Chasses Sauvages
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Chasses Sauvages
" La Cour condamne l'accusé à l'exil sur l'île d'Alcaz, au large de la cité portuaire de Theramore, et à une interdiction de passage sur les terres du Royaume de Hurlevent pendant une durée de dix années. "
---
Alcaz.
Où la rumeur de la mer se mêle aux froissements des ailes des dragons, loin au-dessus, et aux raclements des ventres des hydres sur le sable sec.
Le vent lourd, encore chargé de toute l'humidité du marécage, à l'ouest, qui s'abat sur les côtes. Les grands nagas aux écailles brillantes comme des cottes de mailles, griffes serrées sur leurs hallebardes, gardant des baraquements qui ne gardent plus personne.
Île luxuriante, sauvage et dangereuse. Prison pour certains, territoire de chasse pour d'autres.
Avec son armure, on lui avait rendu sa dignité de guerrier et de chasseur. La retrouver et l'endosser à nouveau était presque aussi exaltant que de retrouver la couleur du ciel, l'odeur du vent, ou la présence d'Espoir. C'était comme devenir Entier après avoir été longtemps morcelé. Rendu à la perfection première : celle de la force, celle de la chasse et de la guerre.
Ils passèrent du temps à se poursuivre l'un l'autre, Espoir et Honneur, libres et innocents comme des animaux - ou comme de jeunes dieux lâchés sur un monde sans loi ni maître. Puis, leur appétit se tourna vers l'île et sa jungle, vers les créatures qui la peuplaient, et qu'ils ne voyaient qu'en potentiels gibiers. Mais bientôt, l'île ne leur suffit plus.
---
Azshara.
Terres marquées par la gloire de l'ancienne Reine, et plus encore par sa déchéance. Ici, l'éternel automne règne en maître. L'herbe roussie, les feuilles rouges, rouges, rouges. Les longues plaines en pente douce, où nichent des hippogriffes paresseux, font contraste avec la crevasse qui abrite les restes d'Eldarath, splendeur tombée, oubliée, et dont les ruines s'étendent jusqu'à la frange du rivage.
La pluie tombait drue quand ils pénétrèrent dans ce nouveau territoire, collant leurs cheveux et donnant à leurs armures l'apparence de coquilles luisantes. Mais la pluie ne les empêcha pas de se lancer dans une nouvelle traque, une nouvelle chasse.
---
L'arme, en fendant l'air, ne fit crier que le vent.
- Mrraah ! feula Semelys pour exprimer sa déception, alors que l'ombre immense du dragon poursuivait sa route avec indifférence.
- C'est un esprit, expliqua Espoir, plus tranquille, les yeux levés vers l'échine de la créature. Il est mort. On ne peut pas le chasser. "
Et elle ponctua sa remarque d'un sourire poli à l'intention de l'ombre, excuses ou témoignage de respect - ou bien les deux. Espoir avait la faculté étrange de garder son calme et sa courtoisie presque en toute circonstance ; facette paisible d'un caractère que beaucoup pouvaient prendre, à tort, comme de la naïveté, ou un excès de gentillesse. La réalité, de fait, était plus complexe. Et moins humaine - à la limite de l'amoralité.
Plantant sa hache dans le sol détrempé de pluie, Semelys regarda s'éloigner la "proie" désormais inaccessible, un grondement de frustration dans la gorge.
- Vraiment dommage...
- Ecoute... Un peu plus au Nord-Ouest, je sais qu'il y a des cousins Verts. Tu sais, près du Portail. On évitera le gros s'il est de sortie, mais on peut toujours chasser les petits... "
---
Orneval.
" Je te parie que c'est moi qui le tue en premier ! " avait joyeusement crié Espoir avant de se ruer vers la patrouille draconide.
Mais à présent, au coeur de la bataille, un violent revers venait de la projeter à quelques mètres. Il releva avec inquiétude la tête, alors qu'elle roulait durement au sol, et ne fut qu'à demi soulagé de la voir se redresser puis revenir en boitillant vers le combat.
Le dernier draconide fut renversé sur le dos et le fer plongea dans la chair tendre du ventre, là où ni écaille ni cuirasse ne protègent la peau claire et fragile. La créature siffla, se convulsa, puis s'immobilisa tout à fait.
- Blessée ? s'enquit Semelys en dévisageant Espoir debout près de lui.
- Je crois, oui. Derrière le genou...
- Assieds-toi.
- Si je m'assois, je me relève plus... "
L'installer, un peu plus loin. La verdure et la nuit tout autour, et l'odeur puissante d'Orneval : violette, menthe et pluie.
- Ca pique, grogna Espoir.
- Serre les dents. "
Le temps de retirer le morceau d'armure coincé dans la plaie - et le sang qui inonde à nouveau ses mains. Son sang à elle, plus étourdissant que la meilleure des liqueurs. La lueur blanche, enfin, de la guérison. Qu'il aurait craint chez n'importe qui d'autre ; craint, haï, et fui autant que possible, mais qu'il acceptait désormais chez elle sans même y penser.
- J'ai faim ", dit Espoir en souriant.
---
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Alcaz.
Où la rumeur de la mer se mêle aux froissements des ailes des dragons, loin au-dessus, et aux raclements des ventres des hydres sur le sable sec.
Le vent lourd, encore chargé de toute l'humidité du marécage, à l'ouest, qui s'abat sur les côtes. Les grands nagas aux écailles brillantes comme des cottes de mailles, griffes serrées sur leurs hallebardes, gardant des baraquements qui ne gardent plus personne.
Île luxuriante, sauvage et dangereuse. Prison pour certains, territoire de chasse pour d'autres.
Avec son armure, on lui avait rendu sa dignité de guerrier et de chasseur. La retrouver et l'endosser à nouveau était presque aussi exaltant que de retrouver la couleur du ciel, l'odeur du vent, ou la présence d'Espoir. C'était comme devenir Entier après avoir été longtemps morcelé. Rendu à la perfection première : celle de la force, celle de la chasse et de la guerre.
Ils passèrent du temps à se poursuivre l'un l'autre, Espoir et Honneur, libres et innocents comme des animaux - ou comme de jeunes dieux lâchés sur un monde sans loi ni maître. Puis, leur appétit se tourna vers l'île et sa jungle, vers les créatures qui la peuplaient, et qu'ils ne voyaient qu'en potentiels gibiers. Mais bientôt, l'île ne leur suffit plus.
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Azshara.
Terres marquées par la gloire de l'ancienne Reine, et plus encore par sa déchéance. Ici, l'éternel automne règne en maître. L'herbe roussie, les feuilles rouges, rouges, rouges. Les longues plaines en pente douce, où nichent des hippogriffes paresseux, font contraste avec la crevasse qui abrite les restes d'Eldarath, splendeur tombée, oubliée, et dont les ruines s'étendent jusqu'à la frange du rivage.
La pluie tombait drue quand ils pénétrèrent dans ce nouveau territoire, collant leurs cheveux et donnant à leurs armures l'apparence de coquilles luisantes. Mais la pluie ne les empêcha pas de se lancer dans une nouvelle traque, une nouvelle chasse.
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L'arme, en fendant l'air, ne fit crier que le vent.
- Mrraah ! feula Semelys pour exprimer sa déception, alors que l'ombre immense du dragon poursuivait sa route avec indifférence.
- C'est un esprit, expliqua Espoir, plus tranquille, les yeux levés vers l'échine de la créature. Il est mort. On ne peut pas le chasser. "
Et elle ponctua sa remarque d'un sourire poli à l'intention de l'ombre, excuses ou témoignage de respect - ou bien les deux. Espoir avait la faculté étrange de garder son calme et sa courtoisie presque en toute circonstance ; facette paisible d'un caractère que beaucoup pouvaient prendre, à tort, comme de la naïveté, ou un excès de gentillesse. La réalité, de fait, était plus complexe. Et moins humaine - à la limite de l'amoralité.
Plantant sa hache dans le sol détrempé de pluie, Semelys regarda s'éloigner la "proie" désormais inaccessible, un grondement de frustration dans la gorge.
- Vraiment dommage...
- Ecoute... Un peu plus au Nord-Ouest, je sais qu'il y a des cousins Verts. Tu sais, près du Portail. On évitera le gros s'il est de sortie, mais on peut toujours chasser les petits... "
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Orneval.
" Je te parie que c'est moi qui le tue en premier ! " avait joyeusement crié Espoir avant de se ruer vers la patrouille draconide.
Mais à présent, au coeur de la bataille, un violent revers venait de la projeter à quelques mètres. Il releva avec inquiétude la tête, alors qu'elle roulait durement au sol, et ne fut qu'à demi soulagé de la voir se redresser puis revenir en boitillant vers le combat.
Le dernier draconide fut renversé sur le dos et le fer plongea dans la chair tendre du ventre, là où ni écaille ni cuirasse ne protègent la peau claire et fragile. La créature siffla, se convulsa, puis s'immobilisa tout à fait.
- Blessée ? s'enquit Semelys en dévisageant Espoir debout près de lui.
- Je crois, oui. Derrière le genou...
- Assieds-toi.
- Si je m'assois, je me relève plus... "
L'installer, un peu plus loin. La verdure et la nuit tout autour, et l'odeur puissante d'Orneval : violette, menthe et pluie.
- Ca pique, grogna Espoir.
- Serre les dents. "
Le temps de retirer le morceau d'armure coincé dans la plaie - et le sang qui inonde à nouveau ses mains. Son sang à elle, plus étourdissant que la meilleure des liqueurs. La lueur blanche, enfin, de la guérison. Qu'il aurait craint chez n'importe qui d'autre ; craint, haï, et fui autant que possible, mais qu'il acceptait désormais chez elle sans même y penser.
- J'ai faim ", dit Espoir en souriant.
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Dernière édition par Scylence le Jeu 12 Nov 2009, 15:27, édité 1 fois
Semelys- Personnages Joués : Mrrrrh...
Re: Chasses Sauvages
Faim.
Main dans la neige, tête nue, genou posé sur le surplomb. En bas, hérissées, les gigantesques murailles de la Couronne de Glace. Le vent siffle et hurle.
Faim.
Une longue colonne d'hommes, petits comme des fourmis. Horde et Alliance mêlés. Il les voit se rassembler, former des lignes bien droites. Entend à peine les cris de leurs chefs, et le cliquetis des armes par centaines. Maintenant ils avancent, de la neige jusqu'aux genoux, se scindent en bataillons.
Faim.
Sa main se resserre, laisse une griffure profonde dans le sol blanc et malléable. Claquement du gantelet de plaque, et de l'armure toute entière quand il se redresse.
A présent montent les rumeurs de la mêlée.
A présent monte l'odeur du sang et de l'acier. Et celle, cendreuse et noire, des forces du Fléau.
Il ne peut les rejoindre, il ne peut chasser à leurs côtés - et, de toute façon, il n'en a guère envie ; mais il lui semble voir les lourdes fumées de Fléaulme et son brouillard de peste, et le courage avec lequel les guerriers de la Horde grimpent aux nécropoles. Il peut percevoir, sous les cris du vent, ceux d'autres soldats plus au Nord, affrontant un barrage grouillant d'ennemis sans cesse relevés.
Les armes qui se lèvent et s'abattent, fracassent et tranchent, hurlent et gémissent. Les ichors mêlés, parfois lourds et sombres, parfois brûlants, d'un rouge aveuglant sur la neige piétinée. L'odeur de leurs blessures monte dans l'air, capiteuse comme un encens.
Faim.
Il pousse un cri rauque, perdu dans l'immensité, dévale la pente. Arme en main, pieds campés sur le sol gelé. Chez lui. Il est chez lui. L'air glacé, le ciel assombri, le vent puissant comme un souffle de dragon, c'est chez lui. Son terrain de chasse. Tous ceux-là sont trop fragiles, trop tièdes, trop humains pour pouvoir ne serait-ce que défier ceux que la mort et la neige ont forgés. Ils sont feuille morte, quand leurs ennemis sont roche et montagne. Et pourtant, pourtant, ils avancent. Leurs bras tremblent parfois, et le froid leur gèle les cils, mais ils avancent.
Des chants de guerre vrykuls font résonner tout Ymirheim.
Il s'éloigne.
A présent seuls les échos lui parviennent. Les hurlements des ymirjars, des claquements de harpons, le vol sinistre et éthéré des valkyrs. Des cris humains, frêles et vibrants dans la tempête. Une détonation, loin, loin au Nord. Les pieds de centaines de soldats martelant un sol mort depuis longtemps.
Au milieu de toute cette confusion brille sa présence à elle, une lumière vive et froide comme celle d'une étoile. Jalon dans l'obscurité. Unique obstacle à son instinct, à l'excitation qui fait bouillir ce qui le maintient en non-vie, à la faim. Il ne peut lever l'arme contre une armée qui la tient dans son sein, tout sacrilège soit la présence de ces gens sur une terre qui n'est pas la leur, qui ne sera jamais la leur. Il ne peut rendre justice à ce qui hurle de rage en lui.
Un millier de sabots.
La charge, un moment, fait trembler toute la vallée, et même le vol paresseux des wyrms s'en voit troublé un bref instant.
Dernière bataille, la plus violente, la plus exaltante. De loin en loin, il entend le grand choc des gardes d'os, abattus et fracassés à terre. Le mugissement des wyrms et le battement ample de leurs ailes décharnées. Les cris d'alerte, de douleur, de colère, de triomphe. Des cris étrangers.
Et, enfin, le repos. Quelques cors sonnent la victoire, des étendards se dressent. Ils sont heureux. Eprouvés, éreintés, mais victorieux. Leur passage a laissé de larges balafres, des sillons d'os et de sang, de cadavres et de forts brûlés. Autant de marques du tribut à payer.
Lui reste seul. Bien sûr, elle viendra le rejoindre, quand toutes les blessures auront été pansées ; mais pour l'heure, il est seul. La terre - la sienne - ne crie plus, gorgée de sang, autant de celui des envahisseurs que du sien propre ; vaincue, soumise, échine courbée sous les pieds des soldats. Et, bien qu'il ne soit plus tout à fait leur ennemi, bien qu'il ne soit plus tout à fait chez lui au milieu des glaces inhospitalières, le blasphème, ressenti au plus profond de ce qui lui sert d'âme, demeure.
Et la faim aussi.
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Main dans la neige, tête nue, genou posé sur le surplomb. En bas, hérissées, les gigantesques murailles de la Couronne de Glace. Le vent siffle et hurle.
Faim.
Une longue colonne d'hommes, petits comme des fourmis. Horde et Alliance mêlés. Il les voit se rassembler, former des lignes bien droites. Entend à peine les cris de leurs chefs, et le cliquetis des armes par centaines. Maintenant ils avancent, de la neige jusqu'aux genoux, se scindent en bataillons.
Faim.
Sa main se resserre, laisse une griffure profonde dans le sol blanc et malléable. Claquement du gantelet de plaque, et de l'armure toute entière quand il se redresse.
A présent montent les rumeurs de la mêlée.
A présent monte l'odeur du sang et de l'acier. Et celle, cendreuse et noire, des forces du Fléau.
Il ne peut les rejoindre, il ne peut chasser à leurs côtés - et, de toute façon, il n'en a guère envie ; mais il lui semble voir les lourdes fumées de Fléaulme et son brouillard de peste, et le courage avec lequel les guerriers de la Horde grimpent aux nécropoles. Il peut percevoir, sous les cris du vent, ceux d'autres soldats plus au Nord, affrontant un barrage grouillant d'ennemis sans cesse relevés.
Les armes qui se lèvent et s'abattent, fracassent et tranchent, hurlent et gémissent. Les ichors mêlés, parfois lourds et sombres, parfois brûlants, d'un rouge aveuglant sur la neige piétinée. L'odeur de leurs blessures monte dans l'air, capiteuse comme un encens.
Faim.
Il pousse un cri rauque, perdu dans l'immensité, dévale la pente. Arme en main, pieds campés sur le sol gelé. Chez lui. Il est chez lui. L'air glacé, le ciel assombri, le vent puissant comme un souffle de dragon, c'est chez lui. Son terrain de chasse. Tous ceux-là sont trop fragiles, trop tièdes, trop humains pour pouvoir ne serait-ce que défier ceux que la mort et la neige ont forgés. Ils sont feuille morte, quand leurs ennemis sont roche et montagne. Et pourtant, pourtant, ils avancent. Leurs bras tremblent parfois, et le froid leur gèle les cils, mais ils avancent.
Des chants de guerre vrykuls font résonner tout Ymirheim.
Il s'éloigne.
A présent seuls les échos lui parviennent. Les hurlements des ymirjars, des claquements de harpons, le vol sinistre et éthéré des valkyrs. Des cris humains, frêles et vibrants dans la tempête. Une détonation, loin, loin au Nord. Les pieds de centaines de soldats martelant un sol mort depuis longtemps.
Au milieu de toute cette confusion brille sa présence à elle, une lumière vive et froide comme celle d'une étoile. Jalon dans l'obscurité. Unique obstacle à son instinct, à l'excitation qui fait bouillir ce qui le maintient en non-vie, à la faim. Il ne peut lever l'arme contre une armée qui la tient dans son sein, tout sacrilège soit la présence de ces gens sur une terre qui n'est pas la leur, qui ne sera jamais la leur. Il ne peut rendre justice à ce qui hurle de rage en lui.
Un millier de sabots.
La charge, un moment, fait trembler toute la vallée, et même le vol paresseux des wyrms s'en voit troublé un bref instant.
Dernière bataille, la plus violente, la plus exaltante. De loin en loin, il entend le grand choc des gardes d'os, abattus et fracassés à terre. Le mugissement des wyrms et le battement ample de leurs ailes décharnées. Les cris d'alerte, de douleur, de colère, de triomphe. Des cris étrangers.
Et, enfin, le repos. Quelques cors sonnent la victoire, des étendards se dressent. Ils sont heureux. Eprouvés, éreintés, mais victorieux. Leur passage a laissé de larges balafres, des sillons d'os et de sang, de cadavres et de forts brûlés. Autant de marques du tribut à payer.
Lui reste seul. Bien sûr, elle viendra le rejoindre, quand toutes les blessures auront été pansées ; mais pour l'heure, il est seul. La terre - la sienne - ne crie plus, gorgée de sang, autant de celui des envahisseurs que du sien propre ; vaincue, soumise, échine courbée sous les pieds des soldats. Et, bien qu'il ne soit plus tout à fait leur ennemi, bien qu'il ne soit plus tout à fait chez lui au milieu des glaces inhospitalières, le blasphème, ressenti au plus profond de ce qui lui sert d'âme, demeure.
Et la faim aussi.
---
Semelys- Personnages Joués : Mrrrrh...
Re: Chasses Sauvages
------ Je rêve de trop
Chat sauvage.
Un chat sauvage.
C'est ça.
Un chat sauvage.
Tournant, griffant, crachant. Hérissé, méfiant, hostile. Agressif, violent, fier.
Voilà ce que je suis.
~
C'est une bataille de plus. Toutes ces armures qui font un bruit d'orage en s'entrechoquant. Tous ces destriers au sabot impatient et effilé, qui fracassent et fracassent la terre, bave aux mors. Tous ces fers levés et toutes ces gorges vibrantes.
C'est mon royaume, il s'appelle Guerre.
Sous les pieds de nos chevaux, la terre est morte. Nous galopons. Nuage d'orage. Nuage de fer, gonflé de tonnerres et de clameurs. Je ne reconnais pas ceux avec qui je chevauche. Il n'y a même pas d'étendards, les couleurs sont aussi disparates que les blasons. Je regarde autour, et reconnais le signe des Justes ; je crache au sol. Ah, oui. C'est pour ça que je suis venu. Oui. Voir ce qu'ils valent une arme à la main, avec leurs petits cris frêles et leurs armures en papier mâché. Leur montrer ce qu'est une vraie bataille, si possible.
C'est mon royaume, il s'appelle Guerre.
Nous sommes entrés. Je tiens la tête. Je frappe, je fauche. L'ennemi que je tue pourrait être mon frère. Peu importe. Il y a longtemps que je n'ai plus ni de visage ni de nom. Je suis un chat sauvage. Je suis l'Arme et je m'abats sans répit. Je ne réfléchis pas. Je ne pense pas. Il n'y a plus rien de réel si ce n'est le sang qui claque sous nos pieds, ablution de vin ferreux.
Ce sang-là est souvent noir comme un poison, comme le mien. L'ennemi que j'affronte est peut-être mon frère.
Mon frère ? Ai-je jamais eu un frère ? Je croise un regard sous un heaume abattu, avant qu'une lame ne siffle et ne tranche, taillant dans la plaque sombre de mon armure. Dans le miroir de ces yeux-là, des yeux étrangers, je ne me suis pas reconnu.
Les sangles de mon casque ont été sectionnées. Mon propre sang m'aveugle. Je peux sentir les deux pans de ma gorge ouverte battre comme des focs de navire, toutes voiles dehors. Le coup m'aurait sans nul doute tué net si je n'avais pas déjà été mort.
Je recule. Mes vertèbres craquent. Je ris, dents en avant.
Un chat sauvage, ivre et furieux, voilà ce que je suis.
J'ignore si nous avançons ou si nous reculons. Tout est confus. Je le connais, je l'aime, ce chaos. Les dalles sont poisseuses et glissantes, les murs suintent et résonnent d'échos. La masse fumante des combattants moutonne devant moi sans qu'il soit possible de savoir, désormais, qui est l'ennemi et qui est l'allié. Nous sommes tous noirs de sang. Nous n'existons plus. Je n'existe plus.
Je n'ai peut-être jamais existé.
Je crie, sans trop savoir pourquoi. Ce cri-là résonne comme s'il venait d'une autre gorge que la mienne. Je ne me savais pas capable de crier après avoir reçu une telle blessure. Non. En fait, je ne crie pas. C'est mon âme. C'est mon âme qui hurle.
Si tant est qu'il m'en reste une.
Tous les autres crient aussi. Peut-être qu'eux aussi laissent parler leur âme, et font monter ses clameurs vers le ciel comme une gigantesque prière. Je sais déjà qu'aucun dieu ne répondra. Aucun, si ce n'est celui du sang sur l'acier.
Il n'y a pas de dieu pour les chats sauvages.
J'ai trébuché. Je n'ai pas vu l'attaque venir tant ce qui résonnait dans ma poitrine était puissant. Deux blessures de plus fleurissent dans ma chair et je tombe, glissant d'une arche pour m'écraser plus bas. Ma jambe se casse net. Je reste sonné un moment, tant le bruit de mon tibia au moment où il a percé ma chair vient de me rappeler à quel point la douleur pouvait être vive.
Tant pis. L'armure me tiendra lieu de squelette, quand bien même le mien serait entièrement broyé. Je ne suis pas autre chose qu'une arme et une armure. Je pourrais tout aussi bien être vide en dedans.
Je pourrais tout aussi bien n'avoir jamais existé.
Nous avons perdu. Ici et là, on sonne la retraite. Certains se replient avec méthode, d'autres fuient comme des fourmis privées de reine. Je sors en boitant, défendant mes arrières. La mêlée fond comme une vague qui reflue, ne laissant derrière elle, ça et là, que les épaves des corps brisés et des membres tranchés.
"Le ciel s'en va chargé de sang
Et l'air est plein du goût du sang
Du sang partout, partout du sang."
Je me laisse tomber au sol. De loin en loin me parviennent les derniers échos de la débâcle, mais cela ne me concerne plus. Je suis seul. Moi-même à moi-même donné. Je regarde mes blessures, puis je regarde mes mains. Je regarde mes mains, je regarde la nervure puissante du sang dans mes paumes et les griffes noires saillant sous la plaque articulée de mes gantelets. En contemplant ces mains de chat sauvage, je me rappelle enfin que j'ai peut-être eu, un jour, un visage et un nom.
Je prends mon visage dans mes mains, moi qui ai peut-être un jour existé.
Et je tremble. Je tremble.
Un chat sauvage.
C'est ça.
Un chat sauvage.
Tournant, griffant, crachant. Hérissé, méfiant, hostile. Agressif, violent, fier.
Voilà ce que je suis.
~
C'est une bataille de plus. Toutes ces armures qui font un bruit d'orage en s'entrechoquant. Tous ces destriers au sabot impatient et effilé, qui fracassent et fracassent la terre, bave aux mors. Tous ces fers levés et toutes ces gorges vibrantes.
C'est mon royaume, il s'appelle Guerre.
Sous les pieds de nos chevaux, la terre est morte. Nous galopons. Nuage d'orage. Nuage de fer, gonflé de tonnerres et de clameurs. Je ne reconnais pas ceux avec qui je chevauche. Il n'y a même pas d'étendards, les couleurs sont aussi disparates que les blasons. Je regarde autour, et reconnais le signe des Justes ; je crache au sol. Ah, oui. C'est pour ça que je suis venu. Oui. Voir ce qu'ils valent une arme à la main, avec leurs petits cris frêles et leurs armures en papier mâché. Leur montrer ce qu'est une vraie bataille, si possible.
C'est mon royaume, il s'appelle Guerre.
Nous sommes entrés. Je tiens la tête. Je frappe, je fauche. L'ennemi que je tue pourrait être mon frère. Peu importe. Il y a longtemps que je n'ai plus ni de visage ni de nom. Je suis un chat sauvage. Je suis l'Arme et je m'abats sans répit. Je ne réfléchis pas. Je ne pense pas. Il n'y a plus rien de réel si ce n'est le sang qui claque sous nos pieds, ablution de vin ferreux.
Ce sang-là est souvent noir comme un poison, comme le mien. L'ennemi que j'affronte est peut-être mon frère.
Mon frère ? Ai-je jamais eu un frère ? Je croise un regard sous un heaume abattu, avant qu'une lame ne siffle et ne tranche, taillant dans la plaque sombre de mon armure. Dans le miroir de ces yeux-là, des yeux étrangers, je ne me suis pas reconnu.
Les sangles de mon casque ont été sectionnées. Mon propre sang m'aveugle. Je peux sentir les deux pans de ma gorge ouverte battre comme des focs de navire, toutes voiles dehors. Le coup m'aurait sans nul doute tué net si je n'avais pas déjà été mort.
Je recule. Mes vertèbres craquent. Je ris, dents en avant.
Un chat sauvage, ivre et furieux, voilà ce que je suis.
J'ignore si nous avançons ou si nous reculons. Tout est confus. Je le connais, je l'aime, ce chaos. Les dalles sont poisseuses et glissantes, les murs suintent et résonnent d'échos. La masse fumante des combattants moutonne devant moi sans qu'il soit possible de savoir, désormais, qui est l'ennemi et qui est l'allié. Nous sommes tous noirs de sang. Nous n'existons plus. Je n'existe plus.
Je n'ai peut-être jamais existé.
Je crie, sans trop savoir pourquoi. Ce cri-là résonne comme s'il venait d'une autre gorge que la mienne. Je ne me savais pas capable de crier après avoir reçu une telle blessure. Non. En fait, je ne crie pas. C'est mon âme. C'est mon âme qui hurle.
Si tant est qu'il m'en reste une.
Tous les autres crient aussi. Peut-être qu'eux aussi laissent parler leur âme, et font monter ses clameurs vers le ciel comme une gigantesque prière. Je sais déjà qu'aucun dieu ne répondra. Aucun, si ce n'est celui du sang sur l'acier.
Il n'y a pas de dieu pour les chats sauvages.
J'ai trébuché. Je n'ai pas vu l'attaque venir tant ce qui résonnait dans ma poitrine était puissant. Deux blessures de plus fleurissent dans ma chair et je tombe, glissant d'une arche pour m'écraser plus bas. Ma jambe se casse net. Je reste sonné un moment, tant le bruit de mon tibia au moment où il a percé ma chair vient de me rappeler à quel point la douleur pouvait être vive.
Tant pis. L'armure me tiendra lieu de squelette, quand bien même le mien serait entièrement broyé. Je ne suis pas autre chose qu'une arme et une armure. Je pourrais tout aussi bien être vide en dedans.
Je pourrais tout aussi bien n'avoir jamais existé.
Nous avons perdu. Ici et là, on sonne la retraite. Certains se replient avec méthode, d'autres fuient comme des fourmis privées de reine. Je sors en boitant, défendant mes arrières. La mêlée fond comme une vague qui reflue, ne laissant derrière elle, ça et là, que les épaves des corps brisés et des membres tranchés.
"Le ciel s'en va chargé de sang
Et l'air est plein du goût du sang
Du sang partout, partout du sang."
Je me laisse tomber au sol. De loin en loin me parviennent les derniers échos de la débâcle, mais cela ne me concerne plus. Je suis seul. Moi-même à moi-même donné. Je regarde mes blessures, puis je regarde mes mains. Je regarde mes mains, je regarde la nervure puissante du sang dans mes paumes et les griffes noires saillant sous la plaque articulée de mes gantelets. En contemplant ces mains de chat sauvage, je me rappelle enfin que j'ai peut-être eu, un jour, un visage et un nom.
Je prends mon visage dans mes mains, moi qui ai peut-être un jour existé.
Et je tremble. Je tremble.
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