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Fléau contre Désert

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Message  Endherion Mar 04 Nov 2008, 17:44

Tanaris, sommet du Zul'Fulak, neuvième jour. Le soleil était bas dans le ciel. Bientôt sa lumière inonderait d'or et de sang le ciel, les hautes dunes et les rochers brûlants, laissant la nuit faire son lit dans chaque repli de cette terre que les ombres, démesurément allongées, auront fini de conquérir.

Le fils de Tel'Herzud venait d'arrêter son cheval. Inutile de risquer une foulure en avançant dans ces chemins de pierres alors que d'ici quelques instants la lumière des étoiles serait la seule à guider le voyageur. Sitôt mis pied à terre, il s'agenouilla et posa le front sur le sable chaud, priant la Lumière en lui implorant un rapide retour, de ne pas abandonner ses enfants aux affres de la nuit.

Ô Lumière bienveillante qui à l'instant décline,
N'oublie pas l'heure prochaine de ton aube divine,
Reviens chasser pour nous les démons et bandits,
Ecarter de nos yeux la noirceur de la nuit.

Viens reprendre aux étoiles la primauté parfaite
Et offrir aux croyants une aurore qui sublime
Les couleurs retrouvées et les allures de fêtes
De nos terres de soleil pleines de joie enfantine.

Ô Lumière bienveillante qui à l'instant décline,
N'oublie pas l'heure prochaine de ton aube divine,
Protège nos camps lointains et nos oueds bénis
Par le chant des muezzins aux voix de paradis.


Lentement il se redressa, puis chassa d'un revers de main l'épaisse couche de poussière qui s'était déposée pendant sa traversée. Ses bottes lui faisaient mal. Il les ajusta puis saisit la bride de sa monture et termina à pied la longue descente qui l'amena jusqu'aux portes du Mukba. Là il se défit de son turban pour exposer ses traits fatigués aux gardes qui fermaient les portes.

- "Je suis Tsion'hebb Alakdjinn. Je demande à voir votre cheik."
- "Il ne reçoit pas après le coucher du soleil."
- "Il me recevra. Apportez-lui ceci de ma part."


Le démoniste jeta au sol une outre de peau qui aurait pu sembler très banale à première vue, mais dont les gardes notèrent bien vite qu'elle n'était pas de chèvre, mais d'un autre cuir, infiniment plus précieux, dont la texture étrange semblait pulser d'une vie propre : gangrepeau. S'en saisissant avec une crainte superstitieuse, les gardes se hâtèrent de laisser pénétrer l'étranger avant de le guider à travers l'oued jusqu'aux portes du palais du potentat.

La maison était grande et disposait d'un étage. Tsion'hebb s'avança dans la première salle, encombrée de meubles bas et de linge à sécher au milieu desquels femmes et filles achevaient de préparer le repas du soir. Il ne s'y arrêta que le temps de céder à la gourmandise, prélevant un abricot juteux dans une coupe abandonnée, à moins qu'elle n'ait été disposée ici spécialement pour lui donner l'occasion d'émettre une pensée tendre à l'adresse de sa Khâdine si gourmande de ce fruit goutu.

- "A la grâce de la Lumière, fils de Tel'herzûd" chanta le cheik avec un large sourire. "Quel mauvais vent t'amène si loin des tiens, vieux vautour ?"
- "Les miens ? Mais... ils sont partout où la Lumière éclaire. Et puis, à dire le vrai, je n'ai pas encore quarante ans comme toi !" rit le démoniste en lissant son tabard noir et or empoussiéré.
- "Il est vrai, il est vrai. Viens, je te présente mon domaine."


Passant son bras valide autour des épaules de son invité, U'tribni le guida vers les jardins jusqu'à atteindre un petit bassin au bord duquel une fontaine s'écoulait lentement.

- "Bois mon frère, je suis tellement content de te revoir !"
- "Combien de temps ?"
- "Deux années au moins. La dernière fois, tu combattais encore les insectes."
- "Et tu as été retiré du front après avoir perdu... ton bras."


L'homme haussa les épaules et remplit deux coupes d'un vin épais.

- "Oublions ces souvenirs fâcheux, restaurons-nous, et ensuite tu me diras ce qui t'amène ici... vieux vautour."

Tsion'hebb sourit à l'évocation du vautour. Il se rappelait de cette idole trolle que la petite troupe avait fait brûler quelques années auparavant. Tsion'hebb s'était emparé de la cape du sorcier, puante et largement déchirée, pour mimer les danses rituelles dans des gestes burlesques accompagnés de mots de la langue noire avant de lâcher dans les flammes quelques poignées de poudre d'artifice. Les hommes avaient ri, se libérant de la tension d'une bataille difficile, et le souvenir était resté.

Le repas avait été simple mais copieux. Les femmes sortirent le narguilé que le cheik prépara lui-même comme il aimait à le faire. Nul n'avait besoin de savoir à quel trafic il se livrait pour être fourni par les Trolls. Ils n'étaient plus que cinq hommes quand il fut temps d'exposer le motif de cette étonnante visite.

- "Les Nécropoles sont de retour."
- "Pardon !?!"
- "Vous m'avez bien entendu. Les Nécropoles volantes crachent à nouveau leur pestilence sur le monde entier. Les goules en sortent par centaines et se déversent en flots incessants. L'air est noir de leur odeur fétide, le sable gémit sous leurs pieds morts... et tous fuient devant elles."
- "Bah... qu'elles emportent ces Gobelins et sucent leurs os jusqu'à la moelle. Peut-être retrouverons-nous enfin nos puits !"
- "Tu ne me comprends pas U'tribni. Elles se moquent que le sang qu'elles boivent soit celui d'un Gobelin ou d'un Croyant : elles dévorent le coeur de leurs victimes et les Ombres qui les suivent absorbent les âmes et les digèrent avidement. Ceux là ne retourneront pas à la Lumière. Comprends-tu ?"
- "Où veux-tu en venir Tsion'hebb ? Je sais me battre contre les insectes, je ne sais pas me battre contre les démons et les créatures noires."
- "Toi tu ne sais pas, mais moi j'ai vu de mes yeux. Il existe d'autres terres où les hommes et les femmes portent des armures d'or et des armes ruisselantes de magie. Il existe des villes, grandes comme des oueds, où les héros viennent se reposer et raconter leurs exploits ou faire de nouvelles provisions. Leurs pieds foulent des lieux dont vous n'avez pas idée, leurs regards ont croisé des merveilles que vous ne sauriez imaginer. Certains ont même, de leurs mains, combattu le Mystère des montagnes de l'Est et d'autres plus redoutables encore."
- "Tu blasphèmes Tsion'hebb."
- "Non U'tribni, je l'ai vu. Tu n'as pas idée des trésors que recèle ce monde... et les autres."


Ce faisant le démoniste se redressa et s'avança au milieu de la pièce. Ses mots, étrange mélange de commun et de langue noire, résonnèrent sur les murs blancs où se projetèrent bientôt d'étranges lueurs.

- "Viens à moi, Kâmshin ! Avance vers ton maître sans crainte."

Dans un déluge de flammes infernales, un superbe étalon émergea, immense, et s'avança d'un pas pour venir placer ses naseaux braisés dans la main ouverte de son maître.

Les hommes restaient stupéfaits.

- "T.T.Tsion... q.quel est ce... ce prodige ?"
- "Ce n'est qu'un tout petit tour au regard de ce que nombre d'autres savent accomplir U'tribni. Mais Kâmshin est bien réel et prêt à me soutenir, moi et ceux qui m'accompagneront dans ce combat contre le Fléau et ses créatures. Seras-tu des miens ?"
- "Je... peux te confier douze hommes Tsion."
- "Je te remercie mon ami, mon frère d'armes. Ta foi te fait honneur. Qu'ils soient à Gadgetzan dans deux jours et je te laisse la monture avec laquelle je suis arrivé en gage de confiance."


Ils s'inclinèrent tour à tour, mais Tsion'hebb arrêta le geste de son compagnon.

- "Ne t'agenouille pas devant moi, U'tribni, mais devant la Lumière que je porte. J'ai un autre service à te demander."
- "Fais. Je suis ton serviteur."
- "Je ne sers que la Lumière, alors sers-la toi aussi, et tu me serviras. Confie-moi une lettre par laquelle tu demandes l'aide de la toute puissante Alliance, adressée à la dame de Theramore. C'est une archimage aux pouvoirs incroyables. D'autres chefs avant toi m'ont fait la même lettre. Pour vous je porterai devant la Dame une demande d'assistance aux forces alliées. Je ne te cache pas, U'tribni, que douze hommes ne suffiront pas à la tâche."

"Nous n'avons pas le choix."
Endherion
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Message  Endherion Mer 05 Nov 2008, 14:09

Douze jours de désert. Douze jours de dunes, de rocs, de plateau et de vallons encaissés où l'ombre n'est qu'un maigre réconfort toujours provisoire. Douze jours pendant lesquels il n'avait croisé qu'une seule fois un maigre ruisseau que l'oued ne buvait pas. C'était tout prêt de Port Gente-Pression et de la mer.

Il avait réuni six messages, un pour chacune des tribus qui ne lui étaient pas trop hostiles. Il devait surtout cet égard à son père, et à son père avant lui, car depuis les événements qui s'étaient tenus il y a près de deux ans à la cour du Sultan, quelques chefs ne voulaient même plus entendre prononcer son nom. Néanmoins sa démarche valait pour eux aussi et il espérait que ces six missives, rédigées dans un mélange de qualité variable entre commun et dialecte local serait tenu pour quelque valeur par la haute dame de Theramore.

On disait d'elle énormément de bien, y compris qu'elle avait su imposer à la Horde de Thrall une trêve provisoire. Le démoniste espérait surtout qu'elle aurait la puissance militaire pour détacher un bataillon de vétérans à l'aide du peuple de Tanaris. Les Gobelins se terraient dans les clapiers et n'étaient d'aucun secours face aux gigantesques nécropoles qui étendaient leur ombre terrifiante sur le désert profond. Leur seule chance résidait dans les forces vives de l'Alliance. En débarquant dans les Marches de l'Ouest puis dans la capitale de Hurlevent, le démoniste avait pu constater de ses propres yeux les incroyables prodiges dont étaient capables nombre de héros que la vue d'un dragon faisait à peine frémir.

Il les avait admiré, observé, envié parfois. Dix-huit mois plus tard il les égalait et pouvait leur parler comme à des frères et des soeurs et plaider la cause de son peuple, d'abord autour de lui et, bientôt -du moins l'espérait-il - dans des cercles plus élevés où il ferait connaître la parole des siens. Il ne réclamait aucun titre, aucun honneur, sinon celui d'être reconnu comme un croyant qu'aucune tâche n'effrayait quand il s'agissait de défendre les tribus de Tanaris, leur culture, leur mode de vie et sa foi. Il ne se faisait aucune illusion sur la fracture profonde qui le séparerait toute sa vie de nombre de fiers guerriers ou magiciens noirs des Bats-le-Désert. Sa trahison était grave et ses motivations n'aurait su être comprises ; Il s'était depuis longtemps résigné, à ce sujet, à n'être qu'un paria dont seule la puissance amène le respect, certainement pas la personne elle-même.

Aujourd'hui, à la veille de confier à dame Jaïna l'espoir de tout un peuple décimé, il priait la Lumière. Et si la dame n'avait pas les ressources, alors peut-être devrait-il s'adresser de lui-même à toute l'Alliance pour attirer l'attention sur l'hécatombe. Les Maleterres étaient bien loin, que l'Aube d'Argent protégeait de sa main de fer. Tanaris était bien loin, bien éloigné des préoccupations de ces hommes et femmes que les combats avaient forgés. Alors ça serait à lui, Tsion'hebb, fils de Tel'herzud, d'appeler l'attention de ces héros pour sauver ses terres en dernier recours, contractant une dette dont il n'entrevoyait pas clairement le prix. Il n'y avait qu'une seule certitude : Il ne pouvait pas faillir.
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