Mésaventures d'un soldat disparu [Towann]

Towann ouvrit lentement les yeux et sa première pensée fut claire.

Je dois sortir d’ici.


Il ne savait depuis combien de jours il se trouvait dans cette cellule et les chaînes rouillées étaient toujours aussi douloureusement enfoncées dans la chair de ses poignets et chevilles. Sans compter les blessures légères mais nombreuses qui lui avaient été infligées depuis le début de son séjour dans les ruines de ce temple bien-né. Ses geôliers prenaient un malin plaisir à le torturer pour des raisons qui le dépassaient totalement.

Il se souvenait d’avoir emprunté le portail de Hauterive pour Hurlevent dans l’espoir de voir Céralynde. Mais ces escapades nocturnes avaient fini par lui coûter cher.
En traversant une ruelle, il s’était soudain retrouvé encerclé par plusieurs elfes qu’il ne connaissait pas le moins du monde. Il avait vite compris que leurs intentions n’étaient pas bonnes mais avant de pouvoir saisir son arme, un colosse l’avait passé à tabac jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il s’était alors réveillé dans cette geôle de fortune sans comprendre quoi que ce soit.
Ce ne fut qu’après quelques séances de torture qu’une kaldoreï frêle au regard glacial avait daigné lui expliquer ce qu’il faisait ici. Ses geôliers étaient tous membres d’une famille jadis aussi grande que glorieuse, les Frostblade.

D’après ses dires, les Frostblade et les Stormrunner avaient été ennemis jurés depuis la nuit des temps, bien avant la guerre des Anciens. Un conflit qui lui avait été inconnu jusqu’à aujourd’hui. Les Frostblade disaient souhaiter se venger avant tout de celui qui les avait maudits et enfermés dans une parcelle du Cauchemar d’Emeraude pendant des siècles pour se débarrasser d’eux.
Cet homme n’était autre qu’Estornel Stormrunner.

Towann se dit à cet instant avec amertume que même mort, son père n’avait pas fini de lui rendre la vie impossible. Il informa les Frostblade qu’Estornel était mort et enterré – et qu’il le méritait qui plus est – mais regretta très vite ses paroles.

« - Si nous ne pouvons nous venger d’Estornel, il me paraît plus que naturel que son fils paie pour lui. Je te promets de longues heures de souffrance, Towann Stormrunner. »


Ainsi, il avait vu plusieurs Frostblade défiler pour le torturer, tous animés par un même désir de vengeance et investis du même sadisme. Towann avait beau avoir acquis une grande tolérance à la douleur, ce mois fut un véritable cauchemar. A peine nourri, il survivait dans l’attente de son exécution.

Une fois qu’ils en auront eu assez…


Mais alors que les lames incisaient sa chair, que les pointes meurtrissaient ses muscles, jamais il ne cessa de les défier du regard. Cependant, aujourd’hui Towann sentait qu’il atteindrait bientôt sa limite. Mais il ne pouvait se résoudre à mourir ainsi, encore moins avec la promesse de rester en vie toujours sur les épaules. Le souvenir de son fils lui redonnait de la vigueur alors qu’il en était à vouloir se laisser mourir pour échapper au supplice.
Il devait s’évader.


Lorsque la porte s’ouvrit, Towann vit arriver un véritable géant. Celui qui l’avait assommé avant de l’emmener ici. Il portait un lourd ensemble de plate ainsi qu’une épée immense dans le dos. Outre que ce poids ne semblait pas le gêner, il portait également un lourd sac sur l’épaule qu’il posa devant le prisonnier. Ce dernier s’employa comme toujours à le dévisager.


« - Tenace hein ? Justement, je venais t’annoncer que tu ne nous amusais plus. Ça doit être soulageant de savoir que tu vas enfin rendre l’âme après tout ça. »


Towann serra les poings tandis qu’une colère nouvelle montait le long de ses muscles.


« - Mais tu vas pouvoir nous distraire une dernière fois avant de mourir. Et surtout, tu vas avoir droit à une mort de guerrier. C’est bien plus que tu ne mérites, ordure de Stormrunner. »


Le colosse vida le sac qu’il venait d’amener et Towann découvrit avec stupeur les pièces de son armure, son épée, son couteau et même ce qui lui restait de fumigènes et d’explosifs. Une onde d’espoir le parcourut dans l’idée qu’il puisse récupérer son matériel.
L’elfe le détacha avant de s’éloigner en lui lâchant quelques mots de plus.

« - Equipe-toi et sois prêt à te battre une dernière fois. »


Towann ne se fit pas prier, cependant il notait le soulagement de ne plus avoir ces chaînes enfoncées dans la chair mais aussi et surtout l’état de faiblesse dans lequel il se trouvait. Il ne savait pas que cela faisait déjà un mois qu’il subissait des tortures régulières avec tout juste assez de nourriture pour survivre. Serait-il capable de se battre ?
La question fut chassée par une pensée pour Céralynde et Elrundil. Elle fut alors remplacée par une certitude.

Je ne vais pas mourir.

Le colosse revint le chercher et le guida à travers un dédale de couloirs éclairés par des torches magiques. Vu l’absence de fenêtres, ils se trouvaient sans doute en sous-sol. Mais ça ne lui apprenait pas où dans Azeroth il pouvait bien se trouver.
Ils parvinrent finalement à une immense salle circulaire dominée par des terrasses au niveau supérieur.

Plus ou moins le même genre que le temple d’Elune à Darnassus. Donc la sortie…


Towann la trouva à l’autre bout de la pièce, bloquée par de lourdes portes de pierre. En supposant qu’il s’agissait bien de la sortie.
L’obscurité régnait sur l’étage en-dessus mais le pisteur percevait plusieurs odeurs différentes. Ils étaient là pour qu’il les divertisse avec un combat. Mais contre qui ? Le géant ? S’il avait son armure et ses armes, il avait peut-être une chance vu qu’il avait été vaincu une première fois à cause de l’effet de surprise.

Mais alors qu’il réfléchissait, le colosse avait disparu. Son odeur moins présente l’informa qu’il devait avoir rejoint les autres Frostblade un peu plus haut. Il n’était donc pas son adversaire. La voix glaciale de l’elfe qui lui avait appris quel conflit régnait entre leurs familles s’éleva et résonna dans le temple.


« - Ton existence arrive à son terme Stormrunner.
- J’ai abandonné le nom de Stormrunner depuis longtemps ! Alors trêve de discours et finissons-en ! »


Towann empoigna son épée et leva les yeux vers les terrasses, aussi défiant qu’il avait coutume de se montrer face aux Frostblade. Il ne les voyait pas mais une voix masculine venue d’en haut lui apprit qu’il faisait encore mouche.


« - Ce déchet mérite un mort plus lente encore !
- Il en sera fait ainsi que nous l’avons décidé. »


La voix de l’elfe glaciale ramena le calme. Puis la voix d’une autre kaldoreï se fit entendre, une voix que Towann entendait pour la première fois.


« - La bête retrouvera la liberté si elle le tue et elle en est parfaitement consciente. Il va périr, Darne. »


A cet instant, le lent frottement de la pierre contre une autre se fit entendre. Towann comprit qu’une porte s’ouvrait mais dans l’obscurité ambiante, impossible de dire dans quelle direction. Il fit appel à son odorat pour le guider mais fut frappé par une odeur forte et bestiale. La seconde suivante, un grondement confirma son pressentiment, la suivante ce fut sa vue qui lui ôta le bénéfice du doute.
Lentement, un ours comptant parmi les plus gros que Towann ait jamais vu s’avançait dans sa direction en le fixant d’un regard qu’il ne connaissait que trop bien. Le regard que porte le prédateur sur son futur repas.
En temps normal, un ours sauvage ne posait aucun problème pour le belluaire chevronné qu’il était, mais en temps normal il ne sortait pas d’un mois de tortures et l’ours n’approchait pas les huit-cents kilos.

La dernière voix entendue reprit la parole. Un ordre sec, adressé à la bête.


« - Tue-le ! »


L’ours bondit subitement en avant et chargea Towann de tout son poids. Celui-ci attendit le bon moment pour se décaler sur le coté et abattre sa lame sur le dos de la créature… mais ne perça pas le cuir épais qu’il rencontra.
Le seul revers d’un coup de patte l’envoya alors lourdement à terre. Towann sentit plus qu’il ne vit la masse de muscles et de fourrure se ruer vers lui et roula de coté pour se redresser en évitant un coup fatal.

Il était indubitable qu’il avait affaire à un mâle dominant, mais cela ne changeait rien au pouvoir que Towann pouvait avoir sur l’esprit des animaux. La voie de la Bête lui offrait encore et toujours des possibilités étonnantes, comme instiller la terreur dans un esprit sauvage ou même le dompter avec suffisamment de temps.
Alors que l’ours chargeait de nouveau en ouvrant ses mâchoires acérées, l’elfe parvint à bloquer son épée entre celles-ci. Du même coup, il gagnait une seconde de répit qu’il employa à poser sa main libre sur le crâne de la bête. Il lui transmit immédiatement la sensation voulue, celle de se trouver face à un alpha, un chef de meute, dans le but de provoquer sa soumission.
Mais à sa grande surprise, l’ours ne renonça pas, le gratifiant d’un brutal coup de patte qui lui fit lâcher son arme et le projeta à terre. Les griffes avaient presque réduit son épaulette droite en miettes mais il s’en était donc sorti sans blessure sérieuse.

Towann se releva en vitesse et évalua la situation rapidement.
Jamais il n’avait eu affaire à une bête sauvage qui soit totalement insensible à son influence mentale. C’était juste impossible qu’un ours, aussi gros fut-il, ne bronche même pas à sa tentative. Une hypothèse plus que plausible lui vint alors à l’esprit.
Cet ours n’était pas venu ici seul et qui plus est, il savait que l’elfe qu’il voyait était le seul obstacle à sa liberté. Un autre dompteur se cachait là-dessous, parmi les Frostblade, et avait déjà imposé sa volonté à la bête.
Towann eut soudain l’impression de voir ses chances de survie s’amenuiser considérablement. Il pouvait peut-être essayer de chasser l’influence du dompteur Frostblade de l’esprit de l’ours en y plaçant la sienne à la place, mais il n’avait jamais tenté une chose pareille et ça lui demanderait sans doute du temps. Mais l’animal enragé ne semblait pas disposé à lui en offrir.

L’ours reprit la charge et Towann put sortir son couteau juste à temps pour bloquer le coup de griffe destiné à son visage mais le poids le força à reculer. Cherchant fébrilement à sa ceinture, il parvint à saisir une petite grenade de sa confection. Il n’avait pas encore eu l’occasion de tester ce prototype mais dans un tel cas, il n’y avait rien à perdre. Il la dégoupilla, la jeta à ses pieds et ferma les yeux.
Il ne les rouvrit qu’après la détonation pour retrouver l’ours grogner en frappant à l’aveuglette. L’explosion lumineuse avait donc eu lieu comme prévu et lui offrait un peu plus de temps. Immédiatement, il se plaça contre le dos de l’ours et agrippa sa gorge avant d’entamer le délogement de la conscience étrangère et l’imposition de sa propre volonté dans l’esprit de la bête.
Il se heurta à une résistance étonnante. Le dresseur en question devait être très doué.

Towann perdit les quelques secondes gagnées et l’ours roula sur le dos pour se débarrasser de lui. Il sentit plusieurs côtes se briser pendant le bref instant qu’il passa sous les quelques centaines de kilos de l’animal et lâcha prise.
Luttant contre la douleur, il se redressa immédiatement et se rua vers l’épée qu’il avait laissée tomber. Elle allait lui être utile maintenant.
A peine l’eut-il empoignée que déjà, l’ours arrivait sur lui. Towann laissa alors la Bête l’investir.

Il répugnait à devoir y faire appel pour un tel combat mais son état l’y forçait, ainsi que le plan qu’il avait en tête. En un instant, ses dents devinrent crocs, ses ongles devinrent griffes et dans son regard, l’instinct animal le plus vif se lisait.
Il usa des réflexes amplifiés qui lui étaient maintenant accordés pour faire violemment remonter le plat de sa lame sous la gueule de l’ours à l’instant où il arrivait à portée. Le choc résonna dans toute la salle.
Towann répéta alors son mouvement, sur le crâne cette fois. S’il ne pouvait affaiblir l’influence exercée sur l’esprit de l’ours, il n’avait qu’à affaiblir l’esprit lui-même. En l’occurrence, il parviendrait peut-être à quelque chose une fois l’animal sonné.

Replaçant alors son épée dans son dos, il agrippa la nuque de l’ours et tenta à nouveau de lui imposer sa domination. Les résultats semblaient bien plus satisfaisants.


Maintenant, tu vas m’obéir !!


Un grondement monta dans la gorge de l’ours et avant que Towann n’aie pu s’écarter, la patte griffue vint lui lacérer le flanc gauche en lui arrachant une grimace douloureuse. La bête ouvrit alors les mâchoires mais ne put les refermer que sur la main gantée de l’elfe, qui reprit son assaut mental.


TU VAS M’OBEIR !!!

A l’étage supérieur, les Frostblade assistaient au combat avec intérêt. Le Stormrunner se montrait tenace mais il fatiguait vite et n’avait pas encore infligé la moindre blessure à l’ours. Le combat était scellé.
Towann se trouvait en-dessous de la bête, en proie à ses crocs et ses griffes, et se servait de son gantelet d’acier pour se protéger mais la parade ne le sauva pas bien longtemps. Un coup de griffe balaya la main avant que les crocs ne se referment sur la gorge de l’elfe, qui s’immobilisa pour de bon.

Un frisson de satisfaction parcourut l’assemblée face à la mort d’un Stormrunner.

L’ours leva le museau vers les terrasses et poussa un rugissement féroce avant de renifler et tourner la tête en direction des portes de pierre bloquant la sortie.

Raëlle Frostblade, la dresseuse qui avait imposé sa volonté à la bête fut la première à prendre la parole.


« - Ouvrez les portes. La vermine est morte, l’ours a gagné sa liberté. »


Thanerron, l’arcaniste, fit s’ouvrir les lourds battants de pierre d’un geste négligent de la main. L’ours referma à nouveau ses mâchoires sur le cou du Stormrunner et commença à traîner sa carcasse vers la sortie.
Rydiel, le maître des Ombres, ne partagea pas le sourire de certains à la vue de cette scène.


« - Personne ne s’assure qu’il soit bien mort ? »


Raëlle le foudroya du regard.


« - Ne m’insulte pas Rydiel ! Cet ours m’obéit au doigt et à l’œil et tu m’as bien entendue. Je lui ai donné l’ordre de le tuer. Et puis même s’il était encore en vie, ça ne durera pas vu qu’il va lui servir de repas. »


Le roublard se contenta de hocher la tête, sceptique, tandis que la bête traînait son butin à l’extérieur.


« - Un Stormrunner de moins. Qui est le suivant ? »


Jaynell, toujours aussi glaciale, dévisagea ses frères et sœurs tour à tour. Ce fut Ethiel qui lui répondit.


« - Il y a cette gamine. Cette druidesse qui m’a échappé. Laisse-moi le temps de la retrouver et ça fera deux de moins.
- Si elle t’a échappé une fois, pourquoi ne recommencerait-elle pas ?
- Je ne lui laisserai pas le temps de réagir. Laisse-moi lui briser le cou… »


Jaynell laissa échapper un long soupir.


« - Alors vas, mais bien parce que tu nous as ramené celui-là vivant. »


Ethiel sourit de toutes ses dents. L’ours avait déjà disparu avec sa victime.

Avec un grognement de douleur, Towann se massa la gorge. L’ours le fixait tranquillement et attendait ses ordres. Ç’avait été moins une pour qu’il lui impose sa volonté avant de se faire tuer. Si les Frostblade savaient son nom et de qui il était le fils, ils n’avaient heureusement pas idée qu’il arpentait la voie de la Bête.
Dès qu’il eut changé de maître, l’ours avait juste refermé ses mâchoires sur son cou sans le lui briser, conformément à l’ordre donné immédiatement par l’elfe. Ce dernier n’avait eu qu’à jouer les cadavres pour que la bête le fasse sortir d’ici en faisant mine d’aller le dévorer ailleurs.
Il avait joué un pari risqué mais il était en vie et dehors.

Il se redressa et vérifia son équipement.


Epée, couteau, fumigènes, grenades incendiaires… je devrais réussir à rentrer sans problème.


Il s’approcha alors de l’ours et posa une main sur sa tête.


« - Tu es libre, pars loin d’ici… et merci mon gros. »


La bête attendit quelques secondes avant de s’exécuter, désormais libre de toute influence. Towann, lui, n’attendit pas pour se mettre en route.
Au fil de ses pas, il reconnut cette forêt qu’il avait tant arpenté autrefois, ces odeurs fraiches et cette ambiance apaisante. Il se trouvait en Féralas.

Il parvint plus ou moins à s’orienter à l’aide des ruines qu’il croisa et entama son chemin vers les Mille Pointes, où il trouverait sans doute des visages amicaux et un griffon pour partir le plus vite possible. Sa route le mena aux abords d’une cascade.
Le cours d’eau s’écoulait avec force avant d’aboutir à une autre chute d’eau. Le seul moyen de traversée était un tronc tombé sur toute la largeur de la rivière. S’assurant que le bois tenait, il s’y avança en chassant un des nombreux moustiques qui infestaient la région.

Puis une silhouette le survola, une masse qui vint se poser au bout du tronc, en travers de son chemin. Descendant de son griffon d’os, elle le dévisagea en penchant légèrement la tête.

« - Pas toi… Pas maintenant…
- J’en ai bien peur. »


Towann se retrouva à maudire le hasard. Kiera était bien la dernière personne sur laquelle il voulait tomber à cet instant. Il n’était pas en état de se battre et la non-morte ne manqua pas de le remarquer.


« - Même pour un vivant, tu es dans un état lamentable.
- Venant d’une carcasse en décomposition, je suis touché. »


Les images se firent alors plus floues, peu restèrent dans les souvenirs de Towann. Il lutta, encore et toujours alors que la mort le tiraillait. Il sentit la lance de Kiera s’enfoncer dans sa jambe, le chancre se ruer sur la plaie, la plaie élargie encore et encore par le fer impie. Il sentit l’odeur ignoble de putréfaction tandis que sa propre lame laissait une entaille dans le flanc de la draeneï. Il sentit ses griffures alors qu’il l’emportait dans sa charge dans les flots, gâchant le peu de grenades qu’il lui restait. Il sentit son autre jambe meurtrie alors qu’il utilisait ses fumigènes en dernier recours avant de se laisser tomber dans le courant.

Une chute d’eau… une seconde… un dernier effort pour remonter, prendre une bouffée d’air… puis l’abandon de ses dernières forces. Un voile sombre finit par recouvrir ses yeux.

Alors ça y est ? La mort a fini par me rattraper ?

Une douleur lancinante traversait chacun de ses membres et l’empêchait d’ouvrir l’œil. Il était allongé sur le dos et s’enfonçait légèrement dans le sol. Alors qu’il rassemblait lentement ses forces, il effleura du doigt ce sur quoi il se trouvait et qui semblait bien être un tapis de mousse.


Je commence à croire qu’elle ne veut vraiment pas de moi en fait…


N’ayant pas la moindre idée de la manière dont il avait bien pu s’en tirer cette fois, il se força à entrouvrir les paupières. Un toit de branchages le surplombait et il avait été délesté de son armure. Ses nombreuses – trop nombreuses… - blessures étaient bien visibles et enduites d’un onguent qui lui avait sans doute sauvé la vie en stoppant les hémorragies. Le bol contenant ce baume était posé à coté de lui, dans ce qui semblait être une cabane ayant pour entrée un simple rideau de feuilles.
Il frissonna en songeant à la possibilité d’avoir été sauvé par un druide. Il tenta de bouger mais la douleur encore vive l’en dissuada. Il se laissa retomber avec un long soupir et attendit quelques minutes avant qu’un elfe n’entre, grand, robuste et le visage – chose rare chez les kaldoreï – marqué par l’âge. Un sourire étira ses lèvres en apercevant Towann.


« - Mon étrange invité est réveillé.
- Etrange… ?
- Je ne rencontre pas beaucoup de monde flottant dans le lac en contrebas du camp tauren. Pas vivant en tout cas. »


Le souvenir du combat avec Kiera et du séjour chez les Frostblade fit son chemin dans son esprit. Il s’était finalement sorti d’une situation désastreuse.


« - Mais le plus étrange… »


L’elfe vint saisir la main de Towann, qui remarqua soudain qu’à la place d’ongles, des griffes s’y trouvaient encore. Pourtant il ne sentait plus la présence de la Bête et les modifications physiques qu’elle apportait avaient toujours disparu lorsqu’il le désirait. Un horrible pressentiment le saisit tandis que son hôte continuait.


« - …c’est que ce genre de chose puisse encore arriver.
- Comment ça… ? Vous… »


Il relâcha sa main et lui adressa un sourire poli.


« - Mes excuses, j’oubliais la base. Je suis Altanil Cimegriffe, simple ermite, et je dois pouvoir expliquer ce qui semble vous échapper.
- Je ne suis pas un druide qui a raté sa transformation… »


Le vieil homme éclata de rire.


« - Certainement pas, ce que je vois là n’est que l’œuvre de Sin’kala.
- Sin’kala ?
- La grande Bête. »


Towann fronça les sourcils. Sa vie dans la nature l’avait mené par hasard à découvrir la voie de la Bête et jamais il n’avait vu qui que ce soit d’autre l’arpenter. Il pensait que cet art de belluaire était éteint à vrai dire.


« - Mais ce que je ne comprends pas, c’est que je ne t’ai jamais compté parmi mes élèves. Ils ont été peu nombreux et je me souviens en détail de chacun d’entre eux. Qui t’a enseigné ce que tu sais ?
- Personne.
- Personne ? Tu n’as tout de même pas appris seul.
- Si. Avant que vous ne me le disiez, je n’avais encore jamais entendu le nom de Sin’kala.
- Comment est-ce possible… ?
- Sans doute à force de vivre dans la nature pendant plusieurs siècles. On m’avait aussi dit que j’avais des prédispositions avec les esprits sauvages…
- Et tu n’es pas devenu druide ? »


Le regard que Towann lui décocha convainquit le vieil elfe que ce n’était pas le cas et qu’il valait mieux éviter le sujet.


« - Je vois… C’est bien pour cela que les suivants de Sin’kala sont si peu nombreux. Il faut être familier à ces esprits et c’est malheureusement le critère principal à remplir pour devenir changeforme. Il y a beaucoup d’hypothèses sur la nature réelle de la grande Bête. Certains pensent qu’elle guide les druides en leur offrant l’instinct qui leur fait défaut, d’autres qu’il s’agit d’un enfant de Goldrinn mais pour être franc, je pense qu’aucune de ces spéculations ne tient debout. Je me contente de suivre sa voie sans chercher à comprendre d’où elle vient. Peut-être que Sin’kala elle-même ne veut pas qu’on le sache.
- Merci de m’avoir éclairé un peu plus sur la Bête, mais je dois partir.
- Pas dans ton état… »


Towann grogna alors que ses blessures le lancèrent violemment tandis qu’il essayait de se lever. Avec un soupir, il se résolut à écouter Altanil jusqu’au bout.


« - Je ne parle pas de tes blessures, mais de ton apparence. Tu as abusé des pouvoirs de Sin’kala alors que ta formation est incomplète. Il se pourrait bien que ces modifications soient irréversibles. »


Il regarda les griffes qui ornaient ses doigts, devinant qu’il devait encore porter des crocs acérés.


« - Il se pourrait bien… ça veut dire qu’on peut y faire quelque chose.
- Non, que l’on doit y faire quelque chose. A moins que tu n’aies envie de perdre le contrôle de toi-même pour de bon. »


Il frissonna au souvenir de la perte de contrôle totale qui l’avait menée dans une cage, encerclé par des Sentinelles hargneuses. S’il devenait fou, c’était Céralynde et Elrundil qu’il mettrait en danger.
Il lâcha un interminable soupir.


« - Qu’est-ce que j’ai fait de travers ?
- Tu as manifestement oublié une composante essentielle de la voie de Sin’kala pour te retrouver dans un tel état.
- Qui est… ?
- La méditation. »


Une grimace tordit le visage de Towann.

« - Bien, tu vas maintenant me montrer ce que tu vaux au combat avec Sin’kala à tes cotés.
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée… »


Towann mit ses griffes en évidence. En quelques jours, le baume d’Altanil avait refermé ses blessures à une vitesse étonnante et il pouvait alors envisager de suivre son enseignement pour parfaire ses compétences et éviter de perdre la tête. Mais pour l’heure, il portait encore et toujours ces griffes et ces crocs, et appeler la Bête pour combattre n’était peut-être pas la meilleure chose à faire pour espérer un retour à la normale.


« - J’ai dit que ces modifications étaient peut-être irréversibles. Si tu attends simplement qu’elles partent sans plus jamais appeler Sin’kala à ton aide, retire le « peut-être » de ma phrase. Seule la grande Bête peut choisir ou non de te faire redevenir comme avant, car c’est elle qui a choisi de te punir pour avoir usé indignement de son don.
- Indignement ?
- La méditation est une part bien plus importante de cette voie. Si tu ne sais pas faire abstraction d’émotions telles que la haine et la colère, Sin’kala finira par te rendre fou. Ces griffes sont un avertissement de sa part, un signe qu’il te reste une chance. Alors maintenant que tu as rattrapé de nombreuses heures de méditation, montre-moi ce que tu vaux. »


Altanil durcit son regard en achevant sa phrase. Poussant alors un grondement caverneux, Towann put le voir subir des transformations semblables aux siennes. Griffes, crocs et regard de fauve, le vieil elfe semblait avoir laissé place à un animal sauvage redoutable. Il paraissait étrangement moins vieux ainsi.
De son coté, Towann appela la Bête comme il avait pris l’habitude de le faire. Elle vint bien plus vite l’investir qu’à l’accoutumée, alors qu’aucun changement physique n’avait besoin de s’opérer pour lui. Sans un mot, les adversaires se ruèrent l’un sur l’autre.

Mais le Stormrunner se sentait comme engourdi. Les réflexes farouches ne semblaient absolument pas être les siens, c’était comme s’il ne contrôlait pas directement son propre corps.
Il infligea des blessures à Altanil, qui lui en rendit le double. La douleur, elle, était aussi vive qu’à l’accoutumée et sa vision se troubla progressivement jusqu’à qu’il ne sombre en plein combat.




Lorsqu’il rouvrit les yeux, il se retrouva sur le tapis de mousse, le même baume étalé sur ses blessures. Il flaira l’odeur d’Altanil non loin et poussa un long soupir.


« - Il faut croire que tu manques encore d’heures de méditation. Nous allons y remédier.
- Vous voulez m’achever… ? »


Towann devina le sourire du vieil elfe tandis qu’il s’éloignait sans répondre. Il se passa une main sur le visage, ayant la nette impression de perdre son temps ici. Mais c’est alors qu’il les vit…

Ses ongles.

Towann balaya d’un revers de griffes celles qu’Altanil tentait de lui planter dans la gorge, puis frappa de son autre main. Son vis-à-vis para trop tard pour s’épargner une belle estafilade sur la joue droite. L’élève poursuivit en enfonçant sa garde d’un coup d’épaule pour déstabiliser son aîné avant de lui bondir littéralement dessus en plaçant deux griffes sous sa gorge.
Le combat prit ainsi fin et Altanil afficha un sourire de crocs.


« - Enfin une victoire. »


Towann se releva puis l’aida à faire de même. Il se rendait doucement compte qu’il n’avait pas exploité toutes les ressources de la Bête jusqu’ici. Mais surtout, à aucun moment de ce combat il n’avait senti Sin’kala tenter de prendre le contrôle.

Lorsqu’Altanil pénétra dans la cabane de feuillages, il trouva l’elfe qui s’était trouvé là quelques jours plus tôt, mourant et menacé d’être frappé de folie par Sin’kala. Mais Towann terminait d’attacher ce qu’il restait des espauliers de son armure.


« - Comptais-tu partir en douce ?
- Non, juste le plus brièvement possible. Je ne suis jamais emballé par les adieux, notamment quand je suis redevable. »


Towann fit quelques mouvements de bras et d’épaules pour vérifier la mobilité qu’il avait avec cette armure à moitié détruite. Puis il releva la tête vers Altanil.


« - Je sais bien qu’il me reste encore à apprendre sur la voie de Sin’kala, mais je dois retourner chez moi. Ma famille entière est menacée, je me dois d’aller protéger mon fils.
- En ce cas, je ne peux rien dire pour te convaincre de terminer ton apprentissage. Après tout, tu es maintenant capable de garder le contrôle de toi-même. Tu as appris à communier avec Sin’kala et elle t’a accepté.
- Merci Altanil.
- Merci à toi d’avoir ranimé la nostalgie d’un vieil ermite qui ne pensait plus former le moindre élève. Mais dis-moi, quel danger menace ta famille ?
- Une famille… « rivale ». Les Frostblade. Ils se sont mis en tête d’anéantir les Stormrunner pour je ne sais quelle raison.
- Frostblade… »


Altanil croisa ses mains dans le dos et s’approcha lentement.


« - Une de mes anciennes élèves portait ce nom.
- Ils ont un dompteur parmi eux, c’est certain.
- Hmm… ça se tient. Raëlle a eu beaucoup de mal à communier avec Sin’kala mais c’était une experte pour imposer sa volonté aux bêtes sauvages, même plusieurs à la fois. Douée, mais trop ambitieuse… Si tu venais à la croiser, méfie-toi. Contrairement à toi, elle a achevé son apprentissage. »


Towann hocha la tête.


« - Contrairement à elle, j’ai beaucoup de chance. »


La remarque fit sourire Altanil qui le gratifia d’une simple tape sur l’épaule en l’accompagnant à l’extérieur.


« - En revanche, je te l’ai dit. Je n’aime pas être redevable. Je paierai ma dette tôt ou tard.
- Nous verrons cela mais ça m’importe peu. Pars maintenant et n’oublie pas d’entretenir tes liens avec Sin’kala, elle n’aime pas qu’on l’oublie.
- Aucun risque… »


Avec un dernier hochement de tête, Towann reprit la route qui le mènerait hors de Féralas. Altanil se retira dans la cabane de feuillages pour demander conseil à Sin’kala et adresser à Elune sa première prière depuis des siècles.

Towann finit par se détourner du jeune ours mâle qu’il observait à distance respectable.


Pas encore assez robuste…


La décision de retrouver un compagnon poilu l’avait frappé alors qu’il voyait l’avenir s’assombrir tandis que prenait place une guerre dans laquelle chacun devait mettre toutes les chances de son coté. Le couple qui venait de se joindre à eux ne faisait que multiplier ses inquiétudes. Ils ne semblaient pas vraiment avoir idée de qui étaient désormais leurs ennemis malgré ce que Céralynde et lui avaient pu leur dire.
L’idée que ses affaires de famille - Stormrunner, un nom qu’il aura haï jusqu’au bout - mette en danger des amis de sa compagne était loin de lui plaire.

Cette chasse exigeait une vigilance de chaque instant. Bien qu’il eut un flair et un instinct proche de ceux d’un animal, Towann ne pouvait égaler la bête elle-même. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus dompté l’esprit farouche de la faune sauvage mais un compagnon capable de pressentir une embuscade était un atout non négligeable.
Et puis selon Altanil, un familier servait d’intermédiaire plutôt efficace entre le belluaire et Sin’kala, la grande Bête.


Towann se glissa derrière un arbre aux branchages bas pour observer un grand loup susceptible d’être le candidat idéal. L’alpha n’était pas tranquille, il ressentait la présence de l’elfe mais ne parvenait pas à le localiser, ce qui était déjà plutôt prometteur. Cependant, le Stormrunner n’y prêta pas attention, en proie au même malaise que le loup lui-même.
Un regard venait de se poser sur lui, en cela son instinct le trompait rarement. Il chercha à trouver la cachette de celui ou celle qui faisait peser sur lui la lourde et oppressante sensation d’être une proie prête à être dévorée.
L’éclat terne d’une armure usée par le temps finit par capter son attention, sur une branche touffue. Il quitta sa propre cachette pour parler d’une voix forte sans se soucier que le loup qu’il avait aperçu s’éloigne.


« - Qui es-tu ? »


Il n’eut pas de réponse et le répéta en orc. Cette phrase était une des rares qu’il connaissait dans cette langue avec quelques jurons et insultes mais la Horde étant bien présente en Orneval, il pouvait avoir été traqué par un de leurs pisteurs.
Puis les feuilles s’agitèrent et l’espion sauta agilement au sol depuis sa branche. Towann fut d’abord soulagé de voir une kaldoreï mais celle-ci l’invectiva alors.


« - Ça alors, on revient d’entre les morts ? »


Cette voix projeta à nouveau Towann au milieu de cette arène sombre alors qu’il défendait sa vie pour servir de divertissement aux Frostblade. C’était la voix railleuse de la dompteuse qui avait lâché un énorme ours sur lui.
Les mots d’Altanil lui revinrent en mémoire.


« Une de mes anciennes élèves portait ce nom. »
« Raëlle a eu beaucoup de mal à communier avec Sin’kala mais c’était une experte pour imposer sa volonté aux bêtes sauvages »
« Contrairement à toi, elle a achevé son apprentissage. »


Soupirant comme on ne le fait plus, Towann médita sur sa stupidité. Il avait quitté Astranaar alors que sa marque, celle de Déania, et même celle d’un troisième Stormrunner devaient faire affluer les Frostblade dans la zone. Maintenant il était seul face à Raëlle Frostblade, peut-être sa pléthore de familiers, voire même un ou deux de ses frères et sœurs cachés quelque part.


Dans quoi est-ce que tu t’es fourré vieille carne… ?


« - Je ne comprends toujours pas comment l’ours a pu te laisser en vie. Peut-être avait-il pitié de la vermine dans ton genre.
- Ou peut-être qu’il avait trouvé un nouveau maître. Je crois savoir que tu n’es pas dans les grâces de Sin’kala. »


Sa réplique eut l’effet escompté. Raëlle le fixa avec de grands yeux, stupéfaite. La perturber un maximum la rendrait sans doute moins sûre d’elle… ou plus agressive, c’était un pari à tenter. De toute évidence, l’affrontement était inévitable mais ça ne gênait pas tant Towann, qui avait un compte à régler. Mais un autre Frostblade pouvait surgir à tout instant.
Cela dit, il était hors de question de fuir tant qu’il n’en avait pas la preuve.


« - Un suivant de Sin’kala… Moi qui pensais qu’Estornel ferait de son fils un druide. »


La remarque le piqua au vif, il saisit son épée.


« - Tu penses pouvoir me donner des leçons à propos de Sin’kala alors que tu utilises une arme ? Un vrai belluaire n’en a d’autre que ses griffes et ses crocs.
- Tu omets les Frostblade prêts à venir t’aider.
- Darne n’est pas avec moi et je n’ai aucune intention de l’avoir à mes cotés. Ta vie est la preuve de mon échec, je vais pouvoir rectifier moi-même cette erreur. »


Elle décrocha les armes accrochées à sa ceinture, des disques d’acier sculptés, et les laissa tomber au sol. Towann n’avait jamais eu affaire à ce genre d’armes et n’aurait peut-être pas su tenir tête à Raëlle si elle les maniait bien. Après une brève réflexion, il lâcha son épée et expira longuement.
Sin’kala vint l’investir, griffes et crocs firent leur apparition. Il était prêt à déchaîner sur sa rivale une rage immense mais contrôlée. Il ne remercierait jamais assez Altanil.
Raëlle sembla faire de même de son coté. Towann vit pour la première fois la métamorphose chez quelqu’un d’autre que lui. La Frostblade feula agressivement, l’air de ne plus être qu’une bête féroce, les mêmes changements corporels ayant opéré.

Sans un mot, ils se ruèrent l’un sur l’autre. Towann prit l’initiative d’un coup de griffe à hauteur de gorge que Raëlle évita amplement et se baissant. Il comprit immédiatement qu’elle était bien plus vive qu’il ne le serait peut-être jamais.
Elle remonta subitement vers lui, gueule ouverte, prête à refermer ses crocs sur son cou et mettre fin au combat en quelques secondes. Mais l’instinct de survie Stormrunner joua encore et un lourd coup de son autre griffe déchira la joue de Raëlle en détournant sa tête. Il tenta alors une nouvelle fois d’atteindre la gorge de la Frostblade, qui bondit en arrière juste à temps.
Mais dès qu’elle retoucha le sol, ce fut pour se projeter à nouveau sur Towann avec une férocité palpable. Il dut alors se contenter de ses bras pour parer les rapides coups de griffe enchaînés par son ennemie. Raëlle n’avait aucun mal à déchirer l’armure et semblait exulter à la vue du sang coulant des longues estafilades qu’elle engendrait.

Mais Towann attrapa soudain l’épaule de la belluaire, stoppant ses assauts incessants pour lui décocher une griffure qu’elle ne pouvait éviter. Du moins, il le croyait jusqu’à ce qu’elle se penche subitement en arrière, levant la tête au possible. Les griffes de Towann manquèrent son visage et frôlèrent sa gorge.
Puis Raëlle revint vers lui avec une vivacité impressionnante pour refermer ses crocs sur le bras ayant frappé, déjà constellé de griffures. Grognant, il vit alors des griffes acérées fondre vers son visage et intercepta la main juste à temps, saisissant ses doigts entre les siens. Il vit alors l’occasion inespérée de planter ses propres crocs dans le cou de la Frostblade et n’hésita pas une seconde.
Mais elle le prit encore une fois de vitesse et son autre main lacéra le visage de Towann. Elle relâcha alors le bras pour ne plus exposer de point faible à son ennemi et griffa au moment où ce dernier faisait de même. Ils touchèrent au même moment.

Towann sentit le goût du sang remonter de sa gorge, notant les griffes enfoncées entre ses côtes. Il n’était parvenu qu’à planter les dans l’épaule gauche de Raëlle. Ils marquèrent un temps d’arrêt, le Stormrunner crut voir un sourire dans le rictus douloureux qui tordait le visage de son adversaire.
Puis soudain, le pied de la Frostblade passa entre les genoux de Towann et crocheta l’un d’eux, le tirant vers elle pour lui faire perdre l’équilibre. Au même moment elle poussait son buste de sa main libre et avant qu’il n’aie assimilé la manœuvre, il se retrouva à terre.

Féline, Raëlle se retrouva bien vite sur lui et posa ses doigts griffus contre sa gorge. Elle semblait satisfaite de sa victoire, arborant un sourire carnassier. Il entendit sa voix, comme cassée par sa métamorphose.


« - Je ne m’étais pas amusée comme ça depuis longtemps… mais tu es trop lent. Quel dommage que tu doives mourir ici, je suis persuadée qu’un mâle comme toi m’aurait beaucoup plu… »


C’est ça, parle… savoure ta victoire, laisse-moi juste le temps de…


Raëlle perçut soudain un geste, Towann tentait de faire quelque chose de sa main droite. Elle attrapa vivement son poignet et l’attira devant elle. Ce fut au tour du Stormrunner de sourire tandis qu’il ouvrait la main pour laisser échapper une grenade et sa goupille, séparées…


« - Alors comme ça je suis lent… On va tester ta robustesse dans ce cas. »


La Frostblade récemment revenue dans ce monde ne semblait pas connaître encore tous les progrès de la technologie, et encore moins la technologie gobeline. Elle tourna la tête vers la grenade sans comprendre, elle et Towann se trouvait à la même distance de celle-ci. Qu’est-ce que cette chose était sensée faire ?

Explosion.