La treizième tribu

De minuscules gouttes de sueur s'étaient mises à perler sur le visage paisible de la patiente.

Le prêtre en charge de cette dernière trouva cela fort étrange et fronça légèrement des sourcils, alors que dans son regard une lueur d'excitation venait de naître.
Il adorait les énigmes, c'était son pêché mignon. Il n'avait que très peu dormi depuis ce cas, certes, peu spectaculaire, mais cependant si passionnant.
Une jeune femme apparemment en bonne santé avait été confiée aux bons soins des prêtres de la cathédrale d'Hurlevent. Il avait trouvé cela ridicule, certes, elle avait l'air d'avoir quelque violence...mais en ces temps sombres, c'était devenu chose malheureusement assez courante, il en avait vu plus d'un arriver dans la maison de Lumière au bord de la folie ou du suicide après avoir vu ou subit quelque traumatisme, ou dont les blessures ou les brûlures avaient laissé défiguré et nécessitait prières, arcanes ou un miracle…. Cette femme ci avait besoin d’une bonne nuit de sommeil, un peu d'eau, quelques paroles de réconfort et elle aurait du être sur pied et partie depuis longtemps...bien longtemps....seulement pour une raison inconnue, elle ne se réveillait pas.

Il avait remarqué le saignement sur son bras gauche et s'était mis en tête de déchiffrer l'étrange symbole qui au premier regard ne semblait pas représenter grand chose. Mais quand on y regardait de plus près, semblait représenter des runes, d'un autre temps, oubliés de tous...ou presque...il tenait son livre ouvert et feuilletait les pages de celui ci, une à une, avec une extrême lenteur, quittant le visage de la patiente qui devait sans doute, au vu des petites perles de sueur....être en train de rêver...

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Il faut partir maintenant princesse, ils arrivent...ils en ont bientôt fini avec le kodo, après ce sera notre tour!

Un bruit ressemblant à des pages qui se tournaient à toute vitesse, devenait assourdissant.
L'auburn de ses cheveux avec lequel le vent chaud s'était mis à jouer, devenaient lentement ébène. Elle avait déjà vécu cette scène, dans un rêve...une autre vie...
Elle éperonna son cheval, l'enfant la serrant à la taille. Elle sentait sa terreur.
Sa monture semblait terrifiée elle aussi et c'est sans doute à cause de l'épuisement de ce dernier qu'ils n'avaient pas encore étés désarçonnés.
Un bourdonnement si familier se rapprochait.
Elle savait comment ça se finirait...une fois de plus...

Un sifflement...puis un autre, puis encore un autre...elle entendait les corps lourds des insectes tomber sur le sable.



Par ici! Hâtez vous, princesse!

Au travers une vision embrumée, elle vit trois hommes vêtus de noir chevauchant des montures noires.
La tête lui tournait, elle avait perdu son voile, l'enfant lui donnait chaud...si seulement elle pouvait s'en défaire, elle irait plus vite...
Les flèches continuèrent à siffler, le cheval semblait avoir comprit et s'était mis à grimper la paroi rocheuse sur lequel se tenaient en amont les trois hommes.
Le bourdonnement avait cessé.

Sabah Elkhayr, princesse Jamila, mon frère s'inquiétait de votre retard et m'a demandé de venir à votre rencontre.

L'homme était descendu de son cheval et la salua, s'inclinant légèrement ayant posé sa main d'abord sur le foie, ensuite sur le cœur, et pour terminer, sur le front. Le salue réservé aux personnes de haut rang.
Il s'avança et tendit la main pour l'aider à descendre.

Je suis Akhaz Ibn Sahih.

Elle baissa son regard sur cet homme. Ses cheveux lui arrivaient aux épaules, son regard était sombre mais les ridules aux coins des yeux lui donnait un air mi-espiègle, mi-sérieux. Les tatouages qui ornaient son visage représentaient les symboles de sa tribu. L'habit léger qu'il portait semblait indiquer qu'il était prêt à faire la fête lorsqu'il fut envoyé la quérir. Mais elle savait que quelque soit l'habit porté par cet homme, il demeurerait terriblement séduisant. Elle resta stoïque et le trouble qu'elle ressentait devant celui l'ayant arraché à une mort certaine et douloureuse n'apparut aucunement sur son visage, ni dans son regard...mais elle oublia quelques instants encore, qu'elle n'était pas voilée.

Salam Akhaz Ibn Sahih, je suis Jamila Bint Kha'bith. Que soit béni votre frère, le cheik Sahih de s'être inquiété de mon humble personne au point de m'envoyer son fils pour terminer mon voyage.
Ma Kalam fut tuée ainsi que le reste de mon escorte, ils ont sacrifié leurs vies pour me permettre d'arriver à temps pour le grand Raqs. J'espère que vous me pardonnerez de prendre ainsi parole, mais mon père m'a appris que parfois une légère entorse aux lois peut s'avérer nécessaire selon les occasions.

Etait-ce un sourire? Une gêne quelconque? Il s'était tu et continua de la regarder. Sans doute était il admiratif lui aussi devant les yeux couleur d'eau, chose rare en ces régions contrastant avec le noir jais et une peau légèrement mat.
Elle prit le bord de sa tunique, solution de fortune pour cacher son visage, baissant la tête. Il fit mine de n'avoir rien remarqué afin de mettre fin au gêne.



Mes hommes vont s'occuper de votre cheval et de votre servant, il est temps de partir à présent. Mon père s'impatiente...et le vôtre aussi....

Cela faisait à présent plus de deux semaines qu'elle s'était réveillée. Elle se sentait mieux et rien ne nécessitait qu'elle reste...surtout si c'était pour satisfaire la curiosité d'un petit prêtrillon.
Elle n'était pas tranquille. Elle erra dans les rues, ne sachant ce qu'elle cherchait, ni vers qui se tourner.
Quelque chose avait changé...ses rêves semblaient la renvoyer vers un passé qui n'était pas le sien...mais pourquoi?

Elle ne parvenait pas à s'endormir cette nuit là, la musique semblait de plus en plus forte. Elle n'avait jamais entendu pareil musique auparavant, elle ne s'attendait pas à ce genre de musique à Austrivage. C'était une musique étrange, comme inspiré d'anciens rythmes trolls. Elle ne cessait de tourner. Elle avait demandé une suite, on lui avait accordé...elle se donnait encore quelques minutes pour s'endormir ensuite elle prendrait ses dagues et irait s'occuper des festoyeurs à sa façon.



-Rêveillez-vous princesse Jamila. Ca va bientôt être votre tour. Le cheval est prêt.

Elle se sentait vaseuse, comme si on l'avait tiré d'un sommeil trop profond.

-Que...qu'est ce que je fais ici? Qui êtes v....

-Vous avez mandé qu'on vous laisse seule quelques instants...vous avez du vous endormir.

Le Raqs! Comment avait elle pu oublier? C'était son tour d'apporter au Sultan le cadeau fait par sa tribu. Une licorne, c'était là un présent digne des dieux. Elle savait pourtant que sa rivale première devait offrir une lampe contenant un djinn. Les espions de son père ne leur avait communiqué l'information que trop tardivement. Deux d'entre eux servait désormais de nourriture aux fourmies rouges ayant été enterrés encore vivant dans le sable, leur tête seul à l'air libre. C'était le sort des incapables.
L'enjeu politique était de taille, le Sultan prendrait pour première épouse celle lui apportant le plus beau présent. Le chef de la treizième tribu avait misé sur les charmes de sa plus belle fille, au cas où la licorne ne suffirait pas. Jamila était perdu dans ses pensées mais quelque chose la troublait. Elle regarda autour d'elle. Et s'adressant à son petit serviteur:

-Quelqu'un est ici?

-Non , princesse! Les gardes gardent votre tente, nul ne peut entrer, et nos sorcières vous ont posé les signes au henné pour vous protéger des mauvais sorts et des malédictions!
Quelque chose en va pas?

Elle regarda ses mains. Des arabesques y étaient dessinés, sur toute sa main et son bras droit. D'autres ornainent ses hanches et dépassaient légèrement de la partie basse de son costume paré de pierreries, de soie fin et de paillettes. Pourtant elle sentait une présence autour d'elle...à moins que ce n'était en elle? La voix du serviteur la ramena une fois de plus à cette réalité.

-Il faut y aller. Le cheval est prêt, on n'attend plus que vous.

Pourquoi ne l'avait elle pas balancé au milieux des Silthides? Sa voix l'agaçait et il avait toujours réponse à tout. De plus, il l'avait surprise à tester son poison sur les oiseaux de sa volière. Elle ne savait si cela lui nuierait, s'il savait tenir sa langue ou pas. Mieux faudrait qu'elle prétende qu'il aurait usé d'un langage déplacé à son égard afin qu'elle lui fasse couper la langue. Ce serait plus sur. Elle s'occuperait de cela plus tard. Pour l'heure, il était temps de présenter le présent de la treizième tribu au Sultan Sahih, chef des chefs des treize tribus des déserts de Kalimdor.
Elle se demandait si le prince Akhaz serait présent à ses côtés. Elle se sentait à nouveau ce trouble monter en elle, à cette seule pensée.

-Nous pouvons y aller, je suis prête.


Quelqu'un frappait à la porte.
Votre petit déjeuner , dame, dois je entrer le déposer près du lit ou le déposer devant la porte?
Cymbelîne s'asseya en sursaut. Elle avait l'impression d'avoir fait une chute du haut de la tour de la cathédrale. Elle mit quelques instants à reprendre ses esprits.
On frappa à nouveau.

-Dame? Tout va bien
-Je...oui. Posez ça devant la porte, ça ira, merci.

Dans sa tête, une voix résonnait: "Je suis prête...Je suis prête."