Un souffle de vie
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Un souffle de vie
La sentinelle Thenysil se ramassa tout à coup sur elle-même et nous fit signe de ralentir, sans un bruit. Je me tapis l’herbe, les sens en alerte, l’oreille dressée, savourant quelques goulées d’air frais après ces longues heures de traque. Au terme d'une nuit marquée d’une course effrénée, nous rattrapions enfin les braconniers. Mes guides connaissaient bien mieux Orneval que leurs ennemis, et les sinistres trophées que ces derniers refusaient de délaisser dans leur fuite avait fini par leur porter préjudice. Leurs voix étaient audibles à présent.
Thenysil se tourna vers nous et, sans un mot, donna des directives à ses congénères à grands renforts de gestes. Les elfes de la nuit qui m’accompagnaient se fondirent aussitôt dans la nature, si prestement que je les perdis moi-même de vue. Puis la sentinelle plongea son regard dans le mien, et m’invita à la suivre d’un signe de la tête. J’acquiesçai avant de lui emboîter le pas, et je me mis à suivre la silhouette tantôt rampante tantôt bondissante - mais toujours silencieuse - jusqu’aux fourrés qui couronnaient la butte. Le sang battait de plus en plus fort à mes tempes à mesure que nous progressions et que je renouais avec la fièvre de la chasse. Pour la première fois depuis des lunes, je laissais la Bête remonter librement à la surface et mon instinct guider mes pas. Crowley avait raison : les elfes étaient les seuls à même de nous montrer la voie. En eux, j’avais trouvé un écho à mes cris de détresse, un phare au cœur de la tempête qui me dévorait de l’intérieur. Et par-dessus tout, ces êtres faisaient preuve d’une sagesse et d’une compassion que je ne trouvais plus parmi les miens…
Mes réflexions furent brutalement dissipées tandis que je risquai un regard à travers le couvert du sous-bois. Ils étaient là, en contrebas. Trois hommes pointaient nerveusement leurs tromblons en direction des broussailles, exhortant un quatrième larron à se presser. Ce dernier tenait fermement empoigné les queues d’un couple de loups entravés qu’il traînait sans ménagement derrière lui, un sac auréolé de tâches de sang jeté sur son épaule vacante. Je ne pus m’empêcher de frémir à vue d’un tel spectacle, et ce fut le cœur douloureux que je vis le visage de Thenysil, habituellement si calme et si serein, se décomposer. Elle encocha froidement une flèche à la corde de son arc et prit en joue l’un des braconniers. Je l’imitai, l’esprit tout à coup obscurci par de sombres pensées. La sentinelle laissa échapper un long hululement, auquel répondirent sans tarder ses frères et sœurs postés de part et d’autre de leurs proies, et nos flèches partirent dans un sifflement.
La chasse se termina aussi brièvement qu’elle avait commencé. Les elfes de la lune s’extirpèrent les uns après les autres du couvert des arbres, leurs visages fermés. Une bien piètre victoire, au vu de ce qui avait été profané et détruit. Nombreuses avaient été les victimes de ces trappeurs, et nous étions arrivés trop tard pour sauver les loups. La femelle était déjà morte, et Thenysil n’eût d’autre choix que d’écourter l’agonie du mâle. Tandis que je détournai le regard, mes yeux se posèrent sur le sac poisseux qui reposait encore près du corps inerte du braconnier. Il remuait faiblement. M’agenouillant auprès de lui, je le tirai à moi avec précaution, coupai la cordelette qui en fermait l’extrémité et regardai à l’intérieur.
Mon cœur se serra une nouvelle fois en y découvrant la dépouille d’une renarde. Il était difficile de distinguer les renardeaux des restes sanglants de leur mère, mais lorsque je me forçai à introduire la main dans le fouillis sanguinolent, mes doigts rencontrèrent immédiatement deux petites bêtes tremblantes. Je les sortis du sac et les serrai contre ma poitrine, essayant de leur donner un peu de chaleur et de réconfort. Je sentais à travers mon pourpoint le tremblement convulsif qui les secouait, dû manifestement à la peur, au traumatisme subi et au froid. Les deux petites créatures, trempées jusqu’aux os, faisaient peine à voir avec leur fourrure souillée du sang de leur mère. De couleur gris enfumé, elles mesuraient chacune une vingtaine de centimètres et étaient encore complètement aveugles.
Je sentis alors une main se poser sur mon épaule et, levant les yeux, je vis Thenysil m’adresser un sourire.
- Vous ne vous en êtes pas trop mal tiré pour une première chasse, Vengaul. Et on dirait bien que nous avons deux petits rescapés sur les bras, finalement.
Thenysil se tourna vers nous et, sans un mot, donna des directives à ses congénères à grands renforts de gestes. Les elfes de la nuit qui m’accompagnaient se fondirent aussitôt dans la nature, si prestement que je les perdis moi-même de vue. Puis la sentinelle plongea son regard dans le mien, et m’invita à la suivre d’un signe de la tête. J’acquiesçai avant de lui emboîter le pas, et je me mis à suivre la silhouette tantôt rampante tantôt bondissante - mais toujours silencieuse - jusqu’aux fourrés qui couronnaient la butte. Le sang battait de plus en plus fort à mes tempes à mesure que nous progressions et que je renouais avec la fièvre de la chasse. Pour la première fois depuis des lunes, je laissais la Bête remonter librement à la surface et mon instinct guider mes pas. Crowley avait raison : les elfes étaient les seuls à même de nous montrer la voie. En eux, j’avais trouvé un écho à mes cris de détresse, un phare au cœur de la tempête qui me dévorait de l’intérieur. Et par-dessus tout, ces êtres faisaient preuve d’une sagesse et d’une compassion que je ne trouvais plus parmi les miens…
Mes réflexions furent brutalement dissipées tandis que je risquai un regard à travers le couvert du sous-bois. Ils étaient là, en contrebas. Trois hommes pointaient nerveusement leurs tromblons en direction des broussailles, exhortant un quatrième larron à se presser. Ce dernier tenait fermement empoigné les queues d’un couple de loups entravés qu’il traînait sans ménagement derrière lui, un sac auréolé de tâches de sang jeté sur son épaule vacante. Je ne pus m’empêcher de frémir à vue d’un tel spectacle, et ce fut le cœur douloureux que je vis le visage de Thenysil, habituellement si calme et si serein, se décomposer. Elle encocha froidement une flèche à la corde de son arc et prit en joue l’un des braconniers. Je l’imitai, l’esprit tout à coup obscurci par de sombres pensées. La sentinelle laissa échapper un long hululement, auquel répondirent sans tarder ses frères et sœurs postés de part et d’autre de leurs proies, et nos flèches partirent dans un sifflement.
La chasse se termina aussi brièvement qu’elle avait commencé. Les elfes de la lune s’extirpèrent les uns après les autres du couvert des arbres, leurs visages fermés. Une bien piètre victoire, au vu de ce qui avait été profané et détruit. Nombreuses avaient été les victimes de ces trappeurs, et nous étions arrivés trop tard pour sauver les loups. La femelle était déjà morte, et Thenysil n’eût d’autre choix que d’écourter l’agonie du mâle. Tandis que je détournai le regard, mes yeux se posèrent sur le sac poisseux qui reposait encore près du corps inerte du braconnier. Il remuait faiblement. M’agenouillant auprès de lui, je le tirai à moi avec précaution, coupai la cordelette qui en fermait l’extrémité et regardai à l’intérieur.
Mon cœur se serra une nouvelle fois en y découvrant la dépouille d’une renarde. Il était difficile de distinguer les renardeaux des restes sanglants de leur mère, mais lorsque je me forçai à introduire la main dans le fouillis sanguinolent, mes doigts rencontrèrent immédiatement deux petites bêtes tremblantes. Je les sortis du sac et les serrai contre ma poitrine, essayant de leur donner un peu de chaleur et de réconfort. Je sentais à travers mon pourpoint le tremblement convulsif qui les secouait, dû manifestement à la peur, au traumatisme subi et au froid. Les deux petites créatures, trempées jusqu’aux os, faisaient peine à voir avec leur fourrure souillée du sang de leur mère. De couleur gris enfumé, elles mesuraient chacune une vingtaine de centimètres et étaient encore complètement aveugles.
Je sentis alors une main se poser sur mon épaule et, levant les yeux, je vis Thenysil m’adresser un sourire.
- Vous ne vous en êtes pas trop mal tiré pour une première chasse, Vengaul. Et on dirait bien que nous avons deux petits rescapés sur les bras, finalement.
Vengaul
Re: Un souffle de vie
La matinée était bien entamée, et les rayons du soleil se glissaient timidement à travers la frondaison des arbres. Ils faisaient danser des rais de lumière sur le tapis frémissant de feuilles et de mousse, caressant au passage mon visage de leurs doigts tièdes. Retrouver un environnement si calme et si serein revigorait mes sens. J’inspirai profondément, me délectant des senteurs odorantes du sous-bois, attentif aux chants des oiseaux dont les accords guillerets semblaient virevolter joyeusement entre les branches. Mon regard croisa celui d’une biche aux aguets, de l’autre côté du lac qui ceinturait le hameau. Elle demeura là un instant, puis tourna lentement les talons, un faon au pas peu assuré claudiquant dans les pattes de son aînée.
Astranaar était devenu mon nouveau foyer après ces longs mois d’exode puis d’errance, un havre de paix blotti au creux de la végétation luxuriante d’Orneval. Peu après mon arrivée sur les terres du peuple kaldorei, une rencontre inopportune avec Raene Mène-Loup me poussa à suivre les elfes vers le sud tandis qu’ils se portaient au-devant de la Horde. Ce n’était pas le désir de combattre qui me motivait, mais la promesse d’un enseignement, et la découverte d’un nouveau mode de vie. Un retour à la Nature, à l’essentiel, à un monde fait d’odeurs et de sensations. A Astranaar, la sentinelle Thenysil ne tarda pas à me prendre sous son aile. J’éprouvais de l’admiration ainsi qu’un profond respect à son égard. J’ignorais si c’était le remord ou la compassion qui les animaient, mais mes hôtes semblaient prendre mon parcours très à cœur.
Installé sur le balcon qui surplombait le lac, je finissais d’étendre quelques peaux en vue de leur assouplissement lorsque les renardeaux s’éveillèrent. Blottis dans un vêtement, ils se mirent à miauler doucement, un peu comme des petits chats. Umbra, qui était jusqu’alors étendue à mes pieds, se leva en s’étirant oisivement puis se mit à trottiner dans leur direction. Le félin baissa la tête, flaira doucement chacun des petits renards et commença à les lécher méthodiquement l’un après l’autre, encore et encore, les retournant avec son museau lorsqu’elle estimait en avoir terminé avec un côté, et attaquant ensuite l’autre côté avec la même application. Et les renardeaux de se laisser faire avec un plaisir manifeste ! Je ne pus m’empêcher de sourire, et m’assis pour observer le trio.
Umbra finit par s’étendre auprès des petits, les encadrant de ses pattes, et les contempla fixement. Dès que l’un d’eux remuait un tant soit peu, elle le léchait immédiatement. L’un des renardeaux était à présent couché sur le dos, ventre en l’air, sa petite gueule grande ouverte, et il ronflait doucement. L’autre rampait paresseusement vers Umbra lovée sur elle-même, la tête dressée, les oreilles pointées en avant. Lorsqu’il atteignit la patte gauche du traquelune, il lui fallut déployer des efforts considérables pour enfin escalader l’obstacle. Il dégringola ensuite de l’autre côté sur la couverture que j’avais jetée sur le sol et il resta couché sur le ventre pendant une bonne minute, les pattes postérieures écartées et étirées en arrière, les pattes antérieures croisées l’une sur l’autre, sa petite tête aplatie dodelinant de-ci de-là après ce petit exploit. Umbra penchant la tête lui donna un petit coup de langue rapide, puis se tournant vers le renardeau endormi fit de même avec lui comme si elle était désireuse de distribuer ses faveurs équitablement entre les deux. Contre toute attente, l’implacable prédatrice s’était promue elle-même mère de substitution, obéissant certainement à quelque instinct maternel jusque là refoulé. J’en éprouvais un vif soulagement et demeurais émerveillé devant ce spectacle incongru mais tellement attachant.
Mes pensées suivant leur cours, je finis par m’assoupir auprès d’eux, réchauffé par le soleil qui continuait son ascension, imperturbable.
Astranaar était devenu mon nouveau foyer après ces longs mois d’exode puis d’errance, un havre de paix blotti au creux de la végétation luxuriante d’Orneval. Peu après mon arrivée sur les terres du peuple kaldorei, une rencontre inopportune avec Raene Mène-Loup me poussa à suivre les elfes vers le sud tandis qu’ils se portaient au-devant de la Horde. Ce n’était pas le désir de combattre qui me motivait, mais la promesse d’un enseignement, et la découverte d’un nouveau mode de vie. Un retour à la Nature, à l’essentiel, à un monde fait d’odeurs et de sensations. A Astranaar, la sentinelle Thenysil ne tarda pas à me prendre sous son aile. J’éprouvais de l’admiration ainsi qu’un profond respect à son égard. J’ignorais si c’était le remord ou la compassion qui les animaient, mais mes hôtes semblaient prendre mon parcours très à cœur.
Installé sur le balcon qui surplombait le lac, je finissais d’étendre quelques peaux en vue de leur assouplissement lorsque les renardeaux s’éveillèrent. Blottis dans un vêtement, ils se mirent à miauler doucement, un peu comme des petits chats. Umbra, qui était jusqu’alors étendue à mes pieds, se leva en s’étirant oisivement puis se mit à trottiner dans leur direction. Le félin baissa la tête, flaira doucement chacun des petits renards et commença à les lécher méthodiquement l’un après l’autre, encore et encore, les retournant avec son museau lorsqu’elle estimait en avoir terminé avec un côté, et attaquant ensuite l’autre côté avec la même application. Et les renardeaux de se laisser faire avec un plaisir manifeste ! Je ne pus m’empêcher de sourire, et m’assis pour observer le trio.
Umbra finit par s’étendre auprès des petits, les encadrant de ses pattes, et les contempla fixement. Dès que l’un d’eux remuait un tant soit peu, elle le léchait immédiatement. L’un des renardeaux était à présent couché sur le dos, ventre en l’air, sa petite gueule grande ouverte, et il ronflait doucement. L’autre rampait paresseusement vers Umbra lovée sur elle-même, la tête dressée, les oreilles pointées en avant. Lorsqu’il atteignit la patte gauche du traquelune, il lui fallut déployer des efforts considérables pour enfin escalader l’obstacle. Il dégringola ensuite de l’autre côté sur la couverture que j’avais jetée sur le sol et il resta couché sur le ventre pendant une bonne minute, les pattes postérieures écartées et étirées en arrière, les pattes antérieures croisées l’une sur l’autre, sa petite tête aplatie dodelinant de-ci de-là après ce petit exploit. Umbra penchant la tête lui donna un petit coup de langue rapide, puis se tournant vers le renardeau endormi fit de même avec lui comme si elle était désireuse de distribuer ses faveurs équitablement entre les deux. Contre toute attente, l’implacable prédatrice s’était promue elle-même mère de substitution, obéissant certainement à quelque instinct maternel jusque là refoulé. J’en éprouvais un vif soulagement et demeurais émerveillé devant ce spectacle incongru mais tellement attachant.
Mes pensées suivant leur cours, je finis par m’assoupir auprès d’eux, réchauffé par le soleil qui continuait son ascension, imperturbable.
Vengaul
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