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Le sifflement du Serpent

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Le sifflement du Serpent Empty Le sifflement du Serpent

Message  Angron Manus Ven 08 Aoû 2014, 23:49

Ce n’était pas un trône. Non, loin de là. Juste un amoncèlement grossier, un tas de rebuts. Des os, de la pierre, du bois et des ombres. Une masse informe, sculptée par un maitre d’œuvre dont les notions élémentaires de géométrie semblaient avoir été perverti par on ne sait quel trouble de l’esprit.

Les êtres qui rampaient au pied de son trône – CE N’EST PAS UN TRONE, MISERABLE – les êtres qui furent autrefois humains ne présentaient aucune forme logique, pas le moindre semblant de symétrie physionomique, et encore moins d’harmonie. Leurs membres couverts de croute purulente trainaient derrière eux, disgracieux et disproportionnés. Des morceaux de chairs dont la plupart n’étaient que des amas de nécrose, assemblés à la hâte pour leur permettre de…. De quoi, d’ailleurs ? Il n’y avait pas plus d’utilité que de beauté dans ces carcasses mouvantes. Ce n’était là que des éclats malsains, des engeances nés de brefs élans de folie ou de génie pervers.

Ils formaient à vrai dire une masse grouillante, ignoble et puante. Un tapis de serviteurs, suffisamment décérébré pour ne pas s’entretuer afin de mettre fin à leurs souffrance, mais assez intelligents pour ressentir en détail leur condition, chaque étincelle de douleur, et les abysses de leur détresse.
Seule l’une d’elle échappait à ce bourbier cancéreux. Un être fragile, délicat, et presque sain de corps. Presque.
Elle apparaissait comme une jeune fille au teint pâle et aux cheveux fins, incolores. Ses traits semblaient avoir été lissés, ou repassés, comme pour en effacer quelques replis ingrats. Elle conservait malgré cela son visage d’antan, à l’exception de ses deux yeux blancs cassés, dépourvu de l’éclat d’intellect des êtres de ce monde.

Elle se tenait mains croisés, sagement, vêtue d’une humble robe de paysanne. Une adorable enfant tout juste adulte, chaussée de petits souliers vermeilles, et portant sur son dos un manteau aux couleurs de l’automne. Elle ne bougeait pas,  immobile au milieu des créatures qui se tortillaient, impassible au concert ignominieux des gargouillements, des râles et des spasmes d’agonie sans fin qui agitaient les enveloppes charnelles des choses au sol.
Elle observait. Du moins, elle portait son regard vers celui qui se tenait en haut du monticule. Il caressait entre ses mains une pierre anguleuse, aux reflets violacés, dont chaque facette laissait voir des volutes danser à l’intérieur de l’étrange objet. Un instant, on eut cru y voir un incendie, et l’instant suivant, c’était le visage d’une femme brune à la beauté trop parfaite pour être saine. Il posa simplement la pierre sur un accoudoir fait d’un mélange de chair humaine et d’obsidienne, puis descendit les marches à la rencontre de la demoiselle.

Il était changeant. Non pas simplement différent par sa posture ou son visage, non, il changeait. A la première marche, c’était un vieillard vouté, à la peau si ridée qu’il semblait être fait d’écorce d’un chêne centenaire. Son regard tendre s’alliait à la perfection à son sourire édenté, de vieux bonhomme tendre et doux, celui d’un grand père fatigué d’avoir trop chouchouté ses petits-enfants.

A la seconde marche, il était un jeune trentenaire, portant une sublime armure de chevalier de Lordaeron. Une chevelure blonde, un sourire charismatique à faire fondre le cœur des dames, et une assurance qui vous aurait fait croire que le ciel est rouge s’il l’avait évoqué avec force.

A la troisième marche, ce n’était plus qu’un enfant d’une dizaine d’année, vêtu de loques, miséreux. Cependant, ses yeux froids et sérieux auraient laissés des sueurs froides au plus vaillant des soldats, tant ils étaient dénués de la moindre humanité.

A la quatrième marche, ce n’était plus un homme, mais une femme, matrone rousse aux airs gaillards, qui trainait son surpoids dans des robes trop ostentatoires, maquillée comme une putain un jour de foire.

Ainsi, de marche en marche, il changeait. Sans cesse, sans qu’on ne puisse voir à quel moment le changement s’opérait, ni de quelle manière. Ne restait qu’un détail, toujours, cette chevalière frappée d’un serpent sifflant, qu’il faisait tourner entre ses doigts. Lorsqu’il se retrouva en bas, il vint poser sa main – celle d’un homme d’âge mûr, vêtu de robes sombres, à la chevelure argent – sur la joue de la demoiselle. Aucune chaleur ne venait ni de l’un, ni de l’autre. Deux corps froids comme la neige, se rencontrant, dans un geste paternel.

« Ma chère et tendre enfant. Tu es si belle, à présent. Débarrassée de tes... impuretés. Vas. Vas, et murmure leur ce qu’ils souhaitent entendre. Susurre à leurs oreilles fragiles, les mensonges éhontés, les vérités insupportables. Que ceux qui m’ont tout prit souffrent, jusqu’à me rendre au centuple»

La chose qui se présentait comme une jeune fille hocha faiblement la tête. Elle déposa une ébauche de baiser sur les doigts du Changeant, levant un regard vide vers lui. Son murmure se perdit dans les borborygmes du bestiaire malsain à leurs pieds. Elle s’éclipsa, silencieux, sautillant sur la pointe de ses talons vermeils.

Lorsqu’Anna Reeds eu laissé le Changeant seul, il se mit à rire et siffler, faisant de nouveau rouler sur sa langue et ses lèvres les syllabes délicieuse qu’il avait choisi d’apprendre depuis peu. Un nom, une clef, une nouvelle porte vers les chemins de son juste tribut. Il les murmura encore, et encore, remontant sur l’immondice purulent qu’il se refusait à appeler trône. Il continuait encore de susurrer ce nom, alors qu’il porta à son cœur le cristal violacé ou dansait l’âme de la belle brune, comme s’il berçait un nouveau-né.

« Al-run… Al-run… »
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