Une lame d'ébéne dans le dos...

La draeneï déambulait, ses sabots ferrés de fer tranchant martelant le pavé d'un son sinistre; Son visage figé en une mine boudeuse disparaissait en partie derrière une crinière sauvage, emmêlée, voilant un regard d'argent liquide. Elle glissa sur la procession de bigots chantant les cantiques lumineux en route vers la cathédrale de Stormwind, un rictus moqueur ourla un instant sa lèvre.

-Priez, comme l'ont fait nos anachorétes à Shattrah tandis que les peaux vertes empilaient les corps de nos enfants...foutaises de lumineux!

La Garde-paix telaari les regarda s'éloigner. Revenue du Norfendre, ses idées étaient agitées, si remuantes qu'elle avait depuis quelques temps laissé un peu de répit aux orcs : le fléau rampait dans ses remugles de pestilence et de mort froide, les deux fois nés s'avançaient telle une indicible horreur, un host d'apocalypse levée par un déchu nihiliste.

La Main d'Argus demeurerait fidéle à ses engagements, et la vétérante du "Soleil brisé" trépignait de rejoindre un autre bataille. Barbe-à-poux avait purifié le puits de soleil, le Trompeur avait regagné son néant, et sa faucheuse pendait mollement dans son dos subissant l'assaut outrageant de la rouille!
Un coup d'épaule puissant la stoppa dans sa marche, elle baissa les yeux sur l'humain engoncé de féraille noire portant runique estramaçon...
Elle soutint le regard vide, la froide lueur céruléenne de la non vie d'un chevalier de la mort!
Les peaux roses devenaient ils fous pour accueillir en leur murs les renégats de la Lame d'ébéne? Les sbires du fléau soit disant repentis déambulaient impunément sous les mêmes cieux ravagés quelques jours auparavant par la vomissure fétide des nécropoles...elle reniffla dédaigneuse.

-Bouge ta viande avariée, cadavre...

La grande lochabre d'un preste moulinet ponctua sa phrase, silencieuse invitation à la danse macabre.
Dix minutes plus tard, le temps de la route, les deux adversaires se tenaient devant les murailles de Hurlevent engagés dans un funeste corps à corps. Couverte de givre, les hématomes crevacés de la peste couvrant ses avant bras, elle leva sa faucheuse vers les cieux afin d'administrer les derniers sacréments à la chose agenouillée devant elle. Déjà la maladie affaiblissait son bras tremblant à l'heure de la délivrance. Pour ces sans repos, la paix éternelle de la tombe s'imposait comme un acte de charité...

-Quand on tombe à la bataille, on reste en terre merdeux! L'execution imminente fut stoppée par une voix impérieuse rouée au commandement  :

-Arretez! Au nom de la Garde de Hurlevent lâchez cette arme!

Les naarus devaient être sporadiquement sorti de leur vaseuse contemplation pour se bidonner : une Garde-paix stoppée dans son oeuvre charitable par  la soldatesque de ces mêmes croyants.Elle soupira envahie de la morne lassitude du devoir bafoué.

-Hum...si je vous dis que ce suppôt du fléau m'a menacé...on cause?

-Vous avez provoqué ce Chevalier de la Lame d'ébéne , nous avons des témoins! Contrevenant de ce fait à l'edit de sa majesté Wrynn : ce sont nos alliés dans la lutte contre le déchu, pliez vous à cette loi draeneï!

Elle toisa le sergent de la milice, abaissant sa lochabre nonchalement. "Mes lois sont celles de la guerre : qui a trahi, trahira...puisse tu l'apprendre et survivre à la leçon soldat"
Trois jours de geôle plus tard, grâce à l'intervention diplomatique de l'Anachoréte Viran plaidant sa cause auprés des hautes instances, elle sortait et se voyait remettre ses armes et armures. Les soins du prêtre avaient banni la maladie de son corps. Il la contemplait en souriant tandis qu'elle procédait à un inventaire minutieux sinon suspicieux de ses effets...elle sentit le regard de l'anachoréte posé sur elle...

-Quoi? tu veux que je te remercie? merci! elle reniffla

-Tirna...tu descend d'une longue lignée de paladins, pourtant le don du saint s'est refusé à toi...

Elle se retourna et fustigea l'ancien du regard, silencieuse. Il poursuivit l'air de rien...

-...et tu prends ça comme prétexte pour batailler dans tous les coins de ce monde...à la vérité...l'absence du don ne signifie pas un déni de la lumiére...elle lui coupa la parole :
-Tu te prends pour Barbe-à-poux pour me harceler avec tes dogmes et ta sagesse à deux sous? C'est ça la lumière? accueillir les orcs adeptes du génocide à Shattrah alors que les âmes en peine de cette ville pleurent ce bain de sang pour l'éternité? des chevaliers porteurs de corruption et de pestilence enfantés par le fléau, marchant sur ce pavé encore rouge du sang des innocents ? je t'aime bien vieillard, mais garde tes sermons pour toi, j'me ferais pas enfiler par un orc ou un cadavre en baissant ma garde!
-Par le passé mon peuple a manqué de méfiance, contemple le prix à payer! Argus comptait de puissantes maisons nobles maintenant éteintes, de cette époque il ne reste qu'un souvenir éthéré. Les âmes des combattants tombés au champ d'honneur hurlent de frustration, et les Naarus méditent! merde! mais qu'est ce qu'il y a à méditer? on prend les armes et ont leur ruine la tronche, qui veut la paix, prépare la guerre grand-pére!

Il ne cessa de sourire, agaçant, indolent, insensible à l'ardeur de ses propos. Il posa une main sur la joue de la furie et prononça cette sentencieuse question :

-Dis moi Tirna'Nogh de la maison Argiliath, est ce que le don des naarus fonctionne toujours quand tu l'appelles?

Elle fonça les sourcils au perfide coup bas, puis renifla...

-Ouep et après?

-Après? chacun trouve sa lumière au bout du chemin, il existe des voies sinueuses qui mènent à elle ou en éloigne. Regarde les écarlates, ils servent la lumière et usent de ses pouvoirs, pourtant ce sont des fanatiques cruels. Le chemin du paladin n'est pas le seul fille d'Argus, et tu ne trahis pas ta noble parentéle en ayant suivi une autre voie, ta bravoure parle pour toi. Pour ces chevaliers morts...nuls ne saurait dire ce qu'ils feront dans l'avenir. Ton sort m'importe, pas le leur, ces pauvres éres sont damnés...

Elle fixa l'ancêtre anachoréte puis posa ses mains gantelées de métal sur ses hanches...

-Dis moi vieil homme, supposons...supposons un seul instant que le discours fondateur de la Lame d'ébéne à la chapelle de l'Espoir ne soit qu'une mise en scène! Laisse travailler ton imagination grand père...et imagine un Prince mort vivant construisant de toute pièce cette supercherie pour infiltrer la horde et l'alliance? Qu'en serait il si à l'heure de l'ultime bataille "ils" se revélent tels de fidèles suppôts du fléau au service de leur véritable maître? En vérité, les loups sont déjà dans la bergerie...

Elle lui tapota familièrement l'arrière train, le vieil homme écarquilla les yeux, interdit tandis qu'elle lançait un :

-Viens j'te paye une bière l'ancêtre...

-Nous ne buvons pas d'alcool mon enfant, pour demeurer réceptif à la lumière et son chant divin...

-Bien! tu écoutera la chansonnette et je boirais!