La femme au Serpent

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Message  Lyla Lun 01 Fév 2010, 03:36

La Danse

Elle redresse le dos et relève la tête, le visage plutôt neutre voire un peu sévère. Elle lève les mains parées de dessins au henné vers le ciel. Les sabres frottés d'huile pailletée d'or se croisent au dessus de sa tête. Un pied vers l’avant, d’une saccade le bassin s’anime. Main et sabre chutent en cascade vers le nombril. Son regard fier rivé sur ses spectateurs, le second cimeterre rejoint le premier. Les hanches impriment dans l’air la mélodie alambiquée.

Un étrange mélange de sévérité et de sourires oubliés orne le visage encore adolescent. Ses yeux presque entièrement noirs pétillent de vie. Une moue pas encore sensuelle, mais plus vraiment boudeuse s’attarde sur les traits durs. Au rythme de la danse, les étoffes rouge et or amplifient les mouvements, les soulignent pour les sublimer. Un pantalon ample de lin vermeil, un haut assorti, la tenue ne laisse apparaître que sa taille fine. Une ceinture d’étoffes riches et chatoyantes agrémente le costume d’une note luxueuse. Les lames arabesques s'élèvent encore avec une précision qui s'augure meurtrière. Le rythme de la danse s’accélère. La danseuse tourbillonne, ondule ventre nu. Sur ce paysage de sable, le serpent couleur sang l’accompagne.

Entre la démonstration d’arme et la danse à la gloire de la féminité, toute de douceur et de volupté, le savant mélange entre la rigueur et l’abandon.

On ne peut nier qu’elle était bonne danseuse, c’était au moins une magie qu’elle maitrisait au grand dam de sa mère. La seule fille au bout de nombreux garçons, seule fille et seul enfant ne présentant aucun don à part celui d’être… une fille, une honorée. Elle était pourtant si fière lors de sa naissance, si fière qu’elle l’avait appelé « La Splendide » dans leur langue.

Une naissance attendue, calculée, préparée, planifiée. Le meilleur patrimoine génétique possible : Une mère pyromancienne et un père Porte-Flamme. Ses trois frères étaient déjà solides jeunes hommes lors de sa naissance. Des frères qu’elle ne vit au final que peu et une mère trop occupée par leur futur statut, l’enfant s’épanouissait dans un univers réduit à son père. Il l’entraina, rigoureux, sans tendresse excessive mais avec un soin presque maniaque de la polir de ses défauts. Il était fier d’elle à chacun de ses pas, chacune de ses victoires. Mais quoiqu’il arrivait, pour la mère, la « Splendeur » n’eut jamais l’éclat rêvé.

Même dans la danse, elle verrait quelques choses à redire. Choix de la tenue, de la coiffure, du nouveau nom qu’elle avait gagné en se battant, peu importe, ça ne serait jamais assez… Les membres du Clan sont rudes et les sentiments ne sont que rarement exprimés avec des mots. La mère lui offrait cependant une des pires choses pour une enfant : le mépris et l’indifférence soigneusement entrelacés.


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Message  Lyla Lun 01 Fév 2010, 11:31

La plupart des gens diraient qu’elle lui inculquait rigueur, tenue, envie de se dépasser. Pour la génitrice, l’idée ne lui avait même jamais effleurée l’esprit. Dès l’instant où elle comprit que son enfant ne serait qu’une protectrice, elle s’en désintéressa. En plus de son inutilité, l’enfant l’encombrait. Elle l’encombrait tellement qu’elle en négligea sciemment un devoir de plus, ne lui cherchant jamais d’époux.

Cette liberté apparente s’avérait son exact contraire. Un mur supplémentaire à la boîte étriquée dans laquelle la Génitrice aurait souhaité enfermé l’enfant. Personne ne songe à un hypothétique mariage avant un certain âge, mais les adultes causent. Leurs remarques désobligeantes enchevêtraient autant que d’épaisses ronces et étouffaient les rires de l’enfant.

Dans un peuple où tout est fait pour améliorer la race, ce non-mariage fut pris par certains comme un aveu de la génitrice : la défaillance de son enfant. « Cela ne sert à rien de nourrir cette bouche-là ». « Une bouche inutile ne mérite pas de survivre. » Ce genre de remarques fut pire que le manque d’eau et de nourriture pour l’enfant. Après quelques années, la génitrice y perçut une honte, un encombrement supplémentaire. Elle interdit à l’enfant de se réclamer d’elle. L’on pourrait voir là un sordide tableau du Clan, pourtant ça n’est pas le cas. Cela n’avait pas facilité la survie de l’enfant de trouver des mains fermées, là ou elle aurait dû en trouver des ouvertes, mais à défaut de mère, elle eut le reste.

La danseuse détache son regard de celle qui aujourd’hui réapparait mère à nouveau. L’attrait de la moindre étincelle de gloire rend la génitrice aussi avide qu’une hyène. S’accaparer reconnaissance et statut n’est qu’une maigre consolation pour l’encombrement que l’enfant avait suscité.

Les pas virevoltants de la danseuse marquent le sable de dessins complexes. Elle ne lui en tient étrangement pas rigueur, bien que ce regard faux fasse remonter des souvenirs désagréables. Toute la colère qu’elle avait pu ressentir un jour s’était mué en indifférence. La danse touche à son terme et lorsqu’elle croise le regard fier de sa grand-mère sur les dernières notes lancinantes, elle ne peut retenir un sourire radieux.

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Message  Lyla Lun 15 Fév 2010, 15:11

Le soleil épouse l’horizon, s’étire en caresse sur le sable et perce doucement le voile scintillant des dernières étoiles. Elle foule déjà le sable depuis de longues heures, profitant de la douceur du petit matin. Ses nuits sont toujours courtes, même celles qui succèdent aux fêtes. Son pas s’allonge, jusqu’à devenir course. Il lui faut arriver aux rochers avant le cagnard de midi.

Le campement s’éveille doucement. Les jeunes profitent des heures fraiches pour leur entrainement. Le bruit de l’acier entrechoqué tire du lit les quelques paresseux ayant trop profité de la fête. Les reliefs des festivités sont rapidement effacés par quelques hommes affairés. Le Palais de la Reine des Flammes, joyau reposant sur le tissu des tentes bigarrés, scrute l’Enfant entamant son ascension. Joueuse, elle se défie de son regard, disparaît entre les roches brunes pour réapparaitre quelques mètres plus haut.

Le khamsin, vent chaud et sec du désert, se lève brutalement, rugissant entre les rochers. Le sable soulevé forme déjà une brume fine autour du Dirah. Encore quelques mètres… Le soleil culmine bientôt dans le ciel. Elle jette un dernier regard au Dirah avant de s’enfoncer dans la pénombre d’une grotte.

Elle se débarrasse de son foulard, respire une gorgée d’air frais et minéral. Un bref instant, elle ferme les yeux.

Elle avait six ans. Gamine efflanquée et colérique, elle n’avait de cesse de courir, pour aller là où nait le khamsin. Les cris des hommes qu’elle bousculait, le bruit de l’acier des portes-flammes s’entrainant, on pouvait parfois percevoir son petit rire d’enfant ou ses cris défiant le vent. Ce jour-là, elle était particulièrement agitée. Elle courrait, courrait sans regarder devant elle. C’est à ce moment-là qu’elle l’a bousculé.

C’était déjà un jeune « homme » de onze ans. Fin, aux muscles nerveux, les traits anguleux et sévères, il avait les yeux verts les plus magnifiques qu’elle n’avait jamais vu. Pétillants de vie et de gentillesse. Il était vêtu comme elle, de la tenue des futurs porte-flammes. Contrairement à ce dont on pouvait s’attendre de la part d’un jeune adolescent, il releva la gamine en s’excusant. « Je suis navré, Honorée, de vous avoir bousculée ». Les deux savaient qu’elle était responsable et pourtant il s’inclinait devant l’enfant-femme comme devant une reine. Elle le dévisagea un long moment, puis lui tira la langue avant de s’enfuir.

Piqué au vif par une gamine aussi malpolie, il se mit en chasse. Elle avait l’avantage de la taille, passait facilement en-dessous de paniers de nourriture qu’on menait vers la réserve. Lui, il devait s’arrêter, ou s’excuser pour se faufiler entre deux personnes affairées.

Quelques centaines de mètres plus loin des dernières tentes, le pierrier offrait des caches intéressantes pour l’enfant. Elle se faufilait, pied nus entre les rochers. Habituée à leur chaleur, elle s’enfonçait dans le petit dédale rassurant, pour s’asseoir dans un coin à l’ombre, le temps que son cœur cesse de battre la chamade.

Un serpent, dérangé par les vibrations des pas de l’enfant, se faufila hors de son nid. Il trouva là, une proie intéressante, une petite créature beige gigotant tranquillement. Affamé par la surveillance étroite de ses jeunes, il sauta sur sa proie ! Les crocs aussi effilés que des dagues s’enfonçaient profondément dans la chaire tendre. Ses anneaux vermeils s’enroulaient autour de la proie gesticulante, cherchant à étouffer les derniers soubresauts nerveux de celle-ci. Le venin déjà parcourait les veines, commençant sa sinistre besogne.

Il la localisa grâce au hurlement de terreur et de douleur mêlées. Elle agitait la jambe en l’air en pleurant. Le serpent cramoisi ne la lâchait plus. Rapide, il se débarrassa de sa chemise. Il s’en arma pour avancer doucement vers l’enfant. D’un autre geste vif, il saisit la vipère, au niveau du cou. Il pressait pour la faire ouvrir la gueule à nouveau, s’efforçant de la faire lâcher le mollet de la petite. La Flamme sait quel miracle, il réussit à enfermer le prédateur dans le sac improvisé avec sa chemise. Fièrement, il considéra un instant sa prise et l’enfant. Sans crier gare, il souleva la gamine sur un de ses épaules et détala, la mort au trousse, vers le campement.

Il fit éruption dans une tente. Déjà la vieille femme lui jetait un regard courroucé, se redressant de toute sa hauteur. A bout de souffle, il articula à grand peine un « Serpent ».

La vieille femme réagit au quart de tour, lui donnant des ordres tout en sortant le serpent du sac avec assurance. La gamine fut allongée au centre de la tente. Son corps était entièrement raide. Pressant la tête de la vipère contre un bocal, la vieille femme le forçait à donner ses dernières gouttes de poison. Une fois cela ça fait, elle libéra la vipère. Au lieu de filer, celle-ci se borna à onduler pour trôner fièrement sur le ventre de l’enfant.

Epuisé par ses aventures, le serpent se lovait doucement sur la chaire tiède. Il gorgeait de la chaleur, paresseusement. Alors, il se passa un événement étrange. Une fine lueur or rouge se répandit doucement autour de l’enfant agonisante. Le venin suppurait hors de la plaie, bannit de son écrin. Les traits figés de la petite se détendaient doucement. Le poison au filament de sang gouttait sur le sable, le marquant comme des petites larmes.

La vieille femme s’agenouilla auprès de la petite, lui caressant lentement la joue. Incrédule, elle fixait le serpent, le sable humide… Quelques minutes plus tard, la petite émit un petit grognement. « Tzîl ? Réveille-toi mon enfant ». « Tzîl ? »

« Tzîl ? ». Il la regarde dans la pénombre de leur cache. Il torsade son bouc fin, trônant à présent fièrement sur son menton. « Je suis ravi, que vous ayez accepté de me voir, Honorée ». Il s’approche d’elle, la plaque contre lui. Il plonge son visage dans l’épaisse chevelure sombre. « Vous êtes battu vaillamment, Honorée » Contre son torse, elle sourit.
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