce que tu fais ? Mais… Lâche-moi ! Non ! Noooooon !
-Vilain poilu pas faire de mal au gentil poulet ! Vilain poilu ! »
Bhrag souleva le nain au-dessus de sa tête et, dans un effort colossal, le projeta au loin. Le descendant des Terrestres s’affala de tout son long dans un tas de paille.
« Tch, quelle chance que ce tas de paille ait été là ! J’aurais bien pu me briser les os et…
-Côôôôt…
-Heu ?
-CODEEEEEEEEC ! »
Le poulet regarda l’ennemi héréditaire dans les yeux avant de les lui arracher d’un coup de son puissant bec.
C’était un Bhrag rieur qui regardait le poulet déchiqueter le nain. Que cette petite bête à plumes était mignonne ! En elle il sentait la même faim que chez ses amies goules.
Il tendit la main en direction du volatile.
« Poulet aaaaaami ? »
Le volatile le regarda dans les yeux puis arracha la grosse patte velue du nain et la fit cogner avec celle de Bhrag.
« Côôôôt ! »
La goule lui caressa la tête puis se mit à manger la dépouille avec son nouveau compagnon de jeu.
Quelques instants plus tard, ils repartaient ensemble.
Bhrag
Re: Les festins d'une goule.
Festin numéro quatre: Un dîner presque parfait.
« T’vois mon gars, la chasse c’tout une façon d’penser t’vois ? Pour sûr, t’croiseras des frimeurs qui f’ront qu’tuer l’gibier mais, t’vois, c’pas des vrais chasseurs. L’mauvais chasseur, t’vois, il tue les animaux qui lui ont rien fait t’vois. L’bon chasseur, ben… Il tue aussi les animaux qui lui ont rien fait, mais c’est un bon chasseur t’vois ? Tu m’écoutes mon gars ? Mon gars ? Pourquoi est-ce que tu… Argh !»
Bhrag mit le cadavre du chasseur elfe dans le sac qu’il portait sur son épaule. Alors qu’il était paisiblement en train de récolter des gigots dans la nature environnante (enfin, récolter PAISIBLEMENT pour Bhrag, ça revenait à ce que des druides appellerait une extermination massive de la faune environnante), ce machin aux longues oreilles appétissantes l’avait interrompu avant de commencer à déblatérer tout un tas de paroles compliquées qui faisaient mal à la tête de la pauvre goule. A coup sûr, c’était un gigot déguisé ! D’toute façon, il avait rejoint ses collègues gigots maintenant.
« Côt ! » émit le Poulet d’un air autoritaire avant de jeter un œil à Bhrag qui le goba. Le Poulet avait raison. Il fallait reprendre la récolte.
« VIAAAAAAANDE ! » hurla-t-il en se jetant sur un tigre qui essayait de partir discrètement.
Pendant ce temps, à la Baie-du-Butin, un sombre complot se préparait…
« M’dames et messieurs, yé vous ai réounis ici per vous parler di oune grand danger… Oune inndividou terrible ravage ces terres… »
Le nain qui parlait plaqua une affiche représentant Bhrag sur la table.
« Ce… truc… a dijà tué un membre du grand KFC. Di plous, il est souspecté d’avoir participé à une pertourbation dé l’équilibre natourel… Nous, les protecteurs de la Natoure, dévons l’arrêter ! Mis innformateurs mi ont dit qu’il est dans la région… A l’assaut ! »
Les mercenaires réunies dans la taverne levèrent leurs armes en poussant un cri de guerre avant de se ruer à l’extérieur, laissant le pauvre nain seul.
« Ma… yé leur ai pas dit par où aller… »
Quelques heures plus tard…
Bhrag suivait depuis quelques temps un chemin miraculeux. Les uns après les autres, des gigots apparaissaient devant lui. Ses narines étaient pleines d’une succulente odeur de viande, mais il lui semblait que ces apparitions étaient étranges… Enfin, quand il y a de la viande, on mange d’abord, on réfléchit ensuite. Soudain, il entendit un petit clic tandis qu’un long objet en métal se posait sur sa tempe.
« Arrr, j’te tiens saleté de cannibale ! Bouge d’un poil et tu te prends une balle de mon Nesingwary-4000 dans la tempe !
-Euuuuh ? Bonjour ? Toi sentir gigot petit poilu…
-La ferme ! Avance, ou sinon j’te fais sauter la cer… Hey, non ! »
Pendant que le nain parlait, Bhrag avait mangé le canon de l’arme.
« Gigoooot ? » »
Le nabot s’enfuit en hurlant. La prime qu’il aurait pu toucher en tuant cette goule ne valait pas le coup tout compte fait. Il faut dire que la vue rapprochée des dents immenses et pleines de restes du dernier repas du non-mort lui avait causé un certain choc. Etrange comme on peut changer d’avis parfois non ?
« Mais euuuh ! Reviens ici gigot! Toi trop rapide, fatiguer Bhrag… Sois gentil… »
Le nain se jeta dans un buisson en tremblant de terreur. La faim et la stupidité qu’il lisait dans le regard du mort-vivant lui faisait bien comprendre que celui-ci le mangerait sans hésitation : après tout, il était un… gigot. Il frémit à cette idée. Soudain, un petit son retentit près de lui.
« Côôôôt… »
Le nain baissa les yeux, ouvrit la bouche pour crier sa peur…
« CODEEEEEEEEEEEC ! »
Il n’en eut pas le temps.
Les autres mercenaires étaient eux aussi très occupés pour le moment. Alors qu’ils exploraient la jungle, ils avaient vus ce qu’ils avaient pris pour une femelle à qui la mort n’avait pas inculqué la prudence. Après tout, quelle idée pour une femme de se promener dans la région la plus sauvage d’Azeroth sans arme ! Se disant qu’ils faisaient une bonne action, ils avaient décidé de lui prendre tout son or pour éviter que des bandits ne le lui volent. Ce qu’ils n’avaient pas prévus, c’était que la non-morte savait se défendre.
« Alors bande de pécores ! Vous en voulez encore hein ? V’vouliez délester la Capitaine Gel-des-Mers de son blé hein ? »
La « frêle » morte-vivante envoya un coup dans les parties vitales (l’entrejambe quoi) d’un des mercenaires qui gisaient à terre.
« Prends ça, fumier ! Raaaah, j’vous jure ! Essayer de voler la thune de Ganta ! Bande de moules asthmatiques décérébrées ! »
Les mercenaires gémirent. Cela faisait déjà plus d’une dizaine de minutes que la donzelle les frappait violemment… et elle n’avait pas l’air de vouloir s’arrêter.
Bhrag était arrivé à la mer. Il n’avait pourtant pas cherché à y aller. Toute cette eau qui brillait sous la lumière du soleil, c’était… joli. Oui, c’était le mot : joli. Les trucs flottants aussi c’était joli. Quand il voyait cet océan, il avait comme une vague sensation de démangeaison à l’arrière du crâne…
Eric avait cinq ans. Il était heureux. Ses parents l’avaient emmené près du lac Lordamere. Ils avaient dit que c’était grâce au Seigneur Perenolde qu’ils pouvaient se déplacer sans risque… Eric leva les yeux vers son père et dit :
« Quand je serais grand, je serais marin ! »
Son père sourit.
Bhrag se ressaisit. Il sentait quelque chose… C’était… Mais oui… Du gigot ! Il se rua toutes dents dehors vers l’endroit d’où provenait l’odeur… et fut arrêté par un coup de pied en pleine face.
« RAAAAAH ! Pestechancre ! C’est pas possible, z’êtes tous des demeurés dans ce bled paumé ou quoi ? »
Bhrag se frotta la tête. Il avait mal… Il leva les yeux. Une morte-vivante était en train d’éructer à grands bruits devant elle. Il ouvrit la bouche.
« Vi… Viaaaaande ?
-D’la viande ? Tu m’sautes dessus et tu me demandes de la viande après ? V’là autre chose !
-Bh… Bhrag faiiiiim… »
La goule ne voulait pas sauter sur la non-morte. Ce n’était pas un gigot, son coup de pied l’avait prouvé. En plus, elle n’en avait pas l’odeur à bien y réfléchir. Elle sentait plutôt comme les petites choses qui frétillaient dans l’eau : le mouillé, le sel, les algues…
Ganta était très énervée. Ca commençait à bien faire ! Elle descendait à terre pour se bourrer un coup et voilà qu’une bande de crétins tentaient de la voler, puis qu’un Réprouvé lui sautait dessus avant de lui demander de la nourriture… Celui-ci lui jetait d’ailleurs un regard qui lui rappelait le chien battu.
« Bon d’accord, prends ça… »
Elle jeta un morceau de viande à l’affamé qui se mit à manger voracement.
« Tu t’appelles comment le vorace ?
-Bh… Bhrag. »
Bhrag aimait bien la femme à l’odeur de frétillant. Elle n’avait pas peur de lui… et surtout elle lui avait donné à manger.
« Et toi, quoi ton nom ?
-Comment ça, mon nom ? T’as jamais entendu parler d’la grande Ganta, la Capitaine Gel-des-mers ? La plus grande pirate de tout Azeroth ?
-Euuuuh… Nan. »
Bhrag tendit l’os de son repas au Poulet qui le brisa d’un coup de bec dans un craquement sinistre sous l’œil impressionné de Ganta.
« Ca quoi une pis-rate ?
-Raaaah, faut vraiment tout t’expliquer à toi hein ? Une pirate, espèce de demeuré, c’est une navigatrice ! J’commande un bateau… un truc qui flotte sur la mer.
-… Bhrag bien aimer la mer.
-Ah ouaip ? »
Ganta se frotta les mains. Même si cette goule avait l’air d’un demeuré, son vaisseau, le Ronae, avait bien besoin de mousses… A vrai dire, malgré ses vantardises, l’équipage du Ronae était plutôt restreint… pour ne pas dire quasi-inexistant. En plus, le poulet qui accompagnait l’idiot semblait redoutable lui.
« Dis-moi l’bouffeur, ça te tenterait la grande aventure ? Embarquer sur mon bateau, traverser les mers avec moi… Ce genre de truc quoi !
-… Y aura du gigot ? »
Du gigot… J’lui parle d’la saleté de plus grande chance de sa saleté de vie et lui me parle de gigot !
« Pour sûr mon gars ! Alors tu m’accompagnes ?
-S’il y avoir gigot, Bhrag bien vouloir venir…
-Dans ce cas, suis-moi ! Le Ronae est dans une crique pas très loin… J’te présenterais à l’équipage. »
Bhrag et le Poulet suivirent la capitaine Ganta Gel-des-mers. Dans l’esprit de Bhrag, une émotion naissait… Un lien comme il n’en avait connu qu’avec ses parents les goules… Cette morte-vivante… Bhrag la suivrait. Elle n’avait pas eu peur de lui. Elle lui avait donné à manger. Elle lui avait proposé de l’accompagner…
Elle serait sa maîtresse, sa chef de meute... Sa capitaine.
« T’vois mon gars, la chasse c’tout une façon d’penser t’vois ? Pour sûr, t’croiseras des frimeurs qui f’ront qu’tuer l’gibier mais, t’vois, c’pas des vrais chasseurs. L’mauvais chasseur, t’vois, il tue les animaux qui lui ont rien fait t’vois. L’bon chasseur, ben… Il tue aussi les animaux qui lui ont rien fait, mais c’est un bon chasseur t’vois ? Tu m’écoutes mon gars ? Mon gars ? Pourquoi est-ce que tu… Argh !»
Bhrag mit le cadavre du chasseur elfe dans le sac qu’il portait sur son épaule. Alors qu’il était paisiblement en train de récolter des gigots dans la nature environnante (enfin, récolter PAISIBLEMENT pour Bhrag, ça revenait à ce que des druides appellerait une extermination massive de la faune environnante), ce machin aux longues oreilles appétissantes l’avait interrompu avant de commencer à déblatérer tout un tas de paroles compliquées qui faisaient mal à la tête de la pauvre goule. A coup sûr, c’était un gigot déguisé ! D’toute façon, il avait rejoint ses collègues gigots maintenant.
« Côt ! » émit le Poulet d’un air autoritaire avant de jeter un œil à Bhrag qui le goba. Le Poulet avait raison. Il fallait reprendre la récolte.
« VIAAAAAAANDE ! » hurla-t-il en se jetant sur un tigre qui essayait de partir discrètement.
Pendant ce temps, à la Baie-du-Butin, un sombre complot se préparait…
« M’dames et messieurs, yé vous ai réounis ici per vous parler di oune grand danger… Oune inndividou terrible ravage ces terres… »
Le nain qui parlait plaqua une affiche représentant Bhrag sur la table.
« Ce… truc… a dijà tué un membre du grand KFC. Di plous, il est souspecté d’avoir participé à une pertourbation dé l’équilibre natourel… Nous, les protecteurs de la Natoure, dévons l’arrêter ! Mis innformateurs mi ont dit qu’il est dans la région… A l’assaut ! »
Les mercenaires réunies dans la taverne levèrent leurs armes en poussant un cri de guerre avant de se ruer à l’extérieur, laissant le pauvre nain seul.
« Ma… yé leur ai pas dit par où aller… »
Quelques heures plus tard…
Bhrag suivait depuis quelques temps un chemin miraculeux. Les uns après les autres, des gigots apparaissaient devant lui. Ses narines étaient pleines d’une succulente odeur de viande, mais il lui semblait que ces apparitions étaient étranges… Enfin, quand il y a de la viande, on mange d’abord, on réfléchit ensuite. Soudain, il entendit un petit clic tandis qu’un long objet en métal se posait sur sa tempe.
« Arrr, j’te tiens saleté de cannibale ! Bouge d’un poil et tu te prends une balle de mon Nesingwary-4000 dans la tempe !
-Euuuuh ? Bonjour ? Toi sentir gigot petit poilu…
-La ferme ! Avance, ou sinon j’te fais sauter la cer… Hey, non ! »
Pendant que le nain parlait, Bhrag avait mangé le canon de l’arme.
« Gigoooot ? » »
Le nabot s’enfuit en hurlant. La prime qu’il aurait pu toucher en tuant cette goule ne valait pas le coup tout compte fait. Il faut dire que la vue rapprochée des dents immenses et pleines de restes du dernier repas du non-mort lui avait causé un certain choc. Etrange comme on peut changer d’avis parfois non ?
« Mais euuuh ! Reviens ici gigot! Toi trop rapide, fatiguer Bhrag… Sois gentil… »
Le nain se jeta dans un buisson en tremblant de terreur. La faim et la stupidité qu’il lisait dans le regard du mort-vivant lui faisait bien comprendre que celui-ci le mangerait sans hésitation : après tout, il était un… gigot. Il frémit à cette idée. Soudain, un petit son retentit près de lui.
« Côôôôt… »
Le nain baissa les yeux, ouvrit la bouche pour crier sa peur…
« CODEEEEEEEEEEEC ! »
Il n’en eut pas le temps.
Les autres mercenaires étaient eux aussi très occupés pour le moment. Alors qu’ils exploraient la jungle, ils avaient vus ce qu’ils avaient pris pour une femelle à qui la mort n’avait pas inculqué la prudence. Après tout, quelle idée pour une femme de se promener dans la région la plus sauvage d’Azeroth sans arme ! Se disant qu’ils faisaient une bonne action, ils avaient décidé de lui prendre tout son or pour éviter que des bandits ne le lui volent. Ce qu’ils n’avaient pas prévus, c’était que la non-morte savait se défendre.
« Alors bande de pécores ! Vous en voulez encore hein ? V’vouliez délester la Capitaine Gel-des-Mers de son blé hein ? »
La « frêle » morte-vivante envoya un coup dans les parties vitales (l’entrejambe quoi) d’un des mercenaires qui gisaient à terre.
« Prends ça, fumier ! Raaaah, j’vous jure ! Essayer de voler la thune de Ganta ! Bande de moules asthmatiques décérébrées ! »
Les mercenaires gémirent. Cela faisait déjà plus d’une dizaine de minutes que la donzelle les frappait violemment… et elle n’avait pas l’air de vouloir s’arrêter.
Bhrag était arrivé à la mer. Il n’avait pourtant pas cherché à y aller. Toute cette eau qui brillait sous la lumière du soleil, c’était… joli. Oui, c’était le mot : joli. Les trucs flottants aussi c’était joli. Quand il voyait cet océan, il avait comme une vague sensation de démangeaison à l’arrière du crâne…
Eric avait cinq ans. Il était heureux. Ses parents l’avaient emmené près du lac Lordamere. Ils avaient dit que c’était grâce au Seigneur Perenolde qu’ils pouvaient se déplacer sans risque… Eric leva les yeux vers son père et dit :
« Quand je serais grand, je serais marin ! »
Son père sourit.
Bhrag se ressaisit. Il sentait quelque chose… C’était… Mais oui… Du gigot ! Il se rua toutes dents dehors vers l’endroit d’où provenait l’odeur… et fut arrêté par un coup de pied en pleine face.
« RAAAAAH ! Pestechancre ! C’est pas possible, z’êtes tous des demeurés dans ce bled paumé ou quoi ? »
Bhrag se frotta la tête. Il avait mal… Il leva les yeux. Une morte-vivante était en train d’éructer à grands bruits devant elle. Il ouvrit la bouche.
« Vi… Viaaaaande ?
-D’la viande ? Tu m’sautes dessus et tu me demandes de la viande après ? V’là autre chose !
-Bh… Bhrag faiiiiim… »
La goule ne voulait pas sauter sur la non-morte. Ce n’était pas un gigot, son coup de pied l’avait prouvé. En plus, elle n’en avait pas l’odeur à bien y réfléchir. Elle sentait plutôt comme les petites choses qui frétillaient dans l’eau : le mouillé, le sel, les algues…
Ganta était très énervée. Ca commençait à bien faire ! Elle descendait à terre pour se bourrer un coup et voilà qu’une bande de crétins tentaient de la voler, puis qu’un Réprouvé lui sautait dessus avant de lui demander de la nourriture… Celui-ci lui jetait d’ailleurs un regard qui lui rappelait le chien battu.
« Bon d’accord, prends ça… »
Elle jeta un morceau de viande à l’affamé qui se mit à manger voracement.
« Tu t’appelles comment le vorace ?
-Bh… Bhrag. »
Bhrag aimait bien la femme à l’odeur de frétillant. Elle n’avait pas peur de lui… et surtout elle lui avait donné à manger.
« Et toi, quoi ton nom ?
-Comment ça, mon nom ? T’as jamais entendu parler d’la grande Ganta, la Capitaine Gel-des-mers ? La plus grande pirate de tout Azeroth ?
-Euuuuh… Nan. »
Bhrag tendit l’os de son repas au Poulet qui le brisa d’un coup de bec dans un craquement sinistre sous l’œil impressionné de Ganta.
« Ca quoi une pis-rate ?
-Raaaah, faut vraiment tout t’expliquer à toi hein ? Une pirate, espèce de demeuré, c’est une navigatrice ! J’commande un bateau… un truc qui flotte sur la mer.
-… Bhrag bien aimer la mer.
-Ah ouaip ? »
Ganta se frotta les mains. Même si cette goule avait l’air d’un demeuré, son vaisseau, le Ronae, avait bien besoin de mousses… A vrai dire, malgré ses vantardises, l’équipage du Ronae était plutôt restreint… pour ne pas dire quasi-inexistant. En plus, le poulet qui accompagnait l’idiot semblait redoutable lui.
« Dis-moi l’bouffeur, ça te tenterait la grande aventure ? Embarquer sur mon bateau, traverser les mers avec moi… Ce genre de truc quoi !
-… Y aura du gigot ? »
Du gigot… J’lui parle d’la saleté de plus grande chance de sa saleté de vie et lui me parle de gigot !
« Pour sûr mon gars ! Alors tu m’accompagnes ?
-S’il y avoir gigot, Bhrag bien vouloir venir…
-Dans ce cas, suis-moi ! Le Ronae est dans une crique pas très loin… J’te présenterais à l’équipage. »
Bhrag et le Poulet suivirent la capitaine Ganta Gel-des-mers. Dans l’esprit de Bhrag, une émotion naissait… Un lien comme il n’en avait connu qu’avec ses parents les goules… Cette morte-vivante… Bhrag la suivrait. Elle n’avait pas eu peur de lui. Elle lui avait donné à manger. Elle lui avait proposé de l’accompagner…
Elle serait sa maîtresse, sa chef de meute... Sa capitaine.
Bhrag
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