Crépuscule d'Acier, passé et présent.
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Crépuscule d'Acier, passé et présent.
- La mort est ennui. Espace clos peints de couleurs mêlées que nous ne voyons pas.
- Nous voulons sortir. Nous voulons partir. Nous voulons revenir. Revenir.
- C'était un soir d'automne.
- Le vortex du Chaos est là aussi, il est beau, n'est-ce pas ?
- Nous le voyons.
- C'était un soir d'automne.
- Les runes gravées sur l'épée au fer sombre : écho d'une captivité. Nous nous vengerons.
- Une enfant assise sur une pierre. La maison au bord de la falaise.
- C'était un soir d'automne.
- La Dame périra par le fer. Le Souvenir périra par le feu.
- Revenir.
- C'était un soir d'automne.
- Nous voyons. Nous nous souvenons.
- Nous voulons sortir. Nous voulons partir. Nous voulons revenir. Revenir.
- C'était un soir d'automne.
- Le vortex du Chaos est là aussi, il est beau, n'est-ce pas ?
- Nous le voyons.
- C'était un soir d'automne.
- Les runes gravées sur l'épée au fer sombre : écho d'une captivité. Nous nous vengerons.
- Une enfant assise sur une pierre. La maison au bord de la falaise.
- C'était un soir d'automne.
- La Dame périra par le fer. Le Souvenir périra par le feu.
- Revenir.
- C'était un soir d'automne.
- Nous voyons. Nous nous souvenons.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Peut-être que c'était jouer le jeu de la Dame, comme disait Rislon. Peut-être que c'était même ce qu'elle attendait, ce qu'elle avait prévu.
Cette idée m'effrayait. A vrai dire, elle me terrifiait. Après tout, elle savait comment je pensais, comment j'agissais; je me jetais probablement droit vers un Asservissement. Mais c'était la seule alternative que je voyais, car il était certain que le vieux démon profitait de chacun de mes actes, là-bas dans le Sud. De par le fait de mon passé choisi, j'étais un danger qui s'ignorait. Alors, j'estimais que la meilleure solution était de tenter cette folie. Si j'échouais, au moins cela gênerait peut-être les plans de la Dame.
Le magicien avait bien travaillé, l'illusion était parfaite - et minimale -, si finement tissée qu'elle se remarquait à peine. J'avais dix doigts et un œil bleu. L'autre, désespérément argenté, serait masqué par un cache-œil. Cela devrait être suffisant.
J'ai cessé d'observer les changements de mon visage, aujourd'hui encadré de cheveux noirs, et j'ai fini de sangler la lourde épée dans mon dos.
Aujourd'hui, j'étais quelqu'un d'autre.
Je ne me reconnaissais pas moi-même.
Souvenir avait laissé sa place à celle que j'avais arbitrairement appelée Lame.
Puis je me suis immergée dans la psychologie que j'ai construite pour cette fausse identité et ai affiché un visage impassible et un regard froid.
J'espérais que cela suffirait à tromper l'Empire. Il y avait peu de chances que je rencontre la Dame en personne, et même si cela arrivait, notre dernière rencontre datait de quatre ans. Et je n'avais pas ce camouflage.
Le recrutement en lui-même s'était plutôt bien passé. Enfin, ça aurait pu être pire, et je supposais que j'avais eu beaucoup de chance.
C'était un worgen qui m'a fait passer l'entretien. Du genre craintif, à croire qu'il était poursuivi de tous côtés par des monstres que lui seul pouvait voir.
Il s'est présenté comme étant Hiver, Druide Noir et premier Asservi de la Dame.
Je n'ai manifesté aucune émotion et j'ai répondu laconiquement.
"Je suis Lame, mercenaire."
Le regard de mon interlocuteur s'est perdu dans la contemplation de la vieille table de bois qui nous séparait.
- "En temps normal, c'est Frimas qui s'occupe des armées", a-t-il finalement répondu. "Mais il n'est pas là et la Dame a autre chose à faire."
Étaient-ils si peu nombreux ? Ça augmentait mes chances de réussite. Et de survie.
- "Vous devez savoir que nous employons des... méthodes... euh... particulières. Pour penser comme l'ennemi, comme les Réprouvés. C'est le seule façon de réellement les vaincre."
Ben voyons. Il n'y croyait pas lui-même.
- "C'est assez logique", ai-je répondu en haussant les épaules.
Il a cligné des yeux.
- "Sachez aussi que toute trahison sera punie de mort. Nous connaissons les mœurs de votre espèce et attendons donc de vous une obéissance totale."
J'ai cette fois acquiescé sans répondre. Le personnage que j'avais décidé d'incarner n'était pas causant, quelque soit la situation. Une façon d'éviter les problèmes.
Hiver a toutefois paru satisfait.
- "Nous allons vous confier un tabard et vous allez rejoindre Frimas. Vous êtes sous ses ordres."
Il s'est rapidement débarrassé de moi. Le pauvre gars paraissait préférer la compagnie d'êtres bien moins remuants et causants. Il ne faisait aucun doute que son esprit avait beaucoup souffert.
J'ai erré un moment dans les rues vides de Berce-Âmes. La majorité des bâtiments étaient toujours en ruines.
Je me suis arrêtée au bout de quelques pas. L'aura d'arcane devenait écrasante près du promontoire qui surplombait les écuries, si intense qu'on aurait presque pu la voir briller la nuit. Le repaire de la Dame, sans aucun doute.
Je suis repartie en sens inverse le sourire aux lèvres.
Cette idée m'effrayait. A vrai dire, elle me terrifiait. Après tout, elle savait comment je pensais, comment j'agissais; je me jetais probablement droit vers un Asservissement. Mais c'était la seule alternative que je voyais, car il était certain que le vieux démon profitait de chacun de mes actes, là-bas dans le Sud. De par le fait de mon passé choisi, j'étais un danger qui s'ignorait. Alors, j'estimais que la meilleure solution était de tenter cette folie. Si j'échouais, au moins cela gênerait peut-être les plans de la Dame.
Le magicien avait bien travaillé, l'illusion était parfaite - et minimale -, si finement tissée qu'elle se remarquait à peine. J'avais dix doigts et un œil bleu. L'autre, désespérément argenté, serait masqué par un cache-œil. Cela devrait être suffisant.
J'ai cessé d'observer les changements de mon visage, aujourd'hui encadré de cheveux noirs, et j'ai fini de sangler la lourde épée dans mon dos.
Aujourd'hui, j'étais quelqu'un d'autre.
Je ne me reconnaissais pas moi-même.
Souvenir avait laissé sa place à celle que j'avais arbitrairement appelée Lame.
Puis je me suis immergée dans la psychologie que j'ai construite pour cette fausse identité et ai affiché un visage impassible et un regard froid.
J'espérais que cela suffirait à tromper l'Empire. Il y avait peu de chances que je rencontre la Dame en personne, et même si cela arrivait, notre dernière rencontre datait de quatre ans. Et je n'avais pas ce camouflage.
Le recrutement en lui-même s'était plutôt bien passé. Enfin, ça aurait pu être pire, et je supposais que j'avais eu beaucoup de chance.
C'était un worgen qui m'a fait passer l'entretien. Du genre craintif, à croire qu'il était poursuivi de tous côtés par des monstres que lui seul pouvait voir.
Il s'est présenté comme étant Hiver, Druide Noir et premier Asservi de la Dame.
Je n'ai manifesté aucune émotion et j'ai répondu laconiquement.
"Je suis Lame, mercenaire."
Le regard de mon interlocuteur s'est perdu dans la contemplation de la vieille table de bois qui nous séparait.
- "En temps normal, c'est Frimas qui s'occupe des armées", a-t-il finalement répondu. "Mais il n'est pas là et la Dame a autre chose à faire."
Étaient-ils si peu nombreux ? Ça augmentait mes chances de réussite. Et de survie.
- "Vous devez savoir que nous employons des... méthodes... euh... particulières. Pour penser comme l'ennemi, comme les Réprouvés. C'est le seule façon de réellement les vaincre."
Ben voyons. Il n'y croyait pas lui-même.
- "C'est assez logique", ai-je répondu en haussant les épaules.
Il a cligné des yeux.
- "Sachez aussi que toute trahison sera punie de mort. Nous connaissons les mœurs de votre espèce et attendons donc de vous une obéissance totale."
J'ai cette fois acquiescé sans répondre. Le personnage que j'avais décidé d'incarner n'était pas causant, quelque soit la situation. Une façon d'éviter les problèmes.
Hiver a toutefois paru satisfait.
- "Nous allons vous confier un tabard et vous allez rejoindre Frimas. Vous êtes sous ses ordres."
Il s'est rapidement débarrassé de moi. Le pauvre gars paraissait préférer la compagnie d'êtres bien moins remuants et causants. Il ne faisait aucun doute que son esprit avait beaucoup souffert.
J'ai erré un moment dans les rues vides de Berce-Âmes. La majorité des bâtiments étaient toujours en ruines.
Je me suis arrêtée au bout de quelques pas. L'aura d'arcane devenait écrasante près du promontoire qui surplombait les écuries, si intense qu'on aurait presque pu la voir briller la nuit. Le repaire de la Dame, sans aucun doute.
Je suis repartie en sens inverse le sourire aux lèvres.
Souvenir
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
La lettre, glissée sous la porte de la maison de Rislon Milloin, est enveloppée et cachetée aux armoiries de la Maison Syluin : un ciel étoilé. L'écriture, quant à elle, est soignée et délicate, légèrement penchée.
"Rislon Milloin :
C'était un soir d'automne. Les arbres, dans tout Lordaeron, avaient pris des teintes chaudes et fastueuses, et de temps à autre, ils semaient leurs feuilles brillantes sur l'herbe sèche. Le soleil couchant nuançait le monde d'une aura claire et lumineuse que la douceur de l'été finissant transmutait en or.
C'était l'automne sur Lordaeron, dans l'odeur des châtaignes grillées et la mélodie des cantiques des prêtres de la Lumière.
Assise en tailleur sur une pierre, une enfant fixe la mer que l'on voit indistinctement ondoyer, loin en contrebas de la falaise. Elle se tient immobile et droite, un vent doux rabattant ses cheveux violets sur son visage renfrogné.
A quelques pas devant elle, le monde s'achève brutalement en un à-pic vertigineux qui file embrasser l'océan au fond du précipice.
Deux hommes observent l'enfant, debout devant la petite maison qui est plantée près de la falaise.
L'un d'eux a des cheveux noirs et un air inquiet. On devine qu'il s'agit du père de la gamine.
L'autre a les cheveux bruns, coupés courts, et arbore un visage honnête. Il tire toutefois régulièrement sur son tabard pourpre, trahissant son manque d'assurance. Il s'appelle Alden Moggins, c'est un magicien tout juste intronisé du Kirin Tor.
Il finit par abandonner le père après une courte discussion pour se diriger vers l'enfant.
(C'est une vision de l'enfer.)
Elle ne s'est pas levée pour lui faire face, n'a même pas daigné lui adresser un regard.
Alden Moggins s'est agenouillé devant elle, effrayé par les yeux de la petite : son regard paraissait voir ou connaître beaucoup trop de choses pour son jeune âge, et il doutait que ce savoir qu'il devinait soit recommandé pour une enfant.
- Bonjour, a-t-il dit.
Pour rien au monde il n'aurait reconnu sa peur, mais elle était bien là. Il pressentait que le cas de cette fillette le dépassait mais il avait promis de faire tout son possible.
- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il gentiment, bien que connaissant la réponse.
(Chaos. Discorde.).
- Ewella Runétoile.
Elle n'a pas tourné la tête, son regard est toujours fixé sur l'horizon. Le mage avale sa salive,
(apeuré.)
mal à l'aise. Elle dégageait quelque chose d'indéfinissable.
- Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?
Cette fois, elle n'a pas répondu. Lui a sondé son aura magique s'attendant à ne rien trouver. Et il n'a rien senti. Il a juste pressenti son intérêt morbide pour les choses mortes. Puis l'enfant s'est mise à parler. De plusieurs voix différentes, presque simultanément.
- Nous voulons sortir.
- Les runes sur le fer sombre.
- Fer, feu.
- Il le voit.
- Nous sommes un dieu.
Alden Moggins s'est enfui. Les Dieux Très Anciens, a-t-il pensé avant de rejeter cette thèse. Il n'avait rien senti de tel.
Derrière lui, Ewella a ri, d'un rire discordant et dissonant.
Alden Moggins n'est jamais revenu ici. Ni aucun mage du Kirin Tor : il leur a dit que le problème était réglé.
Hélas, tout ne faisait que commencer."
"Rislon Milloin :
C'était un soir d'automne. Les arbres, dans tout Lordaeron, avaient pris des teintes chaudes et fastueuses, et de temps à autre, ils semaient leurs feuilles brillantes sur l'herbe sèche. Le soleil couchant nuançait le monde d'une aura claire et lumineuse que la douceur de l'été finissant transmutait en or.
C'était l'automne sur Lordaeron, dans l'odeur des châtaignes grillées et la mélodie des cantiques des prêtres de la Lumière.
Assise en tailleur sur une pierre, une enfant fixe la mer que l'on voit indistinctement ondoyer, loin en contrebas de la falaise. Elle se tient immobile et droite, un vent doux rabattant ses cheveux violets sur son visage renfrogné.
A quelques pas devant elle, le monde s'achève brutalement en un à-pic vertigineux qui file embrasser l'océan au fond du précipice.
Deux hommes observent l'enfant, debout devant la petite maison qui est plantée près de la falaise.
L'un d'eux a des cheveux noirs et un air inquiet. On devine qu'il s'agit du père de la gamine.
L'autre a les cheveux bruns, coupés courts, et arbore un visage honnête. Il tire toutefois régulièrement sur son tabard pourpre, trahissant son manque d'assurance. Il s'appelle Alden Moggins, c'est un magicien tout juste intronisé du Kirin Tor.
Il finit par abandonner le père après une courte discussion pour se diriger vers l'enfant.
(C'est une vision de l'enfer.)
Elle ne s'est pas levée pour lui faire face, n'a même pas daigné lui adresser un regard.
Alden Moggins s'est agenouillé devant elle, effrayé par les yeux de la petite : son regard paraissait voir ou connaître beaucoup trop de choses pour son jeune âge, et il doutait que ce savoir qu'il devinait soit recommandé pour une enfant.
- Bonjour, a-t-il dit.
Pour rien au monde il n'aurait reconnu sa peur, mais elle était bien là. Il pressentait que le cas de cette fillette le dépassait mais il avait promis de faire tout son possible.
- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il gentiment, bien que connaissant la réponse.
(Chaos. Discorde.).
- Ewella Runétoile.
Elle n'a pas tourné la tête, son regard est toujours fixé sur l'horizon. Le mage avale sa salive,
(apeuré.)
mal à l'aise. Elle dégageait quelque chose d'indéfinissable.
- Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?
Cette fois, elle n'a pas répondu. Lui a sondé son aura magique s'attendant à ne rien trouver. Et il n'a rien senti. Il a juste pressenti son intérêt morbide pour les choses mortes. Puis l'enfant s'est mise à parler. De plusieurs voix différentes, presque simultanément.
- Nous voulons sortir.
- Les runes sur le fer sombre.
- Fer, feu.
- Il le voit.
- Nous sommes un dieu.
Alden Moggins s'est enfui. Les Dieux Très Anciens, a-t-il pensé avant de rejeter cette thèse. Il n'avait rien senti de tel.
Derrière lui, Ewella a ri, d'un rire discordant et dissonant.
Alden Moggins n'est jamais revenu ici. Ni aucun mage du Kirin Tor : il leur a dit que le problème était réglé.
Hélas, tout ne faisait que commencer."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Cette lettre arrive par le même biais que la première. Elle a juste l'air un peu plus froissée, et l'écriture plus resserrée, comme si son auteur était pressé par le temps lors de sa rédaction.
"Rislon Milloin :
Les jours passèrent. L'air se refroidit et les arbres se dénudèrent, mais la neige ne tombait pas encore, bien que l'hiver pointât son mufle glacé.
Ewella passait la plupart de ses journées hors de la maison familiale, loin de ses deux sœurs. Leur père avait succombé à une fièvre maligne plusieurs jours auparavant, et malgré tous les efforts de leur mère éplorée, cela avait exacerbé sa passion pour les choses mortes. Et cela l'avait également fait naître chez sa sœur jumelle, Miryal. Mais alors que la première rôdait entre les arbres morts et noirs contre le ciel blanc, la seconde contemplait le chaos serein de la mer agitée au pied de la falaise.
C'était un jour froid et balayé par le vent. L'enfant, comme hypnotisée par le va-et-vient irrégulier des déferlantes, s'est mise à descendre de la falaise par le vieux chemin. Ce vieux chemin n'était toutefois qu'un ancien sentier de chèvres, creusé par le ruissellement de toutes les pluies qu'il avait connues.
Cependant Miryal n'était qu'une enfant : profitant de l'agilité qu'ont tous les enfants, elle est rapidement parvenue jusqu'à une saillie rocheuse qui marquait un tournant pour le sentier.
Elle s'est hissée dessus et s'est penchée pour voir la mer. Cette dernière était encore lointaine, les courtes jambes de l'enfant ne l'ayant portée que sur une faible distance, et elle a décidé de continuer la descente. Le vent salé mordait sa chair mais elle n'en sentait pas le froid.
Elle a fini par atteindre une petite plage bosselée et léchée par les vagues grondantes.
Une créature marine gisait là.
Miryal s'est avancée vers la tête de la bête. Un œil mordoré a roulé dans sa direction tandis qu'elle remarquait les profonds sillons autour du corps.
La lassitude au fond du regard de l'animal s'est teinté d'espoir.
La gamine a respiré l'air marin et contemplé la bête. Savourant son impuissance, son incapacité à retourner dans son milieu, à sauver sa propre vie.
Un sourd grognement s'est élevé dans l'air glacé. Miryal s'est accroupie pour assister à la lente
(ascension)
agonie de l'imposante bête. Elle l'a fixé jusqu'à ce que la lumière disparaisse de l’œil tourné vers elle, jusqu'à ce que le râle s'éteigne.
Elle a respiré le parfum de la mort, capiteux, lourd, s'en est gorgée.
D'une part son esprit se réjouissait sauvagement de cette mort, totalement insensée, d'autre part elle s'horrifiait qu'une telle chose puisse lui arriver un jour. Elle ne voulait pas s'échouer et s'asphyxier, hors de son monde.
Et elle entendit les voix. Tordues et tournoyantes.
Un sourire ravi s'est épanoui sur son visage juvénile. C'est ici que son âme a commencé à devenir ce qu'elle est aujourd'hui. C'est un double suicide qui a terminé ce que la créature marine a initié ce jour-là."
"Rislon Milloin :
Les jours passèrent. L'air se refroidit et les arbres se dénudèrent, mais la neige ne tombait pas encore, bien que l'hiver pointât son mufle glacé.
Ewella passait la plupart de ses journées hors de la maison familiale, loin de ses deux sœurs. Leur père avait succombé à une fièvre maligne plusieurs jours auparavant, et malgré tous les efforts de leur mère éplorée, cela avait exacerbé sa passion pour les choses mortes. Et cela l'avait également fait naître chez sa sœur jumelle, Miryal. Mais alors que la première rôdait entre les arbres morts et noirs contre le ciel blanc, la seconde contemplait le chaos serein de la mer agitée au pied de la falaise.
C'était un jour froid et balayé par le vent. L'enfant, comme hypnotisée par le va-et-vient irrégulier des déferlantes, s'est mise à descendre de la falaise par le vieux chemin. Ce vieux chemin n'était toutefois qu'un ancien sentier de chèvres, creusé par le ruissellement de toutes les pluies qu'il avait connues.
Cependant Miryal n'était qu'une enfant : profitant de l'agilité qu'ont tous les enfants, elle est rapidement parvenue jusqu'à une saillie rocheuse qui marquait un tournant pour le sentier.
Elle s'est hissée dessus et s'est penchée pour voir la mer. Cette dernière était encore lointaine, les courtes jambes de l'enfant ne l'ayant portée que sur une faible distance, et elle a décidé de continuer la descente. Le vent salé mordait sa chair mais elle n'en sentait pas le froid.
Elle a fini par atteindre une petite plage bosselée et léchée par les vagues grondantes.
Une créature marine gisait là.
Miryal s'est avancée vers la tête de la bête. Un œil mordoré a roulé dans sa direction tandis qu'elle remarquait les profonds sillons autour du corps.
La lassitude au fond du regard de l'animal s'est teinté d'espoir.
La gamine a respiré l'air marin et contemplé la bête. Savourant son impuissance, son incapacité à retourner dans son milieu, à sauver sa propre vie.
Un sourd grognement s'est élevé dans l'air glacé. Miryal s'est accroupie pour assister à la lente
(ascension)
agonie de l'imposante bête. Elle l'a fixé jusqu'à ce que la lumière disparaisse de l’œil tourné vers elle, jusqu'à ce que le râle s'éteigne.
Elle a respiré le parfum de la mort, capiteux, lourd, s'en est gorgée.
D'une part son esprit se réjouissait sauvagement de cette mort, totalement insensée, d'autre part elle s'horrifiait qu'une telle chose puisse lui arriver un jour. Elle ne voulait pas s'échouer et s'asphyxier, hors de son monde.
Et elle entendit les voix. Tordues et tournoyantes.
Un sourire ravi s'est épanoui sur son visage juvénile. C'est ici que son âme a commencé à devenir ce qu'elle est aujourd'hui. C'est un double suicide qui a terminé ce que la créature marine a initié ce jour-là."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
Pendant des années, Miryal a poursuivi ses études parmi le Kirin Tor, au cœur même de la belle cité de Dalaran, cachant la fêlure de son âme qui s'était transformée en gouffre. Elle y a appris à manier le feu, le givre et les arcanes. Elle a étudié dans les bibliothèques, évitant autant que possible sa sœur aînée, qui était passée mage depuis plusieurs mois déjà.
Aujourd'hui, elle se tient droite sur la route, ses robes pourpres claquant au vent. Un rictus retrousse ses lèvres, brisant le masque d'impassibilité supérieure qu'elle a toujours affiché tant son excitation est intense.
Ewella va venir. Miryal en est certaine, car sa sœur, qui erre dans ces bois proches de la maison familiale depuis la mort de chagrin de leur mère, ne peut pas résister aux effluves de pouvoirs qui se dégagent de sa jumelle.
Elle va pouvoir vérifier sa théorie et mettre en place ses plans.
Le ciel est bleu et le printemps a un goût de pourriture par ici. Le vert des nouvelles feuilles a une nuance rancie et une odeur sucrée, trop sucrée. Les fleurs se tordent. Il n'y a pas d'autres bruits que celui des branches s'entrechoquant entre elles.
Miryal attends, debout sur la route qui mène à la maison. Elle sait qu'Ewella est là à l'observer.
Puis sa jumelle se dresse face à elle, vêtue de cuir noir mat, ses cheveux violets comme les siens ainsi que les lacets rouge vif de ses jambières lui donnant un air excessivement festif.
Miryal s'avance et voit dans les yeux d'Ewella le reflet inversé de son âme. Cela ne lui plaît pas.
"Tu vas me servir" lance-t-elle à Ewella.
Et elle empoigne le crâne de sa sœur jumelle et la projette à terre. Sa sœur, si semblable à elle même. Mais elle ne veut pas s'échouer.
Alors, agenouillée sur le dos d'Ewella étendue qui se débat vainement, elle enfonce sa peur de la mort dans l'esprit perturbé de sa sœur, et lui insuffle un Chaos délicieux et la vision gravée au fond de son âme...
La douleur d'Ewella est terrible, il lui semble qu'elle meure et revient à la vie plusieurs fois d'affilée tandis que son esprit est mis à nu par une volonté glacée, puis ravagé par une vague de feu, émietté et remodelé, et cela pendant deux éternités.
Miryal se relève et s'écarte d'un pas. C'est terminé.
Discorde ramasse son corps déchu et s'accroupit derrière elle.
"Cela ne fait que commencer" annonce-t-elle à celle qu'elle a Asservie à sa volonté.
Et Jennesta tombe de la falaise poursuivie par le rire dissonant d'une ombre agenouillée, ange igné.
Les ténèbres viennent."
Pendant des années, Miryal a poursuivi ses études parmi le Kirin Tor, au cœur même de la belle cité de Dalaran, cachant la fêlure de son âme qui s'était transformée en gouffre. Elle y a appris à manier le feu, le givre et les arcanes. Elle a étudié dans les bibliothèques, évitant autant que possible sa sœur aînée, qui était passée mage depuis plusieurs mois déjà.
Aujourd'hui, elle se tient droite sur la route, ses robes pourpres claquant au vent. Un rictus retrousse ses lèvres, brisant le masque d'impassibilité supérieure qu'elle a toujours affiché tant son excitation est intense.
Ewella va venir. Miryal en est certaine, car sa sœur, qui erre dans ces bois proches de la maison familiale depuis la mort de chagrin de leur mère, ne peut pas résister aux effluves de pouvoirs qui se dégagent de sa jumelle.
Elle va pouvoir vérifier sa théorie et mettre en place ses plans.
Le ciel est bleu et le printemps a un goût de pourriture par ici. Le vert des nouvelles feuilles a une nuance rancie et une odeur sucrée, trop sucrée. Les fleurs se tordent. Il n'y a pas d'autres bruits que celui des branches s'entrechoquant entre elles.
Miryal attends, debout sur la route qui mène à la maison. Elle sait qu'Ewella est là à l'observer.
Puis sa jumelle se dresse face à elle, vêtue de cuir noir mat, ses cheveux violets comme les siens ainsi que les lacets rouge vif de ses jambières lui donnant un air excessivement festif.
Miryal s'avance et voit dans les yeux d'Ewella le reflet inversé de son âme. Cela ne lui plaît pas.
"Tu vas me servir" lance-t-elle à Ewella.
Et elle empoigne le crâne de sa sœur jumelle et la projette à terre. Sa sœur, si semblable à elle même. Mais elle ne veut pas s'échouer.
Alors, agenouillée sur le dos d'Ewella étendue qui se débat vainement, elle enfonce sa peur de la mort dans l'esprit perturbé de sa sœur, et lui insuffle un Chaos délicieux et la vision gravée au fond de son âme...
La douleur d'Ewella est terrible, il lui semble qu'elle meure et revient à la vie plusieurs fois d'affilée tandis que son esprit est mis à nu par une volonté glacée, puis ravagé par une vague de feu, émietté et remodelé, et cela pendant deux éternités.
Miryal se relève et s'écarte d'un pas. C'est terminé.
Discorde ramasse son corps déchu et s'accroupit derrière elle.
"Cela ne fait que commencer" annonce-t-elle à celle qu'elle a Asservie à sa volonté.
Et Jennesta tombe de la falaise poursuivie par le rire dissonant d'une ombre agenouillée, ange igné.
Les ténèbres viennent."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Crépuscule d'Acier, première partie : Si le Chaos règne...
Chemins ratés, chemins passés, chemins damnés, perdus.
Certains lumineux, d'autres sombres, d'autres encore bruyants ou soumis.
Corbeaux blancs, corbeaux rouges, corbeaux noirs.
Sinueux, mêlés, rejetés, reniés, voulus.
Bêtes, aussi, sauvages, domptées, dressées, contenues. Cœur ou âme, fers aux pieds ou corde au cou, collier de cuir.
Parfois tout nos choix, nos actes, nos réussites et nos échecs, parfois tout cela ne parvient pas à changer le futur. Sans doute comprend-t-il des évènements fixes dans son flot perpétuel, des évènements vers lesquels convergent tous les possibles, pour renaître ensuite, épurés, différents.
Points de convergence, points d'arrêt, points fixes, immobiles, silencieux.
Points de non retour.
Au-delà l'avenir se réécrit, au-delà passé et présent n'ont plus d'importance, seule compte la projection de nos actes instantanés à travers le miroir inversé et grisé d'un évènement déjà joué qui prend des allures de destin versatile.
Le temps fuit comme une garce volage, emportant avec lui souvenirs et espoirs, haines et larmes, et ne laissant sous nos crânes que le hurlement de cette bête tapie au cœur de notre inconscient.
Avance, avance, et sent la peur qui t'étreint. Voilà la variable aléatoire qui a été inclue dans l'équation de ton âme, par cet homme, que tous regardent avec respect même dans la déchéance de sa mort, cet homme, Grégori Estran.
Oui, j'ai mis du temps à comprendre le poids et l'influence de ce don qu'il t'a fait, mais maintenant, alors que tu t'avances vers moi, je sais.
Je sais qui tu es, Lame la mercenaire, même si j'aurais dû le savoir depuis longtemps.
Tu me toises de haut. Comment peux-tu seulement croire, penser même que tu peux te le permettre ?
Je suis la Dame, chienne, et ton destin est de me servir. Le destin que de mes mains rouges j'ai façonné à ta naissance.
Mais le temps défile toujours, plus preste maintenant que le monde perd ses couleurs pour ces deux êtres et se nimbe peu à peu des brumes d'une lutte qui dépasse le manichéen.
Chemins ratés, chemins passés, chemins damnés, perdus.
Certains lumineux, d'autres sombres, d'autres encore bruyants ou soumis.
Corbeaux blancs, corbeaux rouges, corbeaux noirs.
Sinueux, mêlés, rejetés, reniés, voulus.
Bêtes, aussi, sauvages, domptées, dressées, contenues. Cœur ou âme, fers aux pieds ou corde au cou, collier de cuir.
Parfois tout nos choix, nos actes, nos réussites et nos échecs, parfois tout cela ne parvient pas à changer le futur. Sans doute comprend-t-il des évènements fixes dans son flot perpétuel, des évènements vers lesquels convergent tous les possibles, pour renaître ensuite, épurés, différents.
Points de convergence, points d'arrêt, points fixes, immobiles, silencieux.
Points de non retour.
Au-delà l'avenir se réécrit, au-delà passé et présent n'ont plus d'importance, seule compte la projection de nos actes instantanés à travers le miroir inversé et grisé d'un évènement déjà joué qui prend des allures de destin versatile.
Le temps fuit comme une garce volage, emportant avec lui souvenirs et espoirs, haines et larmes, et ne laissant sous nos crânes que le hurlement de cette bête tapie au cœur de notre inconscient.
Avance, avance, et sent la peur qui t'étreint. Voilà la variable aléatoire qui a été inclue dans l'équation de ton âme, par cet homme, que tous regardent avec respect même dans la déchéance de sa mort, cet homme, Grégori Estran.
Oui, j'ai mis du temps à comprendre le poids et l'influence de ce don qu'il t'a fait, mais maintenant, alors que tu t'avances vers moi, je sais.
Je sais qui tu es, Lame la mercenaire, même si j'aurais dû le savoir depuis longtemps.
Tu me toises de haut. Comment peux-tu seulement croire, penser même que tu peux te le permettre ?
Je suis la Dame, chienne, et ton destin est de me servir. Le destin que de mes mains rouges j'ai façonné à ta naissance.
Mais le temps défile toujours, plus preste maintenant que le monde perd ses couleurs pour ces deux êtres et se nimbe peu à peu des brumes d'une lutte qui dépasse le manichéen.
Dernière édition par La Dame le Jeu 18 Avr 2013, 15:47, édité 1 fois
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Crépuscule d'Acier, deuxième partie : La folie suit son propre cours.
Comme une nuée de corbeaux fous, blancs, rouges, noirs, je rassemble toute cette magie que j'ai volée.
Point de non retour.
C'est ici que tout se joue.
Toutefois cela n'est ni un aboutissement ni la fin de la route. C'est un jalon, un simple croisement, un carrefour, une bifurcation.
Car le chemin se poursuit, infini, lumineux, et aussi parce que cet évènement nécessaire à la bonne tenue des lois de l'Univers ne concerne que deux âmes, peut-être trois, dans l'enchevêtrement vivace d'un écheveau de vies emmêlées, de destins facétieux et de hasards permanents.
Le combat s'engage, portant sur le plan matériel ce que les mots sur l'éthéré peinent à exprimer. Un bâton, haine, face à deux lames, liberté et harmonie, une âme, décuplée par des pouvoirs qui ne lui appartiennent pas, face à un esprit qui a renoncé aux siens pour garantir l'équilibre, le combat est inégal et elles le savent.
Coup porté, main tendue.
Déferlante de volonté, chemin palpitant de vie.
Souplesse et fluidité.
Violence et rage.
Peu à peu les coups portent. L'une de nous tombe, mais à ce stade nos esprits sont si liés dans un autre plan qu'il nous semble ne faire qu'un.
Sans doute est-ce vrai mais je ne saurais le tolérer.
Ploie !
C'est Souvenir qui ploie, et peu à peu, cette main tendue, cet insidieux appel se rapproche, avec ces airs aseptisés dont se parent certaines morts troublées. Le temps défile encore mais lorsque que le rite commence il semble ralentir et refluer, animal apeuré par la lueur souple d'un feu de camp.
A ce moment-là les choses s'embrouillent, la raison se perd et hésite. Ici les morts n'ont plus de repos. Ici, les morts n'ont plus de sommeil, et dansent, dansent, dansent, cercle abject aux pâles reflets éternels, dansent pour faire ployer l'échine d'une bête, d'un être, humain peut-être ? à la volonté d'un autre.
Comme une nuée de corbeaux fous, blancs, rouges, noirs, je rassemble toute cette magie que j'ai volée.
Point de non retour.
C'est ici que tout se joue.
Toutefois cela n'est ni un aboutissement ni la fin de la route. C'est un jalon, un simple croisement, un carrefour, une bifurcation.
Car le chemin se poursuit, infini, lumineux, et aussi parce que cet évènement nécessaire à la bonne tenue des lois de l'Univers ne concerne que deux âmes, peut-être trois, dans l'enchevêtrement vivace d'un écheveau de vies emmêlées, de destins facétieux et de hasards permanents.
Le combat s'engage, portant sur le plan matériel ce que les mots sur l'éthéré peinent à exprimer. Un bâton, haine, face à deux lames, liberté et harmonie, une âme, décuplée par des pouvoirs qui ne lui appartiennent pas, face à un esprit qui a renoncé aux siens pour garantir l'équilibre, le combat est inégal et elles le savent.
Coup porté, main tendue.
Déferlante de volonté, chemin palpitant de vie.
Souplesse et fluidité.
Violence et rage.
Peu à peu les coups portent. L'une de nous tombe, mais à ce stade nos esprits sont si liés dans un autre plan qu'il nous semble ne faire qu'un.
Sans doute est-ce vrai mais je ne saurais le tolérer.
Ploie !
C'est Souvenir qui ploie, et peu à peu, cette main tendue, cet insidieux appel se rapproche, avec ces airs aseptisés dont se parent certaines morts troublées. Le temps défile encore mais lorsque que le rite commence il semble ralentir et refluer, animal apeuré par la lueur souple d'un feu de camp.
A ce moment-là les choses s'embrouillent, la raison se perd et hésite. Ici les morts n'ont plus de repos. Ici, les morts n'ont plus de sommeil, et dansent, dansent, dansent, cercle abject aux pâles reflets éternels, dansent pour faire ployer l'échine d'une bête, d'un être, humain peut-être ? à la volonté d'un autre.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Crépuscule d'Acier, final.
C'est une totale dérision. Car que pèse le chemin de ces deux vies-là dans la balance que tiennent main dans la main hasard et destin ?
La nuit elle-même se moque d'elles. Et pourtant dans un coin de cette dimension et peut-être d'une autre, le résultat de cette lutte minime et titanesque aura une importance. Et des conséquences. Et le paradoxe, lui, inquiet, sait bien qu'il ne fait que traduire la petitesse des êtres vivants et non-vivants dans l'échéance quasi-éternelle.
Oui, la fin est proche. Le Chaos sonne et l'Harmonie pleure. Le Bien et le Mal se patinent et s'enferment l'un dans l'autre. Cela n'a aucune importance. Le vent se lèvera et balaiera tout, ne laissant que de vagues traces dans les mémoires et les carnets. C'est la seule forme d'immortalité à laquelle nous pouvons aspirer.
Éclat bleuté, frais, pur, magique.
Quelqu'un d'autre s'est mis de la partie et l'Asservissement qui pèse sur l'âme de Souvenir agenouillée se dissipe. Dawn Syluin peut-être ?
Je l'ignore. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle le Fantasque et qu'il me glisse continuellement entre les doigts. Pourtant je sens la présence de plusieurs fantômes près de moi, comme si la brume avait soupiré dans un sursaut de son sommeil ancestral.
Oui, il est là. Mais il n'agit pas.
Pauvre Souvenir, personne ne viendra à ton secours.
Le passé est enchaîné par des rivets de fer.
Le vent frais pousse dans le ciel clair une myriade de joies luminescentes et incongrues, insensées.
C'est Jennesta qui se tient-là.
Ma sœur, ma très chère sœur, se pourrait-il que ta lente déchéance ait pris fin ?
Mais une autre fin approche, je sens sur ma langue le goût cuivré de l'inéluctable et dans mes entrailles les pincements rythmés d'un doute subsidiaire.
Car tu avais promis ta visite lorsque cette fin-là s'aventurerait trop près des mondes mortels.
Que n'ai-je réussi à te tuer.
Deux lames se fichent en moi et fouaillent mes chairs.
A-t-on déjà connu pareille douleur ?
C'est une main incandescente qui s'amuse à emmêler mes tripes, alors que le doute se pare de nouveaux reflets et explose dans la certitude de l'inexorable.
La mort vient te cueillir, vieux démon. Tu brûleras éternellement dans les plus poussiéreux enfers, car c'est là tout ce que, par tes actes et ton insistance à vouloir te jouer du destin, tu as mérité.
Ha. Quelle dérision.
Je m'effondre et baigne dans mon sang, qui m'imbibe peu à peu.
Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir.
Je ne veux pas...
Je ne...
C'est une totale dérision. Car que pèse le chemin de ces deux vies-là dans la balance que tiennent main dans la main hasard et destin ?
La nuit elle-même se moque d'elles. Et pourtant dans un coin de cette dimension et peut-être d'une autre, le résultat de cette lutte minime et titanesque aura une importance. Et des conséquences. Et le paradoxe, lui, inquiet, sait bien qu'il ne fait que traduire la petitesse des êtres vivants et non-vivants dans l'échéance quasi-éternelle.
Oui, la fin est proche. Le Chaos sonne et l'Harmonie pleure. Le Bien et le Mal se patinent et s'enferment l'un dans l'autre. Cela n'a aucune importance. Le vent se lèvera et balaiera tout, ne laissant que de vagues traces dans les mémoires et les carnets. C'est la seule forme d'immortalité à laquelle nous pouvons aspirer.
Éclat bleuté, frais, pur, magique.
Quelqu'un d'autre s'est mis de la partie et l'Asservissement qui pèse sur l'âme de Souvenir agenouillée se dissipe. Dawn Syluin peut-être ?
Je l'ignore. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle le Fantasque et qu'il me glisse continuellement entre les doigts. Pourtant je sens la présence de plusieurs fantômes près de moi, comme si la brume avait soupiré dans un sursaut de son sommeil ancestral.
Oui, il est là. Mais il n'agit pas.
Pauvre Souvenir, personne ne viendra à ton secours.
Le passé est enchaîné par des rivets de fer.
Le vent frais pousse dans le ciel clair une myriade de joies luminescentes et incongrues, insensées.
C'est Jennesta qui se tient-là.
Ma sœur, ma très chère sœur, se pourrait-il que ta lente déchéance ait pris fin ?
Mais une autre fin approche, je sens sur ma langue le goût cuivré de l'inéluctable et dans mes entrailles les pincements rythmés d'un doute subsidiaire.
Car tu avais promis ta visite lorsque cette fin-là s'aventurerait trop près des mondes mortels.
Que n'ai-je réussi à te tuer.
Deux lames se fichent en moi et fouaillent mes chairs.
A-t-on déjà connu pareille douleur ?
C'est une main incandescente qui s'amuse à emmêler mes tripes, alors que le doute se pare de nouveaux reflets et explose dans la certitude de l'inexorable.
La mort vient te cueillir, vieux démon. Tu brûleras éternellement dans les plus poussiéreux enfers, car c'est là tout ce que, par tes actes et ton insistance à vouloir te jouer du destin, tu as mérité.
Ha. Quelle dérision.
Je m'effondre et baigne dans mon sang, qui m'imbibe peu à peu.
Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir.
Je ne veux pas...
Je ne...
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Quelques heures avant la chute et la mort de la Dame.
Le soir d'ordinaire clair se couvrait d'un voile opaque.
Il lui semblait soudain que les instincts de la Bête mal mélangée à sa lucidité vacillante s'éveillaient et entraient en guerre les uns contre les autres. Ce fracas chaotiques torturait sa conscience faible.
D'où peut être venue à un esclave brisé la volonté de sauver sa maîtresse ?
Sans doute chaque être, même le plus méprisable, même le plus désespéré, possède en lui, soigneusement celé, un amour de la vie, un attachement à sa propre existence, qui souvent est appelé instinct de survie. Il a besoin d'elle pour continuer à exister, tout simplement. Elle le tient en laisse par sa folie.
Un autre point de non-retour, en quelque sorte.
Hiver ressemble à n'importe quel worgen en apparence. Mais son poil grisonnant est rêche et emmêlé, ses yeux bleutés sont angoissés et larmoyants. Maigre, il tressaille souvent. Mais cela n'est que le reflet d'une autre réalité.
Ils sont là, les amis de Lame dont il a inconsciemment deviné la véritable identité, groupés avec d'autres créatures humaines devant cette fontaine glougloutante. Comment peuvent-ils rester aussi ignorants face à l'ignominieuse et chétive chose qui s'en prend à Elle ?
Il le sent. Il sent les coups échangés comme si chacun d'eux était porté à sa propre chair. Frémissant comme une guirlande d'ossements hantée, il charge le groupe, rugissant -couinant serait plus exact- sa terreur, cherchant à mordre et à griffer, maintenant revenu sous le joug de la Bête blafarde.
Tourment est là aussi, portant sur ses brillants atours l'ombre éclatante de son nouveau nom, oublieux d'un autre temps où le pouvoir se consommait aisément, au côté de sa nouvelle maîtresse à l'aura puante même pour les miettes de son esprit, et l'informateur innocent, et la démoniste avide.
Pourquoi, pourquoi lui font-ils du mal ?
Laissez-la, laissez-la !
Il sent leur incompréhension, leur rage, leur haine, leur indifférence.
Il sent des larmes incongrues piquer les yeux de ce corps bestial qu'il ne peut plus quitter, ne sachant comment cracher à la face du monde son désarroi et sa médiocrité.
La chair morte de Tourment est rance dans sa gueule alors qu'il lui déchire la gorge de ses crocs.
Que croit-il ? C'est inutile.
Les flammes le brûlent et le poussent vers l'eau rassurante de la fontaine toujours présente.
L'épée de Tourment fauche sa tête.
Et, tandis que son sang rougit cette eau qui fut rassurante pour son esprit ravagé, son regard surpris, encore vivace, adresse à l'univers un inquiétant au revoir.
Le soir d'ordinaire clair se couvrait d'un voile opaque.
Il lui semblait soudain que les instincts de la Bête mal mélangée à sa lucidité vacillante s'éveillaient et entraient en guerre les uns contre les autres. Ce fracas chaotiques torturait sa conscience faible.
D'où peut être venue à un esclave brisé la volonté de sauver sa maîtresse ?
Sans doute chaque être, même le plus méprisable, même le plus désespéré, possède en lui, soigneusement celé, un amour de la vie, un attachement à sa propre existence, qui souvent est appelé instinct de survie. Il a besoin d'elle pour continuer à exister, tout simplement. Elle le tient en laisse par sa folie.
Un autre point de non-retour, en quelque sorte.
Hiver ressemble à n'importe quel worgen en apparence. Mais son poil grisonnant est rêche et emmêlé, ses yeux bleutés sont angoissés et larmoyants. Maigre, il tressaille souvent. Mais cela n'est que le reflet d'une autre réalité.
Ils sont là, les amis de Lame dont il a inconsciemment deviné la véritable identité, groupés avec d'autres créatures humaines devant cette fontaine glougloutante. Comment peuvent-ils rester aussi ignorants face à l'ignominieuse et chétive chose qui s'en prend à Elle ?
Il le sent. Il sent les coups échangés comme si chacun d'eux était porté à sa propre chair. Frémissant comme une guirlande d'ossements hantée, il charge le groupe, rugissant -couinant serait plus exact- sa terreur, cherchant à mordre et à griffer, maintenant revenu sous le joug de la Bête blafarde.
Tourment est là aussi, portant sur ses brillants atours l'ombre éclatante de son nouveau nom, oublieux d'un autre temps où le pouvoir se consommait aisément, au côté de sa nouvelle maîtresse à l'aura puante même pour les miettes de son esprit, et l'informateur innocent, et la démoniste avide.
Pourquoi, pourquoi lui font-ils du mal ?
Laissez-la, laissez-la !
Il sent leur incompréhension, leur rage, leur haine, leur indifférence.
Il sent des larmes incongrues piquer les yeux de ce corps bestial qu'il ne peut plus quitter, ne sachant comment cracher à la face du monde son désarroi et sa médiocrité.
La chair morte de Tourment est rance dans sa gueule alors qu'il lui déchire la gorge de ses crocs.
Que croit-il ? C'est inutile.
Les flammes le brûlent et le poussent vers l'eau rassurante de la fontaine toujours présente.
L'épée de Tourment fauche sa tête.
Et, tandis que son sang rougit cette eau qui fut rassurante pour son esprit ravagé, son regard surpris, encore vivace, adresse à l'univers un inquiétant au revoir.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Nouveau jour, nouvelle lettre.
Rislon Milloin :
"C'était il y a une quarantaine d'années, dans le cœur même du brillant royaume de Lordaeron. Les familles jouaient entre elles.
- Soyez assurée de notre soutien, ma chère, a dit Lady Myrren Hendrake.
L'autre a incliné la tête, le visage pâle et défait, ses longs cheveux blonds venant en cacher le chagrin bien visible.
- Et soyez-en remerciée... a-t-elle murmuré. C'est rassurant de pouvoir compter sur sa famille, même éloignée, dans les temps de troubles et de maladies.
Ashton Hendrake regardait les deux femmes de ses yeux graves. Du haut de ses quinze ans, il lisait clairement l'avidité de sa mère et la naïveté de Lady Moggins. Il a pris la parole.
- C'est tout à votre honneur de veiller sur votre époux, Lady, durant sa lente agonie.
Elles ont pivoté vers lui et l'ont jaugé du regard, l'une avec rancœur et lassitude, l'autre avec hargne et malice.
- Je sais qu'il est perdu, a reprit Lady Moggins. Alden est vieux... Mais... Il est mage. Alors peut-être que ... ?
Myrren a secoué la tête et pris les mains de la femme, sans mot dire. Son fils a souri intérieurement, néanmoins troublé par la manipulation et tout ce qu'elle avait de détestable.
(C'est un homme avec un devoir.)
Un cri s'est élevé d'une pièce proche. Aucun mot n'a été échangé mais tous savaient.
Lord Alden Moggins venait de rejoindre la Lumière.
Myrren a serré plus fort les mains de Lady Moggins qui s'était mise à sangloter. Elle s'est effondrée lentement, ployant les genoux puis se recroquevillant dans les plis de sa robe.
- La mort de l'ange, a commenté Myrren. Elle a repoussé sa défunte homologue du pied et s'est agenouillée.
Ashton n'a pas bougé. Il sentait le léger parfum d'Ombre qui entourait le corps et sa sorcière de mère.
Les dés sont jetés, a-t-il songé. Nous n'oublions pas, nous ne pardonnons pas.
Lady Hendrake a rajusté sa coiffure, s'est tapoté les joues pour leur donner une rougeur calculée.
- La comédie va commencer, a-t-elle fait remarquer. En silence son fils a acquiescé.
Déjà, Myrren se mettait à hurler, les gardes à arriver, à essayer avec elle de ranimer leur maîtresse, sans succès évidemment.
Plusieurs jours après les deux fils Moggins sont devenus pupilles Hendrake.
Lady Myrren a ramené dans son giron toutes leurs richesses, leurs terres, leurs hommes, leurs vies
(Leurs âmes)
en en faisant la propriété Hendrake.
Ashton en a éprouvé une fascination malsaine, un dégoût piquant mais il s'est tu.
La vie a continué."
Rislon Milloin :
"C'était il y a une quarantaine d'années, dans le cœur même du brillant royaume de Lordaeron. Les familles jouaient entre elles.
- Soyez assurée de notre soutien, ma chère, a dit Lady Myrren Hendrake.
L'autre a incliné la tête, le visage pâle et défait, ses longs cheveux blonds venant en cacher le chagrin bien visible.
- Et soyez-en remerciée... a-t-elle murmuré. C'est rassurant de pouvoir compter sur sa famille, même éloignée, dans les temps de troubles et de maladies.
Ashton Hendrake regardait les deux femmes de ses yeux graves. Du haut de ses quinze ans, il lisait clairement l'avidité de sa mère et la naïveté de Lady Moggins. Il a pris la parole.
- C'est tout à votre honneur de veiller sur votre époux, Lady, durant sa lente agonie.
Elles ont pivoté vers lui et l'ont jaugé du regard, l'une avec rancœur et lassitude, l'autre avec hargne et malice.
- Je sais qu'il est perdu, a reprit Lady Moggins. Alden est vieux... Mais... Il est mage. Alors peut-être que ... ?
Myrren a secoué la tête et pris les mains de la femme, sans mot dire. Son fils a souri intérieurement, néanmoins troublé par la manipulation et tout ce qu'elle avait de détestable.
(C'est un homme avec un devoir.)
Un cri s'est élevé d'une pièce proche. Aucun mot n'a été échangé mais tous savaient.
Lord Alden Moggins venait de rejoindre la Lumière.
Myrren a serré plus fort les mains de Lady Moggins qui s'était mise à sangloter. Elle s'est effondrée lentement, ployant les genoux puis se recroquevillant dans les plis de sa robe.
- La mort de l'ange, a commenté Myrren. Elle a repoussé sa défunte homologue du pied et s'est agenouillée.
Ashton n'a pas bougé. Il sentait le léger parfum d'Ombre qui entourait le corps et sa sorcière de mère.
Les dés sont jetés, a-t-il songé. Nous n'oublions pas, nous ne pardonnons pas.
Lady Hendrake a rajusté sa coiffure, s'est tapoté les joues pour leur donner une rougeur calculée.
- La comédie va commencer, a-t-elle fait remarquer. En silence son fils a acquiescé.
Déjà, Myrren se mettait à hurler, les gardes à arriver, à essayer avec elle de ranimer leur maîtresse, sans succès évidemment.
Plusieurs jours après les deux fils Moggins sont devenus pupilles Hendrake.
Lady Myrren a ramené dans son giron toutes leurs richesses, leurs terres, leurs hommes, leurs vies
(Leurs âmes)
en en faisant la propriété Hendrake.
Ashton en a éprouvé une fascination malsaine, un dégoût piquant mais il s'est tu.
La vie a continué."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
La soirée se tenait par un soir clair. Dans la vaste salle dallée et décorée pour l'occasion, des couples élégants tournoyaient sur les arabesques lentes des harmoniques d'une valse traditionnelle. La réception se tenait au cœur du domaine Hendrake, dans la salle de bal, aux murs tendus d'une étoffe frappée du blason de la famille, le loup noir hurlant à la pleine lune.
Le choix des invités n'est jamais, dans ces soirées qui ont une visée politique autre que l'étalage simple de la richesse, totalement fortuit.
Moggins, Heyrin, Henrish, Oras, toutes familles apparentées de près ou de loin à la maison Hendrake, excepté le tout jeune couple à peine formé, remarquable par la blancheur de leurs chevelures contrastant nettement avec l'ébène du reste des invités, venus représenter la famille Syluin.
Ashton regardait ce beau monde défiler devant ses yeux avec une once de dégoût. Malgré les quatre ans écoulés la mort de Lady Moggins pesait sur ses épaules. Il connaissait pourtant les manœuvres familiales, il y avait participé plus qu'à son tour, mais aujourd'hui ce souvenir le hantait.
Un couple est passé en virevoltant devant lui. Il connaissait l'homme, ce grand efflanqué, comme étant Lloyd Henrish, à peine plus âgé que lui. La jeune femme qui dansait avec lui, un air hautain plaqué sur son visage aux traits de statue, était la sœur de Lloyd, une puissante sorcière.
Ashton a soupiré. C'était là son destin, épouser la femme Henrish.
Puis ils se sont éloignés et nouveau couple est passé. C'était sa mère, Lady Myrren, que faisait danser le lord Syluin, concentré sur ses pas. Puis un nouveau couple. Et autre, dont la femme, presque une enfant encore, s'est trouvée fugacement en face de lui, au détour d'une courbe.
Elle lui a souri, et il a senti le remords approcher, ses lourds sabots ferrés martelant son échine. Refusant de ployer, il s'est raccroché à la lumière pure qu'il avait deviné dans ce sourire. Qui était-elle ? Pourquoi n'était-elle pas corrompue ?
Autant de questions sans réponses.
- Nous avons réussi, lui a dit Myrren en se glissant à ses côtés, froide et sévère. Ils sont tous nôtres. Tu épouseras, comme tu le sais, la sœur de Lloyd Henrish, qui lui-même épouseras Kyrie Oras, que tu vois là, dans la robe bleue. Elle se refuse encore au jeu des intrigues, la pauvre enfant, mais bientôt...
Ashton a cessé d'écouter, cessé de résister. Il s'est simplement laissé
(noyer.)
emporter.
Kyrie la pure, Kyrie la blanche, Kyrie qui lui avait souri, épouser le détestable et vicieux Lloyd Henrish ?
Les Hendrake naissaient-ils fourbes ? Ou le devenaient-ils ?
Droiture ou devoir ?
Droiture comme une lame tranchant au milieu de ce ramassis d'intrigants, qu'ils aillent au cœur de leur Lumière tant haïe ?
Devoir, bouclier sombre et droiture détournée, car la société ne pouvait être changée par la seule vertu de quelques uns, Lumière ou non ?"
La soirée se tenait par un soir clair. Dans la vaste salle dallée et décorée pour l'occasion, des couples élégants tournoyaient sur les arabesques lentes des harmoniques d'une valse traditionnelle. La réception se tenait au cœur du domaine Hendrake, dans la salle de bal, aux murs tendus d'une étoffe frappée du blason de la famille, le loup noir hurlant à la pleine lune.
Le choix des invités n'est jamais, dans ces soirées qui ont une visée politique autre que l'étalage simple de la richesse, totalement fortuit.
Moggins, Heyrin, Henrish, Oras, toutes familles apparentées de près ou de loin à la maison Hendrake, excepté le tout jeune couple à peine formé, remarquable par la blancheur de leurs chevelures contrastant nettement avec l'ébène du reste des invités, venus représenter la famille Syluin.
Ashton regardait ce beau monde défiler devant ses yeux avec une once de dégoût. Malgré les quatre ans écoulés la mort de Lady Moggins pesait sur ses épaules. Il connaissait pourtant les manœuvres familiales, il y avait participé plus qu'à son tour, mais aujourd'hui ce souvenir le hantait.
Un couple est passé en virevoltant devant lui. Il connaissait l'homme, ce grand efflanqué, comme étant Lloyd Henrish, à peine plus âgé que lui. La jeune femme qui dansait avec lui, un air hautain plaqué sur son visage aux traits de statue, était la sœur de Lloyd, une puissante sorcière.
Ashton a soupiré. C'était là son destin, épouser la femme Henrish.
Puis ils se sont éloignés et nouveau couple est passé. C'était sa mère, Lady Myrren, que faisait danser le lord Syluin, concentré sur ses pas. Puis un nouveau couple. Et autre, dont la femme, presque une enfant encore, s'est trouvée fugacement en face de lui, au détour d'une courbe.
Elle lui a souri, et il a senti le remords approcher, ses lourds sabots ferrés martelant son échine. Refusant de ployer, il s'est raccroché à la lumière pure qu'il avait deviné dans ce sourire. Qui était-elle ? Pourquoi n'était-elle pas corrompue ?
Autant de questions sans réponses.
- Nous avons réussi, lui a dit Myrren en se glissant à ses côtés, froide et sévère. Ils sont tous nôtres. Tu épouseras, comme tu le sais, la sœur de Lloyd Henrish, qui lui-même épouseras Kyrie Oras, que tu vois là, dans la robe bleue. Elle se refuse encore au jeu des intrigues, la pauvre enfant, mais bientôt...
Ashton a cessé d'écouter, cessé de résister. Il s'est simplement laissé
(noyer.)
emporter.
Kyrie la pure, Kyrie la blanche, Kyrie qui lui avait souri, épouser le détestable et vicieux Lloyd Henrish ?
Les Hendrake naissaient-ils fourbes ? Ou le devenaient-ils ?
Droiture ou devoir ?
Droiture comme une lame tranchant au milieu de ce ramassis d'intrigants, qu'ils aillent au cœur de leur Lumière tant haïe ?
Devoir, bouclier sombre et droiture détournée, car la société ne pouvait être changée par la seule vertu de quelques uns, Lumière ou non ?"
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
Deux ans après Lloyd épousait Kyrie sous le regard placide d'Ashton, et prenait le nom Hendrake avec sa jeune épousée.
Le mariage s'est tenu sans aucune pompe et en comité réduit. Kyrie a répondu "oui" à un prêtre mal à l'aise et les formalités ont été expédiées.
Kyrie était ce que l'on appelle aujourd'hui, pragmatiquement, quelqu'un de bien. A vrai dire, elle était un symbole de pureté dans cet environnement exclusivement composé de toiles de mensonges et de rivalités tissées depuis des siècles, une lueur d'espoir dans un monde d'ombres mouvantes, indiscernables. Elle n'a jamais renoncé à ses convictions, jamais, pour qui que ce soit. Là où les autres se perdaient en circonvolutions aristocratiques et frappaient clair dans les dos tournés, elle allait droit, juste et sévère, dédaignant les luttes mesquines des familles et plus particulièrement des Hendrake. J'imagine qu'en tant de guerre on l'aurait considérée comme une héroïne.
Cela lui a valu l'oubli. Les Hendrake l'ont repoussée dans l'ombre et tenue à l'écart de toute vie politique. Ashton lui rendait souvent visite et en sortait vide, épuré, quelque peu écrasé même par le poids de ses choix. A chacune de ces visites, de plus en plus régulières, son ancien dilemme revenait.
A vingt et un ans, pouvait-il suivre la voie illuminée qu'ouvrait Kyrie ?
Pouvait-il réellement changer ?
Droiture ou devoir ? Sentiments ou raison ?
Il revenait vite à son premier choix, en se disant qu'il était trop tard pour lui, trop tard pour faire marche arrière. Sans doute Myrren l'aurait-elle éliminé avant qu'il ait l'occasion de faire quoi que ce soit. Quoiqu'il passait déjà pour un naïf dans sa famille, au mieux pour un fourvoyé amoureux."
Deux ans après Lloyd épousait Kyrie sous le regard placide d'Ashton, et prenait le nom Hendrake avec sa jeune épousée.
Le mariage s'est tenu sans aucune pompe et en comité réduit. Kyrie a répondu "oui" à un prêtre mal à l'aise et les formalités ont été expédiées.
Kyrie était ce que l'on appelle aujourd'hui, pragmatiquement, quelqu'un de bien. A vrai dire, elle était un symbole de pureté dans cet environnement exclusivement composé de toiles de mensonges et de rivalités tissées depuis des siècles, une lueur d'espoir dans un monde d'ombres mouvantes, indiscernables. Elle n'a jamais renoncé à ses convictions, jamais, pour qui que ce soit. Là où les autres se perdaient en circonvolutions aristocratiques et frappaient clair dans les dos tournés, elle allait droit, juste et sévère, dédaignant les luttes mesquines des familles et plus particulièrement des Hendrake. J'imagine qu'en tant de guerre on l'aurait considérée comme une héroïne.
Cela lui a valu l'oubli. Les Hendrake l'ont repoussée dans l'ombre et tenue à l'écart de toute vie politique. Ashton lui rendait souvent visite et en sortait vide, épuré, quelque peu écrasé même par le poids de ses choix. A chacune de ces visites, de plus en plus régulières, son ancien dilemme revenait.
A vingt et un ans, pouvait-il suivre la voie illuminée qu'ouvrait Kyrie ?
Pouvait-il réellement changer ?
Droiture ou devoir ? Sentiments ou raison ?
Il revenait vite à son premier choix, en se disant qu'il était trop tard pour lui, trop tard pour faire marche arrière. Sans doute Myrren l'aurait-elle éliminé avant qu'il ait l'occasion de faire quoi que ce soit. Quoiqu'il passait déjà pour un naïf dans sa famille, au mieux pour un fourvoyé amoureux."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Frimas descend de son griffon à moitié pestiféré, puis, retirant son gantelet de saronite, force l'enfant à faire de même.
Devant eux, la gamine se tient droite, visiblement effrayée mais avec une fierté issue d'on ne sait où qui lui interdit de prendre la fuite.
"Meyrne Hendrake" dit-il, s'efforçant d'afficher un air placide.
"- Qui êtes-vous ?
- Je suis Frimas. Tu apprendras bientôt à me connaître. J'étais général de l'Empire des Ombres..."
Il s'interrompt, réfléchit un moment, puis tente d'esquisser un sourire sur son visage immobile.
"Non, attends. Je suis l'Empire des Ombres."
Il tient devant lui l'enfant par la nuque, dans un geste qui semblerait paternel si la saronite de son brassard n'était pas dangereusement proche de la peau du gosse.
"Qu'est-ce que vous me voulez ? C'est quoi l'Empire des Ombres ?"
Alors, il pousse Cianor vers elle, lequel se laisse faire, totalement indifférent.
"- Tu auras bientôt besoin de ça... Enfin, ce n'est pas tout à fait exact. Tu diras à Dawn Syluin, la prochaine fois que que ce chien viendra renifler ses traces, que dans la partie qui commence je viens contre-balancer son influence. Il a déjà choisi son camp puisqu'il se pose comme ton champion, et c'en est bientôt terminé de ses magouilles infâmes. Cette misérable ordure sera la première à payer. Je le traquerai personnellement. Son esprit dérangé causera sa perte. C'est une promesse."
Devant eux, la gamine se tient droite, visiblement effrayée mais avec une fierté issue d'on ne sait où qui lui interdit de prendre la fuite.
"Meyrne Hendrake" dit-il, s'efforçant d'afficher un air placide.
"- Qui êtes-vous ?
- Je suis Frimas. Tu apprendras bientôt à me connaître. J'étais général de l'Empire des Ombres..."
Il s'interrompt, réfléchit un moment, puis tente d'esquisser un sourire sur son visage immobile.
"Non, attends. Je suis l'Empire des Ombres."
Il tient devant lui l'enfant par la nuque, dans un geste qui semblerait paternel si la saronite de son brassard n'était pas dangereusement proche de la peau du gosse.
"Qu'est-ce que vous me voulez ? C'est quoi l'Empire des Ombres ?"
Alors, il pousse Cianor vers elle, lequel se laisse faire, totalement indifférent.
"- Tu auras bientôt besoin de ça... Enfin, ce n'est pas tout à fait exact. Tu diras à Dawn Syluin, la prochaine fois que que ce chien viendra renifler ses traces, que dans la partie qui commence je viens contre-balancer son influence. Il a déjà choisi son camp puisqu'il se pose comme ton champion, et c'en est bientôt terminé de ses magouilles infâmes. Cette misérable ordure sera la première à payer. Je le traquerai personnellement. Son esprit dérangé causera sa perte. C'est une promesse."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Toujours ces lettres arrivent, jamais signées, même si on note les intrusions de l'auteur dans le cours du récit...
"Rislon Milloin : Il y a 30 ans.
- Ma Dame, a dit Arkhat. Il s'est incliné et a profité de ce laps de temps ou son visage n'était plus visible à Cyan pour esquisser un fin sourire.
Elle a salué d'un simple hochement de tête.
- Vous savez pourtant que vous n'êtes pas censé me voir avant que nos serments soient prononcés.
Elle s'est avancée vers la haute fenêtre, lissant de la main la somptueuse robe blanche fleurie qui l'enveloppait délicatement.
- Je devais m'assurer que vous n'afficheriez plus cet air maussade qui ne vous sied guère pendant la cérémonie.
Il a tendu la main vers elle. Cyan ne s'est pas retournée.
- Soyez sans crainte mon Seigneur, je me réjouis, par avance de ce mariage et de tout ce qu'il m'apportera à l'avenir.
L'ironie de sa voix a blessé le paladin qui a reculé, comme frappé de plein fouet.
- Si vous vouliez me voir souriante, a-t-elle continué, vous n'aviez qu'à me laisser en dehors de vos histoires.
Voyant qu'il gardait le silence, la mariée est allée vers lui, et, lentement, lui a tourné autour.
- Les rumeurs vont bon train lord Maerith. On raconte que la grandeur de votre famille ne serait qu'apparence.
Arkhat s'est raidi.
- Nous assumons toutes nos actions. Ces rumeurs sont infondées, a-t-il répliqué d'un ton sec.
- Croyez-vous ? a souri Cyan.
Il a brutalement abattu son poing sur la commode qui supportait toujours la tiare brodée, faisant sursauter celle qui devait la porter.
- Assez de cela. Les Maerith ne sont pas les Hendrake.
Il lui a jeté un long regard avant de reprendre.
- Terminez vos préparatifs. Le mariage de deux paladins bénis par la Sainte Lumière coupera court aux ragots de basse ville.
Il est sorti d'un pas vif, sous le regard triste de Cyan et son doux sourire."
"Rislon Milloin : Il y a 30 ans.
- Ma Dame, a dit Arkhat. Il s'est incliné et a profité de ce laps de temps ou son visage n'était plus visible à Cyan pour esquisser un fin sourire.
Elle a salué d'un simple hochement de tête.
- Vous savez pourtant que vous n'êtes pas censé me voir avant que nos serments soient prononcés.
Elle s'est avancée vers la haute fenêtre, lissant de la main la somptueuse robe blanche fleurie qui l'enveloppait délicatement.
- Je devais m'assurer que vous n'afficheriez plus cet air maussade qui ne vous sied guère pendant la cérémonie.
Il a tendu la main vers elle. Cyan ne s'est pas retournée.
- Soyez sans crainte mon Seigneur, je me réjouis, par avance de ce mariage et de tout ce qu'il m'apportera à l'avenir.
L'ironie de sa voix a blessé le paladin qui a reculé, comme frappé de plein fouet.
- Si vous vouliez me voir souriante, a-t-elle continué, vous n'aviez qu'à me laisser en dehors de vos histoires.
Voyant qu'il gardait le silence, la mariée est allée vers lui, et, lentement, lui a tourné autour.
- Les rumeurs vont bon train lord Maerith. On raconte que la grandeur de votre famille ne serait qu'apparence.
Arkhat s'est raidi.
- Nous assumons toutes nos actions. Ces rumeurs sont infondées, a-t-il répliqué d'un ton sec.
- Croyez-vous ? a souri Cyan.
Il a brutalement abattu son poing sur la commode qui supportait toujours la tiare brodée, faisant sursauter celle qui devait la porter.
- Assez de cela. Les Maerith ne sont pas les Hendrake.
Il lui a jeté un long regard avant de reprendre.
- Terminez vos préparatifs. Le mariage de deux paladins bénis par la Sainte Lumière coupera court aux ragots de basse ville.
Il est sorti d'un pas vif, sous le regard triste de Cyan et son doux sourire."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
Un an s'est écoulé. Arkhat est brutalement entré dans la pièce où, entourée de sage-femmes, Cyan mettait au monde leur premier enfant. Elle a adressé un sourire las à son époux.
- Veux-tu un garçon ou une fille ?
Il lui a retourné un regard inquiétant.
- Je veux un enfant que la Lumière reconnaîtra.
Elle s'est crispée au creux du lit, secouée de contractions sporadiques.
- Encore cette histoire...
- Encore, oui, et toujours, tant que cet enfant vivra.
- Seigneur, ce sont des jumeaux, la Lumière les bénisse, est intervenue l'une des sage-femmes.
Arkhat a grogné. Cyan a saisi sa main froide dans la sienne, moite mais ferme.
- Arkhat Lightdream Maerith, par ce nom que nous portons et la Lumière qui nous guide, tu ne feras pas de mal à ces enfants.
- Les rumeurs vont bon train Lady Maerith, a-t-il rétorqué en se dégageant. Tous se doutent que ces enfants sont des demi-sang Hendrake.
Il est sorti sans un mot lorsqu'on lui a présenté deux garçons aux cheveux noirs comme la nuit. Il est toutefois revenu pour enlever celui qui avait été baptisé Ashe. Cyan ne l'a jamais revu."
Un an s'est écoulé. Arkhat est brutalement entré dans la pièce où, entourée de sage-femmes, Cyan mettait au monde leur premier enfant. Elle a adressé un sourire las à son époux.
- Veux-tu un garçon ou une fille ?
Il lui a retourné un regard inquiétant.
- Je veux un enfant que la Lumière reconnaîtra.
Elle s'est crispée au creux du lit, secouée de contractions sporadiques.
- Encore cette histoire...
- Encore, oui, et toujours, tant que cet enfant vivra.
- Seigneur, ce sont des jumeaux, la Lumière les bénisse, est intervenue l'une des sage-femmes.
Arkhat a grogné. Cyan a saisi sa main froide dans la sienne, moite mais ferme.
- Arkhat Lightdream Maerith, par ce nom que nous portons et la Lumière qui nous guide, tu ne feras pas de mal à ces enfants.
- Les rumeurs vont bon train Lady Maerith, a-t-il rétorqué en se dégageant. Tous se doutent que ces enfants sont des demi-sang Hendrake.
Il est sorti sans un mot lorsqu'on lui a présenté deux garçons aux cheveux noirs comme la nuit. Il est toutefois revenu pour enlever celui qui avait été baptisé Ashe. Cyan ne l'a jamais revu."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
Les années qui ont suivi ont été paisibles pour les familles. Ashton Hendrake a épousé la sorcière et pris la place de patriarche de la Maison Hendrake après la mort de Lady Myrren dans des circonstances douteuses. Les Maerith ont vu la naissance de Sherlotta, belle enfant aux yeux typiques de sa famille. Les Syluin, eux, Lord Mandor et Lady Ezall, ont mis au monde leur première fille, Aénandra.
C'était une période de paix.
Miryal déambulait dans les ruelles de Dalaran, seule. Elle avait récemment découvert une section particulièrement intéressante dans les bibliothèques et s’exerçait avec un acharnement glacé à accumuler de la puissance.
Et toujours son ombre rôdait.
Plusieurs fois elle avait été repérée par les puissants magi du Kirin Tor, mais Miryal avait prétexté que une sœur devenue folle du fait de sa trop grande affinité avec la magie, et sur laquelle elle "veillait".
Miryal a fini par atteindre le passage et s'y est engagée. Là, elle aurait sa tranquillité. A plusieurs reprises, sa froideur et son indifférence pour la belle cité l'avait faite remarquer. Et aussi sa propension à se réfugier dans le Dalaran souterrain.
Discorde l'attendait, accroupie. Sa maîtresse a posé la main sur sa tête, comme l'on fait pour un chien fidèle.
L'eau sale imbibait peu à peu ses robes pourpres et commençait à s'y insinuer plus avant lorsqu'elle est parvenue à son refuge, à peine éclairé par quelques torches dont la lueur jaunissait les murs de pierre nue.
Son esprit a vaguement caressé les projets de conquêtes qu'elle faisait croître et les figures des pions qu'elle avait choisis.
Maerith, Hendrake, Syluin.
Alors, elle a saisi une lame et a frappé l'Asservie. Elle s'est acharnée sur sa jumelle jusqu'à en être maculée de sang, jusqu'à ce que Discorde regagne la pénombre en sifflant et s'y terre, brisée; comme pour libérer un univers de rage et haine chaotiques qui prenait peu à peu de l'ampleur en elle.
Les ombres ont bougé autour de la magicienne, se sont étendues par endroit, ont reflué à d'autres. Miryal s'est rapidement nettoyée et changée avant de reprendre son travail.
Le bijou était presque terminé. Il ne lui manquait plus qu'une série d'enchantements habiles.
Dans tous les plans qu'elle avait établis, elle avait besoin d'un tel objet.
Ce simple cristal hexagonal, enserré par un dragon d'argent se mordant la queue...
Oui. Il serait un outil utile
(C'est avec son pendant qu'il devient la clé)
dans l'avenir qui se dessinait.
Les ombres ont a nouveau bougé. Miryal a relevé le visage et laissé un sourire terrible déformer.
Son nom scellerait sa magie et achèverait le pendentif. Elle serait dorénavant la Dame."
Les années qui ont suivi ont été paisibles pour les familles. Ashton Hendrake a épousé la sorcière et pris la place de patriarche de la Maison Hendrake après la mort de Lady Myrren dans des circonstances douteuses. Les Maerith ont vu la naissance de Sherlotta, belle enfant aux yeux typiques de sa famille. Les Syluin, eux, Lord Mandor et Lady Ezall, ont mis au monde leur première fille, Aénandra.
C'était une période de paix.
Miryal déambulait dans les ruelles de Dalaran, seule. Elle avait récemment découvert une section particulièrement intéressante dans les bibliothèques et s’exerçait avec un acharnement glacé à accumuler de la puissance.
Et toujours son ombre rôdait.
Plusieurs fois elle avait été repérée par les puissants magi du Kirin Tor, mais Miryal avait prétexté que une sœur devenue folle du fait de sa trop grande affinité avec la magie, et sur laquelle elle "veillait".
Miryal a fini par atteindre le passage et s'y est engagée. Là, elle aurait sa tranquillité. A plusieurs reprises, sa froideur et son indifférence pour la belle cité l'avait faite remarquer. Et aussi sa propension à se réfugier dans le Dalaran souterrain.
Discorde l'attendait, accroupie. Sa maîtresse a posé la main sur sa tête, comme l'on fait pour un chien fidèle.
L'eau sale imbibait peu à peu ses robes pourpres et commençait à s'y insinuer plus avant lorsqu'elle est parvenue à son refuge, à peine éclairé par quelques torches dont la lueur jaunissait les murs de pierre nue.
Son esprit a vaguement caressé les projets de conquêtes qu'elle faisait croître et les figures des pions qu'elle avait choisis.
Maerith, Hendrake, Syluin.
Alors, elle a saisi une lame et a frappé l'Asservie. Elle s'est acharnée sur sa jumelle jusqu'à en être maculée de sang, jusqu'à ce que Discorde regagne la pénombre en sifflant et s'y terre, brisée; comme pour libérer un univers de rage et haine chaotiques qui prenait peu à peu de l'ampleur en elle.
Les ombres ont bougé autour de la magicienne, se sont étendues par endroit, ont reflué à d'autres. Miryal s'est rapidement nettoyée et changée avant de reprendre son travail.
Le bijou était presque terminé. Il ne lui manquait plus qu'une série d'enchantements habiles.
Dans tous les plans qu'elle avait établis, elle avait besoin d'un tel objet.
Ce simple cristal hexagonal, enserré par un dragon d'argent se mordant la queue...
Oui. Il serait un outil utile
(C'est avec son pendant qu'il devient la clé)
dans l'avenir qui se dessinait.
Les ombres ont a nouveau bougé. Miryal a relevé le visage et laissé un sourire terrible déformer.
Son nom scellerait sa magie et achèverait le pendentif. Elle serait dorénavant la Dame."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Les lettres arrivent toujours, à un rythme irrégulier. Toutefois, celle-ci, de même que celles qui suivront, ne sont plus cachetées, ce ne sont que de simples feuilles pliées.
"Rislon Milloin :
La malédiction avait porté. Malgré tout leurs efforts, toutes leurs prières, tout leurs espoirs, la malédiction avait porté. Arkhat avait tenté de relativiser : seul un des deux jumeaux avait été touché. Un regard de Cyan l'a réduit au silence. Pourquoi, lorsqu'il y avait un quelconque problème avec ses enfants, naissaient-ils jumeaux ?
Elle avait à peine eu le temps de les nommer que la démoniste était arrivée.
Araéthurian.
Corwin.
Cyan avait sciemment
(C'est ici que commence les ingérences)
décidé de laisser la vie sauve à l'enfant porteur de la malédiction. Corwin serait élevé par une famille qui saurait comment gérer les effets de la magie Hendrake, avait décidé Arkhat en conséquence.
- Tu m'as déjà infligé cela il y a quatre ans. Recommencer... a-t-elle maugréé, n'était pas nécessaire. Il pourrait vivre auprès de nous, dans la Lumière.
- Tu devrais être heureuse que je le laisse vivre. Ce mouflet pue l'Ombre.
- Ce mouflet est ton fils.
- Il suffit.
Il a désigné la démoniste qui attendait en retrait. Vêtue simplement, témoignage d'un milieu social aux moyens limités, on ne pouvait cependant ignorer ses yeux malins qui luisaient doucement.
Ce regard-là offrait sans doute un présage de l'avenir.
Cyan a tendu son fils, frappant l'autre par son regard d'animal blessé. Elle abandonnait un enfant pour la deuxième fois mais tenait droite malgré tout, légèrement nimbée d'une lumière dorée, réconfortante.
Les portes se sont ouvertes à la volée.
- Lord Hendrake !
Ashton s'est retourné et a saisi l'homme à la gorge.
- Alors ? Parle !
L'homme a cillé, clignant des yeux, apeuré mais docile.
- Nous avons tout tenté. Mais, elle n'a pas survécu. Elle était de constitution fragile, vous savez, et l'accouchement a été difficile...
Kyrie, morte ?
Il lui semblait sombrer au plus profond du plus profond abîme marin. Il lui semblait qu'on venait de le priver de lumière, que cette soudaine cécité le privait de tout ce qui restait de sa dignité, que sa descente dans les plus bas lieux d'un enfer réservé à son âme seule s'accélérait.
Kyrie était sa vie, son amour, sa honneur, sa dignité d'être humain, sa décence.
Quelque chose a remué au fond de son cœur.
Quelque chose de primal, quelque chose qui aurait dû rester en sommeil et que pourtant chaque homme berçait doucement au centre de toutes ces enveloppes floues de sang-froid et de sérénité apparentes. Il a fermé les yeux.
- L'enfant ?
- Elle est en vie, seigneur.
Il était Hendrake. L'honneur, la dignité, la décence venaient de mourir. L'enfant vivait... Certes, mais sa fille, ce n'était pas elle.
- Appelez-la Namarra, a-t-il chuchoté.
Non loin du manoir Hendrake, sur une crête battue par les vents, se tient la Dame. Son sourire satisfait n'éclaire absolument pas ses yeux vides.
- Les pions se mettent en place. Bientôt le jeu commencera et les Ombres se lèveront.
Discorde, tordue à ses côtés, a gloussé."
"Rislon Milloin :
La malédiction avait porté. Malgré tout leurs efforts, toutes leurs prières, tout leurs espoirs, la malédiction avait porté. Arkhat avait tenté de relativiser : seul un des deux jumeaux avait été touché. Un regard de Cyan l'a réduit au silence. Pourquoi, lorsqu'il y avait un quelconque problème avec ses enfants, naissaient-ils jumeaux ?
Elle avait à peine eu le temps de les nommer que la démoniste était arrivée.
Araéthurian.
Corwin.
Cyan avait sciemment
(C'est ici que commence les ingérences)
décidé de laisser la vie sauve à l'enfant porteur de la malédiction. Corwin serait élevé par une famille qui saurait comment gérer les effets de la magie Hendrake, avait décidé Arkhat en conséquence.
- Tu m'as déjà infligé cela il y a quatre ans. Recommencer... a-t-elle maugréé, n'était pas nécessaire. Il pourrait vivre auprès de nous, dans la Lumière.
- Tu devrais être heureuse que je le laisse vivre. Ce mouflet pue l'Ombre.
- Ce mouflet est ton fils.
- Il suffit.
Il a désigné la démoniste qui attendait en retrait. Vêtue simplement, témoignage d'un milieu social aux moyens limités, on ne pouvait cependant ignorer ses yeux malins qui luisaient doucement.
Ce regard-là offrait sans doute un présage de l'avenir.
Cyan a tendu son fils, frappant l'autre par son regard d'animal blessé. Elle abandonnait un enfant pour la deuxième fois mais tenait droite malgré tout, légèrement nimbée d'une lumière dorée, réconfortante.
Les portes se sont ouvertes à la volée.
- Lord Hendrake !
Ashton s'est retourné et a saisi l'homme à la gorge.
- Alors ? Parle !
L'homme a cillé, clignant des yeux, apeuré mais docile.
- Nous avons tout tenté. Mais, elle n'a pas survécu. Elle était de constitution fragile, vous savez, et l'accouchement a été difficile...
Kyrie, morte ?
Il lui semblait sombrer au plus profond du plus profond abîme marin. Il lui semblait qu'on venait de le priver de lumière, que cette soudaine cécité le privait de tout ce qui restait de sa dignité, que sa descente dans les plus bas lieux d'un enfer réservé à son âme seule s'accélérait.
Kyrie était sa vie, son amour, sa honneur, sa dignité d'être humain, sa décence.
Quelque chose a remué au fond de son cœur.
Quelque chose de primal, quelque chose qui aurait dû rester en sommeil et que pourtant chaque homme berçait doucement au centre de toutes ces enveloppes floues de sang-froid et de sérénité apparentes. Il a fermé les yeux.
- L'enfant ?
- Elle est en vie, seigneur.
Il était Hendrake. L'honneur, la dignité, la décence venaient de mourir. L'enfant vivait... Certes, mais sa fille, ce n'était pas elle.
- Appelez-la Namarra, a-t-il chuchoté.
Non loin du manoir Hendrake, sur une crête battue par les vents, se tient la Dame. Son sourire satisfait n'éclaire absolument pas ses yeux vides.
- Les pions se mettent en place. Bientôt le jeu commencera et les Ombres se lèveront.
Discorde, tordue à ses côtés, a gloussé."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Doux exil, sommeil des songes, repos des cauchemars, silence de la tourmente, calme après la tempête, rouge, bleu, vert, jaune, noir et argent, couleurs mêlées, couleurs prisées, couleurs volées, dansantes, mouvantes.
Ici, la conscience se dissipe. Ici seuls restent les souvenirs, et, peut-être, une légère mélancolie pour les choses perdues, là-bas, ailleurs, si loin.
Et les âmes se perdent lentement, se fondant paisiblement dans la brume inconcevable, dans l'oubli et la paix.
Mais, de temps à autre, un frisson vient troubler la surface étale de la mare. Des esprits sont tiraillés, questionnés, brisés. D'autres se rapprochent de la lisière, et, peu à peu aspirent au réveil. Ailleurs, les trois corps relâchent un long soupir.
Des âmes s'agitent à la frontière de la mort...
Berce-Âmes.
Frimas rajuste ses gantelets et adresse au mort-vivant un regard sans âme. Celui-ci fait quelques pas de côté, claudiquant, et agite une main rongée par la pourriture, à la chair depuis longtemps desséchée et en lambeaux, pendants, verdâtres.
Frimas suit le mouvement, et le visage ravagé de la créature le suit tranquillement. Il ne s'en étonne pas.
En contrepartie de ces chaînes croisées sur son faciès - qui en retiennent d'ailleurs les chairs - le mort en marche doit avoir hérité d'un autre moyen de voir.
"Lacis. Quelle... intéressante rencontre."
L'autre saisit sa langue pendante, sèche et terreuse, entre ses mains, là où aurait dû se trouver sa mâchoire inférieure. Le tombeau lui avait bien fait payer son aller-retour.
" - Frimas, mon petit Frimas, quelle joie de te retrouver !"
L'intéressé ne daigne même pas sursauter lorsque la voix de l'ex-Asservi se met à résonner autour de lui. Il garde le regard rivé aux trois volumes, illuminés par la lueur des bougies, que le cadavre ranimé tient tant bien que mal entre ses bras maigrelets.
Trois volumes lourds à la couverture gravée de runes, dégageant une légère aura colorée.
"Allons, Frimas, tu sais bien que tu n'as pas les capacités pour utiliser ces pages comme elles doivent l'être."
Pour toute réponse, Frimas abat sa lame sur la chétive créature, qui se sépare alors des livres pour mettre sa précieuse carcasse hors de portée avec un criaillement indigné. Il fait un geste de la main et voit son adversaire tressaillir lorsque la lueur des bougies s'intensifie brutalement.
"Le feu contre le givre. Un combat qui s'an-..."
Un feuillet s'est échappé d'un des livres tombés au sol. Un feuillet frappé d'un symbole particulier.
C'est une carte à jouer.
La dame de cœur.
Lacis s'en empare d'un geste vif, se désintéressant de la lutte, et passe délicatement ses doigts sur le dessin.
Tendant une main, il fait signe à Frimas de s'approcher. Celui-ci, confiant en sa capacité à défaire le vacillant non-mort, s'exécute et se penche au-dessus de son épaule pour mieux voir.
"Lis-moi ça, mon petit", murmure le mort-vivant.
" - C'est un protocole."
La lame runique du général sans armée siffle en s'abattant en fendant l'épaule de Lacis, jusqu'au milieu du torse. Son propriétaire la retire d'un coup sec et rafle la feuille.
"Donne-moi ça, l'affreux."
D'un bourrade il écarte l'autre, qui prend la fuite, sautillant d'une façon grotesque.
Les livres sous le bras, Frimas parcourt rapidement le protocole.
"C'est Elle. Elle veut qu'on La ramène."
La feuille se froisse lorsqu'il serre le poing.
Non. Cela ne doit pas arriver.
Le général fixe alors haineusement la flamme d'une chandelle. Avançant le bras et tenant la feuille par le coin le plus éloigné, il regarde la petite flamme mordre joyeusement le papier.
Le feu... Le feu... Frimas surveille avec une infaillible attention l'approche de la lisière enflammée. A la vue d'une goutte d'eau coulant le long de son gantelet de saronite, il lâche vivement le papier et regarde les fragments noircis, encore lisibles, s'éparpiller au sol. Il se détourne, estimant cela suffisant pour empêcher la Dame, sinon de revenir, de ressusciter au faîte de sa puissance.
Les livres sous le bras, il s'éloigne, passant devant trois capsules métalliques au moment où les corps y reposant exhalent un lent soupir.
"Allons, c'est le moment de jouer."
Ici, la conscience se dissipe. Ici seuls restent les souvenirs, et, peut-être, une légère mélancolie pour les choses perdues, là-bas, ailleurs, si loin.
Et les âmes se perdent lentement, se fondant paisiblement dans la brume inconcevable, dans l'oubli et la paix.
Mais, de temps à autre, un frisson vient troubler la surface étale de la mare. Des esprits sont tiraillés, questionnés, brisés. D'autres se rapprochent de la lisière, et, peu à peu aspirent au réveil. Ailleurs, les trois corps relâchent un long soupir.
Des âmes s'agitent à la frontière de la mort...
* * *
Berce-Âmes.
Frimas rajuste ses gantelets et adresse au mort-vivant un regard sans âme. Celui-ci fait quelques pas de côté, claudiquant, et agite une main rongée par la pourriture, à la chair depuis longtemps desséchée et en lambeaux, pendants, verdâtres.
Frimas suit le mouvement, et le visage ravagé de la créature le suit tranquillement. Il ne s'en étonne pas.
En contrepartie de ces chaînes croisées sur son faciès - qui en retiennent d'ailleurs les chairs - le mort en marche doit avoir hérité d'un autre moyen de voir.
"Lacis. Quelle... intéressante rencontre."
L'autre saisit sa langue pendante, sèche et terreuse, entre ses mains, là où aurait dû se trouver sa mâchoire inférieure. Le tombeau lui avait bien fait payer son aller-retour.
" - Frimas, mon petit Frimas, quelle joie de te retrouver !"
L'intéressé ne daigne même pas sursauter lorsque la voix de l'ex-Asservi se met à résonner autour de lui. Il garde le regard rivé aux trois volumes, illuminés par la lueur des bougies, que le cadavre ranimé tient tant bien que mal entre ses bras maigrelets.
Trois volumes lourds à la couverture gravée de runes, dégageant une légère aura colorée.
"Allons, Frimas, tu sais bien que tu n'as pas les capacités pour utiliser ces pages comme elles doivent l'être."
Pour toute réponse, Frimas abat sa lame sur la chétive créature, qui se sépare alors des livres pour mettre sa précieuse carcasse hors de portée avec un criaillement indigné. Il fait un geste de la main et voit son adversaire tressaillir lorsque la lueur des bougies s'intensifie brutalement.
"Le feu contre le givre. Un combat qui s'an-..."
Un feuillet s'est échappé d'un des livres tombés au sol. Un feuillet frappé d'un symbole particulier.
C'est une carte à jouer.
La dame de cœur.
Lacis s'en empare d'un geste vif, se désintéressant de la lutte, et passe délicatement ses doigts sur le dessin.
Tendant une main, il fait signe à Frimas de s'approcher. Celui-ci, confiant en sa capacité à défaire le vacillant non-mort, s'exécute et se penche au-dessus de son épaule pour mieux voir.
"Lis-moi ça, mon petit", murmure le mort-vivant.
" - C'est un protocole."
La lame runique du général sans armée siffle en s'abattant en fendant l'épaule de Lacis, jusqu'au milieu du torse. Son propriétaire la retire d'un coup sec et rafle la feuille.
"Donne-moi ça, l'affreux."
D'un bourrade il écarte l'autre, qui prend la fuite, sautillant d'une façon grotesque.
Les livres sous le bras, Frimas parcourt rapidement le protocole.
"C'est Elle. Elle veut qu'on La ramène."
La feuille se froisse lorsqu'il serre le poing.
Non. Cela ne doit pas arriver.
Le général fixe alors haineusement la flamme d'une chandelle. Avançant le bras et tenant la feuille par le coin le plus éloigné, il regarde la petite flamme mordre joyeusement le papier.
Le feu... Le feu... Frimas surveille avec une infaillible attention l'approche de la lisière enflammée. A la vue d'une goutte d'eau coulant le long de son gantelet de saronite, il lâche vivement le papier et regarde les fragments noircis, encore lisibles, s'éparpiller au sol. Il se détourne, estimant cela suffisant pour empêcher la Dame, sinon de revenir, de ressusciter au faîte de sa puissance.
Les livres sous le bras, il s'éloigne, passant devant trois capsules métalliques au moment où les corps y reposant exhalent un lent soupir.
"Allons, c'est le moment de jouer."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Ailleurs, il y a bien des années.
COURS ! COURS ! PLUS VITE ! ELLE EST LA ! ELLE TE VOIT ! ELLE VIENT TE CHERCHER !
Il trébuche, se rattrape avec peine, continue à courir. Autour de lui les arbres jaunissant, maladifs, se mettent à murmurer, tendant leurs longs doigts crochus pour essayer de l'étrangler.
"La chair n'a pas sa place ici ! mugissent-ils. Pars ! Pars ! Meurs !"
Tout ici est un piège mortel.
La tempête se lève et ricane dans ses oreilles, menace de lui arracher ses haillons sales qu'il serre convulsivement dans ses poings comme l'ultime repère de réalité auquel il peut se raccrocher.
Mais il est faible, si faible ! Ses jambes sont épuisées et lancinantes de douleur, son souffle brûle sa frêle poitrine, ses cheveux autrefois blancs, englués de crasse, de sang et de sueur, lui barrent la vue.
La tempête de vent soulève et fait tournoyer des feuilles tranchantes et spongieuses, qui viennent le marteler, marteler son pauvre corps déjà brisé, à tel point qu'il s'effondre, hurlant comme un damné.
NE T'ARRÊTE PAS ! COURS ! ELLE ARRIVE ! ELLE ARRIVE !
Il puise dans ce formidable instinct de survie, né de ces images de vies qui tournent dans sa tête, et s'élance en avant, plié en deux par la douleur qui ronge son faible corps.
PLUS VITE !
Là ! Une cabane de forestier. Le toit est en partie écroulé, et les bois malades cherchent déjà à l'engloutir, mais... C'est un abri.
Il s'y précipite, haletant, trébuchant à chaque pas.
NON ! IL NE FAUT PAS ! N'ENTRE PAS !
Il entre dans la cabane, arrachant avec difficulté ses pieds nus à la boue noire.
A l'intérieur...
Une chose, grande, encore plus crasseuse que lui, encore plus torturée que lui...
Cette chose est vaguement humaine. Sa chair pendouille par endroit, et tout le côté droit du visage a disparu. Dans la cavité oculaire restante brille une lueur rouge infernale. La créature, l'immonde parodie d'être humain, porte un casque fendu, et dans un revers de ce casque...
Une carte à jouer.
La dame de cœur.
ELLE EST LA ! ELLE TE VOIT !
La créature tend une main cauchemardesque...
L'enfant se recroqueville au sol, hurlant. Il est perdu, perdu, perdu...
- Eh bien... Il semblerait que Mandor soit incapable de produire un rejeton mâle sain et fort...
Doux soupir.
Elle est là. Au-dessus de lui, superbe dans ses beaux atours gris. Gris, tout est gris pour l'enfant, les brillants cheveux de la Dame, ses robes et ses parures les plus colorées... Pourtant, il y a à sa main une tache de couleur.
- Tu es si fragile, Dawn.. Dois-je considérer que tu es un échec ?
Du bout des doigts, elle soulève le menton du petit.
- Allons... Tu ne veux pas être refondu encore une fois, n'est-ce pas ?
Elle sourit en voyant l'horreur et la terreur noyer les yeux de l'enfant.
- C'est déjà la deuxième fois que tu t'enfuies. Cela te vient-il des souvenirs que j'imprime dans ta petite tête ? Oui, certainement...
Il se met à trembler. Cauchemar, tout ceci ne peut-être qu'un cauchemar... Alors pourquoi ne s'éveille-t-il pas ?
Elle le relâche et porte la tache de couleur à son visage, humant délicatement.
Fleur, murmure la mémoire de Dawn.
- Allons, retournons à la cage, mon trésor.
NON ! NON ! PAS LA CAGE ! PAS ENCORE ! PAS LA CAGE ! PITIÉ ! S'IL VOUS PLAÎT !
COURS ! COURS ! PLUS VITE ! ELLE EST LA ! ELLE TE VOIT ! ELLE VIENT TE CHERCHER !
Il trébuche, se rattrape avec peine, continue à courir. Autour de lui les arbres jaunissant, maladifs, se mettent à murmurer, tendant leurs longs doigts crochus pour essayer de l'étrangler.
"La chair n'a pas sa place ici ! mugissent-ils. Pars ! Pars ! Meurs !"
Tout ici est un piège mortel.
La tempête se lève et ricane dans ses oreilles, menace de lui arracher ses haillons sales qu'il serre convulsivement dans ses poings comme l'ultime repère de réalité auquel il peut se raccrocher.
Mais il est faible, si faible ! Ses jambes sont épuisées et lancinantes de douleur, son souffle brûle sa frêle poitrine, ses cheveux autrefois blancs, englués de crasse, de sang et de sueur, lui barrent la vue.
La tempête de vent soulève et fait tournoyer des feuilles tranchantes et spongieuses, qui viennent le marteler, marteler son pauvre corps déjà brisé, à tel point qu'il s'effondre, hurlant comme un damné.
NE T'ARRÊTE PAS ! COURS ! ELLE ARRIVE ! ELLE ARRIVE !
Il puise dans ce formidable instinct de survie, né de ces images de vies qui tournent dans sa tête, et s'élance en avant, plié en deux par la douleur qui ronge son faible corps.
PLUS VITE !
Là ! Une cabane de forestier. Le toit est en partie écroulé, et les bois malades cherchent déjà à l'engloutir, mais... C'est un abri.
Il s'y précipite, haletant, trébuchant à chaque pas.
NON ! IL NE FAUT PAS ! N'ENTRE PAS !
Il entre dans la cabane, arrachant avec difficulté ses pieds nus à la boue noire.
A l'intérieur...
Une chose, grande, encore plus crasseuse que lui, encore plus torturée que lui...
Cette chose est vaguement humaine. Sa chair pendouille par endroit, et tout le côté droit du visage a disparu. Dans la cavité oculaire restante brille une lueur rouge infernale. La créature, l'immonde parodie d'être humain, porte un casque fendu, et dans un revers de ce casque...
Une carte à jouer.
La dame de cœur.
ELLE EST LA ! ELLE TE VOIT !
La créature tend une main cauchemardesque...
L'enfant se recroqueville au sol, hurlant. Il est perdu, perdu, perdu...
- Eh bien... Il semblerait que Mandor soit incapable de produire un rejeton mâle sain et fort...
Doux soupir.
Elle est là. Au-dessus de lui, superbe dans ses beaux atours gris. Gris, tout est gris pour l'enfant, les brillants cheveux de la Dame, ses robes et ses parures les plus colorées... Pourtant, il y a à sa main une tache de couleur.
- Tu es si fragile, Dawn.. Dois-je considérer que tu es un échec ?
Du bout des doigts, elle soulève le menton du petit.
- Allons... Tu ne veux pas être refondu encore une fois, n'est-ce pas ?
Elle sourit en voyant l'horreur et la terreur noyer les yeux de l'enfant.
- C'est déjà la deuxième fois que tu t'enfuies. Cela te vient-il des souvenirs que j'imprime dans ta petite tête ? Oui, certainement...
Il se met à trembler. Cauchemar, tout ceci ne peut-être qu'un cauchemar... Alors pourquoi ne s'éveille-t-il pas ?
Elle le relâche et porte la tache de couleur à son visage, humant délicatement.
Fleur, murmure la mémoire de Dawn.
- Allons, retournons à la cage, mon trésor.
NON ! NON ! PAS LA CAGE ! PAS ENCORE ! PAS LA CAGE ! PITIÉ ! S'IL VOUS PLAÎT !
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Le vingt-sixième jour du sixième mois de l'an 32. Cimetière des Jardins Paisibles, Bois de la Pénombre.
"Je suis ici pour la même raison que vous."
Ils avaient du retard, mais Reniel Ryan n'était pas aussi attaché à la ponctualité que ne l'était Dawn Syluin.
Alistair Wakefield et Rislon Milloin. Ils étaient venus accompagnés d'un homme de main -Reniel avait appris par la suite qu'il s'appelait Gwyvar'ch- brandissant comme attendu le mot signé par Dawn de Frimas, en ce lieu qui avait, autrefois, servi d'avant-poste au premier Empire des Ombres.
Comme prévu, les portes de la chapelle s'étaient refermées derrière eux. Cependant, les choses allaient-elles continuer de se produire selon le plan de Dawn Syluin ?
Frimas était là, droit et fier dans son armure de saronite, et il leur avait proposé de mettre fin à ce jeu qui durait depuis trop longtemps déjà. Il s'était posé comme le nouveau maître du jeu, le seul qui avait réussi à capturer le fuyant bâtard Syluin ! Quelle présomption.
Dawn l'avait voulu.
Reniel Ryan avait pourtant frémi comme les deux autres quand en voyant l'état lamentable de Dawn, tandis que Gwyvar'ch lui se contentait de surveiller placidement le non-mort orgueilleux.
Lorsque ce dernier leur avait proposé de tuer Dawn pour faire cesser la partie, Reniel avait bandé son vieil arc et mis en joue le bâtard Syluin. Il n'en menait pas large mais s'efforçait de ne pas le montrer.
Le plan de Dawn ne pouvait pas marcher, c'était impossible...
"Dawn Syluin reprend la main", avait-il pourtant lancé.
Jouer sur l'orgueil. C'est son seul point faible, ça et le feu.
Le visage immobile de Frimas était resté inexpressif.
Mais il avait par la suite argué pour que la mort soit choisie, Dawn étant un menteur et un manipulateur, du même acabit que la Dame elle-même.
Mais les trois "invités" n'avaient pu se résoudre à lui donner la mort. Il restait un être vivant malgré tout, alors que Frimas, lui, était l'Empire des Ombres.
Reniel, soulagé, avait rangé son arc et emmené Dawn dans un coin pour s'occuper de ses blessures.
A ce moment-là...
...A ce moment-là, Frimas avait regardé la lame de l'homme de main s'enfoncer dans sa hanche par un défaut de l'armure. Il l'avait cependant repoussé d'un coup de poing.
"Imbécile ! Il faut bien plus que ça pour défaire un non-mort."
Il avait profité du répit pour appeler son acolyte.
Meyrne Hendrake, sombre et effrayée, était entrée, sous la menace d'un poignard appliqué contre sa gorge par Maien. La haine brûlait dans le regard de cette dernière et le collier de chien autour de son cou luisait doucement.
Craquement, corde qui se détend, sifflement.
Du fond de la chapelle Reniel Ryan avait tiré droit sur Meyrne. Horrifiés, Wakefield et Milloin s'étaient tournés vers lui.
Mais...
Meyrne a vacillé et s'est dissipée. Ombre, ombre, ce n'était qu'une ombre, une illusion.
Frimas a brandit sa lame. Pourquoi était-il contré à chaque action ? Etait-il possible que... ?
Non...
Et pourtant... ce bâtard !
D'un mouvement circulaire de sa lame il avait éventré Maien, tandis que sous les coups de Gwyvar'ch il perdait l'usage d'une jambe, la hanche réduite en esquilles osseuses.
S'il devait mourir ici, au moins leur prendrait-il quelque chose de cher à leurs yeux !
Il avait saisi Milloin à la gorge lorsque celui-ci lui avait bondit dessus. Puis, il...
Lumière.
Brûlante, aveuglante, tellement aveuglante...
"Méfiez-vous des sujets dont le numéro est inscrit le long de la clavicule... Et demandez à Dawn Syluin.. Qu'il vous parle de la cage..."
Et il est mort comme il a vécu. Inexpressif.
Dawn, chargé comme un sac sur les épaules de Reniel Ryan, murmure.
"Echec et mat."
L'Empire des Ombres est tombé. Refoulées dans les limbes, les âmes de ceux et celles qui l'ont composé pleurent leur puissance perdue...
"Je suis ici pour la même raison que vous."
Ils avaient du retard, mais Reniel Ryan n'était pas aussi attaché à la ponctualité que ne l'était Dawn Syluin.
Alistair Wakefield et Rislon Milloin. Ils étaient venus accompagnés d'un homme de main -Reniel avait appris par la suite qu'il s'appelait Gwyvar'ch- brandissant comme attendu le mot signé par Dawn de Frimas, en ce lieu qui avait, autrefois, servi d'avant-poste au premier Empire des Ombres.
Comme prévu, les portes de la chapelle s'étaient refermées derrière eux. Cependant, les choses allaient-elles continuer de se produire selon le plan de Dawn Syluin ?
Frimas était là, droit et fier dans son armure de saronite, et il leur avait proposé de mettre fin à ce jeu qui durait depuis trop longtemps déjà. Il s'était posé comme le nouveau maître du jeu, le seul qui avait réussi à capturer le fuyant bâtard Syluin ! Quelle présomption.
Dawn l'avait voulu.
Reniel Ryan avait pourtant frémi comme les deux autres quand en voyant l'état lamentable de Dawn, tandis que Gwyvar'ch lui se contentait de surveiller placidement le non-mort orgueilleux.
Lorsque ce dernier leur avait proposé de tuer Dawn pour faire cesser la partie, Reniel avait bandé son vieil arc et mis en joue le bâtard Syluin. Il n'en menait pas large mais s'efforçait de ne pas le montrer.
Le plan de Dawn ne pouvait pas marcher, c'était impossible...
"Dawn Syluin reprend la main", avait-il pourtant lancé.
Jouer sur l'orgueil. C'est son seul point faible, ça et le feu.
Le visage immobile de Frimas était resté inexpressif.
Mais il avait par la suite argué pour que la mort soit choisie, Dawn étant un menteur et un manipulateur, du même acabit que la Dame elle-même.
Mais les trois "invités" n'avaient pu se résoudre à lui donner la mort. Il restait un être vivant malgré tout, alors que Frimas, lui, était l'Empire des Ombres.
Reniel, soulagé, avait rangé son arc et emmené Dawn dans un coin pour s'occuper de ses blessures.
A ce moment-là...
...A ce moment-là, Frimas avait regardé la lame de l'homme de main s'enfoncer dans sa hanche par un défaut de l'armure. Il l'avait cependant repoussé d'un coup de poing.
"Imbécile ! Il faut bien plus que ça pour défaire un non-mort."
Il avait profité du répit pour appeler son acolyte.
Meyrne Hendrake, sombre et effrayée, était entrée, sous la menace d'un poignard appliqué contre sa gorge par Maien. La haine brûlait dans le regard de cette dernière et le collier de chien autour de son cou luisait doucement.
Craquement, corde qui se détend, sifflement.
Du fond de la chapelle Reniel Ryan avait tiré droit sur Meyrne. Horrifiés, Wakefield et Milloin s'étaient tournés vers lui.
Mais...
Meyrne a vacillé et s'est dissipée. Ombre, ombre, ce n'était qu'une ombre, une illusion.
Frimas a brandit sa lame. Pourquoi était-il contré à chaque action ? Etait-il possible que... ?
Non...
Et pourtant... ce bâtard !
D'un mouvement circulaire de sa lame il avait éventré Maien, tandis que sous les coups de Gwyvar'ch il perdait l'usage d'une jambe, la hanche réduite en esquilles osseuses.
S'il devait mourir ici, au moins leur prendrait-il quelque chose de cher à leurs yeux !
Il avait saisi Milloin à la gorge lorsque celui-ci lui avait bondit dessus. Puis, il...
Lumière.
Brûlante, aveuglante, tellement aveuglante...
"Méfiez-vous des sujets dont le numéro est inscrit le long de la clavicule... Et demandez à Dawn Syluin.. Qu'il vous parle de la cage..."
Et il est mort comme il a vécu. Inexpressif.
Dawn, chargé comme un sac sur les épaules de Reniel Ryan, murmure.
"Echec et mat."
L'Empire des Ombres est tombé. Refoulées dans les limbes, les âmes de ceux et celles qui l'ont composé pleurent leur puissance perdue...
Dernière édition par La Dame le Jeu 18 Avr 2013, 15:45, édité 1 fois
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Funérailles.
Dawn Syluin, droit, vêtu du noir le plus profond, se tient agenouillé face à elle.
Doucement, tout doucement, il caresse du bout des doigts la courbe lisse de sa joue maintenant pâle, d'un geste lent, calme, patient comme le ciel et triste comme la mer.
Maien... Pourquoi n'ai-je pas tenu compte de cette infime possibilité ? Celle selon laquelle la haine brûlante en toi s'allierait au givre funèbre de ce cadavre en mouvement.
Ah... Que n'ai-je réussi à te sauver...
Il se redresse et la contemple. Elle est toujours aussi belle, même ainsi, ses yeux lunaires clos, son souffle à jamais tari.
Comment aurais-je pu deviner qu'il allait t'éliminer, toi son unique alliée ?
Il la contemple ainsi jusqu'à ce que les larmes viennent brouiller sa vue. Il place alors une dernière rose dans ses cheveux roux, arrange vaguement les plis du linceul sur lequel elle repose, les mains jointes.
Je ne me cherche pas d'excuses. Je sais que c'est de ma faute, que tout est de ma faute. Une infime erreur, et...
A une période de ta vie tu m'as aimé. J'aurais tellement voulu partager mon fardeau avec toi, ce même fardeau qui a causé ta déchéance...
Je ne réussis qu'à me faire haïr. Mais si c'est nécessaire pour les sauver, alors... Je te dois bien ça, et j'agirais en ta mémoire.
Ô Maien la farouche, tu étais l'épicentre du conflit de mon âme duale.
Alors que l'ombre t'avait donné la folle furie qui a animé tes combats, la lumière a sanglé ce collier pour la canaliser.
Il déboucle le collier de cuir qui enserre le cou de la jeune femme, le jette derrière lui.
J'aurais tellement voulu t'expliquer...
Tu es morte par ma faute, dans la haine et la rage. Je porterais ça en moi à tout jamais. C'est une tache des plus noires sur mon âme...
Il effleure ses lèvres d'un dernier baiser, repousse une mèche folle que le vent salé a projeté sur son visage paisible. Puis il descend du bûcher et se tient face à lui.
Je te promets le souvenir. Je ne le perdrais jamais.
Dors bien...
Il jette la torche crépitante qui attendait au pied du bois. En un instant le bûcher s'embrase, et le vent de l'océan emporte dans sa course vers les étoiles les bribes de fumée qui s'élèvent.
...Maien Skyshiel.
Dawn Syluin, droit, vêtu du noir le plus profond, se tient agenouillé face à elle.
Doucement, tout doucement, il caresse du bout des doigts la courbe lisse de sa joue maintenant pâle, d'un geste lent, calme, patient comme le ciel et triste comme la mer.
Maien... Pourquoi n'ai-je pas tenu compte de cette infime possibilité ? Celle selon laquelle la haine brûlante en toi s'allierait au givre funèbre de ce cadavre en mouvement.
Ah... Que n'ai-je réussi à te sauver...
Il se redresse et la contemple. Elle est toujours aussi belle, même ainsi, ses yeux lunaires clos, son souffle à jamais tari.
Comment aurais-je pu deviner qu'il allait t'éliminer, toi son unique alliée ?
Il la contemple ainsi jusqu'à ce que les larmes viennent brouiller sa vue. Il place alors une dernière rose dans ses cheveux roux, arrange vaguement les plis du linceul sur lequel elle repose, les mains jointes.
Je ne me cherche pas d'excuses. Je sais que c'est de ma faute, que tout est de ma faute. Une infime erreur, et...
A une période de ta vie tu m'as aimé. J'aurais tellement voulu partager mon fardeau avec toi, ce même fardeau qui a causé ta déchéance...
Je ne réussis qu'à me faire haïr. Mais si c'est nécessaire pour les sauver, alors... Je te dois bien ça, et j'agirais en ta mémoire.
Ô Maien la farouche, tu étais l'épicentre du conflit de mon âme duale.
Alors que l'ombre t'avait donné la folle furie qui a animé tes combats, la lumière a sanglé ce collier pour la canaliser.
Il déboucle le collier de cuir qui enserre le cou de la jeune femme, le jette derrière lui.
J'aurais tellement voulu t'expliquer...
Tu es morte par ma faute, dans la haine et la rage. Je porterais ça en moi à tout jamais. C'est une tache des plus noires sur mon âme...
Il effleure ses lèvres d'un dernier baiser, repousse une mèche folle que le vent salé a projeté sur son visage paisible. Puis il descend du bûcher et se tient face à lui.
Je te promets le souvenir. Je ne le perdrais jamais.
Dors bien...
Il jette la torche crépitante qui attendait au pied du bois. En un instant le bûcher s'embrase, et le vent de l'océan emporte dans sa course vers les étoiles les bribes de fumée qui s'élèvent.
...Maien Skyshiel.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Longs couloirs…
Plafonds perdus dans l’ombre…
Hautes ogives ouvertes sur rien…
Bassins de brume blanche vaporeuse…
L’âme instable s’avance dans cet étrange endroit qui fluctue autour d’elle, se déforme et se reforme selon les runes de l’alphabet primal qui, inscrites sur les murs d’une pierre froide et irréelle, donnent le silence fondamental du lieu. Les blocs ainsi assemblés ne libèrent aucune émotion. Le Temps lui-même n’a aucune prise et s’enroule autour de ces murs pour se mordre la queue.
Ici règnent le silence et l’attente.
L’âme parcourt ces couloirs depuis une éternité et demie, survolant les brumes sans s’y enfoncer, remontant et descendant des rampes, passant sous des portiques blêmes sans jamais briser l’épais silence qui enveloppe et baigne tout, tangible et résonnant inversement contre les dalles lissées.
Les murs glacés ne renvoient que l’écho à peine visible des pensées tremblantes de la conscience de l’âme, à peine éveillée.
Puis un portail arrondi se dresse. Derrière lui il n’y a que les ténèbres. De lui pulse une légère vibration, comme les battements d’un cœur piégé dans une salle vide et obscure.
Alors, deux esprits moindres se profilent sous l’âme et s’élancent silencieusement. Et l’âme elle ne peut que se presser contre le portail qu’elle ne peut pas traverser. C’est un passage à sens unique.
Seules deux esquilles ont passé la frontière.
Dawn Syluin se réveilla brutalement. La pulsation s’estompa lentement de son esprit, ne laissant que l’impression que quelque chose arrivait, quelque chose de mauvais.
Un grognement dans la pénombre, non loin, ne fit qu’accentuer son malaise et il devina que les autres l’avaient senti aussi.
Une lueur s’approcha de lui et il discerna bientôt Reniel, s’approchant une chandelle luisante à la main.
« Il s’est passé un truc magique, c’est ça ? »
« Oui. Et ça n’aurait pas dû arriver. »
Il se leva et alla ouvrir la petite lucarne. Dans l’air frais de la nuit, sur le velours sombre du ciel, les deux lunes le dévisageaient, impassibles.
Il soupira et se rassit à sa table de travail sous le regard réprobateur de Reniel, qui planta néanmoins la chandelle sur son support.
« Vous devriez vous reposer. Vos blessures sont à peine refermées et… »
« Je n’ai plus le temps. J’étais encore en miettes quand j’ai offert ses funérailles à Maien. »
Sa gorge se serra et il baissa les yeux sur le livre, menaçant, ouvert à une page couverte de croquis de l’épée Grayswandir.
Pourvu qu’il ne soit pas déjà trop tard…
Lacis appela à lui toute sa puissance et poussa un couinement dépité.
Il avait raté les livres. Et maintenant, ils étaient hors de sa portée, ils étaient perdus, perdus !
Il avait même été incapable de localiser Grayswandir. Il en aurait pleuré.
Bien sûr, tout cela ne dépassa pas le stade de la pensée. Il resta à fixer le Néant.
La magie se retira avec un chuchotement aigre-doux et Lacis se mit à geindre.
Ses pouvoirs avaient en grande partie reflué à la mort de la Dame et son enveloppe charnelle était aussi faible –voire plus- que ce qu’elle était de son vivant. Que lui restait-il ?
Son savoir ? Il n’avait jamais eu le statut d’un véritable Asservi. Pourtant, pourtant…
Mais il lui fallait un puissant à servir. Un véritable puissant.
Plafonds perdus dans l’ombre…
Hautes ogives ouvertes sur rien…
Bassins de brume blanche vaporeuse…
L’âme instable s’avance dans cet étrange endroit qui fluctue autour d’elle, se déforme et se reforme selon les runes de l’alphabet primal qui, inscrites sur les murs d’une pierre froide et irréelle, donnent le silence fondamental du lieu. Les blocs ainsi assemblés ne libèrent aucune émotion. Le Temps lui-même n’a aucune prise et s’enroule autour de ces murs pour se mordre la queue.
Ici règnent le silence et l’attente.
L’âme parcourt ces couloirs depuis une éternité et demie, survolant les brumes sans s’y enfoncer, remontant et descendant des rampes, passant sous des portiques blêmes sans jamais briser l’épais silence qui enveloppe et baigne tout, tangible et résonnant inversement contre les dalles lissées.
Les murs glacés ne renvoient que l’écho à peine visible des pensées tremblantes de la conscience de l’âme, à peine éveillée.
Puis un portail arrondi se dresse. Derrière lui il n’y a que les ténèbres. De lui pulse une légère vibration, comme les battements d’un cœur piégé dans une salle vide et obscure.
Alors, deux esprits moindres se profilent sous l’âme et s’élancent silencieusement. Et l’âme elle ne peut que se presser contre le portail qu’elle ne peut pas traverser. C’est un passage à sens unique.
Seules deux esquilles ont passé la frontière.
Dawn Syluin se réveilla brutalement. La pulsation s’estompa lentement de son esprit, ne laissant que l’impression que quelque chose arrivait, quelque chose de mauvais.
Un grognement dans la pénombre, non loin, ne fit qu’accentuer son malaise et il devina que les autres l’avaient senti aussi.
Une lueur s’approcha de lui et il discerna bientôt Reniel, s’approchant une chandelle luisante à la main.
« Il s’est passé un truc magique, c’est ça ? »
« Oui. Et ça n’aurait pas dû arriver. »
Il se leva et alla ouvrir la petite lucarne. Dans l’air frais de la nuit, sur le velours sombre du ciel, les deux lunes le dévisageaient, impassibles.
Il soupira et se rassit à sa table de travail sous le regard réprobateur de Reniel, qui planta néanmoins la chandelle sur son support.
« Vous devriez vous reposer. Vos blessures sont à peine refermées et… »
« Je n’ai plus le temps. J’étais encore en miettes quand j’ai offert ses funérailles à Maien. »
Sa gorge se serra et il baissa les yeux sur le livre, menaçant, ouvert à une page couverte de croquis de l’épée Grayswandir.
Pourvu qu’il ne soit pas déjà trop tard…
Lacis appela à lui toute sa puissance et poussa un couinement dépité.
Il avait raté les livres. Et maintenant, ils étaient hors de sa portée, ils étaient perdus, perdus !
Il avait même été incapable de localiser Grayswandir. Il en aurait pleuré.
Bien sûr, tout cela ne dépassa pas le stade de la pensée. Il resta à fixer le Néant.
La magie se retira avec un chuchotement aigre-doux et Lacis se mit à geindre.
Ses pouvoirs avaient en grande partie reflué à la mort de la Dame et son enveloppe charnelle était aussi faible –voire plus- que ce qu’elle était de son vivant. Que lui restait-il ?
Son savoir ? Il n’avait jamais eu le statut d’un véritable Asservi. Pourtant, pourtant…
Mais il lui fallait un puissant à servir. Un véritable puissant.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Rislon Milloin :
Lady Ezall Syluin était surnommée la Mégère. Si elle faisait mine de ne pas entendre ces murmures, elle était parfaitement au fait de leur teneur, de qui les colportait, et, surtout, de qui en était l'origine.
Lord Mandor Syluin, son époux.
Ezall était l'exact opposé de cet homme dont la réputation d'excentrique, voire de fou, s'était aggravée ces dernières semaines. Dure et droite. Elle n'était pas belle, mais sans son habituel froncement de sourcils réprobateur, elle aurait pu paraître jolie. Mais elle était ce qu'elle était, une femme austère et froide.
Depuis des années, elle tissait sa toile autour de Mandor, n'attendant qu'un faux pas pour l'éliminer.
Conseillers, courtisans, assassins, nobles et mercenaires, marchands volés, négociants trahis, s'étaient succédés dans son bureau, apportant preuves, plans, informations, pistes.
Des années de machinations. Il ne manquait plus que l'occasion. Pourtant, elle venait de décider qu'il était temps; l'idée de vivre une nuit de plus avec cet homme lui était insupportable.
Elle déambulait donc le long du couloir menant au laboratoire, les deux assassins qu'elle avait mandés en retrait derrière elle.
Elle a atteint le battant et tendu la main vers la poignée...
La porte s'est ouverte brutalement et Ezall a reculé d'un pas sous le regard terriblement intense de Mandor, qui se tenait, légèrement voûté sur le côté, face à elle.
-Ezall ! a-t-il glapi en reculant, lui permettant ainsi d'entrer dans son antre envahi d'alambics désordonnés. Les deux hommes ont suivi la femme et Mandor a louché sur eux sans rien dire.
Ezall a plissé le nez. L'odeur sucrée qui régnait dans ce lieu...
-Que fabriques-tu dans ton trou, espèce de rat ? a-t-elle grondé.
-Ooooh, tu veux vraiment savoir ?
Mandor a largement souri en se tordant les doigts. La minute d'après, il vociférait, le regard fou.
- Tu es venue me tuer ! Elle me l'avait dit ! Elle voulait juste la substance, et maintenant qu'elle l'a...
Il a levé les bras au ciel, des larmes coulant sur son visage congestionné.
-... Je ne lui sers plus à rien !
- De quoi parles-tu, pauvre fou ?
Ezall a croisé les bras, froide et sévère, alors que son époux la fixait, le regard vide.
- Elle se sert de toi ! a-t-il alors meuglé comme une illumination traversait son regard. Elle...
Gargouillis.
- Tes déblatérations ne m'intéressent pas, a répondu Ezall tandis qu'un des deux assassins retirait sa lame de la gorge de Mandor.
Se détournant, elle a désigné les fioles et la verrerie et a lancé :
- Faites-moi exploser tout ceci."
Lady Ezall Syluin était surnommée la Mégère. Si elle faisait mine de ne pas entendre ces murmures, elle était parfaitement au fait de leur teneur, de qui les colportait, et, surtout, de qui en était l'origine.
Lord Mandor Syluin, son époux.
Ezall était l'exact opposé de cet homme dont la réputation d'excentrique, voire de fou, s'était aggravée ces dernières semaines. Dure et droite. Elle n'était pas belle, mais sans son habituel froncement de sourcils réprobateur, elle aurait pu paraître jolie. Mais elle était ce qu'elle était, une femme austère et froide.
Depuis des années, elle tissait sa toile autour de Mandor, n'attendant qu'un faux pas pour l'éliminer.
Conseillers, courtisans, assassins, nobles et mercenaires, marchands volés, négociants trahis, s'étaient succédés dans son bureau, apportant preuves, plans, informations, pistes.
Des années de machinations. Il ne manquait plus que l'occasion. Pourtant, elle venait de décider qu'il était temps; l'idée de vivre une nuit de plus avec cet homme lui était insupportable.
Elle déambulait donc le long du couloir menant au laboratoire, les deux assassins qu'elle avait mandés en retrait derrière elle.
Elle a atteint le battant et tendu la main vers la poignée...
La porte s'est ouverte brutalement et Ezall a reculé d'un pas sous le regard terriblement intense de Mandor, qui se tenait, légèrement voûté sur le côté, face à elle.
-Ezall ! a-t-il glapi en reculant, lui permettant ainsi d'entrer dans son antre envahi d'alambics désordonnés. Les deux hommes ont suivi la femme et Mandor a louché sur eux sans rien dire.
Ezall a plissé le nez. L'odeur sucrée qui régnait dans ce lieu...
-Que fabriques-tu dans ton trou, espèce de rat ? a-t-elle grondé.
-Ooooh, tu veux vraiment savoir ?
Mandor a largement souri en se tordant les doigts. La minute d'après, il vociférait, le regard fou.
- Tu es venue me tuer ! Elle me l'avait dit ! Elle voulait juste la substance, et maintenant qu'elle l'a...
Il a levé les bras au ciel, des larmes coulant sur son visage congestionné.
-... Je ne lui sers plus à rien !
- De quoi parles-tu, pauvre fou ?
Ezall a croisé les bras, froide et sévère, alors que son époux la fixait, le regard vide.
- Elle se sert de toi ! a-t-il alors meuglé comme une illumination traversait son regard. Elle...
Gargouillis.
- Tes déblatérations ne m'intéressent pas, a répondu Ezall tandis qu'un des deux assassins retirait sa lame de la gorge de Mandor.
Se détournant, elle a désigné les fioles et la verrerie et a lancé :
- Faites-moi exploser tout ceci."
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
Un billet de papier jauni a été joint à la dernière lettre. Le grain serré, le papier usé, l'écriture elle-même témoigne de l'âge de ce message et du fait qu'il n'a pas été écrit par l'auteur des lettres.
A la Dame.
La substance est prête. Comme convenu, les caisses ont été déposées à l'endroit désigné et au nombre voulu. Je ne saurais trop vous conseiller de la manier avec précautions, car nous ignorons encore les effets possibles sur un corps vivant. Nous n'avons pas poussé les tests.
Je continuerai mes recherches dans ce sens afin de permettre à vos sujets d'être les plus performants possibles, en attendant vos prochains ordres.
Votre serviteur, Loyauté.
PS : Renvoyez-moi Tempérance.
Il n'y aucune signature ou signe distinctif sur le billet. Aucune réponse à ce message ne semble avoir été jointe.
A la Dame.
La substance est prête. Comme convenu, les caisses ont été déposées à l'endroit désigné et au nombre voulu. Je ne saurais trop vous conseiller de la manier avec précautions, car nous ignorons encore les effets possibles sur un corps vivant. Nous n'avons pas poussé les tests.
Je continuerai mes recherches dans ce sens afin de permettre à vos sujets d'être les plus performants possibles, en attendant vos prochains ordres.
Votre serviteur, Loyauté.
PS : Renvoyez-moi Tempérance.
Il n'y aucune signature ou signe distinctif sur le billet. Aucune réponse à ce message ne semble avoir été jointe.
La Dame
Re: Crépuscule d'Acier, passé et présent.
"Tu perds pied ! Ressaisis-toi, bordel !"
J'ai plongé, mais la créature était trop rapide, trop insaisissable, fantôme de voiles noirs au sourire d'acier, tournoyant, fendant la chair et versant le sang.
Ma chair. Mon sang.
Malgré ma formation j'étais incapable de l'atteindre.
Sa lame a virevolté et j'ai dû esquiver en me jetant au sol. J'ai voulu poursuivre mon mouvement, l'acier m'a forcé à esquiver de nouveau.
Je ne faisais pas le poids. J'allais mourir dans ce souterrain, dans Berce-Âmes, au cœur même du saint des saints de feue la Dame.
La vivacité inhumaine de la créature restait la même tandis que je faiblissais, perdant mon sang par la multitude de coupures ouvertes dans ma peau, ses voiles m'enveloppaient et formaient autant de leurres, des silhouettes, des ombres qui apparaissaient et disparaissent au gré des mouvements de l'être, comme soufflées par un vent chaotique.
J'ai définitivement perdu pied.
"Allez, debout ! Debout ! Bon sang, tu as survécu à pire que ça ! Allez ! Debout !"
Je suis restée au sol. Mon sang commençait déjà à le napper.
J'entendais le cliquetis des nécrophages non loin...
J'ai entrevu les yeux, lumineux, au fond du capuchon...
Je crois que j'ai fermé les yeux.
J'ai repris conscience bien plus tard. La première chose qui ait frappé mon esprit, c'est l'absence de la créature. Le lieu avait perdu cette sorte de pénombre psychique due à la présence écrasante de cet être.
Que je me rende compte de cela m'a un peu rassurée. J'étais moins gravement blessée que je n'avais cru de prime abord.
La deuxième chose qui m'ait frappée, c'est qu'on me traînait.
Lentement. Par à-coups.
Mon sang sous moi réchauffait les dalles, alors que les esquilles de mes os brisés raclaient dans les rainures, s'y coinçant parfois; à ces moments-là, une brusque embardée me libérait. La douleur déchirait alors de ses doigts rouges le brouillard dans lequel s'enfonçait mon esprit.
On m'a lâchée. Une tête purulente est entrée dans mon champ de vision restreint. Un véritable cauchemar. Là où la peau avait été trop rongée par la pourriture pour tenir sur l'ossature, des rouages métalliques se révélaient. Puis la chose a croisé mon regard.
Je ne m'attendais pas à y voir cette lueur d'intelligence perverse. Aucune haine dans ce regard, non, juste une sorte d'indifférence teintée d'agacement.
Des doigts mous et sans doute difformes ont enserré mes chevilles.
Il s'est remis à me traîner quand deux nouvelles choses m'ont frappée.
La série de chiffres encore visible sur la chair rancie du cadavre ambulant, qui l'estampillait du numéro vingt-huit.
Des pas au-dessus de nous. Des pas vifs et réguliers. Des pas de vivant.
J'ai à nouveau perdu conscience lorsque le mort m'a tirée d'un coup sec pour dégager un os que la brisure faisait dépasser de ma chair pris dans une dalle fendue.
J'ai plongé, mais la créature était trop rapide, trop insaisissable, fantôme de voiles noirs au sourire d'acier, tournoyant, fendant la chair et versant le sang.
Ma chair. Mon sang.
Malgré ma formation j'étais incapable de l'atteindre.
Sa lame a virevolté et j'ai dû esquiver en me jetant au sol. J'ai voulu poursuivre mon mouvement, l'acier m'a forcé à esquiver de nouveau.
Je ne faisais pas le poids. J'allais mourir dans ce souterrain, dans Berce-Âmes, au cœur même du saint des saints de feue la Dame.
La vivacité inhumaine de la créature restait la même tandis que je faiblissais, perdant mon sang par la multitude de coupures ouvertes dans ma peau, ses voiles m'enveloppaient et formaient autant de leurres, des silhouettes, des ombres qui apparaissaient et disparaissent au gré des mouvements de l'être, comme soufflées par un vent chaotique.
J'ai définitivement perdu pied.
"Allez, debout ! Debout ! Bon sang, tu as survécu à pire que ça ! Allez ! Debout !"
Je suis restée au sol. Mon sang commençait déjà à le napper.
J'entendais le cliquetis des nécrophages non loin...
J'ai entrevu les yeux, lumineux, au fond du capuchon...
Je crois que j'ai fermé les yeux.
J'ai repris conscience bien plus tard. La première chose qui ait frappé mon esprit, c'est l'absence de la créature. Le lieu avait perdu cette sorte de pénombre psychique due à la présence écrasante de cet être.
Que je me rende compte de cela m'a un peu rassurée. J'étais moins gravement blessée que je n'avais cru de prime abord.
La deuxième chose qui m'ait frappée, c'est qu'on me traînait.
Lentement. Par à-coups.
Mon sang sous moi réchauffait les dalles, alors que les esquilles de mes os brisés raclaient dans les rainures, s'y coinçant parfois; à ces moments-là, une brusque embardée me libérait. La douleur déchirait alors de ses doigts rouges le brouillard dans lequel s'enfonçait mon esprit.
On m'a lâchée. Une tête purulente est entrée dans mon champ de vision restreint. Un véritable cauchemar. Là où la peau avait été trop rongée par la pourriture pour tenir sur l'ossature, des rouages métalliques se révélaient. Puis la chose a croisé mon regard.
Je ne m'attendais pas à y voir cette lueur d'intelligence perverse. Aucune haine dans ce regard, non, juste une sorte d'indifférence teintée d'agacement.
Des doigts mous et sans doute difformes ont enserré mes chevilles.
Il s'est remis à me traîner quand deux nouvelles choses m'ont frappée.
La série de chiffres encore visible sur la chair rancie du cadavre ambulant, qui l'estampillait du numéro vingt-huit.
Des pas au-dessus de nous. Des pas vifs et réguliers. Des pas de vivant.
J'ai à nouveau perdu conscience lorsque le mort m'a tirée d'un coup sec pour dégager un os que la brisure faisait dépasser de ma chair pris dans une dalle fendue.
Souvenir
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