Folie(s)
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Folie(s)
(/HRP : Le bg du personnage étant relativement atroce, j'ai tâché de faire au mieux pour ne pas tomber dans le trash et le vulgaire. Néanmoins, je tiens à préciser que ce texte est à lire pour un public averti )
La pièce était richement décorée. Une chambre vaste, aux murs capitonnés de velours rouge et aux larges fenêtres parées de rideaux ocre. Et sur un parquet sombre, au centre, un berceau blanc. Penchée sur celui-ci, une femme blonde, aux traits fins et aux yeux d’un vert profond contemplait le poupon endormi. Ramenant quelques boucles indomptées derrière une oreille parfaitement dessinée, elle caressait avec tendresse la joue rose et rebondie.
- C’est une vraie merveille, murmura l’homme qui se tenait à ses côtés.
Grand et blond lui aussi, il serrait avec affection les doigts fragiles de sa femme entre les siens. Son visage marqué par les années n’enlevait rien à son charme et son charisme. La fine barbe qui couvrait son menton et les cernes visibles sous ses yeux laissaient deviner une semaine passée éprouvante. Souriante, la blonde pivota un peu vers lui et vint poser un léger baiser sur sa joue.
- Tu as vu ses… ?
Il hocha la tête dans un sourire identique et effleura d’un doigt les quelques boucles brunes qui ornaient le crâne du nourrisson, le regard émerveillé et plein d’adoration. Sans être parfaitement exceptionnelle, la naissance d’un enfant aux cheveux foncés dans ces contrées nordiques était suffisamment rare pour susciter une telle surprise auprès de parents blonds comme les blés. Marquant une légère hésitation, Renan Bruleciel, puisque tel était son nom, se pencha à son tour sur le berceau et prit délicatement l’être minuscule entre ses bras. Ses pupilles bleues brillantes d’émotion, il entreprit de bercer sa fille, tandis qu’Aurore, sa femme, l’encerclait tendrement de ses bras amoureux.
Quelques pas plus loin, dans l’ombre de l’encadrement de porte, une petite fille, âgée de quatre ou cinq ans tout au plus, laissa choir sa poupée sur le sol. Son visage ingrat et joufflu, percé de deux yeux d’un noir profond se décomposait à vue d’œil. Ses lèvres fines, quasi-inexistantes se pincèrent en un rictus colérique tandis qu’elle observait ses parents.
Jamais, à sa mémoire, on ne l’avait qualifiée de merveille. Baissant un peu la tête, ses cheveux raides et fins voilèrent son visage, tandis qu’elle se penchait pour ramasser son jouet. Fulminante, elle tourna les talons en se jurant de faire de la vie de sa cadette un véritable enfer.
La pièce était richement décorée. Une chambre vaste, aux murs capitonnés de velours rouge et aux larges fenêtres parées de rideaux ocre. Et sur un parquet sombre, au centre, un berceau blanc. Penchée sur celui-ci, une femme blonde, aux traits fins et aux yeux d’un vert profond contemplait le poupon endormi. Ramenant quelques boucles indomptées derrière une oreille parfaitement dessinée, elle caressait avec tendresse la joue rose et rebondie.
- C’est une vraie merveille, murmura l’homme qui se tenait à ses côtés.
Grand et blond lui aussi, il serrait avec affection les doigts fragiles de sa femme entre les siens. Son visage marqué par les années n’enlevait rien à son charme et son charisme. La fine barbe qui couvrait son menton et les cernes visibles sous ses yeux laissaient deviner une semaine passée éprouvante. Souriante, la blonde pivota un peu vers lui et vint poser un léger baiser sur sa joue.
- Tu as vu ses… ?
Il hocha la tête dans un sourire identique et effleura d’un doigt les quelques boucles brunes qui ornaient le crâne du nourrisson, le regard émerveillé et plein d’adoration. Sans être parfaitement exceptionnelle, la naissance d’un enfant aux cheveux foncés dans ces contrées nordiques était suffisamment rare pour susciter une telle surprise auprès de parents blonds comme les blés. Marquant une légère hésitation, Renan Bruleciel, puisque tel était son nom, se pencha à son tour sur le berceau et prit délicatement l’être minuscule entre ses bras. Ses pupilles bleues brillantes d’émotion, il entreprit de bercer sa fille, tandis qu’Aurore, sa femme, l’encerclait tendrement de ses bras amoureux.
Quelques pas plus loin, dans l’ombre de l’encadrement de porte, une petite fille, âgée de quatre ou cinq ans tout au plus, laissa choir sa poupée sur le sol. Son visage ingrat et joufflu, percé de deux yeux d’un noir profond se décomposait à vue d’œil. Ses lèvres fines, quasi-inexistantes se pincèrent en un rictus colérique tandis qu’elle observait ses parents.
Jamais, à sa mémoire, on ne l’avait qualifiée de merveille. Baissant un peu la tête, ses cheveux raides et fins voilèrent son visage, tandis qu’elle se penchait pour ramasser son jouet. Fulminante, elle tourna les talons en se jurant de faire de la vie de sa cadette un véritable enfer.
Dernière édition par Mayan le Lun 10 Jan 2011, 18:25, édité 2 fois
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
5 ans plus tard
De l’avis de tous, Mayan Bruleciel était une enfant charmante. Polie, éveillée et de bonne composition, son sourire adorable ne quittait jamais ses lèvres. Déjà, la petite fille semblait comprendre ce que le charme pouvait apporter à une demoiselle sachant le manier avec astuce et à propos. Très proche de sa mère, qu’elle ne quittait pour ainsi dire jamais, ses journées s’écoulaient paisiblement entre apprentissages, jeux et réceptions. Ces bals et autres dîners auxquels sa mère se rendait fréquemment par plaisir et par devoir, pour représenter la maison Bruleciel au sein de la noblesse Hautebrantoise, faisaient régulièrement de Mayan leur centre d’intérêt grâce aux poèmes que lui faisaient apprendre Aurore et qu’elle déclamait avec une ferveur rare pour une enfant de cet âge.
Repoussant doucement ses boucles brunes derrière son oreille, elle serra contre elle la jolie poupée que venait de lui offrir son père pour son cinquième anniversaire. Son visage, savamment travaillé dans une porcelaine de qualité et ses riches vêtements taillés dans la soie la plus douce ne laissaient aucun doute quand au prix extravagant qu’avait du offrir le Marquis pour son acquisition. Ravie, la petite fille l’avait aussitôt adorée et s’était empressée de courir à sa chambre pour la présenter à Ana, sa sœur aînée. Cette dernière, qui, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, ne s’était vraiment pas embellie avec l’âge, l’avait contemplée d’un regard mauvais, un sourire narquois aux lèvres.
- Eh bien Mayan ? avait-elle demandé, laissant de côté une broderie tout juste entamée.
La petite fille s’était approchée sans méfiance, et lui avait tendu son trésor comme une offrande à une déité miséricordieuse. Ana avait saisi la poupée de ses gros doigts disgracieux et l’avait observée un moment.
- Je n’en ai jamais eu de si jolie, avait-elle finalement soupiré, regardant sa sœur d’un air contrit.
- Vraiment ?! s’était récriée la petite brune, sincèrement scandalisée par tant d’injustice.
- Vraiment. Ecoute, je sais que c’est ton anniversaire aujourd’hui, et je ne veux pas gâcher ta journée avec ma tristesse. Reprends ta poupée, je suis certaine qu’un jour Père m’en offrira une semblable.
Mayan marqua une hésitation, et Ana sut aussitôt que c’était gagné. La générosité de cette gamine et sa dévotion à son égard n’avait de cesse de l’impressionner.
- Tu peux la garder, avait bredouillé la petite fille, un sourire doux aux lèvres. J’en ai plusieurs autres et je ne veux pas que tu sois triste Nana.
- Tu es sûre ?
- Sûre, sûre, avait affirmé l’enfant, hochant vigoureusement la tête.
Ana avait souri satisfaite, et serré la poupée un instant contre son cœur, avant de se lever et de l’enfermer dans un placard, hors de portée de sa cadette. Cette dernière, se mordant la lèvre avait observé la poupée ainsi remisée, une lueur de regret traversant son regard émeraude. Secouant la tête, elle s’était convaincu que sa sœur était vraiment très malheureuse et qu’il faudrait qu’elle fasse tout ce qui était en son pouvoir pour la consoler. Elle déposa donc un baiser léger sur sa joue, avant de retourner au petit salon, en quête de sa mère, pour poursuivre ses leçons de lecture.
L’aînée l’avait regardé partir, effleurant du bout des doigts sa broderie, inclinant légèrement la tête. Il lui faudrait bientôt trouver de nouvelles façons de tourmenter cette gosse si encline au sacrifice et à la bonté. Riant un peu, elle referma violement la porte du placard et la verrouilla d’un tour de clé.
De l’avis de tous, Mayan Bruleciel était une enfant charmante. Polie, éveillée et de bonne composition, son sourire adorable ne quittait jamais ses lèvres. Déjà, la petite fille semblait comprendre ce que le charme pouvait apporter à une demoiselle sachant le manier avec astuce et à propos. Très proche de sa mère, qu’elle ne quittait pour ainsi dire jamais, ses journées s’écoulaient paisiblement entre apprentissages, jeux et réceptions. Ces bals et autres dîners auxquels sa mère se rendait fréquemment par plaisir et par devoir, pour représenter la maison Bruleciel au sein de la noblesse Hautebrantoise, faisaient régulièrement de Mayan leur centre d’intérêt grâce aux poèmes que lui faisaient apprendre Aurore et qu’elle déclamait avec une ferveur rare pour une enfant de cet âge.
Repoussant doucement ses boucles brunes derrière son oreille, elle serra contre elle la jolie poupée que venait de lui offrir son père pour son cinquième anniversaire. Son visage, savamment travaillé dans une porcelaine de qualité et ses riches vêtements taillés dans la soie la plus douce ne laissaient aucun doute quand au prix extravagant qu’avait du offrir le Marquis pour son acquisition. Ravie, la petite fille l’avait aussitôt adorée et s’était empressée de courir à sa chambre pour la présenter à Ana, sa sœur aînée. Cette dernière, qui, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, ne s’était vraiment pas embellie avec l’âge, l’avait contemplée d’un regard mauvais, un sourire narquois aux lèvres.
- Eh bien Mayan ? avait-elle demandé, laissant de côté une broderie tout juste entamée.
La petite fille s’était approchée sans méfiance, et lui avait tendu son trésor comme une offrande à une déité miséricordieuse. Ana avait saisi la poupée de ses gros doigts disgracieux et l’avait observée un moment.
- Je n’en ai jamais eu de si jolie, avait-elle finalement soupiré, regardant sa sœur d’un air contrit.
- Vraiment ?! s’était récriée la petite brune, sincèrement scandalisée par tant d’injustice.
- Vraiment. Ecoute, je sais que c’est ton anniversaire aujourd’hui, et je ne veux pas gâcher ta journée avec ma tristesse. Reprends ta poupée, je suis certaine qu’un jour Père m’en offrira une semblable.
Mayan marqua une hésitation, et Ana sut aussitôt que c’était gagné. La générosité de cette gamine et sa dévotion à son égard n’avait de cesse de l’impressionner.
- Tu peux la garder, avait bredouillé la petite fille, un sourire doux aux lèvres. J’en ai plusieurs autres et je ne veux pas que tu sois triste Nana.
- Tu es sûre ?
- Sûre, sûre, avait affirmé l’enfant, hochant vigoureusement la tête.
Ana avait souri satisfaite, et serré la poupée un instant contre son cœur, avant de se lever et de l’enfermer dans un placard, hors de portée de sa cadette. Cette dernière, se mordant la lèvre avait observé la poupée ainsi remisée, une lueur de regret traversant son regard émeraude. Secouant la tête, elle s’était convaincu que sa sœur était vraiment très malheureuse et qu’il faudrait qu’elle fasse tout ce qui était en son pouvoir pour la consoler. Elle déposa donc un baiser léger sur sa joue, avant de retourner au petit salon, en quête de sa mère, pour poursuivre ses leçons de lecture.
L’aînée l’avait regardé partir, effleurant du bout des doigts sa broderie, inclinant légèrement la tête. Il lui faudrait bientôt trouver de nouvelles façons de tourmenter cette gosse si encline au sacrifice et à la bonté. Riant un peu, elle referma violement la porte du placard et la verrouilla d’un tour de clé.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
2.
- C’est parfaitement hors de question, vous m’entendez !
Aurore lança de toutes ses forces le vase hors de prix qu’elle avait attrapé sur la cheminée en direction de son mari qui l’esquiva in extremis en se baissant sous son bureau.
- Enfin Aurore, voyons, votre réaction est ridicule, calmez vous !
- C’est vous qui êtes ridicule, et malade, et odieux, et monstrueux et… atroce !
La jeune femme croisa les bras, à court de qualificatifs et toisa Renan d’un regard assassin.
- Je me fiche de savoir de quelle façon vous faites vivre cette propriété, reprit-elle plus calmement. Mais il est hors de question que vous mêliez ma fille à ces histoires. N’avez-vous donc aucun sens moral ?
Etouffant un soupir agacé, l’homme repris place dans son fauteuil de velours bleu et croisa les bras, jaugeant sa femme du regard. Belle à en mourir, son caractère n’était pas moins exceptionnel. Il se prit à sourire, se rappelant que c’était ce qui l’avait charmé autrefois. Ca et l’héritage conséquent qu’elle avait apporté à sa fortune et qu’il avait dilapidé en un temps record, en préservant néanmoins une petite partie pour mener à bien… ses affaires particulières.
- Aurore, fit-il finalement, invitant son épouse à prendre place face à lui, de l’autre côté du bureau. Les réprouvés se font de plus en plus menaçants. Nos armées ont besoin de fonds et si nous désirons conserver notre rang, il est de notre devoir de les financer autant que nous le pouvons. Il s’agit là de patriotisme.
- Eh bien donnez leur, peu importe, je ne vois pas ce que Mayan pourrait vous apporter de plus, grogna-t-elle, se laissant glisser avec grâce dans le fauteuil, après avoir pris soin d’en retirer les éclats de cristal qui s’y étaient fichés.
Attrapant sa pipe sur un coin du bureau, il la fourra entre ses lèvres et prit l’instant de la réflexion, levant les yeux au plafond.
- Nos affaires ne sont plus si florissantes actuellement. Nos… clients désirent de nouvelles prestations que nos salariées ne sont pas encore en mesure de leur offrir. Eduquée correctement, Mayan pourrait symboliser le renouveau de notre activité, et… en devenir le porte parole. Vous comprenez ?
Serrant un peu les poings, la Marquise réajusta nerveusement son collier de perles.
- Elle n’a que 9 ans, Renan, comment pouvez-vous désirer ce genre d’avenir pour elle ? C’est une enfant brillante et douce, et il n’a jamais été question que vous l’embrigadiez dans vos histoires sordides. Prenez plutôt Ana. Elle est presque adulte, et… saura vous satisfaire.
Le Marquis éclata d’un rire sonore, puis planta un regard narquois dans celui de son épouse.
- Sérieusement ? Ana ? Vous l’avez regardée ? Je vous ai parlé de relancer nos affaires, pas de faire faillite.
Aurore fit claquer sa langue, agacée, puis se pencha un peu vers lui.
- Je ne vous laisserais pas faire.
- Mais vous n’aurez pas le choix ma chère. C’est également ma fille et je déciderai de ce qui est bon ou pas pour elle. D’autre part, vous n’avez jamais trouvé utile de protester quand à la provenance de l’argent qui sert à acheter vos toilettes et vos amants il me semble ?
- Vous ne l’aurez pas, Renan, répéta-t-elle d’une voix calme et froide, se relevant lentement et se dirigeant vers la porte du bureau qu’elle franchit sans se retourner.
Il la regarda faire, tapotant des doigts sur son buvard, pensif. Voilà qui allait compromettre ses plans dans l’immédiat. Bien que provocateur, il n’était pas assez fou pour se mettre à dos cette femme qui en savait bien trop pour être inoffensive. Récupérant une pile de feuille rangée dans un tiroir, il parcourut du regard ses commandes en attente. Il allait devoir trouver une solution rapide à cette situation s’il désirait que son commerce continue de s’étendre et d’attirer la bourgeoisie Hautebrantoise, voire même la noblesse. Tous, bien sûr, n’étaient pas intéressés par ses prestations quelque peu atypiques, mais un nombre conséquent d’entre eux, frustrés de leurs femmes épousées le plus souvent par convenance étaient tentés, et finissaient par craquer grâce à une campagne de persuasion savamment orchestrée par Aurore et certaines de ses plus fidèles collaboratrices.
Reposant sa pipe sur le bureau, il se leva et se dirigea vers un coin du cabinet, en direction d’une toile encadrée sobrement. Il n’avait pas jugé utile de la surcharger d’ornements, estimant que la beauté du modèle se suffisait à elle-même. Caressant lentement les courbes du menton de la jeune fille, ses yeux se troublèrent un instant. Bientôt, il la posséderait entièrement. Elle et tous les trésors à sa portée.
- C’est parfaitement hors de question, vous m’entendez !
Aurore lança de toutes ses forces le vase hors de prix qu’elle avait attrapé sur la cheminée en direction de son mari qui l’esquiva in extremis en se baissant sous son bureau.
- Enfin Aurore, voyons, votre réaction est ridicule, calmez vous !
- C’est vous qui êtes ridicule, et malade, et odieux, et monstrueux et… atroce !
La jeune femme croisa les bras, à court de qualificatifs et toisa Renan d’un regard assassin.
- Je me fiche de savoir de quelle façon vous faites vivre cette propriété, reprit-elle plus calmement. Mais il est hors de question que vous mêliez ma fille à ces histoires. N’avez-vous donc aucun sens moral ?
Etouffant un soupir agacé, l’homme repris place dans son fauteuil de velours bleu et croisa les bras, jaugeant sa femme du regard. Belle à en mourir, son caractère n’était pas moins exceptionnel. Il se prit à sourire, se rappelant que c’était ce qui l’avait charmé autrefois. Ca et l’héritage conséquent qu’elle avait apporté à sa fortune et qu’il avait dilapidé en un temps record, en préservant néanmoins une petite partie pour mener à bien… ses affaires particulières.
- Aurore, fit-il finalement, invitant son épouse à prendre place face à lui, de l’autre côté du bureau. Les réprouvés se font de plus en plus menaçants. Nos armées ont besoin de fonds et si nous désirons conserver notre rang, il est de notre devoir de les financer autant que nous le pouvons. Il s’agit là de patriotisme.
- Eh bien donnez leur, peu importe, je ne vois pas ce que Mayan pourrait vous apporter de plus, grogna-t-elle, se laissant glisser avec grâce dans le fauteuil, après avoir pris soin d’en retirer les éclats de cristal qui s’y étaient fichés.
Attrapant sa pipe sur un coin du bureau, il la fourra entre ses lèvres et prit l’instant de la réflexion, levant les yeux au plafond.
- Nos affaires ne sont plus si florissantes actuellement. Nos… clients désirent de nouvelles prestations que nos salariées ne sont pas encore en mesure de leur offrir. Eduquée correctement, Mayan pourrait symboliser le renouveau de notre activité, et… en devenir le porte parole. Vous comprenez ?
Serrant un peu les poings, la Marquise réajusta nerveusement son collier de perles.
- Elle n’a que 9 ans, Renan, comment pouvez-vous désirer ce genre d’avenir pour elle ? C’est une enfant brillante et douce, et il n’a jamais été question que vous l’embrigadiez dans vos histoires sordides. Prenez plutôt Ana. Elle est presque adulte, et… saura vous satisfaire.
Le Marquis éclata d’un rire sonore, puis planta un regard narquois dans celui de son épouse.
- Sérieusement ? Ana ? Vous l’avez regardée ? Je vous ai parlé de relancer nos affaires, pas de faire faillite.
Aurore fit claquer sa langue, agacée, puis se pencha un peu vers lui.
- Je ne vous laisserais pas faire.
- Mais vous n’aurez pas le choix ma chère. C’est également ma fille et je déciderai de ce qui est bon ou pas pour elle. D’autre part, vous n’avez jamais trouvé utile de protester quand à la provenance de l’argent qui sert à acheter vos toilettes et vos amants il me semble ?
- Vous ne l’aurez pas, Renan, répéta-t-elle d’une voix calme et froide, se relevant lentement et se dirigeant vers la porte du bureau qu’elle franchit sans se retourner.
Il la regarda faire, tapotant des doigts sur son buvard, pensif. Voilà qui allait compromettre ses plans dans l’immédiat. Bien que provocateur, il n’était pas assez fou pour se mettre à dos cette femme qui en savait bien trop pour être inoffensive. Récupérant une pile de feuille rangée dans un tiroir, il parcourut du regard ses commandes en attente. Il allait devoir trouver une solution rapide à cette situation s’il désirait que son commerce continue de s’étendre et d’attirer la bourgeoisie Hautebrantoise, voire même la noblesse. Tous, bien sûr, n’étaient pas intéressés par ses prestations quelque peu atypiques, mais un nombre conséquent d’entre eux, frustrés de leurs femmes épousées le plus souvent par convenance étaient tentés, et finissaient par craquer grâce à une campagne de persuasion savamment orchestrée par Aurore et certaines de ses plus fidèles collaboratrices.
Reposant sa pipe sur le bureau, il se leva et se dirigea vers un coin du cabinet, en direction d’une toile encadrée sobrement. Il n’avait pas jugé utile de la surcharger d’ornements, estimant que la beauté du modèle se suffisait à elle-même. Caressant lentement les courbes du menton de la jeune fille, ses yeux se troublèrent un instant. Bientôt, il la posséderait entièrement. Elle et tous les trésors à sa portée.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Trois ans plus tard
Tenant d’une main gracile son ombrelle au dessus de son visage, Mayan savourait l’atmosphère chargée d’iode tandis qu’elle cheminait jusqu’au centre ville d’Austrivage. Elle n’avait que peu d’occasions de sortir et encore moins sans escorte, aussi prit elle un malin plaisir à prendre tout son temps, observant tantôt les fleurs disséminées dans les champs en ce bel été, tantôt les maisons à l’architecture si reconnaissable. Passant à proximité du maître des griffons, elle s’arrêta un long moment après en avoir eu l’autorisation pour caresser les animaux avec émerveillement. Souriante, comme à son habitude, elle se répéta pour la énième fois qu’il faudrait qu’elle réussisse à convaincre sa mère de lui offrir un chien.
Le bruit de nombreux pas métalliques lui fit relever la tête brusquement, et elle recula légèrement en voyant passer une patrouille de soldats. Ces derniers, majestueux dans leurs armures argentées se dirigeaient fièrement vers le nord, sans doute en quête de réprouvés avec lesquels en découdre. A leur tête, un homme fier et robuste qu’elle observa un instant avec une admiration teintée de crainte. Mais elle n’eut guère le loisir de le détailler plus avant, interpelée par un jeune homme en guenille qui lui tira doucement le bras, le regard implorant. Surprise, elle eut un léger mouvement de recul avant de refermer son ombrelle et de soustraire sa robe blanche à la prise crasseuse du mendiant.
- Dame, fit-il avec un effort visible pour s’exprimer correctement, auriez-vous quelques piécettes, pour un pauvre manant qui voudrait pouvoir manger ?
Perplexe, elle le contempla un moment sans rien trouver à lui répondre. Pourquoi ne demande-t-il pas simplement au cuisinier de cette auberge de lui fournir un repas, s’il a faim ? se demanda-t-elle un instant. Puis, retrouvant son sourire aimable et la lueur douce qui ne quittait jamais son regard, elle défit les lacets de la bourse qui pendait à son poignet et y attrapa quelques pièces d’or qu’elle déposa dans la main de l’homme avec un sourire. Ce dernier écarquilla les yeux et contempla les pièces avec stupéfaction.
- De… de l’or ? bégaya-t-il sans en croire ses yeux.
- Ce… Ce n’est pas assez ? demanda-t-elle, embarrassée. Je… Eh bien je ne peux pas vous en donner plus, sinon il ne me restera pas assez pour les courses que l’on m’a commandées.
Relevant la tête vers elle, le mendiant lui sourit de toutes ses gencives, seules deux dents restant encore fièrement au poste et il s’inclina le plus bas possible.
- Vous êtes un ange tombé du ciel ! s’écria-t-il. Merci Dame ! Merci !
Stupéfaite et un peu inquiète d’une telle réaction, Mayan resserra machinalement sa prise autour de la poignée de son ombrelle. Décidément, elle commençait à comprendre pourquoi sa mère ne la laissait jamais sortir. Le monde extérieur était bien trop étrange. L’homme se répandit en courbettes et en remerciement quelque temps encore puis s’éclipsa rapidement, de peur sans doute que la donzelle revienne sur sa décision et récupère son butin. Refermant les lacets de sa bourse, et réajustant les franges de sa robe immaculée, elle se remit en marche sans rouvrir son ombrelle, savourant les rayons tièdes qui caressèrent son visage pâle. Haussant les épaules et étouffant un rire joyeux, elle dévala les derniers mètres de la pente qui la menèrent à l’Hotel de Ville du village.
Tâchant de retrouver son sérieux, elle vérifia que les perles dorées piquées à ses cheveux tenaient toujours en place et entra dans le bâtiment. L’endroit était sombre et frais, austère. Observant avec intérêt les rayonnages couverts de livres elle se dirigea sans hâte vers l’homme qu’on lui avait demandé de voir. Souriante, elle s’inclina devant lui.
- Bonjour, je suis Mayan Bruleciel, de la maison Bruleciel. Mon père m’envoie pour remettre à
jour les modalités de versement de ses donations à nos armées.
Le greffe de l’Hotel de Ville, visiblement captivé par la relecture d’un arrêté quelconque, grogna légèrement.
- Oui oui, je suis à vous dans une minu…
Redressant le nez, son regard s’arrêta enfin sur la demoiselle, s’écarquillant légèrement.
Refermant rapidement l’ouvrage ouvert devant lui, il lui adressa aussitôt un sourire aimable, tâchant de recoiffer d’une main discrète le peu de cheveux qui lui restaient sur le crâne. La détaillant avec une avidité difficilement contenue, ses yeux gris plongèrent sans vergogne dans le décolleté déjà bien galbé pour une jeune femme de cet âge. Se raclant la gorge, il se força à planter son regard dans les deux émeraudes qui le fixaient avec douceur et politesse.
- Avez-vous le formulaire nécessaire dûment rempli ? Est-ce pour une baisse des versements ?
- J’ai là tout ce qu’il faut, fit-elle en lui tendant plusieurs parchemins et en versant le reste du contenu de sa bourse au creux de la main ridée. Les formulaires, les 20 pièces d’or nécessaires au traitement du dossier et la signature de mon père, me permettant d’effectuer ces procédures à sa place. Et il s’agit d’une augmentation des dons. Nous sommes très concernés par le travail qu’effectue la garde et les Rédempteurs dans notre région et il nous paraît normal de participer à notre façon à l’effort de guerre.
Penchant légèrement la tête, elle l’observa avec un sourire tandis qu’il acquiesçait et remplissait un reçu qu’il lui tendit avec une courbette ridicule.
- Dites à votre père que je me chargerai personnellement de ce dossier. Et n’hésitez pas à revenir si vous avez des questions !
Riant un peu, elle s’inclina avec grâce puis se dirigea vers la sortie.
Elle n’avait pas parcouru la moitié du chemin qu’un jeune homme affolé dévalait la colline menant à son manoir dans sa direction, en faisant de grands gestes.
- Dame Mayan ! Dame Mayan ! hurlait-il, trébuchant tous les trois pas.
S’arrêtant de marcher et l’observant avec inquiétude, elle reconnut rapidement Théodore, le valet de chambre de sa mère. Il tituba jusqu’à elle, et tomba à genoux à ses pieds. Sidérée, elle se pencha vers lui et effleura son épaule de ses doigts.
- Dame Mayan c’est affreux… C’est affreux ! Il est arrivé quelque chose d’horrible !
De plus en plus inquiète, elle l’aida à se relever, le prenant par le bras et tâcha de capturer son regard du sien.
- Qu’y a-t-il Théo ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes !
- C’est… C’est Madame votre mère, il est arrivé un accident ! Sa… sa calèche s’est renversée, dans un ravin et…
Le relâchant aussitôt, elle plaqua deux mains sur sa bouche, horrifiée. Pendant une seconde chargée d’éternité, elle n’osa plus bouger, puis s’élança à toutes jambes en direction du manoir, abandonnant là son ombrelle, et relevant sa robe pour ne pas s’effondrer.
Pénétrant dans la demeure silencieuse telle une tornade, elle gravit quatre à quatre les escaliers de marbres en direction du petit salon où elle trouva son père et sa sœur qui se contemplait l’un l’autre, interdits et sous le choc. Serrant ses mains contre son cœur, elle se précipita auprès d’eux et tomba à genoux à leurs pieds, levant ses cils perlés de larmes et un regard implorant dans leur direction.
- Où est-elle ? Comment va-t-elle ? gémit-elle, affolée et désespérée.
Semblant enfin s’apercevoir de sa présence, Renan posa une main douce sur son épaule, et l’attira à lui pour la serrer de ses bras robustes, fourrant son nez dans les boucles brunes qui s’échappaient à présent par dizaine du chignon savamment relevé. Se débattant un peu, elle recula légèrement pour fixer son regard au sien, les larmes roulant librement sur ses joues blanches.
- Répondez-moi ! Où est-elle ?
- Chut Mayan…, fit-il, la ramenant contre son cœur. Ils n’ont rien pu faire… on a retrouvé son corps sans vie dans le ravin.
- Non ! Non, vous mentez !
Hurlant de douleur et de peine, elle frappa le torse de son père de ses poings recroquevillés, puis finit par s’effondrer contre lui, sanglotant avec force, anéantie. Par-dessus son épaule, le Marquis croisa le regard de sa fille aînée et lui adressa un sourire satisfait. Cette dernière inclina légèrement la tête, et observa sa sœur, une lueur victorieuse au fond du regard.
Tenant d’une main gracile son ombrelle au dessus de son visage, Mayan savourait l’atmosphère chargée d’iode tandis qu’elle cheminait jusqu’au centre ville d’Austrivage. Elle n’avait que peu d’occasions de sortir et encore moins sans escorte, aussi prit elle un malin plaisir à prendre tout son temps, observant tantôt les fleurs disséminées dans les champs en ce bel été, tantôt les maisons à l’architecture si reconnaissable. Passant à proximité du maître des griffons, elle s’arrêta un long moment après en avoir eu l’autorisation pour caresser les animaux avec émerveillement. Souriante, comme à son habitude, elle se répéta pour la énième fois qu’il faudrait qu’elle réussisse à convaincre sa mère de lui offrir un chien.
Le bruit de nombreux pas métalliques lui fit relever la tête brusquement, et elle recula légèrement en voyant passer une patrouille de soldats. Ces derniers, majestueux dans leurs armures argentées se dirigeaient fièrement vers le nord, sans doute en quête de réprouvés avec lesquels en découdre. A leur tête, un homme fier et robuste qu’elle observa un instant avec une admiration teintée de crainte. Mais elle n’eut guère le loisir de le détailler plus avant, interpelée par un jeune homme en guenille qui lui tira doucement le bras, le regard implorant. Surprise, elle eut un léger mouvement de recul avant de refermer son ombrelle et de soustraire sa robe blanche à la prise crasseuse du mendiant.
- Dame, fit-il avec un effort visible pour s’exprimer correctement, auriez-vous quelques piécettes, pour un pauvre manant qui voudrait pouvoir manger ?
Perplexe, elle le contempla un moment sans rien trouver à lui répondre. Pourquoi ne demande-t-il pas simplement au cuisinier de cette auberge de lui fournir un repas, s’il a faim ? se demanda-t-elle un instant. Puis, retrouvant son sourire aimable et la lueur douce qui ne quittait jamais son regard, elle défit les lacets de la bourse qui pendait à son poignet et y attrapa quelques pièces d’or qu’elle déposa dans la main de l’homme avec un sourire. Ce dernier écarquilla les yeux et contempla les pièces avec stupéfaction.
- De… de l’or ? bégaya-t-il sans en croire ses yeux.
- Ce… Ce n’est pas assez ? demanda-t-elle, embarrassée. Je… Eh bien je ne peux pas vous en donner plus, sinon il ne me restera pas assez pour les courses que l’on m’a commandées.
Relevant la tête vers elle, le mendiant lui sourit de toutes ses gencives, seules deux dents restant encore fièrement au poste et il s’inclina le plus bas possible.
- Vous êtes un ange tombé du ciel ! s’écria-t-il. Merci Dame ! Merci !
Stupéfaite et un peu inquiète d’une telle réaction, Mayan resserra machinalement sa prise autour de la poignée de son ombrelle. Décidément, elle commençait à comprendre pourquoi sa mère ne la laissait jamais sortir. Le monde extérieur était bien trop étrange. L’homme se répandit en courbettes et en remerciement quelque temps encore puis s’éclipsa rapidement, de peur sans doute que la donzelle revienne sur sa décision et récupère son butin. Refermant les lacets de sa bourse, et réajustant les franges de sa robe immaculée, elle se remit en marche sans rouvrir son ombrelle, savourant les rayons tièdes qui caressèrent son visage pâle. Haussant les épaules et étouffant un rire joyeux, elle dévala les derniers mètres de la pente qui la menèrent à l’Hotel de Ville du village.
Tâchant de retrouver son sérieux, elle vérifia que les perles dorées piquées à ses cheveux tenaient toujours en place et entra dans le bâtiment. L’endroit était sombre et frais, austère. Observant avec intérêt les rayonnages couverts de livres elle se dirigea sans hâte vers l’homme qu’on lui avait demandé de voir. Souriante, elle s’inclina devant lui.
- Bonjour, je suis Mayan Bruleciel, de la maison Bruleciel. Mon père m’envoie pour remettre à
jour les modalités de versement de ses donations à nos armées.
Le greffe de l’Hotel de Ville, visiblement captivé par la relecture d’un arrêté quelconque, grogna légèrement.
- Oui oui, je suis à vous dans une minu…
Redressant le nez, son regard s’arrêta enfin sur la demoiselle, s’écarquillant légèrement.
Refermant rapidement l’ouvrage ouvert devant lui, il lui adressa aussitôt un sourire aimable, tâchant de recoiffer d’une main discrète le peu de cheveux qui lui restaient sur le crâne. La détaillant avec une avidité difficilement contenue, ses yeux gris plongèrent sans vergogne dans le décolleté déjà bien galbé pour une jeune femme de cet âge. Se raclant la gorge, il se força à planter son regard dans les deux émeraudes qui le fixaient avec douceur et politesse.
- Avez-vous le formulaire nécessaire dûment rempli ? Est-ce pour une baisse des versements ?
- J’ai là tout ce qu’il faut, fit-elle en lui tendant plusieurs parchemins et en versant le reste du contenu de sa bourse au creux de la main ridée. Les formulaires, les 20 pièces d’or nécessaires au traitement du dossier et la signature de mon père, me permettant d’effectuer ces procédures à sa place. Et il s’agit d’une augmentation des dons. Nous sommes très concernés par le travail qu’effectue la garde et les Rédempteurs dans notre région et il nous paraît normal de participer à notre façon à l’effort de guerre.
Penchant légèrement la tête, elle l’observa avec un sourire tandis qu’il acquiesçait et remplissait un reçu qu’il lui tendit avec une courbette ridicule.
- Dites à votre père que je me chargerai personnellement de ce dossier. Et n’hésitez pas à revenir si vous avez des questions !
Riant un peu, elle s’inclina avec grâce puis se dirigea vers la sortie.
Elle n’avait pas parcouru la moitié du chemin qu’un jeune homme affolé dévalait la colline menant à son manoir dans sa direction, en faisant de grands gestes.
- Dame Mayan ! Dame Mayan ! hurlait-il, trébuchant tous les trois pas.
S’arrêtant de marcher et l’observant avec inquiétude, elle reconnut rapidement Théodore, le valet de chambre de sa mère. Il tituba jusqu’à elle, et tomba à genoux à ses pieds. Sidérée, elle se pencha vers lui et effleura son épaule de ses doigts.
- Dame Mayan c’est affreux… C’est affreux ! Il est arrivé quelque chose d’horrible !
De plus en plus inquiète, elle l’aida à se relever, le prenant par le bras et tâcha de capturer son regard du sien.
- Qu’y a-t-il Théo ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes !
- C’est… C’est Madame votre mère, il est arrivé un accident ! Sa… sa calèche s’est renversée, dans un ravin et…
Le relâchant aussitôt, elle plaqua deux mains sur sa bouche, horrifiée. Pendant une seconde chargée d’éternité, elle n’osa plus bouger, puis s’élança à toutes jambes en direction du manoir, abandonnant là son ombrelle, et relevant sa robe pour ne pas s’effondrer.
Pénétrant dans la demeure silencieuse telle une tornade, elle gravit quatre à quatre les escaliers de marbres en direction du petit salon où elle trouva son père et sa sœur qui se contemplait l’un l’autre, interdits et sous le choc. Serrant ses mains contre son cœur, elle se précipita auprès d’eux et tomba à genoux à leurs pieds, levant ses cils perlés de larmes et un regard implorant dans leur direction.
- Où est-elle ? Comment va-t-elle ? gémit-elle, affolée et désespérée.
Semblant enfin s’apercevoir de sa présence, Renan posa une main douce sur son épaule, et l’attira à lui pour la serrer de ses bras robustes, fourrant son nez dans les boucles brunes qui s’échappaient à présent par dizaine du chignon savamment relevé. Se débattant un peu, elle recula légèrement pour fixer son regard au sien, les larmes roulant librement sur ses joues blanches.
- Répondez-moi ! Où est-elle ?
- Chut Mayan…, fit-il, la ramenant contre son cœur. Ils n’ont rien pu faire… on a retrouvé son corps sans vie dans le ravin.
- Non ! Non, vous mentez !
Hurlant de douleur et de peine, elle frappa le torse de son père de ses poings recroquevillés, puis finit par s’effondrer contre lui, sanglotant avec force, anéantie. Par-dessus son épaule, le Marquis croisa le regard de sa fille aînée et lui adressa un sourire satisfait. Cette dernière inclina légèrement la tête, et observa sa sœur, une lueur victorieuse au fond du regard.
Dernière édition par Mayan le Sam 29 Jan 2011, 01:10, édité 1 fois
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
3.
Le défilé des amis et connaissances de la famille venus adresser leurs condoléances ne cessa que tard dans la nuit. Le Marquis porta un verre de vin rouge à ses lèvres, adossé au mur de la salle de réception. Tout s’était correctement déroulé et ses filles s’étaient comportées aussi dignement qu’il l’espérait. Mayan, comme toujours, en dépit de son jeune âge avait attiré la plupart des regards. Elle s’était tenue digne et droite, ses grands yeux verts noyés des larmes qu’elle retenait avec concentration, les empêchant de rouler sur ses joues. Elle avait eu un geste poli et une phrase aimable pour chacun des convives de la veillée funèbre. Aurore avait fait un excellent travail avec elle, lui enseignant la bienséance et le savoir vire. Il espérait que l’enfant serait aussi docile et précoce pour les autres domaines qu’il souhaitait lui faire connaître. Souriant légèrement, il fixa son regard sur la brunette, assoupie sur un boudoir. Il avait tant espéré ce moment qu’il ne parvenait pas à croire à sa chance. S’approchant lentement, et avec prudence pour ne pas la réveiller, il déposa son verre de vin sur le sol et vint s’agenouiller à ses côtés. Une nouvelle fois il s’interrogea. Comment telle merveille avait pu voir le jour ? Issue de sa chair et de son sang, elle était tout ce qu’il avait toujours désiré d’une femme. Plus les années passaient, révélant ses charmes et ses atours, plus il remerciait le ciel de lui avoir accordé un si beau présent. Caressant légèrement les boucles brunes, il s’exhorta à la patience. Les choses prenaient place petit à petit, les unes face aux autres, s’emboîtant et s’articulant dans une mécanique parfaite et huilée. L’héritage d’Aurore servirait à cela. Il sourit en pensant à la petite fortune qu’il allait accumuler et à sa fille, qu’il posséderait bientôt.
Refermant doucement la porte derrière elle, Ana observa son père un moment. Le regard fou de l’homme d’âge mûr la conforta dans son plaisir. Souriante, elle s’approcha doucement de lui et effleura son épaule d’une main gantée.
- Père… Le Conte de Runeald a laissé une nouvelle commande pour vous.
Renan pivota vers son aînée, et se redressa, retrouvant son air grave et sérieux, celui qu’il lui réservait en toutes circonstances. La jeune femme lui tendit une enveloppe scellée en s’inclinant légèrement.
- J’ai également discuté avec plusieurs de nos invités. Je pense que nos affaires sont en bonne voie, ajouta-t-elle.
- Qu’as-tu dit pour susciter leur intérêt ? demanda-t-il en inclinant la tête.
Elle fit un geste vague de la main en direction de l’adolescente assoupie.
- Qu’ils pourraient bientôt bénéficier de sa compagnie. Elle est… très attendue.
Renan hocha la tête, avec un sourire satisfait. Aurore, malgré elle avait contribué au succès de son plan en tenant à emmener Mayan avec elle partout où elle allait.
- Il faudra qu’ils soient patients, conclut-il simplement, la congédiant d’un geste.
Lorsqu’Ana referma la porte derrière elle, il revint s’installer auprès de la jeune fille. Faisant glisser un doigt le long de sa gorge, il se retint avec difficulté de pousser son exploration plus loin. Se mordant la lèvre, il se redressa et l’attrapa aisément sous les cuisses et sous le dos pour la porter à son lit, prenant bien garde de ne pas la réveiller. Déposant un baiser sur son front, il sortit de la chambre à regret, verrouillant la porte d’une clé qu’il fourra dans sa poche avec un sourire satisfait.
Le défilé des amis et connaissances de la famille venus adresser leurs condoléances ne cessa que tard dans la nuit. Le Marquis porta un verre de vin rouge à ses lèvres, adossé au mur de la salle de réception. Tout s’était correctement déroulé et ses filles s’étaient comportées aussi dignement qu’il l’espérait. Mayan, comme toujours, en dépit de son jeune âge avait attiré la plupart des regards. Elle s’était tenue digne et droite, ses grands yeux verts noyés des larmes qu’elle retenait avec concentration, les empêchant de rouler sur ses joues. Elle avait eu un geste poli et une phrase aimable pour chacun des convives de la veillée funèbre. Aurore avait fait un excellent travail avec elle, lui enseignant la bienséance et le savoir vire. Il espérait que l’enfant serait aussi docile et précoce pour les autres domaines qu’il souhaitait lui faire connaître. Souriant légèrement, il fixa son regard sur la brunette, assoupie sur un boudoir. Il avait tant espéré ce moment qu’il ne parvenait pas à croire à sa chance. S’approchant lentement, et avec prudence pour ne pas la réveiller, il déposa son verre de vin sur le sol et vint s’agenouiller à ses côtés. Une nouvelle fois il s’interrogea. Comment telle merveille avait pu voir le jour ? Issue de sa chair et de son sang, elle était tout ce qu’il avait toujours désiré d’une femme. Plus les années passaient, révélant ses charmes et ses atours, plus il remerciait le ciel de lui avoir accordé un si beau présent. Caressant légèrement les boucles brunes, il s’exhorta à la patience. Les choses prenaient place petit à petit, les unes face aux autres, s’emboîtant et s’articulant dans une mécanique parfaite et huilée. L’héritage d’Aurore servirait à cela. Il sourit en pensant à la petite fortune qu’il allait accumuler et à sa fille, qu’il posséderait bientôt.
Refermant doucement la porte derrière elle, Ana observa son père un moment. Le regard fou de l’homme d’âge mûr la conforta dans son plaisir. Souriante, elle s’approcha doucement de lui et effleura son épaule d’une main gantée.
- Père… Le Conte de Runeald a laissé une nouvelle commande pour vous.
Renan pivota vers son aînée, et se redressa, retrouvant son air grave et sérieux, celui qu’il lui réservait en toutes circonstances. La jeune femme lui tendit une enveloppe scellée en s’inclinant légèrement.
- J’ai également discuté avec plusieurs de nos invités. Je pense que nos affaires sont en bonne voie, ajouta-t-elle.
- Qu’as-tu dit pour susciter leur intérêt ? demanda-t-il en inclinant la tête.
Elle fit un geste vague de la main en direction de l’adolescente assoupie.
- Qu’ils pourraient bientôt bénéficier de sa compagnie. Elle est… très attendue.
Renan hocha la tête, avec un sourire satisfait. Aurore, malgré elle avait contribué au succès de son plan en tenant à emmener Mayan avec elle partout où elle allait.
- Il faudra qu’ils soient patients, conclut-il simplement, la congédiant d’un geste.
Lorsqu’Ana referma la porte derrière elle, il revint s’installer auprès de la jeune fille. Faisant glisser un doigt le long de sa gorge, il se retint avec difficulté de pousser son exploration plus loin. Se mordant la lèvre, il se redressa et l’attrapa aisément sous les cuisses et sous le dos pour la porter à son lit, prenant bien garde de ne pas la réveiller. Déposant un baiser sur son front, il sortit de la chambre à regret, verrouillant la porte d’une clé qu’il fourra dans sa poche avec un sourire satisfait.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Trois ans plus tard
Elle referma doucement le livre qu’elle tenait sur ses genoux et le déposa tel un objet précieux sur sa table de chevet. La couverture un peu élimée et les lettres d’or légèrement effacées qui en traçaient le titre prouvaient qu’elle n’en était pas à sa première lecture. Fermant les yeux, elle s’abandonna encore un instant aux aventures épiques et romanesques des héros de l’île aux pirates, se rêvant en corsaire rusée et agile. C’est à peine si elle entendit le bruit fatidique de la clé tournant dans la serrure. Repoussant les couvertures qui couvraient ses jambes nues, elle se laissa aussitôt glisser au bas de son lit, puis vint s’incliner devant l’homme qui la contemplait d’un regard appréciateur. Refermant derrière lui, Renan attrapa entre deux doigts le visage de sa fille et déposa un baiser léger sur ses lèvres. Docilement, elle s’inclina une nouvelle fois, comme pour l’en remercier.
Faisant courir ses mains robustes sur la poitrine à peine couverte de la jeune femme, il l’obligea à se tourner et chatouilla son cou de ses lèvres. Frémissante, elle s’intima le silence alors qu’un gémissement plaintif menaçait de franchir ses lèvres. La scène infernale se répétait, encore et encore, chaque soir depuis la veillée funèbre fatidique. Le remariage de son père avec Jenna, une femme fade et insipide n’avait fait qu’empirer les choses. Se laissant guider vers le lit, elle s’y allongea, plaquant un sourire avenant sur son visage gracile, tâchant de masquer la honte qui chaque jour se faisait plus intense dans son regard émeraude. Dans un râle de désir, l’homme la rejoignit sans se faire prier, arrachant le déshabillé qui la préservait encore de sa vue.
Serrant les dents, elle s’appliqua à satisfaire l’homme qui lui avait tout appris, avec douceur, fougue et précision. Les héros de ses livres étrangement ne se comportaient jamais ainsi. Ravalant ses larmes, elle observa son père, comme détachée de la scène. S’isolant le plus loin possible au fin fond de son esprit, accomplissant ses gestes mécaniquement, elle récita en boucle et en silence l’un des nombreux poèmes que sa mère lui avait appris. S’écroulant sur elle dans un cri de plaisir atroce, Renan, fixa son regard acier sur le sien, l’obligeant à retrouver la réalité pour le soutenir. Posant un nouveau baiser sur ses lèvres, elle bougea un peu sous lui, étouffée par le poids trop lourd pour son corps encore frêle. Fronçant les sourcils, il lança une gifle puissante sur la joue pâle. Se mordant la lèvre, les yeux humides, elle le contempla sans comprendre.
- L’homme décide du moment où il se retire Mayan, fit-il d’une voix douce et tendre, comme s’il s’excusait de devoir lui ré-expliquer des choses qu’elle devrait à présent connaître par cœur.
Réprimant l’envie de porter la main à sa joue brulante, elle hocha simplement la tête, et lui offrit un nouveau baiser, en guise d’excuse. Satisfait, il se redressa finalement, attrapant les vêtements qui jonchaient le sol, tandis qu’elle s’empêchait d’attraper les draps, conformément aux consignes du Marquis qui désirait toujours la contempler un moment avant de repartir à ses affaires. Pivotant vers elle, son regard s’attarda sur les courbes parfaites et voluptueuses avec un sourire satisfait.
- Tu es prête ma chérie, fit-il avec fierté. Ton apprentissage est terminé, tu es… parfaite.
La folie latente qui transpirait de chacun de ses mots, de chacun de ses regards la paralysaient sur place. Inconsciente du fonctionnement normal d’une famille puisqu’elle n’avait plus eu le droit de quitter le manoir ces trois dernières années, son instinct lui criait cependant que ce qui lui arrivait était loin d’être « juste ». Posant un regard brillant et vif sur Renan, elle lui sourit gentiment sans vraiment comprendre ce qu’il lui disait.
Riant un peu, il vint attraper son bras et l’aida à se lever, glissant une main autour de sa taille nue. Encore un peu tremblante de leurs ébats, elle se rattrapa à lui, serrant le poing sur sa chemise. Avec tendresse, il repoussa les boucles brunes qui tombaient en cascade sur ses yeux et l’accompagna jusqu’à la porte. Intriguée, elle inclina légèrement la tête.
- Père, où me menez-vous ? Ne… ne devrais-je pas m’habiller ?
Posant un doigt sur ses lèvres, il secoua la tête en signe de négation et l’entraina dans les couloirs plongés dans l’obscurité.
Légèrement inquiète et frissonnante, elle resserra l’étreinte de ses doigts sur la soie rouge. Ouvrant finalement les portes du
grand salon, il la fit allonger sur le ventre sur un canapé de cuir noir. Frémissant au contact du tissu froid, elle se laissa faire sans protester. Les trois années durant lesquelles son père avait pris en main son « éducation » lui avaient ôté toute velléité de résistance. D’un tempérament doux et calme, elle n’était de toute façon pas encline à la rébellion. Se penchant à côté d’elle, le Marquis attrapa un objet métallique lié au canapé. Fronçant les sourcils, elle redressa un peu le nez pour l’observer avec curiosité et méfiance. Attrapant les poignets délicats de la donzelle, il referma les lourdes menottes d’acier sur sa peau blanche. Surprise, elle lui adressa un regard interrogateur.
- Tu es prête, répéta-t-il. Dès demain, tu pourras commencer ton nouveau travail mon ange noir. Mais tu es à moi, tu le sais.
Fixant une autre paire de chaines aux chevilles de la jeune brune, il contempla son œuvre un instant.
- Il est important que les autres le sachent aussi, ajouta-t-il.
Pivotant vers le feu qui brulait dans l’âtre, il attrapa sur le côté un tison qu’il plongea dans les braises pendant de longues minutes sans ajouter un mot. Le regardant faire sans comprendre, elle tira un peu sur ses liens, par réflexe plus que par envie de s’échapper. Puis, ne le voyant pas bouger, elle ferma les yeux et s’imposa une nouvelle récitation de vers poétiques pour faire taire la peur rampante et insidieuse qui commençait à atteindre ses entrailles.
Tapant enfin le fer brulant contre les pierres de la cheminée pour le débarrasser de ses cendres, Renan revint vers sa fille. Le bonheur visible dans ses yeux rassura Mayan l’espace d’un instant. Puis l’horreur éclata. Hurlant et se débattant pour la première fois de sa vie, elle tenta de toutes ses forces de se soustraire à la morsure sournoise du fer sur sa chaire à vif. Entravée et maintenue d’une main puissante sur le dos, elle ne put néanmoins rien faire tandis que Renan la brulait du fer avec application pendant de longues secondes qui lui parurent interminable. Les cris de douleurs de la jeune femme s’élevèrent longtemps après qu’il eut jeté le tison dans les flammes, contemplant son œuvre avec satisfaction et caressant avec apaisement les boucles brunes noyées de larmes. Finalement, la voix de la jeune femme se brisa en gémissements plaintifs et Renan vint poser un doux baiser à sa nuque. Faisant glisser ses doigts le long de son dos, puis de ses hanches, il les posa finalement avec un sourire dément sur les deux lettres gravées dans le haut de sa fesse gauche, provoquant une nouvelle ruade d’une Mayan exténuée. R.B.
- Mienne, se contenta-t-il de souffler, l’abandonnant sur le canapé, et faisant signe au médecin qui attendait tapis dans l’ombre de venir lui prodiguer les premiers soins.
Rabaissant le rideau qu’elle serait entre ses doigts gantés, Ana se mordit la lèvre pour réprimer le sourire ravi qui illuminait son visage porcin, et laissa trainer son regard encore quelques instants sur la plaie sanguinolente. Plaquant sa main sur sa bouche pour étouffer un éclat de rire, elle se fondit dans les ombres pour rejoindre la porte et disparaître dans les couloirs, non sans avoir adressé une gracile révérence à sa sœur qui la fixa, implorante pendant quelques secondes avant de sombrer dans le sommeil artificiel provoqué par les drogues qu’on venait de lui administrer.
Elle referma doucement le livre qu’elle tenait sur ses genoux et le déposa tel un objet précieux sur sa table de chevet. La couverture un peu élimée et les lettres d’or légèrement effacées qui en traçaient le titre prouvaient qu’elle n’en était pas à sa première lecture. Fermant les yeux, elle s’abandonna encore un instant aux aventures épiques et romanesques des héros de l’île aux pirates, se rêvant en corsaire rusée et agile. C’est à peine si elle entendit le bruit fatidique de la clé tournant dans la serrure. Repoussant les couvertures qui couvraient ses jambes nues, elle se laissa aussitôt glisser au bas de son lit, puis vint s’incliner devant l’homme qui la contemplait d’un regard appréciateur. Refermant derrière lui, Renan attrapa entre deux doigts le visage de sa fille et déposa un baiser léger sur ses lèvres. Docilement, elle s’inclina une nouvelle fois, comme pour l’en remercier.
Faisant courir ses mains robustes sur la poitrine à peine couverte de la jeune femme, il l’obligea à se tourner et chatouilla son cou de ses lèvres. Frémissante, elle s’intima le silence alors qu’un gémissement plaintif menaçait de franchir ses lèvres. La scène infernale se répétait, encore et encore, chaque soir depuis la veillée funèbre fatidique. Le remariage de son père avec Jenna, une femme fade et insipide n’avait fait qu’empirer les choses. Se laissant guider vers le lit, elle s’y allongea, plaquant un sourire avenant sur son visage gracile, tâchant de masquer la honte qui chaque jour se faisait plus intense dans son regard émeraude. Dans un râle de désir, l’homme la rejoignit sans se faire prier, arrachant le déshabillé qui la préservait encore de sa vue.
Serrant les dents, elle s’appliqua à satisfaire l’homme qui lui avait tout appris, avec douceur, fougue et précision. Les héros de ses livres étrangement ne se comportaient jamais ainsi. Ravalant ses larmes, elle observa son père, comme détachée de la scène. S’isolant le plus loin possible au fin fond de son esprit, accomplissant ses gestes mécaniquement, elle récita en boucle et en silence l’un des nombreux poèmes que sa mère lui avait appris. S’écroulant sur elle dans un cri de plaisir atroce, Renan, fixa son regard acier sur le sien, l’obligeant à retrouver la réalité pour le soutenir. Posant un nouveau baiser sur ses lèvres, elle bougea un peu sous lui, étouffée par le poids trop lourd pour son corps encore frêle. Fronçant les sourcils, il lança une gifle puissante sur la joue pâle. Se mordant la lèvre, les yeux humides, elle le contempla sans comprendre.
- L’homme décide du moment où il se retire Mayan, fit-il d’une voix douce et tendre, comme s’il s’excusait de devoir lui ré-expliquer des choses qu’elle devrait à présent connaître par cœur.
Réprimant l’envie de porter la main à sa joue brulante, elle hocha simplement la tête, et lui offrit un nouveau baiser, en guise d’excuse. Satisfait, il se redressa finalement, attrapant les vêtements qui jonchaient le sol, tandis qu’elle s’empêchait d’attraper les draps, conformément aux consignes du Marquis qui désirait toujours la contempler un moment avant de repartir à ses affaires. Pivotant vers elle, son regard s’attarda sur les courbes parfaites et voluptueuses avec un sourire satisfait.
- Tu es prête ma chérie, fit-il avec fierté. Ton apprentissage est terminé, tu es… parfaite.
La folie latente qui transpirait de chacun de ses mots, de chacun de ses regards la paralysaient sur place. Inconsciente du fonctionnement normal d’une famille puisqu’elle n’avait plus eu le droit de quitter le manoir ces trois dernières années, son instinct lui criait cependant que ce qui lui arrivait était loin d’être « juste ». Posant un regard brillant et vif sur Renan, elle lui sourit gentiment sans vraiment comprendre ce qu’il lui disait.
Riant un peu, il vint attraper son bras et l’aida à se lever, glissant une main autour de sa taille nue. Encore un peu tremblante de leurs ébats, elle se rattrapa à lui, serrant le poing sur sa chemise. Avec tendresse, il repoussa les boucles brunes qui tombaient en cascade sur ses yeux et l’accompagna jusqu’à la porte. Intriguée, elle inclina légèrement la tête.
- Père, où me menez-vous ? Ne… ne devrais-je pas m’habiller ?
Posant un doigt sur ses lèvres, il secoua la tête en signe de négation et l’entraina dans les couloirs plongés dans l’obscurité.
Légèrement inquiète et frissonnante, elle resserra l’étreinte de ses doigts sur la soie rouge. Ouvrant finalement les portes du
grand salon, il la fit allonger sur le ventre sur un canapé de cuir noir. Frémissant au contact du tissu froid, elle se laissa faire sans protester. Les trois années durant lesquelles son père avait pris en main son « éducation » lui avaient ôté toute velléité de résistance. D’un tempérament doux et calme, elle n’était de toute façon pas encline à la rébellion. Se penchant à côté d’elle, le Marquis attrapa un objet métallique lié au canapé. Fronçant les sourcils, elle redressa un peu le nez pour l’observer avec curiosité et méfiance. Attrapant les poignets délicats de la donzelle, il referma les lourdes menottes d’acier sur sa peau blanche. Surprise, elle lui adressa un regard interrogateur.
- Tu es prête, répéta-t-il. Dès demain, tu pourras commencer ton nouveau travail mon ange noir. Mais tu es à moi, tu le sais.
Fixant une autre paire de chaines aux chevilles de la jeune brune, il contempla son œuvre un instant.
- Il est important que les autres le sachent aussi, ajouta-t-il.
Pivotant vers le feu qui brulait dans l’âtre, il attrapa sur le côté un tison qu’il plongea dans les braises pendant de longues minutes sans ajouter un mot. Le regardant faire sans comprendre, elle tira un peu sur ses liens, par réflexe plus que par envie de s’échapper. Puis, ne le voyant pas bouger, elle ferma les yeux et s’imposa une nouvelle récitation de vers poétiques pour faire taire la peur rampante et insidieuse qui commençait à atteindre ses entrailles.
Tapant enfin le fer brulant contre les pierres de la cheminée pour le débarrasser de ses cendres, Renan revint vers sa fille. Le bonheur visible dans ses yeux rassura Mayan l’espace d’un instant. Puis l’horreur éclata. Hurlant et se débattant pour la première fois de sa vie, elle tenta de toutes ses forces de se soustraire à la morsure sournoise du fer sur sa chaire à vif. Entravée et maintenue d’une main puissante sur le dos, elle ne put néanmoins rien faire tandis que Renan la brulait du fer avec application pendant de longues secondes qui lui parurent interminable. Les cris de douleurs de la jeune femme s’élevèrent longtemps après qu’il eut jeté le tison dans les flammes, contemplant son œuvre avec satisfaction et caressant avec apaisement les boucles brunes noyées de larmes. Finalement, la voix de la jeune femme se brisa en gémissements plaintifs et Renan vint poser un doux baiser à sa nuque. Faisant glisser ses doigts le long de son dos, puis de ses hanches, il les posa finalement avec un sourire dément sur les deux lettres gravées dans le haut de sa fesse gauche, provoquant une nouvelle ruade d’une Mayan exténuée. R.B.
- Mienne, se contenta-t-il de souffler, l’abandonnant sur le canapé, et faisant signe au médecin qui attendait tapis dans l’ombre de venir lui prodiguer les premiers soins.
Rabaissant le rideau qu’elle serait entre ses doigts gantés, Ana se mordit la lèvre pour réprimer le sourire ravi qui illuminait son visage porcin, et laissa trainer son regard encore quelques instants sur la plaie sanguinolente. Plaquant sa main sur sa bouche pour étouffer un éclat de rire, elle se fondit dans les ombres pour rejoindre la porte et disparaître dans les couloirs, non sans avoir adressé une gracile révérence à sa sœur qui la fixa, implorante pendant quelques secondes avant de sombrer dans le sommeil artificiel provoqué par les drogues qu’on venait de lui administrer.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
4.
Les deux jeunes femmes marchaient dans les rues d’Austrivage, leurs capes sombres rabattues sur leurs cheveux noirs corbeau. Tout juste débarquées d’un navire en provenance d’Âprefange, elles déambulaient dans les rues désertes en cette heure avancée de la nuit. La plus âgée des deux, quoi qu’adolescente serrait dans sa main gantée un fin poignard orné de rubis. Serrant la main de la plus jeune, elle l’entraînait d’un pas vif en direction d’une taverne à l’ambiance animée. Poussant la porte d’un pied, elles pénétrèrent dans la grande salle et furent instantanément enveloppées par la chaleur et l’odeur doucereuse de l’alcool coulant à flot. Des hommes pour la plupart, étaient attablés aux quatre coins de la pièce, éclatant de rires tonitruants et vidant maintes et maintes chopes de bière. Au milieu, une quinzaine de soldats en armure riaient en contant l’une de leurs batailles à grands renforts de cris et bras levés. Resserrant sa prise sur la main de la petite fille, l’adolescente s’avança prudemment, discrètement, gardant la tête basse pour échapper aux regards torves des ivrognes. Survolant la salle de ses yeux noisette, elle trouva enfin ce qu’elle cherchait. Pivotant vers la petite fille, elle s’accroupit devant elle et lui caressa la joue avec douceur.
- Attends moi ici Louise, je n’en ai pas pour longtemps.
Docile, l’enfant hocha la tête et entoura de ses bras potelés la peluche défraichie qu’elle triturait sans discontinuer, s’appuyant contre le mur. L’autre se redressa, et slalomant entre les fêtards, se dirigea vers une petite estrade séparée du reste de la pièce par une barrière de bois. Gravissant prestement les quelques marches permettant de la rejoindre, elle détailla les trois hommes et la femme qui y étaient attablés. Leurs vêtements riches et brodés juraient avec la couleur locale. Visiblement nobles ou bourgeois, ils discutaient autour d’un verre de vin tandis que deux d’entre eux posaient une main sur les cuisses de la donzelle. Cette dernière brune aux grands yeux verts souriait avec élégance, et s’exprimait d’une voix chantante avec une intelligence et une grâce palpable. Son regard vif et clair qui accrocha quelques instants celui de l’adolescente semblait bruler d’un feu étrange, d’une rage contenue et silencieuse. Haussant les épaules, la jeune encapuchonnée trébucha et s’effondra sur l’homme le plus proche, renversant son verre de vin au passage. Se répandant d’excuses alors qu’elle détachait prestement la bourse rebondie qu’il portait à la taille, elle s’inclina le plus bas possible pour échapper aux protestations bourrues du blond, plus âgé que les deux autres. Mayan repoussa les mains de ses deux clients et se précipita vers son père, s’agenouillant pour éponger le vin qui couvrait son pantalon. L’adolescente, remerciant le ciel de cette diversion ne demanda pas son reste et couru rejoindre Louise qui l’attendait toujours en chantonnant une berceuse à son mouton de toile. L’agrippant par l’épaule, elle la poussa vivement en direction de la sortie, et à peine la porte refermée se mit à courir comme une dératée. Tournant vivement au coin de l’auberge, elles percutèrent de plein fouet un colosse armé d’une hache qui les observa tandis qu’elles rebondissaient sur leur derrière dans un bel ensemble. Paniquée, la jeune fille récupéra la main de sa sœur pour l’entrainer à sa suite dans l’autre direction mais pila aussi net en découvrant le Marquis, accompagné de ses deux comparses et de sa fille, qui se tenait en retrait, les observant avec intérêt.
Après un instant d’immobilité, comme si le temps avait subitement suspendu sa course, l’homme à la hache enjamba le pas qui les séparaient et saisi chacune d’elles par le bras. S’approchant à son tour, le Marquis pris le visage de la jeune femme entre ses doigts pour l’observer avec attention, le regard brillant et calculateur. Aucun mot ne fut prononcé tandis qu’il hochait la tête et que son sbire entrainait les demoiselles dans une calèche arrêtée sur le côté de la route. Inquiètes et stupéfaites, conscientes de ne pas faire le poids, elles se laissèrent faire sans opposer de résistance. Et puis, tout devint noir.
Les deux jeunes femmes marchaient dans les rues d’Austrivage, leurs capes sombres rabattues sur leurs cheveux noirs corbeau. Tout juste débarquées d’un navire en provenance d’Âprefange, elles déambulaient dans les rues désertes en cette heure avancée de la nuit. La plus âgée des deux, quoi qu’adolescente serrait dans sa main gantée un fin poignard orné de rubis. Serrant la main de la plus jeune, elle l’entraînait d’un pas vif en direction d’une taverne à l’ambiance animée. Poussant la porte d’un pied, elles pénétrèrent dans la grande salle et furent instantanément enveloppées par la chaleur et l’odeur doucereuse de l’alcool coulant à flot. Des hommes pour la plupart, étaient attablés aux quatre coins de la pièce, éclatant de rires tonitruants et vidant maintes et maintes chopes de bière. Au milieu, une quinzaine de soldats en armure riaient en contant l’une de leurs batailles à grands renforts de cris et bras levés. Resserrant sa prise sur la main de la petite fille, l’adolescente s’avança prudemment, discrètement, gardant la tête basse pour échapper aux regards torves des ivrognes. Survolant la salle de ses yeux noisette, elle trouva enfin ce qu’elle cherchait. Pivotant vers la petite fille, elle s’accroupit devant elle et lui caressa la joue avec douceur.
- Attends moi ici Louise, je n’en ai pas pour longtemps.
Docile, l’enfant hocha la tête et entoura de ses bras potelés la peluche défraichie qu’elle triturait sans discontinuer, s’appuyant contre le mur. L’autre se redressa, et slalomant entre les fêtards, se dirigea vers une petite estrade séparée du reste de la pièce par une barrière de bois. Gravissant prestement les quelques marches permettant de la rejoindre, elle détailla les trois hommes et la femme qui y étaient attablés. Leurs vêtements riches et brodés juraient avec la couleur locale. Visiblement nobles ou bourgeois, ils discutaient autour d’un verre de vin tandis que deux d’entre eux posaient une main sur les cuisses de la donzelle. Cette dernière brune aux grands yeux verts souriait avec élégance, et s’exprimait d’une voix chantante avec une intelligence et une grâce palpable. Son regard vif et clair qui accrocha quelques instants celui de l’adolescente semblait bruler d’un feu étrange, d’une rage contenue et silencieuse. Haussant les épaules, la jeune encapuchonnée trébucha et s’effondra sur l’homme le plus proche, renversant son verre de vin au passage. Se répandant d’excuses alors qu’elle détachait prestement la bourse rebondie qu’il portait à la taille, elle s’inclina le plus bas possible pour échapper aux protestations bourrues du blond, plus âgé que les deux autres. Mayan repoussa les mains de ses deux clients et se précipita vers son père, s’agenouillant pour éponger le vin qui couvrait son pantalon. L’adolescente, remerciant le ciel de cette diversion ne demanda pas son reste et couru rejoindre Louise qui l’attendait toujours en chantonnant une berceuse à son mouton de toile. L’agrippant par l’épaule, elle la poussa vivement en direction de la sortie, et à peine la porte refermée se mit à courir comme une dératée. Tournant vivement au coin de l’auberge, elles percutèrent de plein fouet un colosse armé d’une hache qui les observa tandis qu’elles rebondissaient sur leur derrière dans un bel ensemble. Paniquée, la jeune fille récupéra la main de sa sœur pour l’entrainer à sa suite dans l’autre direction mais pila aussi net en découvrant le Marquis, accompagné de ses deux comparses et de sa fille, qui se tenait en retrait, les observant avec intérêt.
Après un instant d’immobilité, comme si le temps avait subitement suspendu sa course, l’homme à la hache enjamba le pas qui les séparaient et saisi chacune d’elles par le bras. S’approchant à son tour, le Marquis pris le visage de la jeune femme entre ses doigts pour l’observer avec attention, le regard brillant et calculateur. Aucun mot ne fut prononcé tandis qu’il hochait la tête et que son sbire entrainait les demoiselles dans une calèche arrêtée sur le côté de la route. Inquiètes et stupéfaites, conscientes de ne pas faire le poids, elles se laissèrent faire sans opposer de résistance. Et puis, tout devint noir.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Reposant sans un bruit une épingle à cheveux sur sa coiffeuse, Mayan fit tourner avec prudence la poignée de la porte. Elle avait troqué sa robe rouge, qu’elle utilisait généralement lorsqu’elle devait séduire de nouveaux clients potentiels, contre un simple pantalon noir et une chemise blanche, lui assurant une plus grande liberté de mouvement. Se glissant très lentement hors de sa chambre, elle observa un long moment les deux extrémités du couloir. Malgré la vigilance de tous les instants de son père, les séances privées qu’elle partageait avec ses très nombreux clients lui avaient permis de développer de nouvelles aptitudes. Elle avait bien vite compris l’intérêt de découvrir les secrets honteux des hommes qui la convoitaient. Effleurant les nombreuses cicatrices récentes sur sa poitrine, elle serra les dents. Plus jamais elle ne se laisserait rabaisser ainsi. Peut être l’obligeait-on à vendre son corps, ses charmes et sa compagnie mais de là à devenir l’objet d’un homme… que l’on pouvait briser et modeler à souhait, il y avait un monde. Ces derniers mois, la rage n’avait plus quitté son regard et sa douceur tant vantée par le passé ne semblait plus qu’un lointain souvenir. Les flammes qui dansaient perpétuellement dans son regard émeraude laissaient présager un début de démence, une folie assassine qui n’attendait qu’un déclencheur pour semer la mort autour d’elle.
Repoussant machinalement les boucles brunes, elle se décida enfin à bouger. Preste et agile, elle se dirigea vers les grands escaliers de marbre, restant plaquée aux murs, en alerte, attentive au moindre bruit. Dans l’entrée se trouvait son père et sa sœur, plongés en pleine discussion. Ana tenait contre elle la petite Louise qu’ils avaient trouvée un peu plus tôt. Etouffant un juron, Mayan fit demi-tour et couru plus qu’elle ne marcha dans la direction opposée. S’arrêtant devant une lourde porte de chêne, elle hésita un long moment. Les sanglots étouffés qui lui parvenaient sous l’interstice la décidèrent. Attrapant une nouvelle épingle à son chignon, qui d’ailleurs n’y ressemblait plus tellement, elle s’agenouilla devant la porte et entreprit de crocheter la serrure. L’apprentissage de cette technique lui avait pris des mois, à lire dans un premier temps tous les romans d’espionnage et de cambriolage qui lui étaient passés sous la main, puis à s’exercer sur la porte que son père refermait inexorablement chaque soir sur son corps meurtri. Se mordant la lèvre, elle entendit enfin le « clic » salvateur et fit tourner la poignée, pénétrant vivement dans la pièce et refermant derrière elle. La jeune fille qui se trouvait en boule sur le lit spartiate, seul mobilier de la petite chambre, leva un regard furibond dans sa direction. Mayan tressaillit. C’était la première fois de son existence qu’elle allait à l’encontre des ordres de son père. Mais le regard de la brune l’avait saisie à la taverne, et elle ne pouvait se résoudre à lui laisser connaître le même sort qu’elle. Elle ne se l’expliquait pas.
- Bonsoir, fit-elle finalement avec pragmatisme, s’avançant en direction de la donzelle.
Cette dernière l’observa, la détaillant avec attention, ses grands yeux bruns mêlant curiosité, inquiétude et dégoût. Baissant les yeux, Mayan approcha lentement, puis s’agenouillant devant elle, entreprit de défaire les cordes qui entravaient les poignets de la jeune femme.
- Tu n’as pas beaucoup de temps, poursuivit-elle d’une voix monocorde. En sortant de cette pièce, tu te dirigeras à ta gauche, puis tu longeras le couloir pour arriver à une porte blanche. Tu l’ouvriras et descendra l’escalier de service qui te mèneras aux cuisines. Une fois là bas, tu poursuivras droit devant toi jusqu’à la porte arrière de la propriété. C’est bientôt l’aube, tu pourras profiter de l’ombre pour quitter le jardin sans encombre.
Interloquée, l’adolescente la fixa, frottant ses poignets endoloris.
- Et ma sœur… ?
Secouant la tête avec tristesse, Mayan se redressa, lui tendant la main pour l’aider à se relever.
- Il est trop tard pour ta sœur. Essayer de la sauver maintenant te conduirait à la mort ou… (elle grinça légèrement des dents)… pire.
Serrant les poings, la jeune fille voulu protester mais le regard résolu, ivre de peine et de rage contenues de Mayan l’en dissuada. Elle avait suffisamment entendu parler des Bruleciel depuis son arrivée en Hautebrande pour savoir quel sort les attendait elle et sa sœur si elle ne saisissait pas l’offre de cette fille. Malgré cela, elle ne put se résoudre à bouger.
- Que va-t-il lui arriver ?
- Je crois que tu le sais déjà.
- Tu dois faire quelque chose ! s’exclama l’adolescente, fusillant la jeune marquise du regard.
Inclinant légèrement la tête, Mayan planta son regard dans le sien. La détresse de la jeune femme l’atteignait de plein fouet, vestige sans doute de son caractère d’antan qui la poussait alors à offrir ce qu’elle possédait sans concession pour voir fleurir des sourires heureux sur le visage des autres. Serrant les dents, elle voulu se reprendre, s’intimer l’ordre de tourner les talons et de l’abandonner là, à son propre sort. Au lieu de quoi, elle s’entendit répondre :
- Je demanderais qu’elle soit ma suivante. Je trouverais un moyen de convaincre le Marquis, je ne le laisserais pas lui faire de mal. Mais n’espère pas qu’il la laisse partir.
Elle ajouta plus bas :
- Il ne les laisse jamais partir.
Elle regarda la jeune femme face à elle, qui semblait dévastée par le dilemme atroce qui s’imposait à elle. La scène lui paraissait surréaliste. Soudain, la brune s’approcha d’elle, et prit sa main de la sienne, tenant entre leurs paumes jointes une petite perle de cristal luisant d’une lueur étrange. Dardant un regard résolu, dégoûté et implorant sur le sien, elle l’agrippa avec fermeté.
- Fais la promesse de t’assurer qu’il ne lui arrive rien. Jamais.
Marquant un léger mouvement de recul, Mayan tenta de dégager sa main, la regardant avec inquiétude.
- Qu’est ce que c’est que… ?
- Un talisman, répliqua la brune, ses yeux noisette brillant soudainement du même reflet argenté que la perle. Il scelle les promesses. Avec la vie de ceux qui les prêtent. Un échange.
- Un é.. change ?
- Promet moi qu’il n’arrivera rien à ma sœur et que tu veilleras sur elle tant qu’elle sera retenue ici. En échange, tu pourras me demander ce que tu souhaites, quand tu le souhaites.
Interloquée, Mayan la regardait sans savoir que répondre. Grimaçant légèrement, elle finit par resserrer ses doigts sur ceux la brune.
- Je t’aide déjà à fuir, n’est-ce pas suffisant ?
- Promet moi, rugit l’adolescente, visiblement sur le point de perdre contenance.
- D’a… d’accord, je te le promets.
La lueur argentée s’éteignit aussitôt et la jeune fille glissa la perle dans sa poche. Sans un mot de plus, elle se dirigea vers la porte qu’elle franchit sans se retourner. Contemplant la main qui tenait celle de l’autre quelques instants auparavant, Mayan fronça les sourcils. L’invraisemblance de l’échange qu’elle venait de vivre la laissait dubitative et inquiète. Sursautant en entendant des pas qui approchaient, elle s’empressa de quitter la pièce et de s’enfermer à nouveau dans son sanctuaire.
Tachant de retrouver son calme elle prit un livre sur une pile en équilibre précaire au coin de son bureau, mais ne parvint pas à se concentrer suffisamment pour comprendre les mots qui se succédaient sous son regard émeraude. Etouffant un soupir, elle vint coller son front à la fenêtre, cherchant à apercevoir l’ombre fugitive de la jeune femme qui devait déjà être loin. Plaquant ses doigts sur le carreau, elle effleura pour la première fois de son existence l’éventualité d’une fuite.
Repoussant machinalement les boucles brunes, elle se décida enfin à bouger. Preste et agile, elle se dirigea vers les grands escaliers de marbre, restant plaquée aux murs, en alerte, attentive au moindre bruit. Dans l’entrée se trouvait son père et sa sœur, plongés en pleine discussion. Ana tenait contre elle la petite Louise qu’ils avaient trouvée un peu plus tôt. Etouffant un juron, Mayan fit demi-tour et couru plus qu’elle ne marcha dans la direction opposée. S’arrêtant devant une lourde porte de chêne, elle hésita un long moment. Les sanglots étouffés qui lui parvenaient sous l’interstice la décidèrent. Attrapant une nouvelle épingle à son chignon, qui d’ailleurs n’y ressemblait plus tellement, elle s’agenouilla devant la porte et entreprit de crocheter la serrure. L’apprentissage de cette technique lui avait pris des mois, à lire dans un premier temps tous les romans d’espionnage et de cambriolage qui lui étaient passés sous la main, puis à s’exercer sur la porte que son père refermait inexorablement chaque soir sur son corps meurtri. Se mordant la lèvre, elle entendit enfin le « clic » salvateur et fit tourner la poignée, pénétrant vivement dans la pièce et refermant derrière elle. La jeune fille qui se trouvait en boule sur le lit spartiate, seul mobilier de la petite chambre, leva un regard furibond dans sa direction. Mayan tressaillit. C’était la première fois de son existence qu’elle allait à l’encontre des ordres de son père. Mais le regard de la brune l’avait saisie à la taverne, et elle ne pouvait se résoudre à lui laisser connaître le même sort qu’elle. Elle ne se l’expliquait pas.
- Bonsoir, fit-elle finalement avec pragmatisme, s’avançant en direction de la donzelle.
Cette dernière l’observa, la détaillant avec attention, ses grands yeux bruns mêlant curiosité, inquiétude et dégoût. Baissant les yeux, Mayan approcha lentement, puis s’agenouillant devant elle, entreprit de défaire les cordes qui entravaient les poignets de la jeune femme.
- Tu n’as pas beaucoup de temps, poursuivit-elle d’une voix monocorde. En sortant de cette pièce, tu te dirigeras à ta gauche, puis tu longeras le couloir pour arriver à une porte blanche. Tu l’ouvriras et descendra l’escalier de service qui te mèneras aux cuisines. Une fois là bas, tu poursuivras droit devant toi jusqu’à la porte arrière de la propriété. C’est bientôt l’aube, tu pourras profiter de l’ombre pour quitter le jardin sans encombre.
Interloquée, l’adolescente la fixa, frottant ses poignets endoloris.
- Et ma sœur… ?
Secouant la tête avec tristesse, Mayan se redressa, lui tendant la main pour l’aider à se relever.
- Il est trop tard pour ta sœur. Essayer de la sauver maintenant te conduirait à la mort ou… (elle grinça légèrement des dents)… pire.
Serrant les poings, la jeune fille voulu protester mais le regard résolu, ivre de peine et de rage contenues de Mayan l’en dissuada. Elle avait suffisamment entendu parler des Bruleciel depuis son arrivée en Hautebrande pour savoir quel sort les attendait elle et sa sœur si elle ne saisissait pas l’offre de cette fille. Malgré cela, elle ne put se résoudre à bouger.
- Que va-t-il lui arriver ?
- Je crois que tu le sais déjà.
- Tu dois faire quelque chose ! s’exclama l’adolescente, fusillant la jeune marquise du regard.
Inclinant légèrement la tête, Mayan planta son regard dans le sien. La détresse de la jeune femme l’atteignait de plein fouet, vestige sans doute de son caractère d’antan qui la poussait alors à offrir ce qu’elle possédait sans concession pour voir fleurir des sourires heureux sur le visage des autres. Serrant les dents, elle voulu se reprendre, s’intimer l’ordre de tourner les talons et de l’abandonner là, à son propre sort. Au lieu de quoi, elle s’entendit répondre :
- Je demanderais qu’elle soit ma suivante. Je trouverais un moyen de convaincre le Marquis, je ne le laisserais pas lui faire de mal. Mais n’espère pas qu’il la laisse partir.
Elle ajouta plus bas :
- Il ne les laisse jamais partir.
Elle regarda la jeune femme face à elle, qui semblait dévastée par le dilemme atroce qui s’imposait à elle. La scène lui paraissait surréaliste. Soudain, la brune s’approcha d’elle, et prit sa main de la sienne, tenant entre leurs paumes jointes une petite perle de cristal luisant d’une lueur étrange. Dardant un regard résolu, dégoûté et implorant sur le sien, elle l’agrippa avec fermeté.
- Fais la promesse de t’assurer qu’il ne lui arrive rien. Jamais.
Marquant un léger mouvement de recul, Mayan tenta de dégager sa main, la regardant avec inquiétude.
- Qu’est ce que c’est que… ?
- Un talisman, répliqua la brune, ses yeux noisette brillant soudainement du même reflet argenté que la perle. Il scelle les promesses. Avec la vie de ceux qui les prêtent. Un échange.
- Un é.. change ?
- Promet moi qu’il n’arrivera rien à ma sœur et que tu veilleras sur elle tant qu’elle sera retenue ici. En échange, tu pourras me demander ce que tu souhaites, quand tu le souhaites.
Interloquée, Mayan la regardait sans savoir que répondre. Grimaçant légèrement, elle finit par resserrer ses doigts sur ceux la brune.
- Je t’aide déjà à fuir, n’est-ce pas suffisant ?
- Promet moi, rugit l’adolescente, visiblement sur le point de perdre contenance.
- D’a… d’accord, je te le promets.
La lueur argentée s’éteignit aussitôt et la jeune fille glissa la perle dans sa poche. Sans un mot de plus, elle se dirigea vers la porte qu’elle franchit sans se retourner. Contemplant la main qui tenait celle de l’autre quelques instants auparavant, Mayan fronça les sourcils. L’invraisemblance de l’échange qu’elle venait de vivre la laissait dubitative et inquiète. Sursautant en entendant des pas qui approchaient, elle s’empressa de quitter la pièce et de s’enfermer à nouveau dans son sanctuaire.
Tachant de retrouver son calme elle prit un livre sur une pile en équilibre précaire au coin de son bureau, mais ne parvint pas à se concentrer suffisamment pour comprendre les mots qui se succédaient sous son regard émeraude. Etouffant un soupir, elle vint coller son front à la fenêtre, cherchant à apercevoir l’ombre fugitive de la jeune femme qui devait déjà être loin. Plaquant ses doigts sur le carreau, elle effleura pour la première fois de son existence l’éventualité d’une fuite.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Hurlevent, quelques années plus tard.
Une jeune femme encapuchonnée, vêtue d’une tenue sombre et moulante, observait la foule rassemblée sur le parvis de la Cathédrale. Les quelques boucles blondes qui s’échappaient lorsqu’elle penchait la tête encadraient des lèvres parfaitement dessinées, figées sur un sourire perplexe. Il n’y avait pas deux jours qu’elle était arrivée dans la grande cité et tout lui paraissait démesuré : les bâtiments, les fontaines, l’égo des habitants…
Penchant légèrement la tête et enroulant machinalement une boucle blonde autour de son index, elle sourit à un homme qui venait de l’aborder. Rajustant sa capuche pour soustraire le haut de son visage à son regard, elle glissa sa main libre à sa taille.
- 50 pièces d’argent les trois feuilles, lui fit-il d’un ton de conspirateur, plissant les yeux pour tacher d’apercevoir ce qu’elle cachait.
Perplexe, la jeune blonde le dévisagea un long moment. Brun, les cheveux en pagaille et l’œil vif, il lançait de fréquents regards en direction des gardes en faction qui patrouillaient sur le parvis. Fronçant les sourcils, elle glissa ses doigts dans une poche et en sorti les pièces qu’elle lui tendit. Il les saisit rapidement, lui arrachant presque et fourra entre ses mains un petit paquet de feuilles séchées. Elle les contempla un moment, puis releva la tête pour découvrir que l’homme avait disparu. Etrange Cité, se dit-elle, haussant les épaules, et se levant doucement. Soupirant un peu, elle se remémora les mots prononcés la veille par cet homme chauve qu’elle avait croisé au même endroit.
- Quoi de moins remarquable qu’une personne se baladant librement, et tapant gentiment dans le dos de la Garde ? Votre capuche et vos manières apeurées vous rendent plus suspecte qu’autre chose, m’est avis.
Secouant la tête, elle fit glisser son capuchon sur ses épaules, révélant son visage angélique et ses grands yeux verts. Les boucles blondes qui dégringolaient en cascade jusqu’au creux de son dos accentuaient cette impression d’innocence dangereuse, quelques hommes tournant un regard appréciateur dans sa direction. Ramenant son sac sur son épaule, elle se pencha vers une enfant rousse au visage poupin qui observait le système hydraulique de l’imposante fontaine avec un intérêt digne des plus grands ingénieurs.
- Dis-moi petite, fit-elle d’une voix chaude et agréable. Saurais-tu m’indiquer la direction de la bibliothèque royale, s’il te plait ?
Pivotant vers elle, la gamine sourit de toutes ses dents et hocha frénétiquement la tête.
- La bibliothèque ! Evidemment ! C’est mon endroit préféré ! Viens madame !
Saisissant vivement le poignet de la blonde, elle l’entraina d’un pas vif dans les ruelles Hurleventoise, gambadant gaiement et pépiant à tout va.
- Tu es nouvelle ici ? C’est une jolie ville ! Regarde, ici, c’est chez les nains ! Ca sent la fumée et la poussière, mais il y a les meilleurs ingénieurs gnomes du coin ! Là bas, c’est le donjon… Il y a le roi Wrynn ! Et… et la bibliothèque. C’est là que nous allons.
Souriant légèrement, la jeune femme baissa la tête, voilant son visage de ses cheveux en passant à proximité des gardes, stupéfaite de parvenir jusqu’à la bibliothèque sans encombre. L’endroit était majestueux, les murs couverts de tentures bleues brodées de fil d’or, représentant le lion symbole du royaume. Elle avait conscience de pousser sa chance un peu loin, mais l’envie de découvrir les dizaines d’ouvrages dont sa mère lui avait tant parlé lorsqu’elle était petite avait été la plus forte. Se désintéressant de l’enfant qui poursuivait son babillage, elle laissa courir ses doigts sur les reliures, fascinée. Tant de trésors réunis en un seul et même endroit. Parcourant les étagères d’un regard concentré, elle arrêta sa main sur un livre à la couverture élimée, parcourant les premières pages avec intérêt. Un bruit métallique lui fit relever la tête, et se pencher pour observer l’entrée des lieux. Un gnome tout de cuir vêtu la fixait avec un sourire entendu. Reposant doucement l’ouvrage dans les rayons presque avec déférence, elle se glissa lentement à sa suite, intriguée. Le gnome disparut près d’un balcon, sautant dans le vide. Ouvrant de grands yeux affolés, elle se précipita à sa suite, et se pencha au dessus du vide, fixant le lac très loin en contrebas. Etouffant un soupir de soulagement, elle découvrit le parapet sur lequel le gnome avait sauté, rejoignant un homme à en juger, vêtu d’une tenue de cuir rouge et noire et dont le visage se perdait dans l’ombre de son capuchon, ne laissant deviner qu’un fin sourire.
- Mais qu’est ce que vous faites ? demanda-t-elle, repoussant ses boucles derrière ses oreilles, penchée au dessus de la balustrade.
- Venez donc voir ? répondit le gnome d’un ton badin.
La jeune femme fronça les sourcils. Détaillant le gnome et l’humain tour à tour, elle lança ensuite un coup d’œil derrière elle. Personne. La curiosité fut la plus forte, et elle se hissa par-dessus le muret, glissant doucement sur le parapet, affichant un sourire aimable.
- Approchez ! répéta-t-il, sautillant dans sa direction. Je vais vous montrer quelque chose !
Méfiante malgré la naïveté qui l’avait conduite ici, elle releva le nez vers le muret qu’elle venait de sauter. Impossible de le franchir dans l’autre sens sans l’aide de quelqu’un. Souriante, elle se pencha en direction du gnome, l’interrogeant du regard. Ce dernier bondit soudain dans sa direction et ficha une dague dans sa cuisse d’un coup vif et précis. Ecarquillant les yeux, elle l’attrapa vivement à la gorge et, le faisant tourner dos à elle, se baissa pour se protéger de son petit corps, observant l’homme qui regardait la scène, les lèvres figées dans un rictus agacé.
- Vous n’étiez pas forcé de l’abimer, fit-il d’un ton froid et blasé, portant lentement une main à son dos, détachant l’arbalète qui y était attachée, la pointant en direction de la tête de la blonde.
Cette dernière, grimaçant un peu, arracha d’une main ferme la lame plantée dans sa cuisse pour la porter à la gorge du gnome qui grommela lorsque le sang de la donzelle macula l’avant de son plastron.
- Je crois… qu’il y a un malentendu, souffla-t-elle avec un sourire charmant, le regard fier quoi que très légèrement voilé par la souffrance.
- C’était une bonne idée de changer la couleur de vos cheveux, répliqua le gnome. Mais pas suffisant pour des professionnels tels que nous !
Marquant un temps de quelques secondes, elle posa ses lèvres près de l’oreille démesurée du petit être, parlant d’une voix chaude.
- Il doit y avoir un malentendu, je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
Tendant le bras, presque avec nonchalance, l’assassin qui leur faisait face inclina légèrement la tête, visiblement en quête du meilleur angle de tir.
- Il n’y en a pas, hélas pour vous, déclara-t-il dans un sourire léger. C’est navrant. Dans d’autres circonstances, je vous aurais volontiers invitée à boire un verre.
La jeune femme resserra l’étreinte de ses doigts sur le poignard, la paume glissante et gluante de son propre sang. Conservant un calme serein et un sourire délicieux, son regard vert et résolu laissait entrevoir son intense réflexion. Jaugeant de la situation tandis que le gnome levait les mains en signe de reddition, elle fixa l’arbalète avant d’observer le lac paisible qui s’étendait sous eux. L’impact serait violent, jugea-t-elle, mais il n’y avait pas d’autre échappatoire. Grognant un peu, elle se maudit d’avoir cédé à son impulsivité. Qu’est ce qui lui était passé par la tête de venir fanfaronner en plein donjon alors que son visage était placardé sur le tableau des avis de recherche, offrant une forte récompense pour sa capture ? Suivant son regard, l’homme secoua lentement la tête, lui adressant un sourire faussement contrit.
- Vous avez conscience qu’il n’y a aucune chance pour que je vous rate à cette distance, n’est ce pas ?
Se baissant davantage derrière le gnome, la blonde glissa une main à sa cuissarde, saisissant une seconde dague qu’elle plaqua contre son dos, s’assurant d’une pression suffisante pour être douloureuse sans entamer sa chair. Elle rit doucement, dans un mouvement léger du visage, repoussant les boucles blondes hors de ses yeux.
- Je prends le pari.
Tournant vivement le poignet, elle planta profondément sa dague dans le bas du dos du gnome qui poussa un couinement porcin. L’entrainant un peu avec elle, elle le lâcha près de bord sans un regard et d’une forte impulsion sur le sol, plongea en direction du lac. Sa chute lui parut durer une éternité, et alors qu’elle était sur le point de heurter la surface de l’eau, une brulure intense assortie d’un impact violent la fit basculer sur le dos. Portant la main au carreau qui dépassait à présent de sa taille, elle hurla quand son corps entra en contact avec le liquide glacé, l’assommant presque. Fermant les yeux une seconde, elle cria une nouvelle fois, se noyant à moitié tandis que l’eau investissait sa gorge. S’obligeant à retrouver son calme alors que de nouveaux traits fusaient autour d’elle, elle se mit à battre des jambes et des bras, dans des mouvements désordonnés, poussée par l’instinct de survie, jusqu’à atteindre la rive, se hissant sur l’herbe dans un gémissement douloureux. Portant une main fébrile à son dos, elle saisit le carreau qu’elle retira d’un geste sec, se mordant la lèvre jusqu’au sang. Pressant ses doigts sur la plaie sanguinolente, elle se releva avec difficulté, consciente du danger de perdre connaissance là où l’homme armé allait forcément venir s’assurer de la réussite de son tir. Prenant appui sur les arbres qu’elle croisait, laissant des traces ensanglantées derrière elle, elle parvint laborieusement jusqu’à la place de la Cathédrale, levant un visage livide en direction de l’édifice. S’affaissant contre le mur de l’orphelinat, elle glissa au sol dans un gémissement douloureux. Un homme, portant heaume et tabard de la Garde de Hurlevent se précipita dans sa direction, sautant de son cheval dans un cliquetis métallique.
- Dame… ? demanda-t-il, pressant une main gantée de fer sur la plaie bouillonnante.
- C’est… ce n’est rien…, hoqueta-t-elle en ramenant ses boucles humides devant ses yeux, horrifiée.
Réchapper d’un saut tel que celui qu’elle venait de faire pour finir entre les mains des gardes, sombre ironie, se dit-elle.
- Ne vous en faites pas, vous avez de la chance, je suis médecin.
Saisissant la donzelle entre ses bras puissants, il la hissa sur la croupe de son cheval, menant rapidement la bête jusqu’à la caserne. La blonde se décomposait à mesure qu’ils avançaient. Enfin, il la déposa sur un lit de l’infirmerie, lui prodiguant les premiers soins avec méthode. Elle se détendit progressivement, alors qu’il monologuait, racontant blagues et anecdotes probablement destinées à calmer l’angoisse visible de la jeune femme. Lorsque le bandage propre fut en place, il récupéra un carnet et un stylo, s’installant face à elle.
- Je vais avoir besoin de votre nom pour la plainte contre vos agresseurs.
Hésitant quelques instants, elle pencha légèrement la tête et répondit d’une voix qu’elle voulut assurée.
- Aryanne Rougefeu.
Marquant un temps, l’homme la dévisagea. Il sait ! pensa-t-elle dans un sursaut de panique. Souriant légèrement, il finit par acquiescer et nota le nom, puis la description des faits qu’elle lui donna avec application.
- Une raison particulière pour que ces hommes aient voulu vous agresser ?
- Eh bien… Je ne vois pas. Je viens d’arriver en ville et je suis… Eh bien j’imagine qu’ils m’ont trouvée à leur goût ?
Hochant la tête, il referma le carnet d’un geste sec et accompagna la donzelle jusqu’à la porte.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit. J’insiste. Quoi que ce soit. Vous savez où me trouver.
Plissant le nez, Aryanne l’observa avec attention. L’homme d’âge mur, à l’air gentil et résolu lui inspirait étrangement confiance. Elle lui sourit donc, et le remercia avant de disparaître dans la foule de la vieille ville, reprenant enfin une respiration normale, malgré la douleur qui lui vrillait l’abdomen. Regagnant la chambre qu’elle louait au quartier commerçant, au dessus de chez le coiffeur, elle resta un long moment contre la porte, tenant la poignée d’une main fébrile. Elle remercia silencieusement la chance qui ne l’avait pas quittée, puis s’effondra sur son lit. Elle sombra.
Une jeune femme encapuchonnée, vêtue d’une tenue sombre et moulante, observait la foule rassemblée sur le parvis de la Cathédrale. Les quelques boucles blondes qui s’échappaient lorsqu’elle penchait la tête encadraient des lèvres parfaitement dessinées, figées sur un sourire perplexe. Il n’y avait pas deux jours qu’elle était arrivée dans la grande cité et tout lui paraissait démesuré : les bâtiments, les fontaines, l’égo des habitants…
Penchant légèrement la tête et enroulant machinalement une boucle blonde autour de son index, elle sourit à un homme qui venait de l’aborder. Rajustant sa capuche pour soustraire le haut de son visage à son regard, elle glissa sa main libre à sa taille.
- 50 pièces d’argent les trois feuilles, lui fit-il d’un ton de conspirateur, plissant les yeux pour tacher d’apercevoir ce qu’elle cachait.
Perplexe, la jeune blonde le dévisagea un long moment. Brun, les cheveux en pagaille et l’œil vif, il lançait de fréquents regards en direction des gardes en faction qui patrouillaient sur le parvis. Fronçant les sourcils, elle glissa ses doigts dans une poche et en sorti les pièces qu’elle lui tendit. Il les saisit rapidement, lui arrachant presque et fourra entre ses mains un petit paquet de feuilles séchées. Elle les contempla un moment, puis releva la tête pour découvrir que l’homme avait disparu. Etrange Cité, se dit-elle, haussant les épaules, et se levant doucement. Soupirant un peu, elle se remémora les mots prononcés la veille par cet homme chauve qu’elle avait croisé au même endroit.
- Quoi de moins remarquable qu’une personne se baladant librement, et tapant gentiment dans le dos de la Garde ? Votre capuche et vos manières apeurées vous rendent plus suspecte qu’autre chose, m’est avis.
Secouant la tête, elle fit glisser son capuchon sur ses épaules, révélant son visage angélique et ses grands yeux verts. Les boucles blondes qui dégringolaient en cascade jusqu’au creux de son dos accentuaient cette impression d’innocence dangereuse, quelques hommes tournant un regard appréciateur dans sa direction. Ramenant son sac sur son épaule, elle se pencha vers une enfant rousse au visage poupin qui observait le système hydraulique de l’imposante fontaine avec un intérêt digne des plus grands ingénieurs.
- Dis-moi petite, fit-elle d’une voix chaude et agréable. Saurais-tu m’indiquer la direction de la bibliothèque royale, s’il te plait ?
Pivotant vers elle, la gamine sourit de toutes ses dents et hocha frénétiquement la tête.
- La bibliothèque ! Evidemment ! C’est mon endroit préféré ! Viens madame !
Saisissant vivement le poignet de la blonde, elle l’entraina d’un pas vif dans les ruelles Hurleventoise, gambadant gaiement et pépiant à tout va.
- Tu es nouvelle ici ? C’est une jolie ville ! Regarde, ici, c’est chez les nains ! Ca sent la fumée et la poussière, mais il y a les meilleurs ingénieurs gnomes du coin ! Là bas, c’est le donjon… Il y a le roi Wrynn ! Et… et la bibliothèque. C’est là que nous allons.
Souriant légèrement, la jeune femme baissa la tête, voilant son visage de ses cheveux en passant à proximité des gardes, stupéfaite de parvenir jusqu’à la bibliothèque sans encombre. L’endroit était majestueux, les murs couverts de tentures bleues brodées de fil d’or, représentant le lion symbole du royaume. Elle avait conscience de pousser sa chance un peu loin, mais l’envie de découvrir les dizaines d’ouvrages dont sa mère lui avait tant parlé lorsqu’elle était petite avait été la plus forte. Se désintéressant de l’enfant qui poursuivait son babillage, elle laissa courir ses doigts sur les reliures, fascinée. Tant de trésors réunis en un seul et même endroit. Parcourant les étagères d’un regard concentré, elle arrêta sa main sur un livre à la couverture élimée, parcourant les premières pages avec intérêt. Un bruit métallique lui fit relever la tête, et se pencher pour observer l’entrée des lieux. Un gnome tout de cuir vêtu la fixait avec un sourire entendu. Reposant doucement l’ouvrage dans les rayons presque avec déférence, elle se glissa lentement à sa suite, intriguée. Le gnome disparut près d’un balcon, sautant dans le vide. Ouvrant de grands yeux affolés, elle se précipita à sa suite, et se pencha au dessus du vide, fixant le lac très loin en contrebas. Etouffant un soupir de soulagement, elle découvrit le parapet sur lequel le gnome avait sauté, rejoignant un homme à en juger, vêtu d’une tenue de cuir rouge et noire et dont le visage se perdait dans l’ombre de son capuchon, ne laissant deviner qu’un fin sourire.
- Mais qu’est ce que vous faites ? demanda-t-elle, repoussant ses boucles derrière ses oreilles, penchée au dessus de la balustrade.
- Venez donc voir ? répondit le gnome d’un ton badin.
La jeune femme fronça les sourcils. Détaillant le gnome et l’humain tour à tour, elle lança ensuite un coup d’œil derrière elle. Personne. La curiosité fut la plus forte, et elle se hissa par-dessus le muret, glissant doucement sur le parapet, affichant un sourire aimable.
- Approchez ! répéta-t-il, sautillant dans sa direction. Je vais vous montrer quelque chose !
Méfiante malgré la naïveté qui l’avait conduite ici, elle releva le nez vers le muret qu’elle venait de sauter. Impossible de le franchir dans l’autre sens sans l’aide de quelqu’un. Souriante, elle se pencha en direction du gnome, l’interrogeant du regard. Ce dernier bondit soudain dans sa direction et ficha une dague dans sa cuisse d’un coup vif et précis. Ecarquillant les yeux, elle l’attrapa vivement à la gorge et, le faisant tourner dos à elle, se baissa pour se protéger de son petit corps, observant l’homme qui regardait la scène, les lèvres figées dans un rictus agacé.
- Vous n’étiez pas forcé de l’abimer, fit-il d’un ton froid et blasé, portant lentement une main à son dos, détachant l’arbalète qui y était attachée, la pointant en direction de la tête de la blonde.
Cette dernière, grimaçant un peu, arracha d’une main ferme la lame plantée dans sa cuisse pour la porter à la gorge du gnome qui grommela lorsque le sang de la donzelle macula l’avant de son plastron.
- Je crois… qu’il y a un malentendu, souffla-t-elle avec un sourire charmant, le regard fier quoi que très légèrement voilé par la souffrance.
- C’était une bonne idée de changer la couleur de vos cheveux, répliqua le gnome. Mais pas suffisant pour des professionnels tels que nous !
Marquant un temps de quelques secondes, elle posa ses lèvres près de l’oreille démesurée du petit être, parlant d’une voix chaude.
- Il doit y avoir un malentendu, je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
Tendant le bras, presque avec nonchalance, l’assassin qui leur faisait face inclina légèrement la tête, visiblement en quête du meilleur angle de tir.
- Il n’y en a pas, hélas pour vous, déclara-t-il dans un sourire léger. C’est navrant. Dans d’autres circonstances, je vous aurais volontiers invitée à boire un verre.
La jeune femme resserra l’étreinte de ses doigts sur le poignard, la paume glissante et gluante de son propre sang. Conservant un calme serein et un sourire délicieux, son regard vert et résolu laissait entrevoir son intense réflexion. Jaugeant de la situation tandis que le gnome levait les mains en signe de reddition, elle fixa l’arbalète avant d’observer le lac paisible qui s’étendait sous eux. L’impact serait violent, jugea-t-elle, mais il n’y avait pas d’autre échappatoire. Grognant un peu, elle se maudit d’avoir cédé à son impulsivité. Qu’est ce qui lui était passé par la tête de venir fanfaronner en plein donjon alors que son visage était placardé sur le tableau des avis de recherche, offrant une forte récompense pour sa capture ? Suivant son regard, l’homme secoua lentement la tête, lui adressant un sourire faussement contrit.
- Vous avez conscience qu’il n’y a aucune chance pour que je vous rate à cette distance, n’est ce pas ?
Se baissant davantage derrière le gnome, la blonde glissa une main à sa cuissarde, saisissant une seconde dague qu’elle plaqua contre son dos, s’assurant d’une pression suffisante pour être douloureuse sans entamer sa chair. Elle rit doucement, dans un mouvement léger du visage, repoussant les boucles blondes hors de ses yeux.
- Je prends le pari.
Tournant vivement le poignet, elle planta profondément sa dague dans le bas du dos du gnome qui poussa un couinement porcin. L’entrainant un peu avec elle, elle le lâcha près de bord sans un regard et d’une forte impulsion sur le sol, plongea en direction du lac. Sa chute lui parut durer une éternité, et alors qu’elle était sur le point de heurter la surface de l’eau, une brulure intense assortie d’un impact violent la fit basculer sur le dos. Portant la main au carreau qui dépassait à présent de sa taille, elle hurla quand son corps entra en contact avec le liquide glacé, l’assommant presque. Fermant les yeux une seconde, elle cria une nouvelle fois, se noyant à moitié tandis que l’eau investissait sa gorge. S’obligeant à retrouver son calme alors que de nouveaux traits fusaient autour d’elle, elle se mit à battre des jambes et des bras, dans des mouvements désordonnés, poussée par l’instinct de survie, jusqu’à atteindre la rive, se hissant sur l’herbe dans un gémissement douloureux. Portant une main fébrile à son dos, elle saisit le carreau qu’elle retira d’un geste sec, se mordant la lèvre jusqu’au sang. Pressant ses doigts sur la plaie sanguinolente, elle se releva avec difficulté, consciente du danger de perdre connaissance là où l’homme armé allait forcément venir s’assurer de la réussite de son tir. Prenant appui sur les arbres qu’elle croisait, laissant des traces ensanglantées derrière elle, elle parvint laborieusement jusqu’à la place de la Cathédrale, levant un visage livide en direction de l’édifice. S’affaissant contre le mur de l’orphelinat, elle glissa au sol dans un gémissement douloureux. Un homme, portant heaume et tabard de la Garde de Hurlevent se précipita dans sa direction, sautant de son cheval dans un cliquetis métallique.
- Dame… ? demanda-t-il, pressant une main gantée de fer sur la plaie bouillonnante.
- C’est… ce n’est rien…, hoqueta-t-elle en ramenant ses boucles humides devant ses yeux, horrifiée.
Réchapper d’un saut tel que celui qu’elle venait de faire pour finir entre les mains des gardes, sombre ironie, se dit-elle.
- Ne vous en faites pas, vous avez de la chance, je suis médecin.
Saisissant la donzelle entre ses bras puissants, il la hissa sur la croupe de son cheval, menant rapidement la bête jusqu’à la caserne. La blonde se décomposait à mesure qu’ils avançaient. Enfin, il la déposa sur un lit de l’infirmerie, lui prodiguant les premiers soins avec méthode. Elle se détendit progressivement, alors qu’il monologuait, racontant blagues et anecdotes probablement destinées à calmer l’angoisse visible de la jeune femme. Lorsque le bandage propre fut en place, il récupéra un carnet et un stylo, s’installant face à elle.
- Je vais avoir besoin de votre nom pour la plainte contre vos agresseurs.
Hésitant quelques instants, elle pencha légèrement la tête et répondit d’une voix qu’elle voulut assurée.
- Aryanne Rougefeu.
Marquant un temps, l’homme la dévisagea. Il sait ! pensa-t-elle dans un sursaut de panique. Souriant légèrement, il finit par acquiescer et nota le nom, puis la description des faits qu’elle lui donna avec application.
- Une raison particulière pour que ces hommes aient voulu vous agresser ?
- Eh bien… Je ne vois pas. Je viens d’arriver en ville et je suis… Eh bien j’imagine qu’ils m’ont trouvée à leur goût ?
Hochant la tête, il referma le carnet d’un geste sec et accompagna la donzelle jusqu’à la porte.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit. J’insiste. Quoi que ce soit. Vous savez où me trouver.
Plissant le nez, Aryanne l’observa avec attention. L’homme d’âge mur, à l’air gentil et résolu lui inspirait étrangement confiance. Elle lui sourit donc, et le remercia avant de disparaître dans la foule de la vieille ville, reprenant enfin une respiration normale, malgré la douleur qui lui vrillait l’abdomen. Regagnant la chambre qu’elle louait au quartier commerçant, au dessus de chez le coiffeur, elle resta un long moment contre la porte, tenant la poignée d’une main fébrile. Elle remercia silencieusement la chance qui ne l’avait pas quittée, puis s’effondra sur son lit. Elle sombra.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Les journées passaient, et la jeune Mayan dut se rendre à l’évidence. La vie dorée qu’elle avait connue par le passé était belle et bien révolue. Elle avait réussi à dérober un véritable petit trésor en fuyant le manoir, mais elle se refusait à y toucher pour le moment. Il était temps d’apprendre à vivre pour elle-même. Par elle-même. Plus personne ne lui imposerait quoi que ce soit. Pas même cet homme encagoulé qui croyait pouvoir la menacer et l’effrayer, en la suivant chaque jour, pas à pas, dans ces ombres qu’il croyait suffisamment denses pour qu’elle ne le remarque pas. La plaie à son ventre était encore douloureuse, mais elle ne tarderait pas à en guérir, elle en était certaine. Son corps avait l’habitude des cicatrices et une de plus ou de moins ne serait pas si terrible.
Se glissant hors de sa chambre, elle rejoint rapidement les ruelles animées du quartier commerçant. Il lui fallait à présent trouver de quoi survivre et payer le gnome Cizopointu à qui elle louait sa chambre. Il ne lui avait encore rien demandé face aux sourires époustouflants que lui offraient la jeune femme, mais elle avait conscience qu’il ne tarderait plus à réclamer son dû. Elle se souvint des mots qu’avait prononcés Jekh, l’homme qu’elle avait rencontré à son arrivée à Hurlevent. Chauve malgré son jeune âge, et le corps musclé, il avait dans le regard cette étincelle enthousiaste qui prouvait à quel point il aimait la vie. Il l’avait percutée de plein fouet derrière la Cathédrale, alors qu’elle avançait d’un bon pas, cachée sous son capuchon et rasant les murs. Amusé par cette donzelle effarouchée, il lui avait offert un bon repas et un verre de rhum pour tâcher d’en apprendre plus à son sujet. Il avait bien vite compris qu’elle ne souhaitait pas être reconnue et qu’elle avait besoin d’argent. C’est pourquoi il lui avait proposé d’accomplir pour lui quelques tâches bien rémunérées et peu dangereuses. Essentiellement de recueillir des informations compromettantes à l’encontre de ses concurrents marchands. Mayan avait longuement hésité. En effet, elle se savait à la hauteur de la mission, mais la teneur de ce que lui demandait Jekh lui rappelait douloureusement qu’elle avait été éduquée pour satisfaire et faire parler les hommes qui la payaient.
Réajustant son chemisier trop grand pour elle, elle se décida à emprunter le pont menant au Quartier des Mages. Jekh lui avait confié avoir plusieurs affaires à régler dans le coin, et elle avait maintenant pris sa décision. Se faufilant entre les arbres en fleur, elle atteint rapidement un petit renfoncement entre plusieurs échoppes. Là, se tenaient plusieurs hommes et femmes, visiblement en grande discussion. Le plus grand d’entre eux s’adressait à Jekh d’une voix forte et méprisante. Dissimulée dans l’ombre d’un mur, Mayan se pencha légèrement et tendit l’oreille. Il était question de marchandise détournée et d’or volé. Balayant l’assemblée du regard, elle se figea en apercevant non loin de Jekh l’homme encapuchonné, vêtu de cuir rouge et noir. Seules ses lèvres étaient visibles dans l’ombre de l’étoffe, et une barbe naissante parsemait son menton volontaire. Les lames à ses côtés semblaient de la meilleure qualité, mais ce qui retint surtout l’attention de la blonde était la petite arbalète, finement ouvragée qu’il portait dans son dos et qui dépassait légèrement derrière son épaule. Portant machinalement la main à son ventre, à l’endroit de sa blessure, elle fit un pas en arrière. Alors qu’elle allait faire demi-tour, elle sentit la morsure glacée du métal contre sa gorge.
- Pas si vite ma mignonne, susurra une voix de femme à son oreille. Tu ne comptes pas déjà nous fausser compagnie, tout de même ?
Lentement, Mayan secoua négativement la tête, puis, levant les mains en signe de reddition, elle pivota vers celle qui venait de la piéger, pour découvrir son visage. Blonde et les traits enfantins, cette dernière gardait son arme pointée sur la gorge de la jeune femme, et arborait un sourire des plus angéliques.
- Mes amis juste à côté n’aiment pas les fouineuses. Et si nous allions leur expliquer ce qui t’amène dans les parages, hm ?
Etouffant un grognement agacé, Mayan opina à la proposition de la jeune femme et fit demi-tour pour rejoindre le petit groupe en plein palabre. Interrompus dans leur harangue, ils détaillèrent la jeune femme d’un air menaçant.
- Une de tes amies, Jekh ? fit l’homme auquel ce dernier s’adressait peu auparavant.
- Pas le moins du monde, je n’ai jamais vu cette donzelle. Et si ça avait été le cas, je ne l’aurais pas laissée repartir, répondit le chauve, détaillant la donzelle d’un œil torve.
Le fusillant du regard, Mayan trébucha en avant tandis que la femme qui la menaçait la poussait sans ménagement. Le mystérieux encapuchonné quant à lui, restait en retrait. Observant la scène, les mains posées sur les pommeaux de ses armes, il fit claquer sa langue d’un air agacé.
- Que faisiez-vous ici ma chère ? demanda le premier homme
- Eh bien… je me promenais voyez-vous ? Il me semble que ce Quartier ne vous appartient pas et que les citoyens sont encore libres de s’y mouvoir comme ils le souhaitent ?
- Du caractère…, ricana-t-il en l’observant avec un peu plus d’attention. C’est tout à fait adorable.
Il claqua des doigts.
- Seldria, raccompagne donc notre invitée. Et veille à ce qu’elle ne se perde pas en chemin, veux-tu ?
La femme blonde posa une main lourde sur l’épaule de Mayan, et la poussa sans ménagement en direction de la sortie du quartier. Bougonnant, elle obtempéra et se mit en marche sans rechigner. Du coin de l’œil, elle vit l’assassin en rouge et noir calquer son pas sur le leur, quelques mètres en retrait. Seldria n’avait probablement pas pour ordre de l’abattre mais Mayan n’était pas aussi certaine que l’homme s’abstiendrait de l’attaquer. Aussi la jeune femme bondit-elle en avant, sans prévenir, et s’élança de toute la puissance que lui permirent ses jambes.
Survivre.
Se glissant hors de sa chambre, elle rejoint rapidement les ruelles animées du quartier commerçant. Il lui fallait à présent trouver de quoi survivre et payer le gnome Cizopointu à qui elle louait sa chambre. Il ne lui avait encore rien demandé face aux sourires époustouflants que lui offraient la jeune femme, mais elle avait conscience qu’il ne tarderait plus à réclamer son dû. Elle se souvint des mots qu’avait prononcés Jekh, l’homme qu’elle avait rencontré à son arrivée à Hurlevent. Chauve malgré son jeune âge, et le corps musclé, il avait dans le regard cette étincelle enthousiaste qui prouvait à quel point il aimait la vie. Il l’avait percutée de plein fouet derrière la Cathédrale, alors qu’elle avançait d’un bon pas, cachée sous son capuchon et rasant les murs. Amusé par cette donzelle effarouchée, il lui avait offert un bon repas et un verre de rhum pour tâcher d’en apprendre plus à son sujet. Il avait bien vite compris qu’elle ne souhaitait pas être reconnue et qu’elle avait besoin d’argent. C’est pourquoi il lui avait proposé d’accomplir pour lui quelques tâches bien rémunérées et peu dangereuses. Essentiellement de recueillir des informations compromettantes à l’encontre de ses concurrents marchands. Mayan avait longuement hésité. En effet, elle se savait à la hauteur de la mission, mais la teneur de ce que lui demandait Jekh lui rappelait douloureusement qu’elle avait été éduquée pour satisfaire et faire parler les hommes qui la payaient.
Réajustant son chemisier trop grand pour elle, elle se décida à emprunter le pont menant au Quartier des Mages. Jekh lui avait confié avoir plusieurs affaires à régler dans le coin, et elle avait maintenant pris sa décision. Se faufilant entre les arbres en fleur, elle atteint rapidement un petit renfoncement entre plusieurs échoppes. Là, se tenaient plusieurs hommes et femmes, visiblement en grande discussion. Le plus grand d’entre eux s’adressait à Jekh d’une voix forte et méprisante. Dissimulée dans l’ombre d’un mur, Mayan se pencha légèrement et tendit l’oreille. Il était question de marchandise détournée et d’or volé. Balayant l’assemblée du regard, elle se figea en apercevant non loin de Jekh l’homme encapuchonné, vêtu de cuir rouge et noir. Seules ses lèvres étaient visibles dans l’ombre de l’étoffe, et une barbe naissante parsemait son menton volontaire. Les lames à ses côtés semblaient de la meilleure qualité, mais ce qui retint surtout l’attention de la blonde était la petite arbalète, finement ouvragée qu’il portait dans son dos et qui dépassait légèrement derrière son épaule. Portant machinalement la main à son ventre, à l’endroit de sa blessure, elle fit un pas en arrière. Alors qu’elle allait faire demi-tour, elle sentit la morsure glacée du métal contre sa gorge.
- Pas si vite ma mignonne, susurra une voix de femme à son oreille. Tu ne comptes pas déjà nous fausser compagnie, tout de même ?
Lentement, Mayan secoua négativement la tête, puis, levant les mains en signe de reddition, elle pivota vers celle qui venait de la piéger, pour découvrir son visage. Blonde et les traits enfantins, cette dernière gardait son arme pointée sur la gorge de la jeune femme, et arborait un sourire des plus angéliques.
- Mes amis juste à côté n’aiment pas les fouineuses. Et si nous allions leur expliquer ce qui t’amène dans les parages, hm ?
Etouffant un grognement agacé, Mayan opina à la proposition de la jeune femme et fit demi-tour pour rejoindre le petit groupe en plein palabre. Interrompus dans leur harangue, ils détaillèrent la jeune femme d’un air menaçant.
- Une de tes amies, Jekh ? fit l’homme auquel ce dernier s’adressait peu auparavant.
- Pas le moins du monde, je n’ai jamais vu cette donzelle. Et si ça avait été le cas, je ne l’aurais pas laissée repartir, répondit le chauve, détaillant la donzelle d’un œil torve.
Le fusillant du regard, Mayan trébucha en avant tandis que la femme qui la menaçait la poussait sans ménagement. Le mystérieux encapuchonné quant à lui, restait en retrait. Observant la scène, les mains posées sur les pommeaux de ses armes, il fit claquer sa langue d’un air agacé.
- Que faisiez-vous ici ma chère ? demanda le premier homme
- Eh bien… je me promenais voyez-vous ? Il me semble que ce Quartier ne vous appartient pas et que les citoyens sont encore libres de s’y mouvoir comme ils le souhaitent ?
- Du caractère…, ricana-t-il en l’observant avec un peu plus d’attention. C’est tout à fait adorable.
Il claqua des doigts.
- Seldria, raccompagne donc notre invitée. Et veille à ce qu’elle ne se perde pas en chemin, veux-tu ?
La femme blonde posa une main lourde sur l’épaule de Mayan, et la poussa sans ménagement en direction de la sortie du quartier. Bougonnant, elle obtempéra et se mit en marche sans rechigner. Du coin de l’œil, elle vit l’assassin en rouge et noir calquer son pas sur le leur, quelques mètres en retrait. Seldria n’avait probablement pas pour ordre de l’abattre mais Mayan n’était pas aussi certaine que l’homme s’abstiendrait de l’attaquer. Aussi la jeune femme bondit-elle en avant, sans prévenir, et s’élança de toute la puissance que lui permirent ses jambes.
Survivre.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Reprenant son souffle, elle posa une main sur la rampe de pierre froide qui menait à l’Ambassade d’Austrivage. Le sang battant férocement à ses tempes, elle pressa la seconde contre son ventre douloureux. Alors qu’elle relevait la tête, elle s’aperçut que l’homme en noir et rouge se tenait droit devant elle. Aussitôt, elle se redressa, de toute sa petite taille et le toisa d’un air provocateur.
- Vous semblez en pleine forme pour quelqu’un qui a été blessé si récemment, fit-il simplement.
Entortillant machinalement quelques boucles blondes autour de son index, elle inclina la tête.
- Une simple égratignure. Il faut croire que le tireur ne savait pas viser, sourit-elle en réponse.
- Ou bien qu’il n’avait pas l’intention de tuer, qui sait ?
- Peut-être était-il tout simplement idiot ?
Esquissant un sourire dans l’ombre de sa capuche, il s’approcha d’elle, frôlant sa poitrine de son torse et se penchant pour approcher sa bouche de l’oreille délicatement dessinée de Mayan.
- Vous avez eu de la chance, Dame. Beaucoup de chance. Vous n’en aurez pas à tous les coups.
Redressant fièrement le nez, elle le toisa sans répondre. Visiblement très amusé de sa réaction, il s’inclina profondément, avec la grâce que seul un Noble aurait pu maîtriser, puis fit demi-tour, la laissant là. Une fois assurée qu’il était hors de vue, la jeune femme sentit ses jambes s’effondrer sous elle et tomba, inerte, sur le sol.
- Vous semblez en pleine forme pour quelqu’un qui a été blessé si récemment, fit-il simplement.
Entortillant machinalement quelques boucles blondes autour de son index, elle inclina la tête.
- Une simple égratignure. Il faut croire que le tireur ne savait pas viser, sourit-elle en réponse.
- Ou bien qu’il n’avait pas l’intention de tuer, qui sait ?
- Peut-être était-il tout simplement idiot ?
Esquissant un sourire dans l’ombre de sa capuche, il s’approcha d’elle, frôlant sa poitrine de son torse et se penchant pour approcher sa bouche de l’oreille délicatement dessinée de Mayan.
- Vous avez eu de la chance, Dame. Beaucoup de chance. Vous n’en aurez pas à tous les coups.
Redressant fièrement le nez, elle le toisa sans répondre. Visiblement très amusé de sa réaction, il s’inclina profondément, avec la grâce que seul un Noble aurait pu maîtriser, puis fit demi-tour, la laissant là. Une fois assurée qu’il était hors de vue, la jeune femme sentit ses jambes s’effondrer sous elle et tomba, inerte, sur le sol.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Elle s’éveilla de nouveau alors qu’elle était couchée dans de chaudes fourrures sur un lit de fortune. Eblouie par la lumière vive d’un feu à moins d’un mètre de sa couche, elle se redressa en étouffant un grognement.
- Vous devriez éviter les gestes brusques Dame, vos points n’ont pas eu l’air d’apprécier jusque-là, l’admonesta une jeune femme rousse, d’une beauté froide et digne.
Cette dernière s’affairait près d’une table, mettant de côté plusieurs bandes sanguinolentes. Perdue, Mayan tourna la tête en s’asseyant plus confortablement sur son lit, observant les lieux avec inquiétude. L’endroit était grand et austère. Le centre de la pièce était occupé par un grand bureau face auquel se trouvaient deux fauteuils en velours. Le lit sur lequel on l’avait allongée n’occupait qu’une toute petite partie de l’espace et n’avait visiblement pas pour vocation d’être installé ici.
- Vous êtes à l’Ambassade d’Austrivage, reprit la rouquine. Je suis Fanélia Cathules. Nous vous avons trouvée devant nos marches et il nous a semblé plus à propos de vous rapatrier ici que de vous laisser agoniser sans assistance.
- Au… Austrivage…
- Oui. Austrivage. Vous avez dû arracher vos points, votre plaie ne ressemble plus à rien, c’est un véritable désastre. J’ai changé vos bandages, mais vous devriez faire attention et vous reposer les jours prochains.
Mayan acquiesça distraitement, détaillant la femme qui lui faisait face. Visiblement enceinte, cette dernière n’en gardait pas moins une allure fière et vive. Ses grands yeux verts et son visage délicat juraient avec l’austérité de la pièce. Mayan se dit qu’une femme telle que cette Fanélia aurait dû se trouver dans un château, parée de milles atours pour être à sa place. Baissant les yeux sur son ventre, elle s’aperçut qu’une grosse tâche rouge souillait l’avant de sa chemise. Sa course effrénée dans les ruelles de Hurlevent n’avait pas été la meilleure idée qu’elle ait pu avoir. Se mordant la lèvre, la petite blonde se redressa prudemment et s’approcha de la rousse.
- Savez-vous si… Eh bien… A Austrivage… Y a-t-il des survivants ? Je veux dire… des enfants ? A-t-on retrouvé des enfants qui aient réchappé de la peste ?
Fanélia pivota vers elle et la détailla un instant. Le front plissé et les sourcils froncés, elle prit un temps certain pour répondre.
- Personne ne réchappe de la peste, Dame. Mais des enfants ont eu le temps d’être évacués avant l’attaque. Certains, trop rares hélas, ont été rendus à leurs parents. Les autres sont à l’orphelinat que vous trouverez non loin de l’Ambassade.
Plissant le nez, Mayan hocha doucement la tête. Peut-être Louise avait-elle pu en réchapper. Elle n’avait eu d’autre choix que de la laisser en Hautebrande au moment de sa fuite. Comment aurait-elle pu deviner que les Réprouvés allaient lancer un tel assaut contre la ville ?
Remerciant Fanélia à plusieurs reprises pour ses soins, la jeune femme se hâta toutefois de rejoindre la sortie. Moins on la voyait, mieux elle se portait. Après s’être assurée que l’homme en noir et rouge n’était pas dans les parages, elle se hâta en direction du quartier commerçant, pressant la main contre son ventre meurtri. Il lui faudrait être bien plus prudente à l’avenir.
- Vous devriez éviter les gestes brusques Dame, vos points n’ont pas eu l’air d’apprécier jusque-là, l’admonesta une jeune femme rousse, d’une beauté froide et digne.
Cette dernière s’affairait près d’une table, mettant de côté plusieurs bandes sanguinolentes. Perdue, Mayan tourna la tête en s’asseyant plus confortablement sur son lit, observant les lieux avec inquiétude. L’endroit était grand et austère. Le centre de la pièce était occupé par un grand bureau face auquel se trouvaient deux fauteuils en velours. Le lit sur lequel on l’avait allongée n’occupait qu’une toute petite partie de l’espace et n’avait visiblement pas pour vocation d’être installé ici.
- Vous êtes à l’Ambassade d’Austrivage, reprit la rouquine. Je suis Fanélia Cathules. Nous vous avons trouvée devant nos marches et il nous a semblé plus à propos de vous rapatrier ici que de vous laisser agoniser sans assistance.
- Au… Austrivage…
- Oui. Austrivage. Vous avez dû arracher vos points, votre plaie ne ressemble plus à rien, c’est un véritable désastre. J’ai changé vos bandages, mais vous devriez faire attention et vous reposer les jours prochains.
Mayan acquiesça distraitement, détaillant la femme qui lui faisait face. Visiblement enceinte, cette dernière n’en gardait pas moins une allure fière et vive. Ses grands yeux verts et son visage délicat juraient avec l’austérité de la pièce. Mayan se dit qu’une femme telle que cette Fanélia aurait dû se trouver dans un château, parée de milles atours pour être à sa place. Baissant les yeux sur son ventre, elle s’aperçut qu’une grosse tâche rouge souillait l’avant de sa chemise. Sa course effrénée dans les ruelles de Hurlevent n’avait pas été la meilleure idée qu’elle ait pu avoir. Se mordant la lèvre, la petite blonde se redressa prudemment et s’approcha de la rousse.
- Savez-vous si… Eh bien… A Austrivage… Y a-t-il des survivants ? Je veux dire… des enfants ? A-t-on retrouvé des enfants qui aient réchappé de la peste ?
Fanélia pivota vers elle et la détailla un instant. Le front plissé et les sourcils froncés, elle prit un temps certain pour répondre.
- Personne ne réchappe de la peste, Dame. Mais des enfants ont eu le temps d’être évacués avant l’attaque. Certains, trop rares hélas, ont été rendus à leurs parents. Les autres sont à l’orphelinat que vous trouverez non loin de l’Ambassade.
Plissant le nez, Mayan hocha doucement la tête. Peut-être Louise avait-elle pu en réchapper. Elle n’avait eu d’autre choix que de la laisser en Hautebrande au moment de sa fuite. Comment aurait-elle pu deviner que les Réprouvés allaient lancer un tel assaut contre la ville ?
Remerciant Fanélia à plusieurs reprises pour ses soins, la jeune femme se hâta toutefois de rejoindre la sortie. Moins on la voyait, mieux elle se portait. Après s’être assurée que l’homme en noir et rouge n’était pas dans les parages, elle se hâta en direction du quartier commerçant, pressant la main contre son ventre meurtri. Il lui faudrait être bien plus prudente à l’avenir.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Trois mois plus tôt
La brume du soir enveloppait le manoir Bruleciel. Seul le hululement d’une chouette troublait le calme paisible des alentours. La pénombre baignait la chambre de Mayan, qui attendait, blottie sous ses couvertures. Elle avait pris sa décision. Il lui faudrait agir vite, et s’assurer que personne ne la traquerait, jamais. Calmant sa respiration saccadée, elle observa la lune, qu’elle apercevait à travers sa fenêtre. Ronde et belle. Gardienne des nuits. L’heure était venue.
Glissant hors de ses draps, Mayan attrapa sa ceinture sur la commode adjacente et la serra à sa taille. Contrairement à son habitude, elle n’était pas vêtue de son déshabillé rouge tant apprécié par son père. Elle portait un pantalon de toile noire et solide, ainsi qu’une chemise de soie blanche. Se faufilant jusqu’à son placard, elle saisit une paire de cuissardes qu’elle enfila par-dessus son pantalon. Il lui faudrait être à l’aise, et se protéger de la neige. Le cuir montant lui éviterait bien des déconvenues. Repoussant ses belles toilettes de Dame de cours, elle tendit le bras pour attraper une lourde cape noire, assortie d’une capuche. Elle resserra le lien de cuir autour de son cou et pivota vers son miroir. Inclinant la tête, elle jaugea de son allure, resserrant les pans de tissus sombres autour de son corps. Satisfaite, elle retourna à sa commode qu’elle ouvrit avec délicatesse. Surtout, ne faire aucun bruit. Soulevant les sous-vêtements d’étoffe noble et les diverses babioles qu’elle rangeait là, elle récupéra son trésor, enroulé dans une pièce de tissu beige. Ecartant les coins du chiffon, elle se mordit la lèvre alors que l’éclat du métal vif se reflétait sur son visage, à la lueur de la lune. La dague était précieuse. Le manche serti de joyaux et la lame d’un alliage solide et léger à la fois. Elle avait mis des semaines pour parvenir à la dérober.
Refermant ses doigts fins autour du manche, elle se dirigea vers la porte de sa chambre.
**
La pièce était paisible. Les voilages blancs qui ornaient le baldaquin du lit bougeaient très légèrement, suivant les mouvements invisibles de l’air qui circulait dans la chambre et seule la respiration alanguie de la femme allongée là troublait le silence des lieux. Mayan referma doucement la porte derrière elle, serrant toujours ferment le poignard entre ses doigts glacés. Il n’était plus temps de faire demi-tour. Elle devrait aller jusqu’au bout. Elle s’approcha de la couche luxueuse et posa les yeux sur la blonde endormie. De longues mèches ternes encadraient le visage porcin tant haï. Les fourrures remontées jusque sous la poitrine, Ana reposait sur le dos, insouciante et inconsciente du danger qui la menaçait. Mayan s’approcha lentement et regarda la jeune femme. Frémissante, elle laissa la hargne s’emparer d’elle, ressassant chaque moment, chaque instant cruel où cette sœur qu’elle chérissait tant l’avait trahie et rabaissée. Elle revit son regard triomphant lorsque Renan avait apposé sa marque sur son corps meurtri.
Elle entendit de nouveau ses mots moqueurs alors qu’elle lui ordonnait de rejoindre la couche d’un vieillard décharné. Plus jamais.
Avec douceur et prudence, Mayan s’assit délicatement à côté d’Ana, effleurant du bout des doigts son front tiède. Il était temps qu’ils paient. Agrippant avec force son arme, elle l’approcha du cou blanc, offert. En un éclair, elle trancha. Le rouge carmin se répandit alors qu’Ana ouvrait les yeux dans un gargouillement affreux. Mayan posa sa main sur les lèvres rosées, plaquant sa paume de toutes ses forces et plongeant son regard émeraude dans les petits yeux porcins et sombres. Elle y lut la panique et la terreur. La douleur aussi. Instant jouissif. Elle observa la vie quitter le corps potelé, progressivement, tandis que celui-ci se débattait en vain, ses forces le quittant peu à peu.
Enfin, le silence.
Glissant le poignard dans sa cuissarde, et essuyant distraitement le sang qui maculait sa chemise et son visage, Mayan se redressa. Sa folie vengeresse ne faisait que débuter, mais déjà, l’euphorie s’emparait d’elle. Plus jamais elle n’aurait à subir les railleries idiotes de cette moins que rien. Tout lui avait semblé facile. Elle se sentit plus détendue pour l’ouvrage qui l’attendait encore. Se glissant prudemment hors de la chambre, elle referma silencieusement derrière elle. Le corps sans vie d’Ana gisant dans une mare de sang ne troublerait plus le silence de la petite chambre.
La brume du soir enveloppait le manoir Bruleciel. Seul le hululement d’une chouette troublait le calme paisible des alentours. La pénombre baignait la chambre de Mayan, qui attendait, blottie sous ses couvertures. Elle avait pris sa décision. Il lui faudrait agir vite, et s’assurer que personne ne la traquerait, jamais. Calmant sa respiration saccadée, elle observa la lune, qu’elle apercevait à travers sa fenêtre. Ronde et belle. Gardienne des nuits. L’heure était venue.
Glissant hors de ses draps, Mayan attrapa sa ceinture sur la commode adjacente et la serra à sa taille. Contrairement à son habitude, elle n’était pas vêtue de son déshabillé rouge tant apprécié par son père. Elle portait un pantalon de toile noire et solide, ainsi qu’une chemise de soie blanche. Se faufilant jusqu’à son placard, elle saisit une paire de cuissardes qu’elle enfila par-dessus son pantalon. Il lui faudrait être à l’aise, et se protéger de la neige. Le cuir montant lui éviterait bien des déconvenues. Repoussant ses belles toilettes de Dame de cours, elle tendit le bras pour attraper une lourde cape noire, assortie d’une capuche. Elle resserra le lien de cuir autour de son cou et pivota vers son miroir. Inclinant la tête, elle jaugea de son allure, resserrant les pans de tissus sombres autour de son corps. Satisfaite, elle retourna à sa commode qu’elle ouvrit avec délicatesse. Surtout, ne faire aucun bruit. Soulevant les sous-vêtements d’étoffe noble et les diverses babioles qu’elle rangeait là, elle récupéra son trésor, enroulé dans une pièce de tissu beige. Ecartant les coins du chiffon, elle se mordit la lèvre alors que l’éclat du métal vif se reflétait sur son visage, à la lueur de la lune. La dague était précieuse. Le manche serti de joyaux et la lame d’un alliage solide et léger à la fois. Elle avait mis des semaines pour parvenir à la dérober.
Refermant ses doigts fins autour du manche, elle se dirigea vers la porte de sa chambre.
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La pièce était paisible. Les voilages blancs qui ornaient le baldaquin du lit bougeaient très légèrement, suivant les mouvements invisibles de l’air qui circulait dans la chambre et seule la respiration alanguie de la femme allongée là troublait le silence des lieux. Mayan referma doucement la porte derrière elle, serrant toujours ferment le poignard entre ses doigts glacés. Il n’était plus temps de faire demi-tour. Elle devrait aller jusqu’au bout. Elle s’approcha de la couche luxueuse et posa les yeux sur la blonde endormie. De longues mèches ternes encadraient le visage porcin tant haï. Les fourrures remontées jusque sous la poitrine, Ana reposait sur le dos, insouciante et inconsciente du danger qui la menaçait. Mayan s’approcha lentement et regarda la jeune femme. Frémissante, elle laissa la hargne s’emparer d’elle, ressassant chaque moment, chaque instant cruel où cette sœur qu’elle chérissait tant l’avait trahie et rabaissée. Elle revit son regard triomphant lorsque Renan avait apposé sa marque sur son corps meurtri.
Elle entendit de nouveau ses mots moqueurs alors qu’elle lui ordonnait de rejoindre la couche d’un vieillard décharné. Plus jamais.
Avec douceur et prudence, Mayan s’assit délicatement à côté d’Ana, effleurant du bout des doigts son front tiède. Il était temps qu’ils paient. Agrippant avec force son arme, elle l’approcha du cou blanc, offert. En un éclair, elle trancha. Le rouge carmin se répandit alors qu’Ana ouvrait les yeux dans un gargouillement affreux. Mayan posa sa main sur les lèvres rosées, plaquant sa paume de toutes ses forces et plongeant son regard émeraude dans les petits yeux porcins et sombres. Elle y lut la panique et la terreur. La douleur aussi. Instant jouissif. Elle observa la vie quitter le corps potelé, progressivement, tandis que celui-ci se débattait en vain, ses forces le quittant peu à peu.
Enfin, le silence.
Glissant le poignard dans sa cuissarde, et essuyant distraitement le sang qui maculait sa chemise et son visage, Mayan se redressa. Sa folie vengeresse ne faisait que débuter, mais déjà, l’euphorie s’emparait d’elle. Plus jamais elle n’aurait à subir les railleries idiotes de cette moins que rien. Tout lui avait semblé facile. Elle se sentit plus détendue pour l’ouvrage qui l’attendait encore. Se glissant prudemment hors de la chambre, elle referma silencieusement derrière elle. Le corps sans vie d’Ana gisant dans une mare de sang ne troublerait plus le silence de la petite chambre.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Hurlevent
Le jeu du chat et de la souris durait depuis un moment à présent. Voilà plusieurs semaines qu’ils se cherchaient, se trouvaient, s’agaçaient l’un l’autre dans une valse effrénée qui semblait ne jamais devoir trouver de fin. Elle avait appris son nom au cours d’une de leur joute verbale et s’amusait à le prononcer du ton le plus moqueur qui soit à chaque fois qu’elle venait à se trouver face à lui. Raito. Raito de Redemptis. L’homme vêtu de cuir rouge et noir en perdait de sa superbe. Une sorte d’étrange proximité était née entre les deux êtres, et bien malin eut été celui capable de dire qui pourchassait l’autre à présent. Jekh s’était d’ailleurs fait une joie de les railler en les apercevant un jour sur le parvis, l’un face à l’autre, se provocant sans vergogne. Il avait présagé que bientôt, la haine laisserait place à d’autres sentiments, plus doux et passionnés. Mayan avait ri de cette idée qu’elle trouvait si saugrenue. Puis cette dernière avait fait son chemin. Raito prenait peut être son temps, mais son but au final était bien de la livrer aux Gardes qui la recherchaient. Il avait été le plus rapide de tous à la reconnaître, et il savait de quoi elle était coupable. Il ne semblait pas être homme à laisser les choses au hasard. Elle n’était rien face à lui qui semblait disposer de bien plus d’appui qu’il ne le laissait paraître. Alors elle se mit à réfléchir. Au fil de leurs rencontres, elle montra d’autres visages. Moins agressifs, moins provocateurs. Plus fragiles. Et il se laissa prendre au piège de ses mimiques effrayées. Un soir, alors qu’elle l’avait convié à la rejoindre chez elle, pour qu’ils discutent enfin, d’homme à femme et sans laisser le jeu troubler leurs propos, il succomba. Devant ses airs effrayés, et les larmes qu’elle laissa monter au coin de ses yeux, il se trouva aussi démuni qu’un enfant. Car Raito de Redemptis n’était pas un monstre. Ni un assassin sans cœur et sans morale. Il se laissa aller à croire que la donzelle se repentait sincèrement et qu’elle ne luttait pour rien d’autre que sa survie.
Alors que leurs lèvres se mêlaient dans un baiser d’une tendresse rare, Mayan ressentit pour la première fois de sa vie la véritable ivresse de la victoire. Enfin, elle utilisait ses atouts à ses propres fins et cela fonctionnait mieux qu’elle n’aurait jamais pu l’espérer. Raito était doux et sensible, et il ne fut pas dur pour la jeune femme de s’attirer sa confiance, à présent qu’elle avait pénétré l’armure froide et effrayante. Mais ses plans ne se déroulèrent pas exactement de la façon dont elle l’avait prévu. A mesure qu’elle apprivoisait l’homme et qu’elle découvrait les milles et unes facettes qui le composaient, Raito faisait de même avec elle. Et bientôt, sans s’en apercevoir, la nécessité de l’avoir à ses côtés fit place à l’envie qu’il le soit. Avec lui, elle découvrait ce qu’était censé être une relation normale avec un homme. Jamais il ne la forçait à quoi que ce soit. Sans cesse prévenant, il s’assurait qu’elle soit à l’aise et de ne jamais l’effrayer ou la menacer. Ce n’était pas de l’amour que Mayan ressentait pour lui, mais une affection qui n’eut de cesse de croître depuis leur premier baiser, échangé au clair de lune dans la petite pièce désordonnée.
L’ennemi était tombé. Et le meilleur des alliés lui offrait son aide.
Le jeu du chat et de la souris durait depuis un moment à présent. Voilà plusieurs semaines qu’ils se cherchaient, se trouvaient, s’agaçaient l’un l’autre dans une valse effrénée qui semblait ne jamais devoir trouver de fin. Elle avait appris son nom au cours d’une de leur joute verbale et s’amusait à le prononcer du ton le plus moqueur qui soit à chaque fois qu’elle venait à se trouver face à lui. Raito. Raito de Redemptis. L’homme vêtu de cuir rouge et noir en perdait de sa superbe. Une sorte d’étrange proximité était née entre les deux êtres, et bien malin eut été celui capable de dire qui pourchassait l’autre à présent. Jekh s’était d’ailleurs fait une joie de les railler en les apercevant un jour sur le parvis, l’un face à l’autre, se provocant sans vergogne. Il avait présagé que bientôt, la haine laisserait place à d’autres sentiments, plus doux et passionnés. Mayan avait ri de cette idée qu’elle trouvait si saugrenue. Puis cette dernière avait fait son chemin. Raito prenait peut être son temps, mais son but au final était bien de la livrer aux Gardes qui la recherchaient. Il avait été le plus rapide de tous à la reconnaître, et il savait de quoi elle était coupable. Il ne semblait pas être homme à laisser les choses au hasard. Elle n’était rien face à lui qui semblait disposer de bien plus d’appui qu’il ne le laissait paraître. Alors elle se mit à réfléchir. Au fil de leurs rencontres, elle montra d’autres visages. Moins agressifs, moins provocateurs. Plus fragiles. Et il se laissa prendre au piège de ses mimiques effrayées. Un soir, alors qu’elle l’avait convié à la rejoindre chez elle, pour qu’ils discutent enfin, d’homme à femme et sans laisser le jeu troubler leurs propos, il succomba. Devant ses airs effrayés, et les larmes qu’elle laissa monter au coin de ses yeux, il se trouva aussi démuni qu’un enfant. Car Raito de Redemptis n’était pas un monstre. Ni un assassin sans cœur et sans morale. Il se laissa aller à croire que la donzelle se repentait sincèrement et qu’elle ne luttait pour rien d’autre que sa survie.
Alors que leurs lèvres se mêlaient dans un baiser d’une tendresse rare, Mayan ressentit pour la première fois de sa vie la véritable ivresse de la victoire. Enfin, elle utilisait ses atouts à ses propres fins et cela fonctionnait mieux qu’elle n’aurait jamais pu l’espérer. Raito était doux et sensible, et il ne fut pas dur pour la jeune femme de s’attirer sa confiance, à présent qu’elle avait pénétré l’armure froide et effrayante. Mais ses plans ne se déroulèrent pas exactement de la façon dont elle l’avait prévu. A mesure qu’elle apprivoisait l’homme et qu’elle découvrait les milles et unes facettes qui le composaient, Raito faisait de même avec elle. Et bientôt, sans s’en apercevoir, la nécessité de l’avoir à ses côtés fit place à l’envie qu’il le soit. Avec lui, elle découvrait ce qu’était censé être une relation normale avec un homme. Jamais il ne la forçait à quoi que ce soit. Sans cesse prévenant, il s’assurait qu’elle soit à l’aise et de ne jamais l’effrayer ou la menacer. Ce n’était pas de l’amour que Mayan ressentait pour lui, mais une affection qui n’eut de cesse de croître depuis leur premier baiser, échangé au clair de lune dans la petite pièce désordonnée.
L’ennemi était tombé. Et le meilleur des alliés lui offrait son aide.
Ayliane Jensen
Re: Folie(s)
Serrant les rennes de sa monture entre ses mains, elle talonna la bête. Les ruelles de la Capitale n’étaient pas faites pour cela mais l’humeur de la jeune femme était au beau fixe. Raito l’avait assurée de son soutien et de sa protection, c’en avait presque été trop facile. Elle avait envie d’exulter, et de crier sa victoire au monde entier, mais elle se savait encore trop menacée pour prendre un tel risque. Elle décida donc de s’offrir une belle chevauchée à travers la ville, et, pourquoi pas, les campagnes environnantes. Alors qu’elle imposait une allure des plus cadencées à Cataclop, éclatant de rire au contact du vent sur sa peau, elle manqua d’être projetée par-dessus l’encolure de la bête. Cette dernière venait d’opérer une belle embardée, évitant de peu un jeune homme blond dégingandé qui tenait fermement la main d’une brune à l’air revêche. Surprise par la réaction de sa jument, Mayan retrouva difficilement son assise sur la selle avant de poser les yeux sur l’étrange couple. Le blond relâcha vivement la main de la brune en apercevant la cavalière. Troublée, la jeune femme le détailla un moment. Elle l’avait déjà croisé à plusieurs reprises, que ce fut sur la Place Faol où il se trouvait souvent en compagnie d’une bande de vagabonds loqueteux, ou bien dans les ruelles, au hasard de ses promenades ou de ses affaires. Chaque fois, leurs regards s’étaient accrochés, presque sans le vouloir, leurs joues prenant une légère teinte rosée. La jeune femme ne s’expliquait pas cette étrange réaction. Le garçon n’avait pourtant rien de remarquable, hormis ses yeux d’un vert identique aux siens. Ses joues étaient sales et ses cheveux ternis, d’un blond presque paille sous la poussière qui les recouvrait. Se raclant la gorge, Mayan reprit son assise sur sa jument. Le garçon bafouillait quelques excuses inaudibles, son regard plongé dans celui de la blonde. Amusée, elle inclina la tête en guise de salut, puis repris son chemin, à une allure plus prudente. Alors qu’elle cheminait en direction de la sortie de la Capitale, l’image du blond ne quitta pas ses pensées. Reprenant son galop effréné, elle disparut entre les arbres de la forêt d’Elwynn.
Ayliane Jensen
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