50 nuances de Guerre.
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50 nuances de Guerre.
« Quel est ton nom, jeune fille ?
— Hmph. »
Il faisait chaud. Si chaud, d'ailleurs, qu'elle regrettait le brouillard givrant qui nimbait Dun Morogh. Comment peut-on vivre dans un enfer pareil ? se demandait-elle. Comment peut-on supporter la chaleur écrasante des fourneaux, des forges et des coulées de lave ?
Elle aurait dû être émerveillée par la splendeur de la cité des Nains. Elle qui, enfant, avait tant entendu parler du fier peuple de Khaz Modan. Sa naïveté et sa candeur avaient-elles été balayées au même titre que ses parents ? Que sa maison ? Que son peuple ? Que...
L'humaine eut un pincement au cœur. Ne plus y penser.
Elle ne répondit pas. La vagabonde observait la houppelande du Nain ondoyer sur ses larges épaules et sa barbe tressée battre contre sa poitrine. Ses doigts, eux, étaient ornés de rangées de bagues étincelantes. La jeune femme avait un drôle d'air à côté de l'Ambassadeur ; elle était vêtue d'un haubert éventré, d'une pèlerine à capuche déchirée et était armée du marteau de son père, un ancien meunier qui livrait le grain, en Lordaeron.
Gauchère, son bras droit demeurait, en toute circonstance, dissimulé derrière des montagnes d'étoffes rapiécées. Si jalousement que le Nain se questionna ;
« Qu'est-il arrivé à ton bras, jeune fille ?
— Il ne lui est rien arrivé. Justement.
— Explique-toi ?
— Il n'a jamais grandi. Et il ne grandira probablement jamais.
— J'ai beau être Mage et Ambassadeur, je n'comprends rien à ton charabia, petite.
— Humph. Elle soupira. Je suis handicapée, Nain. C'est tout. »
Elle le vit froncer les sourcils. Néanmoins, le barbu n'insista pas et s'engouffra dans la rue voisine. Il y faisait plus frais ; la vagabonde pouvait observer de fines ouvertures gelées au sommet des murs. Elles donnaient manifestement sur le coeur des montagnes. La jeune femme dressa le menton et profita des courants d'air frais s'en réchappant, ses cheveux blêmes ondoyant sur ses épaules. Elle en revint au Nain lorsque celui-ci reprit ;
« Écoute... Tu m'as sauvé la vie, jeune fille. Je t'en suis reconnaissant, et je respecte ton silence. Mais j'aimerais connaître le nom que ma femme, moi et mes enfants allons remercier tous les soirs. Et j'aimerais te rendre un service pour tout le mal que tu t'es donné.
— Je suis... Paladin. Aider est mon devoir. Et je ne demande rien en retour, avoua-t-elle en essayant de paraître détâchée.
— Tu as beau être Paladin, ma jolie, tu n'survivras pas bien longtemps avec un bras atrophié.
— Hum... »
Ils marchèrent encore quelques minutes. Elle vit, à gauche, le musée du Hall des Explorateurs et son péristyle. À droite, la Grande Forge où avait été assemblée la légendaire Porte-Cendres. Côte à côte, ils s'arrêtèrent devant une imposante demeure construite à même la roche. Avant l'entrée surplombée par un balcon et deux larges colonnes, il y avait un perron où le Nain se tourna pour l'observer.
« Quel est ton nom, jeune fille ? »
Il lui fallait répondre, cette fois. L'Ambassadeur avait le front ceint d'un diadème à ailettes orné de somptueux joyaux. Son nez rouge et gonflé trahissait une longue et inoxydable histoire d'amour pour l'alcool de qualité et le sanglier à la bière. Ses yeux et sa barbe avaient la couleur de l'acier. Il insista. La vagabonde n'hésita plus.
« Quel est ton nom, jeune fille ?
— Je suis Triomphe. Paladin errante. »
Dernière édition par Triomphe le Mer 03 Aoû 2016, 17:23, édité 1 fois
Goupil
Re: 50 nuances de Guerre.
Les langues de feu ondulaient dans l'âtre, décrivant des ombres sur le visage moucheté de la disciple. Des heures étaient passées. Triomphe s'était confortablement installée dans un siège en cuir. Il était moelleux et doux. Elle s'y enfonçait comme dans du sable mouvant et peinait à rester éveillée. Ses songes la portaient cependant très loin des murs de sa chambre. Au delà des murailles de Forgefer et des montagnes qui s'étendaient à perte de vue. Ses paupières se fermaient aussi lourdement qu'un sarcophage raclant la pierre.
Elle eut un sursaut qui la fit tenir deux minutes de plus. Une, peut-être. Trente secondes... ? Quinze...
Sa tête bascula sur le côté. Et elle n'eut pas de nouveau sursaut.
Je...
La maison brûle. Ils chantent et dansent dans les flammes. Ils hurlent et s'agitent comme des marionnettes cassées.
Je suis...
Le grain. Ils s'agitent autour. Ils le dévorent, puis se dévorent. Des cadavres décharnés aux gencives purulentes. Mangés par les vers.
Je ne suis pas Triomphe. Je m'en souviens. Et je cours dans le champ pour échapper au brasier, aux marionnettes cassées. Je cours jusqu'à la grange et m'écorche les pieds. J'aimerais que tout ne soit qu'un cauchemar, et je demande à qui veut l'entendre que c'en soit un.
Je suis... Qui donc ? Pas Triomphe. Je ne suis qu'une jeune fille. Je pleure, je m'étouffe dans la cendre et éventre les portes de la grange. Ils s'agitent autour de la maison. Je vois des cordages sortir des fenêtres brisées. Je sais que ce n'en sont pas.
Je hurle, je cherche. Je cherche... Il est parti par là ; mon frère. Mon sang. Eowis. Je bouscule les tonneaux et renverse les planches. Je m'écorche la main et les joues. Et enfin, je le trouve. Caché dans la paille, le visage enfoui entre ses mains. Il étouffe ses pleurs. Il me fend le cœur. Il n'est qu'à quelques mètres et pourtant, j'ai l'impression de courir pendant des heures ; j'ai l'impression qu'il est trop tard. Des nuées de sauterelles dévoreuses, des vols de charognards. La Famine. La Mort. La Guerre.
Je lui agrippe l'épaule. Mon bras atrophié est dévoré par les vers et par les corbeaux. Il relève la tête.
Et hurle. Il s'agite comme une marionnette cassée. Un cadavre décharné aux gencives purulentes. Il dégueule de la bile et me plaque. Je hurle moi aussi, de terreur et de douleur. Je vois des cordages sortir de mon ventre. Je sais que ce n'en sont pas.
Je ne suis pas Triomphe. Je suis, je suis...
J'entends hurler à travers les ondes enflammées ;
« CHLOÉ ! »
Dernière édition par Triomphe le Mer 03 Aoû 2016, 17:24, édité 3 fois
Goupil
Re: 50 nuances de Guerre.
« CHLOÉ ! »
Triomphe dressa la tête dans un sursaut, repoussant les draps d'un ample geste du pied. Les coutures saillantes du siège s'étaient imprimées sur sa joue. Ses cheveux désordonnés collaient à ses tempes et à sa nuque luisantes de sueur. Il faisait jour, à en croire l'agitation de la rue en face de sa fenêtre. Le feu était également éteint ; il ne restait de son passage plus que de violentes traînées noires ainsi que des amas de cendres pâteux.
Un cauchemar. C'est ça, un cauchemar. La jeune femme remonta les draps sur sa poitrine et réprima un bâillement contre son poing. Elle plissa le nez ; sa salive était acide et son haleine fétide. L'apprentie s'enfonça néanmoins dans le fauteuil et lâcha un soupir rauque, tâchant d'oublier ces horribles visions. Elles n'étaient pourtant pas si éloignées de la vérité. Le jour où le Royaume de Lordaeron était tombé, elle se souvenait des hordes de morts-vivants qui piétinaient les champs, éventraient le bétail et dévoraient le reste. La terre semblait flétrir petit à petit autour de sa maison ; alentours, des champignons toxiques poussaient et devenaient disproportionnés.
Son père comptait parmi les premiers. Il livrait le grain, à Stratholme, et se plaignait régulièrement de cauchemars et de murmures pleins d'horribles promesses. Un matin comme un autre, il embrassa sa fille, son fils, sa femme puis s'en alla sur son alezan. Il réapparut cinq jours plus tard. Lui, son alezan, et cinq-cent parodies d'être humains affamées.
Désormais...
Triomphe embrassa la chambre du regard. C'était chaleureux. Elle était, à elle seule, plus grande que son ancienne maison. Pour autant, la jeune femme ne s'y sentait pas plus à l'aise. Il y avait des étagères en métal adossées aux murs. Elles supportaient quantité de babioles en bronze et de souvenirs insignifiants d'une vie d'Ambassadeur. Une bibliothèque, aussi, dont les étages croulaient sous les livres aux reliures d'acier et aux couvertures de cuir. Triomphe repoussa celui allongé sur ses cuisses et quitta le siège dans un froufrou. C'était un recueil sur la Lumière et ses fondements. Elle le piétina de son pied neigeux puis se dirigea aussitôt vers la salle d'eau, un drap lui enroulant les épaules et embrassant le sol glacé sur son sillage.
Triomphe s'en délesta une fois auprès de la bassine, se livrant à la nudité avant de plonger son visage dans l'eau. La fraîcheur de cette dernière la tira aussitôt de sa torpeur, chassant les mauvais souvenirs de son esprit. Elle dressa le menton dans des clapotis et s'observa pensivement dans le miroir. Il y avait quelque chose avec sa peau ; elle était d'une pâleur maladive. Ses cheveux aussi, avaient la couleur du marbre ; ils s'écoulaient sauvagement sur ses épaules et segmentaient ses iris marrons. Le milieu de sa frimousse était constellé de tâches de rousseur ; d'une pommette à l'autre, piétinant l'arête de son nez.
Elle se souvint des envoyées de Dalaran, venues chez elle pour étudier son handicap et son albanisme. Elle aussi, voulait devenir magicienne. Il y avait quelque chose chez elles qui la fascinait au plus haut point. Mais aujourd'hui...
La vagabonde plissa le regard. Aujourd'hui, tout était différent.
Elle posa les yeux sur son bras atrophié et déglutit, la boule au ventre. Qu'allait-elle devenir, avec cet ignoble fardeau ? Quel piètre Paladin ferait-elle, alors ? La honte la dévorait à chaque fois qu'elle y songeait. À chaque fois qu'elle observait cet hideux et microscopique morceau de chair. Il n'y avait rien à faire d'une telle chose.
La jeune femme songeait parfois à se l'arracher. Elle évoquerait une amputation. Une blessure de guerre. Une... Non. La vérité, c'est qu'elle avait déjà essayé. Quand bien même avait-il cessé de grandir, son bras lui faisait toujours horriblement mal lorsqu'elle se le blessait. Davantage, peut-être, que l'autre. Davantage que tout le reste.
Enfant, elle priait nuit et jour pour qu'il guérisse. Elle en fit de même aujourd'hui, inconsciemment peut-être. La vagabonde dressa le menton et s'observa dans le blanc des yeux.
Triomphe désirait plus que tout s'accomplir. Devenir une arme à Son service. Devenir une Val'kyr de Lumière pour purger le Mal. Et elle s'entraînait dur pour ça. Dur, mais inutilement.
Lumière, pitié... Fais quelque chose.
Goupil
Re: 50 nuances de Guerre.
Hurlevent - de nos jours.
La vérité, Chloé.
Elle virevoltait comme un papillon, dansait autour de sa cible en faisant gémir ses bottes. Le louveteau donnait l'impression de ne jamais toucher le sol ; ses mouvements étaient illisibles, imprévisibles. Ces années de danse allaient lui être utiles, en fin de compte. Pour tromper ses adversaires et mieux les tailler en pièces.
Elle vit une ouverture sur le flanc gauche. Ni une ni deux, elle bondit, balança les jambes et fit se soulever un nuage de graviers vers le visage de son adversaire. Là ! L'aventurière frappa comme la foudre, son épée fendant l'air de droite à gauche pour trancher la hanche. Avec la force de deux bras vigoureux, de deux membres musclés.
Une série d'étincelles. Et le monde se renversa : elle vit défiler les nuages sous ses yeux et se ramassa sur le sol dans un hoquet de stupeur teinté de déception.
« Cesse de faire la pitre, Lola. Danser ainsi ne te sera d'aucune utilité.
— Mais... Elle fit une moue et leva le menton.
— Reprends ton épée et bats-toi. »
Lola dressa le menton et observa Triomphe, penaude. La Val'kyr la toisait du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, le regard nimbé d'éclairs. Ses cheveux neigeux ondoyaient sur ses espauliers et sa cape rouge décrivait des vagues derrière elle. La championne lui tendit la main droite.
Lola était honteuse. Honteuse de perdre si aisément, mais surtout honteuse d'avoir espéré gagné. Contre elle. Contre sa propre mentor ; bien plus âgée et bien plus expérimentée qu'elle. Elle s'aida du bras tendu pour se relever, puis frissonna. Cette main était glacée, comme la lame de son glaive. Le louveteau marqua un silence et se mit à observer le membre en acier de sa maîtresse. Les rayons du soleil semblaient le parcourir de long en large ; sa surface chromée flamboyait littéralement.
C'était d'autant plus impressionnant qu'elle le mouvait sans la moindre difficulté ; aussi aisément et naturellement que le second. Les plaques de métal se superposèrent un instant, comme autant de muscles gonflés par l'effort. Sa défaite l'avait enhardie, mais Lola préféra demander une pause d'un air gêné. La chevaleresse d'albâtre opina.
Les caresses dans ses cheveux lui firent oublier sa cuisante – et douloureuse - défaite. L'orpheline observait le soleil disparaître derrière le faîte des remparts. Des nuages cotonneux, semblables à des ondes, erraient dans le ciel pourpre. Les doigts de chair et de métal plongaient dans sa crinière pour en extirper les feuilles et le gravier. Lola n'écoutait Triomphe que distraitement ; elle radotait comme une vieille, se plaignait de son audace et de son caractère. La brune sourit, fière d'elle.
Finalement, elles quittèrent le terrain d'entraînement, jugeant peu utile de continuer. Elles mangèrent une glace, s'assirent au Repos du Lion et papotèrent longuement. Comme une mère et sa fille. Lola parcourait des doigts les interstices sombres du bras en métal de sa mentor. Elle lui demanda comment c'était arrivé. Triomphe évoqua une amputation. Une blessure de guerre. Les éclairs dans ses yeux s'estompèrent un instant...
La vérité, Chloé.
Goupil
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