Au fil de Théramore ( épisode de 1 à 5 )
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Au fil de Théramore ( épisode de 1 à 5 )
- "Ainsi donc voici où se cachaient ces rats."
D'un geste vif, l'individu au visage masqué enfonça une pièce d'argent au creux de la main du petit berger de chèvres, lequel s'enfuit sans demander son reste. Tapi entre les roches surchauffées, il se fit ombre et examina la situation. La Sémillanque mouillait en eau peu profonde, nichée dans la forêt d'îlots qui parsemaient la baie de Théramore. La trouver lui avait coûté une petite fortune, mais au moins était-il maintenant à quelques encablures de sa cible. Son hippogriffe demeurait en arrière, invisible au milieu des bruyères.
Le capitaine avait manoeuvré pour retourner l'élégante frégate, prête à repartir vers la mer libre, tandis que le château arrière disparaissait presque dans l'ombre des rochers hauts qui la surplombaient. Le mouillage était assuré de l'avant autant que de l'arrière. Un "accident" était peu probable. De toutes façons l'individu n'était pas là pour provoquer la perte du navire ni de l'équipage, mais pour en découvrir les secrets. Il sortit de sa besace une longue-vue noircie de suie de sorte qu'elle ne reflète pas la lumière du soleil, et, après avoir trouvé un peu de confort pour tenir l'affût jusqu'au soir, repéra tranquillement les allers et retours des sentinelles. Grand bien lui avait pris d'aborder l'île par l'ouest à l'issue d'un vol rasant. La navigation avait été quelque peu compliquée mais la proximité relative de l'école de pêche du vieux Pat Nagle lui avait grandement facilité les choses, lui permettant de ne prendre son envol que tardivement depuis le pont d'un petit caboteur dont la présence dans le secteur n'avait pas de quoi attirer l'attention sinon par le bruit affreux de son moteur qui semblait vouloir rendre l'âme à chaque vague.
Cinq sentinelles, relayées toutes les deux heures et disposées de sorte à rester en vue les unes des autres, formaient, avec les vigies de la Sémillanque, un réseau serré mais nullement impénétrable. Avec un sourire malicieux, l'homme nota qu'il sera fort aisé de bloquer la frégate au fond de cette calanque, si toutefois les événements tournaient dans ce sens. Le capitaine avait même eu la bonté de pivoter ses deux canons d'avant dans la bonne direction. Ça en laissait huit de chaque côté, inutilisables sauf à manœuvrer pour effectuer un pivot lent sous l'effet du vent doux en laissant filer un peu de chaîne. C'était peut-être la raison pour laquelle on avait laissé les sabots ouverts, à moins que ça ne soit pour profiter de la relative fraîcheur de l'eau. Il replia sa lunette et sortit un casse-croûte qu'il engloutit tranquillement tout en continuant à scruter la scène.
Ce n'est que vers le soir, quand l'ombre eut entièrement recouvert la coque brune, que les hommes furent autorisés à un rapide quartier libre. Quelques uns se jetèrent à l'eau avant de remonter un peu plus tard au son de la cloche du bord. L'espion en profita pour se laisser couler comme une ombre au pied de la falaise. Il ne surplombait l'eau que de quelques coudées, mais si ses calculs étaient exacts, il aura les pieds mouillés d'ici trois heures environ, ce qui l'amènerait vers la minuit. Il attendit donc encore. C'était d'ailleurs, à bien y penser, l'essentiel de son activité. Il n'hésitait pas à affirmer, surtout après quelques bons verres de rhum, que les qualités essentielles d'un bon éclaireur étaient la patience, la patience et... la patience. Il adorait jouer ce tour à un auditoire rendu attentif par ses talents d'orateur et sourit par devers lui au souvenir de la bouille mi-stupéfaite, mi-stupide de la blonde aux seins mous qui avait cru le séduire la dernière fois qu'il avait fait le spectacle. Pauvre gueuse à qui, pour sa bonne volonté évidente qui compensait son absence d'inventivité, il avait malgré tout accordé le prix demandé.
A l'heure dite, il avala une potion et s'enfonça dans l'eau noire.
Il ne reparut qu'un peu plus tard, protégé des regards des vigies par l'arrondi de la coque dont il ne s'écarta que le temps de lancer un grappin dans l'un des sabots restés ouverts. Il tendit bien vite la corde et replongea pour s'allonger, tel un poisson pilote, sur le ventre du navire. Il attendit patiemment de vérifier qu'aucune alarme ne troublait le calme de la crique. Aucune lumière ne se reflétait sur la surface de l'eau, aucun bruit autre que celui du ressac ou du navire lui-même ne trahissaient le moindre émoi. Le crochet, emmailloté dans l'étoffe mouillée, avait mordu solidement et ne bougeait pas. Un instant plus tard, l'ombre se hissait à l'intérieur et se blottissait au pied d'un canon où elle attendit encore de s'égoutter suffisamment avant de chercher à s'orienter. Pendus comme des jambons, les hommes se balançaient doucement dans leurs hamacs anonymes qui laissaient le plancher presque libre. Au bout, dans un coin, deux veilleurs entretenaient une lanterne et tournaient régulièrement la clepsydre tout en écossant quelques légumes. Ils chuchotaient à peine. Vers la poupe une cloison ouvrait vers les appartements du capitaine, du prêtre et du second, ainsi que, peut-être, des maîtres d'équipages. L'intrus se redressa lentement et s'avança vers le corridor, ombre parmi les ombres.
La coursive était étroite et encombrée de deux escaliers superposés, l'un montant, l'autre descendant. Après s'est penché un instant vers l'ombre plus profonde de la partie basse, l'individu s'y engouffra dans un bruissement étouffé que n'agrémentait que le bruit infime des quelques gouttes qu'il laissait derrière lui. Le pont inférieur était bien plus encombré. Réserves de vivres et d'eau, de matériaux, sainte barbe, et même quelques cages dont il évita de s'approcher pour ne pas risquer d'en éveiller les habitantes qui fournissaient la cambuse en oeufs frais. Il ignorait qu'elles étaient vides, tout comme la plupart des coffres et des réserves. La Sémillanque était partie trop vite. Progressant entre les barils et les caisses fermement arrimées, il progressa jusqu'à repérer une lueur. Au fond, deux soldats en armes veillaient sur une sorte de sarcophage. Enveloppé d'un lourd linceul de velours noir, il laissait filtrer au travers du tissu cérémoniel d'étranges lueurs bleuâtres.
- "Qui va là ?" interrogea une voix ferme avec une force décuplée par le silence relatif du navire.
Au diable ces prétoriens ! Instantanément le furtif se pressa contre un recoin plus sombre encore. Quand le soldat au tabard frappé de la croix d'or leva sa lanterne pour éclairer le passage, il n'éclaira que du vide. Son compagnon se redressa à son tour, avança vivement de quelques pas et prononça les mots de consécration. Immédiatement les lueurs orangées illuminèrent chaque recoin et les deux gardes n'avaient pas encore fini de s'émouvoir que déjà des bruits de pas et des appels résonnaient à l'étage dont le plancher craquaient sous les pas des marins alarmés. Le second apparut au bas de l'escalier et interrogea les deux sentinelles du regard.
- "Et alors ?"
- "On a juste cru... c'est une fausse alerte."
- "Pas de souci. Par contre... "
D'un mouvement de menton, le second désigna le bloc de glace dont les reflets bleutés illuminaient le fond de la pièce. A travers le linceul découpé sur la longueur d'un bras, on distinguait nettement les pieds d'un homme pris dans la glace.
D'un geste vif, l'individu au visage masqué enfonça une pièce d'argent au creux de la main du petit berger de chèvres, lequel s'enfuit sans demander son reste. Tapi entre les roches surchauffées, il se fit ombre et examina la situation. La Sémillanque mouillait en eau peu profonde, nichée dans la forêt d'îlots qui parsemaient la baie de Théramore. La trouver lui avait coûté une petite fortune, mais au moins était-il maintenant à quelques encablures de sa cible. Son hippogriffe demeurait en arrière, invisible au milieu des bruyères.
Le capitaine avait manoeuvré pour retourner l'élégante frégate, prête à repartir vers la mer libre, tandis que le château arrière disparaissait presque dans l'ombre des rochers hauts qui la surplombaient. Le mouillage était assuré de l'avant autant que de l'arrière. Un "accident" était peu probable. De toutes façons l'individu n'était pas là pour provoquer la perte du navire ni de l'équipage, mais pour en découvrir les secrets. Il sortit de sa besace une longue-vue noircie de suie de sorte qu'elle ne reflète pas la lumière du soleil, et, après avoir trouvé un peu de confort pour tenir l'affût jusqu'au soir, repéra tranquillement les allers et retours des sentinelles. Grand bien lui avait pris d'aborder l'île par l'ouest à l'issue d'un vol rasant. La navigation avait été quelque peu compliquée mais la proximité relative de l'école de pêche du vieux Pat Nagle lui avait grandement facilité les choses, lui permettant de ne prendre son envol que tardivement depuis le pont d'un petit caboteur dont la présence dans le secteur n'avait pas de quoi attirer l'attention sinon par le bruit affreux de son moteur qui semblait vouloir rendre l'âme à chaque vague.
Cinq sentinelles, relayées toutes les deux heures et disposées de sorte à rester en vue les unes des autres, formaient, avec les vigies de la Sémillanque, un réseau serré mais nullement impénétrable. Avec un sourire malicieux, l'homme nota qu'il sera fort aisé de bloquer la frégate au fond de cette calanque, si toutefois les événements tournaient dans ce sens. Le capitaine avait même eu la bonté de pivoter ses deux canons d'avant dans la bonne direction. Ça en laissait huit de chaque côté, inutilisables sauf à manœuvrer pour effectuer un pivot lent sous l'effet du vent doux en laissant filer un peu de chaîne. C'était peut-être la raison pour laquelle on avait laissé les sabots ouverts, à moins que ça ne soit pour profiter de la relative fraîcheur de l'eau. Il replia sa lunette et sortit un casse-croûte qu'il engloutit tranquillement tout en continuant à scruter la scène.
Ce n'est que vers le soir, quand l'ombre eut entièrement recouvert la coque brune, que les hommes furent autorisés à un rapide quartier libre. Quelques uns se jetèrent à l'eau avant de remonter un peu plus tard au son de la cloche du bord. L'espion en profita pour se laisser couler comme une ombre au pied de la falaise. Il ne surplombait l'eau que de quelques coudées, mais si ses calculs étaient exacts, il aura les pieds mouillés d'ici trois heures environ, ce qui l'amènerait vers la minuit. Il attendit donc encore. C'était d'ailleurs, à bien y penser, l'essentiel de son activité. Il n'hésitait pas à affirmer, surtout après quelques bons verres de rhum, que les qualités essentielles d'un bon éclaireur étaient la patience, la patience et... la patience. Il adorait jouer ce tour à un auditoire rendu attentif par ses talents d'orateur et sourit par devers lui au souvenir de la bouille mi-stupéfaite, mi-stupide de la blonde aux seins mous qui avait cru le séduire la dernière fois qu'il avait fait le spectacle. Pauvre gueuse à qui, pour sa bonne volonté évidente qui compensait son absence d'inventivité, il avait malgré tout accordé le prix demandé.
A l'heure dite, il avala une potion et s'enfonça dans l'eau noire.
Il ne reparut qu'un peu plus tard, protégé des regards des vigies par l'arrondi de la coque dont il ne s'écarta que le temps de lancer un grappin dans l'un des sabots restés ouverts. Il tendit bien vite la corde et replongea pour s'allonger, tel un poisson pilote, sur le ventre du navire. Il attendit patiemment de vérifier qu'aucune alarme ne troublait le calme de la crique. Aucune lumière ne se reflétait sur la surface de l'eau, aucun bruit autre que celui du ressac ou du navire lui-même ne trahissaient le moindre émoi. Le crochet, emmailloté dans l'étoffe mouillée, avait mordu solidement et ne bougeait pas. Un instant plus tard, l'ombre se hissait à l'intérieur et se blottissait au pied d'un canon où elle attendit encore de s'égoutter suffisamment avant de chercher à s'orienter. Pendus comme des jambons, les hommes se balançaient doucement dans leurs hamacs anonymes qui laissaient le plancher presque libre. Au bout, dans un coin, deux veilleurs entretenaient une lanterne et tournaient régulièrement la clepsydre tout en écossant quelques légumes. Ils chuchotaient à peine. Vers la poupe une cloison ouvrait vers les appartements du capitaine, du prêtre et du second, ainsi que, peut-être, des maîtres d'équipages. L'intrus se redressa lentement et s'avança vers le corridor, ombre parmi les ombres.
La coursive était étroite et encombrée de deux escaliers superposés, l'un montant, l'autre descendant. Après s'est penché un instant vers l'ombre plus profonde de la partie basse, l'individu s'y engouffra dans un bruissement étouffé que n'agrémentait que le bruit infime des quelques gouttes qu'il laissait derrière lui. Le pont inférieur était bien plus encombré. Réserves de vivres et d'eau, de matériaux, sainte barbe, et même quelques cages dont il évita de s'approcher pour ne pas risquer d'en éveiller les habitantes qui fournissaient la cambuse en oeufs frais. Il ignorait qu'elles étaient vides, tout comme la plupart des coffres et des réserves. La Sémillanque était partie trop vite. Progressant entre les barils et les caisses fermement arrimées, il progressa jusqu'à repérer une lueur. Au fond, deux soldats en armes veillaient sur une sorte de sarcophage. Enveloppé d'un lourd linceul de velours noir, il laissait filtrer au travers du tissu cérémoniel d'étranges lueurs bleuâtres.
- "Qui va là ?" interrogea une voix ferme avec une force décuplée par le silence relatif du navire.
Au diable ces prétoriens ! Instantanément le furtif se pressa contre un recoin plus sombre encore. Quand le soldat au tabard frappé de la croix d'or leva sa lanterne pour éclairer le passage, il n'éclaira que du vide. Son compagnon se redressa à son tour, avança vivement de quelques pas et prononça les mots de consécration. Immédiatement les lueurs orangées illuminèrent chaque recoin et les deux gardes n'avaient pas encore fini de s'émouvoir que déjà des bruits de pas et des appels résonnaient à l'étage dont le plancher craquaient sous les pas des marins alarmés. Le second apparut au bas de l'escalier et interrogea les deux sentinelles du regard.
- "Et alors ?"
- "On a juste cru... c'est une fausse alerte."
- "Pas de souci. Par contre... "
D'un mouvement de menton, le second désigna le bloc de glace dont les reflets bleutés illuminaient le fond de la pièce. A travers le linceul découpé sur la longueur d'un bras, on distinguait nettement les pieds d'un homme pris dans la glace.
Dernière édition par Mystiruis Hedson le Ven 11 Juin 2010, 18:16, édité 2 fois
Mystiruis Hedson
Re: Au fil de Théramore ( épisode de 1 à 5 )
Le trajet retour avait pris près d'une demi-journée, une bonne partie de ce temps ayant été consommée par les divers stratagèmes déployés pour échapper aux rondes redoublées. L'escalade de la falaise fut d'autant plus minutieuse que le soleil se levait tôt et jetait ses premières lueurs rosâtres sur les rochers brillants, menaçant la voie que le furtif s'était ménagée pour sortir de la calanque. Privé des cordes et de pitons dont l'usage aurait risqué de le révéler, il parvint néanmoins à se hisser hors de vue de la frégate avant que la lumière ambiante ne le compromette par trop, et se hâta de rejoindre le bosquet où l'attendait son griffon. Le retour se déroula sans encombres, interrompu seulement par deux ravitaillements dans des îlots isolés. Il se mêla ensuite aux vols commerciaux avant d'effectuer un dernier virage qui l'amena précisément sur l'un des balcons du donjon.
- "Un homme dans la glace ? Mais... à quoi celà rime-t-il ?"
- "J'y ai réfléchi, et j'ai relu les rapports de l'unité dirigée par le commandant Coeur-d'Emeraude..."
- "Et bien ? Parlez donc ! Je vous paie assez cher pour avoir quelques informations !"
- "Je n'ai pu le vérifier de mes yeux, mais je suis persuadé qu'il s'agit du corps de cet émeutier tué dans sa maison il y a trois jours, à la suite de l'incendie du Poulpe-à-Bras."
- "Le Poulpe-à-Bras ? Cette taverne brûlée dans le quartier est ?"
- "Celle la oui. Pour ce que j'ai pu en déduire jusqu'ici, Coeur-d'Emeraude aurait exécuté un homme de ses mains. Etranglé plus exactement."
- "E... Etranglé ?"
Effaré par la nouvelle, le magistrat s'était enserré le cou dans ses propres mains, comme pour donner plus de réalité à ce qu'il ne parvenait pas à croire.
- "Coeur-d'Emeraude aurait étranglé... un homme... de ses mains ? Sans arrestation ? Sans... juste étranglé ?"
- "Oui, c'est ce que je pense. Je dois pouvoir trouver quelques témoins, mais il ne sera pas facile de les faire parler."
- "Qu... que voulez-vous dire ?"
- "Et bien... ce sont ses hommes. Peut-être certains ont-ils été ébranlés ? Peut-être même y a-t-il eu des départs maquillés en démobilisation volontaire ?"
- "Je vois... et... et la Lumière Aveugle ?"
- "Aussi. Mais j'ignore encore son but, si elle voulait juste protéger une preuve ou s'en servir pour faire pression ensuite sur Coeur-d'Emeraude. Vu qu'elle a envoyé un de ses hommes ici pour nous révéler qu'elle détenait quelque chose, j'imagine que c'est plutôt pour éviter que la preuve se "perde"."
- "C'est terrible. Tout ceci est affreusement gênant pour l'image de la cité... Que va en penser dame Jaina ?"
- "Franchement ?"
- "Parlez, parlez..." insista le magistrat, affectant un air agacé pour effacer un peu de l'angoisse qu'il sentait transparaître dans sa voix et sur ses traits.
- "Je suis un espion, je n'ai pas d'états d'âme. Elle en pensera ce qu'elle voudra."
Incapable de tenir assis plus longtemps, le vieil homme se redressa et lissa sa lourde robe de brocard. Sa main glissa machinalement sur le symbole de son autorité qui pendait autour d'un large ruban de tissu précieux. Son esprit était déjà au travail, élaborant l'ébauche de plans pour mettre fin au scandale qui, s'il n'y prenait garde, ne manquerait pas de rejaillir sur son service et de souiller sa réputation.
- "Vous imaginez ce scandale ! La dame de paix capable d'amener au dialogue les pires ennemis et ridiculisée par des dissensions dans sa propre maison ? Qu'adviendra-t-il de son prestige ? de ses efforts ? Cette émeute est-elle si populaire ?"
- "Je l'ignore. Je crois qu'elle touche principalement le district de Coeur-d'Emeraude. Le reste... s'en fiche pas mal si vous voulez mon avis, au delà de l'émotion légitime. Mais je vais grenouiller un peu dans le secteur pour me faire une petite idée."
- "Bonne idée. Essayez de voir s'il n'y aurait pas une main étrangère là-dessous. Je serais très contrarié d'apprendre que le commandant Coeur-d'Emeraude serait un agent à la solde de je ne sais qui, vraiment très contrarié. Alors identifiez les hommes susceptibles de témoigner et recueillez déjà leurs confidences. J'ai besoin d'une idée précise de la situation pour tirer mes plans. Allez !"
D'un pas lourd, il se dirigea vers la double-porte de son cabinet qu'il ouvrit avec une force inaccoutumée au point de surprendre les deux plantons qui l'encadraient à l'extérieur et son secrétaire qui patientait là en attendant d'être rappelé à sa place.
- "Convoquer l'Etat-Major et dame Lorena ! Obtenez moi une audience auprès de Tervosh."
Quand il fut de retour dans son bureau, l'espion n'était déjà plus là.
- "Un homme dans la glace ? Mais... à quoi celà rime-t-il ?"
- "J'y ai réfléchi, et j'ai relu les rapports de l'unité dirigée par le commandant Coeur-d'Emeraude..."
- "Et bien ? Parlez donc ! Je vous paie assez cher pour avoir quelques informations !"
- "Je n'ai pu le vérifier de mes yeux, mais je suis persuadé qu'il s'agit du corps de cet émeutier tué dans sa maison il y a trois jours, à la suite de l'incendie du Poulpe-à-Bras."
- "Le Poulpe-à-Bras ? Cette taverne brûlée dans le quartier est ?"
- "Celle la oui. Pour ce que j'ai pu en déduire jusqu'ici, Coeur-d'Emeraude aurait exécuté un homme de ses mains. Etranglé plus exactement."
- "E... Etranglé ?"
Effaré par la nouvelle, le magistrat s'était enserré le cou dans ses propres mains, comme pour donner plus de réalité à ce qu'il ne parvenait pas à croire.
- "Coeur-d'Emeraude aurait étranglé... un homme... de ses mains ? Sans arrestation ? Sans... juste étranglé ?"
- "Oui, c'est ce que je pense. Je dois pouvoir trouver quelques témoins, mais il ne sera pas facile de les faire parler."
- "Qu... que voulez-vous dire ?"
- "Et bien... ce sont ses hommes. Peut-être certains ont-ils été ébranlés ? Peut-être même y a-t-il eu des départs maquillés en démobilisation volontaire ?"
- "Je vois... et... et la Lumière Aveugle ?"
- "Aussi. Mais j'ignore encore son but, si elle voulait juste protéger une preuve ou s'en servir pour faire pression ensuite sur Coeur-d'Emeraude. Vu qu'elle a envoyé un de ses hommes ici pour nous révéler qu'elle détenait quelque chose, j'imagine que c'est plutôt pour éviter que la preuve se "perde"."
- "C'est terrible. Tout ceci est affreusement gênant pour l'image de la cité... Que va en penser dame Jaina ?"
- "Franchement ?"
- "Parlez, parlez..." insista le magistrat, affectant un air agacé pour effacer un peu de l'angoisse qu'il sentait transparaître dans sa voix et sur ses traits.
- "Je suis un espion, je n'ai pas d'états d'âme. Elle en pensera ce qu'elle voudra."
Incapable de tenir assis plus longtemps, le vieil homme se redressa et lissa sa lourde robe de brocard. Sa main glissa machinalement sur le symbole de son autorité qui pendait autour d'un large ruban de tissu précieux. Son esprit était déjà au travail, élaborant l'ébauche de plans pour mettre fin au scandale qui, s'il n'y prenait garde, ne manquerait pas de rejaillir sur son service et de souiller sa réputation.
- "Vous imaginez ce scandale ! La dame de paix capable d'amener au dialogue les pires ennemis et ridiculisée par des dissensions dans sa propre maison ? Qu'adviendra-t-il de son prestige ? de ses efforts ? Cette émeute est-elle si populaire ?"
- "Je l'ignore. Je crois qu'elle touche principalement le district de Coeur-d'Emeraude. Le reste... s'en fiche pas mal si vous voulez mon avis, au delà de l'émotion légitime. Mais je vais grenouiller un peu dans le secteur pour me faire une petite idée."
- "Bonne idée. Essayez de voir s'il n'y aurait pas une main étrangère là-dessous. Je serais très contrarié d'apprendre que le commandant Coeur-d'Emeraude serait un agent à la solde de je ne sais qui, vraiment très contrarié. Alors identifiez les hommes susceptibles de témoigner et recueillez déjà leurs confidences. J'ai besoin d'une idée précise de la situation pour tirer mes plans. Allez !"
D'un pas lourd, il se dirigea vers la double-porte de son cabinet qu'il ouvrit avec une force inaccoutumée au point de surprendre les deux plantons qui l'encadraient à l'extérieur et son secrétaire qui patientait là en attendant d'être rappelé à sa place.
- "Convoquer l'Etat-Major et dame Lorena ! Obtenez moi une audience auprès de Tervosh."
Quand il fut de retour dans son bureau, l'espion n'était déjà plus là.
Mystiruis Hedson
Emeutes à Theramore (2) - Conciliations ?
Lentement le démoniste parcourut le parchemin qui venait de lui être remis. Il ne faisait pas froid et pourtant il s'était installé tout prêt de l'âtre comme s'il cherchait un réconfort dans la morsure des flammes. Le message était court mais parfaitement lisible dans la lumière dansante :
Preuve intacte mais compromise. Semillanque déplacée. Attendons instructions.
Ses doigts se desserrent juste assez pour que le parchemin s'échappe lentement et s'enroule à nouveau sur lui-même jusqu'à presque recomposer le sceau du capitaine. Il l'examina une fois encore puis le tendit à la haute-prêtresse qui se tenait debout à ses côtés.
- "Ton avis, ma flamme ?"
- "Je vois deux ou trois possibilités. Et vous, prétorien ?"
La haute prêtresse, repoussant d'un geste machinal ses lourds cheveux d'argent, porta son regard vers le soldat qui se tenait près de l'entrée avec quelques-uns de ses hommes. Le vieux soldat, qui avait servi d'ambassade auprès du Conseil, s'avança d'un pas et s'agenouilla un instant avant de se relever sous l'invitation délicate de la maîtresse de l'Ordre.
- "Lumière sur vous madame, ça peut être un espion envoyé par la Tour pour s'assurer de la preuve que nous avons annoncée."
- "Continue." intima le démoniste toujours enfoncé dans son haut fauteuil droit.
- "Ca pourrait tout autant être l'un des rebelles qui nous aurait vu emporter le corps de son compagnon et aurait voulu discrètement s'assurer de ce qu'il en était advenu."
- "Localiser si rapidement la Sémillanque suggère des moyens qui ne sont pas à la portée de tous, des contacts avisés. Evidemment les docks ne sont pas un endroit si discret, mais le capitaine n'a dû décacheter des ordres qu'une fois en mer. Avons-nous eu des contacts avec la rebellion ?" interrogea la prêtresse.
- "Non madame" répondit l'un des autres soldats en s'inclinant respectueusement à son tour.
- "Il y a encore d'autres possibilités."
Les regards se tournèrent vers le démoniste dont les doigts jouaient avec un espèce de caillou à la surface ridée de runes obscures que les lueurs des flammes semblaient impuissantes à dissiper. Il poursuivit à mi-voix :
"Si ce Coeur-d'Emeraude est un agent ennemi, il dispose sans doute de protections, et de gens qui veillent à ce qu'il ne lui arrive rien de fâcheux. Si ces gens sont compétents, alors ils doivent chercher à anticiper. Si ces gens existent, nous sommes une gêne pour eux."
- "Maître, c'est supposer une manipulation de grande ampleur..."
- "En effet prétorien. Mais il va être assez facile de s'en assurer."
- "Ordonnez, maître."
- "Endherion et Aldanne nous ont rapporté qu'il y a eu des dissensions dans les rangs, des soldats qui semblaient ne pas porter dans leur cœur les initiatives de leur chef. Voyez ce qu'il advient d'eux, si on note des disparitions inexpliquées - autre que de la défection en faveur des émeutiers - et fouillons un peu le passé de ce Coeur-d'Emeraude. Je me charge de ce dernier point."
- "Nous ne pouvons pas non plus exclure qu'il ait été manipulé lui-même." renchérit la prêtresse. "Le tableau est un peu trop manichéen à mon goût. Qui dirige désormais ces rebelles ?"
- "Nous trouverons madame, si la Lumière le veut."
- "Ralek s'en chargera. Soyez prudents, l'ennemi peut prendre de nombreux visages et il n'est pas exclu que nous fassions fausse route en soupçonnant celui que tout désigne. Invitons donc cet officier à... partager un souper ? Qu'en penses-tu mon ange ?"
Douce, elle glissa les doigts sur l'épaule du démoniste qui caressait toujours la pierre logée au creux de sa paume, pensif.
- "La Lumière te guide, ma flamme. Qu'il en soit ainsi. Jeudi soir ?"
- "Transmettez prétorien. Si l'homme est encore libre jeudi soir, il sera notre invité. Proposez-lui de se faire accompagner de quelques amis s'il le souhaite."
Preuve intacte mais compromise. Semillanque déplacée. Attendons instructions.
Ses doigts se desserrent juste assez pour que le parchemin s'échappe lentement et s'enroule à nouveau sur lui-même jusqu'à presque recomposer le sceau du capitaine. Il l'examina une fois encore puis le tendit à la haute-prêtresse qui se tenait debout à ses côtés.
- "Ton avis, ma flamme ?"
- "Je vois deux ou trois possibilités. Et vous, prétorien ?"
La haute prêtresse, repoussant d'un geste machinal ses lourds cheveux d'argent, porta son regard vers le soldat qui se tenait près de l'entrée avec quelques-uns de ses hommes. Le vieux soldat, qui avait servi d'ambassade auprès du Conseil, s'avança d'un pas et s'agenouilla un instant avant de se relever sous l'invitation délicate de la maîtresse de l'Ordre.
- "Lumière sur vous madame, ça peut être un espion envoyé par la Tour pour s'assurer de la preuve que nous avons annoncée."
- "Continue." intima le démoniste toujours enfoncé dans son haut fauteuil droit.
- "Ca pourrait tout autant être l'un des rebelles qui nous aurait vu emporter le corps de son compagnon et aurait voulu discrètement s'assurer de ce qu'il en était advenu."
- "Localiser si rapidement la Sémillanque suggère des moyens qui ne sont pas à la portée de tous, des contacts avisés. Evidemment les docks ne sont pas un endroit si discret, mais le capitaine n'a dû décacheter des ordres qu'une fois en mer. Avons-nous eu des contacts avec la rebellion ?" interrogea la prêtresse.
- "Non madame" répondit l'un des autres soldats en s'inclinant respectueusement à son tour.
- "Il y a encore d'autres possibilités."
Les regards se tournèrent vers le démoniste dont les doigts jouaient avec un espèce de caillou à la surface ridée de runes obscures que les lueurs des flammes semblaient impuissantes à dissiper. Il poursuivit à mi-voix :
"Si ce Coeur-d'Emeraude est un agent ennemi, il dispose sans doute de protections, et de gens qui veillent à ce qu'il ne lui arrive rien de fâcheux. Si ces gens sont compétents, alors ils doivent chercher à anticiper. Si ces gens existent, nous sommes une gêne pour eux."
- "Maître, c'est supposer une manipulation de grande ampleur..."
- "En effet prétorien. Mais il va être assez facile de s'en assurer."
- "Ordonnez, maître."
- "Endherion et Aldanne nous ont rapporté qu'il y a eu des dissensions dans les rangs, des soldats qui semblaient ne pas porter dans leur cœur les initiatives de leur chef. Voyez ce qu'il advient d'eux, si on note des disparitions inexpliquées - autre que de la défection en faveur des émeutiers - et fouillons un peu le passé de ce Coeur-d'Emeraude. Je me charge de ce dernier point."
- "Nous ne pouvons pas non plus exclure qu'il ait été manipulé lui-même." renchérit la prêtresse. "Le tableau est un peu trop manichéen à mon goût. Qui dirige désormais ces rebelles ?"
- "Nous trouverons madame, si la Lumière le veut."
- "Ralek s'en chargera. Soyez prudents, l'ennemi peut prendre de nombreux visages et il n'est pas exclu que nous fassions fausse route en soupçonnant celui que tout désigne. Invitons donc cet officier à... partager un souper ? Qu'en penses-tu mon ange ?"
Douce, elle glissa les doigts sur l'épaule du démoniste qui caressait toujours la pierre logée au creux de sa paume, pensif.
- "La Lumière te guide, ma flamme. Qu'il en soit ainsi. Jeudi soir ?"
- "Transmettez prétorien. Si l'homme est encore libre jeudi soir, il sera notre invité. Proposez-lui de se faire accompagner de quelques amis s'il le souhaite."
Mystiruis Hedson
Emeutes à Theramore (3) - Et le combat cessa...
Le prétorien s'accroupit dans un lourd bruit de mailles, retira son gant de plaques et referma les doigts sur une poignée de terre meuble fraîchement retournée. Elle était noire et sableuse, typique de cette lande marécageuse, et encore humide de la pluie récente. Son acolyte, après avoir attaché les chevaux à la grille, s'affairait à déterminer la nature des traces brunes qui tâchaient la croix de bois hâtivement fichée.
- "Bédivère Coeur-d'Emeraude." annonça le garçonnet d'une voix hésitante en déchiffrant les lettres grossièrement taillées. "... et... on s'est battu ici maître."
- "Ça m'en a tout l'air."
- "Je n'arrive pas à comprendre maître : Ils avaient partie gagnée. Pourquoi se sont-ils entredéchirés ?"
- "Je l'ignore, ça n'est pas très clair. Puisse la Lumière nous éclairer."
Ils s'écartèrent l'un et l'autre après une courte prière pour le défunt qui gisait là, du moins le pensaient-ils.
Le paladin cala sa lourde cape sous son bras et tira son épée, écarta parfois une feuille pour révéler de nouvelles éraflures sur une tombe proche. Les traces de combat étaient partout. L'acolyte s'y pencha, examina la pierre blessée, puis adressa au prétorien une moue d'ignorance.
- "Bottes ferrées. C'est également le cas ici, et ici. Tu vois ? Et ici encore. Et au bas de ce portillon, vois-tu encore ces marques ?"
- "Oui maître, mais... ?"
- "Tu connais le frère pêcheur, n'est-ce pas ?"
- "Le frère Tinasius ? Oui bien sûr maître."
- "As-tu souvent constaté qu'il portait des bottes ferrées ?"
Hors leurs missions de guerre, les membres de la Lumière Aveugle occupaient toutes sortes de tâches destinées à l'entretien de leur communauté. Dans ces terres où la paix, par chance, était plus ancrée qu'ailleurs, il n'était pas si fréquent de s'habiller pour le combat. Et de fait, le frère Tinasius portait rarement son équipement lourd de chevalier de l'Ordre.
Le prétorien et son disciple continuèrent à déambuler lentement dans les allées silencieuses à peine troublées par le bruit du vent marin dans les arbres. Ils pointaient ici et là une marque plus profonde, un impact, des tâches encore fraîches, une entaille encore blanche. Ils ramassèrent même une étole que la boue avait recouverte, imbibée de sang coagulé. Elle ne correspondait à aucun équipement réglementaire.
- "Des soldats et des civils se sont battus ici. C'est presque une certitude."
- "Juste à cause des bottes ?"
- "Des bottes, et de ça, cet impact, avec les éraflures autour, c'est une masse cloutée, ou une étoile du matin. Il y en a d'autres. Ce ne sont pas les armes d'un pêcheur qui se servirait mieux du gourdin, de la gaffe ou du couteau."
- "Ça pourrait coller avec ce qu'on raconte en ville, maître ! On dit qu'il y a eu du vilain hors les murs, pour tout étouffer."
- "Allons informer l'Ordre."
- "Bédivère Coeur-d'Emeraude." annonça le garçonnet d'une voix hésitante en déchiffrant les lettres grossièrement taillées. "... et... on s'est battu ici maître."
- "Ça m'en a tout l'air."
- "Je n'arrive pas à comprendre maître : Ils avaient partie gagnée. Pourquoi se sont-ils entredéchirés ?"
- "Je l'ignore, ça n'est pas très clair. Puisse la Lumière nous éclairer."
Ils s'écartèrent l'un et l'autre après une courte prière pour le défunt qui gisait là, du moins le pensaient-ils.
Le paladin cala sa lourde cape sous son bras et tira son épée, écarta parfois une feuille pour révéler de nouvelles éraflures sur une tombe proche. Les traces de combat étaient partout. L'acolyte s'y pencha, examina la pierre blessée, puis adressa au prétorien une moue d'ignorance.
- "Bottes ferrées. C'est également le cas ici, et ici. Tu vois ? Et ici encore. Et au bas de ce portillon, vois-tu encore ces marques ?"
- "Oui maître, mais... ?"
- "Tu connais le frère pêcheur, n'est-ce pas ?"
- "Le frère Tinasius ? Oui bien sûr maître."
- "As-tu souvent constaté qu'il portait des bottes ferrées ?"
Hors leurs missions de guerre, les membres de la Lumière Aveugle occupaient toutes sortes de tâches destinées à l'entretien de leur communauté. Dans ces terres où la paix, par chance, était plus ancrée qu'ailleurs, il n'était pas si fréquent de s'habiller pour le combat. Et de fait, le frère Tinasius portait rarement son équipement lourd de chevalier de l'Ordre.
Le prétorien et son disciple continuèrent à déambuler lentement dans les allées silencieuses à peine troublées par le bruit du vent marin dans les arbres. Ils pointaient ici et là une marque plus profonde, un impact, des tâches encore fraîches, une entaille encore blanche. Ils ramassèrent même une étole que la boue avait recouverte, imbibée de sang coagulé. Elle ne correspondait à aucun équipement réglementaire.
- "Des soldats et des civils se sont battus ici. C'est presque une certitude."
- "Juste à cause des bottes ?"
- "Des bottes, et de ça, cet impact, avec les éraflures autour, c'est une masse cloutée, ou une étoile du matin. Il y en a d'autres. Ce ne sont pas les armes d'un pêcheur qui se servirait mieux du gourdin, de la gaffe ou du couteau."
- "Ça pourrait coller avec ce qu'on raconte en ville, maître ! On dit qu'il y a eu du vilain hors les murs, pour tout étouffer."
- "Allons informer l'Ordre."
Mystiruis Hedson
Re: Au fil de Théramore ( épisode de 1 à 5 )
- "QUOI ??? Vous vous fichez de moi... "
- "Que nenni, ils se sont proprement décapités les uns et les autres."
- "Alors ça..."
Lourdement le magistrat retomba dans son fauteuil de cuir à haut dossier dont il serra les accoudoirs entre ses mains épaisses.
- "Fichtre. Il ne manquait plus que ça. Et qui a donné les ordres ?"
- "Je l'ignore. Son supérieur direct j'imagine, désireux d'étouffer toute l'affaire pour qu'elle ne parvienne jamais à vos oreilles et encore moins aux autres."
- "Incroyable... Ainsi des contre-révolutionnaires issus des rangs de notre propre armée auraient fait le ménage eux-mêmes ?"
- "Tout me porte à le croire en effet, y compris la réaction de cet émissaire de la Lumière Aveugle quand il nous rapport le fruit de leurs propres investigations. D'ailleurs... ils proposent de rendre le corps à sa famille sans plus attendre."
- "Grand bien leur fasse."
Ce que pouvait faire l'Ordre Ancien de la Lumière Aveugle en l'occurrence était le dernier cadet des soucis du magistrat qui continuait de malmener nerveusement ses accoudoirs, l'air concentré.
- "Je vais devoir faire annuler mes demandes d'audience. J'en serai quitte pour le ridicule. Ou plutôt... non je vais en profiter pour aborder des dossiers qui trainaient. Autant que tout ceci serve à quelque chose."
- "Il y a eu crime de sang. Mais pour ce que j'en sais aucune vendetta. Rien entendu qui couve en tous cas."
- "Oui oui, continuez à garder une oreille à toute cette histoire. J'ai comme l'impression que nous n'avons pas fini d'en entendre parler. Et... tenez, prenez ça."
Une bourse de cuir prit la voie des airs pour atterrir dans la main de l'espion au creux de laquelle elle atterrit avec un bruit caractéristique.
- "Pour vos faux-frais."
- "Comme d'habitude." rétorqua l'espion avec un sourire entendu avant de disparaître.
- "Que nenni, ils se sont proprement décapités les uns et les autres."
- "Alors ça..."
Lourdement le magistrat retomba dans son fauteuil de cuir à haut dossier dont il serra les accoudoirs entre ses mains épaisses.
- "Fichtre. Il ne manquait plus que ça. Et qui a donné les ordres ?"
- "Je l'ignore. Son supérieur direct j'imagine, désireux d'étouffer toute l'affaire pour qu'elle ne parvienne jamais à vos oreilles et encore moins aux autres."
- "Incroyable... Ainsi des contre-révolutionnaires issus des rangs de notre propre armée auraient fait le ménage eux-mêmes ?"
- "Tout me porte à le croire en effet, y compris la réaction de cet émissaire de la Lumière Aveugle quand il nous rapport le fruit de leurs propres investigations. D'ailleurs... ils proposent de rendre le corps à sa famille sans plus attendre."
- "Grand bien leur fasse."
Ce que pouvait faire l'Ordre Ancien de la Lumière Aveugle en l'occurrence était le dernier cadet des soucis du magistrat qui continuait de malmener nerveusement ses accoudoirs, l'air concentré.
- "Je vais devoir faire annuler mes demandes d'audience. J'en serai quitte pour le ridicule. Ou plutôt... non je vais en profiter pour aborder des dossiers qui trainaient. Autant que tout ceci serve à quelque chose."
- "Il y a eu crime de sang. Mais pour ce que j'en sais aucune vendetta. Rien entendu qui couve en tous cas."
- "Oui oui, continuez à garder une oreille à toute cette histoire. J'ai comme l'impression que nous n'avons pas fini d'en entendre parler. Et... tenez, prenez ça."
Une bourse de cuir prit la voie des airs pour atterrir dans la main de l'espion au creux de laquelle elle atterrit avec un bruit caractéristique.
- "Pour vos faux-frais."
- "Comme d'habitude." rétorqua l'espion avec un sourire entendu avant de disparaître.
Mystiruis Hedson
Emeutes à Theramore (4) - Un étrange rebondissement
Dans le silence du petit cimetière, cinq silhouettes s'activaient sous la lune voilée, ombres parmi les ombres. Au milieu des tombes, leurs efforts de discrétion étaient évidents. Elles chuchotaient parfois, communiquaient par gestes le plus souvent. L'une après l'autre les pelletés de terre fraîche s'accumulaient au bord d'une fosse qui, rapidement s'élargissait. Il ne fallut que quelques minutes pour que l'un des hommes s'arrête en butant sur une masse molle. Il leva la main. Le trou fut élargi sur les bords jusqu'à dégager entièrement le corps emmailloté dans ses linceuls. Deux autres hommes descendirent, attrapèrent l'étoffe et levèrent. Les autres les relayèrent aussitôt pour finir de dégager le défunt de l'emprise de la terre.
On referma la tombe éventrée, replaça la croix de bois et acheva d'effacer les traces de l'exhumation. L'un des hommes saisit un petit symbole de divinité en terre cuite et le brisa. Il ne s'en fallut que de quelques instants pour que la petite troupe disparaisse sans bruit dans le néant.
- "Joli travail les gars. Installez-le là."
La voix du sergent d'armes résonna sous les voutes du laboratoire du manoir Hedson, brisant le silence qu'ils s'étaient imposés depuis presque une heure. La troupe encore mouillée de bruine déposa le corps sur une large table de marbre entièrement dégagée pour l'occasion, suite à quoi ils se regroupèrent pour une courte prière à la mémoire du défunt dont ils venaient de troubler le repos éternel. Derrière eux le démoniste dissipa le portail grâce auquel ils venaient de franchir des centaines de lieues d'un battement de cil.
La haute-prêtresse de l'Ordre les salua d'un mouvement de tête gracieux et repoussa une mèche de cheveux argentés avant de sourire à son époux qui, son portail totalement dissipé, sortait enfin de sa transe felmagique pour se concentrer sur les personnes présentes.
- "Lumière sur vous, maître" lui lança le prétorien.
- "Lumière sur vous aussi, frère" répondit le démoniste en saluant chacun des hommes volontaires pour cette mission inhabituelle. "Vous n'avez pas à rougir de ce que vous avez fait ce soir car vous aurez donné une chance que la vérité progresse. Allez vous reposez, nous replacerons le corps la nuit prochaine."
Une fois les hommes sortis, le paladin s'approcha de la grande table et, avec des précautions de nature tant sanitaires que religieuses, entama le lent démaillotage du cadavre. Le médecin de l'Ordre, habituellement basé sur la Sémillanque, se présenta à son tour, poussant devant lui une table sur laquelle reposait le corps dont la glace arcanique achevait de s'évaporer.
Sur le corps exhumé, la tête, bien que remise en place, n'était plus solidaire du tronc. D'autres marques étaient notables ici ou là mais, en définitive, rien d'autre qui soit susceptible d'avoir provoqué la mort. La décapitation semblait la cause unique et première. Pas de fractures, pas d'épanchement de sang dans les viscères, les organes en bon état, tout semblait correct au regard de leurs connaissances cumulées en anatomie. Quelques prélèvements supplémentaires permettraient de déterminer si un poison quelconque avait pu être employé, ce à quoi le médecin s'employa immédiatement. Pendant ce temps un rituel commençait.
Faits de longs psaumes incantatoires, la litanie répétitive des maîtres de l'Ordre s'élevait vers les vieilles arches de pierres, accompagnant l'encens dont les volutes lourdes se perdaient lentement en diffusant une odeur envoutante. Des lueurs étranges éclaircirent, d'abord à peine perceptibles, le sol dallé, unissant dans un pentagramme complexe les composantes disséminées en des points précis. L'énergie affluait au rythme de la mélopée des deux croyants, et, d'une lueur pâle, se changea bientôt en lumière vibrante qui éclairait la scène de sa clarté presque blessante. Au dessus de chaque corps, un point d'énergie pure se matérialisait, toujours plus tangible, bientôt presque palpable. Ils pulsaient d'une vie seconde animée d'une conscience temporaire, pont entre ce monde et l'Autre. Le démon asservi du démoniste, Hathnos, en place dans son pentacle, veillait à la frontière des mondes. La nécromancie pouvait commencer.
- "Je suis Bedivère Coeur-d'Emeraude, commandant dans la Garde de Théramore."
- "Je suis Georges Grabuge, commerçant à Théramore."
Les voix, faibles d'abord, s'affirmaient lentement. Les questions du démoniste s'égrainaient, auxquelles les voix répondaient, dociles. Elles parlaient sans passion, avec un parfait détachement, des sentiments qui avaient animées ces âmes aujourd'hui défuntes. Elles se racontaient sans pudeur, presque sans intérêt, ne marquant d'impatience que pour que finisse ce désagrément d'un retour à une forme humaine de conscience. Cette absence d'émotion, ce détachement trop parfait, trop installé, finit par attirer l'attention du démoniste dont les questions se firent plus précises. Les lueurs, vives, vibraient étrangement, parfois parcourues de lueurs orangées ou verdâtres, parfois éclipsées par une ombre furtive. La porte ouverte entre les mondes attirait l'attention et Hathnos commençait à s'inquiéter de cet afflux de présences curieuses, plus ou moins hostiles qui n'allaient pas tarder à attirer des ennuis.
- "Pourquoi l'avoir étranglé ? Vous aviez une arme."
- "Parce que je voulais voir la vie quitter son regard." répondit l'esprit du soldat.
- "Pourquoi vouliez-vous contempler sa mort ?"
- "Parce que j'avais besoin de ce soulagement."
- "Ce soulagement ? En quoi était-ce un soulagement ? Qu'avez-vous éprouvé à cet instant ?"
- "De la nostalgie et de la pitié."
- "Nostalgie ??"
- "Vous ne pouvez pas comprendre, humain." répliqua la seconde entité ancrée au dessus du corps de l'émeutier.
- "Expliquez-moi. Et pourquoi avoir pitié de celui que vous assassiniez ? Vous pouviez le laisser en vie."
- "C'était un aboutissement, et j'ai eu pitié de cette âme car ce meurtre la souillait définitivement bien plus que tout ce qu'il avait pu entreprendre même avant. Quoique... l'ordre de tirer sur la foule était déjà une petite victoire."
Le démoniste croisa le regard de la prêtresse, la perplexité cédant le pas à un début de conviction. Elle hocha lentement la tête, acquiesçant lentement à la suggestion qu'évoquait le regard de son époux.
- "Maître, il faut faire vite." résonna la sourde voix d'Hathnos, dont le regard à travers les mondes révélait de graves ennuis en perspective.
- "Bédivère Coeur-d'Emeraude, Georges Grabuge, qui vous a ensorcelés ?"
Les deux points d'énergie semblèrent s'émouvoir, se parèrent de couleurs étranges tout en changeant de taille à une vitesse accélérée. Leurs circonvolutions se multipliaient dans des dimensions défiants les lois de la géométrie, menaçant d'engloutir la trame ténue du pentagramme qui les confinait étroitement.
- "Nous ne pouvons répondre à cette question."
- "Qui vous en empêche ?"
Les lueurs vacillaient de plus en plus nerveusement, visiblement en proie à une lutte intérieure qui déchirait leur enveloppe éthérée d'échardes d'ombre acérées. Des sons inhumains, stridents ou graves, hurlements sans fin issus de gorges désincarnées, résonnèrent sous les arcades à en glacer le sang.
- "Nous ne pouvons pas répondre non plus..." siffla enfin l'une des entités, mélange de supplication et de menace.
- "Je pourrais prononcer contre vous l'anathème !" menaça la prêtresse d'une voix haute et claire en levant son symbole sacré.
- "Ça serait nous infliger une souffrance inutiiiiiile..."
- "Ils possèdent nos ââââmes !!!!"
Dans une explosion d'ombre et de lumière mêlées, les deux points disparurent brutalement. La détonation fit trembler les vieilles pierres, libérant quelques filets de poussières et soufflant les lanternes dans un violent tourbillon d'outre-monde.
On referma la tombe éventrée, replaça la croix de bois et acheva d'effacer les traces de l'exhumation. L'un des hommes saisit un petit symbole de divinité en terre cuite et le brisa. Il ne s'en fallut que de quelques instants pour que la petite troupe disparaisse sans bruit dans le néant.
- "Joli travail les gars. Installez-le là."
La voix du sergent d'armes résonna sous les voutes du laboratoire du manoir Hedson, brisant le silence qu'ils s'étaient imposés depuis presque une heure. La troupe encore mouillée de bruine déposa le corps sur une large table de marbre entièrement dégagée pour l'occasion, suite à quoi ils se regroupèrent pour une courte prière à la mémoire du défunt dont ils venaient de troubler le repos éternel. Derrière eux le démoniste dissipa le portail grâce auquel ils venaient de franchir des centaines de lieues d'un battement de cil.
La haute-prêtresse de l'Ordre les salua d'un mouvement de tête gracieux et repoussa une mèche de cheveux argentés avant de sourire à son époux qui, son portail totalement dissipé, sortait enfin de sa transe felmagique pour se concentrer sur les personnes présentes.
- "Lumière sur vous, maître" lui lança le prétorien.
- "Lumière sur vous aussi, frère" répondit le démoniste en saluant chacun des hommes volontaires pour cette mission inhabituelle. "Vous n'avez pas à rougir de ce que vous avez fait ce soir car vous aurez donné une chance que la vérité progresse. Allez vous reposez, nous replacerons le corps la nuit prochaine."
Une fois les hommes sortis, le paladin s'approcha de la grande table et, avec des précautions de nature tant sanitaires que religieuses, entama le lent démaillotage du cadavre. Le médecin de l'Ordre, habituellement basé sur la Sémillanque, se présenta à son tour, poussant devant lui une table sur laquelle reposait le corps dont la glace arcanique achevait de s'évaporer.
Sur le corps exhumé, la tête, bien que remise en place, n'était plus solidaire du tronc. D'autres marques étaient notables ici ou là mais, en définitive, rien d'autre qui soit susceptible d'avoir provoqué la mort. La décapitation semblait la cause unique et première. Pas de fractures, pas d'épanchement de sang dans les viscères, les organes en bon état, tout semblait correct au regard de leurs connaissances cumulées en anatomie. Quelques prélèvements supplémentaires permettraient de déterminer si un poison quelconque avait pu être employé, ce à quoi le médecin s'employa immédiatement. Pendant ce temps un rituel commençait.
Faits de longs psaumes incantatoires, la litanie répétitive des maîtres de l'Ordre s'élevait vers les vieilles arches de pierres, accompagnant l'encens dont les volutes lourdes se perdaient lentement en diffusant une odeur envoutante. Des lueurs étranges éclaircirent, d'abord à peine perceptibles, le sol dallé, unissant dans un pentagramme complexe les composantes disséminées en des points précis. L'énergie affluait au rythme de la mélopée des deux croyants, et, d'une lueur pâle, se changea bientôt en lumière vibrante qui éclairait la scène de sa clarté presque blessante. Au dessus de chaque corps, un point d'énergie pure se matérialisait, toujours plus tangible, bientôt presque palpable. Ils pulsaient d'une vie seconde animée d'une conscience temporaire, pont entre ce monde et l'Autre. Le démon asservi du démoniste, Hathnos, en place dans son pentacle, veillait à la frontière des mondes. La nécromancie pouvait commencer.
- "Je suis Bedivère Coeur-d'Emeraude, commandant dans la Garde de Théramore."
- "Je suis Georges Grabuge, commerçant à Théramore."
Les voix, faibles d'abord, s'affirmaient lentement. Les questions du démoniste s'égrainaient, auxquelles les voix répondaient, dociles. Elles parlaient sans passion, avec un parfait détachement, des sentiments qui avaient animées ces âmes aujourd'hui défuntes. Elles se racontaient sans pudeur, presque sans intérêt, ne marquant d'impatience que pour que finisse ce désagrément d'un retour à une forme humaine de conscience. Cette absence d'émotion, ce détachement trop parfait, trop installé, finit par attirer l'attention du démoniste dont les questions se firent plus précises. Les lueurs, vives, vibraient étrangement, parfois parcourues de lueurs orangées ou verdâtres, parfois éclipsées par une ombre furtive. La porte ouverte entre les mondes attirait l'attention et Hathnos commençait à s'inquiéter de cet afflux de présences curieuses, plus ou moins hostiles qui n'allaient pas tarder à attirer des ennuis.
- "Pourquoi l'avoir étranglé ? Vous aviez une arme."
- "Parce que je voulais voir la vie quitter son regard." répondit l'esprit du soldat.
- "Pourquoi vouliez-vous contempler sa mort ?"
- "Parce que j'avais besoin de ce soulagement."
- "Ce soulagement ? En quoi était-ce un soulagement ? Qu'avez-vous éprouvé à cet instant ?"
- "De la nostalgie et de la pitié."
- "Nostalgie ??"
- "Vous ne pouvez pas comprendre, humain." répliqua la seconde entité ancrée au dessus du corps de l'émeutier.
- "Expliquez-moi. Et pourquoi avoir pitié de celui que vous assassiniez ? Vous pouviez le laisser en vie."
- "C'était un aboutissement, et j'ai eu pitié de cette âme car ce meurtre la souillait définitivement bien plus que tout ce qu'il avait pu entreprendre même avant. Quoique... l'ordre de tirer sur la foule était déjà une petite victoire."
Le démoniste croisa le regard de la prêtresse, la perplexité cédant le pas à un début de conviction. Elle hocha lentement la tête, acquiesçant lentement à la suggestion qu'évoquait le regard de son époux.
- "Maître, il faut faire vite." résonna la sourde voix d'Hathnos, dont le regard à travers les mondes révélait de graves ennuis en perspective.
- "Bédivère Coeur-d'Emeraude, Georges Grabuge, qui vous a ensorcelés ?"
Les deux points d'énergie semblèrent s'émouvoir, se parèrent de couleurs étranges tout en changeant de taille à une vitesse accélérée. Leurs circonvolutions se multipliaient dans des dimensions défiants les lois de la géométrie, menaçant d'engloutir la trame ténue du pentagramme qui les confinait étroitement.
- "Nous ne pouvons répondre à cette question."
- "Qui vous en empêche ?"
Les lueurs vacillaient de plus en plus nerveusement, visiblement en proie à une lutte intérieure qui déchirait leur enveloppe éthérée d'échardes d'ombre acérées. Des sons inhumains, stridents ou graves, hurlements sans fin issus de gorges désincarnées, résonnèrent sous les arcades à en glacer le sang.
- "Nous ne pouvons pas répondre non plus..." siffla enfin l'une des entités, mélange de supplication et de menace.
- "Je pourrais prononcer contre vous l'anathème !" menaça la prêtresse d'une voix haute et claire en levant son symbole sacré.
- "Ça serait nous infliger une souffrance inutiiiiiile..."
- "Ils possèdent nos ââââmes !!!!"
Dans une explosion d'ombre et de lumière mêlées, les deux points disparurent brutalement. La détonation fit trembler les vieilles pierres, libérant quelques filets de poussières et soufflant les lanternes dans un violent tourbillon d'outre-monde.
Mystiruis Hedson
Emeutes à Theramore (5) - Le temps d'agir
- "Quel était le nom de ce contact ?"
- "Il s'est présenté sous le nom de Clément Thomas, maître. Et il a indiqué que pour le rencontrer il suffisait de se rendre au Poulpe-à-Bras et de demander un coup de main pour déplacer un meuble."
- "Fort bien, merci prétorien. Soyez vigilants. Lumière sur vous."
- "Sur vous aussi maître."
La communication s'interrompit. Le paladin retira ses mains de l'orbe qui pulsait entre ses doigts, tout son volume irisé de lueurs violacées. A ses côtés sa soeur cherchait son regard.
- "Ca va ?"
- "C'est toujours assez... éprouvant. Surtout pour nous qui sommes désensibilisés à la télépathie. Ca oblige à bien plus de concentration que n'importe qui d'autre." grimaça le paladin, visiblement épuisé.
- "Ca nous protège aussi de tous les petits rigolos qui jouent les mentalistes. Tu devrais te reposer."
Il leva les yeux et adressa à sa soeur un sourire aussi rassurant que possible malgré la fatigue qui déformait ses traits. Elle le lui rendit et l'aida à se redresser puis l'accompagna jusqu'au dortoir des hommes où il s'effondra bien vite pour plonger sans délai dans un sommeil réparateur. Elle le couvrit, surveilla un instant son souffle et, alors seulement, s'autorisa enfin à le laisser seul. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser à ces heures d'exercices mentaux qui avaient permis de renforcer spectaculairement leurs défenses, mais au prix d'une immense difficulté à devenir eux-mêmes des émetteurs efficaces. C'était l'une des formations de base des prétoriens de la Lumière Aveugle. Les orbes abritées dans les pieds-à-terre de l'ordre démultipliaient leurs facultés et leurs symboles de divinité permettait de petits échanges rapides à courte distance. Mais une telle communication à longue portée exigeait d'eux une dépense d'énergie que ne renierait pas une expédition en Norfendre.
Elle avait besoin de parler de tout ceci à quelqu'un. Oh, pas un besoin irrépressible. Elle avait passé suffisamment de temps en mer, seule maître à bord, pour savoir se passer de confidences. Mais elle avait l'occasion, avec Mathurin, d'échanger quelques mots dans la discrétion d'un cloître. Elle avait confiance en lui et croyait pouvoir dire qu'il avait confiance en elle après ces longs mois de navigation qu'ils avaient passés, l'une en qualité de capitaine, l'autre de prêtre et médecin du bord. L'air était lourd, typique de ces lieux suspendues entre terre et eau. Il avait amené une gourde dans laquelle il avait parfumé l'eau d'essence de menthe en sachant qu'elle appréciait.
- "Ils se font appeler "Le Cri du Peuple". Il était... touchant à sa façon, comme s'il comptait sur nous vraiment. Je ne crois pas qu'il tentait juste de nous mettre la pression."
- "De toutes façons nous ne sommes pas particulièrement engagés dans ces conflits locaux ?"
- "Non non. C'est vrai qu'il y avait une forme de main tendue et de pression dans sa façon de présenter les choses. Je te dis : il semblait vraiment éprouvé et en besoin de réconfort."
- "Ca peut se comprendre s'ils ont perdu deux de leurs meneurs en quelques jours, et que les survivants se comptent sur les doigts d'une main. Beaucoup de pertes, beaucoup de moments intenses et un calme relatif venu assez brutalement, ça secouerait n'importe qui."
- "Il y a même pire : ils ont été trahis de l'intérieur par une certaine Sarah Weller."
- "Sarah Weller... connais pas."
- "J'en ai entendu parler je crois. Si c'est bien celle que je crois, c'est la fille d'Hanrius Farm et Shirae Weller. Le seul ennui c'est qu'elle devrait avoir moins d'un an. Donc soit il s'agit d'un homonyme, soit on a usé d'un artifice pour la vieillir artificiellement - ce qui serait un acte grave - soit elle a passé son enfance ailleurs, sans doute dans un repli du temps."
- "C'est sûrement une autre, tout simplement." sourit Mathurin en écoutant toutes ces hypothèses.
- "Pas sûr, pas sûr du tout. On a découvert aussi que quelqu'un aurait fait acte d'ensorcellement autour de l'événement déclencheur de tout ce conflit. Alors... va savoir."
- "Mmh mmh... C'est effectivement troublant."
- "D'ailleurs j'y repense ! Les enfants d'Hanrius avaient été enlevés un moment !"
Mathurin sourit en laissant son amie réflechir à voix haute et déboucha sa gourde qu'il lui tendit. Elle y but presque machinalement.
- "Imagine... qu'on leur ait fait je ne sais quoi... une manipulation quelconque... même légère, juste créer des circonstances tu vois... pour... amener cette situation subtilement."
- "Tu as beaucoup d'imagination, soeur." sourit-il en la regardant s'interrompre le temps de boire quelques gorgées.
- "Attends... Ca collerait non ? On croit savoir que Coeur-d'Emeraude et Grabuge n'ont pas agi complètement de leur plein gré. Qu'on ait manipulé leur esprit ou bien qu'on ait influencé leurs perceptions pour, de loin en loin, subtilement, les amener à se radicaliser l'un et l'autre. Du genre un ami qui gagne leur confiance, qui leur instille une certaine façon de penser... sauf que cet ami n'existe pas vraiment, pas en chair et en os en tous cas, ou même s'il existe vraiment d'ailleurs, on s'en fiche."
- "Ca fait un sacré nombre de suppositions."
- "Quand mon frère sera levé, on ira fouiller un peu dans le passé de ces deux là."
- "Et qu'espères-tu y trouver ?"
- "Je ne sais pas. Quelque chose en commun ? Un événement similaire ?"
- "Sacré boulot ! Les archives de Théramore ne sont pas si anciennes et encore très parcellaires. Tu vas trouver quoi ? Des traces d'un mariage ? les promotions du commandant ? Pour l'autre... encore moins."
- "On verra bien. On ne trouvera pas sans chercher."
Mathurin leva les mains en signe d'apaisement, puis s'accorda à son tour quelques gorgées d'eau à la menthe.
- "Ca veut dire que vous êtes là pour quelques jours."
Elle lui offrit en retour un sourire plein de douceur que la cloche interrompit en invitant chacun à la prière. Ils se perdirent dans le flot de frères et soeurs qui se dirigeait vers les portes ouvertes de la chapelle.
- "Il s'est présenté sous le nom de Clément Thomas, maître. Et il a indiqué que pour le rencontrer il suffisait de se rendre au Poulpe-à-Bras et de demander un coup de main pour déplacer un meuble."
- "Fort bien, merci prétorien. Soyez vigilants. Lumière sur vous."
- "Sur vous aussi maître."
La communication s'interrompit. Le paladin retira ses mains de l'orbe qui pulsait entre ses doigts, tout son volume irisé de lueurs violacées. A ses côtés sa soeur cherchait son regard.
- "Ca va ?"
- "C'est toujours assez... éprouvant. Surtout pour nous qui sommes désensibilisés à la télépathie. Ca oblige à bien plus de concentration que n'importe qui d'autre." grimaça le paladin, visiblement épuisé.
- "Ca nous protège aussi de tous les petits rigolos qui jouent les mentalistes. Tu devrais te reposer."
Il leva les yeux et adressa à sa soeur un sourire aussi rassurant que possible malgré la fatigue qui déformait ses traits. Elle le lui rendit et l'aida à se redresser puis l'accompagna jusqu'au dortoir des hommes où il s'effondra bien vite pour plonger sans délai dans un sommeil réparateur. Elle le couvrit, surveilla un instant son souffle et, alors seulement, s'autorisa enfin à le laisser seul. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser à ces heures d'exercices mentaux qui avaient permis de renforcer spectaculairement leurs défenses, mais au prix d'une immense difficulté à devenir eux-mêmes des émetteurs efficaces. C'était l'une des formations de base des prétoriens de la Lumière Aveugle. Les orbes abritées dans les pieds-à-terre de l'ordre démultipliaient leurs facultés et leurs symboles de divinité permettait de petits échanges rapides à courte distance. Mais une telle communication à longue portée exigeait d'eux une dépense d'énergie que ne renierait pas une expédition en Norfendre.
Elle avait besoin de parler de tout ceci à quelqu'un. Oh, pas un besoin irrépressible. Elle avait passé suffisamment de temps en mer, seule maître à bord, pour savoir se passer de confidences. Mais elle avait l'occasion, avec Mathurin, d'échanger quelques mots dans la discrétion d'un cloître. Elle avait confiance en lui et croyait pouvoir dire qu'il avait confiance en elle après ces longs mois de navigation qu'ils avaient passés, l'une en qualité de capitaine, l'autre de prêtre et médecin du bord. L'air était lourd, typique de ces lieux suspendues entre terre et eau. Il avait amené une gourde dans laquelle il avait parfumé l'eau d'essence de menthe en sachant qu'elle appréciait.
- "Ils se font appeler "Le Cri du Peuple". Il était... touchant à sa façon, comme s'il comptait sur nous vraiment. Je ne crois pas qu'il tentait juste de nous mettre la pression."
- "De toutes façons nous ne sommes pas particulièrement engagés dans ces conflits locaux ?"
- "Non non. C'est vrai qu'il y avait une forme de main tendue et de pression dans sa façon de présenter les choses. Je te dis : il semblait vraiment éprouvé et en besoin de réconfort."
- "Ca peut se comprendre s'ils ont perdu deux de leurs meneurs en quelques jours, et que les survivants se comptent sur les doigts d'une main. Beaucoup de pertes, beaucoup de moments intenses et un calme relatif venu assez brutalement, ça secouerait n'importe qui."
- "Il y a même pire : ils ont été trahis de l'intérieur par une certaine Sarah Weller."
- "Sarah Weller... connais pas."
- "J'en ai entendu parler je crois. Si c'est bien celle que je crois, c'est la fille d'Hanrius Farm et Shirae Weller. Le seul ennui c'est qu'elle devrait avoir moins d'un an. Donc soit il s'agit d'un homonyme, soit on a usé d'un artifice pour la vieillir artificiellement - ce qui serait un acte grave - soit elle a passé son enfance ailleurs, sans doute dans un repli du temps."
- "C'est sûrement une autre, tout simplement." sourit Mathurin en écoutant toutes ces hypothèses.
- "Pas sûr, pas sûr du tout. On a découvert aussi que quelqu'un aurait fait acte d'ensorcellement autour de l'événement déclencheur de tout ce conflit. Alors... va savoir."
- "Mmh mmh... C'est effectivement troublant."
- "D'ailleurs j'y repense ! Les enfants d'Hanrius avaient été enlevés un moment !"
Mathurin sourit en laissant son amie réflechir à voix haute et déboucha sa gourde qu'il lui tendit. Elle y but presque machinalement.
- "Imagine... qu'on leur ait fait je ne sais quoi... une manipulation quelconque... même légère, juste créer des circonstances tu vois... pour... amener cette situation subtilement."
- "Tu as beaucoup d'imagination, soeur." sourit-il en la regardant s'interrompre le temps de boire quelques gorgées.
- "Attends... Ca collerait non ? On croit savoir que Coeur-d'Emeraude et Grabuge n'ont pas agi complètement de leur plein gré. Qu'on ait manipulé leur esprit ou bien qu'on ait influencé leurs perceptions pour, de loin en loin, subtilement, les amener à se radicaliser l'un et l'autre. Du genre un ami qui gagne leur confiance, qui leur instille une certaine façon de penser... sauf que cet ami n'existe pas vraiment, pas en chair et en os en tous cas, ou même s'il existe vraiment d'ailleurs, on s'en fiche."
- "Ca fait un sacré nombre de suppositions."
- "Quand mon frère sera levé, on ira fouiller un peu dans le passé de ces deux là."
- "Et qu'espères-tu y trouver ?"
- "Je ne sais pas. Quelque chose en commun ? Un événement similaire ?"
- "Sacré boulot ! Les archives de Théramore ne sont pas si anciennes et encore très parcellaires. Tu vas trouver quoi ? Des traces d'un mariage ? les promotions du commandant ? Pour l'autre... encore moins."
- "On verra bien. On ne trouvera pas sans chercher."
Mathurin leva les mains en signe d'apaisement, puis s'accorda à son tour quelques gorgées d'eau à la menthe.
- "Ca veut dire que vous êtes là pour quelques jours."
Elle lui offrit en retour un sourire plein de douceur que la cloche interrompit en invitant chacun à la prière. Ils se perdirent dans le flot de frères et soeurs qui se dirigeait vers les portes ouvertes de la chapelle.
Mystiruis Hedson
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