La Gamine [Asélryn]
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La Gamine [Asélryn]
[/HRP]
Depuis le temps que j'ai en tête d'écrire le BG de ma voleuse, j'ai finalement trouvé la motivation ! J'espère que vous apprécierez.
Les évènements décrits commencent environ quatre ans auparavant.
[/RP]
Une nouvelle larme vient se disloquer sur les dalles humides.
La tête entre les mains, sa longue chevelure noire cachant son visage, elle pleure, comme jamais elle n’avait pleuré.
L’après-midi va s’achever, on entend les sons étouffés venus des quartiers commerçants, les flots en contrebas remuent paresseusement sous le souffle chaud d’une journée d’été. Rien ne bouge, seulement quelques sanglots fréquents, seule, elle pleure.
Jusqu’ici, papa et maman étaient toujours là pour calmer ses peines mais aujourd’hui, le malheur est incomparable. Elle ne veut pas les voir, les choses ne feraient qu’empirer.
Et ces questions qui lui martèlent le crâne, comme pour lui confirmer qu’elle ne rêve pas, comme pour laisser le champ libre au désespoir.
Pourquoi…
Mais pourquoi…
Pourquoi n’en suis-je pas capable ?
Pourquoi la Lumière ne veut-elle pas me répondre ?!
Le visage émacié du vieux frère Ornel lui revient en mémoire. Lui aussi fondait beaucoup d’espoirs en elle.
Elle lui avait causé une déception immense, mais certainement incomparable à celle de ses parents. Ils devaient être au courant à présent, frère Ornel devait les avoir prévenus. Elle ne voulait pas les voir.
Jamais elle ne connaîtrait l’harmonie dont ils lui avaient tant parlé, jamais elle ne marcherait sur leurs pas, jamais elle ne ferait leur fierté. Elle n’était plus qu’une pauvre ratée.
Elle reste assise au milieu de l’amas de caisses abandonnées au bord des canaux. Elle veut rester seule, elle pleure en silence. Que va être sa vie maintenant ?
Ses parents, tous deux paladins de l’Aube d’Argent, comment pourraient-ils vouloir d’une fille isolée par la Lumière, repoussée par celle-ci ?
Que doit-elle faire désormais ?
Les questions se bousculent toujours et la malmènent. Elles se pressent, la torturent, elle reste seule et pleure. Seule ? Non, pas vraiment en fait. Elle le croit juste.
Il l’observe depuis un moment, invisible grâce à cette technique mystérieuse qui fait toujours débat ouvert chez les sorciers. L’absence de magie semble les perturber, ils craignent ce qu’ils ne comprennent pas.
Il ne se montre pas. Il n’en a pas envie. Il ne sait pas ce qu’il pourrait lui dire en apparaissant soudain devant elle. Non, il attend. Lui aussi compte sur elle.
Les yeux embués, elle relève la tête après un long moment. Un nouveau sanglot lui secoue les épaules. La tristesse est la seule chose que l’on peut lire dans ses yeux gris.
Le soleil décline, la nuit va bientôt tomber. Si les rues de Hurlevent sont sûres de jour, la nuit les transforme en coupe-gorge. Elle se sent incapable de rentrer chez elle, incapable d’affronter ce qui l’y attend…
Elle plisse les yeux. Il y a quelque chose…
Elle ressent, plus qu’elle ne voit, la chose devant elle. Devient-elle folle maintenant ?
Elle préfère tendre la main en avant pour se rassurer.
Il sourit. Lui, elle ne l’a pas déçu. Lentement, il laisse les Ombres glisser sur lui et se révèle entièrement.
« - Salut Asélryn. »
Elle crie et recule contre le mur derrière elle. Elle essaie d’appeler à l’aide mais l’homme pose un doigt contre ses lèvres avec douceur.
Les cheveux bruns ébouriffés, le visage rieur mais marqué de légers cernes, la barbe bien coupée lui encadrant le visage. Il porte une armure de cuir sombre et elle devine les lames cachées en dessous. Il a tout d’un assassin mais ses yeux verts tentent malgré tout de la rassurer.
Il connaît son nom, elle ne sait comment, mais elle est certaine qu’elle l’a déjà vu. Oui, c’était il y a moins d’un an… Elle ne sait que deux choses sur lui : Papa le déteste et il s’appelle…
« - Sh…
- Shenak, oui c’est ça ! »
Il croise les bras et affiche un large sourire.
Elle se souvient. Il était venu à la maison un soir. Papa avait refusé de le laisser rentrer et lui avait crié dessus jusqu’à qu’il parte. Elle lui avait demandé qui il était et son père avait juste répondu « un indésirable » avant de changer de sujet.
« - Bon sang, treize ans ? Le jour de ta naissance me paraît si proche, et pourtant, on te donnerait plus en te voyant. Tu es très belle, tu sais. »
Elle ne sait que répondre, quelle attitude adopter face à cet homme. Il soupire en la voyant craintive.
« - Essuie tes larmes, ce n’est pas aussi grave que tu le pense. »
Elle ne le quitte pas des yeux.
« - Oui, bon. J’avoue que je t’ai observée presque toute la journée. Aujourd’hui était un grand jour non ? »
Elle ne répond pas. Lui non plus ne sait pas vraiment que dire pour la rassurer.
« - Hem... Tu… tu redoutes la réaction de tes parents après ton échec au test d’aptitude à l’appel de la Lumière ? Tu t’en fais trop, crois-moi. En t’observant, je ne pensais pas que tu échouerais… En fait, je l’espérais. »
Il accompagna ces mots d’un sourire énigmatique. Il lui faisait peur, mais sa présence avait tout de même quelque chose d’apaisant. C’était sans doute l’homme le plus contradictoire qu’elle ait jamais eu l'occasion de rencontrer.
« - Si tu as pu me voir, alors c’est que j’ai vu juste. Je pense que tu as juste mal choisi ton chemin. »
Silence…
« - Tu pourrais au moins dire quelque chose. J’ai l’impression de parler seul. J’ai quelque chose à te proposer, j’y pense depuis un certain temps tu sais. Un grand homme a dit un jour : Là ou la Lumière échoue, les Ombres, des obstacles se jouent… »
Regard incompréhensif, le silence se prolonge.
« - Pas ces ombres-là ! Je ne te parle pas de devenir une sorcière ou une dompteuse de démons, non ! »
Il lui adressa une expression dégoûtée, vaguement comique pour tenter de la détendre mais ses yeux gris étaient toujours braqués sur lui, en silence. Il reprit alors un ton sérieux mais toujours en douceur.
« - Je ne parle pas des Ombres magiques, mais de celles qui attendent en silence, qui te rassurent, qui t’offrent un refuge et des possibilités, celles qui règnent sur la nuit, qui jouent avec les illusions, qui te font voir ce que personne ne voit, qui font même que personne ne te voit… Celles qui accompagnent ceux que l’on qualifie de voleurs. »
Asélryn écarquilla les yeux.
« - Les… voleurs… ?
- Ah ! Enfin tu ouvres la bouche ! Et oui, tu as tout compris. Depuis le temps que je t’observe, je suis sûr que tu serais parfaitement à l’aise parmi les Ombres. Oublie juste tous les clichés négatifs qui leur sont liés, c’est toujours moins nocif que de pratiquer de la magie !
- Mais qu… Hey ! »
Shenak l’interrompit en la prenant par le bras pour l’entraîner avec lui, un large sourire aux lèvres.
« - T’inquiète pas pour la suite, je suis persuadé que tu as du talent dans ce domaine ! J’ai du flair, fais-moi confiance. »
Asélryn fut emportée sans la force, ni le désir de s’enfuir, totalement désorientée, jusqu’à que Shenak n’ajoute la phrase qui eut le don de lui remettre les idées en place.
« - Et puis bon… j’peux pas laisser ma nièce seule dans un état pareil ! »
Sa nièce ?!
Depuis le temps que j'ai en tête d'écrire le BG de ma voleuse, j'ai finalement trouvé la motivation ! J'espère que vous apprécierez.
Les évènements décrits commencent environ quatre ans auparavant.
[/RP]
Une nouvelle larme vient se disloquer sur les dalles humides.
La tête entre les mains, sa longue chevelure noire cachant son visage, elle pleure, comme jamais elle n’avait pleuré.
L’après-midi va s’achever, on entend les sons étouffés venus des quartiers commerçants, les flots en contrebas remuent paresseusement sous le souffle chaud d’une journée d’été. Rien ne bouge, seulement quelques sanglots fréquents, seule, elle pleure.
Jusqu’ici, papa et maman étaient toujours là pour calmer ses peines mais aujourd’hui, le malheur est incomparable. Elle ne veut pas les voir, les choses ne feraient qu’empirer.
Et ces questions qui lui martèlent le crâne, comme pour lui confirmer qu’elle ne rêve pas, comme pour laisser le champ libre au désespoir.
Pourquoi…
Mais pourquoi…
Pourquoi n’en suis-je pas capable ?
Pourquoi la Lumière ne veut-elle pas me répondre ?!
Le visage émacié du vieux frère Ornel lui revient en mémoire. Lui aussi fondait beaucoup d’espoirs en elle.
Elle lui avait causé une déception immense, mais certainement incomparable à celle de ses parents. Ils devaient être au courant à présent, frère Ornel devait les avoir prévenus. Elle ne voulait pas les voir.
Jamais elle ne connaîtrait l’harmonie dont ils lui avaient tant parlé, jamais elle ne marcherait sur leurs pas, jamais elle ne ferait leur fierté. Elle n’était plus qu’une pauvre ratée.
Elle reste assise au milieu de l’amas de caisses abandonnées au bord des canaux. Elle veut rester seule, elle pleure en silence. Que va être sa vie maintenant ?
Ses parents, tous deux paladins de l’Aube d’Argent, comment pourraient-ils vouloir d’une fille isolée par la Lumière, repoussée par celle-ci ?
Que doit-elle faire désormais ?
Les questions se bousculent toujours et la malmènent. Elles se pressent, la torturent, elle reste seule et pleure. Seule ? Non, pas vraiment en fait. Elle le croit juste.
Il l’observe depuis un moment, invisible grâce à cette technique mystérieuse qui fait toujours débat ouvert chez les sorciers. L’absence de magie semble les perturber, ils craignent ce qu’ils ne comprennent pas.
Il ne se montre pas. Il n’en a pas envie. Il ne sait pas ce qu’il pourrait lui dire en apparaissant soudain devant elle. Non, il attend. Lui aussi compte sur elle.
Les yeux embués, elle relève la tête après un long moment. Un nouveau sanglot lui secoue les épaules. La tristesse est la seule chose que l’on peut lire dans ses yeux gris.
Le soleil décline, la nuit va bientôt tomber. Si les rues de Hurlevent sont sûres de jour, la nuit les transforme en coupe-gorge. Elle se sent incapable de rentrer chez elle, incapable d’affronter ce qui l’y attend…
Elle plisse les yeux. Il y a quelque chose…
Elle ressent, plus qu’elle ne voit, la chose devant elle. Devient-elle folle maintenant ?
Elle préfère tendre la main en avant pour se rassurer.
Il sourit. Lui, elle ne l’a pas déçu. Lentement, il laisse les Ombres glisser sur lui et se révèle entièrement.
« - Salut Asélryn. »
Elle crie et recule contre le mur derrière elle. Elle essaie d’appeler à l’aide mais l’homme pose un doigt contre ses lèvres avec douceur.
Les cheveux bruns ébouriffés, le visage rieur mais marqué de légers cernes, la barbe bien coupée lui encadrant le visage. Il porte une armure de cuir sombre et elle devine les lames cachées en dessous. Il a tout d’un assassin mais ses yeux verts tentent malgré tout de la rassurer.
Il connaît son nom, elle ne sait comment, mais elle est certaine qu’elle l’a déjà vu. Oui, c’était il y a moins d’un an… Elle ne sait que deux choses sur lui : Papa le déteste et il s’appelle…
« - Sh…
- Shenak, oui c’est ça ! »
Il croise les bras et affiche un large sourire.
Elle se souvient. Il était venu à la maison un soir. Papa avait refusé de le laisser rentrer et lui avait crié dessus jusqu’à qu’il parte. Elle lui avait demandé qui il était et son père avait juste répondu « un indésirable » avant de changer de sujet.
« - Bon sang, treize ans ? Le jour de ta naissance me paraît si proche, et pourtant, on te donnerait plus en te voyant. Tu es très belle, tu sais. »
Elle ne sait que répondre, quelle attitude adopter face à cet homme. Il soupire en la voyant craintive.
« - Essuie tes larmes, ce n’est pas aussi grave que tu le pense. »
Elle ne le quitte pas des yeux.
« - Oui, bon. J’avoue que je t’ai observée presque toute la journée. Aujourd’hui était un grand jour non ? »
Elle ne répond pas. Lui non plus ne sait pas vraiment que dire pour la rassurer.
« - Hem... Tu… tu redoutes la réaction de tes parents après ton échec au test d’aptitude à l’appel de la Lumière ? Tu t’en fais trop, crois-moi. En t’observant, je ne pensais pas que tu échouerais… En fait, je l’espérais. »
Il accompagna ces mots d’un sourire énigmatique. Il lui faisait peur, mais sa présence avait tout de même quelque chose d’apaisant. C’était sans doute l’homme le plus contradictoire qu’elle ait jamais eu l'occasion de rencontrer.
« - Si tu as pu me voir, alors c’est que j’ai vu juste. Je pense que tu as juste mal choisi ton chemin. »
Silence…
« - Tu pourrais au moins dire quelque chose. J’ai l’impression de parler seul. J’ai quelque chose à te proposer, j’y pense depuis un certain temps tu sais. Un grand homme a dit un jour : Là ou la Lumière échoue, les Ombres, des obstacles se jouent… »
Regard incompréhensif, le silence se prolonge.
« - Pas ces ombres-là ! Je ne te parle pas de devenir une sorcière ou une dompteuse de démons, non ! »
Il lui adressa une expression dégoûtée, vaguement comique pour tenter de la détendre mais ses yeux gris étaient toujours braqués sur lui, en silence. Il reprit alors un ton sérieux mais toujours en douceur.
« - Je ne parle pas des Ombres magiques, mais de celles qui attendent en silence, qui te rassurent, qui t’offrent un refuge et des possibilités, celles qui règnent sur la nuit, qui jouent avec les illusions, qui te font voir ce que personne ne voit, qui font même que personne ne te voit… Celles qui accompagnent ceux que l’on qualifie de voleurs. »
Asélryn écarquilla les yeux.
« - Les… voleurs… ?
- Ah ! Enfin tu ouvres la bouche ! Et oui, tu as tout compris. Depuis le temps que je t’observe, je suis sûr que tu serais parfaitement à l’aise parmi les Ombres. Oublie juste tous les clichés négatifs qui leur sont liés, c’est toujours moins nocif que de pratiquer de la magie !
- Mais qu… Hey ! »
Shenak l’interrompit en la prenant par le bras pour l’entraîner avec lui, un large sourire aux lèvres.
« - T’inquiète pas pour la suite, je suis persuadé que tu as du talent dans ce domaine ! J’ai du flair, fais-moi confiance. »
Asélryn fut emportée sans la force, ni le désir de s’enfuir, totalement désorientée, jusqu’à que Shenak n’ajoute la phrase qui eut le don de lui remettre les idées en place.
« - Et puis bon… j’peux pas laisser ma nièce seule dans un état pareil ! »
Sa nièce ?!
Dernière édition par Asélryn / Towann le Mer 27 Oct 2010, 11:59, édité 2 fois
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Le choc fut brutal et lui coupa littéralement le souffle. Elle resta immobile quelques secondes, le visage déformé par la douleur puis tenta de remuer un peu au sol mais ça ne faisait que raviver l’onde qui lui transcendait les os.
Shenak se passa une main sur le visage puis secoua la tête, toujours perché sur le toit.
« - Ta chute alerte les hommes en faction et ils t’exécutent sans la moindre forme de procès… Fais un effort Asél’ ! »
La jeune fille ouvrit difficilement les yeux et lâcha quelques mots entre deux suffoquements douloureux.
« - Tu m’as… mis un corde trop fragile… !
- Tu aurais du t’en rendre compte par toi-même et chercher un autre chemin.
- Tu crois que je me suis engagé là-dessus… sans avoir évalué le… reste ? »
L’homme récupéra la partie de la corde sectionnée par le poids d’Asélryn tout en restant sur sa portion de toit puis coupa la base attachée au bâtiment à l’aide d’un poignard court. Ses gestes étaient vifs et précis, trahissant une habitude certaine, et sa nièce parvenait à voir chacun d’entre eux malgré la distance. Shenak récupéra ainsi un peu plus de trois mètres de corde puis s’approcha du haut rempart auquel jouxtaient les habitations en-dessous. Il se courba légèrement puis s’élança, marchant directement sur la paroi verticale, et atteignit une bonne hauteur grâce à son élan, mais insuffisante pour s’accrocher aux créneaux.
Dès qu’il eut atteint le sommet de son ascension, une extrêmité de la corde dans chaque main, il envoya la large boucle autour de la proéminence de granit située directement au-dessus de lui et se suspendit au rempart. Il joignit les deux parties pour le tenir d’une main, puis de l’autre, et atteignit vite le créneau. Après une rapide vérification, il se hissa sur le mur et passa la ruelle, le canal, puis la rue d’en face, avant de venir sur le toit le plus proche.
Il adressa un sourire goguenard à Asélryn qui s’était redressée et était restée au sol en regardant son oncle traverser l’obstacle qui la tenait en échec.
« - Tu t’es servi de la corde que j’ai brisée, t’avais tout prévu ! C’est quoi cette vieille combine ?!
- Je n’avais pas prévu de faire ça, ni même de te voir échouer. Quand à cette combine, elle a un nom. »
Il s’accroupit en lui adressant son inséparable sourire énigmatique avant de préciser :
« - L’ingéniosité. »
Shenak se passa une main sur le visage puis secoua la tête, toujours perché sur le toit.
« - Ta chute alerte les hommes en faction et ils t’exécutent sans la moindre forme de procès… Fais un effort Asél’ ! »
La jeune fille ouvrit difficilement les yeux et lâcha quelques mots entre deux suffoquements douloureux.
« - Tu m’as… mis un corde trop fragile… !
- Tu aurais du t’en rendre compte par toi-même et chercher un autre chemin.
- Tu crois que je me suis engagé là-dessus… sans avoir évalué le… reste ? »
L’homme récupéra la partie de la corde sectionnée par le poids d’Asélryn tout en restant sur sa portion de toit puis coupa la base attachée au bâtiment à l’aide d’un poignard court. Ses gestes étaient vifs et précis, trahissant une habitude certaine, et sa nièce parvenait à voir chacun d’entre eux malgré la distance. Shenak récupéra ainsi un peu plus de trois mètres de corde puis s’approcha du haut rempart auquel jouxtaient les habitations en-dessous. Il se courba légèrement puis s’élança, marchant directement sur la paroi verticale, et atteignit une bonne hauteur grâce à son élan, mais insuffisante pour s’accrocher aux créneaux.
Dès qu’il eut atteint le sommet de son ascension, une extrêmité de la corde dans chaque main, il envoya la large boucle autour de la proéminence de granit située directement au-dessus de lui et se suspendit au rempart. Il joignit les deux parties pour le tenir d’une main, puis de l’autre, et atteignit vite le créneau. Après une rapide vérification, il se hissa sur le mur et passa la ruelle, le canal, puis la rue d’en face, avant de venir sur le toit le plus proche.
Il adressa un sourire goguenard à Asélryn qui s’était redressée et était restée au sol en regardant son oncle traverser l’obstacle qui la tenait en échec.
« - Tu t’es servi de la corde que j’ai brisée, t’avais tout prévu ! C’est quoi cette vieille combine ?!
- Je n’avais pas prévu de faire ça, ni même de te voir échouer. Quand à cette combine, elle a un nom. »
Il s’accroupit en lui adressant son inséparable sourire énigmatique avant de préciser :
« - L’ingéniosité. »
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
« - Je te vois… »
Soupirant, l’air profondément ennuyé, Shenak effectua un rapide balayage à sa droite. Les Ombres cachant Asélryn se dissipèrent tandis qu’elle chutait en avant. Elle eut le temps de placer ses mains devant elle pour amortir la chute avec un grognement. Son oncle ne lui jeta pas un regard.
« - Tu manques cruellement d’entraînement. Le camouflage est l’un de nos atouts principaux et s’il n’est pas parfait, tu seras peut-être moins visible mais on te repérera au premier coup d’œil si tu t’approches. »
La jeune fille se releva et le fixa de dos, vexée et la mine légèrement boudeuse.
« - Et pas la peine de me regarder comme ça. Tu n’as plus treize ans, comporte-toi en grande personne…
- J’en ai à peine un de plus, y a pas de grande différence ! Et puis je manquerais moins d’entraînement si t’étais plus souvent là pour m’aider ! Tu crois que c’est facile de progresser seule ?!
- Je me suis formé sans l’aide de qui que ce soit. Les Elraan finissent tous serviteurs de la « sainte Lumière » normalement. Et je t’informe que je dois déjà négocier plus que je ne le devrais auprès de mes supérieurs pour avoir le temps nécessaire à ton entraînement.
- Et si t’arrêtais un peu de te payer la tête des paladins… ? »
Asélryn lâcha ses mots d’un ton froid. Si une chose n’avait pas disparu depuis que son oncle l’avait recueillie, c’était bien le respect immense envers ses parents, et pour les paladins en général. Shenak daigna enfin lui faire face, son petit sourire aux lèvres.
« - Là où la Lumière échoue, les Ombres des obstacles se jouent… N’oublie pas ça. »
Il s’évapora littéralement, laissant sa nièce avec cette phrase étrange, phrase qu’elle n’oublia cependant jamais.
Soupirant, l’air profondément ennuyé, Shenak effectua un rapide balayage à sa droite. Les Ombres cachant Asélryn se dissipèrent tandis qu’elle chutait en avant. Elle eut le temps de placer ses mains devant elle pour amortir la chute avec un grognement. Son oncle ne lui jeta pas un regard.
« - Tu manques cruellement d’entraînement. Le camouflage est l’un de nos atouts principaux et s’il n’est pas parfait, tu seras peut-être moins visible mais on te repérera au premier coup d’œil si tu t’approches. »
La jeune fille se releva et le fixa de dos, vexée et la mine légèrement boudeuse.
« - Et pas la peine de me regarder comme ça. Tu n’as plus treize ans, comporte-toi en grande personne…
- J’en ai à peine un de plus, y a pas de grande différence ! Et puis je manquerais moins d’entraînement si t’étais plus souvent là pour m’aider ! Tu crois que c’est facile de progresser seule ?!
- Je me suis formé sans l’aide de qui que ce soit. Les Elraan finissent tous serviteurs de la « sainte Lumière » normalement. Et je t’informe que je dois déjà négocier plus que je ne le devrais auprès de mes supérieurs pour avoir le temps nécessaire à ton entraînement.
- Et si t’arrêtais un peu de te payer la tête des paladins… ? »
Asélryn lâcha ses mots d’un ton froid. Si une chose n’avait pas disparu depuis que son oncle l’avait recueillie, c’était bien le respect immense envers ses parents, et pour les paladins en général. Shenak daigna enfin lui faire face, son petit sourire aux lèvres.
« - Là où la Lumière échoue, les Ombres des obstacles se jouent… N’oublie pas ça. »
Il s’évapora littéralement, laissant sa nièce avec cette phrase étrange, phrase qu’elle n’oublia cependant jamais.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Asélryn resta aussi droite que possible. Le gobelin en armure noire lui tournait autour et l’inspectait minutieusement. Ses petits yeux noirs avaient quelque chose de malsain, comme s’ils cherchaient sans cesse d’hypothétiques défauts pour venir étoffer ceux déjà présents. Son oncle l’avait prévenue en plus. « Si tu as le « Kriss » comme examinateur, tes chances d’entrée au SI :7 risquent de baisser considérablement. »
Portant toujours la vieille armure de cuir que lui avait trouvée Shenak, elle n’avait plus rien de la gamine en larmes qu’il avait reccueillie. Alors âgée de quinze ans, l’adolescence n’avait fait que l’embellir. Son visage s’affinait, ses cheveux étaient désormais coupés plus courts, au niveau des épaules, ses formes commençaient à se dessiner mais ses yeux gris transparents étaient toujours les mêmes et distillaient encore cette espèce d’hypnotisme troublant pour ceux n’ayant pas l’habitude. Elle n’était pas très grande, mais suffisamment pour surplomber le gobelin de plusieurs têtes.
Le nommé Renzik cessa son inspection et planta son regard mauvais dans le sien. Il pointa vers elle une griffe parfaitement taillée, si elle n’était pas même aiguisée.
« - T’as pratiqué une magie bizarre ou quelque chose du genre pour avoir ça ? »
Il s’intéressait visiblement à ses prunelles. Sa voix était assez grave pour un gobelin, mais grinçante au possible, et pleine de mépris.
« - Non c’est… juste un bleu très clair… »
Avant même de finir sa phrase, elle savait qu’elle avait fait une bourde. D’abord, sa réponse était stupide, ensuite, son ton était tout aussi minable. Shenak lui avait pourtant répété sans cesse quel devait être son comportement. « Toujours brève et sûre d’elle, aucune précision inutile, être tranchante oralement pour laisser imaginer à quel point elle pouvait l’être avec une lame et surtout, surtout, ne jamais paraître impressionnée. » Elle avait déjà tout faux.
Le « Kriss » lui montra une rangée de dents, non, de crocs étincelants, esquissant un rictus méprisant avant de s’éloigner en lâchant un simple :
« - Par ici… »
Portant toujours la vieille armure de cuir que lui avait trouvée Shenak, elle n’avait plus rien de la gamine en larmes qu’il avait reccueillie. Alors âgée de quinze ans, l’adolescence n’avait fait que l’embellir. Son visage s’affinait, ses cheveux étaient désormais coupés plus courts, au niveau des épaules, ses formes commençaient à se dessiner mais ses yeux gris transparents étaient toujours les mêmes et distillaient encore cette espèce d’hypnotisme troublant pour ceux n’ayant pas l’habitude. Elle n’était pas très grande, mais suffisamment pour surplomber le gobelin de plusieurs têtes.
Le nommé Renzik cessa son inspection et planta son regard mauvais dans le sien. Il pointa vers elle une griffe parfaitement taillée, si elle n’était pas même aiguisée.
« - T’as pratiqué une magie bizarre ou quelque chose du genre pour avoir ça ? »
Il s’intéressait visiblement à ses prunelles. Sa voix était assez grave pour un gobelin, mais grinçante au possible, et pleine de mépris.
« - Non c’est… juste un bleu très clair… »
Avant même de finir sa phrase, elle savait qu’elle avait fait une bourde. D’abord, sa réponse était stupide, ensuite, son ton était tout aussi minable. Shenak lui avait pourtant répété sans cesse quel devait être son comportement. « Toujours brève et sûre d’elle, aucune précision inutile, être tranchante oralement pour laisser imaginer à quel point elle pouvait l’être avec une lame et surtout, surtout, ne jamais paraître impressionnée. » Elle avait déjà tout faux.
Le « Kriss » lui montra une rangée de dents, non, de crocs étincelants, esquissant un rictus méprisant avant de s’éloigner en lâchant un simple :
« - Par ici… »
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Les pointes sombres de l’édifice semblaient plus hautes et plus menaçantes chaque seconde, à mesure que la barque approchait. Le faible croissant de lune était bien insuffisant pour éclairer correctement les canaux. La prison de Hurlevent les toisait de son ombre immense. Asélryn connaissait ce bâtiment pour être passé d’innombrables fois devant, de jour comme de nuit, mais elle était bien incapable de maîtriser les battements affolés de son cœur. Le Kriss ne laissait pas transparaître quoi que ce soit, pendant qu’un homme vêtu d’une armure noire et portant un masque qui laissait à peine paraître ses yeux faisait avancer l’embarcation à la rame, presque sans le moindre remous dans les eaux froides du canal.
Si Asélryn avait du talent dans un quelconque domaine, c’était sans aucun doute l’escalade. Il lui arrivait même d’y surpasser son oncle. Ses précédentes observations de la prison lui avaient révélé quelques prises, il ne faisait aucun doute qu’elle réussirait cette ascension sans trop de difficultés. Mais la crainte lui nouait le ventre sans qu’elle ne puisse se l’expliquer…
« - Tu dois avoir compris ce que tu as à faire. Nous avons accroché quelque chose au sommet de la plus haute pointe de la prison haute sécurité. A toi de le récupérer et de le ramener… Ah et au fait, personne ne sait que nous sommes ici, évite de te faire prendre par les factionnaires. »
Asélryn leva les yeux. La taille du bâtiment semblait avoir doublé depuis sa dernière venue. Elle souffla un bon coup puis inspecta le mur dont la barque approchait lentement, décelant ses premières prises. Les pierres assemblées en un véritable rempart se faisaient de plus en plus proches tandis qu’elle essayait de prévoir ses mouvements au maximum pour ne pas perdre de temps. Le rameur donna soudain une impulsion dans le sens inverse, stoppant presque immédiatement l’embarcation, et la voix de Renzik siffla :
« - Vas-y ! »
Elle bondit de la barque, achevant de la faire repartir dans l’autre sens, et s’agrippa aux premières prises trouvées. Celles-ci n’étaient qu’au nombre de trois mais avoir la jambe gauche dans le vide ne l’empêcha pas de bien se réceptionner. Immédiatement, elle se hissa à la force des bras pour appuyer ses deux pieds sur une roche dépassant suffisamment, puis, d’une impulsion, elle plaça ses mains dans des anfractuosités du mur, un peu plus haut.
Son ascension se poursuivit à un rythme effréné. Asélryn n’osait pas s’offrir la moindre seconde de repos pour trouver ses prises suivantes. Elle ne se rendait compte de leur présence qu’une fois bien appuyée dessus. Une sorte d’instinct guidait ses gestes, lui faisant oublier le Kriss, le SI:7, tout… Elle n’avait à l’esprit que la volonté d’aller plus haut, plus vite, toute peur l’avait abandonnée. Elle arriva vite au premier chemin de ronde.
La jeune fille resta accrochée quelques secondes aux créneaux le bordant, s’offrant sa première trève depuis le début de son ascension. Mais le souffle ou la fatigue n’y étaient pour rien. Elle sentait ses ressources décuplées et aurait bien pu tenir ce rythme pendant longtemps encore. Elle resta immobile plusieurs secondes, concentrée à l’extrême, puis se hissa une fois assurée qu’aucun garde n’était présent. Elle n’avait pas entendu le moindre souffle, le moindre cliquetis d’acier et ses yeux confirmaient sa pensée. Personne…
D’un bond agile, elle atteignit la nouvelle paroi et reprit l’escalade. Le second chemin de ronde fut lui aussi désert sur la portion qu’elle avait à traverser. La chance était de son coté, elle ne devait pas plus perdre de temps.
Elle se hissa enfin sur le toit de la prison sans avoir perdu une once de son agilité. D’un pas rapide mais silencieux, elle approcha la haute pointe surplombant le sommet. Quelque chose était bel et bien accroché au pic de pierre mais elle ne pouvait toujours pas dire de quoi il s’agissait. Ce dernier obstacle était lisse au possible, sans la moindre prise. Si elle tentait de grimper comme elle l’avait fait jusque là, elle glisserait irrémédiablement.
Quelques secondes de réflexion lui suffirent.
Remerciant son oncle par la pensée, elle défit sa ceinture puis vint juste devant la pointe. Elle passa la ceinture autour de celle-ci et tînt fermement chaque extrêmité dans une main. Asélryn s’appuya alors contre l’obstacle, tirant la ceinture de tout son poids, et l’escalada lentement, totalement courbée pour « marcher » à la verticale tout en tenant la lanière de cuir. De brèves impulsions lui permirent de garder la ceinture à son niveau tout au long de l’ascension. Lorsqu’elle arriva enfin au sommet, elle put voir le sac de tissu en partie traversé par la pointe de granit et le décrocha d’une main, se tenant toujours de l’autre. Elle laissa tomber son chargement en-dessous d’elle pour pouvoir redescendre et l’entendit émettre un son creux en tombant sur le toit.
Asélryn se laissa glisser jusqu’au sac et le vida sans hésiter. Il s’agissait d’une petite boîte en bois ornée de gravures.
Le lion, symbole de Hurlevent, devant lequel s’entrecroisait une paire de lames. La même chose était visible des quatre cotés de la boîte. Elle la remit alors dans le sac, qu’elle attacha à sa ceinture, avant de remettre celle-ci.
La descente fut bien plus rapide. Sans cesse en mouvement, on aurait pu croire qu’elle chutait librement, en ralentissant à peine sa descente à l’aide des prises lui ayant permis de monter. Elle traversa rapidement le chemin de ronde supérieur dont elle avait aisément pu constater qu’il était vide depuis sa position surélevée. Elle se stoppa sondain en arrivant vers l’inférieur. La chance la quittait au dernier moment, deux gardes venaient de s’installer sur le passage.
Asélryn se plaça au-dessus d’eux, sous le couvert des Ombres, gargouille silencieuse ne demandant plus qu’à s’envoler. Elle ne pouvait pas se résoudre à les contourner. Elle perdrait trop de temps ! Les gardes ne semblaient pas vouloir bouger avant d’avoir minutieusement inspecté les canaux en contrebas. Comment allaient faire le Kriss et son larbin ? Elle retînt un soupir exaspéré. Elle allait encore devoir en faire trop…
Elle descendit sans le moindre bruit, juste derrière eux, courbée et chaque sens en alerte, prête à réagir si l’un des gardes venait à détourner un peu trop son regard des canaux. Elle agit alors avec force et vivacité.
Son tibia vint faucher les jambes du premier homme, juste derrière les genoux pour le faire chuter en arrière tandis qu’elle posait une main sur son casque pour le faire se heurter au sol avec le plus de violence possible. Le second la vit dès que son partenaire fut à terre et dégaina son épée mais elle se rua sur lui, une main sur le poignet de l’homme, au moins pour ralentir la sortie de son arme, l’autre tenant une minuscule lame à l’aide de laquelle elle sectionna les attaches de son casque. Le garde réussit à sortir son épée, dépassant Asélryn physiquement, et tenta de la faucher avec. Elle se jeta à terre pour éviter l’attaque, puis roula sur le coté en se redressant prestement. Elle fut sur son adversaire en moins d’une seconde et fit voler son casque d’une frappe de la paume. Le visage du garde était jeune et la peur s’y lisait sans la moindre difficulté. C’était à peine s’il était plus âgé qu’Asélryn et à la tenue de cette dernière, il croyait sans doute à un assassin.
Avec une impressionnante agilité, elle bondit sur la jeune recrue, lui grimpant littéralement dessus et son genou vint violemment heurter la mâchoire du malheureux dans un claquement sec. Il chuta en arrière sonné tandis que le premier garde semblait reprendre doucement ses esprits. Asélryn posa le pied à terre et n’attendit pas une seconde pour revenir à ce dernier. Elle perdait bien trop de temps avec ces gardes. Elle s’approcha de son adversaire, évalua rapidement ses possibilités ainsi qu’un moyen de le neutraliser rapidement. Elle se résolut à un violent coup de talon à l’entrejambe qui arracha un cri étouffé à sa victime. Au moins, il ne bougerait plus avant un moment.
Elle atterrit enfin sur le bois usé de la barque. Renzik ne lui accorda pas un regard, les yeux toujours fixés sur sa montre-gousset.
« - Treize minutes et vingt-sept secondes… »
Asélryn resta bouche bée. Il ne s’était pas écoulé un quart d’heure depuis son départ mais elle avait la ferme impression d’y avoir passé près d’une heure entière. Son regard revint vers la prison. Comment avait-elle pu faire l’aller-retour en si peu de temps ? Elle repensa à tout ce qu’elle avait pu faire et allait de surprise en surprise. Elle avait neutralisé deux gardes de Hurlevent à elle seule ! Et malgré cela, elle avait effectué l’ascension et la descente de ce bâtiment bien plus vite qu’elle ne s’en croyait capable. C’était donc de cela que parlait son oncle… Un « talent » sur la voie des Ombres… ?
Après la surprise vint la joie. Elle avait accompli une performance exceptionnelle qui lui avait sans doute permis d’impressionner l’examinateur le plus dur et le plus borné du SI:7 ! Il lui suffisait à présent de ne pas être ridicule sur les épreuves suivantes et elle serait des leurs ! Elle ne put réprimer un sourire de gamine ravie, caché en grande partie aux deux agents par l’obscurité. Le Kriss sortit alors un petit calepin et se mit à griffonner rapidement quelques mots, probablement sur les exploits d’Asélryn. Elle se plaça derrière lui le plus discrètement possible pour tenter de voir quelque chose de son appréciation mais le gobelin la remarqua rapidement et rangea ses notes.
Malgré tout, elle avait eu le temps de lire un seul et unique mot :
Médiocre…
Si Asélryn avait du talent dans un quelconque domaine, c’était sans aucun doute l’escalade. Il lui arrivait même d’y surpasser son oncle. Ses précédentes observations de la prison lui avaient révélé quelques prises, il ne faisait aucun doute qu’elle réussirait cette ascension sans trop de difficultés. Mais la crainte lui nouait le ventre sans qu’elle ne puisse se l’expliquer…
« - Tu dois avoir compris ce que tu as à faire. Nous avons accroché quelque chose au sommet de la plus haute pointe de la prison haute sécurité. A toi de le récupérer et de le ramener… Ah et au fait, personne ne sait que nous sommes ici, évite de te faire prendre par les factionnaires. »
Asélryn leva les yeux. La taille du bâtiment semblait avoir doublé depuis sa dernière venue. Elle souffla un bon coup puis inspecta le mur dont la barque approchait lentement, décelant ses premières prises. Les pierres assemblées en un véritable rempart se faisaient de plus en plus proches tandis qu’elle essayait de prévoir ses mouvements au maximum pour ne pas perdre de temps. Le rameur donna soudain une impulsion dans le sens inverse, stoppant presque immédiatement l’embarcation, et la voix de Renzik siffla :
« - Vas-y ! »
Elle bondit de la barque, achevant de la faire repartir dans l’autre sens, et s’agrippa aux premières prises trouvées. Celles-ci n’étaient qu’au nombre de trois mais avoir la jambe gauche dans le vide ne l’empêcha pas de bien se réceptionner. Immédiatement, elle se hissa à la force des bras pour appuyer ses deux pieds sur une roche dépassant suffisamment, puis, d’une impulsion, elle plaça ses mains dans des anfractuosités du mur, un peu plus haut.
Son ascension se poursuivit à un rythme effréné. Asélryn n’osait pas s’offrir la moindre seconde de repos pour trouver ses prises suivantes. Elle ne se rendait compte de leur présence qu’une fois bien appuyée dessus. Une sorte d’instinct guidait ses gestes, lui faisant oublier le Kriss, le SI:7, tout… Elle n’avait à l’esprit que la volonté d’aller plus haut, plus vite, toute peur l’avait abandonnée. Elle arriva vite au premier chemin de ronde.
La jeune fille resta accrochée quelques secondes aux créneaux le bordant, s’offrant sa première trève depuis le début de son ascension. Mais le souffle ou la fatigue n’y étaient pour rien. Elle sentait ses ressources décuplées et aurait bien pu tenir ce rythme pendant longtemps encore. Elle resta immobile plusieurs secondes, concentrée à l’extrême, puis se hissa une fois assurée qu’aucun garde n’était présent. Elle n’avait pas entendu le moindre souffle, le moindre cliquetis d’acier et ses yeux confirmaient sa pensée. Personne…
D’un bond agile, elle atteignit la nouvelle paroi et reprit l’escalade. Le second chemin de ronde fut lui aussi désert sur la portion qu’elle avait à traverser. La chance était de son coté, elle ne devait pas plus perdre de temps.
Elle se hissa enfin sur le toit de la prison sans avoir perdu une once de son agilité. D’un pas rapide mais silencieux, elle approcha la haute pointe surplombant le sommet. Quelque chose était bel et bien accroché au pic de pierre mais elle ne pouvait toujours pas dire de quoi il s’agissait. Ce dernier obstacle était lisse au possible, sans la moindre prise. Si elle tentait de grimper comme elle l’avait fait jusque là, elle glisserait irrémédiablement.
Quelques secondes de réflexion lui suffirent.
Remerciant son oncle par la pensée, elle défit sa ceinture puis vint juste devant la pointe. Elle passa la ceinture autour de celle-ci et tînt fermement chaque extrêmité dans une main. Asélryn s’appuya alors contre l’obstacle, tirant la ceinture de tout son poids, et l’escalada lentement, totalement courbée pour « marcher » à la verticale tout en tenant la lanière de cuir. De brèves impulsions lui permirent de garder la ceinture à son niveau tout au long de l’ascension. Lorsqu’elle arriva enfin au sommet, elle put voir le sac de tissu en partie traversé par la pointe de granit et le décrocha d’une main, se tenant toujours de l’autre. Elle laissa tomber son chargement en-dessous d’elle pour pouvoir redescendre et l’entendit émettre un son creux en tombant sur le toit.
Asélryn se laissa glisser jusqu’au sac et le vida sans hésiter. Il s’agissait d’une petite boîte en bois ornée de gravures.
Le lion, symbole de Hurlevent, devant lequel s’entrecroisait une paire de lames. La même chose était visible des quatre cotés de la boîte. Elle la remit alors dans le sac, qu’elle attacha à sa ceinture, avant de remettre celle-ci.
La descente fut bien plus rapide. Sans cesse en mouvement, on aurait pu croire qu’elle chutait librement, en ralentissant à peine sa descente à l’aide des prises lui ayant permis de monter. Elle traversa rapidement le chemin de ronde supérieur dont elle avait aisément pu constater qu’il était vide depuis sa position surélevée. Elle se stoppa sondain en arrivant vers l’inférieur. La chance la quittait au dernier moment, deux gardes venaient de s’installer sur le passage.
Asélryn se plaça au-dessus d’eux, sous le couvert des Ombres, gargouille silencieuse ne demandant plus qu’à s’envoler. Elle ne pouvait pas se résoudre à les contourner. Elle perdrait trop de temps ! Les gardes ne semblaient pas vouloir bouger avant d’avoir minutieusement inspecté les canaux en contrebas. Comment allaient faire le Kriss et son larbin ? Elle retînt un soupir exaspéré. Elle allait encore devoir en faire trop…
Elle descendit sans le moindre bruit, juste derrière eux, courbée et chaque sens en alerte, prête à réagir si l’un des gardes venait à détourner un peu trop son regard des canaux. Elle agit alors avec force et vivacité.
Son tibia vint faucher les jambes du premier homme, juste derrière les genoux pour le faire chuter en arrière tandis qu’elle posait une main sur son casque pour le faire se heurter au sol avec le plus de violence possible. Le second la vit dès que son partenaire fut à terre et dégaina son épée mais elle se rua sur lui, une main sur le poignet de l’homme, au moins pour ralentir la sortie de son arme, l’autre tenant une minuscule lame à l’aide de laquelle elle sectionna les attaches de son casque. Le garde réussit à sortir son épée, dépassant Asélryn physiquement, et tenta de la faucher avec. Elle se jeta à terre pour éviter l’attaque, puis roula sur le coté en se redressant prestement. Elle fut sur son adversaire en moins d’une seconde et fit voler son casque d’une frappe de la paume. Le visage du garde était jeune et la peur s’y lisait sans la moindre difficulté. C’était à peine s’il était plus âgé qu’Asélryn et à la tenue de cette dernière, il croyait sans doute à un assassin.
Avec une impressionnante agilité, elle bondit sur la jeune recrue, lui grimpant littéralement dessus et son genou vint violemment heurter la mâchoire du malheureux dans un claquement sec. Il chuta en arrière sonné tandis que le premier garde semblait reprendre doucement ses esprits. Asélryn posa le pied à terre et n’attendit pas une seconde pour revenir à ce dernier. Elle perdait bien trop de temps avec ces gardes. Elle s’approcha de son adversaire, évalua rapidement ses possibilités ainsi qu’un moyen de le neutraliser rapidement. Elle se résolut à un violent coup de talon à l’entrejambe qui arracha un cri étouffé à sa victime. Au moins, il ne bougerait plus avant un moment.
Elle atterrit enfin sur le bois usé de la barque. Renzik ne lui accorda pas un regard, les yeux toujours fixés sur sa montre-gousset.
« - Treize minutes et vingt-sept secondes… »
Asélryn resta bouche bée. Il ne s’était pas écoulé un quart d’heure depuis son départ mais elle avait la ferme impression d’y avoir passé près d’une heure entière. Son regard revint vers la prison. Comment avait-elle pu faire l’aller-retour en si peu de temps ? Elle repensa à tout ce qu’elle avait pu faire et allait de surprise en surprise. Elle avait neutralisé deux gardes de Hurlevent à elle seule ! Et malgré cela, elle avait effectué l’ascension et la descente de ce bâtiment bien plus vite qu’elle ne s’en croyait capable. C’était donc de cela que parlait son oncle… Un « talent » sur la voie des Ombres… ?
Après la surprise vint la joie. Elle avait accompli une performance exceptionnelle qui lui avait sans doute permis d’impressionner l’examinateur le plus dur et le plus borné du SI:7 ! Il lui suffisait à présent de ne pas être ridicule sur les épreuves suivantes et elle serait des leurs ! Elle ne put réprimer un sourire de gamine ravie, caché en grande partie aux deux agents par l’obscurité. Le Kriss sortit alors un petit calepin et se mit à griffonner rapidement quelques mots, probablement sur les exploits d’Asélryn. Elle se plaça derrière lui le plus discrètement possible pour tenter de voir quelque chose de son appréciation mais le gobelin la remarqua rapidement et rangea ses notes.
Malgré tout, elle avait eu le temps de lire un seul et unique mot :
Médiocre…
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Renzik se stoppa brutalement au milieu de la rue. Littéralement abattue, Asélryn ne le remarqua pas immédiatement et manqua de le heurter. Il resta quelques secondes immobiles après avoir jeté un œil aux deux roublards à ses cotés. Puis soudain, il bondit. A voir sa carrure rabougrie et trapue, Asélryn n’aurait jamais soupçonné une telle agilité de sa part. Il s’appuya au mur pour continuer sa montée puis se rattrapa sur le rebord d’une toiture avant de se hisser. Elle n’était pas encore remise de sa surprise lorsqu’elle réalisa que l’homme qui les accompagnait était déjà monté lui aussi. Honteuse, elle les rejoignit rapidement.
Une fois sur les toits, le gobelin sortit d’un endroit que la jeune fille ne parvint pas à deviner un large éventail de couteaux et poignards d’un geste alerte et habitué. Elle resta quelques secondes silencieuse en fixant les armes, à se demander s’il attendait quelque chose d’elle. Il lui confirma cette idée en poussant un grognement pressé. Asélryn s’empressa de venir devant le Kriss qui lâcha d’un air agacé :
« - Choisis-en deux. »
Elle hésita d’abord entre de plus petits, à l’aspect plus légers, ou d’autres, plus lourds ou à lame plus large ou dentelée. Elle se rendit vite compte que la patience de son examinateur était très limitée et qu’elle en abusait. Elle en saisit alors deux sans vraiment réfléchir.
Le premier était plus une dague d’un poignard, la lame approchant les vingt centimètres et légèrement effilée. Une petite gravure se trouvait sur le manche : Une paire de crocs assimilables à ceux d’un tigre ou d’une panthère.
La seconde lame était parfaitement aiguisée mais le poids nettement supérieur du manche lui fit regretter son choix hâtif. Un couteau de lancer… Elle était d’un niveau minable au lancer et son oncle n’avait jamais manqué de le lui faire remarquer avec un étonnant (et sans doute volontaire) manque de subtilité.
Après tout, il ne l’avait que très peu entraînée au combat. Une crainte lui noua soudain le ventre et ne fit que s’accroître lorsqu’elle eut la confirmation de ce qu’elle redoutait. L’agent qui les accompagnait choisit à son tour deux poignards, l’un effilé et pointu, l’autre moins bien aiguisé mais parsemé de petites dents d’acier, le genre de lame qui faisait mal quand elle rentrait et faisait hurler quand elle sortait…
Le voleur vint se placer alors face à elle. Son cœur s’emballa une nouvelle fois. Elle n’avait presque aucune expérience du combat et sa victoire face aux gardes était un pur coup de chance. Elle avait affaire à un agent du SI:7, un assassin de sang-froid, un guerrier tenace et insaisissable. L’évidence s’imposait : Elle n’avait pas la moindre chance.
Il plaça la lame pointue devant lui, menaçante et légèrement inclinée tandis qu’il tenait le couteau dentelé en retrait, vers le bas. Asélryn ne savait pas quel intérêt avait cette posture mais elle ne doutait pas qu’elle était terriblement efficace. Elle calma les tremblements de ses poignets en resserrant sa poigne sur sa dague et son couteau de lancer. La peur débordait de son regard et son adversaire le voyait sans doute.
Le Kriss la fit presque sursauter en prenant la parole.
« - Ne le laisse pas te désarmer et évite de te faire tuer. »
Evite de te faire tuer ?! Parce qu’en plus il allait se battre pour tuer ?! Et quelle était la différence ? Armée ou pas, face à un homme pareil, elle ne pouvait rien faire !
« - Allez-y… »
Le sang d’Asélryn gela dans ses veines à ces mots. La tension monta d’un coup alors que l’homme commençait à se déplacer, non pas aussi vite qu’elle l’attendait, mais latéralement, avec une lenteur et une maîtrise qui lui donnaient des sueurs froides. Il ne quittait pas sa posture et la fixait intensément.
Elle se courba légèrement en avant, une lame devant elle, l’autre proche de son flanc. La seule position de combat qu’elle connaisse. Elle imita comme un relfet les déplacements de son adversaire, avec nettement moins d’assurance, simplement pour rester face à lui. Elle se le répétait inlassablement malgré elle. « Tu ne fais pas le poids, c’est impossible. »
Ils continuèrent ainsi pendant deux minutes… trois minutes… cinq… puis le mouvement lent de l’agent changea légèrement de trajectoire. Asélryn cacha son horreur mais elle voyait bien qu’il s’approchait d’elle, toujours aussi inquiétant, et même plus. Il gagnait de plus en plus de terrain, elle devait attaquer la première, prendre une initiative que jamais une débutante ne prendrait, le surprendre pour avoir une chance peut-être de l’effleurer au moins, et ne pas perdre pitoyablement. Au moins prouver sa bravoure et ne pas abandonner sans avoir fait montre de sa valeur au combat… Pourquoi diable les enseignements de paladinat de ses parents lui revenaient-ils en tête maintenant ? La Lumière n’allait pas lui venir en aide maintenant. Non…
Là où la Lumière échoue… les Ombres… des obstacles se jouent…
Le manche du couteau quitta la main d’Asélryn et sa lame fut soudain bloquée entre ses doigts, parée au lancer. Ce geste n’échappa pas au roublard en face qui recula immédiatement en levant ses lames pour se protéger du jet. Exactement comme prévu dans le plan insensé qui avait germé dans l’esprit d’Asélryn en l’espace d’une seconde. Dents serrées, elle se rua sur son adversaire, brandissant sa dague devant elle. Elle tenta une frappe horizontale dès qu’elle fut à sa hauteur mais la lame dentelée coinça son arme entre deux de ses crocs avant de l’emmener vers le haut.
Ne pas se laisser désarmer…
Elle ne lâcha pas sa dague mais réalisa son erreur immédiatement après l’avoir commise. Son aisselle droite était exposée au possible et le poignard aiguisé ne semblait pas se diriger ailleurs que vers cette ouverture. La panique l’envahit instantanément et elle lâcha elle-même son arme pour reculer prestement. Les mouvements de l’un et de l’autre furent rapides, mais pas de même vitesse.
Le souffle saccadé, les yeux écarquillés, Asélryn tenait son couteau de jet devant elle pour toute défense tandis que le sang s’écoulait lentement de l’estafilade sur son épaule droite. Le cuir avait été tranché aussi net que la peau et la brûlure insidieuse lui donnait envie de hurler. Elle n’avait pas la moindre chance… Pas la moindre !
Cette fois-ci, ce fut à l’homme d’attaquer. La pointe sournoise fusa vers son abdomen mais elle parvint à le dévier tout en se décalant avec son pauvre couteau à lame légère. L’acier lui effleura le flanc, ayant tout juste quitté sa trajectoire suffisamment pour lui épargner une nouvelle blessure. Mais le couteau de son adversaire heurta le sien violemment et la différence de poids mêlée à son inexpérience lui fit lâcher sa seconde et dernière arme. Asélryn pensait qu’il s’arrêterait une fois qu’il l’aurait neutralisée… Pauvre naïve.
Réalisant brutalement que son adversaire ne comptait pas en rester là, elle se jeta sur le coté dans un acte désespéré, guidée par la peur, dans le seul but de survivre. Elle se rattrapa en touchant le sol de tuiles d’une roulade puis chercha immédiatement l’agent du regard. A sa grande stupeur, plus rien ne subsistait là où il s’était trouvé un instant auparavant.
Elle sentit une force soudaine lui tirer les poignets en arrière pour les joindre dans son dos. Puis un tibia qui fauche ses jambes derrières les articulations des genoux pour la faire chuter. Et les tuiles percutant violemment son visage, suivies par l’apparition de la lame dentelée sous sa gorge.
C’est à ce moment que les larmes qui ne demandaient qu’à jaillir sous l’effet de la peur et du désespoir vinrent ternir ses yeux gris. Totalement effarée, elle se mit à hurler.
« - Ça suffit !!! J’abandonne !!! Je peux pas me battre !!! »
Elle serra les dents en plaquant son front contre le sol alors que le couteau se retirait de sa gorge. On lui avait trop demandé. Shenak l’avait sur-estimée, elle était incapable de rejoindre les rangs du SI:7, surtout à son âge. Personne n’en était capable à un si jeune âge, personne. Et certainement pas elle. Elle ne parvint pas à retenir quelques sanglots et n’osa pas relever la tête en entendant la voix du Kriss.
« - Ton examen s’achève ici. Tu n’as pas les compétences requises pour être des nôtres… »
Elle savait déjà tout cela mais l’entendre lui donnait l’impression qu’on broyait sa volonté, ses espoirs, ses ambitions. Elle était vouée à l’échec… Indigne de la Lumière deux ans auparavant, indigne des Ombres aujourd’hui.
« - Cependant, tu as appris mon identité ainsi que plusieurs informations que le SI:7 souhaite garder secrètes. Nous ne faisons confiance qu’à nos agents, et comme tu n’en as pas les qualités, nous allons devoir nous assurer que tu ne divulgues rien. »
Pour la énième fois de la soirée, son sang se figea. Ils allaient donc la tuer… ? Elle voulut relever la tête mais un violent choc ramena sa tête sur une tuile, la brisant du même coup.
L’obscurité envahit l’esprit d’Asélryn suite aux chocs, inhibant toutes ses percpetions. Elle sentit à peine qu’on la soulevait et qu’on la déplaçait, puis sombra dans un sommeil sans rêves.
Une fois sur les toits, le gobelin sortit d’un endroit que la jeune fille ne parvint pas à deviner un large éventail de couteaux et poignards d’un geste alerte et habitué. Elle resta quelques secondes silencieuse en fixant les armes, à se demander s’il attendait quelque chose d’elle. Il lui confirma cette idée en poussant un grognement pressé. Asélryn s’empressa de venir devant le Kriss qui lâcha d’un air agacé :
« - Choisis-en deux. »
Elle hésita d’abord entre de plus petits, à l’aspect plus légers, ou d’autres, plus lourds ou à lame plus large ou dentelée. Elle se rendit vite compte que la patience de son examinateur était très limitée et qu’elle en abusait. Elle en saisit alors deux sans vraiment réfléchir.
Le premier était plus une dague d’un poignard, la lame approchant les vingt centimètres et légèrement effilée. Une petite gravure se trouvait sur le manche : Une paire de crocs assimilables à ceux d’un tigre ou d’une panthère.
La seconde lame était parfaitement aiguisée mais le poids nettement supérieur du manche lui fit regretter son choix hâtif. Un couteau de lancer… Elle était d’un niveau minable au lancer et son oncle n’avait jamais manqué de le lui faire remarquer avec un étonnant (et sans doute volontaire) manque de subtilité.
Après tout, il ne l’avait que très peu entraînée au combat. Une crainte lui noua soudain le ventre et ne fit que s’accroître lorsqu’elle eut la confirmation de ce qu’elle redoutait. L’agent qui les accompagnait choisit à son tour deux poignards, l’un effilé et pointu, l’autre moins bien aiguisé mais parsemé de petites dents d’acier, le genre de lame qui faisait mal quand elle rentrait et faisait hurler quand elle sortait…
Le voleur vint se placer alors face à elle. Son cœur s’emballa une nouvelle fois. Elle n’avait presque aucune expérience du combat et sa victoire face aux gardes était un pur coup de chance. Elle avait affaire à un agent du SI:7, un assassin de sang-froid, un guerrier tenace et insaisissable. L’évidence s’imposait : Elle n’avait pas la moindre chance.
Il plaça la lame pointue devant lui, menaçante et légèrement inclinée tandis qu’il tenait le couteau dentelé en retrait, vers le bas. Asélryn ne savait pas quel intérêt avait cette posture mais elle ne doutait pas qu’elle était terriblement efficace. Elle calma les tremblements de ses poignets en resserrant sa poigne sur sa dague et son couteau de lancer. La peur débordait de son regard et son adversaire le voyait sans doute.
Le Kriss la fit presque sursauter en prenant la parole.
« - Ne le laisse pas te désarmer et évite de te faire tuer. »
Evite de te faire tuer ?! Parce qu’en plus il allait se battre pour tuer ?! Et quelle était la différence ? Armée ou pas, face à un homme pareil, elle ne pouvait rien faire !
« - Allez-y… »
Le sang d’Asélryn gela dans ses veines à ces mots. La tension monta d’un coup alors que l’homme commençait à se déplacer, non pas aussi vite qu’elle l’attendait, mais latéralement, avec une lenteur et une maîtrise qui lui donnaient des sueurs froides. Il ne quittait pas sa posture et la fixait intensément.
Elle se courba légèrement en avant, une lame devant elle, l’autre proche de son flanc. La seule position de combat qu’elle connaisse. Elle imita comme un relfet les déplacements de son adversaire, avec nettement moins d’assurance, simplement pour rester face à lui. Elle se le répétait inlassablement malgré elle. « Tu ne fais pas le poids, c’est impossible. »
Ils continuèrent ainsi pendant deux minutes… trois minutes… cinq… puis le mouvement lent de l’agent changea légèrement de trajectoire. Asélryn cacha son horreur mais elle voyait bien qu’il s’approchait d’elle, toujours aussi inquiétant, et même plus. Il gagnait de plus en plus de terrain, elle devait attaquer la première, prendre une initiative que jamais une débutante ne prendrait, le surprendre pour avoir une chance peut-être de l’effleurer au moins, et ne pas perdre pitoyablement. Au moins prouver sa bravoure et ne pas abandonner sans avoir fait montre de sa valeur au combat… Pourquoi diable les enseignements de paladinat de ses parents lui revenaient-ils en tête maintenant ? La Lumière n’allait pas lui venir en aide maintenant. Non…
Là où la Lumière échoue… les Ombres… des obstacles se jouent…
Le manche du couteau quitta la main d’Asélryn et sa lame fut soudain bloquée entre ses doigts, parée au lancer. Ce geste n’échappa pas au roublard en face qui recula immédiatement en levant ses lames pour se protéger du jet. Exactement comme prévu dans le plan insensé qui avait germé dans l’esprit d’Asélryn en l’espace d’une seconde. Dents serrées, elle se rua sur son adversaire, brandissant sa dague devant elle. Elle tenta une frappe horizontale dès qu’elle fut à sa hauteur mais la lame dentelée coinça son arme entre deux de ses crocs avant de l’emmener vers le haut.
Ne pas se laisser désarmer…
Elle ne lâcha pas sa dague mais réalisa son erreur immédiatement après l’avoir commise. Son aisselle droite était exposée au possible et le poignard aiguisé ne semblait pas se diriger ailleurs que vers cette ouverture. La panique l’envahit instantanément et elle lâcha elle-même son arme pour reculer prestement. Les mouvements de l’un et de l’autre furent rapides, mais pas de même vitesse.
Le souffle saccadé, les yeux écarquillés, Asélryn tenait son couteau de jet devant elle pour toute défense tandis que le sang s’écoulait lentement de l’estafilade sur son épaule droite. Le cuir avait été tranché aussi net que la peau et la brûlure insidieuse lui donnait envie de hurler. Elle n’avait pas la moindre chance… Pas la moindre !
Cette fois-ci, ce fut à l’homme d’attaquer. La pointe sournoise fusa vers son abdomen mais elle parvint à le dévier tout en se décalant avec son pauvre couteau à lame légère. L’acier lui effleura le flanc, ayant tout juste quitté sa trajectoire suffisamment pour lui épargner une nouvelle blessure. Mais le couteau de son adversaire heurta le sien violemment et la différence de poids mêlée à son inexpérience lui fit lâcher sa seconde et dernière arme. Asélryn pensait qu’il s’arrêterait une fois qu’il l’aurait neutralisée… Pauvre naïve.
Réalisant brutalement que son adversaire ne comptait pas en rester là, elle se jeta sur le coté dans un acte désespéré, guidée par la peur, dans le seul but de survivre. Elle se rattrapa en touchant le sol de tuiles d’une roulade puis chercha immédiatement l’agent du regard. A sa grande stupeur, plus rien ne subsistait là où il s’était trouvé un instant auparavant.
Elle sentit une force soudaine lui tirer les poignets en arrière pour les joindre dans son dos. Puis un tibia qui fauche ses jambes derrières les articulations des genoux pour la faire chuter. Et les tuiles percutant violemment son visage, suivies par l’apparition de la lame dentelée sous sa gorge.
C’est à ce moment que les larmes qui ne demandaient qu’à jaillir sous l’effet de la peur et du désespoir vinrent ternir ses yeux gris. Totalement effarée, elle se mit à hurler.
« - Ça suffit !!! J’abandonne !!! Je peux pas me battre !!! »
Elle serra les dents en plaquant son front contre le sol alors que le couteau se retirait de sa gorge. On lui avait trop demandé. Shenak l’avait sur-estimée, elle était incapable de rejoindre les rangs du SI:7, surtout à son âge. Personne n’en était capable à un si jeune âge, personne. Et certainement pas elle. Elle ne parvint pas à retenir quelques sanglots et n’osa pas relever la tête en entendant la voix du Kriss.
« - Ton examen s’achève ici. Tu n’as pas les compétences requises pour être des nôtres… »
Elle savait déjà tout cela mais l’entendre lui donnait l’impression qu’on broyait sa volonté, ses espoirs, ses ambitions. Elle était vouée à l’échec… Indigne de la Lumière deux ans auparavant, indigne des Ombres aujourd’hui.
« - Cependant, tu as appris mon identité ainsi que plusieurs informations que le SI:7 souhaite garder secrètes. Nous ne faisons confiance qu’à nos agents, et comme tu n’en as pas les qualités, nous allons devoir nous assurer que tu ne divulgues rien. »
Pour la énième fois de la soirée, son sang se figea. Ils allaient donc la tuer… ? Elle voulut relever la tête mais un violent choc ramena sa tête sur une tuile, la brisant du même coup.
L’obscurité envahit l’esprit d’Asélryn suite aux chocs, inhibant toutes ses percpetions. Elle sentit à peine qu’on la soulevait et qu’on la déplaçait, puis sombra dans un sommeil sans rêves.
Dernière édition par Asélryn / Towann le Ven 16 Oct 2009, 21:02, édité 1 fois
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Asélryn retrouva un état de semi-conscience, secouée dans tous les sens. Elle n’avait pas idée de ce qui pouvait lui arriver. Elle sentait une pression permanente sur son abdomen et ses membres semblaient être tirés dans la direction inverse. Elle entrouvrit à peine les yeux mais ne vit rien de plus que lorsqu’ils étaient fermés. Le noir total.
Cette agitation saccadée se poursuivit de manière interminable. Elle n’aurait su définir si c’étaient des secondes ou des années qui s’écoulaient mais elle ne souhaitait qu’une chose : que tout s’arrête.
Et elle fut exaucée…
Une surface froide et rigide la heurta soudain de plein fouet. Un choc violent, l’humidité, la douleur… puis un peu de chaleur liquide sur le visage. Clouée à cette paroi, elle resta immobile, incapable d’esquisser le moindre geste, mais profitant enfin d’un peu de calme. Lentement, le sommeil reprit.
Tout son corps la fit souffrir lorsqu’elle se redressa enfin. Son réveil avait été rapide à cause de l’humidité et du froid ambiant. Elle manqua de chuter à nouveau mais sa main s’appuya au sol pour la maintenir, instinctivement, sur une substance presque liquide. Asélryn écarta sa main et vit une tâche de sang coagulé, insinué entre les dalles de pierre. Elle passa son autre main sur sa joue droite et sentit la même texture au niveau de la pommette. Elle se nettoya précairement le visage en frottant simplement avec sa main tout en jetant un œil autour d’elle.
Les murs sombres, aussi humides que le sol, plusieurs traces de moisissure, des charpentes vermoulues soutenant une voûte par on ne sait quel miracle, et une porte d’acier unique, dépourvue de serrure mais clairement verrouillée. Quelques faibles rais de lumières se glissaient dans l’encadrement de la porte et constituaient son seul éclairage. Une geôle. Ils ne prévoyaient donc pas de la tuer. Pas pour l’instant au moins.
La salle était vide, grande de quatre mètres sur cinq, haute de trois. Dans un espace aussi restreint, Asélryn aurait préféré être seule. Mais les anciens occupants ne semblaient pas être décidés à quitter les lieux et la jeune fille préférait autant éviter d’avoir à toucher ces ossements. Les squelettes brisés et entrelacés avaient été entassés dans un recoin, indiscernables les uns des autres, mais les crânes permettaient de déduire qu’il étaient trois.
Asélryn resta immobile au milieu de la geôle pendant plusieurs heures. La blessure à son épaule la faisait toujours souffrir, en plus de celle à la pommette causée lorsqu’elle avait été jetée sur ce sol de pierre. Une force étrange empêchait les larmes qui ne demandaient qu’à sortir de couler sur ses joues. Peut-être n’en avait-elle plus. De légères marques sur son visage pouvaient laisser penser qu’elle avait pleuré pendant son sommeil.
Qu’avait-elle fait pour en arriver là ? Quelle avait été son erreur ?
Se laisser emporter par Shenak deux ans auparavant ? Se laisser convaincre que sa voie était celle des Ombres ? Se laisser entraîner sur celle-ci par son oncle ? Le laisser la proposer au SI:7 alors qu’elle n’avait que quinze ans ?
Les questions l’assaillaient, comme ce jour où la Lumière l’avait jugée indigne, mais cette fois, personne ne viendrait la sortir de là. Elle ne savait pas ce qu’on allait faire d’elle désormais, et c’était bien plus effrayant que si on lui avait annoncé qu’elle allait être torturée ou tuée. Ils pouvaient sans doute lui réserver des châtiments bien pires que tout ce qu’elle pouvait imaginer.
Elle baissa les yeux et vit alors le sac percé accroché à sa ceinture, celle qu’elle était allée chercher sur la cime de la prison. Pendant tout ce temps, elle l’avait totalement oublié… La boîte de bois s’y trouvait encore. Asélryn la prit dans ses mains et contempla longuement les gravures. Lorsqu’elle se décida à la secouer, elle sentit quelque chose de relativement petit bouger à l’intérieur mais les chocs étaient comme étouffés par quelque chose. Il y avait une petite serrure en cuivre sur l’une des faces. La clé était sans doute minuscule et finement ouvragée à en juger par la qualité du travail.
Elle ne sut pourquoi, dès cet instant, le désir de l’ouvrir l’omnibula.
Les heures s’écoulèrent, innombrables, formant sans doute des jours entiers. Lorsqu’il lui arrivait de dormir, elle trouvait généralement un peu d’eau et de nourriture à son réveil. Du pain déjà impregné d’humidité ou de petits morceaux de viande cartilagineuse. Elle subsistait, nourrie au strict minimum, et passait son temps fixée sur cette boîte.
Que pouvait-elle contenir ? Mais que diable contenait-elle ?!
Cette question l’obsédait et faisait taire toutes les autres. Quoi que ce fut, cet objet était sans doute réservée à ceux jugés « dignes » et ne lui serait d’aucune utilité dans un tel cas. Elle se le cachait cependant. Cette obsession lui permettait de s’isoler de sa peur, de l’oublier. Cette boîte maudite était tout ce qui l’empêchait de chuter dans le désespoir. La seule et unique flamme de volonté persistant en elle ne brûlait que pour l’ouvrir.
En l’absence de clé, elle tenta bien sûr la solution de force. Les chocs violents contre le sol ou les murs avaient à peine entamé les coins du coffret. Ses tentatives furent nombreuses et lui confirmèrent l’évidence qu’elle n’y parviendrait pas ainsi. Ainsi, elle passa ses journées à chercher un mécanisme caché ou quoi que ce fut permettant de l’ouvrir. Ses parois étaient la seule chose qu’elle regardait à l’exception de sa nourriture. Elle les voyait encore et toujours durant son sommeil pour les observer à nouveau une fois éveillée.
Mais les jours passaient et toute volonté finit par s’émousser. Son regard toujours braqué sur la boîte, sa patience l’abandonna et elle la jeta de toutes ses forces. Le coffret vint se perdre entre les ossements des anciens prisonniers tandis qu’elle se ruait sur la porte et s’acharnait dessus en hurlant. Elle frappait sans penser à la douleur dans ses phalanges à chaque coup, seulement capable de crier son désespoir et sa détresse.
Elle n’abandonna qu’après quelques minutes et s’affala contre la paroi d’acier en pleurant. Aucun son ne provenait de l’extérieur. Si quelqu’un l’avait entendue, ils n’avaient rien à faire de ce qui pouvait lui arriver.
Elle revint au centre de la cellule, à pas lents et lourds. Son regard se posa sur les squelettes au milieu desquels elle avait lancé le coffret. Elle s’en approcha et se mit à le chercher. Bien qu’inaccessible, le savoir près d’elle la rassurait, lui donnait l’impression d’être en lien avec l’extérieur. Sans vraiment savoir pourquoi, elle souleva l’un des crânes posés à même le sol, bien qu’il fut impossible que la boîte y ait atterri. Il n’y avait bien sûr rien en-dessous mais elle fit de même avec le second puis se figea.
Ce crâne-là dissimulait bel et bien quelque chose… Après tout ce temps passé dans cette geôle, elle n’avait jamais eu l’idée d’aller voir ici et se retrouvait maintenant face à plusieurs petits objets de taille et forme différentes. Assez longues et fines, il s’agissait de minuscules barres de fer. L’une était simplement courbée en son extrêmité, l’autre était enroulée en hélice sur la moitié de sa longueur, une autre encore se terminait en T, une autre semblait munie d’un mécanisme microscopique permettant de bloquer la mobilité de son extrêmité…
Certains de ces instruments ne lui étaient pas inconnus. Elle avait déjà vu son oncle jouer avec en lui parlant et si elle n’avait jamais eu idée de leur utilité, elle lui paraissait désormais claire au possible. Elle se précipita sur les squelettes, oubliant sa répugnance, et retrouva son coffret avant de revenir le poser au centre de la pièce.
Un espoir nouveau l’animait. Son état aurait été semblable si on lui avait annoncé qu’elle avait une chance de sortir. Elle n’avait aucune expérience en crochetage mais ces outils étaient manifestement faits pour ça. Elle remercia mentalement l’ancien détenu qui avait sans doute eu l’idée de placer ces objets ici mais qui avait du finir comme celui qui lui avait permis de les dissimuler.
Asélryn passa de longues heures à insérer tour à tour les outils dans la serrure, abandonnant certains pour les reprendre un peu plus tard et retenter sa chance. Aussi concentrée que possible, elle ne dormait plus, et ne recevait donc plus de nourriture. Mais ça n’avait aucune importance. Elle pouvait tenir encore longtemps avec un tel espoir.
L’un des outils se bloqua soudain dans la serrure. Elle tira pour l’enlever mais il ne voulut pas sortir. La panique la prit alors et elle tenta de débloquer la barre courbée en passant par ses manipulations précédentes mais rien n’y faisait. Elle força dessus pour la faire pivoter et soudain, l’outil bougea, tandis que la serrure laissait échapper un petit déclic.
Le souffle d’Asélryn se stoppa. L’ustensile sembla sortir par lui-même tandis que la jeune fille restait les yeux rivés sur la boîte. Elle ne pouvait pas le croire. Elle n’osait pas toucher le couvercle, ni tenter de le soulever.
C’était ce mystère, cet objet inaccessible qui lui avait permis de tenir jusqu’ici et le découvrir pour de bon la laisserait seule pour de bon.
Pouvait-elle vraiment ouvrir ce coffret ?
Elle repensa à toutes les peines qu’elle s’était donnée pour en arriver là. Il n’était plus question d’hésiter.
La boîte s’ouvrit sans le moindre grincement et révéla un contenu peut-être en-dessous des attentes d’Asélryn. Un morceau de parchemin déchiré était posé sur un tas d’étoffes contenant un petit objet plat et assez large.
Elle prit lentement le papier et trouva quelques mots griffonnés au verso.
Où la Lumière échoue-t-elle ?
Elle serra le parchemin dans son poing, fermant les yeux mais sut retenir ses larmes, de gratitude cette fois. Elle prit l’objet enveloppé d’étoffe puis se redressa, abandonnant le coffret et le message.
« - La Lumière échoue face aux obstacles dont les Ombres savent se jouer !!! »
Elle fixa la porte plusieurs secondes, une ardeur nouvelle ranimant ses yeux gris. Elle en avait assez de pleurer, désormais, plus rien ne l’abattrait de la sorte.
La porte s’ouvrit dans un long grincement, laissant apparaître Renzik. La Lumière pénétra dans la geôle et l’aveugla momentanément. Le gobelin fit quelques pas pour s’arrêter à deux mètres d’Asélryn. Son regard était toujours aussi malsain mais semblait étonnament moins méprisant.
Le Kriss désigna l’objet enveloppé d’un mouvement de tête.
« - Il t’appartient à partir d’aujourd’hui… »
Les mains tremblantes, Asélryn retira le tissu pour révéler le contenu du coffret.
L’insigne étincela sous la lumière du soleil entrant par la porte ouverte.
« - Bienvenue au SI:7 agent Elraan. »
Cette agitation saccadée se poursuivit de manière interminable. Elle n’aurait su définir si c’étaient des secondes ou des années qui s’écoulaient mais elle ne souhaitait qu’une chose : que tout s’arrête.
Et elle fut exaucée…
Une surface froide et rigide la heurta soudain de plein fouet. Un choc violent, l’humidité, la douleur… puis un peu de chaleur liquide sur le visage. Clouée à cette paroi, elle resta immobile, incapable d’esquisser le moindre geste, mais profitant enfin d’un peu de calme. Lentement, le sommeil reprit.
Tout son corps la fit souffrir lorsqu’elle se redressa enfin. Son réveil avait été rapide à cause de l’humidité et du froid ambiant. Elle manqua de chuter à nouveau mais sa main s’appuya au sol pour la maintenir, instinctivement, sur une substance presque liquide. Asélryn écarta sa main et vit une tâche de sang coagulé, insinué entre les dalles de pierre. Elle passa son autre main sur sa joue droite et sentit la même texture au niveau de la pommette. Elle se nettoya précairement le visage en frottant simplement avec sa main tout en jetant un œil autour d’elle.
Les murs sombres, aussi humides que le sol, plusieurs traces de moisissure, des charpentes vermoulues soutenant une voûte par on ne sait quel miracle, et une porte d’acier unique, dépourvue de serrure mais clairement verrouillée. Quelques faibles rais de lumières se glissaient dans l’encadrement de la porte et constituaient son seul éclairage. Une geôle. Ils ne prévoyaient donc pas de la tuer. Pas pour l’instant au moins.
La salle était vide, grande de quatre mètres sur cinq, haute de trois. Dans un espace aussi restreint, Asélryn aurait préféré être seule. Mais les anciens occupants ne semblaient pas être décidés à quitter les lieux et la jeune fille préférait autant éviter d’avoir à toucher ces ossements. Les squelettes brisés et entrelacés avaient été entassés dans un recoin, indiscernables les uns des autres, mais les crânes permettaient de déduire qu’il étaient trois.
Asélryn resta immobile au milieu de la geôle pendant plusieurs heures. La blessure à son épaule la faisait toujours souffrir, en plus de celle à la pommette causée lorsqu’elle avait été jetée sur ce sol de pierre. Une force étrange empêchait les larmes qui ne demandaient qu’à sortir de couler sur ses joues. Peut-être n’en avait-elle plus. De légères marques sur son visage pouvaient laisser penser qu’elle avait pleuré pendant son sommeil.
Qu’avait-elle fait pour en arriver là ? Quelle avait été son erreur ?
Se laisser emporter par Shenak deux ans auparavant ? Se laisser convaincre que sa voie était celle des Ombres ? Se laisser entraîner sur celle-ci par son oncle ? Le laisser la proposer au SI:7 alors qu’elle n’avait que quinze ans ?
Les questions l’assaillaient, comme ce jour où la Lumière l’avait jugée indigne, mais cette fois, personne ne viendrait la sortir de là. Elle ne savait pas ce qu’on allait faire d’elle désormais, et c’était bien plus effrayant que si on lui avait annoncé qu’elle allait être torturée ou tuée. Ils pouvaient sans doute lui réserver des châtiments bien pires que tout ce qu’elle pouvait imaginer.
Elle baissa les yeux et vit alors le sac percé accroché à sa ceinture, celle qu’elle était allée chercher sur la cime de la prison. Pendant tout ce temps, elle l’avait totalement oublié… La boîte de bois s’y trouvait encore. Asélryn la prit dans ses mains et contempla longuement les gravures. Lorsqu’elle se décida à la secouer, elle sentit quelque chose de relativement petit bouger à l’intérieur mais les chocs étaient comme étouffés par quelque chose. Il y avait une petite serrure en cuivre sur l’une des faces. La clé était sans doute minuscule et finement ouvragée à en juger par la qualité du travail.
Elle ne sut pourquoi, dès cet instant, le désir de l’ouvrir l’omnibula.
Les heures s’écoulèrent, innombrables, formant sans doute des jours entiers. Lorsqu’il lui arrivait de dormir, elle trouvait généralement un peu d’eau et de nourriture à son réveil. Du pain déjà impregné d’humidité ou de petits morceaux de viande cartilagineuse. Elle subsistait, nourrie au strict minimum, et passait son temps fixée sur cette boîte.
Que pouvait-elle contenir ? Mais que diable contenait-elle ?!
Cette question l’obsédait et faisait taire toutes les autres. Quoi que ce fut, cet objet était sans doute réservée à ceux jugés « dignes » et ne lui serait d’aucune utilité dans un tel cas. Elle se le cachait cependant. Cette obsession lui permettait de s’isoler de sa peur, de l’oublier. Cette boîte maudite était tout ce qui l’empêchait de chuter dans le désespoir. La seule et unique flamme de volonté persistant en elle ne brûlait que pour l’ouvrir.
En l’absence de clé, elle tenta bien sûr la solution de force. Les chocs violents contre le sol ou les murs avaient à peine entamé les coins du coffret. Ses tentatives furent nombreuses et lui confirmèrent l’évidence qu’elle n’y parviendrait pas ainsi. Ainsi, elle passa ses journées à chercher un mécanisme caché ou quoi que ce fut permettant de l’ouvrir. Ses parois étaient la seule chose qu’elle regardait à l’exception de sa nourriture. Elle les voyait encore et toujours durant son sommeil pour les observer à nouveau une fois éveillée.
Mais les jours passaient et toute volonté finit par s’émousser. Son regard toujours braqué sur la boîte, sa patience l’abandonna et elle la jeta de toutes ses forces. Le coffret vint se perdre entre les ossements des anciens prisonniers tandis qu’elle se ruait sur la porte et s’acharnait dessus en hurlant. Elle frappait sans penser à la douleur dans ses phalanges à chaque coup, seulement capable de crier son désespoir et sa détresse.
Elle n’abandonna qu’après quelques minutes et s’affala contre la paroi d’acier en pleurant. Aucun son ne provenait de l’extérieur. Si quelqu’un l’avait entendue, ils n’avaient rien à faire de ce qui pouvait lui arriver.
Elle revint au centre de la cellule, à pas lents et lourds. Son regard se posa sur les squelettes au milieu desquels elle avait lancé le coffret. Elle s’en approcha et se mit à le chercher. Bien qu’inaccessible, le savoir près d’elle la rassurait, lui donnait l’impression d’être en lien avec l’extérieur. Sans vraiment savoir pourquoi, elle souleva l’un des crânes posés à même le sol, bien qu’il fut impossible que la boîte y ait atterri. Il n’y avait bien sûr rien en-dessous mais elle fit de même avec le second puis se figea.
Ce crâne-là dissimulait bel et bien quelque chose… Après tout ce temps passé dans cette geôle, elle n’avait jamais eu l’idée d’aller voir ici et se retrouvait maintenant face à plusieurs petits objets de taille et forme différentes. Assez longues et fines, il s’agissait de minuscules barres de fer. L’une était simplement courbée en son extrêmité, l’autre était enroulée en hélice sur la moitié de sa longueur, une autre encore se terminait en T, une autre semblait munie d’un mécanisme microscopique permettant de bloquer la mobilité de son extrêmité…
Certains de ces instruments ne lui étaient pas inconnus. Elle avait déjà vu son oncle jouer avec en lui parlant et si elle n’avait jamais eu idée de leur utilité, elle lui paraissait désormais claire au possible. Elle se précipita sur les squelettes, oubliant sa répugnance, et retrouva son coffret avant de revenir le poser au centre de la pièce.
Un espoir nouveau l’animait. Son état aurait été semblable si on lui avait annoncé qu’elle avait une chance de sortir. Elle n’avait aucune expérience en crochetage mais ces outils étaient manifestement faits pour ça. Elle remercia mentalement l’ancien détenu qui avait sans doute eu l’idée de placer ces objets ici mais qui avait du finir comme celui qui lui avait permis de les dissimuler.
Asélryn passa de longues heures à insérer tour à tour les outils dans la serrure, abandonnant certains pour les reprendre un peu plus tard et retenter sa chance. Aussi concentrée que possible, elle ne dormait plus, et ne recevait donc plus de nourriture. Mais ça n’avait aucune importance. Elle pouvait tenir encore longtemps avec un tel espoir.
L’un des outils se bloqua soudain dans la serrure. Elle tira pour l’enlever mais il ne voulut pas sortir. La panique la prit alors et elle tenta de débloquer la barre courbée en passant par ses manipulations précédentes mais rien n’y faisait. Elle força dessus pour la faire pivoter et soudain, l’outil bougea, tandis que la serrure laissait échapper un petit déclic.
Le souffle d’Asélryn se stoppa. L’ustensile sembla sortir par lui-même tandis que la jeune fille restait les yeux rivés sur la boîte. Elle ne pouvait pas le croire. Elle n’osait pas toucher le couvercle, ni tenter de le soulever.
C’était ce mystère, cet objet inaccessible qui lui avait permis de tenir jusqu’ici et le découvrir pour de bon la laisserait seule pour de bon.
Pouvait-elle vraiment ouvrir ce coffret ?
Elle repensa à toutes les peines qu’elle s’était donnée pour en arriver là. Il n’était plus question d’hésiter.
La boîte s’ouvrit sans le moindre grincement et révéla un contenu peut-être en-dessous des attentes d’Asélryn. Un morceau de parchemin déchiré était posé sur un tas d’étoffes contenant un petit objet plat et assez large.
Elle prit lentement le papier et trouva quelques mots griffonnés au verso.
Où la Lumière échoue-t-elle ?
Elle serra le parchemin dans son poing, fermant les yeux mais sut retenir ses larmes, de gratitude cette fois. Elle prit l’objet enveloppé d’étoffe puis se redressa, abandonnant le coffret et le message.
« - La Lumière échoue face aux obstacles dont les Ombres savent se jouer !!! »
Elle fixa la porte plusieurs secondes, une ardeur nouvelle ranimant ses yeux gris. Elle en avait assez de pleurer, désormais, plus rien ne l’abattrait de la sorte.
La porte s’ouvrit dans un long grincement, laissant apparaître Renzik. La Lumière pénétra dans la geôle et l’aveugla momentanément. Le gobelin fit quelques pas pour s’arrêter à deux mètres d’Asélryn. Son regard était toujours aussi malsain mais semblait étonnament moins méprisant.
Le Kriss désigna l’objet enveloppé d’un mouvement de tête.
« - Il t’appartient à partir d’aujourd’hui… »
Les mains tremblantes, Asélryn retira le tissu pour révéler le contenu du coffret.
L’insigne étincela sous la lumière du soleil entrant par la porte ouverte.
« - Bienvenue au SI:7 agent Elraan. »
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Asélryn se réceptionna sur les tuiles d’une roulade agile. Elle ne stoppa pas sa course et parcourut le toit en une poignée de secondes avant de bondir pour s’accrocher à celui du bâtiment voisin, un peu surélevé. Elle se hissa rapidement, sprinta sur la nouvelle surface s’offrant à elle puis s’envola.
Le temps sembla se suspendre alors que la largeur de la rue défilait en-dessous d’elle. Rien ne semblait pouvoir la retenir, l’entraver de quelque manière que ce soit. Elle était libre.
La jeune voleuse atterrit sur le toit suivant avec une nouvelle roulade et poursuivit son avancée, plus imperceptible que jamais sous cette nuit sans lune.
Rien n’égalait ces moments-là. Enveloppée par la fraicheur nocturne, ses yeux murmurant aux étoiles, son cœur battant à tout rompre, chacun de ses muscles en action, mais pas la moindre once de fatigue ou de lassitude. Plus qu’à chaque instant, elle se sentait heureuse, impossible à atteindre, isolée, libre… vivante.
Après un nouvel envol, sa course frénétique trouva enfin son terme à coté d’une grande cheminée à laquelle elle s’adossa. Elle prit quelques secondes pour recouvrer son souffle et se passa une main sur le front, bien qu’elle n’y essuyât pas la moindre goutte de sueur.
La Gamine était aujourd’hui une vraie jeune femme. De quinze à dix-sept ans, elle avait sans doute connu les plus grands changements extérieurs de sa vie pour si peu de temps.
La silhouette svelte et élancée, elle n’avait pas énormément grandi mais semblait s’être affinée. Ses cheveux noirs tombaient un peu en-dessous des épaules, soigneusement coiffés en arrière, sans cependant empêcher deux ou trois mèches de revenir devant ses yeux. Son visage semblait avoir perdu toutes les rondeurs de l’enfance et prenait un certain charme. Ses pupilles grises n’avaient bien sûr pas changé mais son regard habituel n’était plus le même. Plus sûre d’elle, avec l’air de toujours avoir une idée derrière la tête, elle arborait un aspect intriguant, mystérieux, marqué d’espièglerie et de malice. Son armure noire épousait chaque forme de son corps, entre autres les plus attirantes qui se trouvaient plutôt bien développées pour seulement dix-sept ans. Ceux qui s’attardaient trop sur son physique pouvaient peut-être remarquer les diverses lames courtes qu’elle portait, plus ou moins dissimulées dans ses bottes ou dans des poches cachées de sa tenue.
Le communicateur à la ceinture d’Asélryn laissa échapper quelques sons indistincts alors qu’elle le détachait de sa ceinture. Une voix déformée fut émise par la radio.
« - Agent numéro trois, tu m’entends ? »
L’homme qui parlait semblait à première vue dénué de toute conviction ou enthousiasme mais Asélryn savait bien qu’il ne fallait pas s’y fier. Soren Illisias, ou « l’agent numéro un » de cette opération, était le genre d’homme auquel tourner le dos revenait à se jeter au sol devant un troupeau de kodos en charge si vous n’étiez pas de ses connaissances ou de ses pairs du SI:7. Le modèle même du baroudeur ayant voué sa vie à la protection de Hurlevent sous la voie des Ombres.
La jeune fille le respectait énormément depuis qu’elle l’avait rencontré. C’était un exemple pour beaucoup d’agents, entre autres ceux n’ayant pas beaucoup d’expérience comme elle. Une chose qu’elle appréciait tout particulièrement chez lui était sa manière de considérer ses collègues. Il se fiait seulement et uniquement aux actes de chacun, et certainement pas aux préjugés ou dires d’autres agents.
Très vite après l’entrée d’Asélryn au SI:7, la rumeur d’une gamine de quinze ans ayant rejoint les Services et étant la nièce de l’agent Shenak Elraan s’était répandue. Pour presque tous, il était évident qu’on ne pouvait intégrer L’ordre aussi jeune à moins d’être pistonné. Pour ne pas arranger les choses, Asélryn accomplit ses premières missions d’observation et d’espionnage avec brio et les remontées sur son « talent » n’avaient fait que renforcer la certitude qu’elle avait les bonnes personnes dans sa poche, rien de plus. Très vite, le surnom de « la Gamine » vint lui coller à la peau. Les autres agents faisaient preuve de distance et de mépris envers elle et ça ne lui échappait pas.
Soren le baroudeur, habitué à ne se faire d’idées qu’à partir de ses propres observations avait un jour défié Asélryn dans un duel sans suite pour l’évaluer lui-même. Elle s’était faite désarmer en une poignée de secondes mais étrangement, depuis ce jour, il semblait véritablement la considérer comme son égale, sans la moindre animosité. Dès lors, elle l’admira, pleine de gratitude et plus décidée que jamais à prouver qu’elle ne déméritait pas son statut d’agent du SI:7.
« - Je t’entends numéro un. Je suis en place.
- Je vois ça, c’est bien le problème…
- Ah euh… désolée. »
Asélryn laissa les Ombres la recouvrir et la cacher à la vue de tout observateur. La voix de Soren se fit entendre à nouveau.
« - C’est mieux comme ça. Numéro deux, la cible est encore loin de notre position ? »
Une nouvelle voix, un peu essoufflée, répondit. Si Asélryn appréciait Soren, elle ne portait pas dans son cœur l’agent deux, Ernias. Métissé humain et quel’doreï, vif et efficace, il n’était pas spécialement prétentieux mais gardait généralement un air hautain et condescendant qui avait le don d’énerver les personnes susceptibles. Et il était sans doute le premier persuadé qu’Asélryn était arrivée jusqu’ici uniquement à l’aide de relations bien placées et manquait rarement de le faire savoir.
« - Encore trois rues à traverser et on pourra le cueillir. Prestelame ou pas, il ne peut pas nous échapper tant que la Gamine ne fait pas de connerie.
- Contente-toi de le surveiller, et profites-en pour surveiller aussi tes paroles. »
Elle rétorqua d’un ton glacial qui eut l’effet d’imposer le silence quelques secondes. Ernias finit par reprendre la parole.
« - Faut-il considérer cela comme une menace petite ?
- Ça peut le devenir si tu ne la boucles pas maintenant Ernias ! »
Asélryn avait su se contenir pour ne pas crier dans son communicateur mais elle réalisa tout de suite l’erreur monumentale qu’elle venait de commettre. Si ces radios gnomes étaient d’excellente qualité, un ingénieur habile pouvait toujours éventuellement intercepter certaines communications avec le matériel adéquat.. Les numérotations d’agents pour chaque mission groupée n’avaient pas été imposées sans raison, nommer un autre agent sur ces ondes revenait à mettre sa vie en péril. Un nouveau silence prit place, difficile à soutenir pour Asélryn, qui attendait les remontrances de l’un ou de l’autre. Ce fut le semi-elfe qui répondit.
« - Je tâcherais d’y faire attention… Asélryn… »
Il détacha chaque syllabe de son prénom de la manière la plus détestable qui soit. Elle s’abstint de répondre quoi que ce soit, mal à l’aise. Puis Soren reprit enfin la parole.
« - Fermez-là tous les deux. Je vous rappelle que nous avons affaire à l’un des plus gros opposants à Nos services. Le Prestelame ne nous échappe pas depuis tout ce temps pour rien. Restez concentrés et gardez vos rancunes pour plus tard. Ai-je été clair ?
- Très clair.
- C’est compris… »
L’attente qui s’en suivit fut interminable. Frustrée par ce silence radio, elle ne trouvait plus du tout les toits de Hurlevent à son goût. Son regard était braqué sur la rue en contrebas, là où leur cible devait passer. Ils devaient le ramener vif dans la mesure du possible mais les Services n’étaient pas gênés de devoir le recevoir mort s’il le fallait. Asélryn avait entendu parler de ce Prestelame à plusieurs reprises. Un kaldoreï ayant fait le choix de défier ouvertement le SI:7, répétant sans cesse les provocations à l’égard de Mathias Shaw et de ses hommes, et s’avérant être un adversaire redoutable.
Maître dans l’art de l’évasion et de l’illusion, il avait déjà éliminé plus d’un des agents qui avaient été lancés à sa poursuite. Le SI:7 le considérait comme dangereux, voire très dangereux. Asélryn ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle avait été assignée à cette mission. Localiser précisément le Prestelame était une occasion rare et les Services regorgeaient d’agents bien plus expérimentés qu’elle. On avait beau lui dire qu’elle était douée, elle doutait de son utilité.
Et il apparut enfin. Sans un son, à peine visible sous la seule clarté des étoiles, la démarche fluide et légère, grand et mince, engoncé d’une armure sombre qui le rendait plus difficile encore à discerner. Tête découverte, il ne semblait absolument pas tendu. Au moins, il n’avait pas remarqué qu’Ernias le filait. Il s’avança dans l’allée, approchant de plus en plus d’Asélryn, et sans doute de Soren.
« - Soyez prêts… »
Elle put voir son visage à mesure qu’il approchait. Fin et anguleux, bordé d’une barbe légère taillée à la perfection, le regard posé, le Prestelame était à lui seul un comble de flegme et d’insouciance. A combien de lieues était-il d’imaginer que trois agents du SI:7, élites parmi les maîtres des Ombres, étaient sur le point de lui tomber dessus et de l’éliminer définitivement s’il n’était pas enclin à les suivre ?
S’ils savaient…
La trajectoire du malfrat dévia vers sa droite. La tension que ressentait Asélryn s’accrut de manière incontrôlée en le voyant approcher. Sa main vint se poser sur le manche du poignard dépassant de sa ceinture, dans son dos, n’attendant que le signal de Soren.
Puis soudain, il s’arrêta. Juste devant la façade des hautes habitations servant de perchoir à la jeune fille, le Prestelame s’immobilisa et leva les yeux. Asélryn retint son souffle et se figea littéralement sur place.
Les Ombres la cachaient et s’avéraient bien plus efficaces qu’à l’accoutumée avec une telle obscurité sur les toits.
Il ne peut pas me voir… Non… Il ne peut…
Le sang d’Asélryn se glaça alors que le Prestelame lui adressait un large sourire.
« - Il me voit !!!
- Allez-y maintenant !!! »
Soren sembla partager la panique de sa coéquipière et sauta au bas du bâtiment d’en face, abandonnant son camouflage. De même, Ernias surgit des Ombres au beau milieu de la rue, là où s’était trouvé leur cible quelques secondes auparavant. Tous deux se ruèrent sur lui, lames visibles.
Le Prestelame fit soudain surgir deux dagues scintillantes d’un endroit qu’Asélryn ne fut pas capable de discerner. Elle était encore figée, dans l’incapacité de réagir, comme si son seul regard l’avait paralysée.
Ernias fut le premier à la hauteur du kaldoreï et fit tournoyer ses armes autour de lui en profitant de son élan pour l’intimider et le faire reculer. Mais il fut subitement bloqué dans son mouvement lorsque celles du Prestelame vinrent rencontrer les siennes avec une précision irréprochable. D’un habile geste de poignet, il les écarta pour s’approcher un peu plus de l’agent stupéfait d’une réaction si prompte. Il voulut reculer mais l’un des poignards fendit l’air avec une vitesse irréelle pour venir s’enfoncer dans son abdomen. Le semi-elfe grogna de douleur alors que Soren abattait ses deux lames mi-longues, avec un léger écart, sur son agresseur.
Le Prestelame laissa à sa place l’arme qu’il venait d’utiliser puis se jeta sur le coté, pour éviter l’assaut du baroudeur, sans manquer de frapper celle dans la main gauche d’Ernias à l’aide de son second poignard. L’homme blessé ne put empêcher son coutelas de lui glisser entre les doigts, son attention relâchée l’espace d’un instant, puis de tomber contre le sol de pierre dans un bref tintement métallique.
« - Asélryn !!! »
Soren la réveilla subitement et la libéra de sa stupeur.
Ernias ramena sa main désarmée vers sa blessure, sans oser retirer la lame de peur de laisser l’hémorragie le vider de son sang en l’absence de soins. Le Prestelame fit tourner son poignard entre ses doigts dans un but purement visuel, tout en en récupérant un nouveau dans sa botte droite, puis se permit de préciser d’une voix monotone et étonnament calme dans de telles circonstances :
« - Vous devriez craindre le poison, plus que la plaie en l’état actuel des choses… »
Ernias recula un peu, dents serrées, la main toujours plaquée sur sa blessure, tandis que Soren approchait lentement. Les deux hommes se fixaient intensément, chacun redoutant le prochain geste de l’autre, parfaitement conscients de la valeur de leur vis-à-vis.
Le Prestelame se décala subitement sur sa gauche, laissant apparaître le poignard qui avait tenté de le frapper par derrière, puis saisit le poignet de son propriétaire et lui envoya un violent coup de coude. Asélryn entendit tout autant qu’elle sentit le craquement produit par son nez avant que l’elfe ne tire son bras et la fisse passer par-dessus son dos. Sans réellement comprendre ce qu’il s’était passé, elle se retrouva à terre, juste devant le Prestelame, prêt à la réduire en charpie. Elle vit ses lames bouger et sentit que sa dernière heure arrivait à une vitesse vertigineuse.
Mais il ne cherchait pas à la tuer, faisant le choix plus sage de bloquer l’attaque de Soren. L’acier s’entrechoqua et le seul résultat visible fut une entaille sur la largeur du bras de l’elfe.
Asélryn réalisa sa chance et roula de coté immédiatement pour s’éloigner de son agresseur. Elle se redressa, hors de portée et porta une main à son nez brisé bien qu’encore sonnée. Devant elle, les deux hommes enchaînaient attaques, parades, feintes, esquives à une vitesse effrayante, comme incapables de se toucher l’un l’autre mais bel et bien engagés dans une danse morbide, jouant avec la mort chaque seconde. Asélryn et Ernias restèrent spectateurs de ce duel de maîtres des lames et de l’illusion, tant fascinés par les gestes de leur coéquipier que par ceux de leur cible. Ce combat semblait ne pas avoir d’issue.
Ce fut alors soudainement que le Prestelame mit fin à cette impression. Juste après avoir à nouveau dévié une frappe de son adversaire, il fut immédiatement englouti par les Ombres, laissant l’attaque suivante de Soren ne fendre que le vide. Le kaldoreï reparut alors aussi brutalement qu’il s’était évaporé, presque aussitôt, dans le dos du baroudeur et avant que quiconque n’aie pu esquisser un geste, l’affrontement était scellé. Sans même prendre le temps de se retourner, le Prestelame avait envoyé ses deux lames se planter entre les côtes de l’agent, lui avait perforé les poumons et y avait libéré un poison foudroyant.
Asélryn voulut s’avancer, venir en aide à son partenaire, mais elle n’eut pas fait un pas que déjà, le Prestelame tirait deux nouveaux poignards cachés dans ses jambières avant de se retourner vers Soren et les lui enfonçait dans les épaules. C’est à ce moment qu’elle réalisa qu’il allait maintenant les tuer, elle et Ernias.
Impuissante, elle regarda l’elfe sortir un ultime poignard de sa botte gauche et le planter sèchement dans la gorge de l’humain mais en le retirant ensuite, laissant jaillir une gerbe de liquide écarlate.
C’est alors qu’elle vit Ernias se ruer sur lui, malgré la lame encore présente dans ses entrailles, voulant profiter de l’occasion pour venger Soren mais si le Prestelame avait retiré sa dernière dague du corps, c’était sans conteste pour qu’elle vienne ouvrir la gorge du semi-elfe. Les deux corps s’effondrèrent quasi-simultanément tandis que l’assassin s’avançait vers une Asélryn totalement pétrifiée.
Elle ne pouvait nier le fait qu’elle avait pris confiance en elle depuis qu’elle avait rejoint le SI:7, mais elle savait pertinemment que Soren et Ernias étaient nettement meilleurs qu’elle du fait de leur expérience. Face à cet homme, ce Prestelame, tout ce qui lui restait à faire était d’attendre la mort, aussi brutale et sanglante qu’avec ses collègues. Elle se souvint de la promesse qu’elle s’était faite deux ans auparavant.
Je ne pleurerai plus… Je ne me laisserai plus sombrer dans le désespoir… Je ne lâcherai plus prise…
Elle tremblait de tous ses membres mais leva son poignard devant elle. Quitte à mourir, elle mourrait dignement, en combattant, comme tous ces héros et paladins qui avaient pu donner leur vie sur le champ de bataille, elle ne décevrait personne cette fois. A mesure qu’il approchait, elle sentait sa peur laisser place à l’acceptation. Elle allait mourir mais au moins en le blessant, mortellement au mieux. Elle ne s’en serait pas crue capable en temps normal mais elle ne pouvait plus douter d’elle désormais.
Elle allait venger ses partenaires…
Ce fut aussi soudain qu’avec Soren. Il laissa son pas suivant le guider à travers les Ombres, s’y immisçant totalement.
Asélryn se retourna subitement et effectuant une frappe en arc de cercle derrière elle dans l’espoir de toucher son ennemi mais le seul son perceptible fut le sifflement de l’air. Elle resta en arrêt, incapable de prévoir d’où le Prestelame pouvait bien surgir désormais.
Une voix sombre, calme et étonnament douce parvint à ses oreilles, plus proche que toutes celles qu’elle avait pu entendre du plus loin que remontaient ses souvenirs, comme si elle se tenait alors au plus proche de lui.
« - Tu gâches ton existence dès son commencement… »
Elle n’osa pas se retourner et fut incapable de retenir le frisson qui lui parcourut les épaules.
« - Ramène les corps et dis à Shaw qu’il a de nouveau l’occasion de constater ce que je peux penser de lui… »
Elle se retourna subitement et fixa le vide devant elle, tentant d’y discerner un quelconque camouflage mais ne vit rien. Elle regarda tout autour d’elle.
Les corps mutilés laissaient lentement s’étendre deux mares rouges sur les pavés et aucune autre trace du Prestelame ne subsistait.
Elle était seule…
Le temps sembla se suspendre alors que la largeur de la rue défilait en-dessous d’elle. Rien ne semblait pouvoir la retenir, l’entraver de quelque manière que ce soit. Elle était libre.
La jeune voleuse atterrit sur le toit suivant avec une nouvelle roulade et poursuivit son avancée, plus imperceptible que jamais sous cette nuit sans lune.
Rien n’égalait ces moments-là. Enveloppée par la fraicheur nocturne, ses yeux murmurant aux étoiles, son cœur battant à tout rompre, chacun de ses muscles en action, mais pas la moindre once de fatigue ou de lassitude. Plus qu’à chaque instant, elle se sentait heureuse, impossible à atteindre, isolée, libre… vivante.
Après un nouvel envol, sa course frénétique trouva enfin son terme à coté d’une grande cheminée à laquelle elle s’adossa. Elle prit quelques secondes pour recouvrer son souffle et se passa une main sur le front, bien qu’elle n’y essuyât pas la moindre goutte de sueur.
La Gamine était aujourd’hui une vraie jeune femme. De quinze à dix-sept ans, elle avait sans doute connu les plus grands changements extérieurs de sa vie pour si peu de temps.
La silhouette svelte et élancée, elle n’avait pas énormément grandi mais semblait s’être affinée. Ses cheveux noirs tombaient un peu en-dessous des épaules, soigneusement coiffés en arrière, sans cependant empêcher deux ou trois mèches de revenir devant ses yeux. Son visage semblait avoir perdu toutes les rondeurs de l’enfance et prenait un certain charme. Ses pupilles grises n’avaient bien sûr pas changé mais son regard habituel n’était plus le même. Plus sûre d’elle, avec l’air de toujours avoir une idée derrière la tête, elle arborait un aspect intriguant, mystérieux, marqué d’espièglerie et de malice. Son armure noire épousait chaque forme de son corps, entre autres les plus attirantes qui se trouvaient plutôt bien développées pour seulement dix-sept ans. Ceux qui s’attardaient trop sur son physique pouvaient peut-être remarquer les diverses lames courtes qu’elle portait, plus ou moins dissimulées dans ses bottes ou dans des poches cachées de sa tenue.
Le communicateur à la ceinture d’Asélryn laissa échapper quelques sons indistincts alors qu’elle le détachait de sa ceinture. Une voix déformée fut émise par la radio.
« - Agent numéro trois, tu m’entends ? »
L’homme qui parlait semblait à première vue dénué de toute conviction ou enthousiasme mais Asélryn savait bien qu’il ne fallait pas s’y fier. Soren Illisias, ou « l’agent numéro un » de cette opération, était le genre d’homme auquel tourner le dos revenait à se jeter au sol devant un troupeau de kodos en charge si vous n’étiez pas de ses connaissances ou de ses pairs du SI:7. Le modèle même du baroudeur ayant voué sa vie à la protection de Hurlevent sous la voie des Ombres.
La jeune fille le respectait énormément depuis qu’elle l’avait rencontré. C’était un exemple pour beaucoup d’agents, entre autres ceux n’ayant pas beaucoup d’expérience comme elle. Une chose qu’elle appréciait tout particulièrement chez lui était sa manière de considérer ses collègues. Il se fiait seulement et uniquement aux actes de chacun, et certainement pas aux préjugés ou dires d’autres agents.
Très vite après l’entrée d’Asélryn au SI:7, la rumeur d’une gamine de quinze ans ayant rejoint les Services et étant la nièce de l’agent Shenak Elraan s’était répandue. Pour presque tous, il était évident qu’on ne pouvait intégrer L’ordre aussi jeune à moins d’être pistonné. Pour ne pas arranger les choses, Asélryn accomplit ses premières missions d’observation et d’espionnage avec brio et les remontées sur son « talent » n’avaient fait que renforcer la certitude qu’elle avait les bonnes personnes dans sa poche, rien de plus. Très vite, le surnom de « la Gamine » vint lui coller à la peau. Les autres agents faisaient preuve de distance et de mépris envers elle et ça ne lui échappait pas.
Soren le baroudeur, habitué à ne se faire d’idées qu’à partir de ses propres observations avait un jour défié Asélryn dans un duel sans suite pour l’évaluer lui-même. Elle s’était faite désarmer en une poignée de secondes mais étrangement, depuis ce jour, il semblait véritablement la considérer comme son égale, sans la moindre animosité. Dès lors, elle l’admira, pleine de gratitude et plus décidée que jamais à prouver qu’elle ne déméritait pas son statut d’agent du SI:7.
« - Je t’entends numéro un. Je suis en place.
- Je vois ça, c’est bien le problème…
- Ah euh… désolée. »
Asélryn laissa les Ombres la recouvrir et la cacher à la vue de tout observateur. La voix de Soren se fit entendre à nouveau.
« - C’est mieux comme ça. Numéro deux, la cible est encore loin de notre position ? »
Une nouvelle voix, un peu essoufflée, répondit. Si Asélryn appréciait Soren, elle ne portait pas dans son cœur l’agent deux, Ernias. Métissé humain et quel’doreï, vif et efficace, il n’était pas spécialement prétentieux mais gardait généralement un air hautain et condescendant qui avait le don d’énerver les personnes susceptibles. Et il était sans doute le premier persuadé qu’Asélryn était arrivée jusqu’ici uniquement à l’aide de relations bien placées et manquait rarement de le faire savoir.
« - Encore trois rues à traverser et on pourra le cueillir. Prestelame ou pas, il ne peut pas nous échapper tant que la Gamine ne fait pas de connerie.
- Contente-toi de le surveiller, et profites-en pour surveiller aussi tes paroles. »
Elle rétorqua d’un ton glacial qui eut l’effet d’imposer le silence quelques secondes. Ernias finit par reprendre la parole.
« - Faut-il considérer cela comme une menace petite ?
- Ça peut le devenir si tu ne la boucles pas maintenant Ernias ! »
Asélryn avait su se contenir pour ne pas crier dans son communicateur mais elle réalisa tout de suite l’erreur monumentale qu’elle venait de commettre. Si ces radios gnomes étaient d’excellente qualité, un ingénieur habile pouvait toujours éventuellement intercepter certaines communications avec le matériel adéquat.. Les numérotations d’agents pour chaque mission groupée n’avaient pas été imposées sans raison, nommer un autre agent sur ces ondes revenait à mettre sa vie en péril. Un nouveau silence prit place, difficile à soutenir pour Asélryn, qui attendait les remontrances de l’un ou de l’autre. Ce fut le semi-elfe qui répondit.
« - Je tâcherais d’y faire attention… Asélryn… »
Il détacha chaque syllabe de son prénom de la manière la plus détestable qui soit. Elle s’abstint de répondre quoi que ce soit, mal à l’aise. Puis Soren reprit enfin la parole.
« - Fermez-là tous les deux. Je vous rappelle que nous avons affaire à l’un des plus gros opposants à Nos services. Le Prestelame ne nous échappe pas depuis tout ce temps pour rien. Restez concentrés et gardez vos rancunes pour plus tard. Ai-je été clair ?
- Très clair.
- C’est compris… »
L’attente qui s’en suivit fut interminable. Frustrée par ce silence radio, elle ne trouvait plus du tout les toits de Hurlevent à son goût. Son regard était braqué sur la rue en contrebas, là où leur cible devait passer. Ils devaient le ramener vif dans la mesure du possible mais les Services n’étaient pas gênés de devoir le recevoir mort s’il le fallait. Asélryn avait entendu parler de ce Prestelame à plusieurs reprises. Un kaldoreï ayant fait le choix de défier ouvertement le SI:7, répétant sans cesse les provocations à l’égard de Mathias Shaw et de ses hommes, et s’avérant être un adversaire redoutable.
Maître dans l’art de l’évasion et de l’illusion, il avait déjà éliminé plus d’un des agents qui avaient été lancés à sa poursuite. Le SI:7 le considérait comme dangereux, voire très dangereux. Asélryn ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle avait été assignée à cette mission. Localiser précisément le Prestelame était une occasion rare et les Services regorgeaient d’agents bien plus expérimentés qu’elle. On avait beau lui dire qu’elle était douée, elle doutait de son utilité.
Et il apparut enfin. Sans un son, à peine visible sous la seule clarté des étoiles, la démarche fluide et légère, grand et mince, engoncé d’une armure sombre qui le rendait plus difficile encore à discerner. Tête découverte, il ne semblait absolument pas tendu. Au moins, il n’avait pas remarqué qu’Ernias le filait. Il s’avança dans l’allée, approchant de plus en plus d’Asélryn, et sans doute de Soren.
« - Soyez prêts… »
Elle put voir son visage à mesure qu’il approchait. Fin et anguleux, bordé d’une barbe légère taillée à la perfection, le regard posé, le Prestelame était à lui seul un comble de flegme et d’insouciance. A combien de lieues était-il d’imaginer que trois agents du SI:7, élites parmi les maîtres des Ombres, étaient sur le point de lui tomber dessus et de l’éliminer définitivement s’il n’était pas enclin à les suivre ?
S’ils savaient…
La trajectoire du malfrat dévia vers sa droite. La tension que ressentait Asélryn s’accrut de manière incontrôlée en le voyant approcher. Sa main vint se poser sur le manche du poignard dépassant de sa ceinture, dans son dos, n’attendant que le signal de Soren.
Puis soudain, il s’arrêta. Juste devant la façade des hautes habitations servant de perchoir à la jeune fille, le Prestelame s’immobilisa et leva les yeux. Asélryn retint son souffle et se figea littéralement sur place.
Les Ombres la cachaient et s’avéraient bien plus efficaces qu’à l’accoutumée avec une telle obscurité sur les toits.
Il ne peut pas me voir… Non… Il ne peut…
Le sang d’Asélryn se glaça alors que le Prestelame lui adressait un large sourire.
« - Il me voit !!!
- Allez-y maintenant !!! »
Soren sembla partager la panique de sa coéquipière et sauta au bas du bâtiment d’en face, abandonnant son camouflage. De même, Ernias surgit des Ombres au beau milieu de la rue, là où s’était trouvé leur cible quelques secondes auparavant. Tous deux se ruèrent sur lui, lames visibles.
Le Prestelame fit soudain surgir deux dagues scintillantes d’un endroit qu’Asélryn ne fut pas capable de discerner. Elle était encore figée, dans l’incapacité de réagir, comme si son seul regard l’avait paralysée.
Ernias fut le premier à la hauteur du kaldoreï et fit tournoyer ses armes autour de lui en profitant de son élan pour l’intimider et le faire reculer. Mais il fut subitement bloqué dans son mouvement lorsque celles du Prestelame vinrent rencontrer les siennes avec une précision irréprochable. D’un habile geste de poignet, il les écarta pour s’approcher un peu plus de l’agent stupéfait d’une réaction si prompte. Il voulut reculer mais l’un des poignards fendit l’air avec une vitesse irréelle pour venir s’enfoncer dans son abdomen. Le semi-elfe grogna de douleur alors que Soren abattait ses deux lames mi-longues, avec un léger écart, sur son agresseur.
Le Prestelame laissa à sa place l’arme qu’il venait d’utiliser puis se jeta sur le coté, pour éviter l’assaut du baroudeur, sans manquer de frapper celle dans la main gauche d’Ernias à l’aide de son second poignard. L’homme blessé ne put empêcher son coutelas de lui glisser entre les doigts, son attention relâchée l’espace d’un instant, puis de tomber contre le sol de pierre dans un bref tintement métallique.
« - Asélryn !!! »
Soren la réveilla subitement et la libéra de sa stupeur.
Ernias ramena sa main désarmée vers sa blessure, sans oser retirer la lame de peur de laisser l’hémorragie le vider de son sang en l’absence de soins. Le Prestelame fit tourner son poignard entre ses doigts dans un but purement visuel, tout en en récupérant un nouveau dans sa botte droite, puis se permit de préciser d’une voix monotone et étonnament calme dans de telles circonstances :
« - Vous devriez craindre le poison, plus que la plaie en l’état actuel des choses… »
Ernias recula un peu, dents serrées, la main toujours plaquée sur sa blessure, tandis que Soren approchait lentement. Les deux hommes se fixaient intensément, chacun redoutant le prochain geste de l’autre, parfaitement conscients de la valeur de leur vis-à-vis.
Le Prestelame se décala subitement sur sa gauche, laissant apparaître le poignard qui avait tenté de le frapper par derrière, puis saisit le poignet de son propriétaire et lui envoya un violent coup de coude. Asélryn entendit tout autant qu’elle sentit le craquement produit par son nez avant que l’elfe ne tire son bras et la fisse passer par-dessus son dos. Sans réellement comprendre ce qu’il s’était passé, elle se retrouva à terre, juste devant le Prestelame, prêt à la réduire en charpie. Elle vit ses lames bouger et sentit que sa dernière heure arrivait à une vitesse vertigineuse.
Mais il ne cherchait pas à la tuer, faisant le choix plus sage de bloquer l’attaque de Soren. L’acier s’entrechoqua et le seul résultat visible fut une entaille sur la largeur du bras de l’elfe.
Asélryn réalisa sa chance et roula de coté immédiatement pour s’éloigner de son agresseur. Elle se redressa, hors de portée et porta une main à son nez brisé bien qu’encore sonnée. Devant elle, les deux hommes enchaînaient attaques, parades, feintes, esquives à une vitesse effrayante, comme incapables de se toucher l’un l’autre mais bel et bien engagés dans une danse morbide, jouant avec la mort chaque seconde. Asélryn et Ernias restèrent spectateurs de ce duel de maîtres des lames et de l’illusion, tant fascinés par les gestes de leur coéquipier que par ceux de leur cible. Ce combat semblait ne pas avoir d’issue.
Ce fut alors soudainement que le Prestelame mit fin à cette impression. Juste après avoir à nouveau dévié une frappe de son adversaire, il fut immédiatement englouti par les Ombres, laissant l’attaque suivante de Soren ne fendre que le vide. Le kaldoreï reparut alors aussi brutalement qu’il s’était évaporé, presque aussitôt, dans le dos du baroudeur et avant que quiconque n’aie pu esquisser un geste, l’affrontement était scellé. Sans même prendre le temps de se retourner, le Prestelame avait envoyé ses deux lames se planter entre les côtes de l’agent, lui avait perforé les poumons et y avait libéré un poison foudroyant.
Asélryn voulut s’avancer, venir en aide à son partenaire, mais elle n’eut pas fait un pas que déjà, le Prestelame tirait deux nouveaux poignards cachés dans ses jambières avant de se retourner vers Soren et les lui enfonçait dans les épaules. C’est à ce moment qu’elle réalisa qu’il allait maintenant les tuer, elle et Ernias.
Impuissante, elle regarda l’elfe sortir un ultime poignard de sa botte gauche et le planter sèchement dans la gorge de l’humain mais en le retirant ensuite, laissant jaillir une gerbe de liquide écarlate.
C’est alors qu’elle vit Ernias se ruer sur lui, malgré la lame encore présente dans ses entrailles, voulant profiter de l’occasion pour venger Soren mais si le Prestelame avait retiré sa dernière dague du corps, c’était sans conteste pour qu’elle vienne ouvrir la gorge du semi-elfe. Les deux corps s’effondrèrent quasi-simultanément tandis que l’assassin s’avançait vers une Asélryn totalement pétrifiée.
Elle ne pouvait nier le fait qu’elle avait pris confiance en elle depuis qu’elle avait rejoint le SI:7, mais elle savait pertinemment que Soren et Ernias étaient nettement meilleurs qu’elle du fait de leur expérience. Face à cet homme, ce Prestelame, tout ce qui lui restait à faire était d’attendre la mort, aussi brutale et sanglante qu’avec ses collègues. Elle se souvint de la promesse qu’elle s’était faite deux ans auparavant.
Je ne pleurerai plus… Je ne me laisserai plus sombrer dans le désespoir… Je ne lâcherai plus prise…
Elle tremblait de tous ses membres mais leva son poignard devant elle. Quitte à mourir, elle mourrait dignement, en combattant, comme tous ces héros et paladins qui avaient pu donner leur vie sur le champ de bataille, elle ne décevrait personne cette fois. A mesure qu’il approchait, elle sentait sa peur laisser place à l’acceptation. Elle allait mourir mais au moins en le blessant, mortellement au mieux. Elle ne s’en serait pas crue capable en temps normal mais elle ne pouvait plus douter d’elle désormais.
Elle allait venger ses partenaires…
Ce fut aussi soudain qu’avec Soren. Il laissa son pas suivant le guider à travers les Ombres, s’y immisçant totalement.
Asélryn se retourna subitement et effectuant une frappe en arc de cercle derrière elle dans l’espoir de toucher son ennemi mais le seul son perceptible fut le sifflement de l’air. Elle resta en arrêt, incapable de prévoir d’où le Prestelame pouvait bien surgir désormais.
Une voix sombre, calme et étonnament douce parvint à ses oreilles, plus proche que toutes celles qu’elle avait pu entendre du plus loin que remontaient ses souvenirs, comme si elle se tenait alors au plus proche de lui.
« - Tu gâches ton existence dès son commencement… »
Elle n’osa pas se retourner et fut incapable de retenir le frisson qui lui parcourut les épaules.
« - Ramène les corps et dis à Shaw qu’il a de nouveau l’occasion de constater ce que je peux penser de lui… »
Elle se retourna subitement et fixa le vide devant elle, tentant d’y discerner un quelconque camouflage mais ne vit rien. Elle regarda tout autour d’elle.
Les corps mutilés laissaient lentement s’étendre deux mares rouges sur les pavés et aucune autre trace du Prestelame ne subsistait.
Elle était seule…
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Bandant ses muscles un bref instant, elle acheva de se hisser sur la large poutre qui lui permettait de surplomber toute la pièce. Elle resta accroupie bien que cachée par les Ombres, consciente que ce camouflage était loin d’être infaillible. Pour Asélryn, la scène qui se déroulait en contrebas n’était d’aucun intérêt.
A quoi bon s’intéresser à ce général sombrefer qui s’égosillait en couvrant d’insultes ses subordonnés alors que non loin, dissimulé par ses propres Ombres, le Prestelame guettait en silence. Aujourd’hui était le jour où il paierait…
Ses souvenirs étaient aussi clairs qu’au lendemain de la mort de Soren et Ernias.
Elle avait ramené Soren tandis que d’autres agents étaient partis chercher le troisième homme dès son arrivée, après une brève explication de ce qui leur était arrivé. Elle avait transmis le message du Prestelame à Mathias Shaw, morose et encore l’esprit embrumé. Alors qu’elle allait être congédiée, elle fit une demande qui l’étonna elle-même : Traquer le Prestelame elle-même. Elle prit alors la responsabilité de venger ses ex-partenaires.
Le SI:7 l’avait ainsi assignée à sa capture, mort ou vif.
Il lui avait déjà échappé à trois reprises mais désormais, peu lui importait de la capturer. Ce soir, le Prestelame devait mourir…
Le SI:7 avait réussi à obtenir des informations sur le contrat qui engageait actuellement le malfrat qui offrait fréquemment ses services de mercenaires malgré un goût prononcé pour les affaires desquelles étaient chargés les Services de Shaw en guise de provocation supplémentaire. Ce général nain qui hurlait à pleins poumons était la future victime du Prestelame. Son propre tour viendrait alors, des lames d’Asélryn.
Elle prit une grande inspiration, puis ce fut subitement qu’elle vit alors le premier vrai signe de la présence de sa proie. Un sombrefer posté près d’une des deux entrées latérales de la pièce, écarquilla les yeux, hagard pendant une poignée de secondes, avant de chuter en arrière.
Et il apparut. Surgissant des Ombres pour amortir la chute du nain assomé, le Prestelame le tira à l’extérieur de la salle sans le moindre bruit.
Asélryn attendit quelques secondes et ne vit plus le moindre mouvement près de l’entrée. Mais elle savait qu’il était là, dissimulé, avisant sa cible, sans se douter qu’elle était là, faisant de même pour lui. Il allait payer cette fois…
Elle analysa rapidement la situation et chercha un moyen d’atteindre le Prestelame avant que celui-ci ne s’échappe après avoir éliminé le général sombrefer. Si elle tentait de s’en prendre directement à lui, quel que soit le résultat de l’affrontement, les nains tueraient immédiatement tout intrus. C’était peut-être l’élément sur lequel jouer : Le faire repérer pour que les locaux se chargent de lui à sa place.
Asélryn doutait cependant qu’elle arriverait à l’approcher suffisamment pour percer son camouflage sans qu’il n’en fasse autant avec elle, sans doute moins expérimentée dans ce domaine. Il fallait deviner son emplacement, trouver le meilleur point d’observation pour attaquer l’officier dans les meilleures conditions. Les deux fusées de détresse gnomes qu’elle portait dans sa sacoche seraient alors un bon moyen de le faire bouger et la lumière produite chasserait les Ombres de manière à le rendre visible, ne serait-ce que partiellement.
Et il connaîtrait une mort aussi ingrate que celle de Soren ou Ernias. Il ne méritait pas mieux.
La voleuse repéra trois placements idéaux pour une embuscade sur le général.
Le premier était une sorte de renfoncement dans la grande cheminée qui trônait au centre de la salle et la chauffait d’un des ces renommés Feux des Nains. Un bouclier orné de l’insigne sombrefer était accroché sur la partie verticale de la corniche mais l’espace plat était suffisant pour un observateur et offrait la possibilité de sauter directement sur sa victime.
Le second était tout simplement la rambarde du chemin de ronde qui faisait presque le tour de la pièce. Le général était de dos au mur que surmontait cette rampe tandis qu’il s’égosillait interminablement sur l’incompétence des sous-officiers face à lui. C’était sans doute l’emplacement le plus proche du nain.
Le dernier s’avérait le moins probable puisqu’il s’agissait simplement de l’escalier qui donnait accès au chemin de ronde et aux entrées de la salle et qui descendait non loin du regroupement. Passer par là représentait le risque d’être vu par les subordonnés et ne faisait pas bénéficier de la hauteur des deux autres points. Le Prestelame ne passerait probablement pas par ici.
Asélryn récupéra les deux fusées gnomes. Faites pour une utilisation simple et rapide, une ficelle pendait de chacune d’entre elles et il suffisait manifestement de tenir le bâtonnet central et d’arracher les cordelettes pour que le projectile parte. Elle n’avait aucune certitude quant à la position de sa proie et il tenterait sans doute de s’enfuir dès qu’il verrait une fusée de détresse jaillir de nulle part.
Elle en saisit alors une dans chaque main et plaça les ficelles entre ses dents. Elle n’était pas sûre de ce qu’elle faisait mais c’était le seul moyen d’obtenir deux tirs simultanés et il était hors de question de rater le Prestelame.
Gardant les fusées proches de son visage, elle en pointa une vers la rambarde, l’autre vers la cheminée.
Tout assassin sensé choisirait un perchoir en hauteur pour bondir sur sa cible… C’est plus que certain…
La Gamine retint son souffle. Le temps sembla se suspendre pour elle. Le général continuait son inépuisable flot d’insultes, rappelant quelques affaires antérieures pour mieux se déchaîner sur ses sbires. A tout moment, le Prestelame pouvait jaillir des Ombres et l’éliminer, ce n’était pas le moment d’hésiter.
Ramenant brutalement le tête en arrière tout en tendant un peu plus les bras vers les emplacements ciblés, Asélryn détacha les fils. Deux flammes écarlates surgirent des fusées avec un sifflement strident et la jeune fille sentit les Ombres glisser sur elle. Toute cette lumière nuisait à son camouflage tout comme elle souhaitait qu’elle le fit avec le Prestelame.
Mais elles ne semblaient pas vouloir partir. La panique la gagna instantanément.
Si ces fusées ne partaient pas, son stratagème se retournerait contre elle et ce n’était certainement pas le kaldoreï qui lui viendrait en aide. Une seule question eut le temps de lui traverser l’esprit…
Pourquoi est-ce que je ne me suis pas rabattue sur du matériel gobelin ?
Soudain, toutes ces craintes s’envolèrent en même temps que les fusées. Chacune fila dans la direction souhaitée au grand soulagement d’Asélryn qui sentit les Ombres revenir la dissimuler. Elles s’écrasèrent presque simultanément en libérant une gerbe de lumière rouge aveuglante.
Il était là.
Sur la cheminée, reculant pour éviter le projectile, son camouflage inutile…
Asélryn ne se doutait pas que le temps de latence avant que les fusées ne partent avait joué en sa faveur. Le sifflement avait éveillé l’attention de tous les sombrefer présents et le temps qu’ils se soient rendus compte de sa provenance, le Prestelame était totalement visible, aussi éclairé qu’on pouvait l’être.
Les hurlements furieux et les nouveaux ordres du général hargneux emplirent immédiatement la salle.
« - Un espion !!! Chopez-moi c’bâtard d’bouffeur d’jonquilles et plus vite qu’ça !!! »
L’une des deux portes de la salle fut immédiatement verrouillée par un patrouilleur tandis que l’autre restait grande ouverte, le garde en faction ayant été assomé par le Prestelame peu de temps avant. Celui-ci bondit agilement au niveau du chemin de ronde et se précipita vers cette sortie qui serait son salut.
Il allait l’atteindre…
Mais elle apparut…
Cette jeune humaine au regard d’argent, cet agent du SI:7 qui ne devait pas dépasser la vingtaine, l’air sombre, elle le fixa intensément… avant de refermer la porte devant elle, l’enfermant avec tous les sombrefers.
Asélryn scella le verrou d’acier d’un geste vif mais resta immobile quelques secondes après, la main encore posée sur la porte. Elle pouvait entendre le fracas de l’affrontement de l’autre coté. Elle se rendit compte de la cruelle situation dans laquelle devait se trouver son ennemi et se surprit à éprouver quelque chose qui s’apparentait presque à de la pitié.
Elle secoua la tête. Avait-il eu de la pitié envers ses ex-partenaires ? Non, aucune…
Elle abandonna la porte et s’éloigna rapidement, laissant les Ombres la cacher à nouveau. Elle n’avait aucun regret pour ce qu’elle avait fait.
Justice était faite…
A quoi bon s’intéresser à ce général sombrefer qui s’égosillait en couvrant d’insultes ses subordonnés alors que non loin, dissimulé par ses propres Ombres, le Prestelame guettait en silence. Aujourd’hui était le jour où il paierait…
Ses souvenirs étaient aussi clairs qu’au lendemain de la mort de Soren et Ernias.
Elle avait ramené Soren tandis que d’autres agents étaient partis chercher le troisième homme dès son arrivée, après une brève explication de ce qui leur était arrivé. Elle avait transmis le message du Prestelame à Mathias Shaw, morose et encore l’esprit embrumé. Alors qu’elle allait être congédiée, elle fit une demande qui l’étonna elle-même : Traquer le Prestelame elle-même. Elle prit alors la responsabilité de venger ses ex-partenaires.
Le SI:7 l’avait ainsi assignée à sa capture, mort ou vif.
Il lui avait déjà échappé à trois reprises mais désormais, peu lui importait de la capturer. Ce soir, le Prestelame devait mourir…
Le SI:7 avait réussi à obtenir des informations sur le contrat qui engageait actuellement le malfrat qui offrait fréquemment ses services de mercenaires malgré un goût prononcé pour les affaires desquelles étaient chargés les Services de Shaw en guise de provocation supplémentaire. Ce général nain qui hurlait à pleins poumons était la future victime du Prestelame. Son propre tour viendrait alors, des lames d’Asélryn.
Elle prit une grande inspiration, puis ce fut subitement qu’elle vit alors le premier vrai signe de la présence de sa proie. Un sombrefer posté près d’une des deux entrées latérales de la pièce, écarquilla les yeux, hagard pendant une poignée de secondes, avant de chuter en arrière.
Et il apparut. Surgissant des Ombres pour amortir la chute du nain assomé, le Prestelame le tira à l’extérieur de la salle sans le moindre bruit.
Asélryn attendit quelques secondes et ne vit plus le moindre mouvement près de l’entrée. Mais elle savait qu’il était là, dissimulé, avisant sa cible, sans se douter qu’elle était là, faisant de même pour lui. Il allait payer cette fois…
Elle analysa rapidement la situation et chercha un moyen d’atteindre le Prestelame avant que celui-ci ne s’échappe après avoir éliminé le général sombrefer. Si elle tentait de s’en prendre directement à lui, quel que soit le résultat de l’affrontement, les nains tueraient immédiatement tout intrus. C’était peut-être l’élément sur lequel jouer : Le faire repérer pour que les locaux se chargent de lui à sa place.
Asélryn doutait cependant qu’elle arriverait à l’approcher suffisamment pour percer son camouflage sans qu’il n’en fasse autant avec elle, sans doute moins expérimentée dans ce domaine. Il fallait deviner son emplacement, trouver le meilleur point d’observation pour attaquer l’officier dans les meilleures conditions. Les deux fusées de détresse gnomes qu’elle portait dans sa sacoche seraient alors un bon moyen de le faire bouger et la lumière produite chasserait les Ombres de manière à le rendre visible, ne serait-ce que partiellement.
Et il connaîtrait une mort aussi ingrate que celle de Soren ou Ernias. Il ne méritait pas mieux.
La voleuse repéra trois placements idéaux pour une embuscade sur le général.
Le premier était une sorte de renfoncement dans la grande cheminée qui trônait au centre de la salle et la chauffait d’un des ces renommés Feux des Nains. Un bouclier orné de l’insigne sombrefer était accroché sur la partie verticale de la corniche mais l’espace plat était suffisant pour un observateur et offrait la possibilité de sauter directement sur sa victime.
Le second était tout simplement la rambarde du chemin de ronde qui faisait presque le tour de la pièce. Le général était de dos au mur que surmontait cette rampe tandis qu’il s’égosillait interminablement sur l’incompétence des sous-officiers face à lui. C’était sans doute l’emplacement le plus proche du nain.
Le dernier s’avérait le moins probable puisqu’il s’agissait simplement de l’escalier qui donnait accès au chemin de ronde et aux entrées de la salle et qui descendait non loin du regroupement. Passer par là représentait le risque d’être vu par les subordonnés et ne faisait pas bénéficier de la hauteur des deux autres points. Le Prestelame ne passerait probablement pas par ici.
Asélryn récupéra les deux fusées gnomes. Faites pour une utilisation simple et rapide, une ficelle pendait de chacune d’entre elles et il suffisait manifestement de tenir le bâtonnet central et d’arracher les cordelettes pour que le projectile parte. Elle n’avait aucune certitude quant à la position de sa proie et il tenterait sans doute de s’enfuir dès qu’il verrait une fusée de détresse jaillir de nulle part.
Elle en saisit alors une dans chaque main et plaça les ficelles entre ses dents. Elle n’était pas sûre de ce qu’elle faisait mais c’était le seul moyen d’obtenir deux tirs simultanés et il était hors de question de rater le Prestelame.
Gardant les fusées proches de son visage, elle en pointa une vers la rambarde, l’autre vers la cheminée.
Tout assassin sensé choisirait un perchoir en hauteur pour bondir sur sa cible… C’est plus que certain…
La Gamine retint son souffle. Le temps sembla se suspendre pour elle. Le général continuait son inépuisable flot d’insultes, rappelant quelques affaires antérieures pour mieux se déchaîner sur ses sbires. A tout moment, le Prestelame pouvait jaillir des Ombres et l’éliminer, ce n’était pas le moment d’hésiter.
Ramenant brutalement le tête en arrière tout en tendant un peu plus les bras vers les emplacements ciblés, Asélryn détacha les fils. Deux flammes écarlates surgirent des fusées avec un sifflement strident et la jeune fille sentit les Ombres glisser sur elle. Toute cette lumière nuisait à son camouflage tout comme elle souhaitait qu’elle le fit avec le Prestelame.
Mais elles ne semblaient pas vouloir partir. La panique la gagna instantanément.
Si ces fusées ne partaient pas, son stratagème se retournerait contre elle et ce n’était certainement pas le kaldoreï qui lui viendrait en aide. Une seule question eut le temps de lui traverser l’esprit…
Pourquoi est-ce que je ne me suis pas rabattue sur du matériel gobelin ?
Soudain, toutes ces craintes s’envolèrent en même temps que les fusées. Chacune fila dans la direction souhaitée au grand soulagement d’Asélryn qui sentit les Ombres revenir la dissimuler. Elles s’écrasèrent presque simultanément en libérant une gerbe de lumière rouge aveuglante.
Il était là.
Sur la cheminée, reculant pour éviter le projectile, son camouflage inutile…
Asélryn ne se doutait pas que le temps de latence avant que les fusées ne partent avait joué en sa faveur. Le sifflement avait éveillé l’attention de tous les sombrefer présents et le temps qu’ils se soient rendus compte de sa provenance, le Prestelame était totalement visible, aussi éclairé qu’on pouvait l’être.
Les hurlements furieux et les nouveaux ordres du général hargneux emplirent immédiatement la salle.
« - Un espion !!! Chopez-moi c’bâtard d’bouffeur d’jonquilles et plus vite qu’ça !!! »
L’une des deux portes de la salle fut immédiatement verrouillée par un patrouilleur tandis que l’autre restait grande ouverte, le garde en faction ayant été assomé par le Prestelame peu de temps avant. Celui-ci bondit agilement au niveau du chemin de ronde et se précipita vers cette sortie qui serait son salut.
Il allait l’atteindre…
Mais elle apparut…
Cette jeune humaine au regard d’argent, cet agent du SI:7 qui ne devait pas dépasser la vingtaine, l’air sombre, elle le fixa intensément… avant de refermer la porte devant elle, l’enfermant avec tous les sombrefers.
Asélryn scella le verrou d’acier d’un geste vif mais resta immobile quelques secondes après, la main encore posée sur la porte. Elle pouvait entendre le fracas de l’affrontement de l’autre coté. Elle se rendit compte de la cruelle situation dans laquelle devait se trouver son ennemi et se surprit à éprouver quelque chose qui s’apparentait presque à de la pitié.
Elle secoua la tête. Avait-il eu de la pitié envers ses ex-partenaires ? Non, aucune…
Elle abandonna la porte et s’éloigna rapidement, laissant les Ombres la cacher à nouveau. Elle n’avait aucun regret pour ce qu’elle avait fait.
Justice était faite…
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
« - Vous aviez été claire Elraan. Le Prestelame était bel et bien mort selon votre dernier rapport ? »
Asélryn n’osait pas croiser le regard de Shaw. Elle avait vraiment merdé sur ce coup.
Après avoir enfermé le Prestelame dans cette salle truffée de sombrefers, la dernière chose à laquelle elle s’était attendue était de trouver un message de ce dernier, envoyé aux bureaux du SI:7.
« Bien tenté »
Il se payait royalement la tête des Services. Il ne manquait à la Gamine que l’accord du maître-espion pour se relancer à sa poursuite. Etrangement, elle ne doutait absolument plus d’elle, même face à quelqu’un d’aussi dangereux que le Prestelame. Il était clair qu’elle ne laisserait plus rien au hasard désormais et n’irait plus faire l’erreur de signaler une mort dans ses rapports sans s’en être véritablement assurée.
« - Bien, je suppose que nous pouvons mettre cela sur le compte de votre manque d’expérience… Le talent ne fait pas tout, agent Elraan. »
Elle se contenta de hocher la tête en silence mais bouillonnait intérieurement. Malgré son immense respect pour Mathias Shaw, elle détestait qu’on parle d’elle en de tels termes. Ça lui faisait bien trop penser aux autres agents et à ce qu’ils pensaient d’elle.
Et toujours ce surnom, ce titre même, qui lui collait à la peau… A croire que même dans plusieurs années, elle serait destinée à le garder avec elle tel un fardeau, une charge, une entrave… deux malheureux mots pourtant…
La Gamine.
« - Je vous laisse le champ libre pour reprendre votre traque. »
Asélryn sursauta presque lorsque Shaw reprit la parole.
« - Il faut admettre que vous êtes l’un des rares agents à avoir survécu à une confrontation avec le Prestelame, et peut-être le seul à avoir reitéré l’exploit. Peut-être êtes-vous disposée à progresser rapidement en continuant de le poursuivre. »
Légère pause.
« - C’est tout ce que j’avais à vous dire, disposez. »
Asélryn passa deux poignards supplémentaires à sa ceinture, en veillant à les garder espacés les uns des autres pour éviter tout tintement lors de ses mouvements. Elle plaça les trois fioles contenant les poisons qu’elle avait choisis dans la minuscule sacoche prévue à cet effet et plaça encore deux dagues dans ses bottes.
Le Prestelame ne lui échapperait plus. Justice devait être faite. Pour Soren, pour Ernias, et pour tous les agents qui avaient pu perdre la vie sur le fil de ses lames. Il était temps pour lui de payer.
Elle appréciait une dernière fois le vent du haut des remparts de la ville avant de repartir. Asélryn se laissait caresser par ce souffle frais et harmonieux qui lui insufflait un sentiment de paix dont la contradiction avec son désir de meurtre ne créait qu’un effet de contraste amplificateur.
Elle était plus sereine que jamais, sachant que le calme laisserait bientôt place à la tempête, une tempête libérant toute l’ardeur contenue pendant cet instant de plénitude.
Des bottes d’acier, un pas régulier.
Les patrouilles de la Garde arrivaient, l’instant devait prendre fin.
Se redressant, elle inspira profondément pour savourer encore un peu cet air frais puis tous ses muscles se tendirent. Chaque parcelle de son corps ressentit l’impulsion et s’anima simultanément. D’une détente agile, elle prit son envol. Ce ne fut pas seulement son corps, mais aussi son âme toute entière qui s’éleva d’un bond pour se fondre dans l’obscurité.
Asélryn n’osait pas croiser le regard de Shaw. Elle avait vraiment merdé sur ce coup.
Après avoir enfermé le Prestelame dans cette salle truffée de sombrefers, la dernière chose à laquelle elle s’était attendue était de trouver un message de ce dernier, envoyé aux bureaux du SI:7.
« Bien tenté »
Il se payait royalement la tête des Services. Il ne manquait à la Gamine que l’accord du maître-espion pour se relancer à sa poursuite. Etrangement, elle ne doutait absolument plus d’elle, même face à quelqu’un d’aussi dangereux que le Prestelame. Il était clair qu’elle ne laisserait plus rien au hasard désormais et n’irait plus faire l’erreur de signaler une mort dans ses rapports sans s’en être véritablement assurée.
« - Bien, je suppose que nous pouvons mettre cela sur le compte de votre manque d’expérience… Le talent ne fait pas tout, agent Elraan. »
Elle se contenta de hocher la tête en silence mais bouillonnait intérieurement. Malgré son immense respect pour Mathias Shaw, elle détestait qu’on parle d’elle en de tels termes. Ça lui faisait bien trop penser aux autres agents et à ce qu’ils pensaient d’elle.
Et toujours ce surnom, ce titre même, qui lui collait à la peau… A croire que même dans plusieurs années, elle serait destinée à le garder avec elle tel un fardeau, une charge, une entrave… deux malheureux mots pourtant…
La Gamine.
« - Je vous laisse le champ libre pour reprendre votre traque. »
Asélryn sursauta presque lorsque Shaw reprit la parole.
« - Il faut admettre que vous êtes l’un des rares agents à avoir survécu à une confrontation avec le Prestelame, et peut-être le seul à avoir reitéré l’exploit. Peut-être êtes-vous disposée à progresser rapidement en continuant de le poursuivre. »
Légère pause.
« - C’est tout ce que j’avais à vous dire, disposez. »
Asélryn passa deux poignards supplémentaires à sa ceinture, en veillant à les garder espacés les uns des autres pour éviter tout tintement lors de ses mouvements. Elle plaça les trois fioles contenant les poisons qu’elle avait choisis dans la minuscule sacoche prévue à cet effet et plaça encore deux dagues dans ses bottes.
Le Prestelame ne lui échapperait plus. Justice devait être faite. Pour Soren, pour Ernias, et pour tous les agents qui avaient pu perdre la vie sur le fil de ses lames. Il était temps pour lui de payer.
Elle appréciait une dernière fois le vent du haut des remparts de la ville avant de repartir. Asélryn se laissait caresser par ce souffle frais et harmonieux qui lui insufflait un sentiment de paix dont la contradiction avec son désir de meurtre ne créait qu’un effet de contraste amplificateur.
Elle était plus sereine que jamais, sachant que le calme laisserait bientôt place à la tempête, une tempête libérant toute l’ardeur contenue pendant cet instant de plénitude.
Des bottes d’acier, un pas régulier.
Les patrouilles de la Garde arrivaient, l’instant devait prendre fin.
Se redressant, elle inspira profondément pour savourer encore un peu cet air frais puis tous ses muscles se tendirent. Chaque parcelle de son corps ressentit l’impulsion et s’anima simultanément. D’une détente agile, elle prit son envol. Ce ne fut pas seulement son corps, mais aussi son âme toute entière qui s’éleva d’un bond pour se fondre dans l’obscurité.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Asélryn se tassa un peu plus en espérant que son camouflage soit assez perfectionné car il était clair que si elle était découverte, elle n’aurait plus qu’à prier pour sa vie. Les chevaliers de la Lame d’Ebène entraient dans la salle, groupés, en franchissant la porte massive donnant sur l’extérieur.
Perchée sur une poutre, son infiltration marchait encore à merveille. Non pas que le SI:7 n’ait éprouvé le désir d’espionner leurs nouveaux alliés non-morts, mais certaines personnes semblaient être dans ce cas. Certains personnes prêtes à recruter un maître des Ombres pour se renseigner à sa place.
Asélryn avait ainsi retrouvé la piste du Prestelame. Avant de songer à le retrouver dans cette immense forteresse de la Lame d’Ebène, elle devait s’assurer de ne pas être repérée. Au vu des méthodes des locaux, elle aurait peu de chances de s’expliquer s’ils la trouvaient.
Lentement, les goules et assemblages serviteurs des chevaliers de la mort tirèrent les lourdes chaînes reliées à la porte et les battants se refermèrent avec un claquement lourd et retentissant. La Gamine n’avait pas repéré d’autre sortie lors de son inspection préalable des alentours. La seule sortie connue venait de disparaître et elle ressentait une désagréable impression d’enfermement.
Les chevaliers présents se réunirent alors près d’un grand socle visiblement impregné de magie. Asélryn se laissa chuter avec souplesse sur le sol, quelques mètres plus bas, avec un silence caractéristique des maîtres des Ombres. Bien qu’elle ne fut encore qu’une novice dans beaucoup de domaines, elle faisait toujours preuve d’une grande maîtrise pour tout ce qui touchait aux acrobaties.
Une abomination grogna légèrement en tournant la tête en sa direction. Elle s’éloigna alors aussi vite que possible, sans dénigrer son camouflage et se posta sur une lourde étagère chargée de fioles au contenu douteux. La créature de chair fixa encore quelques secondes le lieu de son atterrissage puis s’ébroua, trop stupide pour prendre la peine de vérifier.
Asélryn calma son rythme cardiaque en fermant les yeux pour chercher à se détendre. Elle prenait déjà trop de risques.
Une voix la tira de sa courte méditation, grave et désincarnée. En rouvrant les yeux, elle vit que le socle autour duquel étaient réunis les chevaliers laissait apparaître l’image d’un homme fardé d’une armure noire plus grande et portant plus d’ornements que celles des hommes déjà présents. Il s’agissait sans doute d’un officier.
« - Où en sommes-nous ? »
Un chevalier se détacha du groupe pour lui répondre.
« - Tout fonctionne comme prévu. Nous avons pu nous déplacer librement dans Hurlevent sans problème notable.
- Avez-vous pu repérer visuellement vos cibles ?
- Le prétexte de la transmission de respects envers nos nouveaux alliés nous a permis de rencontrer les rois nain et gnome, ainsi que la grande prêtresse des elfes de la nuit. Aucun ne doute de notre appartenance à la Lame d’Ebène. »
L’homme dont l’image était projetée esquissa un large sourire moqueur.
« - Ces traîtres nous offrent une couverture parfaite. Vous devez juste éviter à tout prix de les croiser. Eux seuls sont capables de nous reconnaître et le Roi-Liche tient à ce que nous menions notre mission à son terme.
- L’affaiblissement de l’Alliance provoquera indéniablement une réaction de la Horde. Bientôt, les vivants se déchireront mutuellement pour finalement tous Le servir. Victoire pour le Fléau ! »
L’homme se frappa le torse pour donner de la force à son salut, qui fut repris par ses confrères, ainsi que par l’officier. La transmission s’interrompit et les chevaliers se dispersèrent vite.
Asélryn était estomaquée par ce qu’elle venait de voir et d’entendre. Ce qui était jusqu’ici une simple traque devenait une affaire lourde, impliquant l’intégrité même de l’Alliance sous une sombre machination du Fléau. Sa première pensée fut que cette affaire était trop grosse pour elle. Elle était désormais enfermée dans un bastion caché du Fléau, au beau milieu des Maleterres de l’ouest, où se tramait l’assassinat de trois des cinq leaders de l’Alliance, et peut-être bien de la totalité si la chance leur souriait. Au diable le Prestelame, elle devait sortir d’ici et avertir les Services au plus vite.
Mais elle vit alors un chevalier s’approcher de l’étagère qui lui servait de perchoir pour jeter un œil aux fioles. La jeune fille retint son souffle et se contenta de regarder l’homme, tétanisée. Si par malheur il levait les yeux et perçait son camouflage, elle aurait peut-être l’occasion de découvrir ces fameuses mixtures pour participer à ces machinations en tant que goule.
Une femme s’approcha à son tour de l’étagère et le premier non-mort lui montra une fiole remplie d’un fluide verdâtre.
« - Si nous trouvons le moyen de verser un petit quelque chose dans les cuisines royales de Hurlevent, nous pourrions éliminer le roi Varian ainsi que tous ses successeurs potentiels. Cela créerait sûrement un chaos suffisamment grand pour faire s’effondrer le royaume, peut-être sans l’aide de la Horde.
- Pour l’heure, nous n’y avons pas accès et ce moyen est bien moins sûr qu’une épée plantée dans le cœur. Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer un échec. Ne préférerais-tu pas pouvoir enfoncer ta lame dans les entrailles de cet idiot de roi ? »
Tous deux échangèrent un sourire entendu et chargé de sadisme puis s’éloignèrent de l’étagère après que l’homme ait reposé la fiole en gratifiant sa collègue d’un « Tu as raison… ».
Ne perdant plus une seconde, Asélryn inspecta avec précision l’ensemble de la salle du regard. Trois issues quittaient cette pièce immense un peu trop remplie de chevaliers du Fléau à son goût. L’une était bloquée par plusieurs soldats en discussion et une abomination montait la garde entre les deux autres, cependant bien que plus proche de celle de gauche. La dextre s’imposait presque.
Elle pourrait toujours retrouver son chemin plus tard, en l’état actuel des choses, quitter cette pièce était une priorité.
Elle rasa le mur jusqu’à cette échappatoire, tourmentée à chaque pas par la peur d’être vue. Lorsqu’elle atteignit enfin l’ouverture, elle s’y engouffra rapidement alors que l’abomination tournait la tête dans cette direction.
Toujours trop précipitée…
Asélryn heurta la goule de plein fouet, qui tituba en arrière en lâchant un cri étranglé. Après un tel choc, son illusion se brisa et elle fut alors entièrement visible. Bien entendu, le son émis par le serviteur attira immédiatement l’attention des chevaliers les plus proches, qui ne manquèrent pas à leur tour de donner l’alerte.
Et merde !
D’un balayage, elle fit tomber la goule à terre, la délestant au passage de ses rotules ainsi que d’un tibia, puis s’élança dans le couloir devant elle. Dans sa course, elle entendit les chevaliers se lancer à sa poursuite mais n’osa pas regarder derrière.
Asélryn émergea alors dans une grande forge où plusieurs squelettes battaient des épées de saronite brûlantes. Sans prendre le temps de voir le nombre de sorties, elle traversa la salle et prit la première issue venue.
Un nouveau couloir la mena dans un escalier qu’elle se mit à gravir à toute vitesse. Haletante, le cœur battant à un rythme effréné, terrifiée en imaginant seulement ce qui pouvait s’être lancé à sa poursuite, elle arriva dans une pièce remplie d’artefacts dont elle n’imaginait pas une seconde l’utilité, bien qu’elle devinât leur usage en nécromancie.
Sceptres, orbes, crânes et mains luisants de magie sombre, rien de rassurant en somme. Une autre sortie se trouvait à l’autre bout mais il était clair qu’en matière d’endurance, elle ne battrait pas des mort-vivants. En levant les yeux, Asélryn vit les larges poutres tenant le plafond et l’usage des pierres du mur mal disposées lui parut comme une évidence.
Elle entama alors l’escalade la plus rapide de sa vie. Sans prendre le temps de s’assurer de la solidité de ses prises, elle grimpa à toute vitesse, sa peur d’être attrapée lui faisant oublier celle de la chute. Ses incontestables dons de grimpeuse l’amenèrent très vite à un niveau proche du plafond et des poutres. Mais peut-être pas aussi proches que les pas métalliques et les éclats de voix qui résonnaient dans l’escalier menant à la salle.
S’assurant d’une seule main, elle saisit une dague à sa ceinture et l’enfonça de toutes ses forces dans le bois moisi. Le manche de la lame lui fournit une nouvelle prise qui lui permit d’effectuer une traction et de se contorsionner de manière à ce que la poutre fut entre l’entrée de la pièce et elle pour la cacher aux yeux des arrivants. Muscles contractés à l’extrême, elle ne bougea plus d’un cil tandis que ses poursuivants pénétraient dans la salle et s’y dispersaient.
L’effort à fournir était inhumain, elle sentait qu’elle ne tiendrait pas plus de quelques secondes supplémentaires.
« - Je vous préviens que si vous laisser cet intrus s’échapper, vous compromettez les plans du Roi-Liche, ainsi que nos existences ! Trouvez-là ! »
Les chevaliers, geists et goules qui la poursuivaient quittèrent la pièce par l’autre sortie au pas de course. Dès que le dernier eut disparu, Asélryn fit soudainement grâce à ses muscles douloureux en lâchant sa prise tout en quittant sa position contorsionnée. Elle voulut amortir sa chute à l’aide du mur qui lui avait permis de grimper mais n’y parvint pas réellement et rata sa réception. Le choc lui arracha un grognement sourd et une douleur virulente se fit sentir au niveau de sa cheville gauche.
Foulée… Vraiment ce qu’il me manquait.
Elle se la massa pour tenter d’atténuer le calvaire puis releva la tête pour mieux inspecter les lieux. Le geist laissa alors échapper un gargouillis sans la quitter les yeux. Asélryn se maudit intérieurement.
Comment avait-elle pu ne pas le voir ? Il était parfaitement envisageable que ses poursuivants laissent quelqu’un fouiller la salle mais cette possibilité ne lui avait même pas effleuré l’esprit. La créature se mit alors à lui tourner autour comme un oiseau de proie tandis qu’elle tentait de se relever. Elle n’avait presque aucune amplitude de mouvement, l’issue de l’affrontement s’avérait incertain. Asélryn porta une main à sa ceinture pour sortir un poignard mais ce geste entraîna la charge du geist qui lui bondit rageusement dessus. Elle fut plaquée à terre et sentit les mains de la créature tirer furieusement son arme pour lui prendre. La jeune fille s’accrocha à sa lame comme à sa vie, dents serrées, face aux hurlements fous de son ennemi.
Plus que jamais, elle ne devait pas lâcher prise.
Mais elle sentait progressivement le manche glisser entre ses doigts, s’humidifiant de sueur dont le geist, dépourvu de chaleur corporelle et de peur, ne connaissait pas de son coté. Elle perdait du terrain à chaque seconde dans cette lutte desespérée mais ne pouvait se résigner à abandonner. Mourir de sa propre arme, à cause de cette créature rachitique après avoir échappé aux chevaliers était inenvisageable. Elle n’allait pas périr comme ça, c’était hors de question !
Mais soudain, la prise de son adversaire sur le manche du poignard se desserra et Asélryn en profita immédiatement pour le lui arracher et lui planter là où devait normalement se situer un cœur.
Mais le geist était déjà mort, gorge tranchée. Alors que la créature s’affalait, elle put voir son assassin, tenant encore sa dague à la main. Elle s’attendait alors à voir n’importe qui sauf cet homme, et pourtant, c’était lui qui l’avait faite venir jusqu’ici.
Le Prestelame…
Asélryn resserra sa prise sur son arme, prête à vendre chèrement sa vie, mais le kaldoreï lui tendit alors la main. Elle resta stupéfiée quelques secondes, à fixer la paume.
« - Lève-toi, rester ici n’est pas prudent. »
Elle se résolut finalement à accepter son aide. Sans un mot de plus, le Prestelame lui passa un bras dans le dos pour la soutenir et ils quittèrent la salle.
Perchée sur une poutre, son infiltration marchait encore à merveille. Non pas que le SI:7 n’ait éprouvé le désir d’espionner leurs nouveaux alliés non-morts, mais certaines personnes semblaient être dans ce cas. Certains personnes prêtes à recruter un maître des Ombres pour se renseigner à sa place.
Asélryn avait ainsi retrouvé la piste du Prestelame. Avant de songer à le retrouver dans cette immense forteresse de la Lame d’Ebène, elle devait s’assurer de ne pas être repérée. Au vu des méthodes des locaux, elle aurait peu de chances de s’expliquer s’ils la trouvaient.
Lentement, les goules et assemblages serviteurs des chevaliers de la mort tirèrent les lourdes chaînes reliées à la porte et les battants se refermèrent avec un claquement lourd et retentissant. La Gamine n’avait pas repéré d’autre sortie lors de son inspection préalable des alentours. La seule sortie connue venait de disparaître et elle ressentait une désagréable impression d’enfermement.
Les chevaliers présents se réunirent alors près d’un grand socle visiblement impregné de magie. Asélryn se laissa chuter avec souplesse sur le sol, quelques mètres plus bas, avec un silence caractéristique des maîtres des Ombres. Bien qu’elle ne fut encore qu’une novice dans beaucoup de domaines, elle faisait toujours preuve d’une grande maîtrise pour tout ce qui touchait aux acrobaties.
Une abomination grogna légèrement en tournant la tête en sa direction. Elle s’éloigna alors aussi vite que possible, sans dénigrer son camouflage et se posta sur une lourde étagère chargée de fioles au contenu douteux. La créature de chair fixa encore quelques secondes le lieu de son atterrissage puis s’ébroua, trop stupide pour prendre la peine de vérifier.
Asélryn calma son rythme cardiaque en fermant les yeux pour chercher à se détendre. Elle prenait déjà trop de risques.
Une voix la tira de sa courte méditation, grave et désincarnée. En rouvrant les yeux, elle vit que le socle autour duquel étaient réunis les chevaliers laissait apparaître l’image d’un homme fardé d’une armure noire plus grande et portant plus d’ornements que celles des hommes déjà présents. Il s’agissait sans doute d’un officier.
« - Où en sommes-nous ? »
Un chevalier se détacha du groupe pour lui répondre.
« - Tout fonctionne comme prévu. Nous avons pu nous déplacer librement dans Hurlevent sans problème notable.
- Avez-vous pu repérer visuellement vos cibles ?
- Le prétexte de la transmission de respects envers nos nouveaux alliés nous a permis de rencontrer les rois nain et gnome, ainsi que la grande prêtresse des elfes de la nuit. Aucun ne doute de notre appartenance à la Lame d’Ebène. »
L’homme dont l’image était projetée esquissa un large sourire moqueur.
« - Ces traîtres nous offrent une couverture parfaite. Vous devez juste éviter à tout prix de les croiser. Eux seuls sont capables de nous reconnaître et le Roi-Liche tient à ce que nous menions notre mission à son terme.
- L’affaiblissement de l’Alliance provoquera indéniablement une réaction de la Horde. Bientôt, les vivants se déchireront mutuellement pour finalement tous Le servir. Victoire pour le Fléau ! »
L’homme se frappa le torse pour donner de la force à son salut, qui fut repris par ses confrères, ainsi que par l’officier. La transmission s’interrompit et les chevaliers se dispersèrent vite.
Asélryn était estomaquée par ce qu’elle venait de voir et d’entendre. Ce qui était jusqu’ici une simple traque devenait une affaire lourde, impliquant l’intégrité même de l’Alliance sous une sombre machination du Fléau. Sa première pensée fut que cette affaire était trop grosse pour elle. Elle était désormais enfermée dans un bastion caché du Fléau, au beau milieu des Maleterres de l’ouest, où se tramait l’assassinat de trois des cinq leaders de l’Alliance, et peut-être bien de la totalité si la chance leur souriait. Au diable le Prestelame, elle devait sortir d’ici et avertir les Services au plus vite.
Mais elle vit alors un chevalier s’approcher de l’étagère qui lui servait de perchoir pour jeter un œil aux fioles. La jeune fille retint son souffle et se contenta de regarder l’homme, tétanisée. Si par malheur il levait les yeux et perçait son camouflage, elle aurait peut-être l’occasion de découvrir ces fameuses mixtures pour participer à ces machinations en tant que goule.
Une femme s’approcha à son tour de l’étagère et le premier non-mort lui montra une fiole remplie d’un fluide verdâtre.
« - Si nous trouvons le moyen de verser un petit quelque chose dans les cuisines royales de Hurlevent, nous pourrions éliminer le roi Varian ainsi que tous ses successeurs potentiels. Cela créerait sûrement un chaos suffisamment grand pour faire s’effondrer le royaume, peut-être sans l’aide de la Horde.
- Pour l’heure, nous n’y avons pas accès et ce moyen est bien moins sûr qu’une épée plantée dans le cœur. Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer un échec. Ne préférerais-tu pas pouvoir enfoncer ta lame dans les entrailles de cet idiot de roi ? »
Tous deux échangèrent un sourire entendu et chargé de sadisme puis s’éloignèrent de l’étagère après que l’homme ait reposé la fiole en gratifiant sa collègue d’un « Tu as raison… ».
Ne perdant plus une seconde, Asélryn inspecta avec précision l’ensemble de la salle du regard. Trois issues quittaient cette pièce immense un peu trop remplie de chevaliers du Fléau à son goût. L’une était bloquée par plusieurs soldats en discussion et une abomination montait la garde entre les deux autres, cependant bien que plus proche de celle de gauche. La dextre s’imposait presque.
Elle pourrait toujours retrouver son chemin plus tard, en l’état actuel des choses, quitter cette pièce était une priorité.
Elle rasa le mur jusqu’à cette échappatoire, tourmentée à chaque pas par la peur d’être vue. Lorsqu’elle atteignit enfin l’ouverture, elle s’y engouffra rapidement alors que l’abomination tournait la tête dans cette direction.
Toujours trop précipitée…
Asélryn heurta la goule de plein fouet, qui tituba en arrière en lâchant un cri étranglé. Après un tel choc, son illusion se brisa et elle fut alors entièrement visible. Bien entendu, le son émis par le serviteur attira immédiatement l’attention des chevaliers les plus proches, qui ne manquèrent pas à leur tour de donner l’alerte.
Et merde !
D’un balayage, elle fit tomber la goule à terre, la délestant au passage de ses rotules ainsi que d’un tibia, puis s’élança dans le couloir devant elle. Dans sa course, elle entendit les chevaliers se lancer à sa poursuite mais n’osa pas regarder derrière.
Asélryn émergea alors dans une grande forge où plusieurs squelettes battaient des épées de saronite brûlantes. Sans prendre le temps de voir le nombre de sorties, elle traversa la salle et prit la première issue venue.
Un nouveau couloir la mena dans un escalier qu’elle se mit à gravir à toute vitesse. Haletante, le cœur battant à un rythme effréné, terrifiée en imaginant seulement ce qui pouvait s’être lancé à sa poursuite, elle arriva dans une pièce remplie d’artefacts dont elle n’imaginait pas une seconde l’utilité, bien qu’elle devinât leur usage en nécromancie.
Sceptres, orbes, crânes et mains luisants de magie sombre, rien de rassurant en somme. Une autre sortie se trouvait à l’autre bout mais il était clair qu’en matière d’endurance, elle ne battrait pas des mort-vivants. En levant les yeux, Asélryn vit les larges poutres tenant le plafond et l’usage des pierres du mur mal disposées lui parut comme une évidence.
Elle entama alors l’escalade la plus rapide de sa vie. Sans prendre le temps de s’assurer de la solidité de ses prises, elle grimpa à toute vitesse, sa peur d’être attrapée lui faisant oublier celle de la chute. Ses incontestables dons de grimpeuse l’amenèrent très vite à un niveau proche du plafond et des poutres. Mais peut-être pas aussi proches que les pas métalliques et les éclats de voix qui résonnaient dans l’escalier menant à la salle.
S’assurant d’une seule main, elle saisit une dague à sa ceinture et l’enfonça de toutes ses forces dans le bois moisi. Le manche de la lame lui fournit une nouvelle prise qui lui permit d’effectuer une traction et de se contorsionner de manière à ce que la poutre fut entre l’entrée de la pièce et elle pour la cacher aux yeux des arrivants. Muscles contractés à l’extrême, elle ne bougea plus d’un cil tandis que ses poursuivants pénétraient dans la salle et s’y dispersaient.
L’effort à fournir était inhumain, elle sentait qu’elle ne tiendrait pas plus de quelques secondes supplémentaires.
« - Je vous préviens que si vous laisser cet intrus s’échapper, vous compromettez les plans du Roi-Liche, ainsi que nos existences ! Trouvez-là ! »
Les chevaliers, geists et goules qui la poursuivaient quittèrent la pièce par l’autre sortie au pas de course. Dès que le dernier eut disparu, Asélryn fit soudainement grâce à ses muscles douloureux en lâchant sa prise tout en quittant sa position contorsionnée. Elle voulut amortir sa chute à l’aide du mur qui lui avait permis de grimper mais n’y parvint pas réellement et rata sa réception. Le choc lui arracha un grognement sourd et une douleur virulente se fit sentir au niveau de sa cheville gauche.
Foulée… Vraiment ce qu’il me manquait.
Elle se la massa pour tenter d’atténuer le calvaire puis releva la tête pour mieux inspecter les lieux. Le geist laissa alors échapper un gargouillis sans la quitter les yeux. Asélryn se maudit intérieurement.
Comment avait-elle pu ne pas le voir ? Il était parfaitement envisageable que ses poursuivants laissent quelqu’un fouiller la salle mais cette possibilité ne lui avait même pas effleuré l’esprit. La créature se mit alors à lui tourner autour comme un oiseau de proie tandis qu’elle tentait de se relever. Elle n’avait presque aucune amplitude de mouvement, l’issue de l’affrontement s’avérait incertain. Asélryn porta une main à sa ceinture pour sortir un poignard mais ce geste entraîna la charge du geist qui lui bondit rageusement dessus. Elle fut plaquée à terre et sentit les mains de la créature tirer furieusement son arme pour lui prendre. La jeune fille s’accrocha à sa lame comme à sa vie, dents serrées, face aux hurlements fous de son ennemi.
Plus que jamais, elle ne devait pas lâcher prise.
Mais elle sentait progressivement le manche glisser entre ses doigts, s’humidifiant de sueur dont le geist, dépourvu de chaleur corporelle et de peur, ne connaissait pas de son coté. Elle perdait du terrain à chaque seconde dans cette lutte desespérée mais ne pouvait se résigner à abandonner. Mourir de sa propre arme, à cause de cette créature rachitique après avoir échappé aux chevaliers était inenvisageable. Elle n’allait pas périr comme ça, c’était hors de question !
Mais soudain, la prise de son adversaire sur le manche du poignard se desserra et Asélryn en profita immédiatement pour le lui arracher et lui planter là où devait normalement se situer un cœur.
Mais le geist était déjà mort, gorge tranchée. Alors que la créature s’affalait, elle put voir son assassin, tenant encore sa dague à la main. Elle s’attendait alors à voir n’importe qui sauf cet homme, et pourtant, c’était lui qui l’avait faite venir jusqu’ici.
Le Prestelame…
Asélryn resserra sa prise sur son arme, prête à vendre chèrement sa vie, mais le kaldoreï lui tendit alors la main. Elle resta stupéfiée quelques secondes, à fixer la paume.
« - Lève-toi, rester ici n’est pas prudent. »
Elle se résolut finalement à accepter son aide. Sans un mot de plus, le Prestelame lui passa un bras dans le dos pour la soutenir et ils quittèrent la salle.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
La lourde porte métallique se referma avec un claquement sourd tandis qu’Asélryn et le Prestelame s’accordaient enfin une pause dans une petite salle où étaient entreposées plusieurs armes basiques et rouillées à des rateliers qui ne payaient pas de mine non plus. Le kaldoreï l’aida à s’asseoir et revint vers la porte pour y coller son oreille et s’assurer qu’ils n’avaient pas été suivis. Sa voix grave et calme ne laissa pas transparaître la moindre émotion.
« - Le Fléau a ses propres furtifs, il faut espérer que nous n’en ayons pas croisé.
- Pourquoi as-tu fait ça… ?
- Si jamais c’était le cas, il faudrait qu’ils se mettent en tête de nous éliminer eux-même plutôt que de signaler notre position au gros de leurs troupes…
- J’ai été envoyée pour te tuer…
- Ça ne reste que des cadavres animés par nécromancie, je pourrais en vaincre trois ou quatre en même temps.
- Tu aurais du me laisser mourir… »
Poussant un long soupir, il cessa enfin de l’ignorer et mit fin à son monologue pour la regarder. Son visage laissa enfin paraître une expression qu’Asélryn assimila à une lassitude profonde qui n’avait pourtant pas sa place dans de telles circonstances.
« - Pour que tu rejoignes leurs rangs ? Ce serait stupide.
- Tu pouvais bien resté caché, ce n’est pas la goule que je serais devenue qui t’aurait trouvé.
- Ne parle pas comme ça, ça me fait de la peine…
- Parce que le sort que tu as réservé à Soren t’a attristé peut-être ?! »
Elle avait presque crié. Fronçant les sourcils, le Prestelame s’approcha d’elle à pas de loup et fit jaillir une lame courte de nulle part.
« - Si tu te mets à hurler, je vais effectivement devoir te tuer…
- Pourquoi ne l’as-tu pas déjà fait ? Je ne suis pas différente de tous les agents que tu as pu tuer.
- Je peux déjà te contredire. Les autres chercheraient à défendre leur vie alors que toi tu veux que je te tue en faisant preuve d’une fierté stupide et dangereuse. »
Il approcha son visage de celui d’Asélryn en plissant légèrement les yeux et continua d’un ton glacial.
« - Je vais être clair. Les querelles fréquentes entre moi et le SI:7 sont aussi futiles que les disputes quotidiennes d’enfants turbulents. Vous avez beau en faire une affaire de première importance, ce conflit démesuré est d’une stupidité elle-même incommensurable. Nous nous trouvons dans un bastion du Fléau à quelques jours de marche du royaume de Hautebrande. L’information d’un tel rassemblement devrait t’inquiéter bien plus que la présence du simple hors-la-loi que je suis… »
Elle ne sut que répondre. Ces mots résonnaient de vérité et avaient été assénés sèchement de manière à la laisser sans voix.
« - Cet endroit est surveillé avec rigueur par l’élite du Fléau et je doute être capable d’en sortir par mes propres moyens, et pour ce qui est de ton cas, je préfère ne même pas en parler… Si je t’ai aidée, c’est parce que le fait d’être deux nous ouvre beaucoup plus de possibilités et accroît nos chances de survie.
- Coopérer ? Tu plaisantes j’espère…
- Ce sera ça ou deux cadavres de plus pour le Fléau. »
Asélryn pesta pour seule réponse.
« - Rien ne t’empêchera de tenter de me capturer une fois que nous serons sortis d’ici… »
La Gamine resta pensive. Il était hors de question de s’allier à un ennemi des Services mais quelque chose la poussait à accepter. Pendant tout ce temps passé à poursuivre le Prestelame, elle l’avait menacé, maudit et admiré. Sa façon d’être et d’agir l’intriguait, voire la fascinait. C’était comme s’il possédait tout ce qu’elle enviait, grâce et souplesse, en restant insaisissable et inaccessible, simplement libre…
« - Décide-toi, je n’ai plus de temps à perdre ici.
- … c’est d’accord.
- Bien. »
Le Prestelame lui tendit alors la main pour l’aider à se relever mais il ne la lâcha pas une fois qu’elle fut debout. Leurs regards se croisèrent.
« - Keln Stormrunner, heureux de faire équipe avec vous. »
Tout le SI:7 le savait, cette précision était bien inutile. Cependant, elle ne se risqua pas à briser l’étrange ambiance qui régnait alors entre deux éternels ennemis, alliés de circonstances.
« - Asélryn Elraan, le plaisir est pour moi… »
« - Le Fléau a ses propres furtifs, il faut espérer que nous n’en ayons pas croisé.
- Pourquoi as-tu fait ça… ?
- Si jamais c’était le cas, il faudrait qu’ils se mettent en tête de nous éliminer eux-même plutôt que de signaler notre position au gros de leurs troupes…
- J’ai été envoyée pour te tuer…
- Ça ne reste que des cadavres animés par nécromancie, je pourrais en vaincre trois ou quatre en même temps.
- Tu aurais du me laisser mourir… »
Poussant un long soupir, il cessa enfin de l’ignorer et mit fin à son monologue pour la regarder. Son visage laissa enfin paraître une expression qu’Asélryn assimila à une lassitude profonde qui n’avait pourtant pas sa place dans de telles circonstances.
« - Pour que tu rejoignes leurs rangs ? Ce serait stupide.
- Tu pouvais bien resté caché, ce n’est pas la goule que je serais devenue qui t’aurait trouvé.
- Ne parle pas comme ça, ça me fait de la peine…
- Parce que le sort que tu as réservé à Soren t’a attristé peut-être ?! »
Elle avait presque crié. Fronçant les sourcils, le Prestelame s’approcha d’elle à pas de loup et fit jaillir une lame courte de nulle part.
« - Si tu te mets à hurler, je vais effectivement devoir te tuer…
- Pourquoi ne l’as-tu pas déjà fait ? Je ne suis pas différente de tous les agents que tu as pu tuer.
- Je peux déjà te contredire. Les autres chercheraient à défendre leur vie alors que toi tu veux que je te tue en faisant preuve d’une fierté stupide et dangereuse. »
Il approcha son visage de celui d’Asélryn en plissant légèrement les yeux et continua d’un ton glacial.
« - Je vais être clair. Les querelles fréquentes entre moi et le SI:7 sont aussi futiles que les disputes quotidiennes d’enfants turbulents. Vous avez beau en faire une affaire de première importance, ce conflit démesuré est d’une stupidité elle-même incommensurable. Nous nous trouvons dans un bastion du Fléau à quelques jours de marche du royaume de Hautebrande. L’information d’un tel rassemblement devrait t’inquiéter bien plus que la présence du simple hors-la-loi que je suis… »
Elle ne sut que répondre. Ces mots résonnaient de vérité et avaient été assénés sèchement de manière à la laisser sans voix.
« - Cet endroit est surveillé avec rigueur par l’élite du Fléau et je doute être capable d’en sortir par mes propres moyens, et pour ce qui est de ton cas, je préfère ne même pas en parler… Si je t’ai aidée, c’est parce que le fait d’être deux nous ouvre beaucoup plus de possibilités et accroît nos chances de survie.
- Coopérer ? Tu plaisantes j’espère…
- Ce sera ça ou deux cadavres de plus pour le Fléau. »
Asélryn pesta pour seule réponse.
« - Rien ne t’empêchera de tenter de me capturer une fois que nous serons sortis d’ici… »
La Gamine resta pensive. Il était hors de question de s’allier à un ennemi des Services mais quelque chose la poussait à accepter. Pendant tout ce temps passé à poursuivre le Prestelame, elle l’avait menacé, maudit et admiré. Sa façon d’être et d’agir l’intriguait, voire la fascinait. C’était comme s’il possédait tout ce qu’elle enviait, grâce et souplesse, en restant insaisissable et inaccessible, simplement libre…
« - Décide-toi, je n’ai plus de temps à perdre ici.
- … c’est d’accord.
- Bien. »
Le Prestelame lui tendit alors la main pour l’aider à se relever mais il ne la lâcha pas une fois qu’elle fut debout. Leurs regards se croisèrent.
« - Keln Stormrunner, heureux de faire équipe avec vous. »
Tout le SI:7 le savait, cette précision était bien inutile. Cependant, elle ne se risqua pas à briser l’étrange ambiance qui régnait alors entre deux éternels ennemis, alliés de circonstances.
« - Asélryn Elraan, le plaisir est pour moi… »
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Le geist n’émit qu’un couinement à peine audible tandis que l’acier s’enfonçait dans sa nuque avant de sectionner ses cervicales d’un geste net et d’une précision chirurgicale. La carcasse menaça de chuter de la corniche servant de point d’observation mais fut rattrapée à temps et Asélryn l’installa de manière à ce qu’il n’attire pas l’attention des fléautiques en contrebas.
Cette salle immense était un passage obligatoire pour ne pas revenir en arrière mais était rempli de non-morts et de cadavres prêts à être réanimés. Plusieurs arches longeant les murs servaient de perchoir à des geists qui se contentaient de surveiller les lieux en silence. Des corps étaient entassés par dizaines et des nécromanciens s’affairaient à la tâche de les relever pour grossir les rangs des flaëllés. Bien qu’elle évitât d’y jeter un œil, la Gamine supportait mal l’idée de passer ici sans y prêter attention. Même si elle devait se résoudre à simplement prévenir le SI:7, les morts réanimés ici feraient sans doute d’innombrables victimes un jour ou l’autre.
Malgré les difficultés qu’elle avait à s’y faire, elle se dirigea vers la sentinelle suivante. En parallèle, le Prestelame se chargeait de celles en face de ses cibles pour éviter d’attirer l’attention des autres geists. Ces éliminations devaient être un maximum simultanées, en espérant qu’aucune sentinelle ne remarque la mort de ses comparses avant que ne vienne son tour.
Plus elle y pensait, plus l’idée de coopérer avec le Prestelame lui paraissait stupide. Une fois qu’il n’aurait plus besoin d’elle pour sortir, il pourrait se débarrasser d’elle, tout comme elle pouvait le faire pour lui. Cet accord ne se fondait que sur des besoins et sans ceux-ci, ils étaient ennemis. Restait à pouvoir dire jusqu’à quand cette alliance durerait. Le désir d’initiative pouvait s’avérer fatal du fait qu’on ne pouvait dire précisément à quel instant l’un n’aurait plus besoin de l’autre.
Asélryn atteignit enfin le fond de la salle et égorgeant une dernière sentinelle tandis que Keln faisait de même de son coté. Ce dernier désigna rapidement la sortie en contrebas, lui intimant de descendre discrètement la première. La Gamine laissa l’Ombre la recouvrir et s’apprêta à obéir quand son regard se figea derrière le Prestelame. Elle voulut le prévenir mais s’empêcha de crier.
Alors qu’elle laissait son camouflage se dissiper, il était déjà trop tard.
Le kaldoreï perçut sans doute le battement d’ailes et se retourna juste à temps pour que les griffes de la gargouille ne lacèrent ses bras plutôt que son visage. La créature cria en tentant d’emporter Keln dans son élan, au moins de le faire tomber de son perchoir.
Deux perspectives aussi mortelles l’une que l’autre en somme.
Asélryn vit alors l’elfe être soulevé par la bête mais aussi étrangement que cela parut, la proie s’accrochait elle-même à son assaillant. Le bras du Prestelame fut enfin libéré par les serres tranchantes mais ce dernier restait suspendu de son autre main à une patte. Ce n’était visiblement pas ce qu’avait prévu la gargouille, qui perdit de l’altitude en poussant des hurlements suraigus et paniqués, traçant de ce fait une trajectoire hasardeuse.
Keln put en profiter lorsque le mur fut assez proche en posant un pied contre celui-ci avant de donner une impulsion et monter au niveau de la bête qui ralentissait sa propre chute. Un poignard jaillit soudain dans sa main et se planta dans le crâne du monstre dont la chute s’accéléra avant de se terminer, tout de même suffisamment amortie pour épargner le passager improvisé de ce vol.
Le Prestelame n’eut pas le temps de reprendre son souffle que déjà, plusieurs goules fondaient sur lui, dirigées par les nécromanciens. Des lames se retrouvèrent alors sur la trajectoire des griffes et le premier mort-vivant fut stoppé dans son élan par une gamine visiblement dérangée par une approche aussi directe.
« - Debout !!! Allez !!! »
Keln fut soudain dans le dos de la goule et une paire de poignards sectionna la colonne vertébrale déjà fragilisée, laissant la créature s’effondrer dans un râle. D’une frappe rapide et précise, un nouveau non-mort se retrouva délesté de sa tête pour s’être trop approché.
« - Ne me donne pas d’ordres.
- C’était un pas de l’ombre ?! »
Asélryn vit une autre goule se ruer sur elle et dévia sa griffe droite avec une de ses armes pour lui enfoncer l’autre entre la gorge et le menton à deux reprises. Pivotant sur elle-même, elle envoya les deux dagues sectionner les restes d’articulations au niveau des genoux de la bête. De son coté, le Prestelame semblait s’en sortir.
« - C’en était un oui.
- On doit sortir d’ici !
- Quel trait de génie. »
Les deux combattants restèrent à proximité l’un de l’autre tout en se défendant et en reculant lentement vers la sortie. Plus loin, les nécromanciens faisaient s’accroître le débit d’arrivée des mort-vivants plutôt que de tenter d’agir par eux-mêmes. Ces deux intrus ne donnaient aucune envie d’approcher, notamment le kaldoreï qui taillait ses ennemis en pièce sans la moindre pitié ni la moindre difficulté apparente.
Plus proche de la sortie, Asélryn était bien trop concentrée sur les vagues de goules pour regarder derrière elle. Elle le regretta amèrement en se heurtant à une masse flasque et rêche. En se jetant à terre, elle évita de justesse le crochet de l’abomination qui bloquait la sortie dans presque toute sa largeur.
Les cadavres ambulants se ruèrent immédiatement sur elle mais aucun ne l’atteignit, victimes des frappes du Prestelame. Si elle avait un jour imaginé qu’il lui sauverait la vie…
« - Relève-toi et occupe les goules ! Je me charge de l’assemblage ! »
Elle se résigna à obéir sans discuter et refit face à la masse grouillante qui ne cessait de croître, dos à dos avec le kaldoreï qui, lui, avait affaire à un client nettement plus… lourd. Asélryn déjoua les frappes de ses adversaires, peu précises, mais il n’y avait pas à se leurrer. Elle ne pouvait pas tous les contenir seule. La fuite était obligatoire mais Keln semblait toujours être aux prises avec l’abomination et elle ne pouvait détacher son attention des goules pour voir où il en était.
Il y a des jours où tu agis comme une demeurée ma pauvre fille…
Soudain décidée à jouer le tout pour le tout, Asélryn se retourna et bondit sur la créature de chair sans faire attention au Prestelame, qui venait de dégainer un long sabre fin contrastant avec ses habituelles lames courtes.
La gamine arriva près de la minuscule tête et enfonça ses dagues autour de celle-ci, plus pour s’assurer des prises sur cette masse mouvante que pour la blesser. Elle avait visiblement perturbé les plans de son « associé ». Celui-ci pourfendit les quelques goules tentant de l’assaillir à l’aide de sa lame longue et revint vite à l’abomination. Son sang-froid inébranlable semblait soudain mis à l’épreuve.
Asélryn se cramponna autant que possible d’une seule main pour chercher un nouveau poignard dans sa botte droite. L’assemblage se secouait en lâchant des grognements agressifs, bien décidé à se débarrasser de ce parasite. La jeune fille parvint enfin à se saisir d’une arme supplémentaire qu’elle planta sans tarder dans le crâne difforme.
Cependant, ça ne fut pas suffisant et Asélryn n’eut pas vraiment le temps de s’en rendre compte. Elle vit à peine le crochet au bout de l’appendice de la bête et sentit l’acier la faucher aux hanches en tranchant le cuir de son armure.
Elle hurla de douleur et fut violemment projetée au sol. En rouvrant les yeux, consciente du danger de sa situation, elle vit le bras au crochet gésir à coté d’elle mais séparé du corps de l’abomination.
Sans prendre la peine de ranger le sabre couvert d’ichor mort-vivant, le Prestelame la souleva sans ménagement, lui passa un bras par-dessus son épaule et la força à courir tout en la soutenant.
« - Tu nous compliques encore la tâche ! »
Chaque pas ravivait un peu plus la ligne de feu qui lui lacérait le flanc. Où étaient les mort-vivants qui les poursuivaient ? A cette vitesse, ils seraient rattrapés bientôt et cela, elle le devait à sa manie à n’en faire qu’à sa tête. Cette douleur, insupportable... Peut-être avait-elle pensé que Keln ne parviendrait pas à vaincre cet assemblage. Elle aurait bien pu lui offrir un peu plus de temps, tenir un peu plus face aux goules, ne pas abandonner…
Ne pas décevoir… Quelle idiote !
Sans être vraiment consciente de ce vers quoi elle avançait, elle sentit le soutien de Keln disparaître et s’effondra. Souffrance aveugle et aveuglante ! Asélryn vit alors le Prestelame, sabre à terre et main plaquée sur l’épaule, le visage crispé par un rictus douloureux. Face à lui, un guerrier encapuchonné laissa deviner un sourire cruel en passant la main sur son arme. Les runes de l’épée luisaient d’un éclat malsain et lui donnaient des vertiges.
La douleur omniprésente l’empêcha de percevoir grand-chose si ce ne fut les paroles du Prestelame face au chevalier runique.
« - Chevalier de la mort… Mais où est Déania quand on a besoin d’elle ? »
Soudain, un choc.
Des éclats de voix…
Puis le noir.
Cette salle immense était un passage obligatoire pour ne pas revenir en arrière mais était rempli de non-morts et de cadavres prêts à être réanimés. Plusieurs arches longeant les murs servaient de perchoir à des geists qui se contentaient de surveiller les lieux en silence. Des corps étaient entassés par dizaines et des nécromanciens s’affairaient à la tâche de les relever pour grossir les rangs des flaëllés. Bien qu’elle évitât d’y jeter un œil, la Gamine supportait mal l’idée de passer ici sans y prêter attention. Même si elle devait se résoudre à simplement prévenir le SI:7, les morts réanimés ici feraient sans doute d’innombrables victimes un jour ou l’autre.
Malgré les difficultés qu’elle avait à s’y faire, elle se dirigea vers la sentinelle suivante. En parallèle, le Prestelame se chargeait de celles en face de ses cibles pour éviter d’attirer l’attention des autres geists. Ces éliminations devaient être un maximum simultanées, en espérant qu’aucune sentinelle ne remarque la mort de ses comparses avant que ne vienne son tour.
Plus elle y pensait, plus l’idée de coopérer avec le Prestelame lui paraissait stupide. Une fois qu’il n’aurait plus besoin d’elle pour sortir, il pourrait se débarrasser d’elle, tout comme elle pouvait le faire pour lui. Cet accord ne se fondait que sur des besoins et sans ceux-ci, ils étaient ennemis. Restait à pouvoir dire jusqu’à quand cette alliance durerait. Le désir d’initiative pouvait s’avérer fatal du fait qu’on ne pouvait dire précisément à quel instant l’un n’aurait plus besoin de l’autre.
Asélryn atteignit enfin le fond de la salle et égorgeant une dernière sentinelle tandis que Keln faisait de même de son coté. Ce dernier désigna rapidement la sortie en contrebas, lui intimant de descendre discrètement la première. La Gamine laissa l’Ombre la recouvrir et s’apprêta à obéir quand son regard se figea derrière le Prestelame. Elle voulut le prévenir mais s’empêcha de crier.
Alors qu’elle laissait son camouflage se dissiper, il était déjà trop tard.
Le kaldoreï perçut sans doute le battement d’ailes et se retourna juste à temps pour que les griffes de la gargouille ne lacèrent ses bras plutôt que son visage. La créature cria en tentant d’emporter Keln dans son élan, au moins de le faire tomber de son perchoir.
Deux perspectives aussi mortelles l’une que l’autre en somme.
Asélryn vit alors l’elfe être soulevé par la bête mais aussi étrangement que cela parut, la proie s’accrochait elle-même à son assaillant. Le bras du Prestelame fut enfin libéré par les serres tranchantes mais ce dernier restait suspendu de son autre main à une patte. Ce n’était visiblement pas ce qu’avait prévu la gargouille, qui perdit de l’altitude en poussant des hurlements suraigus et paniqués, traçant de ce fait une trajectoire hasardeuse.
Keln put en profiter lorsque le mur fut assez proche en posant un pied contre celui-ci avant de donner une impulsion et monter au niveau de la bête qui ralentissait sa propre chute. Un poignard jaillit soudain dans sa main et se planta dans le crâne du monstre dont la chute s’accéléra avant de se terminer, tout de même suffisamment amortie pour épargner le passager improvisé de ce vol.
Le Prestelame n’eut pas le temps de reprendre son souffle que déjà, plusieurs goules fondaient sur lui, dirigées par les nécromanciens. Des lames se retrouvèrent alors sur la trajectoire des griffes et le premier mort-vivant fut stoppé dans son élan par une gamine visiblement dérangée par une approche aussi directe.
« - Debout !!! Allez !!! »
Keln fut soudain dans le dos de la goule et une paire de poignards sectionna la colonne vertébrale déjà fragilisée, laissant la créature s’effondrer dans un râle. D’une frappe rapide et précise, un nouveau non-mort se retrouva délesté de sa tête pour s’être trop approché.
« - Ne me donne pas d’ordres.
- C’était un pas de l’ombre ?! »
Asélryn vit une autre goule se ruer sur elle et dévia sa griffe droite avec une de ses armes pour lui enfoncer l’autre entre la gorge et le menton à deux reprises. Pivotant sur elle-même, elle envoya les deux dagues sectionner les restes d’articulations au niveau des genoux de la bête. De son coté, le Prestelame semblait s’en sortir.
« - C’en était un oui.
- On doit sortir d’ici !
- Quel trait de génie. »
Les deux combattants restèrent à proximité l’un de l’autre tout en se défendant et en reculant lentement vers la sortie. Plus loin, les nécromanciens faisaient s’accroître le débit d’arrivée des mort-vivants plutôt que de tenter d’agir par eux-mêmes. Ces deux intrus ne donnaient aucune envie d’approcher, notamment le kaldoreï qui taillait ses ennemis en pièce sans la moindre pitié ni la moindre difficulté apparente.
Plus proche de la sortie, Asélryn était bien trop concentrée sur les vagues de goules pour regarder derrière elle. Elle le regretta amèrement en se heurtant à une masse flasque et rêche. En se jetant à terre, elle évita de justesse le crochet de l’abomination qui bloquait la sortie dans presque toute sa largeur.
Les cadavres ambulants se ruèrent immédiatement sur elle mais aucun ne l’atteignit, victimes des frappes du Prestelame. Si elle avait un jour imaginé qu’il lui sauverait la vie…
« - Relève-toi et occupe les goules ! Je me charge de l’assemblage ! »
Elle se résigna à obéir sans discuter et refit face à la masse grouillante qui ne cessait de croître, dos à dos avec le kaldoreï qui, lui, avait affaire à un client nettement plus… lourd. Asélryn déjoua les frappes de ses adversaires, peu précises, mais il n’y avait pas à se leurrer. Elle ne pouvait pas tous les contenir seule. La fuite était obligatoire mais Keln semblait toujours être aux prises avec l’abomination et elle ne pouvait détacher son attention des goules pour voir où il en était.
Il y a des jours où tu agis comme une demeurée ma pauvre fille…
Soudain décidée à jouer le tout pour le tout, Asélryn se retourna et bondit sur la créature de chair sans faire attention au Prestelame, qui venait de dégainer un long sabre fin contrastant avec ses habituelles lames courtes.
La gamine arriva près de la minuscule tête et enfonça ses dagues autour de celle-ci, plus pour s’assurer des prises sur cette masse mouvante que pour la blesser. Elle avait visiblement perturbé les plans de son « associé ». Celui-ci pourfendit les quelques goules tentant de l’assaillir à l’aide de sa lame longue et revint vite à l’abomination. Son sang-froid inébranlable semblait soudain mis à l’épreuve.
Asélryn se cramponna autant que possible d’une seule main pour chercher un nouveau poignard dans sa botte droite. L’assemblage se secouait en lâchant des grognements agressifs, bien décidé à se débarrasser de ce parasite. La jeune fille parvint enfin à se saisir d’une arme supplémentaire qu’elle planta sans tarder dans le crâne difforme.
Cependant, ça ne fut pas suffisant et Asélryn n’eut pas vraiment le temps de s’en rendre compte. Elle vit à peine le crochet au bout de l’appendice de la bête et sentit l’acier la faucher aux hanches en tranchant le cuir de son armure.
Elle hurla de douleur et fut violemment projetée au sol. En rouvrant les yeux, consciente du danger de sa situation, elle vit le bras au crochet gésir à coté d’elle mais séparé du corps de l’abomination.
Sans prendre la peine de ranger le sabre couvert d’ichor mort-vivant, le Prestelame la souleva sans ménagement, lui passa un bras par-dessus son épaule et la força à courir tout en la soutenant.
« - Tu nous compliques encore la tâche ! »
Chaque pas ravivait un peu plus la ligne de feu qui lui lacérait le flanc. Où étaient les mort-vivants qui les poursuivaient ? A cette vitesse, ils seraient rattrapés bientôt et cela, elle le devait à sa manie à n’en faire qu’à sa tête. Cette douleur, insupportable... Peut-être avait-elle pensé que Keln ne parviendrait pas à vaincre cet assemblage. Elle aurait bien pu lui offrir un peu plus de temps, tenir un peu plus face aux goules, ne pas abandonner…
Ne pas décevoir… Quelle idiote !
Sans être vraiment consciente de ce vers quoi elle avançait, elle sentit le soutien de Keln disparaître et s’effondra. Souffrance aveugle et aveuglante ! Asélryn vit alors le Prestelame, sabre à terre et main plaquée sur l’épaule, le visage crispé par un rictus douloureux. Face à lui, un guerrier encapuchonné laissa deviner un sourire cruel en passant la main sur son arme. Les runes de l’épée luisaient d’un éclat malsain et lui donnaient des vertiges.
La douleur omniprésente l’empêcha de percevoir grand-chose si ce ne fut les paroles du Prestelame face au chevalier runique.
« - Chevalier de la mort… Mais où est Déania quand on a besoin d’elle ? »
Soudain, un choc.
Des éclats de voix…
Puis le noir.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Keln laissa retomber lourdement ses poignets enchaînés en sifflant rageusement entre ses dents. Il avait beau chercher, aucune faille ne lui permettait d’envisager l’évasion. Il s’était fait avoir comme un amateur et se retrouvait maintenant séparé d’Asélryn, dans une geôle crasseuse et sombre, délesté de la totalité de ses armes, même les mieux dissimulées.
Il avait été pris par surprise par le chevalier de la mort et avait fait l’erreur de le croire seul. Son comparse avait juste eu à assommer Asélryn pour qu’elle serve d’otage avant de faire de même pour lui. Mais pourquoi la vue de cette gamine en danger l’avait-il empêché d’agir ? La mort d’un agent du SI:7, lancée à sa poursuite qui plus est, ne pouvait que l’arranger mais il s’était bêtement laissé attraper pour se réveiller enchaîné. C’était vraiment la dernière personne à laquelle il avait besoin de s’attacher. Il avait d’abord prévu de se débarrasser d’elle une fois dehors mais cette idée lui déplaisait de plus en plus. Mais désormais, la situation leur avait échappé et leurs chances de survie…
La porte s’ouvre sur un homme encapuchonné, mais le visage visible malgré la pénombre. Il semble encore jeune mais les tatouages faciaux et sa pâleur cadavérique témoignent de son appartenance : le culte des damnés, les larbins vivants du Fléau. Il sourit en refermant la porte. Il cache quelque chose de pointu sous sa robe de sorcier, quelque chose qu’il va certainement très vite lui montrer étant donné que pour que cette chose soit repérable si facilement, il ne doit pas avoir l’habitude d’en porter et l’a donc amené pour lui.
« - Comment se sent notre rôdeur ? Un peu mal au crâne peut-être
- Peut-être du à cette odeur ? Ce que l’on sent chez les traîtres.
- Et dis-moi, que sens-tu exactement ?
- L’effluve de ton avenir mourant. »
Le silence régna quelques secondes.
« - Tu fanfaronnes.
- Erreur, je verse pour me détendre, mais tu n’as probablement pas relevé. Jouer les larbins au milieu de cadavres ambulants n’est peut-être pas le meilleur traitement pour ton pauvre esprit. »
L’objet pointu jaillit à la lumière. A première vue, on croirait qu’il s’agit d’un tison mais le rougissement à la pointe n’est pas du à la chaleur. Ce sang appartenait sans doute à la dernière victime de leurs tortures mais il s’agissait simplement d’une pique courte en métal. A croire que les hommes du Culte n’y connaissaient pas grand-chose en la matière, il existait des instruments bien plus efficaces et persuasifs.
« - Comment es-tu entré ?
- Par la porte.
- Je vais calmer ton envie de faire le fier… »
Bien que Keln n’eut pas menti, le cultiste approcha la pointe rougie vers son bras. L’elfe ne bougea pas d’un cil alors qu’il entamait un lent geste d’incision. Le cuir de l’armure fut vite tranché et soudain…
Asélryn poussa un long hurlement de douleur. Elle s’était bien attendue à ce que l’acier pointu l’entaille et la fasse souffrir mais ce qu’elle ressentait dépassait de loin ce qu’elle avait imaginé. C’était comme si l’instrument déversait un torrent de douleur par la plaie qu’il créait, celle-ci s’insinuant et embrasant la quasi-totalité des nerfs de son abdomen. La coupure n’excédait pas les cinq centimètres, pourtant elle avait l’impression d’être pourfendue de part en part.
La lame s’écarta de son ventre tandis que l’homme tatoué l’observait avec une satisfaction apparente.
« - Dois-je répéter mes questions ? J’aimerais éviter de trop t’abimer dans la mesure du possible. »
Ahanante, Asélryn ne répondit pas et baissa les yeux vers sa blessure sans pouvoir concevoir qu’elle était en réalité si petite.
Le SI:7 l’avait bien mise en condition. Tout agent envoyé en mission périlleuse courait le risque d’être capturé et torturé. Ils affirmaient que le mental pouvait vaincre la souffrance physique dans beaucoup de cas et les préparations dans ce domaine étaient nombreuses. Il s’était avéré que son test d’entrée aux Services en était une mais face à une douleur aussi virulente, elle se demandait combien de temps sa volonté tiendrait avant qu’elle ne les supplie de l’achever.
« - Tu fais tes choix. »
La main libre du cultiste vint lui saisir le menton et l’instrument approcha dangereusement son visage. Asélryn tenta de se libérer de son emprise mais il la tenait bien trop fermement, elle ne parvint qu’à faire tinter ses chaînes.
« - Tu as l’air terrorisée… Ces questions sont pourtant simples. Qu’es-tu venue faire ici, comment es-tu entrée, qui t’envoie et qu’as-tu vu ? »
Elle demeura muette, ce qui ne sembla pas étonner l’homme.
La pointe fut apposée sur la joue d’Asélryn, la panique la gagna puis la peau céda. Foudroyée par la douleur, elle s’agita et ne parvint qu’à faire accélérer la manœuvre qui lui sembla malgré tout durer une éternité. Un nouveau cri résonna dans la cellule.
Il avait été pris par surprise par le chevalier de la mort et avait fait l’erreur de le croire seul. Son comparse avait juste eu à assommer Asélryn pour qu’elle serve d’otage avant de faire de même pour lui. Mais pourquoi la vue de cette gamine en danger l’avait-il empêché d’agir ? La mort d’un agent du SI:7, lancée à sa poursuite qui plus est, ne pouvait que l’arranger mais il s’était bêtement laissé attraper pour se réveiller enchaîné. C’était vraiment la dernière personne à laquelle il avait besoin de s’attacher. Il avait d’abord prévu de se débarrasser d’elle une fois dehors mais cette idée lui déplaisait de plus en plus. Mais désormais, la situation leur avait échappé et leurs chances de survie…
La porte s’ouvre sur un homme encapuchonné, mais le visage visible malgré la pénombre. Il semble encore jeune mais les tatouages faciaux et sa pâleur cadavérique témoignent de son appartenance : le culte des damnés, les larbins vivants du Fléau. Il sourit en refermant la porte. Il cache quelque chose de pointu sous sa robe de sorcier, quelque chose qu’il va certainement très vite lui montrer étant donné que pour que cette chose soit repérable si facilement, il ne doit pas avoir l’habitude d’en porter et l’a donc amené pour lui.
« - Comment se sent notre rôdeur ? Un peu mal au crâne peut-être
- Peut-être du à cette odeur ? Ce que l’on sent chez les traîtres.
- Et dis-moi, que sens-tu exactement ?
- L’effluve de ton avenir mourant. »
Le silence régna quelques secondes.
« - Tu fanfaronnes.
- Erreur, je verse pour me détendre, mais tu n’as probablement pas relevé. Jouer les larbins au milieu de cadavres ambulants n’est peut-être pas le meilleur traitement pour ton pauvre esprit. »
L’objet pointu jaillit à la lumière. A première vue, on croirait qu’il s’agit d’un tison mais le rougissement à la pointe n’est pas du à la chaleur. Ce sang appartenait sans doute à la dernière victime de leurs tortures mais il s’agissait simplement d’une pique courte en métal. A croire que les hommes du Culte n’y connaissaient pas grand-chose en la matière, il existait des instruments bien plus efficaces et persuasifs.
« - Comment es-tu entré ?
- Par la porte.
- Je vais calmer ton envie de faire le fier… »
Bien que Keln n’eut pas menti, le cultiste approcha la pointe rougie vers son bras. L’elfe ne bougea pas d’un cil alors qu’il entamait un lent geste d’incision. Le cuir de l’armure fut vite tranché et soudain…
Asélryn poussa un long hurlement de douleur. Elle s’était bien attendue à ce que l’acier pointu l’entaille et la fasse souffrir mais ce qu’elle ressentait dépassait de loin ce qu’elle avait imaginé. C’était comme si l’instrument déversait un torrent de douleur par la plaie qu’il créait, celle-ci s’insinuant et embrasant la quasi-totalité des nerfs de son abdomen. La coupure n’excédait pas les cinq centimètres, pourtant elle avait l’impression d’être pourfendue de part en part.
La lame s’écarta de son ventre tandis que l’homme tatoué l’observait avec une satisfaction apparente.
« - Dois-je répéter mes questions ? J’aimerais éviter de trop t’abimer dans la mesure du possible. »
Ahanante, Asélryn ne répondit pas et baissa les yeux vers sa blessure sans pouvoir concevoir qu’elle était en réalité si petite.
Le SI:7 l’avait bien mise en condition. Tout agent envoyé en mission périlleuse courait le risque d’être capturé et torturé. Ils affirmaient que le mental pouvait vaincre la souffrance physique dans beaucoup de cas et les préparations dans ce domaine étaient nombreuses. Il s’était avéré que son test d’entrée aux Services en était une mais face à une douleur aussi virulente, elle se demandait combien de temps sa volonté tiendrait avant qu’elle ne les supplie de l’achever.
« - Tu fais tes choix. »
La main libre du cultiste vint lui saisir le menton et l’instrument approcha dangereusement son visage. Asélryn tenta de se libérer de son emprise mais il la tenait bien trop fermement, elle ne parvint qu’à faire tinter ses chaînes.
« - Tu as l’air terrorisée… Ces questions sont pourtant simples. Qu’es-tu venue faire ici, comment es-tu entrée, qui t’envoie et qu’as-tu vu ? »
Elle demeura muette, ce qui ne sembla pas étonner l’homme.
La pointe fut apposée sur la joue d’Asélryn, la panique la gagna puis la peau céda. Foudroyée par la douleur, elle s’agita et ne parvint qu’à faire accélérer la manœuvre qui lui sembla malgré tout durer une éternité. Un nouveau cri résonna dans la cellule.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Des pas. Mon geôlier revient…
Le regard de Keln remonta vers la porte de sa cellule, empreint d’une nouvelle volonté chargée de colère. L’absence de contact avec l’extérieur l’empêchait de déterminer combien de temps il avait passé dans cette cellule mais les tortures étaient fréquentes.
C’était une chance que l’exécutant n’aie pas remarqué la disparition de la boucle de ceinture de son prisonnier. La pierre à laquelle étaient fixés ses liens s’effritait vite sous le métal mais avec un outil aussi primaire, le travail s’avérait long et fatiguant. Il arrivait souvent qu’un cri lointain résonne dans les couloirs et reconnaître sa propriétaire fut aisé pour lui.
Asélryn connaissait sans doute un sort similaire au sien.
Mais il était enfin temps d’y mettre un terme.
« - Est-ce que tu vas enfin te décider à parler cette fois ? »
Le tortionnaire ne prenait plus la peine de cacher son instrument fétiche depuis quelque temps. Ces piques de métal portaient un enchantement particulier qui amplifiait la douleur à ce qu’il avait compris. Des souffrances maximales pour des dégâts physiques réels minimes.
Le cultiste n’était pas seul cette fois. Dans la pénombre du fond de la salle se tenait une silhouette décharnée et aisément reconnaissable. Une goule. L’homme vint immédiatement titiller une plaie encore ouverte dans son bras gauche. Keln tressaillit avec un grognement.
« - Je pense qu’il est temps de mettre un terme à ce petit jeu. Si tu ne parles pas, je te laisserai seul et mourant avec notre amie. Elle est affamée tu sais ? »
Le détenu roula des yeux.
« - J’en ai assez de le répéter. Qu’es-tu venu faire ici ? Et pour le compte de qui ? »
Le Prestelame soupira.
« - La vérité risque de ne pas vous plaire… »
L’homme sourit, voyant que la menace de la goule changeait la donne.
« - Tu comptes donc répondre à ma question.
- C’est cela. »
Il fit mine de se réinstaller pour entamer un récit et le cultiste s’écarta légèrement pour l’écouter.
Une marge de manœuvre parfaitement suffisante.
D’un coup sec, il parvint à séparer la fixation de ses chaînes du mur et se releva d’un bond.
L’arme du sectateur fendit l’air mais le Prestelame fut nettement plus rapide, enfin libéré de ses liens. Le tortionnaire ouvrit la bouche pour donner à la goule l’ordre d’attaquer mais une frappe précise lui paralysa les cordes vocales avant qu’il n’aie pu émettre un son. Puis il sentit son poignet être violemment tordu et lâcha son arme. Le coude du roublard remonta et lui fracassa le nez avec un craquement sec puis le cultiste se retrouva jeté à terre. Keln récupéra la pointe enchantée et lui fit brutalement heurter le mur le plus proche, brisant la lame sur le coup. Ce qu’il en restait était bien assez pointu pour servir d’arme mais la pique enchantée avait été séparée et l’instrument avait sans doute perdu son pouvoir d’amplification de douleur.
Sans ciller, le Prestelame le lui enfonça dans l’abdomen, lui arrachant un hurlement atroce.
« - A mon tour de poser les questions. Où avez-vous enfermé Asélryn ?
- Tu crois que je vais te répondre ? Nous ne craignons pas la mort, nous la servons ! Tu ne tireras jamais rien d’un sectateur mourant, idiot ! »
Keln lâcha l’arme et s’écarta, comme convaincu par ses paroles.
« - Mourant… ? »
Il s’approcha de la porte où la goule patientait sagement et murmura la fin de sa phrase.
« - Tu as entendu ça mon gros ?
- Maaaan… ger ? »
Les cris de l’homme résonnèrent dans les couloirs pendant ce qui sembla être une éternité.
Un coup de pied net et appuyé. Une serrure sauta et la porte s’ouvrit à volée.
Rien ici…
Le Prestelame reprit sa course et se stoppa à la porte suivante. Il força de nouveau l’entrée. Il faisait généralement plus dans la finesse mais il n’avait ni le temps ni les outils.
Seulement des ossements…
Les cris du sectateur avaient fini par cesser mais ceux d’Asélryn également et Keln commençait à craindre le pire. Il ne se posait plus de question à présent, les choses étaient claires.
Ce n’était qu’une gamine et elle s’était retrouvée ici par sa faute. Le SI:7 n’hésitait pas à l’utiliser et la mettre en danger mais il ne voulait pas faire de même. Il devait réparer son erreur, la retrouver et la faire sortir de cette forteresse.
Un nouveau cri de douleur !
Quatre ou cinq portes plus loin !
Keln dépassa plusieurs geôles sans s’y attarder et ouvrit celle d’où le hurlement avait semblé lui parvenir pour trouver un sectateur, capuche baissée, s’affairer à torturer sa victime avec le même outil que celui auquel il avait eu droit. Il n’attendit pas une seconde pour agir.
L’homme se retourna brusquement mais le Prestelame s’était évaporé. Il le chercha du regard dans la petite salle mais reçut subitement un choc violent à l’abdomen et se plia en deux. Il sentit alors une main lui saisir le crâne puis son visage heurta brusquement le genou de l’elfe avant qu’il ne le lâche.
Sonné et à moitié aveuglé, le sectateur frappa sans voir devant lui et eut tout juste le temps de regretter son geste lorsqu’une poigne solide lui saisit le poignet. La seconde suivante, son propre instrument de torture traversait les chairs et transperçait son cœur de part en part.
Keln laissa le corps s’effondrer en laissant l’arme improvisée où elle se trouvait puis se mit à le fouiller pour récupérer les clés des fers. Un petit trousseau à sa ceinture lui permit de défaire rapidement les chaînes d’une Asélryn à demi-consciente. Plusieurs plaies étaient visibles sous son armure déchirée, et plusieurs offensaient la pudeur. Gamine ou pas, elle n’en avait plus tout à fait le corps et son geôlier avait décidé d’en profiter. Le Prestelame esquissa un rictus haineux en jetant un regard au cadavre derrière lui.
Il regretta de ne pas l’avoir fait plus souffrir.
« - C’était… un pas de l’ombre… ? »
Keln sursauta, ne s’attendant pas à entendre une voix faible et curieuse retentir après le traitement qu’elle avait subi. En prenant bien garde à ses blessures, il la souleva doucement et se dirigea vers la sortie.
« - C’en était un mais tais-toi. On parlera plus tard. »
Asélryn ne tarda pas à sombrer, bercée par les pas du Prestelame. Pour sa part, s’il n’était pas en train de s’assurer que la voie était libre, son regard était en permanence posé sur elle tandis que le remord le tiraillait. Il finit par s’arracher à ces sombres pensées et secoua la tête en soupirant.
Il ne manquerait plus que je m'attache à cette Gamine...
Le regard de Keln remonta vers la porte de sa cellule, empreint d’une nouvelle volonté chargée de colère. L’absence de contact avec l’extérieur l’empêchait de déterminer combien de temps il avait passé dans cette cellule mais les tortures étaient fréquentes.
C’était une chance que l’exécutant n’aie pas remarqué la disparition de la boucle de ceinture de son prisonnier. La pierre à laquelle étaient fixés ses liens s’effritait vite sous le métal mais avec un outil aussi primaire, le travail s’avérait long et fatiguant. Il arrivait souvent qu’un cri lointain résonne dans les couloirs et reconnaître sa propriétaire fut aisé pour lui.
Asélryn connaissait sans doute un sort similaire au sien.
Mais il était enfin temps d’y mettre un terme.
« - Est-ce que tu vas enfin te décider à parler cette fois ? »
Le tortionnaire ne prenait plus la peine de cacher son instrument fétiche depuis quelque temps. Ces piques de métal portaient un enchantement particulier qui amplifiait la douleur à ce qu’il avait compris. Des souffrances maximales pour des dégâts physiques réels minimes.
Le cultiste n’était pas seul cette fois. Dans la pénombre du fond de la salle se tenait une silhouette décharnée et aisément reconnaissable. Une goule. L’homme vint immédiatement titiller une plaie encore ouverte dans son bras gauche. Keln tressaillit avec un grognement.
« - Je pense qu’il est temps de mettre un terme à ce petit jeu. Si tu ne parles pas, je te laisserai seul et mourant avec notre amie. Elle est affamée tu sais ? »
Le détenu roula des yeux.
« - J’en ai assez de le répéter. Qu’es-tu venu faire ici ? Et pour le compte de qui ? »
Le Prestelame soupira.
« - La vérité risque de ne pas vous plaire… »
L’homme sourit, voyant que la menace de la goule changeait la donne.
« - Tu comptes donc répondre à ma question.
- C’est cela. »
Il fit mine de se réinstaller pour entamer un récit et le cultiste s’écarta légèrement pour l’écouter.
Une marge de manœuvre parfaitement suffisante.
D’un coup sec, il parvint à séparer la fixation de ses chaînes du mur et se releva d’un bond.
L’arme du sectateur fendit l’air mais le Prestelame fut nettement plus rapide, enfin libéré de ses liens. Le tortionnaire ouvrit la bouche pour donner à la goule l’ordre d’attaquer mais une frappe précise lui paralysa les cordes vocales avant qu’il n’aie pu émettre un son. Puis il sentit son poignet être violemment tordu et lâcha son arme. Le coude du roublard remonta et lui fracassa le nez avec un craquement sec puis le cultiste se retrouva jeté à terre. Keln récupéra la pointe enchantée et lui fit brutalement heurter le mur le plus proche, brisant la lame sur le coup. Ce qu’il en restait était bien assez pointu pour servir d’arme mais la pique enchantée avait été séparée et l’instrument avait sans doute perdu son pouvoir d’amplification de douleur.
Sans ciller, le Prestelame le lui enfonça dans l’abdomen, lui arrachant un hurlement atroce.
« - A mon tour de poser les questions. Où avez-vous enfermé Asélryn ?
- Tu crois que je vais te répondre ? Nous ne craignons pas la mort, nous la servons ! Tu ne tireras jamais rien d’un sectateur mourant, idiot ! »
Keln lâcha l’arme et s’écarta, comme convaincu par ses paroles.
« - Mourant… ? »
Il s’approcha de la porte où la goule patientait sagement et murmura la fin de sa phrase.
« - Tu as entendu ça mon gros ?
- Maaaan… ger ? »
Les cris de l’homme résonnèrent dans les couloirs pendant ce qui sembla être une éternité.
Un coup de pied net et appuyé. Une serrure sauta et la porte s’ouvrit à volée.
Rien ici…
Le Prestelame reprit sa course et se stoppa à la porte suivante. Il força de nouveau l’entrée. Il faisait généralement plus dans la finesse mais il n’avait ni le temps ni les outils.
Seulement des ossements…
Les cris du sectateur avaient fini par cesser mais ceux d’Asélryn également et Keln commençait à craindre le pire. Il ne se posait plus de question à présent, les choses étaient claires.
Ce n’était qu’une gamine et elle s’était retrouvée ici par sa faute. Le SI:7 n’hésitait pas à l’utiliser et la mettre en danger mais il ne voulait pas faire de même. Il devait réparer son erreur, la retrouver et la faire sortir de cette forteresse.
Un nouveau cri de douleur !
Quatre ou cinq portes plus loin !
Keln dépassa plusieurs geôles sans s’y attarder et ouvrit celle d’où le hurlement avait semblé lui parvenir pour trouver un sectateur, capuche baissée, s’affairer à torturer sa victime avec le même outil que celui auquel il avait eu droit. Il n’attendit pas une seconde pour agir.
L’homme se retourna brusquement mais le Prestelame s’était évaporé. Il le chercha du regard dans la petite salle mais reçut subitement un choc violent à l’abdomen et se plia en deux. Il sentit alors une main lui saisir le crâne puis son visage heurta brusquement le genou de l’elfe avant qu’il ne le lâche.
Sonné et à moitié aveuglé, le sectateur frappa sans voir devant lui et eut tout juste le temps de regretter son geste lorsqu’une poigne solide lui saisit le poignet. La seconde suivante, son propre instrument de torture traversait les chairs et transperçait son cœur de part en part.
Keln laissa le corps s’effondrer en laissant l’arme improvisée où elle se trouvait puis se mit à le fouiller pour récupérer les clés des fers. Un petit trousseau à sa ceinture lui permit de défaire rapidement les chaînes d’une Asélryn à demi-consciente. Plusieurs plaies étaient visibles sous son armure déchirée, et plusieurs offensaient la pudeur. Gamine ou pas, elle n’en avait plus tout à fait le corps et son geôlier avait décidé d’en profiter. Le Prestelame esquissa un rictus haineux en jetant un regard au cadavre derrière lui.
Il regretta de ne pas l’avoir fait plus souffrir.
« - C’était… un pas de l’ombre… ? »
Keln sursauta, ne s’attendant pas à entendre une voix faible et curieuse retentir après le traitement qu’elle avait subi. En prenant bien garde à ses blessures, il la souleva doucement et se dirigea vers la sortie.
« - C’en était un mais tais-toi. On parlera plus tard. »
Asélryn ne tarda pas à sombrer, bercée par les pas du Prestelame. Pour sa part, s’il n’était pas en train de s’assurer que la voie était libre, son regard était en permanence posé sur elle tandis que le remord le tiraillait. Il finit par s’arracher à ces sombres pensées et secoua la tête en soupirant.
Il ne manquerait plus que je m'attache à cette Gamine...
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
« - J’t’assure que ça va mieux !
- Nous attendrons quand même, ils n’ont pas été tendres. »
Tous deux perchés sur une corniche, les compagnons de mésaventure prenaient un peu de repos après leur éprouvant passage en cellule. Les grandes salles qui composaient cette citadelle possédaient souvent ce genre de renfoncement, une chance pour les évadés qui pouvaient y rester abrités. Asélryn semblait avoir étonnamment vite repris du poil de la bête. Keln avait d’abord eu du mal à y croire.
Une jeune fille de seize ans ne ressortait pas indemne de plusieurs jours de torture mais pourtant, elle était de nouveau déterminée à sortir. Elle lui avait même fait part de sa déception en apprenant le sort qu’il avait réservé à son tortionnaire.
« - T’aurais quand même pu me le laisser ! Au moins l’garder en vie pour que j’me venge un peu ! »
Le Prestelame comprenait peu à peu comment elle avait pu être recrutée si jeune par le SI:7. Elle était tout bonnement surprenante et faisait preuve d’une grande adaptabilité. L’ambiance sombre et confinée de ce bastion du Fléau avait de quoi mettre leur moral au plus bas mais elle gardait son entrain et sa force de caractère.
Cette tendance à toujours positiver lui rappelait cruellement sa sœur. Mais Déania était bel et bien morte, il n’avait pas à chercher quelqu’un capable de la remplacer. C’était simplement impossible.
« - On a assez attendu, on bouge maintenant ! »
L’elfe la dévisagea avec un long soupir.
Impossible de la faire tenir en place…
« - Bon ! Moi j’y vais en tout cas alors viens ou reste là !
- Tu penses sincèrement que tu pourrais sortir seule d’ici ? »
Il esquissa un léger sourire moqueur mais elle répliqua aussi sec.
« - Et toi ? »
Keln fut pris de court et se contenta de se passer une main sur le visage.
« - Ça doit être rageant de savoir que t’as besoin d’moi hein ? Après tout ce temps passé à m’fuir. Remarque, c’est bizarre aussi d’savoir la réciproque après avoir cherché à te tuer. Y a pas une semaine, je jurais que par ton nom.
- Tu m’en voulais pour tes compagnons ? »
Le silence retomba brusquement. Asélryn se défit du sourire qu’elle avait commencé à afficher avant de répondre.
« - Bien sûr… J’t’en veux toujours. Pourquoi tu m’as épargnée ce jour-là ?
- Je me suis montré moins cruel que certaines personnes.
- Parle pas par énigmes ! »
Keln se massa les sinus avant de répondre sur un ton froid.
« - Les deux hommes qui étaient avec toi n’avaient en tête qu’une seule idée : me tuer.
- Moi aussi !
- J’en doute. Quel âge avais-tu ?
- Quinze ans, mais qu’est-ce que ça a à voir ?!
- Si depuis ce jour tu as souffert, la plus grosse part de responsabilité ne revient pas au hors-la-loi qui n’a fait que sauver sa peau, mais aux monstres qui ont jeté une gamine dans un monde froid où le sang coule chaque jour.
- Répète ça pour voir ! Je ne suis PAS une gamine, c’est clair ?!
- Tu crois qu’avoir du sang sur les mains fait de toi une adulte ? Le SI:7 t’a mis ce sang sur les mains et tu auras beau le cacher, je sais que le visage de ta première victime t’a hanté et te hante peut-être encore. Je suis passé par là et crois-moi, ce n’est pas à quinze ans que l’on mérite de vivre une chose pareille !
- Tu accuses le SI:7 de la mort de Soren et Ernias ?!
- S’ils ne vous avaient pas envoyés me tuer, rien de tout ça n’aurait eu lieu ! Et pour ta gouverne, la seule offense que j’aie pu leur faire a été de refuser de les rejoindre. Voilà la justice de ton SI:7 ! »
Asélryn voulut répliquer mais ne trouva pas les mots. Avec un grondement rageur, elle lui tourna le dos avant d’aller s’asseoir un peu plus loin. Keln ne bougea plus, se contentant de secouer vaguement la tête.
Ce n'est pas en se querellant qu'on sortira d’ici vivants.
- Nous attendrons quand même, ils n’ont pas été tendres. »
Tous deux perchés sur une corniche, les compagnons de mésaventure prenaient un peu de repos après leur éprouvant passage en cellule. Les grandes salles qui composaient cette citadelle possédaient souvent ce genre de renfoncement, une chance pour les évadés qui pouvaient y rester abrités. Asélryn semblait avoir étonnamment vite repris du poil de la bête. Keln avait d’abord eu du mal à y croire.
Une jeune fille de seize ans ne ressortait pas indemne de plusieurs jours de torture mais pourtant, elle était de nouveau déterminée à sortir. Elle lui avait même fait part de sa déception en apprenant le sort qu’il avait réservé à son tortionnaire.
« - T’aurais quand même pu me le laisser ! Au moins l’garder en vie pour que j’me venge un peu ! »
Le Prestelame comprenait peu à peu comment elle avait pu être recrutée si jeune par le SI:7. Elle était tout bonnement surprenante et faisait preuve d’une grande adaptabilité. L’ambiance sombre et confinée de ce bastion du Fléau avait de quoi mettre leur moral au plus bas mais elle gardait son entrain et sa force de caractère.
Cette tendance à toujours positiver lui rappelait cruellement sa sœur. Mais Déania était bel et bien morte, il n’avait pas à chercher quelqu’un capable de la remplacer. C’était simplement impossible.
« - On a assez attendu, on bouge maintenant ! »
L’elfe la dévisagea avec un long soupir.
Impossible de la faire tenir en place…
« - Bon ! Moi j’y vais en tout cas alors viens ou reste là !
- Tu penses sincèrement que tu pourrais sortir seule d’ici ? »
Il esquissa un léger sourire moqueur mais elle répliqua aussi sec.
« - Et toi ? »
Keln fut pris de court et se contenta de se passer une main sur le visage.
« - Ça doit être rageant de savoir que t’as besoin d’moi hein ? Après tout ce temps passé à m’fuir. Remarque, c’est bizarre aussi d’savoir la réciproque après avoir cherché à te tuer. Y a pas une semaine, je jurais que par ton nom.
- Tu m’en voulais pour tes compagnons ? »
Le silence retomba brusquement. Asélryn se défit du sourire qu’elle avait commencé à afficher avant de répondre.
« - Bien sûr… J’t’en veux toujours. Pourquoi tu m’as épargnée ce jour-là ?
- Je me suis montré moins cruel que certaines personnes.
- Parle pas par énigmes ! »
Keln se massa les sinus avant de répondre sur un ton froid.
« - Les deux hommes qui étaient avec toi n’avaient en tête qu’une seule idée : me tuer.
- Moi aussi !
- J’en doute. Quel âge avais-tu ?
- Quinze ans, mais qu’est-ce que ça a à voir ?!
- Si depuis ce jour tu as souffert, la plus grosse part de responsabilité ne revient pas au hors-la-loi qui n’a fait que sauver sa peau, mais aux monstres qui ont jeté une gamine dans un monde froid où le sang coule chaque jour.
- Répète ça pour voir ! Je ne suis PAS une gamine, c’est clair ?!
- Tu crois qu’avoir du sang sur les mains fait de toi une adulte ? Le SI:7 t’a mis ce sang sur les mains et tu auras beau le cacher, je sais que le visage de ta première victime t’a hanté et te hante peut-être encore. Je suis passé par là et crois-moi, ce n’est pas à quinze ans que l’on mérite de vivre une chose pareille !
- Tu accuses le SI:7 de la mort de Soren et Ernias ?!
- S’ils ne vous avaient pas envoyés me tuer, rien de tout ça n’aurait eu lieu ! Et pour ta gouverne, la seule offense que j’aie pu leur faire a été de refuser de les rejoindre. Voilà la justice de ton SI:7 ! »
Asélryn voulut répliquer mais ne trouva pas les mots. Avec un grondement rageur, elle lui tourna le dos avant d’aller s’asseoir un peu plus loin. Keln ne bougea plus, se contentant de secouer vaguement la tête.
Ce n'est pas en se querellant qu'on sortira d’ici vivants.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Kronder, nain de son état et sectateur du Culte des Damnés à ses heures perdues, ne savait pas où donner de la tête. Les choses s’étaient mises à dégénérer quelques heures auparavant et maintenant, il se retrouvait dans une situation peu enviable. Foutu hasard !
Deux espions avaient été capturés dans le bastion deux jours plus tôt et ils en étaient donc à la phase d’interrogation. Le système était simple : Les torturer pour tirer d’eux un maximum d’informations sur les potentiels ennemis du Fléau ainsi que pour satisfaire les désirs sadiques de plusieurs d’entre eux. Mais Kronder n’était pas comme ça.
Bien sûr, il se dévouait corps et âme à la cause du Roi-Liche mais il trouvait inutile de faire souffrir ses ennemis plutôt que de les tuer immédiatement. Après tout, ceux-là subiraient encore une journée de torture (voire quelques heures selon l’humeur des têtes pensantes) avant d’être changés en goules serviles. Tout leur fatras de supplices physiques et mentaux n’étaient qu’une perte de temps.
Et pourtant, on l’avait assigné, lui, pour relever le tortionnaire de l’un des prisonniers (la jeune fille) et terminer le travail une fois cela jugé nécessaires par ses supérieurs. La nécromancie, c’était son truc en revanche. Il prenait même plaisir à voir ses victimes succomber puis renaître immortels et prêts à Le servir.
Mais le fait est qu’il ne prit pas cette relève, lui-même surpris par ce sursaut envers l’autorité. Et il avait reçu une bonne leçon : Les prisonniers avaient tué leurs geôliers et s’étaient évadés. Nul doute qu’il serait mort (et relevé) s’il avait fait ce qu’on lui avait demandé, et il avait pris un savon assez violent. Le meilleur moyen de se rattraper était désormais de les retrouver et de les exécuter avant de retourner voir les dirigeants avec deux belles goules fraichement relevées.
Cependant, la tâche n’était pas facile. Ils savaient se cacher les bougres, mais Kronder avait l’esprit logique et la connaissance des lieux. Ses proies devaient être éprouvées après ces séances de torture (au moins un avantage mais quelle idée de les laisser s’échapper !), ce qui lui donnait une longueur d’avance. Ensuite, ils chercheraient probablement à sortir. Il suffisait donc de leur bloquer la voie à un endroit précis qu’ils seraient forcés d’emprunter pour atteindre la sortie.
Cet endroit était une petite voute qui faisait office de passage entre une salle remplie de gargouilles endormies et un des nombreux laboratoires à Peste. C’est ici qu’il les coincerait.
Arrivant à la voute, il saisit les deux hachettes accrochées à sa ceinture et laissa les ombres le recouvrir. C’était un avantage qu’il avait sur beaucoup de ses confrères : une expérience de furtif. Avec cela, il n’avait plus qu’à attendre, invisible, que ses prisonniers n’arrivent, puis il les égorgerait tranquillement avant de les ranimer.
Si avec une telle prouesse il ne montait pas en grade, ce fut vraiment que ses supérieurs le détestaient.
Kronder attendit patiemment pendant plus d’une heure sous illusion. La patience était toujours récompensée au sein du Culte, ses proies ne pouvaient lui échapper.
Et soudain !
Cette distorsion de lumière, cet effet de flou à quelques mètres devant lui, il ne pouvait que le reconnaître.
Un camouflage imparfait.
L’une de ses proies était un furtif qui manquait visiblement d’entraînement. Un sourire se dessina sur son visage, ses dents à peine visibles sous sa barbe lui donnant un air un peu effrayant.
Il tenait enfin le succès qu’il attendait, et bien plus tôt qu’il ne l’imaginait. Il s’avança dans la direction de ce furtif imprudent. Avec la diminution de distance, il verrait sa proie de plus en plus nettement et…
Au second pas, un chuintement métallique, douleur atroce, chaleur de son sang échappé de sa trachée sectionnée. Il s’effondre, l’incompréhension la plus totale dans le regard.
Que devenaient ses rêves de gloire ?
Keln apparut en même temps qu’un nain se couvrant de son propre sang et, sans comprendre sur le coup, Asélryn laissa glisser les ombres pour redevenir visible à son tour.
« - Des furtifs… Je ne m’y serais pas attendu.
- Ça complique encore la tâche.
- Concentre-toi sur la route à suivre en espérant que ton intuition soit bonne. Je m’occupe des furtifs mais garde ton illusion le plus possible et fais un effort. Je te vois comme en plein jour.
- C’est normal ! J’utilise plus mon camouflage ! »
Le Prestelame se passa une main sur le visage. Qu’avait-il fait pour tomber sur une gamine pareille ? Il choisit d’entrer dans son jeu…
« - Et qu’est-ce que je viens de te dire ? Garde ton illusion idiote !
- Ça va ! Ça va ! »
Asélryn redevint invisible mais un peu trop visible au goût de Keln. Peu importe, ils feraient avec.
Deux espions avaient été capturés dans le bastion deux jours plus tôt et ils en étaient donc à la phase d’interrogation. Le système était simple : Les torturer pour tirer d’eux un maximum d’informations sur les potentiels ennemis du Fléau ainsi que pour satisfaire les désirs sadiques de plusieurs d’entre eux. Mais Kronder n’était pas comme ça.
Bien sûr, il se dévouait corps et âme à la cause du Roi-Liche mais il trouvait inutile de faire souffrir ses ennemis plutôt que de les tuer immédiatement. Après tout, ceux-là subiraient encore une journée de torture (voire quelques heures selon l’humeur des têtes pensantes) avant d’être changés en goules serviles. Tout leur fatras de supplices physiques et mentaux n’étaient qu’une perte de temps.
Et pourtant, on l’avait assigné, lui, pour relever le tortionnaire de l’un des prisonniers (la jeune fille) et terminer le travail une fois cela jugé nécessaires par ses supérieurs. La nécromancie, c’était son truc en revanche. Il prenait même plaisir à voir ses victimes succomber puis renaître immortels et prêts à Le servir.
Mais le fait est qu’il ne prit pas cette relève, lui-même surpris par ce sursaut envers l’autorité. Et il avait reçu une bonne leçon : Les prisonniers avaient tué leurs geôliers et s’étaient évadés. Nul doute qu’il serait mort (et relevé) s’il avait fait ce qu’on lui avait demandé, et il avait pris un savon assez violent. Le meilleur moyen de se rattraper était désormais de les retrouver et de les exécuter avant de retourner voir les dirigeants avec deux belles goules fraichement relevées.
Cependant, la tâche n’était pas facile. Ils savaient se cacher les bougres, mais Kronder avait l’esprit logique et la connaissance des lieux. Ses proies devaient être éprouvées après ces séances de torture (au moins un avantage mais quelle idée de les laisser s’échapper !), ce qui lui donnait une longueur d’avance. Ensuite, ils chercheraient probablement à sortir. Il suffisait donc de leur bloquer la voie à un endroit précis qu’ils seraient forcés d’emprunter pour atteindre la sortie.
Cet endroit était une petite voute qui faisait office de passage entre une salle remplie de gargouilles endormies et un des nombreux laboratoires à Peste. C’est ici qu’il les coincerait.
Arrivant à la voute, il saisit les deux hachettes accrochées à sa ceinture et laissa les ombres le recouvrir. C’était un avantage qu’il avait sur beaucoup de ses confrères : une expérience de furtif. Avec cela, il n’avait plus qu’à attendre, invisible, que ses prisonniers n’arrivent, puis il les égorgerait tranquillement avant de les ranimer.
Si avec une telle prouesse il ne montait pas en grade, ce fut vraiment que ses supérieurs le détestaient.
Kronder attendit patiemment pendant plus d’une heure sous illusion. La patience était toujours récompensée au sein du Culte, ses proies ne pouvaient lui échapper.
Et soudain !
Cette distorsion de lumière, cet effet de flou à quelques mètres devant lui, il ne pouvait que le reconnaître.
Un camouflage imparfait.
L’une de ses proies était un furtif qui manquait visiblement d’entraînement. Un sourire se dessina sur son visage, ses dents à peine visibles sous sa barbe lui donnant un air un peu effrayant.
Il tenait enfin le succès qu’il attendait, et bien plus tôt qu’il ne l’imaginait. Il s’avança dans la direction de ce furtif imprudent. Avec la diminution de distance, il verrait sa proie de plus en plus nettement et…
Au second pas, un chuintement métallique, douleur atroce, chaleur de son sang échappé de sa trachée sectionnée. Il s’effondre, l’incompréhension la plus totale dans le regard.
Que devenaient ses rêves de gloire ?
Keln apparut en même temps qu’un nain se couvrant de son propre sang et, sans comprendre sur le coup, Asélryn laissa glisser les ombres pour redevenir visible à son tour.
« - Des furtifs… Je ne m’y serais pas attendu.
- Ça complique encore la tâche.
- Concentre-toi sur la route à suivre en espérant que ton intuition soit bonne. Je m’occupe des furtifs mais garde ton illusion le plus possible et fais un effort. Je te vois comme en plein jour.
- C’est normal ! J’utilise plus mon camouflage ! »
Le Prestelame se passa une main sur le visage. Qu’avait-il fait pour tomber sur une gamine pareille ? Il choisit d’entrer dans son jeu…
« - Et qu’est-ce que je viens de te dire ? Garde ton illusion idiote !
- Ça va ! Ça va ! »
Asélryn redevint invisible mais un peu trop visible au goût de Keln. Peu importe, ils feraient avec.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Dépassant l’angle d’un mur, Asélryn peina à retenir une exclamation soulagée. Elle opta pour se plaquer au mur en clignant des yeux, aveuglée par ce qu’elle espérait tant voir depuis longtemps : de la lumière. La lumière du jour.
Excitée, elle chercha Keln du regard mais celui-ci était déjà visible à ses cotés, apparemment au fait de ce qu’elle venait de voir. Il le confirma en murmurant :
« - Garde la tête froide, nous ne sommes pas encore sortis. »
Elle se contenta de hocher la tête, submergée par une vague de bonheur à l’idée de quitter enfin cette maudite citadelle. Elle aurait tout donné pour sentir la chaleur du soleil, le souffle du vent, la fraicheur de…
Elle fut subitement plaquée contre le mur par le bras du Prestelame, redevenu invisible (quoiqu’elle fut capable de discerner plus ou moins sa silhouette, se trouvant juste à coté). Trois chevaliers de la mort passaient devant eux et Asélryn retint son souffle jusqu’à ce qu’ils soient éloignés. Elle en profita alors pour observer la pièce et savoir plus exactement d’où venait cette lumière.
Dans la salle se trouvaient entreposées de nombreux engins de siège, de la simple catapulte aux fameux chariots à peste du Fléau. L’endroit était naturellement gardé par des membres du Culte des Damnés, aisément reconnaissables à leurs tatouages. Au fond de la salle, une porte immense était équipée d’innombrables loquets et mécanismes. Elle ne semblait pas verrouillée, cependant ouvrir au moins un de ces battants immenses serait compliqué s’ils ne voulaient pas attirer l’attention.
La lumière qui éclairait la salle leur parvenait par plusieurs ouvertures de chaque coté de la porte massive, situées à quatre ou cinq mètres de hauteur. Plusieurs d’entre elles servaient de point d’observation à des squelettes équipés d’arcs et carquois qui scrutaient visiblement toute menace extérieure au bastion. Les murs en-dessous de ces meurtrières étaient lisses et Asélryn voyait mal comment les atteindre.
Elle sentit alors Keln lui tapoter la cuisse pour attirer son attention. Elle perçut vaguement qu’il lui faisait signe de suivre avant de s’écarter et redevenir totalement invisible à ses yeux. La jeune fille longea alors le mur dans la direction empruntée par le Prestelame.
Les trois runiques qu’ils avaient aperçus parvinrent au centre de la salle et se mirent à hurler des ordres aux laquais surveillant les machines de guerre.
« - Verrouillez la sortie ! Nous avons deux intrus en cavale et il est bien possible qu’ils arrivent très bientôt ici.
- Gardez l’œil ouvert et soyez prêts à les accueillir ! »
Asélryn n’eut pas besoin de comprendre le juron darnassien soufflé par Keln pour comprendre que la situation leur échappait. Les deux roublards se réfugièrent derrière une catapulte proche du dernier mur qui les séparaient de l’extérieur. Le Prestelame s’approcha de sa compagne de mésaventure pour murmurer le plus bas possible.
« - Je vais nous trouver un moyen de sortir, ne bouge pas d’ici. »
Elle voulut protester mais tout mot de trop pouvait être entendu par les sectateurs du Fléau. Et de toute manière, Keln n’était déjà plus à ses cotés…
Pendant qu’un cultiste esquissait quelques gestes de la main devant la porte, sa magie opérait et les loquets solidarisant les deux battants se refermèrent un à un avec des claquements secs. La sortie qu’ils cherchaient depuis des jours (des semaines ?) était maintenant scellée et les fléautiques, trois chevaliers compris, fouillaient la salle. Keln avait tout intérêt à vite trouver une issue.
Leur séjour en cellule avait été une horrible expérience et Asélryn osait à peine imaginer quel châtiment leur était réservé s’ils étaient pris. Cela dit, elle osa.
Sans s’en rendre compte, elle prêta moins attention à l’effervescence de la salle et dut se plaquer au sol en conservant son camouflage lorsqu’elle vit un chevalier de la mort poursuivre son inspection près de l’engin qui l’aidait à se dissimuler.
Idiote ! Tête-en-l’air ! Inconsciente ! Pauvre abrutie ! Comment tu peux te laisser distraire dans un moment pareil ?!
Le runique plissa les yeux et commença à contourner la machine. En le voyant trop approcher, Asélryn se glissa entre les roues, affinant au mieux son camouflage. Les pas se stoppèrent devant la Gamine, qui se mit à adresser une prière silencieuse à la Lumière qui l’avait abandonnée. Cela n’était plus arrivé depuis des années, depuis son échec…
Le chuintement d’une lame interrompit soudain sa prière.
Le chevalier était bien campé sur ses pieds, suffisamment écartés l’un de l’autre pour qu’Asélryn se faufile entre ses jambes pendant que la lame qui lui était destinée raclait le sol là où elle s’était tenue une seconde auparavant. Plus question de se cacher maintenant !
Le temps qu’elle se saisisse d’une de ses lames courtes, le runique avait fait volte-face mais elle fut assez rapide pour lui planter vivement son arme dans la gorge, laissée vulnérable malgré la lourde armure du non-mort. A cet instant, Asélryn s’attendait à tout… sauf à voir son adversaire sourire.
Qu’est-ce que j’ai encore raté… ?
D’un revers de sa main libre, le chevalier de la mort envoya la Gamine contre une catapulte voisine.
« - Elus et serviteurs du Fléau ! L’ennemi est ic… i ? »
Sous le regard effaré de la jeune roublarde, la tête du non-mort avait été séparée du reste de son corps avant d’avoir terminé sa phrase. Le Prestelame se tenait derrière lui, la lame de son long sabre ternie d’ichor. Asélryn voulut bafouiller des excuses mais Keln lui attrapa une épaule pour l’amener vers lui et se placer dos à dos avec elle.
L’affrontement était inévitable. Mais cette fois, elle ne devait plus le décevoir. C’était ça ou finir en goule pour de bon.
Les cultistes eurent tôt fait de les encercler, en restant cela dit à distance respectueuse. Les deux roublards attendaient patiemment, lames au clair et naturellement prêts à s’en servir. Le cercle de sectateurs laissa alors passer deux hommes qui vinrent se placer face à chaque intrus. Asélryn se serait volontiers appuyée sur Keln s’il ne s’était pas trouvé dans une situation similaire. Peu importe, c’était à elle de vaincre l’un des deux runiques pendant que son allié se chargeait du second. Ensuite, ils auraient à se débarrasser d’une bonne trentaine de cultistes avant de pouvoir sortir. Le tout bien évidemment avant l’arrivée de renforts fléautiques. « Un jeu d’enfant… » pensa-t-elle avec un sourire nerveux.
Excitée, elle chercha Keln du regard mais celui-ci était déjà visible à ses cotés, apparemment au fait de ce qu’elle venait de voir. Il le confirma en murmurant :
« - Garde la tête froide, nous ne sommes pas encore sortis. »
Elle se contenta de hocher la tête, submergée par une vague de bonheur à l’idée de quitter enfin cette maudite citadelle. Elle aurait tout donné pour sentir la chaleur du soleil, le souffle du vent, la fraicheur de…
Elle fut subitement plaquée contre le mur par le bras du Prestelame, redevenu invisible (quoiqu’elle fut capable de discerner plus ou moins sa silhouette, se trouvant juste à coté). Trois chevaliers de la mort passaient devant eux et Asélryn retint son souffle jusqu’à ce qu’ils soient éloignés. Elle en profita alors pour observer la pièce et savoir plus exactement d’où venait cette lumière.
Dans la salle se trouvaient entreposées de nombreux engins de siège, de la simple catapulte aux fameux chariots à peste du Fléau. L’endroit était naturellement gardé par des membres du Culte des Damnés, aisément reconnaissables à leurs tatouages. Au fond de la salle, une porte immense était équipée d’innombrables loquets et mécanismes. Elle ne semblait pas verrouillée, cependant ouvrir au moins un de ces battants immenses serait compliqué s’ils ne voulaient pas attirer l’attention.
La lumière qui éclairait la salle leur parvenait par plusieurs ouvertures de chaque coté de la porte massive, situées à quatre ou cinq mètres de hauteur. Plusieurs d’entre elles servaient de point d’observation à des squelettes équipés d’arcs et carquois qui scrutaient visiblement toute menace extérieure au bastion. Les murs en-dessous de ces meurtrières étaient lisses et Asélryn voyait mal comment les atteindre.
Elle sentit alors Keln lui tapoter la cuisse pour attirer son attention. Elle perçut vaguement qu’il lui faisait signe de suivre avant de s’écarter et redevenir totalement invisible à ses yeux. La jeune fille longea alors le mur dans la direction empruntée par le Prestelame.
Les trois runiques qu’ils avaient aperçus parvinrent au centre de la salle et se mirent à hurler des ordres aux laquais surveillant les machines de guerre.
« - Verrouillez la sortie ! Nous avons deux intrus en cavale et il est bien possible qu’ils arrivent très bientôt ici.
- Gardez l’œil ouvert et soyez prêts à les accueillir ! »
Asélryn n’eut pas besoin de comprendre le juron darnassien soufflé par Keln pour comprendre que la situation leur échappait. Les deux roublards se réfugièrent derrière une catapulte proche du dernier mur qui les séparaient de l’extérieur. Le Prestelame s’approcha de sa compagne de mésaventure pour murmurer le plus bas possible.
« - Je vais nous trouver un moyen de sortir, ne bouge pas d’ici. »
Elle voulut protester mais tout mot de trop pouvait être entendu par les sectateurs du Fléau. Et de toute manière, Keln n’était déjà plus à ses cotés…
Pendant qu’un cultiste esquissait quelques gestes de la main devant la porte, sa magie opérait et les loquets solidarisant les deux battants se refermèrent un à un avec des claquements secs. La sortie qu’ils cherchaient depuis des jours (des semaines ?) était maintenant scellée et les fléautiques, trois chevaliers compris, fouillaient la salle. Keln avait tout intérêt à vite trouver une issue.
Leur séjour en cellule avait été une horrible expérience et Asélryn osait à peine imaginer quel châtiment leur était réservé s’ils étaient pris. Cela dit, elle osa.
Sans s’en rendre compte, elle prêta moins attention à l’effervescence de la salle et dut se plaquer au sol en conservant son camouflage lorsqu’elle vit un chevalier de la mort poursuivre son inspection près de l’engin qui l’aidait à se dissimuler.
Idiote ! Tête-en-l’air ! Inconsciente ! Pauvre abrutie ! Comment tu peux te laisser distraire dans un moment pareil ?!
Le runique plissa les yeux et commença à contourner la machine. En le voyant trop approcher, Asélryn se glissa entre les roues, affinant au mieux son camouflage. Les pas se stoppèrent devant la Gamine, qui se mit à adresser une prière silencieuse à la Lumière qui l’avait abandonnée. Cela n’était plus arrivé depuis des années, depuis son échec…
Le chuintement d’une lame interrompit soudain sa prière.
Le chevalier était bien campé sur ses pieds, suffisamment écartés l’un de l’autre pour qu’Asélryn se faufile entre ses jambes pendant que la lame qui lui était destinée raclait le sol là où elle s’était tenue une seconde auparavant. Plus question de se cacher maintenant !
Le temps qu’elle se saisisse d’une de ses lames courtes, le runique avait fait volte-face mais elle fut assez rapide pour lui planter vivement son arme dans la gorge, laissée vulnérable malgré la lourde armure du non-mort. A cet instant, Asélryn s’attendait à tout… sauf à voir son adversaire sourire.
Qu’est-ce que j’ai encore raté… ?
D’un revers de sa main libre, le chevalier de la mort envoya la Gamine contre une catapulte voisine.
« - Elus et serviteurs du Fléau ! L’ennemi est ic… i ? »
Sous le regard effaré de la jeune roublarde, la tête du non-mort avait été séparée du reste de son corps avant d’avoir terminé sa phrase. Le Prestelame se tenait derrière lui, la lame de son long sabre ternie d’ichor. Asélryn voulut bafouiller des excuses mais Keln lui attrapa une épaule pour l’amener vers lui et se placer dos à dos avec elle.
L’affrontement était inévitable. Mais cette fois, elle ne devait plus le décevoir. C’était ça ou finir en goule pour de bon.
Les cultistes eurent tôt fait de les encercler, en restant cela dit à distance respectueuse. Les deux roublards attendaient patiemment, lames au clair et naturellement prêts à s’en servir. Le cercle de sectateurs laissa alors passer deux hommes qui vinrent se placer face à chaque intrus. Asélryn se serait volontiers appuyée sur Keln s’il ne s’était pas trouvé dans une situation similaire. Peu importe, c’était à elle de vaincre l’un des deux runiques pendant que son allié se chargeait du second. Ensuite, ils auraient à se débarrasser d’une bonne trentaine de cultistes avant de pouvoir sortir. Le tout bien évidemment avant l’arrivée de renforts fléautiques. « Un jeu d’enfant… » pensa-t-elle avec un sourire nerveux.
Asélryn / Towann
Re: La Gamine [Asélryn]
Le chevalier runique qui faisait face à Asélryn était un troll… ou un morceau de troll vu son état de décomposition avancé. Avec un ricanement inquiétant – rendu d’autant plus inquiétant par sa voix désincarnée – le non-mort dégaina deux haches ornées de runes. La roublarde perçut le chuintement d’une lame unique sortant d’un fourreau dans son dos. Vu que Keln avait déjà sorti sa lame, il s’agissait de l’autre chevalier de la mort.
Sachant qu’un combattant à deux armes était potentiellement avantagé face à un adversaire n’en possédant qu’une grande s’il jouait sur la vitesse, Asélryn aurait volontiers échangé sa place avec le Prestelame. Mais en l’état actuel des choses, elle se devait de surpasser son propre opposant sur leur terrain de prédilection commun.
Elle tira sa seconde lame et prit une posture défensive. Il valait mieux laisser la première attaque au troll et profiter de la concentration acquise pour l’éviter et tout miser sur la contre-attaque. C’était là une des premières leçons de son oncle, une méthode à employer lorsqu’on ne veut pas se fatiguer… mais en l’occurrence, il s’agissait de mettre toutes les chances de son coté.
Avec un rictus horrible, le runique tendit vers elle son poing gauche refermé sur le manche de sa hachette. Un éclair sombre la lia soudain à son adversaire et Asélryn se sentit irrémédiablement soulevée de terre et aspirée vers lui.
Ça, c’était pas prévu…
Pendant son vol, la Gamine focalisa son attention sur l’autre main du chevalier, qui allait sûrement porter le prochain coup. Elle plaça ses lames croisées sur la trajectoire de la hache qui s’abattait alors que sa cible arrivait tout juste à portée.
Premier tintement métallique.
Subitement poussée par son instinct, Asélryn retira ses lames et pivota sur elle-même pour s’écarter, évitant ainsi de voir la hache gauche du troll se planter dans son dos. Elle ne prit pas une seconde pour se féliciter de sa chance et fondit sur son adversaire.
La peur d’une mort douloureuse et d’une non-mort encore pire s’estompait, noyée par l’adrénaline du combat. La moindre erreur serait fatale, elle ne le savait que trop bien.
Après son dernier coup, le chevalier exposait brièvement son flanc, sous le bras gauche encore pris dans son élan. La lame d’Asélryn siffla mais ripa sur les plaques d’armure.
Déjà que survivre constituait un défi, elle devait en plus localiser les failles de l’armure pour que ses frappes aient un effet. Le tout en évitant ces haches au tournoiement infernal…
Le ricanement du troll reprit alors qu’il lâchait son arme gauche pour empoigner l’épaule de la jeune fille. Elle vit l’autre hachette filer vers son abdomen et parvint à dévier sa trajectoire avec la dague qu’elle avait gardée en retrait. L’acier runique trancha cependant le cuir de son armure en laissant une coupure peu profonde sur son flanc. Alors que la douleur la saisissait, elle se mit à réfléchir à toute vitesse pour sortir de ce mauvais pas.
Il fallait qu’il lâche son épaule pour qu’elle récupère sa mobilité. Aussitôt pensé, aussitôt exécuté.
La lame droite d’Asélryn traversa le poignet du non-mort en lui arrachant un grincement d’agacement – et non de douleur. La pression sur son épaule disparut mais alors qu’elle prévoyait de s’écarter, elle agit soudain différemment. La réalité sembla lui échapper alors que tout ne devenait plus que perceptions et gestes réflexes.
Retirer la lame de son poignet. Envoyer celle déjà en main vers sa gorge, il pare le coup. L’autre dague siffle vers une nouvelle ouverture de l’armure découverte à l’instant : son aisselle. L’acier pénètre la chair pourrie, un semblant de satisfaction le long du corps. Retirer l’arme avant qu’il ne tranche le bras la tenant. Un défaut de son armure – ou le vestige d’une blessure de guerre – offre une autre ouverture dans sa carapace d’acier, au niveau de la troisième côte gauche. Laisser les lames siffler en cœur vers ce point à une vitesse insoupçonnée. Brutalement déviées par une hache runique. Emportée sur le coté par mon élan, me fond dedans, deviens l’élan lui-même. Une rotation complète et rapide. Abattre brusquement le talon gauche sur sa tempe. Outre le choc, ça n’a pas l’air de lui faire grand-chose. Il saisit ma jambe. Mauvais. Très mauvais…
Le troll leva sa hache avec un sourire aussi édenté qu’hilare. Au vu de sa position, la gamine ne pourrait certainement pas éviter et une fois une belle plaie créée, les maladies ne tarderaient pas à l’assaillir et la rendre aussi inoffensive qu’un nouveau-né. Il adorait les nouveau-nés de son vivant. Cuits à point et assaisonnés d’herbes bienfaisantes et parfumées.
Bondis. Survole ton ennemi pendant que ta lame trace un sillon sanglant sur la longueur de son bras. Atterris derrière lui, fauche-le derrière les genoux pour le déséquilibrer. Il parvient à rester debout mais lâche la jambe d’Asélryn. Bien. Ton sabre frappe d’estoc, le chevalier esquive. Un pas parmi les ombres. Ton pied est sur son visage. Pression.
C’est estomaquée qu’Asélryn vit le Prestelame lui sauver encore une fois la vie. A l’aide de ce qui semblait être un pas de l’ombre, il venait de prendre appui sur la tête du troll avant de se projeter en arrière. Le non-mort, de son coté, fut brutalement envoyé au sol par la force et le poids du kaldoreï.
La Gamine n’en revenait pas. Comment avait-il pu venir à bout de son propre adversaire aussi vite avant de venir la sauver ?
Un grognement désincarné lui apporta la réponse : Keln n’avait pas éliminé son adversaire.
Elle voulut parler, s’expliquer sur sa situation, mais le Prestelame était déjà à ses cotés et lui passa un bras autour de la taille pour la tenir fermement contre lui. Muette de surprise, elle fixa l’elfe qui semblait se concentrer à ce moment fatidique. Puis soudain…
Keln fit un pas.
Asélryn et lui se retrouvèrent sur l’une des meurtrières donnant sur l’extérieur.
D’abord éblouie, elle vit le kaldoreï poser un genou à terre, suffoquant. A l’intérieur, les ordres étaient hurlés pour saisir les deux fuyards.
« - J’ai vraiment de la chance que tu sois prédisposée aux ombres… C’est la première fois que j’arrive à user d’un pas de l’ombre pour moi-même et une autre personne… Si tu avais été étrangère aux ombres, je n’y aurais peut-être pas survécu…
- Si tu veux survivre, boucle-la et saute ! »
Entraînant le Prestelame avec elle, Asélryn bondit à l’extérieur sans prendre la peine d’évaluer la hauteur. Ils chutèrent d’un peu plus de trois mètres avant de se heurter à un sol spongieux, couvert d’herbes hautes. La Gamine tenta de reprendre ses esprits, consciente qu’ils n’étaient pas encore tirés d’affaire, et le souffle puissant d’un vent glacial l’aida dans cette tâche.
Libre !!!
Keln se releva à son tour en grimaçant, encore éprouvé par son exploit. Ils échangèrent un regard lourd de sens, un regard que ne connaissent que ceux qui frôlent la mort ensemble et bien plus communicatif que la plupart des discussions. Mais un cri retentit soudain, une condamnation.
« - Assombrisseurs !!! Abattez-les !!! »
Keln n’était pas un spécialiste sur les appellations du Fléau mais il comprit vite ce que cela signifiait. Son regard passa d’Asélryn aux sous-bois situés à environ trois cent mètres de là.
« - Cours ! »
La Gamine ne se fit pas prier. Les deux roublards entamèrent une course contre la mort, un dernier sprint pour fuir cet enfer. Très vite – trop vite – de nombreux sifflements se firent entendre et les flèches se mirent à pleuvoir sur les fuyards.
Ils avaient parcouru la moitié mais ne devaient qu’à la chance de ne pas avoir été touchés. Le doute ébranla leurs esprits sans ralentir leur course. S’ils étaient perdus, ça n’était pas une raison pour faciliter la tâche des archers.
Les poumons d’Asélryn étaient en feu mais elle ne pouvait se résoudre à ralentir. Après tout ce temps enfermé, elle ne pouvait pas laisser sa liberté lui glisser entre les doigts. Pas si près du but.
Elle sentit un trait se ficher au sol après avoir frôlé son mollet, un autre s’enfoncer là où s’était trouvé son pied une fraction de seconde plus tôt, puis enfin un se planter dans la chair… mais pas la sienne.
Le Prestelame s’effondra, une flèche dans le bas du dos.
La course d’Asélryn se stoppa brusquement, chose qu’elle aurait jugé impossible un instant plus tôt. Elle avait devant elle, prêt à être achevé, un homme dont elle avait juré la mort, un homme qui avait tué ses compagnons, un homme qui n’avait pas hésité à risquer sa vie pour la sauver.
Elle n’arrivait pas à comprendre ses raisons et n’avait pas le temps d’étudier la question.
« - Qu’est-ce que tu fais ?! Cours !! »
Même dans cette situation, il ne se préoccupait que de sa survie à elle. Depuis leur première rencontre, il ne s’était préoccupé que de ça.
Passant le bras dans son dos, elle souleva comme elle put le Prestelame pour l’obliger à se relever. Et sans se soucier des flèches qui volaient et sifflaient autour d’eux, elle reprit sa course, ralentie par le poids de celui qu’elle était sensée tuer.
« - Lâche-moi ou on y passera tous les deux !
- Hors de question ! Tu pourras dire ce que tu voudras, j’ai mes propres notions d’honneur ! Je laisse pas crever comme ça celui à qui je dois la vie ! Qu’est-ce que t’essaies de faire depuis tout ce temps ? Hein ?! Toujours à m’épargner, voire me sauver ! Tu sais ce que j’en dis ?! J’en dis que tu vas survivre pour m’expliquer tes raisons ! Ensuite j’aviserai. Si tes explications me conviennent pas, je te livre à Shaw dans un paquet cadeau ! »
Un sourire finit par étirer les lèvres de Keln. Ce n’est qu’à cet instant que tous deux se rendirent compte qu’ils avaient déjà atteint la forêt qui les cachait à la vue des assombrisseurs d’un épais manteau de verdure. Derrière eux, la montagne qui dissimulait le bastion du Fléau ne fut bientôt plus visible. Asélryn laissa enfin une vague de soulagement la parcourir.
Vivants !
Sachant qu’un combattant à deux armes était potentiellement avantagé face à un adversaire n’en possédant qu’une grande s’il jouait sur la vitesse, Asélryn aurait volontiers échangé sa place avec le Prestelame. Mais en l’état actuel des choses, elle se devait de surpasser son propre opposant sur leur terrain de prédilection commun.
Elle tira sa seconde lame et prit une posture défensive. Il valait mieux laisser la première attaque au troll et profiter de la concentration acquise pour l’éviter et tout miser sur la contre-attaque. C’était là une des premières leçons de son oncle, une méthode à employer lorsqu’on ne veut pas se fatiguer… mais en l’occurrence, il s’agissait de mettre toutes les chances de son coté.
Avec un rictus horrible, le runique tendit vers elle son poing gauche refermé sur le manche de sa hachette. Un éclair sombre la lia soudain à son adversaire et Asélryn se sentit irrémédiablement soulevée de terre et aspirée vers lui.
Ça, c’était pas prévu…
Pendant son vol, la Gamine focalisa son attention sur l’autre main du chevalier, qui allait sûrement porter le prochain coup. Elle plaça ses lames croisées sur la trajectoire de la hache qui s’abattait alors que sa cible arrivait tout juste à portée.
Premier tintement métallique.
Subitement poussée par son instinct, Asélryn retira ses lames et pivota sur elle-même pour s’écarter, évitant ainsi de voir la hache gauche du troll se planter dans son dos. Elle ne prit pas une seconde pour se féliciter de sa chance et fondit sur son adversaire.
La peur d’une mort douloureuse et d’une non-mort encore pire s’estompait, noyée par l’adrénaline du combat. La moindre erreur serait fatale, elle ne le savait que trop bien.
Après son dernier coup, le chevalier exposait brièvement son flanc, sous le bras gauche encore pris dans son élan. La lame d’Asélryn siffla mais ripa sur les plaques d’armure.
Déjà que survivre constituait un défi, elle devait en plus localiser les failles de l’armure pour que ses frappes aient un effet. Le tout en évitant ces haches au tournoiement infernal…
Le ricanement du troll reprit alors qu’il lâchait son arme gauche pour empoigner l’épaule de la jeune fille. Elle vit l’autre hachette filer vers son abdomen et parvint à dévier sa trajectoire avec la dague qu’elle avait gardée en retrait. L’acier runique trancha cependant le cuir de son armure en laissant une coupure peu profonde sur son flanc. Alors que la douleur la saisissait, elle se mit à réfléchir à toute vitesse pour sortir de ce mauvais pas.
Il fallait qu’il lâche son épaule pour qu’elle récupère sa mobilité. Aussitôt pensé, aussitôt exécuté.
La lame droite d’Asélryn traversa le poignet du non-mort en lui arrachant un grincement d’agacement – et non de douleur. La pression sur son épaule disparut mais alors qu’elle prévoyait de s’écarter, elle agit soudain différemment. La réalité sembla lui échapper alors que tout ne devenait plus que perceptions et gestes réflexes.
Retirer la lame de son poignet. Envoyer celle déjà en main vers sa gorge, il pare le coup. L’autre dague siffle vers une nouvelle ouverture de l’armure découverte à l’instant : son aisselle. L’acier pénètre la chair pourrie, un semblant de satisfaction le long du corps. Retirer l’arme avant qu’il ne tranche le bras la tenant. Un défaut de son armure – ou le vestige d’une blessure de guerre – offre une autre ouverture dans sa carapace d’acier, au niveau de la troisième côte gauche. Laisser les lames siffler en cœur vers ce point à une vitesse insoupçonnée. Brutalement déviées par une hache runique. Emportée sur le coté par mon élan, me fond dedans, deviens l’élan lui-même. Une rotation complète et rapide. Abattre brusquement le talon gauche sur sa tempe. Outre le choc, ça n’a pas l’air de lui faire grand-chose. Il saisit ma jambe. Mauvais. Très mauvais…
Le troll leva sa hache avec un sourire aussi édenté qu’hilare. Au vu de sa position, la gamine ne pourrait certainement pas éviter et une fois une belle plaie créée, les maladies ne tarderaient pas à l’assaillir et la rendre aussi inoffensive qu’un nouveau-né. Il adorait les nouveau-nés de son vivant. Cuits à point et assaisonnés d’herbes bienfaisantes et parfumées.
Bondis. Survole ton ennemi pendant que ta lame trace un sillon sanglant sur la longueur de son bras. Atterris derrière lui, fauche-le derrière les genoux pour le déséquilibrer. Il parvient à rester debout mais lâche la jambe d’Asélryn. Bien. Ton sabre frappe d’estoc, le chevalier esquive. Un pas parmi les ombres. Ton pied est sur son visage. Pression.
C’est estomaquée qu’Asélryn vit le Prestelame lui sauver encore une fois la vie. A l’aide de ce qui semblait être un pas de l’ombre, il venait de prendre appui sur la tête du troll avant de se projeter en arrière. Le non-mort, de son coté, fut brutalement envoyé au sol par la force et le poids du kaldoreï.
La Gamine n’en revenait pas. Comment avait-il pu venir à bout de son propre adversaire aussi vite avant de venir la sauver ?
Un grognement désincarné lui apporta la réponse : Keln n’avait pas éliminé son adversaire.
Elle voulut parler, s’expliquer sur sa situation, mais le Prestelame était déjà à ses cotés et lui passa un bras autour de la taille pour la tenir fermement contre lui. Muette de surprise, elle fixa l’elfe qui semblait se concentrer à ce moment fatidique. Puis soudain…
Keln fit un pas.
Asélryn et lui se retrouvèrent sur l’une des meurtrières donnant sur l’extérieur.
D’abord éblouie, elle vit le kaldoreï poser un genou à terre, suffoquant. A l’intérieur, les ordres étaient hurlés pour saisir les deux fuyards.
« - J’ai vraiment de la chance que tu sois prédisposée aux ombres… C’est la première fois que j’arrive à user d’un pas de l’ombre pour moi-même et une autre personne… Si tu avais été étrangère aux ombres, je n’y aurais peut-être pas survécu…
- Si tu veux survivre, boucle-la et saute ! »
Entraînant le Prestelame avec elle, Asélryn bondit à l’extérieur sans prendre la peine d’évaluer la hauteur. Ils chutèrent d’un peu plus de trois mètres avant de se heurter à un sol spongieux, couvert d’herbes hautes. La Gamine tenta de reprendre ses esprits, consciente qu’ils n’étaient pas encore tirés d’affaire, et le souffle puissant d’un vent glacial l’aida dans cette tâche.
Libre !!!
Keln se releva à son tour en grimaçant, encore éprouvé par son exploit. Ils échangèrent un regard lourd de sens, un regard que ne connaissent que ceux qui frôlent la mort ensemble et bien plus communicatif que la plupart des discussions. Mais un cri retentit soudain, une condamnation.
« - Assombrisseurs !!! Abattez-les !!! »
Keln n’était pas un spécialiste sur les appellations du Fléau mais il comprit vite ce que cela signifiait. Son regard passa d’Asélryn aux sous-bois situés à environ trois cent mètres de là.
« - Cours ! »
La Gamine ne se fit pas prier. Les deux roublards entamèrent une course contre la mort, un dernier sprint pour fuir cet enfer. Très vite – trop vite – de nombreux sifflements se firent entendre et les flèches se mirent à pleuvoir sur les fuyards.
Ils avaient parcouru la moitié mais ne devaient qu’à la chance de ne pas avoir été touchés. Le doute ébranla leurs esprits sans ralentir leur course. S’ils étaient perdus, ça n’était pas une raison pour faciliter la tâche des archers.
Les poumons d’Asélryn étaient en feu mais elle ne pouvait se résoudre à ralentir. Après tout ce temps enfermé, elle ne pouvait pas laisser sa liberté lui glisser entre les doigts. Pas si près du but.
Elle sentit un trait se ficher au sol après avoir frôlé son mollet, un autre s’enfoncer là où s’était trouvé son pied une fraction de seconde plus tôt, puis enfin un se planter dans la chair… mais pas la sienne.
Le Prestelame s’effondra, une flèche dans le bas du dos.
La course d’Asélryn se stoppa brusquement, chose qu’elle aurait jugé impossible un instant plus tôt. Elle avait devant elle, prêt à être achevé, un homme dont elle avait juré la mort, un homme qui avait tué ses compagnons, un homme qui n’avait pas hésité à risquer sa vie pour la sauver.
Elle n’arrivait pas à comprendre ses raisons et n’avait pas le temps d’étudier la question.
« - Qu’est-ce que tu fais ?! Cours !! »
Même dans cette situation, il ne se préoccupait que de sa survie à elle. Depuis leur première rencontre, il ne s’était préoccupé que de ça.
Passant le bras dans son dos, elle souleva comme elle put le Prestelame pour l’obliger à se relever. Et sans se soucier des flèches qui volaient et sifflaient autour d’eux, elle reprit sa course, ralentie par le poids de celui qu’elle était sensée tuer.
« - Lâche-moi ou on y passera tous les deux !
- Hors de question ! Tu pourras dire ce que tu voudras, j’ai mes propres notions d’honneur ! Je laisse pas crever comme ça celui à qui je dois la vie ! Qu’est-ce que t’essaies de faire depuis tout ce temps ? Hein ?! Toujours à m’épargner, voire me sauver ! Tu sais ce que j’en dis ?! J’en dis que tu vas survivre pour m’expliquer tes raisons ! Ensuite j’aviserai. Si tes explications me conviennent pas, je te livre à Shaw dans un paquet cadeau ! »
Un sourire finit par étirer les lèvres de Keln. Ce n’est qu’à cet instant que tous deux se rendirent compte qu’ils avaient déjà atteint la forêt qui les cachait à la vue des assombrisseurs d’un épais manteau de verdure. Derrière eux, la montagne qui dissimulait le bastion du Fléau ne fut bientôt plus visible. Asélryn laissa enfin une vague de soulagement la parcourir.
Vivants !
Asélryn / Towann
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