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La Flamme et le Papillon : écrit du Salon, par Ambre

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Message  Septimus Kromann Dim 04 Mai 2014, 21:02

Les principales bibliothèques de l'Alliance se seront vues complétées par une nouvelle étude publiée par le Salon et rédigée par Ambre, nouvellement nommée Hôte Consulaire. Comme à l'accoutumée, l'écrit aura été estampillé par les responsables de l'organisation et les habitués pourront en reconnaître le cachet.
Intitulé "La Flamme et le Papillon", l'ouvrage ne manquera pas de satisfaire les adeptes de philosophie Draenei.



La Flamme et le Papillon

Sur les traces de l'anachorète Onaasheï.


par Ambre
corrigé et traduit du draeneï par Ione Densilla



Ecrire, c'est écouter le silence. [1][2]
1 - Introduction

Qui du peuple draeneï n'a pas entendu au moins une fois un poème, un conte ou un aphorisme de l'anachorète Onaasheï ?
Même s'il est admis que la plupart des paroles attribuées à Onaasheï sont apocryphes, et principalement celles que nous citons aujourd'hui, celles qui modèlent notre manière de percevoir le monde, nul ne songerait sérieusement à nier l'importance de sa pensée dans notre culture.

Bien que la naissance d'Onaasheï se perde dans la nuit des souvenirs des plus anciens d'entre nous, il semble que la plupart de ses textes qui nous sont parvenus datent de ce que nous appelons l'âge des Elfes [3].
Durant cette période, si l'on en croit le témoignage de l'exarque [4] Nasuun l'Ancien, Onaasheï, qui avait reçu une formation de vindicateur [5], aurait traversé une longue période de remise en question, doutant de sa foi, s'interrogeant sur la nature profonde des Naarus et sur la texture même de ce qu'il est convenu d'appeler la réalité.
Cette traversée des ténèbres a fait supposer à certains que les textes fondateurs d'Onaasheï avait été influencés par quelque langueur causée par la perte de notre premier monde. D'autres, au contraire, estiment que trouble, manque et indécision mènent à la connaissance nue, s'appuyant en cela sur la célèbre pensée de l'Anachorète qui pourrait à elle seule résumer une grande partie de son oeuvre.
Toute réponse est insuffisante.
C'est la question qui importe, et qui remet constamment tout en question.


Ne demande pas ton chemin à qui le connaît, mais à celui qui, comme toi, le cherche.
Ceci est le récit d'un court voyage en Draenor, durant le printemps de l'an 34, entrepris dans l'espoir d'en apprendre davantage sur celui dont les contes ont bercés l'enfance de nombre d'entre nous et la poésie formée nos visions d'avenir.


2 - Telhamat

Sitôt arrivées au Bastion de l'honneur, notre première tâche a été de nous rendre à Telhamat, dans la Péninsule des flammes, afin de nous confronter avec les fameuses légendes dites des grottes peintes.
Une rumeur tenace, répandue jusqu'en Nagrand et Zangar, raconte qu'un groupe de vindicateurs, fuyant le voile de corruption qui s'abattait alors sur des haut-lieux comme Karabor, désespérés et sentant leur fin proche, auraient enseveli un trésor inestimable dans les nombreuses grottes naturelles de la Péninsule. Suivant les versions, les époques ou les régions, le trésor caché est décrit comme composé de parchemins fondamentaux, ou encore de cristaux rares renfermant d'anciens savoirs, voire d'obscures puissances, ou même encore d'armes inconnues et bien sûr terrifiantes volées à la Légion.

Le fait surprenant est que ce groupe de légendes auxquelles nul ne pourrait croire sans un enthousiasme forcené ait pu ainsi traversé des âges troublés et survivre jusqu'à aujourd'hui. Nous avons nous même rencontré une Rouée qui nous a narré la version 8b [6] avec les accents les plus sincères et sans nul doute persuadée qu'il suffirait un jour à un héros chanceux ou ingénu d'aller fouiller les grottes et de déterrer ces artefacts divins pour reconquérir notre monde natal.

Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre, en parlant le lendemain avec les prêtres de Telhamat, que des parchemins avaient été jusqu'à une époque récente régulièrement mis à jour dans les environs des grottes. Alors que nous présentions nos recherches à une petite assemblée - heureuses de distraire un court instant par nos chimères le quotidien ascétique de ces hommes et de ces femmes vivant loin de tout -, il nous fut en effet expliqué avec quelques sourires qu'il était arrivé qu'un berger, un nomade ou des militaires en patrouille découvrent des poteries scellées contenant des parchemins, certes en mauvais état malgré le climat excessivement sec.
Les rares pièces qui avaient survécu au transport dans des conditions plus que sommaires, ou aux pillages d'étrangers rendus avides par l'illusion de tenir entre leurs mains de puissantes runes élaborés par nos ancêtres, transitaient par Telhamat. Là, elles avait été minutieusement décrites, inventoriées, proprement emballées et envoyées à Shattrath.

Les prêtres nous apprirent également que dans cette région, en plein désert profond, entre Telhamat et la Citadelle des Flammes, une minuscule communauté d'ermites survivait tant bien que mal, disséminée dans le labyrinthe des collines écrasées de chaleur et dans l'ombre fugace de ravins perdus.
Quiconque n'a jamais traversé ces terres rouges, là où même les serpents et les scorpions ne s'aventurent pas, peut difficilement imaginer pays plus inhospitalier et impropre à la vie. A notre grande honte, nous devons confesser que nous crûmes tout d'abord que les vénérables religieux de Telhamat s'amusaient à nos dépends, qu'ils tentaient de nous faire marcher [7].
Le chemin s'ouvrait devant nous, et il semblait mener au coeur du désert.


3 - Le désert profond
Le désert fut ma terre.
Le désert est mon voyage, mon errance.

Toujours entre deux horizons ;
entre horizon et appels d'horizons.
Outre-frontière.

Le sable brille comme l'eau
dans la soif inextinguible.
Tourment que la nuit endort.
Nos pas font gicler la soif.
Absence.

Viendra, bientôt, la pluie
pour laver l'âme des morts.
Laissez passer les ombres brûlées,
les matins aux arbres sacrifiés.
Fumée. Fumée.
[8]

La Flamme et le Papillon : écrit du Salon, par Ambre Vue0210

Vue du désert des Flammes depuis Telhamat.

Bien évidemment, nous ne trouvâmes rien. Rien d'important ou qui n'avait pas déjà été cartographié, patiemment ratissé et répertorié. Même s'il parlait par métaphore et n'évoquait rien de concret, nous nous répétâmes à en rire les paroles d'Onaasheï :
Tu ne trouveras rien dans le désert, que ce que tu portes en toi.
Ici, toutes les routes se croisent.
Tu suivras ton chemin de poussière.
[9]
Des nombreuses grottes que nous explorâmes, la plupart étaient vides, et depuis très longtemps. Deux d'entres elles grouillaient de fauchepierres affamés, l'une avait manifestement servi de repaire à des contrebandiers de l'Alliance, et une autre semblait encore utilisée de manières sporadique par des nomades, sans doute pour de courtes haltes diurnes, lorsque la fournaise brûle la peau et les yeux.
Nous visitâmes enfin, dans l'une des plus sauvages gorges de la région, une émouvante chapelle troglodyte décorée à la chaux. Les nombreux motifs complexes peint sur les parois et le plafond ne nous permirent pas de les rattacher à un culte connu, contemporain ou passé, mais aucune de nous n'avait les connaissances théologiques suffisantes.

A côté, une petite cavité retint notre attention par la façon dont le volume intérieur avait été manuellement et subtilement modifié. Une pièce centrale aux proportions agréables et aux angles droits donnait accès à deux petites chambres rondes. Au sol, une sorte de socle arasé de forme carrée était encore visible.
Sans nous concerter, nous éprouvâmes l'envie de nous asseoir et, dos au mur, dans l'axe de l'entrée, nous contemplâmes le jeu des derniers rayons du lumière qui venaient embraser un court moment le fond de la grotte. Lorsque le soleil sombra par delà les falaises arides, j'eus le sentiment que ce lieu oublié, silencieux, ne pouvait que convenir pour questionner son âme et pour approcher la pensée d'Onaasheï.
Où j'étais quand je n'étais pas né ?

-------------------------------------------------
[1]. Toutes les notes de bas de page sont de la traductrice.
[2]. Sauf indications contraires, les citations sont extraites des Prières de sable, textes attribués à Onaasheï et rassemblés par l'anachorète Yasht.
[3]. La période dite Age des Elfes s'étend de -14.000 à -4.000 suivant la datation en vigueur dans l'Alliance, qui place l'an 1 à l'ouverture de la Porte des ténèbres.
[4]. Titre honorifique autrefois utilisé signifiant littéralement "celui qui a lu [étudié] les textes sacrés."
[5]. Ordre ancien des redresseurs de torts draeneï, davantage tourné vers le combat et animé par une foi souvent vengeresse.
[6]. Les différentes versions de la légende - dite des grottes peintes ou du renouveau - associée aux grottes de la Péninsule et offrant la promesse d'un trésor enfoui sont classées en sous-groupes. La 8b parle de cristaux renfermant une sagesse archaïque, gardés par un Naaru.
[7]. En commun dans le texte.
[8] et [9]. Le Livre des assemblances, fragment 42. Attribué à Onaasheï.



4 - Shattrath

Revenues de nos rêves d'aventure, nous dûmes nous rendre à l'évidence, les parchemins retrouvés dans le désert par les prêtres de Telhamat étaient envoyés à Shattrath. Nous devions les suivre.
Sitôt arrivées, nous nous rendîmes à la bibliothèque où nous fîmes la connaissance de l'ancienne Inassera.

Inassera est une Draeneï qui semble hors d'âge, elle se déplace difficilement, son visage est marqué et l'une de ses cornes cassée. Dans son regard, à la fois lointain et pourtant si présent, on pourrait presque revivre la chute d'Argus et ressentir les souffrances de notre long exil.
Bien que n'ayant aucune fonction officielle à la bibliothèque, tous ceux qui nous croisions se comportaient envers elle avec la plus attentive déférence, veillant à son bien-être au point que celle-ci en paraissait incommodée, voire franchement agacée. Une novice nous apprit plus tard, une lueur de dévotion dans le regard, qu'Inassera avait longtemps côtoyé le Prophète et était l'une des rares survivantes du massacre de Shattrath. Elle nous dit qu'on la voyait souvent parcourir la ville basse de son pas claudiquant, respectée de tous, dispensant des soins ou des paroles de réconfort aux plus démunis, ou s'enquérant des besoins des enfants de l'orphelinat.
La beauté vient de l'amour.
L'amour vient de l'attention, l'attention vive à toutes vies.
[10]

La beauté des mères dépasse infiniment la gloire de la nature.
Les mères naissent en même temps que leurs enfants.
Les mères nourrissent leurs petits avec du lait et avec du songe, venu du plus secret de leur enfance.
Il vient à leurs lèvres dans la douceur des berceuses et des paroles susurrées.
[11]
Inassera dû percevoir notre volonté sincère de mieux comprendre la pensée d'Onaasheï, ou peut-être rencontra-t-elle l'Anachorète durant sa longue existence, ou peut-être fut-elle simplement touchée par notre candeur et notre désir puéril de vouloir bien faire... Toujours est-il qu'elle se montra attentive et nous accorda un peu de son temps.
Elle nous questionna à propos du monde d'Azéroth, sur lequel elle n'avait jamais posé un sabot, nous parla de l'arrivée de notre peuple sur Draenor et de toutes ses promesses, de la difficulté d'enseigner les voies de la Lumière dans un monde en perpétuel mouvement, des dieux du commencement et aussi de ceux de la fin, des formes panchroniques de l'ombre et de notre destin qui demeurait inchangé et qui se résumait à un seul mot depuis le début de l'éternité : pardonner.

Elle nous recommanda de ne jamais douter des Naarus, de laisser le silence parler, ou, au mieux, de bien réfléchir avant de parler car, nous dit-elle "Très peu de vraies paroles s'échangent chaque jour, vraiment très peu.", de toujours suivre notre coeur car en toute dernière analyse, nous connaissons déjà ce que nous recherchons, d'aimer sans compter, de ne pas se fier aux augures et de ne pas se baigner dans l'eau vive lorsque les lunes sont en conjonctions.
Enfin, elle s'arrêta devant une armoire un peu à l'écart, l'ouvrit et nous montra les écrits répertoriés sous le nom de fragments de Telasmaar.

5 - Une vie de dévotion
La vie n'est que la mort qui vibre.
Les parchemins qu'on nous laissa étudier étaient relativement bien conservés. Tous venaient du désert profond, d'une région autrefois nommée Telasmaar et dont l'emplacement exact avait été oublié dans les mémoires, ou définitivement perdu lors de l'éclatement de Draenor.
Tous avaient été écrits par la même personne et certaines graphies ou idiotismes laissent penser qu'ils l'avaient été par un Draeneï.

L'auteur - qui ne se nommait sur aucun des parchemins retrouvés - tentait de décrire, au début tout du moins, sa vie dans un ermitage du désert rouge, ses années passées parmi une petite communauté de moines et d'ascètes, espérant se faire adopter par l'un d'entre eux qu'il voulut reconnaître comme étant l'anachorète Onaasheï, bien qu'il ne soit nulle part expliqué pourquoi.
Cette série de parchemins est dite fragmentaire non pour ses quelques manques ou ses parties illisibles, mais parce que la lecture en est de plus en plus chaotique, au point qu'il semble que la raison de l'auteur se soit dispersée au fil du récit.

Dans les premiers rouleaux, on apprend comment il partagea la vie des ermites, se nourrissant de lézards crus les jours fastes, ne buvant que quelques gouttes d'eau saumâtre qu'un des leurs s'offrait à aller chercher à de très longues distances, en signe de pénitence ou d'humilité. Il décrit des Draeneï au corps parfois suppliciés par les privations mais toujours rayonnants d'une grâce et d'une bonté qu'il ne comprenait pas mais qui le poussait à rester avec eux.

Nul prédateur ne s'aventurait au abords de l'ermitage, ni dans les gorges avoisinantes. Les moines n'avaient plus sur eux que des lambeaux de vêtements, quelques uns allaient même nus, mais leur foi semblait les protéger des nuits glaciales. Sans bois, nourriture ni eau, la Lumière les portait.
Presque toujours immobiles, assis du crépuscule de l'aube jusqu'à celui du soir, il semblait impossible de savoir s'ils dormaient ou s'évadaient dans d'insondables méditations. Les temps de veille, d'introspection, de prière et de sommeil se confondaient, abolissant les frontières entre nos différents états de conscience. Ils parlaient à peine, grognaient parfois, hormis lors des repas pris en commun ou lors d'une sorte de jeu où ils se roulaient entre eux dans la poussière en déclamant des textes sacrés.
Bien qu'une aura de Lumière perceptible semblait les baigner, jamais il ne les vit invoquer de magie consciemment.

Au début, il peina à abandonner toute intimité - la communauté ayant apparemment aboli toute structure sociale - et préféra se creuser une niche dans l'argile, un peu à l'écart. Il allait chercher l'eau plus souvent qu'à son tour, espérant ainsi être accepté, sans s'apercevoir qu'il avait été reconnu comme frère dés le premier instant.
Tous semblaient avoir oublié leur passé, leurs parents et même leur propre nom. Ainsi, il oublia lui aussi qui il était et d'où il venait.

Peu à peu - mais les manuscrits deviennent plus obscurs - il renonça à toute magie, à toute raison, et partagea parfois les rêveries des ermites. Il vécu comme Onaasheï l'avait souhaité, des millénaires plus tôt.
Renoncer au temps qui passe, soupirer dans son sommeil.
Il écrivit de moins en moins mais ressenti le besoin de dessiner ce qu'il vivait, ou croyait vivre, couvrant le sol de signes et de symboles qu'il traçait dans le sable rouge, effaçait de la main et dessinait encore. Les parchemins montrent quelque unes de ces figures, parfois anthropomorphes, souvent stylisées ou abstraites, mais à ce jour toujours hermétiques.
La suite est plus difficile à comprendre, la syntaxe devenant chaotique, comme si l'auteur ne se souciait plus d'être lu par autrui mais plutôt pressé de prendre quelques notes, peut-être les derniers liens entre ses moments de lucidité et de longues transes en quête d'absolu et de vérité nue.
Trois hauts murs se tiennent entre la Lumière et nous, trois épaisseurs de temps.
Passé, l'ombre des parents, portée loin en avant sur nos jours.
Présent, l'ombre de nos actes, cette image de nous fige nos pensées.
Et enfin l'ultime opacité, le proche avenir, la peur de se perdre, ou de mourir.
Les tout derniers rouleaux redeviennent lisibles, même si la calligraphie semble pénible, voire méconnaissable. L'auteur s'efface, abandonnant la première personne pour n'écrire que de brèves phrases, quelques courts paragraphes ou poèmes, que l'on considère comme étant le résultat de ses méditations, ou les mots qu'il entendit autour de lui.
Si l'on admet que l'auteur a réellement retrouvé et côtoyé Onaasheï parmi ces ermites, suivant la voie du renoncement le plus inconditionnel, alors les derniers fragments de Telasmaar pourraient être les derniers textes de l'Anachorète. A l'inverse, imaginer une oeuvre communautaire et apocryphe, tardivement réunie, semble tout aussi pertinent.

Quel que soit l'auteur des derniers fragments, nul doute que là-bas, au coeur d'un désert perdu, en un temps oublié, des textes fondateurs ont été écrits pour tenter de nous emmener au delà des apparences du monde. Sans crainte de tomber ou mourir, oubliant le poids du monde, les anachorètes de Telasmaar se sont jeté à corps perdu dans la dévotion et l'ascèse pour tracer une voie sans concession, mais néanmoins empreinte d'une grande douceur, vers la Lumière.
La vérité est partout, à portée de main, cachée derrière la moindre feuille ou sous la moindre pierre.
Elle ne doit rien à la grandeur supposée de nos fortunes ou de nos esprits.
La vérité tient sa lumière en elle-même, non dans celui qui la dit.
La vérité n'est jamais si grande que dans l'humiliation de celui qui l'annonce.
[12]

Croire, c'est donner son coeur, sans rien espérer en retour.
-------------------------------------------------
[10] et [11]. Le Livre des mères. Attribué à Onaasheï.
[12]. Révélations, verset 8, dit "l'étoile". Attribué à Onaasheï.



6 - La flamme et le papillon

En repliant le dernier rouleau dans le calme de la bibliothèque de Shattrath, seulement troublé par le froissement d'un tissu contre le bois d'un meuble ou le froissement des parchemins, nous restâmes silencieuses un long moment. Enfin, nous nous mîmes en quête d'Inassera.

Elle nous expliqua patiemment, comme une mère répète sans fatigue les mêmes leçons à des enfants turbulents, que les fragments de Telasmaar étaient bien connus des érudits et des théologiens, étudiés et recopiés de nombreuses fois, mais jamais intégrés à la partie connue et authentifiée de l'oeuvre d'Onaasheï pour deux raisons.
D'une part, aucune position déterminante n'était sorti des différents conclaves réunis pour juger de l'authenticité des manuscrits et les philologues concernés n'estimaient pas la fin des débats avant de nombreuses décennies, voire davantage. D'autre part, quasiment tous les écrits intelligibles de Telasmaar se retrouvaient, parfois au mot près, dans l'oeuvre, maintes fois publiée et largement diffusée durant le dernier millénaire, de l'Anachorète.

Inassera brisa ainsi nos rêves, avec tendresse et fermeté, comme une mère répète sans fatigue à ses enfants trop sages que la vie ne se déroule que très rarement comme on l'avait imaginé.
En se fracassant, nos rêves dûrent résonner dans la bibliothèque et lui rappeler qu'elle aussi avait été transportée par les poèmes d'Onaasheï, ou attirée un temps par le désert rouge, ou jeune tout simplement. Elle nous conduit à une petite alcôve, nous fit servir un thé épicé et répondit à nos questions muettes concernant le mystérieux auteur en nous contant l'histoire de la flamme et du papillon.
Une nuit, un papillon alla jusqu'à un château lointain où il aperçut par une fenêtre la flamme d'une bougie.
Il revint et raconta ce qu'il avait vu aux autres papillons.
Le sage papillon, qui présidait la réunion, fit remarquer que cela était intéressant mais ne les avançait guère.
Un deuxième papillon alla plus près de la bougie.
Il toucha la flamme du bout de ses ailes et la bougie fut victorieuse.
Il revint difficilement, les ailes brûlées, et raconta son voyage.
Le sage papillon écouta gravement mais dit que le mystère restait entier et non résolu.
Un troisième papillon se leva alors, ivre d'amour.
Il s'élança et, arrivé au château, se jeta sans aucune retenue dans la flamme de la bougie.
Il brilla un instant, et s'identifia avec le feu.
Le sage papillon - qui avait regardé de loin - dit aux autres
"Il a appris ce qu'il voulait savoir. Mais lui seul le comprend, et voilà tout !"
7 - Epilogue

Le lendemain, nous nous joignîmes à une caravane qui retournait à Telhamat.
Chaque soir, alors que nous laissions peu à peu les contreforts du désert profond à l'est, nous profitions des moments de repos autour du feu pour trier et classer nos notes. Certains écrits nous hantaient encore et, ne les trouvant nulle part dans les recueils récents de l'oeuvre d'Onaasheï, nous avons pris la liberté de les reproduire ici, quels qu'en soient leurs auteurs.

La Flamme et le Papillon : écrit du Salon, par Ambre Vue0110

Vue du désert depuis la région des grottes.
Aucune clôture n'a de sens dans le désert, dans le vide.
Aucune pensée, aucun écrit qui est clôture de toute pensée.


Tu as l'âge de ton plus lointain souvenir.
Dans le sommeil, tu n'as plus d'âge.


Le poète trouve ; le savant redécouvre.
Toute découverte ne serait que patiente conquête de l'oubli.


L'éternité est conflit de ressemblances.
Il n'y a pas d'éternité hors de la pensée. La Lumière est où elle se pense.


"Le livre de la Lumière est dans notre corps", écrivait Rebaa Makaï
"Et il ne saurait être lu dans sa totalité", commentait Rebaa Innessila.


"Qui respire, demandait le novice, la Lumière en moi ou moi en la Lumière ?
J'ai tout lieu de croire que nous sommes le même souffle."
A quoi il lui fut répondu : "deux souffles nous animent ; celui de la vie et celui de la mort".


"Vient une heure où ce que l'on a construit de sa vie se referme et nous étouffe," notait Rebaa Arhi.
"L'une de mes plus grandes angoisses, lui répondit Rebaa Eghim, fut de voir, sans que je puisse l'arrêter, ma vie s'arrondir pour former une boucle."


"Une poignée de sable, confiait Rebaa Taslinn, voilà ma prière."


Telhamat, printemps 34.

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Remerciements

Les auteures tiennent à remercier particulièrement :

  • Vénérable Jorge, bibliothécaire au temple de Telhamat pour sa patience et sa gentillesse alors qu'il tentait de nous faire saisir l'étendue de la pensée d'Onaasheï et l'importance de son influence.
  • Saara et Yukel "aux sabots agiles", éclaireurs au Bastion de l'honneur, pour leur dévouement et leur bonne humeur constante, même handicapés en plein désert par deux touristes écervelées.
  • Lieutenant Kristi Anbobin, en service au Bastion de l'honneur, pour ses précieux conseils et son aide généreuse.

Sauf indications contraires, les gnomographies sont d'Ambre, les droits en sont réservés suivant le code de la propriété intellectuelle définie par l'Alliance.

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Les auteures

Ambre
Draeneï née à Nagrand, vivant actuellement à Hurlevent et auteure de A la découverte de Hurlevent, Guide pratique à l'usage des Draeneï. Invitée consulaire du Salon et fondatrice de la compagnie Grâce de l'Egide.

Ione Densilla
Kaldoreï retirée à Darnassus, gardienne de la Maison Palantír, lettrée et traductrice.

Septimus Kromann
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