[Alliance - Rp malfrat] Chez Fanny

Camille Chat Dim 17 Avr 2022, 18:45

Le bruit court qu’un énième établissement vient d’ouvrir en ville. Loin du calme feutré de la Rose Dorée ou de la chaleur du Sang-Dragon, ce nouveau débit de boisson s’avère en réalité n’être qu’un rade crasseux dans le port de Hurlevent. Situé en bordure des quais fourmillant d’activités, il restaure désormais les débardeurs suants et les marins avinés contre quelques piécettes. Point de sièges matelassés ou de coupes en argent ici ! La bière est servie tiède dans des godets lavés au crachat et cette clientèle rustique n’a que quelques tabourets pour reposer son derrière. Le mobilier, du reste, est des plus sommaires : une planche sur tréteaux en guise de bar, un vieux couvercle de tonneau sur lequel est griffonné le menu et une arrière-cuisine étroite au possible, où un jeune homme fluet se contorsionne en maugréant au dessus des marmites qui tressautent. Les seuls éléments réellement notables semblent être une croix de Lordaeron fichée contre une poutre à l’aide d’un gros clou auquel pend de l’ail et un rameau de laurier séché, et une œuvre pour le moins singulière : une toile représentant un fier percheron, dont la tête a été raturée au goulot de bouteille et le garrot remplacé par le buste d’une immonde dryade. L’improbable créature présente des seins énormes, des yeux aguicheurs et une magnifique bouche en cul-de-poule. Souvenir de voyage ou production originale ? Allez savoir.

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Une enseigne pour ce charmant endroit ? Même pas, mais on peut facilement croiser quelque roublard qui descendra au port en sifflant sa bande : “Allez les têtes de gnoll, on va s’en descendre une chez Fanny !” Mais d’ailleurs, qui est cette fameuse Fanny qui a donné son nom ensoleillé à ce modeste troquet dont on la dit patronne ? Certains prétendent que c’est une ancienne prostituée du Comté-de-l’Or, d’autres que c’est l’amante d’un capitaine au long-cours. On raconte même dans les gargotes que cette drôlesse de la Baie fut longtemps la favorite du Baron Revilgaz. Madone dévoyée aux prunelles ardentes, fervente repentie à la cuisse légère, celle qui lit dans les cœurs et dans les bourses a désormais quitté la scène d’une vie sulfureuse. Rangée parmi les femmes honnêtes, Fanny n’a certes pas trouvé la paix dans l’étude des Saintes écritures. Cependant l’ouverture d’un business convenable, autrement humble sous l'œil bienveillant de la cathédrale, s’entend comme la preuve irréfutable d’une existence nouvelle. Une existence digne, placée sous le signe de l’intégrité et de l’alcool bon marché.

Le taulier, quant à lui, est un gros bonhomme grossier et mal aimable dont le maillot de corps est toujours taché de gras et de sueur. Ses bras sont recouverts de tatouages d’un goût douteux et sa sale trogne semble avoir été passée au marteau plus de fois qu’il n’y a d’araignées à Sombrecomté. Les quelques clients avec qui il joue aux dés disent de lui que c’est un mercenaire à la retraite, mais surtout un tricheur, un râleur, un rancunier, un acariâtre, un bel imbécile. En un mot, de la racaille.

A l'arrière, le nez dans les marmites fumantes et le graillon, le cuistot de la bande est un jeune loustic à l'œil crapule et au menton glabre sous un duvet de vilaine moustache. Mousse sur un rafiot qu’on appelait le Brise-Voiles avant qu'il ne signât chez la Fanny, celui qui se fait appeler Willy le Noir sait écailler le merlan et éplucher les patates comme personne. Des profondeurs surchauffées de cette cuisine surgissent la soupe de crabe, les frites et la bouillabaisse, servies par la main d’un joli brin de serveuse fraîchement arrivée en ville. Pour quelques piécettes en plus, on dit que la mignonne peut vous tirer la bonne aventure après les service.

En définitive, ce bouge un poil sordide n’a pas grand chose pour attirer l’attention d’autres que les dockers, les putains défraîchies et les crapules. Ce soir, par exemple, les quelques tables sont occupées par des clients qui sentent la sueur et qui éclusent la mauvais pinard. Là trois matelots fatigués jouent aux dés en s’endormant. Ici, deux types louches discutent à voix basse en jetant des regards furtifs par-dessus leurs épaules. Une serveuse pose devant eux un bol fumant de soupe d’aileron de murloc et laisse traîner une oreille innocente. Derrière le bar, le méchant Camille Chat essuie une carafe cabossée avec son torchon en gardant un œil sur la patrouille qui passe, le regard mauvais. Et appuyé sur le zinc -qui n’a de zinc que le nom- un vieux à la jambe de bois et au cache-oeil. C’est un exilé de Gilnéas, un nostalgique de la guerre civile qui vient chez Fanny pour oublier ses tourments et ressasser sa jeunesse. Assommé par l’alcool, sa voix n’en tremble pas pour autant lorsqu’il chante Fanny. Pas la patronne du rade qui lui tient lieu de canne, non, mais une autre de Quilleport qu’il rencontra tantôt, et dont la triste ballade bourdonne pourtant d’un écho étrangement familier.

Spoiler:

♪Chez Fanny la soupe était bonne
Chez Fanny le lit était chaud
Fanny savait comme personne
Nous accueillir dans son bistro
À cette époque de misère
De milices et de gardes royaux
Fanny elle savait y faire
Pour nous éviter le cachot♪

♪Chez Fanny les nuits étaient tendres
Malgré les dangers du dehors
Nul ne risquait de nous surprendre
Fanny nous cachait sans effort
Quand soudain se pointait la troupe
En uniformes gris et noirs
Fanny reine de l'entourloupe
Les éconduisait sans histoires♪

♪Fanny c'était cette gilnéenne
Qui secrètement écoutait
Des voix chantant le malaise
D’opprimés parlant aux opprimés
Fanny belle et indépendante
Courageuse risquait sa peau
Et patriote et militante
Avait l'étoffe des héros♪

♪Chez Fanny c'était la cantine
Mais c'était aussi certains actes
D'une imprimerie clandestine
D'où partaient affiches et tracts
Je me doutais que la coquine
Nous cachait ses petits secrets
Qu'étaient plus lourds qu'on imagine
Mais ça je ne l'ai su qu'après♪

♪Fanny un matin aux aurores
La troupe est venue la chercher
Ce jour je m'en souviens encore
Un salaud l'avait dénoncé
Elle est partie sous forte escorte
Le front haut et la tête nue
Après avoir franchi la porte
Fanny n'est jamais revenue♪

♪Depuis on ne parle plus guère
De ces jeunesses sacrifiées
Qui étaient marraines de guerre
De résistants et prisonniers
Celles du temps des années sombres
Celles des Fannys oubliées
Qui ne sont même plus des ombres
Dans des tombes abandonnées♪

Spoiler:

Camille Chat Lun 02 Mai 2022, 20:33

Vous êtes épuisés et votre dos vous fait souffrir le martyr. La journée a été dure, au Chantier Royal. Les cadences imposées par la nouvelle Directrice-Générale, Mme. Derbourg, semblent impossibles à tenir. Certes, la remplaçante de M. Van Mootz a légèrement augmenté les salaires des équipes d’ouvriers et la vie semble un peu meilleure depuis quelques semaines. Mais à quoi bon avoir plus d’argent lorsqu’on ne peut pas en profiter ? Vos doigts sont pleins d’échardes que la fatigue vous a empêché de manquer, d’énormes cernes pendent sous vos yeux et vous vous demandez comment vous trouver l’énergie de vous traîner encore.

D’ordinaire, vous seriez allé vous jeter un godet à la Rascasse qui Tousse. Si c’est vendredi, peut-être même seriez-vous allé chercher un peu de chaleur humaine à la Castafiore. Mais ce soir non, ce soir vous êtes trop exténués. Alors vous faites un crochet rapide par votre poissonnier habituel, à l’entrée ce que l’on appelle l’Impasse des Indigents, et vous allez sagement rentrer dans votre bâtisse surpeuplée de la ville-haute. Alors que vous approchez, cet illuminé et ses deux complices de la Secte des Vers vous cassent les oreilles en agitant leurs cloches et en beuglant leurs prêches, vêtus de haillons sales sous les pancartes qu’ils portent comme des cuirasses.

- “La fin est proooche ! Je les ai vu en rêve ! Ils z’arrivent ... LES DRAGONS ! Pour plonger Hurlevent dans le feu et la cendre, pour nous punir d’avoir tué la Mort ! Priez-les, demandez leur pardon et ils vous prendront avec eux, feront de vos corps écailles, de vos bras ailes ! Ils z’arrivent, les dragons ! Pour plong- ... » Etc, etc.

Vous préférez ignorer ces dingues. Des prophètes de la fin des temps, vous en avez vu un paquet depuis que vous travaillez sur le Port. Vous arrivez enfin en vue de la petite échoppe. Victor est là, en train de vider une bonite. Vu l’heure, vous êtes certainement son dernier client de la soirée.

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- "Quatre soles bien épaisses, comme d’habitude, aye ?” vous-dit-il, ce à quoi vous hochez la tête, trop fatigué pour répondre. “Teh, t’as pas entendu la dernière ? Le phare de la Marche, ouais le vieux phare que l’Amicale promet d’faire réparer depuis des mois et qu’c’est toujours pas fait. Bah il explosé, qu’on dit. Boum, complètement écroulé dans la mer. Ouais, j’sais pas bien qui, on dit que c’est des gars de l’Amicale eux-même pour pas qu’il y ait trop de poisson sur le Port et qu’ils puissent contrôler les prix d’vente. On dit aussi qu’c’est le Gang des Maçons, à c’qu’il parait les gars là-bas avaient des masques rouges. En tous cas, ça va faire le beurre d’la Coopérative des Poissonniers, ça … D’ailleurs ce zinzin de Henry Gallant, l’est v’nu me voir pour que je signe sa charte. J’me demande bien si c’est pas lui qu’à payé des gus pour faire sauter le phare, ça lui fait du bien à lui aussi, tiens. Et puis d’ailleurs …”

Ca fait longtemps que vous ne l’écoutez plus. Il parle trop, Victor. Vous attrapez vos quatre soles emballées dans une Gazette de Hurlevent du mois dernier et vous remontez chez vous pour faire bouffer vos marmots et vous écrouler sur votre matelas troué. C’est pas tout, mais demain y’en a qui bossent.

Spoiler:

Camille Chat Sam 07 Mai 2022, 17:21

Au petit matin, une troupe d'enfants des rues et de gavroches à béret troué aura fait le tour de la ville pour se faire la courte échelle et coller des affiches un peu partout.

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Envie de tirer des marrons ? De faire sauter des mandales ? De voler dans les plumes ? N’attendez plus et inscrivez-vous comme concurrent à la Foire à la Châtaigne ! Madame Fanny vous propose de se retrouver au Port le lundi 6 juin à la vingt-et-unième heure pour échanger quelques politesses sauce salade de phalange. Rendez-vous Chez Fanny auprès d’Evan Warthson pour vous inscrire. Au programme : savate elwynienne, bières et grillades et, pour le grand vainqueur, le premier prix : la Grande Ceinture du Savateur, un séjour tout-compris d’une semaine à la station balnéaire de Kezan-sur-Mer et une consommation à l’oeil Chez Fanny jusqu’à la Fête du Feu ! Venez nombreux à la Foire ! Comme le Bar-Tabasse, mais en mieux !

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Camille Chat Lun 30 Mai 2022, 13:27

It’s Fanny bitch

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Son pas est cadencé, sa démarche assurée. Ses hanches roulent en rythme avec ses épaules et sous le chapeau à large bord ne dépasse qu’un demi-sourire brillant d’audace. Fanny traverse les hauts-du-port avec l’impétuosité d’un chat de gouttière, la langueur d’une reine. Sa nonchalance insolente irradie au point d’éclipser les trois gorilles qui lui emboitent le pas en mitraillant les environs d’œillades torves.

Les regards aimantés se lèvent sur le passage de la créature et ne peuvent s’empêcher de la suivre. Le casque d’un Garde en faction masque la goutte de sueur qui lui coule le long de la tempe, un portefaix s’écarte bouche bée, manquant de laisser tomber la caisse qu’il porte, un pauvre badaud est bousculé par le service de sécurité parce qu’il se trouvait sur la trajectoire de la tigresse et se retrouve cul par terre, trop abasourdi pour protester. Plus loin, trois vendeuses ambulantes se penchent pour chuchoter entre elles, cachées derrière leurs paniers lourds de poisson. Fanny, hautaine et malicieuse, les ignore superbement en descendant les grands escaliers du port accompagnée de ses gros bras. Les rumeurs volent derrière elle comme les feuilles mortes suivent un coup de mistral.

Et pour cause, le tout-Hurlevent se demande ! Mais qui est cette femme énigmatique que l’on voit aller et venir dans les rues de la Cité Blanche ? Pourquoi bat-elle le pavé de long en large ? Comment peut-on la voir tant dans les salons enfumés du Quartier des Mages que dans les venelles sombres de la Vieille Ville ? Sa silhouette déliée hante le port, rôde dans les stations du Tram, passe place Faol comme une ombre. Insaisissable, elle ne passe pourtant jamais inaperçue. Les bruits courent sur elle : patronne de bar, femme d’affaire, ancienne célébrité du monde de la nuit, criminelle repentie, noble en cavale, espionne clandestine ? D’ailleurs, est-ce bien une humaine ? Une elfe déguisée ? Hier, un cordonnier suspicieux assurait que c’était une gobeline sous charme d’illusion. On l’affuble déjà de surnoms, comme pour s’approprier son histoire, enrober son mystère : « La Lavandière » car elle blanchirait de l’argent sale, « Fanfan la Jonquille » à cause de ses créoles en or massif qui semblent rire à chacun de ses pas, « La femme au chapeau » ou encore « la Mère des Auffes ».

Du brouhaha qui la concerne, Fanny semble autant se délecter que n’en avoir cure. Elle et ses gars descendent dans le port, apparaissent et disparaissent et se retrouvent bientôt dans un coin lugubre de l’arsenal, loin des regards indiscrets. Devant eux assise sur un long madrier, une naine au regard farouche qui les attend et jette finalement une bourse rebondie aux pieds de notre vedette. Un claquement de doigt, et déjà la cagnotte est ramassée et son contenu compté. Un coup d’œil sous le chapeau vers le nervi, qui secoue la tête en regardant sa patronne. Alors Fanny avise la naine de derrière le verre teinté de ses lunettes.

- « Donne-m’en plus. »

La demi-portion se vexe et vocifère. Ses propres macaques jaillissent des échafaudages tandis qu’elle esquisse un mouvement vers son arme. Mais en moins de temps qu’il n’en faut pour le lire, Fanny a braqué deux revolvers à six-coup sur sa trombine tandis que les primates se jettent les uns sur les autres pour s’envoyer de vilaines salades de phalanges. L'échauffourée se solde tout aussi vite avec trois gorilles debout, un nez cassé, quelques dents manquantes, et le reste des arsouilles au tapis. Sous le chapeau de la belle étincelle maintenant un grand sourire.

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