Au bord d'un abysse
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Au bord d'un abysse
Un promontoire rocheux s'étend au dessus du bord de mer. L'herbe y est rase, peinant à grandir dans cette terre de rocaille, baignant dans une atmosphère trop saline. Un homme est étendu sur le dos à côté de moi, il porte une chemise bleue à carreau, qui donnerait sur tout autre un air ridicule. Lui pourrait porter du rose, des motifs à fleurs ou à écailles qu'il resterait lui même.
Son avant bras passé sur le haut du visage le protège du soleil de cette fin d'après midi. Il dort, sa main libre pressée sur sa poitrine.
Officiellement, je peux argumenter que je veille sur son sommeil. Officieusement, je vole quelques instants passés au près de lui. Ma main se place entre l'astre solaire et son visage, mes doigts en retracent les contours tels que je les devine. Une mâchoire volontaire, des lèvres fines qui grimacent autant qu'elles sourient, sous son avant bras je redessine ses yeux rougis, les iris cerclés d'écarlate, pour la fin, je souligne de l'ombre de mon index la cicatrice qui traverse sa gorge. S'il ne peut être qualifié de beau, son charisme est indéniable. Il ne comprendra jamais cet attrait que les autres éprouvent pour lui, pourtant, il devra le gérer.
Appuyée sur mon avant bras, je respire son odeur. Le parfum de lessive, de l'amidon qui raidit son col, un restant d'eau de cologne et les fragrances plus acidulées, printanières, parfum d'agrumes, se mêlant à l'ambiance iodée qui nous environne. Mes sens exacerbés pillent, avides, avares, affamés de sa présence, grappillent la moindre information olfactive. Le tableau se complète de vagues paresseuses nous berçant de son ressac si caractéristique, d'une brise tiède bruissant dans les courts brins d'herbes. Les minutes s'écoulent, terriblement précieuses, ces instants où je reste à contempler les cheveux fins, gris d'acier, gris d'argent brossé, ces moments où je me lance dans un babillage silencieux, sur des sujets aussi anodins que futiles, des commentaires idiots qui le pousseraient à me répondre. Rien que pour entendre sa voix rauque et basse, celle qui s'éraille de temps en temps en toux brève.
Même dans son sommeil il se cache, se roulant sur le côté, enfonçant son menton dans le col de sa chemise parfaitement repassée. J'en souris, reconnaissant là sa timidité maladive dès que l'attention est portée sur lui. Un réflexe qu'il garde dans l'inconscience. Ma main passe au dessus de son bras, mon ombre impalpable ne froissera pas le tissu, ne l’apaisera pas. Il ne sera pas non plus obligé de me repousser, j'ai promis après tout.
***
Le vent se lève, charrie une odeur de bois brûlé, de bois humide et de bois vert. Seules deux personnes dans mon entourage portent l'odeur de bois brûlé, une seule cependant y combine ces notes. Nath.
Sa tenue est étrange, à la fois robe et armure, le vêtement semble végétal, un entrelacs qui ne semble tressé sur aucun motif ordonné, comme si une partie de la forêt avait grandit directement sur lui. Ses membres fins s'étirent dans un mouvement délié, une ossature ascétique qui me fait penser à Veldrin. Nath ouvre, ou écarte un pan de son amure, dégage avec une lenteur solennelle un ensemble de trois roses tressées, aux pétales larges, couvrant un spectre de couleur allant de l'orange éclatant au rouge le plus profond, presque noir.
D'ordinaire je n'aime pas les fleurs coupées, il y a quelque chose d'incompréhensible à rendre la beauté plus éphémère qu'elle ne l'est déjà, pour la seule raison d'exprimer ses sentiments. Ne vous y trompez pas, je ne milite pas pour la sauvegarde de chaque brin d'herbe ou celles des petits animaux en voie de disparition. Je chasse et tue ma part de gibier, j'apporte mon quota de mort violente dans l'équilibre de ce monde.
Les fleurs sont magnifiques, sans racine... elles sont comme nous.
Nathan a du faire le trajet jusqu'en Gilneas, il a du voir les terres meurtries, ressentir jusque dans ses os ce retour douloureux dans son passé. Dans notre passé.
Il a retrouvé les massifs de roses de la veuve Cordell, il me raconte qu'étant petits, nous lui en chipions. Nath partage ses souvenirs, les souvenirs d'Olivia.
Je suis assise, les jambes repliées contre mon buste, mes bras passés autour de mes genoux, mes doigts tendus vers le druide.
Olivia a besoin de lui. J'ai besoin de lui. Mes doigts tremblent, Nath est assis à côté de moi mais il demeure trop loin, inaccessible. Je vais lui faire du mal, encore. Je pose mon front sur mon avant bras, tente d'étouffer l'attirance, l'instinct, le désir.
Je sombre... je sombre jusqu'à ce que ses ailes amortissent ma chute...
Jusqu'à ce que ses bras entourent mon corps tremblant, jusqu'à ce que je me déploie contre lui, cherchant à enfouir mon visage au creux de son cou, jusqu'à ce que sa présence délimite mon univers.
Nos mains, nos lèvres, s'accordent, s'unissent, s'harmonisent. Ses gestes perdent de leur fébrilité, se débrident, passionnés. Ses contacts me semblent particulièrement familiers, estompent mes pensées pour laisser place à un assouvissement primal.
Enveloppée dans une langoureuse léthargie, je n'éprouve pas le besoin de dormir, laisse mes pensées vagabonder. Hyjal, les flammes, Nath ressentira bientôt le besoin impérieux d'y retourner, que devrais-je faire, l'y accompagner ? Ces combats me paraissent si lointains, les enjeux si abstraits...
Son avant bras passé sur le haut du visage le protège du soleil de cette fin d'après midi. Il dort, sa main libre pressée sur sa poitrine.
Officiellement, je peux argumenter que je veille sur son sommeil. Officieusement, je vole quelques instants passés au près de lui. Ma main se place entre l'astre solaire et son visage, mes doigts en retracent les contours tels que je les devine. Une mâchoire volontaire, des lèvres fines qui grimacent autant qu'elles sourient, sous son avant bras je redessine ses yeux rougis, les iris cerclés d'écarlate, pour la fin, je souligne de l'ombre de mon index la cicatrice qui traverse sa gorge. S'il ne peut être qualifié de beau, son charisme est indéniable. Il ne comprendra jamais cet attrait que les autres éprouvent pour lui, pourtant, il devra le gérer.
Appuyée sur mon avant bras, je respire son odeur. Le parfum de lessive, de l'amidon qui raidit son col, un restant d'eau de cologne et les fragrances plus acidulées, printanières, parfum d'agrumes, se mêlant à l'ambiance iodée qui nous environne. Mes sens exacerbés pillent, avides, avares, affamés de sa présence, grappillent la moindre information olfactive. Le tableau se complète de vagues paresseuses nous berçant de son ressac si caractéristique, d'une brise tiède bruissant dans les courts brins d'herbes. Les minutes s'écoulent, terriblement précieuses, ces instants où je reste à contempler les cheveux fins, gris d'acier, gris d'argent brossé, ces moments où je me lance dans un babillage silencieux, sur des sujets aussi anodins que futiles, des commentaires idiots qui le pousseraient à me répondre. Rien que pour entendre sa voix rauque et basse, celle qui s'éraille de temps en temps en toux brève.
Même dans son sommeil il se cache, se roulant sur le côté, enfonçant son menton dans le col de sa chemise parfaitement repassée. J'en souris, reconnaissant là sa timidité maladive dès que l'attention est portée sur lui. Un réflexe qu'il garde dans l'inconscience. Ma main passe au dessus de son bras, mon ombre impalpable ne froissera pas le tissu, ne l’apaisera pas. Il ne sera pas non plus obligé de me repousser, j'ai promis après tout.
***
Le vent se lève, charrie une odeur de bois brûlé, de bois humide et de bois vert. Seules deux personnes dans mon entourage portent l'odeur de bois brûlé, une seule cependant y combine ces notes. Nath.
Sa tenue est étrange, à la fois robe et armure, le vêtement semble végétal, un entrelacs qui ne semble tressé sur aucun motif ordonné, comme si une partie de la forêt avait grandit directement sur lui. Ses membres fins s'étirent dans un mouvement délié, une ossature ascétique qui me fait penser à Veldrin. Nath ouvre, ou écarte un pan de son amure, dégage avec une lenteur solennelle un ensemble de trois roses tressées, aux pétales larges, couvrant un spectre de couleur allant de l'orange éclatant au rouge le plus profond, presque noir.
D'ordinaire je n'aime pas les fleurs coupées, il y a quelque chose d'incompréhensible à rendre la beauté plus éphémère qu'elle ne l'est déjà, pour la seule raison d'exprimer ses sentiments. Ne vous y trompez pas, je ne milite pas pour la sauvegarde de chaque brin d'herbe ou celles des petits animaux en voie de disparition. Je chasse et tue ma part de gibier, j'apporte mon quota de mort violente dans l'équilibre de ce monde.
Les fleurs sont magnifiques, sans racine... elles sont comme nous.
Nathan a du faire le trajet jusqu'en Gilneas, il a du voir les terres meurtries, ressentir jusque dans ses os ce retour douloureux dans son passé. Dans notre passé.
Il a retrouvé les massifs de roses de la veuve Cordell, il me raconte qu'étant petits, nous lui en chipions. Nath partage ses souvenirs, les souvenirs d'Olivia.
Je suis assise, les jambes repliées contre mon buste, mes bras passés autour de mes genoux, mes doigts tendus vers le druide.
Olivia a besoin de lui. J'ai besoin de lui. Mes doigts tremblent, Nath est assis à côté de moi mais il demeure trop loin, inaccessible. Je vais lui faire du mal, encore. Je pose mon front sur mon avant bras, tente d'étouffer l'attirance, l'instinct, le désir.
Je sombre... je sombre jusqu'à ce que ses ailes amortissent ma chute...
Jusqu'à ce que ses bras entourent mon corps tremblant, jusqu'à ce que je me déploie contre lui, cherchant à enfouir mon visage au creux de son cou, jusqu'à ce que sa présence délimite mon univers.
Nos mains, nos lèvres, s'accordent, s'unissent, s'harmonisent. Ses gestes perdent de leur fébrilité, se débrident, passionnés. Ses contacts me semblent particulièrement familiers, estompent mes pensées pour laisser place à un assouvissement primal.
Enveloppée dans une langoureuse léthargie, je n'éprouve pas le besoin de dormir, laisse mes pensées vagabonder. Hyjal, les flammes, Nath ressentira bientôt le besoin impérieux d'y retourner, que devrais-je faire, l'y accompagner ? Ces combats me paraissent si lointains, les enjeux si abstraits...
Heliven
Re: Au bord d'un abysse
A marcher sur le fil du rasoir, au dessus d’un gouffre sans fond, par une nuit de tempête… on finit par sombrer.
Mes pas ne me mènent nulle part en particulier. J’évite simplement l’étang d’Olivia, la caserne et l’écurie, le reste n’a pas vraiment d’importance. Rien n’en a vraiment.
Plus pour me changer les idées que par réel intérêt, je retourne en Hyjal, porte les messages et les petits colis, en estafette infatigable. J’essaie d’imaginer ma rencontre avec Ceillan Ombrefeuille, j’essaie de penser à quelqu’un d’autre.
Quelque chose, en moi, se fragmente, s’étiole, se meurt.
Les mots… peuvent être tellement plus douloureux que les coups.
Ils rongent, macèrent, gangrènent l’âme impitoyablement.
Il y a pire que le sentiment de perte. Bien pire…
Ceux qui demeurent inaccessibles, si près, trop proche, à portée de main… sans que rien ne soit possible.
C’est cela, que je t’ai imposé, n’est-ce pas ? Un sentiment pire que la souffrance, ce déchirement insupportable que tu ressens dès que ton regard se pose sur le visage, la silhouette trop familière d’Olivia.
Je donne trop, ou trop peu… je torture, à ma manière, bien plus efficacement que n’importe quel bourreau. Cailan me l’avait déjà reproché, je n’avais pas su comprendre à l’époque…
Mon museau repose contre mon flanc, je suis roulée en boule, couvant l’espoir insensé d’être acceptée dans un monde minéral, figé, inerte. Froid.
Mes pas ne me mènent nulle part en particulier. J’évite simplement l’étang d’Olivia, la caserne et l’écurie, le reste n’a pas vraiment d’importance. Rien n’en a vraiment.
Plus pour me changer les idées que par réel intérêt, je retourne en Hyjal, porte les messages et les petits colis, en estafette infatigable. J’essaie d’imaginer ma rencontre avec Ceillan Ombrefeuille, j’essaie de penser à quelqu’un d’autre.
Quelque chose, en moi, se fragmente, s’étiole, se meurt.
Les mots… peuvent être tellement plus douloureux que les coups.
Ils rongent, macèrent, gangrènent l’âme impitoyablement.
Il y a pire que le sentiment de perte. Bien pire…
Ceux qui demeurent inaccessibles, si près, trop proche, à portée de main… sans que rien ne soit possible.
C’est cela, que je t’ai imposé, n’est-ce pas ? Un sentiment pire que la souffrance, ce déchirement insupportable que tu ressens dès que ton regard se pose sur le visage, la silhouette trop familière d’Olivia.
Je donne trop, ou trop peu… je torture, à ma manière, bien plus efficacement que n’importe quel bourreau. Cailan me l’avait déjà reproché, je n’avais pas su comprendre à l’époque…
Mon museau repose contre mon flanc, je suis roulée en boule, couvant l’espoir insensé d’être acceptée dans un monde minéral, figé, inerte. Froid.
Heliven
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